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Date : 20150109


Dossier : IMM-5138-13

Référence : 2015 CF 32

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

ALASSAN WILLIAMS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Par la présente requête, le demandeur interjette appel de l’ordonnance datée du 5 novembre 2014 dans laquelle le protonotaire Morneau a rejeté la requête que le demandeur avait présentée afin d’obtenir une ordonnance l’autorisant à produire un nouvel élément de preuve au moyen d’un affidavit supplémentaire, soit un courriel de la procureure en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (le TSSL), ainsi qu’un mémoire supplémentaire lié à l’affidavit supplémentaire en question et fondé sur celui-ci.

II.                Faits

[2]               Dans un rapport préparé le 21 avril 2009 conformément au paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la Loi) il a été conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 35(1)a), en raison de ses liens avec le Conseil révolutionnaire des forces armées (le CRFA) et avec le Front révolutionnaire uni de la Sierra Leone (le FRU).

[3]               Le 15 janvier 2010, la Section de l’immigration (la SI) a conclu qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire que le demandeur était interdit de territoire en application de l’alinéa 35(1)a) de la Loi. Au cours de l’audience, la SI a entendu le témoignage du demandeur et celui de M. Robert Hotson, un ancien enquêteur criminel supérieur au Bureau du Procureur du TSSL.

[4]               L’avocat du demandeur a tenté de joindre le TSSL au nom de son client afin de lui demander des renseignements au sujet de celui-ci et de ses liens avec le CRFA et le FRU. Le TSSL a refusé cette demande le 12 octobre 2012, expliquant qu’il ne fournissait pas de renseignements aux particuliers.

[5]               Le défendeur a interjeté appel de la décision de la SI auprès de la Section d’appel de l’immigration (la SAI). Le 25 juillet 2013, la SAI a conclu que le demandeur avait eu des liens tant avec le CRFA qu’avec le FRU entre 1997 et 2001 et qu’il était donc complice des crimes contre l’humanité que ces organisations avaient commis. Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur.

[6]               Le 2 août 2013, le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SAI, en invoquant comme principal motif le fait que la SAI avait admis le témoignage de M. Hotson et s’était fondée sur celui-ci. Le demandeur conteste notamment les renseignements que M. Hotson a obtenus d’une source anonyme et selon lesquels une photographie du demandeur est identifiée comme étant celle d’un dénommé « Andrew » (ancien membre du CRFA et du FRU) et déplore le fait que ces renseignements n’ont pas été vérifiés en bonne et due forme par le Bureau du Procureur du TSSL. Le demandeur a également contesté les conclusions de la SAI au sujet de ses pièces d’identité, de la possession de photographies montrant des atrocités et de l’identification d’une personne en tenue militaire qui figure sur certaines des photographies en question.

[7]               L’avocat du demandeur a communiqué avec le TSSL le 21 août 2013; cependant, encore là, aucun renseignement n’a été fourni.

[8]               Le 27 septembre 2013, le défendeur a reçu de Mme Brenda Hollis, la procureure en chef du TSSL, un courriel dans lequel celle-ci a souligné, notamment, que le Bureau du Procureur du TSSL était incapable de confirmer l’identité de la personne apparaissant sur la photo ou celle de la source anonyme et qu’il ne pouvait confirmer que l’identification de la personne apparaissant sur la photo était corroborée par d’autres sources ou par une enquête indépendante, que l’authenticité des pièces d’identité du demandeur avait été vérifiée et qu’il était possible que les photos des atrocités aient été rendues publiques.

[9]               Le 7 octobre 2013, Mme Hollis a avisé l’avocat du demandeur qu’elle avait transmis des renseignements concernant celui-ci aux autorités canadiennes et que, s’il souhaitait obtenir ces renseignements, il devrait passer par le gouvernement canadien, parce que le TSSL ne traitait pas avec les particuliers. L’avocat du demandeur a demandé des éclaircissements et, le 31 octobre 2013, Mme Hollis a fait savoir que l’information transmise aux autorités canadiennes [traduction] « constituait une explication du fait qu’[ils] étaient incapables de confirmer certains des renseignements donnés par un témoin ».

