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Date : 20150324


Dossier : T-1608-14

Référence : 2015 CF 368

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2015

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

JULIA JUSTINE PURVIS

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le ministre fait appel de la décision d’un juge de la citoyenneté conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 [la Loi]. Cette disposition a depuis été remplacée par un régime de contrôle judiciaire, mais l’article 39 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, LC 2014, c 22 [la LRCC] précise clairement que la procédure d’appel continue de régir les dossiers qui ont été ouverts et n’ont pas été menés à leur terme avant l’entrée en vigueur de l’article 20 de la LRCC. L’article 20 est entré en vigueur le 1er août 2014 – c’est-à-dire après que le ministre a interjeté le présent appel. Par conséquent, c’est le régime prévu par le paragraphe 14(5) qui régit la présente instance.

[2]               Le ministre prie la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision d’un juge de la citoyenneté qui a accordé la citoyenneté canadienne à la défenderesse, Mme Purvis. La défenderesse n’a pas déposé de documents, mais, avec l’autorisation de la Cour, elle a comparu à l’audience par téléconférence, sans être représentée par un avocat, pour soutenir que la décision devrait être maintenue. Pour les motifs exposés ci-après, l’appel du ministre est rejeté.

I.                   Le contexte

[3]               Mme Purvis est citoyenne des États-Unis d’Amérique. Elle a épousé un citoyen canadien en 1988 et est devenue résidente permanente du Canada en 1989. Elle a vécu avec son mari à Lethbridge, en Alberta, jusqu’en 1996. Ils y ont eu deux fils. En 1996, la famille s’est réinstallée à Great Falls, au Montana, pour que Mme Purvis puisse y établir une clinique chiropratique. C’était la dernière année pour laquelle Mme Purvis avait produit une déclaration de revenu canadienne. Dans sa demande de citoyenneté, elle expliquait qu’elle était retournée à Lethbridge avec sa famille en 2005 dans l’espoir de vendre sa clinique de Great Falls.

[4]               Cependant, Mme Purvis n’a pas réussi à vendre la clinique. C’est pourquoi, même si elle vit à Lethbridge, elle se rend régulièrement à Great Falls pour maintenir la clinique en activité afin qu’elle conserve sa valeur et puisse finalement être vendue.

[5]               Dans sa demande de citoyenneté, Mme Purvis écrivait qu’elle part en général pour Great Falls chaque lundi matin, pour revenir le mercredi après-midi. Elle passe le reste de la semaine à Lethbridge.

[6]               Mme Purvis a demandé la citoyenneté canadienne le 4 février 2012. La période de quatre ans qui a servi à évaluer l’obligation de résidence prévue par l’alinéa 5(1)c) de la Loi allait donc du 4 février 2008 au 4 février 2012.

[7]               Dans sa demande de citoyenneté, Mme Purvis déclarait qu’elle avait été absente du Canada durant 288 jours en raison de ses déplacements à Great Falls. Le 20 mars 2013, Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] lui a envoyé une lettre lui demandant un compte rendu plus détaillé de ses absences. Mme Purvis a rempli et retourné un formulaire précisant qu’elle avait été absente durant un total de 304 jours. Or, dans une lettre annexée, elle expliquait qu’elle avait été absente durant 294 jours, chiffre obtenu en multipliant 147 voyages aux États-Unis par une durée de deux jours par voyage. Elle a aussi annexé au formulaire son dossier d’antécédents de voyage du SIED que lui avait remis l’Agence des services frontaliers du Canada, un dossier qui indique ses passages enregistrés à la frontière du 1er août 2000 au 16 avril 2013.

[8]               Le 18 juin 2013, Mme Purvis a présenté un questionnaire sur la résidence accompagné de plusieurs justificatifs. Dans la section « Absences du Canada », elle se référait aux documents qu’elle avait déjà envoyés à CIC.

[9]               Le 18 janvier 2014, CIC a invité Mme Purvis à se présenter à une entrevue qui devait permettre de vérifier son identité et ses documents. Le 18 février 2014, elle a été interrogée par une agente de la citoyenneté, qui l’a informée qu’il lui faudrait se présenter à un juge de la citoyenneté pour une entrevue.