[10]           Pendant les neuf mois qui ont suivi la date à laquelle Mme Hollis l’avait joint pour la première fois, le demandeur a tenté à maintes reprises d’obtenir les renseignements que celle-ci avait communiqués au défendeur. Ainsi, il a présenté des demandes de communication directement à l’avocat du défendeur et au représentant de l’Agence des services frontaliers du Canada, ainsi que des demandes d’accès à l’information en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21 (la LPRP), en plus de déposer des plaintes auprès du commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

[11]           Le demandeur a obtenu de la Cour fédérale des directives portant que l’affaire était en suspens et accordant des prorogations de délai afin de lui permettre de recevoir les renseignements qu’il avait sollicités dans le cadre de ses demandes d’accès à l’information et des plaintes qu’il avait déposées auprès du commissaire à la protection de la vie privée. Le défendeur s’est opposé à ces prorogations et, comme l’a souligné le juge Phelan dans son ordonnance du 4 juin 2013, [traduction] « il a bien pris soin de ne pas affirmer que ces documents n’étaient pas en sa possession ou qu’il en ignorait l’existence ou le contenu ou encore s’ils étaient pertinents ou admissibles ».

[12]           Le 25 juin 2014, le demandeur a déposé une requête en communication, ce qui semble avoir donné lieu à d’autres échanges entre les parties dans le cadre desquels le défendeur a mis quelques documents à la disposition du demandeur au début de juillet 2014. Le demandeur a répliqué que ces documents ne répondaient pas à la requête en communication et le défendeur a plus tard envoyé au demandeur le courriel qu’il avait reçu de Mme Hollis (le courriel). Le demandeur a abandonné la requête en communication le 11 septembre 2014 et s’est réservé le droit de déposer une requête en vue d’obtenir l’autorisation de produire les renseignements.

[13]           Le 24 septembre 2014, le demandeur a signifié et déposé la requête en vue de produire un nouvel élément de preuve et c’est cette requête qui sous-tend le présent appel.

III.             Décision attaquée

[14]           Le protonotaire Morneau a conclu que le courriel n’avait pas été porté à l’attention de la SAI et ne pouvait l’avoir été. Pour cette raison, il a décidé que le courriel n’était pas admissible en preuve dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Il a ajouté que la Cour fédérale ne pouvait pas considérer que la SAI avait commis un manquement à l’équité procédurale. Je ne crois pas que cette dernière conclusion signifie que le protonotaire Morneau estimait qu’il n’avait pas compétence pour examiner une allégation de manquement à l’équité procédurale, mais plutôt qu’il ne voyait rien d’inéquitable dans le fait de ne pas permettre la production d’un nouvel élément de preuve aux fins de la demande de contrôle judiciaire.

IV.             Questions en litige

[15]           Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La Cour fédérale a-t-elle compétence pour instruire le présent appel?
  2. Le protonotaire a-t-il fondé sa décision sur un principe erroné en concluant qu’il ne pouvait pas considérer qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale de la part de la SAI relativement à la demande présentée par le demandeur dans le but de produire un nouvel élément de preuve?

V.                Norme de contrôle

[16]           Selon la norme de contrôle applicable à l’égard d’une ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire, le juge de la Cour fédérale ne doit modifier cette ordonnance que si, selon le cas : a) le protonotaire a commis une erreur de droit, notamment en exerçant son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits ou b) l’ordonnance visée soulève une question déterminante pour l’issue de l’affaire (Merck & Co. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 RCF 459; Canada c Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 CF 425, aux pages 462 et 463).

VI.             Analyse

A.                Compétence

[17]           Le défendeur soutient que la Cour fédérale n’a pas compétence pour instruire la requête, étant donné qu’il s’agit d’un appel d’une décision interlocutoire, laquelle n’est pas susceptible d’appel suivant l’alinéa 72(2)e) de la Loi. Le paragraphe 72(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

72. (2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

72. (2) The following provisions govern an application under subsection (1):

a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;

(a) the application may not be made until any right of appeal that may be provided by this Act is exhausted;

b) elle doit être signifiée à l’autre partie puis déposée au greffe de la Cour fédérale — la Cour — dans les quinze ou soixante jours, selon que la mesure attaquée a été rendue au Canada ou non, suivant, sous réserve de l’alinéa 169f), la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance;

(b) subject to paragraph 169(f), notice of the application shall be served on the other party and the application shall be filed in the Registry of the Federal Court (“the Court”) within 15 days, in the case of a matter arising in Canada, or within 60 days, in the case of a matter arising outside Canada, after the day on which the applicant is notified of or otherwise becomes aware of the matter;

c) le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour;

(c) a judge of the Court may, for special reasons, allow an extended time for filing and serving the application or notice;

d) il est statué sur la demande à bref délai et selon la procédure sommaire et, sauf autorisation d’un juge de la Cour, sans comparution en personne;

(d) a judge of the Court shall dispose of the application without delay and in a summary way and, unless a judge of the Court directs otherwise, without personal appearance; and

e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d’appel.

(e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[18]           Le demandeur soutient que sa requête est présentée conformément à l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). À cet égard, il cite les décisions Spring c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 41, 243 ACWS (3d) 936, et Douze c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1086, 375 FTR 195. Cependant, la question de la compétence de la Cour fédérale n’a été soulevée dans aucune de ces affaires. De plus, au paragraphe 16 de l’arrêt HD Mining International Ltd. c Construction and Specialized Worker Union, section locale 1611, 2012 CAF 327, 442 NR 325, la Cour d’appel fédérale a statué que les questions procédurales préliminaires ne pouvaient être exclues de la catégorie des mesures prises dans le cadre de la LIPR par l’article 51 des Règles, parce que cette exclusion reviendrait à dépouiller l’article 72 de la LIPR de son objet. Si l’alinéa 72(2)e) s’applique aux protonotaires, il exclurait de la même façon les ordonnances visées à l’article 51 des Règles.

[19]           Le demandeur ajoute que le véritable objet de l’alinéa 72(2)e) de la Loi était d’interdire les appels des décisions interlocutoires de la Cour fédérale et non les appels des décisions des protonotaires devant un juge de la Cour fédérale. Dans son ordonnance du 20 novembre 2014 dans laquelle il a reporté l’examen de la demande d’autorisation du demandeur jusqu’à ce que soit tranché l’appel interjeté à l’encontre de la décision du protonotaire Morneau, le juge Roy a commenté l’ambiguïté évidente des mots soulignés de la disposition précitée. Le juge Roy a ajouté que l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu dans Froom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 331, 312 NR 282 [Froom], concernait une décision interlocutoire du juge de la Cour fédérale qui est manifestement exclue par la disposition. J’admets être sensible à la position du demandeur, compte tenu du libellé de la disposition.

[20]           Cependant, un examen attentif de l’arrêt Froom montre que la Cour d’appel fédérale s’est fondée sur la décision que la Cour fédérale avait rendue dans Yogalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 233 FTR 74, 122 ACWS (3d) 750 [Yogalingam]. Dans cette affaire, le juge O’Keefe a décidé que l’alinéa 72(2)e) de la Loi privait la Cour fédérale de sa compétence pour instruire un appel interjeté à l’encontre de la décision d’un protonotaire de rejeter une demande de prorogation du délai fixé pour la production du dossier de demande. De plus, il a été conclu à maintes reprises depuis Yogalingam et Froom, précités, qu’une ordonnance interlocutoire rendue par un protonotaire n’est pas susceptible d’appel (voir, par exemple, Lovemore c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 171, au paragraphe 2, 226 ACWS (3d) 918; Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 670, au paragraphe 7, 205 ACWS (3d) 1060; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1331, au paragraphe 3, 175 ACWS (3d) 14).