[10]           Trois jours plus tard, l’agente a rédigé un modèle pour la préparation et l’analyse du dossier [MPAD] et l’a versé dans le dossier pour examen par le juge de la citoyenneté. Le MPAD est un document protégé qui, faisant partie du dossier certifié du tribunal, n’est pas divulgué. L’agente a établi, pour la présente instance, un affidavit dans lequel elle affirmait avoir écrit dans le MPAD qu’il lui était impossible de juger du temps de résidence de la défenderesse au Canada, puisque la défenderesse n’avait pas fourni une liste détaillée de ses absences et que le rapport du SIED montrait que son calcul estimatif était inexact – étant donné qu’elle revient parfois des États-Unis le jeudi, le vendredi ou même la fin de semaine.

[11]           Mme Purvis s’est présentée à un juge de la citoyenneté le 16 avril 2014. Par décision datée du 27 mai 2014, le juge de la citoyenneté a approuvé sa demande de citoyenneté.

[12]           Dans sa décision, le juge de la citoyenneté commence par noter qu’un total de 304 jours d’absence était indiqué dans le MPAD. Il fait observer que cela donne 1 156 jours de présence physique, ce qui ne laisse aucun déficit puisque le minimum requis est de 1 095 jours.

[13]           Le juge de la citoyenneté décrit ensuite le témoignage de Mme Purvis. Elle avait affirmé qu’elle [traduction] « n’avait aucune vie à Great Falls » et qu’elle y travaillait tout comme on travaillerait dans un campement de l’industrie pétrolière. Si elle n’a pas produit de déclaration de revenu au Canada, c’est parce que tout le revenu qu’elle retire de son cabinet de chiropratique reste aux États-Unis. Le juge de la citoyenneté relève que Mme Purvis n’est pas déclarée comme personne à charge dans les déclarations de revenu de son mari.

[14]           Puis le juge de la citoyenneté écrit qu’il n’y a [traduction] « aucune raison évidente de douter de la crédibilité de la candidate ». Il formule ainsi les deux points à décider : [traduction] « ses jours de présence physique, et ensuite son lieu de résidence (selon le critère de la décision Koo) ».

[15]           S’agissant de la présence physique, le juge de la citoyenneté note que la durée maximale de résidence de Mme Purvis se chiffre à 1 176 jours, à supposer que les entrées de 2008 figurant dans le rapport du SIED soient complètes, [traduction] « ce qu’elles ne peuvent être ». Si elle a travaillé environ 36 semaines en 2008, ce qui correspond à son année de travail, alors sa présence physique probable se chiffre à 1 146 jours. Le juge de la citoyenneté relève que, quand le rapport du SIED devient régulier, Mme Purvis revient tôt des États-Unis presque aussi souvent qu’elle en revient tard. En 2010, ses séjours plus longs et ses séjours plus courts se neutralisaient.

[16]           Le juge de la citoyenneté admet s’efforcer de [traduction] « compenser le fait que l’ASFC n’a pas consigné certains passages à la frontière terrestre ». Il est évident que Mme Purvis se trouve au Canada plus souvent qu’elle n’est à l’extérieur du Canada. Le juge de la citoyenneté confirme qu’elle [traduction] « compte certainement plus de 900 jours, qu’elle en compte presque certainement plus de 1 000, et qu’elle en compte très probablement plus de 1 095 ». Considérant son absence de deux jours par semaine comme la norme et présumant qu’elle travaillait [traduction] « sans doute 44 semaines par année », le juge de la citoyenneté conclut qu’elle aurait été physiquement présente au Canada durant 1 008 jours.

[17]           Pour les [traduction] « besoins du raisonnement », le juge de la citoyenneté se demande ensuite si Mme Purvis [traduction] « répond au critère de la décision Koo ». Elle faisait valoir, d’une manière crédible, qu’elle n’a aucune vie sociale à Great Falls. Tout ce qu’elle y fait, c’est travailler et dormir. Toutefois, elle n’a jamais produit de déclaration de revenu au Canada et n’a pas été déclarée comme personne à charge par son mari. Le juge de la citoyenneté explique que [traduction] « l’on produit en principe sa déclaration de revenu lorsqu’on se considère comme un résident ». Il dit que sans doute l’entreprise de Mme Purvis est de toute façon imposée aux États-Unis, de sorte que [traduction] « l’on peut conjecturer qu’elle conserve la majeure partie des bénéfices dans l’entreprise, en prévision du jour où elle la vendra ou prendra sa retraite ».