B.                 Équité procédurale

[21]           Néanmoins, le défendeur a reconnu que l’interdiction d’interjeter appel d’une ordonnance d’un protonotaire est permise [traduction] « lorsque le décideur a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire ou lorsqu’une crainte raisonnable de partialité existe ». Le demandeur soutient que cette exception devrait s’appliquer aux circonstances de la présente affaire, où l’élément de preuve visé par la demande de production établit ou donne à penser qu’un témoin clé a induit en erreur la SAI et le demandeur lui-même au cours de son témoignage, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale.

[22]           À mon avis, la décision du protonotaire soulève deux grands problèmes. D’abord, le protonotaire ne semble pas avoir tenu compte de l’importance du nouvel élément de preuve qui donne à penser que la SAI a été induite en erreur relativement à la preuve cruciale qui était déterminante pour l’affaire. Ensuite, il y avait lieu, à mon avis, de tenir compte de la raison pour laquelle le courriel n’avait pas été porté à l’attention de la SAI, malgré les efforts que le demandeur avait déployés pour l’obtenir avant la décision.

[23]           La thèse du demandeur, qui invoque le manquement à l’équité comme raison valable de présenter un nouvel élément de preuve, m’apparaît fondé et logique. Selon un principe reconnu depuis longtemps en droit administratif, [traduction] « il est permis de présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire lorsque les procédures sont entachées par une faute de la part du ministre ou encore d’un membre d’un tribunal inférieur ou des parties qui comparaissent devant lui, afin de prouver la faute en question » (voir R c West Sussex Quarter Sessions, ex p Albert and Maud Johnson Trust Ltd, [1973] 3 All ER 289, aux pages 298 et 301 [non souligné dans l’original] [West Sussex]). L’arrêt West Sussex a également été cité dans R c Secretary of State for the Environment and another, ex parte Powis, [1981] 1 All ER 788, où la Cour d’appel de l’Angleterre a examiné les catégories de nouveaux éléments de preuve admissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[24]           Une conclusion prima facie d’absence de fondement des déclarations inculpatoires formulées contre une partie vulnérable par la personne qui mène une enquête au sujet des crimes reprochés a un arrière-goût d’injustice. Dans West Sussex, cette conclusion a été jugée tout aussi préoccupante que la faute commise par un membre du tribunal, laquelle se compare généralement à la conduite partiale du décideur en raison du manquement à l’équité qu’elle entraîne pour la partie lésée.

[25]           Le nouvel élément de preuve tend à montrer qu’une faute a été commise et il est indéniable que la preuve par ouï-dire importante que la SAI a invoquée pour conclure que le demandeur était interdit de territoire ne reposait sur aucun fondement. Cette conclusion constitue de toute évidence une conséquence très grave pour le demandeur, qui n’a aucun autre moyen de se défendre contre une allégation aussi grave, si ce n’est en vérifiant la preuve dans un pays étranger. Étant donné qu’il a fait cette démarche et qu’il a obtenu un élément de preuve qui semble révéler le manque de fondement de la décision de la SAI, l’intérêt de la justice milite fortement en faveur de l’admission de la preuve afin de permettre au demandeur de blanchir sa réputation et de corriger la situation.

[26]           L’importance de la preuve que le demandeur souhaite produire ressort nettement des mesures extraordinaires que le défendeur a prises pour l’empêcher d’obtenir une copie des communications du Bureau du Procureur du TSSL et de présenter ces renseignements à la Cour.