[18]           Le juge de la citoyenneté poursuit ainsi : [traduction] « On pourra se souvenir que la famille est revenue au Canada en 2005 pour le hockey des enfants (ce qui est attesté), de sorte que l’on pourrait penser qu’aucun autre lien avec le Canada n’est nécessaire ».

[19]           Le juge de la citoyenneté rend la décision suivante : [traduction] « Puisque le critère de la présence physique est le plus rigoureux des critères de la résidence, il faut décider d’abord si la candidate répond selon toute vraisemblance à la condition de résidence simplement par sa présence physique et, selon la prépondérance de la preuve, il semble que la réponse est affirmative. DEMANDE APPROUVÉE ».

[20]           Après que la décision a été rendue, le ministre a interjeté appel.

II.                Les questions en litige

[21]           L’appel du ministre soulève deux points :

1.                  Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en fusionnant le critère quantitatif et le critère qualitatif?

2.                  Le juge de la citoyenneté a-t-il rédigé des motifs déficients pour conclure que la défenderesse répondait soit au critère quantitatif, soit au critère qualitatif?

III.             La norme de contrôle

[22]           La manière dont le juge de la citoyenneté a évalué le temps de résidence de la défenderesse au Canada doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable : arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47, 53, 55 et 62; décision Farag c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 783, aux paragraphes 24 à 26.

[23]           Le ministre affirme, à juste titre, que le caractère adéquat des motifs d’une décision ne justifie pas à lui seul l’annulation de la décision. La norme de contrôle à appliquer pour savoir si les motifs du juge de la citoyenneté sont adéquats est aussi la norme de la décision raisonnable : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 22 [l’arrêt NL Nurses].

IV.             Analyse

[24]           Incontestablement, le juge de la citoyenneté a rédigé une décision qui laisse amplement à désirer. Pourtant, elle donne une explication intelligible, transparente et justifiable de l’attribution de la citoyenneté canadienne à Mme Purvis. La question est donc de savoir si les autres observations du juge de la citoyenneté dénaturent sa décision au point de la rendre déraisonnable.

[25]           En dépit des arguments très habiles du ministre, la Cour est d’avis que son appel ne peut pas être accueilli. Mme Purvis a présenté suffisamment d’information pour qu’une décision soit rendue en sa faveur, mais le juge de la citoyenneté a inexplicablement agrémenté sa décision favorable de conclusions hors de propos et contradictoires. La Cour s’en tiendra aux motifs qu’avait le juge de la citoyenneté de faire droit à la demande de Mme Purvis et elle confirmera sa décision.

A.                Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en fusionnant le critère quantitatif et le critère qualitatif?

[26]           Il est bien établi en droit qu’un juge de la citoyenneté peut validement se fonder sur l’un de trois critères de résidence : (1) le critère quantitatif établi dans la décision Re Pourghasemi, [1993] ACF n° 232 (1re inst.) [l’arrêt Pourghasemi]; (2) le critère qualitatif établi dans la décision Re Papadogiorgakis, [1978] ACF n° 31 (1re inst.) [la décision Papadogiorgakis]; ou (3) le critère qualitatif modifié établi dans la décision Re Koo, [1992] ACF n° 1107 (1re inst.) [la décision Koo].

[27]           Comme je l’expliquais dans la décision Hao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 46, aux paragraphes 14 à 19, ces précédents établissent en réalité deux critères parce que la décision Koo ne fait que développer la décision Papadogiorgakis. Il y a donc le critère quantitatif, celui de la présence physique, issu de la décision Pourghasemi, et le critère qualitatif, issu des décisions Koo et Papadogiorgakis.

[28]           Cependant, la jurisprudence de la Cour empêche les juges de la citoyenneté de « fusionner » le critère quantitatif et le critère qualitatif dans la même affaire : voir par exemple Mizani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 698, au paragraphe 13; Vega c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1079, au paragraphe 13; Saad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 570, au paragraphe 19; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Bani-Ahmad, 2014 CF 898, aux paragraphes 18 et 19 [la décision Bani-Ahmad].

[29]           Un juge de la citoyenneté ne peut approuver une demande si le candidat satisfait partiellement aux conditions de chaque critère, sans satisfaire pleinement aux conditions de l’un ou de l’autre : voir par exemple la décision Vega, précitée, au paragraphe 13. Le revers de la médaille est que le juge de la citoyenneté ne peut, après avoir conclu que le candidat à la citoyenneté satisfait au critère qu’il a décidé d’appliquer, refuser la demande du seul fait que le candidat n’aurait pas satisfait à l’autre critère : voir par exemple la décision Saad, précitée, au paragraphe 19.

[30]           Mon collègue le juge LeBlanc a résumé le droit sur ce point, dans la décision Bani‑Ahmad, précitée, au paragraphe 25 :

Comme je l’ai indiqué précédemment, compte tenu de l’état actuel de la jurisprudence, le juge de la citoyenneté peut choisir parmi les trois critères de résidence celui qu’il souhaite appliquer dans une affaire donnée. Dans ce contexte singulier, insuffisant au regard de l’uniformité et de la certitude de la loi, le juge de la citoyenneté doit pour le moins énoncer le plus clairement possible, dans chaque cas, le critère choisi pour évaluer si le demandeur répond aux exigences en matière de résidence prévues par la Loi. À mon avis, cette exigence est donc essentielle pour permettre à la Cour de comprendre le fondement de la conclusion du juge de la citoyenneté sur les exigences en matière de résidence.

[31]           Au vu des faits qui lui avaient été soumis, le juge LeBlanc a conclu qu’il y avait erreur susceptible de révision. Le juge de la citoyenneté ne s’était référé explicitement à aucun des critères. Comme le faisait observer le juge LeBlanc au paragraphe 30, il s’était également contredit en écrivant que le candidat n’avait pas vécu au Canada durant 1 095 jours, mais qu’il répondait au minimum légal établi pour la présence physique.

[32]           Les faits dont il s’agit ici ne sont pas les mêmes. Le juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté de Mme Purvis en se fondant sur le critère quantitatif, encore qu’il ait compliqué inutilement les choses en invoquant le critère Koo [traduction] « pour les besoins du raisonnement ». La décision aurait certainement été plus claire sans cette complication. Or, le ministre lui-même concède que le juge de la citoyenneté n’a pas rendu sa décision en se fondant sur le critère de la décision Koo.

[33]           Si malencontreux que puissent être les remâchements du juge de la citoyenneté sur la décision Koo, la Cour n’est pas convaincue qu’ils ont altéré son analyse fondée sur le critère quantitatif. Il n’y a pas eu erreur susceptible de révision.

B.                 Le juge de la citoyenneté a-t-il rédigé des motifs déficients pour conclure que la défenderesse répondait soit au critère quantitatif, soit au critère qualitatif?

[34]           Le ministre admet que les décisions administratives appellent la retenue judiciaire même lorsque leurs motifs ne sont pas parfaits. Or, le ministre soutient qu’en l’espèce, les motifs du juge de la citoyenneté n’atteignent pas le niveau de transparence et d’intelligibilité qui est requis pour qu’il soit possible de comprendre pourquoi et comment il est arrivé à sa décision : arrêt NL Nurses, précité, au paragraphe 16. Selon le ministre, le juge de la citoyenneté n’est pas arrivé à une conclusion fondée sur le critère de la décision Koo et s’est égaré dans de multiples estimations contradictoires des jours de présence physique de la défenderesse.

[35]           La Cour reconnaît avec le ministre que le juge de la citoyenneté n’est pas arrivé à une conclusion fondée sur le critère Koo. Il a émis l’opinion que [traduction] « l’on pourrait penser » que l’inscription des enfants dans une école canadienne de hockey constitue un lien suffisant avec le pays selon le critère Koo, mais c’est une opinion qui en soi n’a pas été déterminante. Le présent appel concerne la question de savoir si la manière dont le juge de la citoyenneté a appliqué le critère quantitatif était ou non raisonnable.