[27]           Le défendeur a obtenu les documents après que le demandeur en eut fait la demande au Bureau du Procureur du TSSL, mais il n’a pas informé le demandeur du fait qu’il les avait reçus. Lorsque le demandeur a appris que la réponse du procureur se trouvait en la possession du défendeur, celui‑ci a refusé de produire les documents demandés. Par la suite, le défendeur a contraint l’avocat du demandeur à prendre une panoplie de mesures pour obtenir les documents, sans doute à un coût très élevé. Le défendeur a refusé de consentir à une série de prorogations de délai qui auraient permis au demandeur d’obtenir une copie des documents, choisissant plutôt de s’opposer vivement à chacune des demandes de prorogation. Le demandeur a donc été contraint de demander la communication des documents conformément à la LPRP, mais il a reçu seulement les documents auxquels les passages clés avaient été retranchés.

[28]           Finalement, lorsque le demandeur a déposé auprès de la Cour fédérale des requêtes en production des documents pertinents, le défendeur a d’abord accepté de fournir les documents et a demandé que la requête soit abandonnée. Cependant, le défendeur a à nouveau retranché les éléments clés des documents. Lorsqu’il est devenu évident que le demandeur s’apprêtait à plaider sa requête devant la Cour et qu’il aurait sans doute gain de cause, en plus d’obtenir des dépens qui auraient dû être très élevés compte tenu de l’obstruction manifeste dont il avait fait l’objet de la part du défendeur, celui-ci a simplement fourni les renseignements au demandeur. Dans les circonstances, je conclus que les efforts que le défendeur a déployés pour empêcher le demandeur d’obtenir cette preuve traduisent l’importance qu’il attache aux documents visés par la demande d’autorisation. Il va aussi de soi que je ne puis approuver cette « pratique peu scrupuleuse » de la part d’agents du procureur général.

[29]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le protonotaire a commis une erreur en concluant qu’aucun manquement à l’équité n’avait été commis par suite de l’omission de tenir compte des circonstances entourant l’absence des éléments de preuve clés qui constituaient le fondement de la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur était interdit de territoire. Le protonotaire devait tenir compte du manquement à l’équité qui serait commis à l’endroit du demandeur par suite du refus de permettre la production d’un élément de preuve supplémentaire donnant fortement à penser que la SAI avait été induite en erreur en ce qui a trait à la conclusion factuelle clé sous-tendant la décision de celle-ci, élément de preuve que le demandeur n’a pu obtenir en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, malgré les efforts raisonnables et assidus qu’il a déployés pour les obtenir.

VII.          Conclusion

[30]           En conséquence, l’appel est accueilli, l’ordonnance du protonotaire est annulée et une ordonnance est rendue de façon à permettre au demandeur de produire un nouvel élément de preuve, soit un courriel de la procureure en chef du TSSL, au moyen d’un affidavit supplémentaire, ainsi qu’un mémoire supplémentaire lié à l’affidavit en question et fondé sur celui-ci.

[31]           De plus, des dépens, que je fixe à 1 500 $, sont adjugés au demandeur relativement à l’appel et à la requête initiale.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

  1. L’ordonnance datée du 5 novembre 2014 par laquelle le protonotaire Morneau a rejeté la requête du demandeur est annulée.
  2. Le demandeur peut, au moyen d’un affidavit supplémentaire, produire un nouvel élément de preuve, soit un courriel de la procureure en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, ainsi qu’un mémoire supplémentaire lié à l’affidavit en question et fondé sur celui-ci.
  3. Le défendeur est tenu de payer au demandeur la somme de 1 500 $ à titre de dépens.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5138-13

 

INTITULÉ :

ALASSAN WILLIAMS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

REQUÊTE ÉCRITE FONDÉE SUR L’ARTICLE 369 DES RÈGLES :

Ottawa (Ontario)

 

ordonnance ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 9 JANVIER 2015

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Patil Tutunjian

 

POUR LE demandeur

 

Anne-Renée Touchette

Michel Pépin

 

POUR LE Défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Doyon & Associés Inc.

Avocats en droit de l’immigration

Montréal (Québec)

 

POUR LE demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE Défendeur

 

 

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