[36]           Il est bien établi en droit que c’est au candidat à la citoyenneté canadienne qu’il appartient d’établir, par une preuve suffisante, le nombre de jours où il a été présent physiquement au Canada : voir par exemple la décision Atwani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1354, au paragraphe 12.

[37]           Mme Purvis n’a pas produit une preuve parfaite, mais elle a fait un effort raisonnable en ce sens. Ainsi, elle avait demandé un rapport du SIED. Même si ce rapport est censé donner l’historique de ses entrées au Canada, il est incomplet, pour des raisons qui ne dépendaient pas d’elle. Puisque les autorités frontalières n’ont pu remettre à Mme Purvis un document fiable, tout ce qu’elle pouvait offrir était ses propres estimations. Elle a donné trois estimations de ses absences, de bonne foi, à divers stades du traitement de sa demande de citoyenneté : 288, 294 et 304.

[38]           Le juge de la citoyenneté a trouvé que même l’estimation la plus élevée était probablement trop basse. Après examen du rapport du SIED et des explications de Mme Purvis, qu’il a jugé crédibles, il a corrigé les lacunes du rapport du SIED pour 2008 pour y inclure 36 semaines de travail. Il est arrivé à 346 absences, pour une présence physique de 1 146 jours. Il a remarqué que le rapport du SIED indiquait presque autant de retours anticipés que de retours tardifs, de sorte que ces retours s’annulaient et rendaient raisonnable l’estimation par Mme Purvis de deux jours d’absence par semaine.

[39]           Selon la Cour, il était loisible au juge de la citoyenneté d’arriver à la conclusion ci‑dessus. Cette conclusion appartient aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[40]           Cependant, le juge de la citoyenneté a compliqué les choses en se livrant à des conjectures. Appliquant divers calculs, il a supposé que les jours de présence physique de Mme Purvis se chiffraient à [traduction] « certainement plus de 900 jours, […] presque certainement plus de 1 000, et […] très probablement plus de 1 095 ». Il a aussi donné le chiffre de 1 008 jours.

[41]           La Cour est d’avis que cette supposition inopportune n’a pas influé sur la décision du juge de la citoyenneté. La supposition n’annule pas la conclusion raisonnable selon laquelle Mme Purvis remplissait la condition de résidence. La Cour se fonde sur l’arrêt NL Nurses pour maintenir la décision, qui est raisonnable au vu du dossier et au vu d’une partie des motifs.

[42]           Finalement, on pourrait être tenté de voir dans les arguments du ministre l’idée que le juge de la citoyenneté n’est pas arrivé à une conclusion ferme sur les jours de présence physique parce qu’il a employé des mots tels que « probablement » et « vraisemblablement ». Il n’y a aucune raison de penser cela. Un juge de la citoyenneté a pour mandat de calculer les jours de résidence d’un candidat à la citoyenneté en se fondant sur la prépondérance des probabilités. Le droit n’a jamais exigé la certitude. Une conclusion selon laquelle il est vraisemblable qu’un candidat réponde au critère de résidence justifie l’octroi de la citoyenneté.

[43]           L’appel du ministre est rejeté. La Cour ne peut certifier une question de portée générale en vue d’un appel parce que l’affaire est régie par le paragraphe 14(5) de la Loi, et non par les nouveaux articles 22.1 et 22.2 qui ont établi un régime de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel interjeté contre la décision du juge de la citoyenneté est rejeté. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1608-14

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c JULIA JUSTINE PURVIS

LIEU DE L’AUDIENCE :

ottawa (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MARS 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 24 MARS 2015

COMPARUTIONS :

M Jennifer Lee

POUR LE demandeur

Julia Justine Purvis

POUR LA défenderesse

(pour son propre compte)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE demandeur

Julia Justine Purvis

Lethbridge (Alberta)

POUR LA défenderesse

(pour son propre compte)

 

 

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