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Date : 20150115


Dossier : IMM-4569-14

Référence : 2015 CF 58

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 15 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

HARPREET KAUR MANGAT

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]                    La Section de la protection des réfugiés (la SPR) peut à bon droit tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité fondée sur des omissions et des incohérences, notamment lorsque celles‑ci portent sur des éléments centraux de la demande présentée par le demandeur (Erdos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 955, au paragraphe 24; Grinevich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF 444, au paragraphe 4; Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 720). En tant que tribunal spécialisé, la SPR a entière compétence pour évaluer la crédibilité des témoins et tirer les inférences raisonnables nécessaires (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF 732).

II.                Introduction

[2]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté, en raison du manque de crédibilité, la demande d’asile présentée par la demanderesse, au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

III.             Les faits

[3]               La demanderesse, Mme Mangat, est originaire du Pendjab, de religion sikhe, et une citoyenne de l’Inde. La demanderesse allègue qu’elle craint avec raison d’être persécutée, et qu’elle est exposée à un risque personnalisé de mariage forcé en cas de retour en Inde.

[4]               Le 13 avril 2012, la demanderesse est arrivée au Canada et a présenté une demande d’asile le 19 septembre 2012. Le 5 octobre 2012, la demanderesse a produit un premier Formulaire de renseignements personnels (FRP), lequel a été complété, le 27 mars 2014, par un exposé circonstancié modifié.

[5]               Le 9 mai 2014, une audience a eu lieu à la SPR.

IV.             La loi

[6]               Afin de trancher la demande présentée par la demanderesse, la SPR s’est fondée sur les articles 96 et 97 de la LIPR :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a)   soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a)   is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b)   soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b)   not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a)   soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a)   to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b)   soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b)   to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i)    elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i)    the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii)   elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii)   the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii)  la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii)  the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv)  la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv)  the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

      (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

      (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

V.                La question en litige

[7]               La question principale de la demande consiste à savoir si la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a rejeté la demande d’asile présentée par la demanderesse.

VI.             La norme de contrôle

[8]               Dans sa décision, la SPR statue que la demanderesse n’est ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger, au titre des articles 96 et 97 de la LIPR, en raison de nombreuses conclusions défavorables quant à la crédibilité.

[9]               La norme de contrôle applicable, lorsque la Cour examine les conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR, est celle de la décision raisonnable. Cette norme de contrôle qui commande la déférence « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ». Par conséquent, la cour de révision ne peut substituer la solution qu’elle juge elle-même appropriée à celle qui a été retenue (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 (Khosa).

VII.          Analyse

[10]           Dans ses motifs, la SPR a soulevé de nombreuses omissions, contradictions et incohérences dans le témoignage de la demanderesse, lesquelles ont miné la crédibilité générale de celle-ci :

i)                    Au moyen d’un FRP modifié, la demanderesse a apporté des modifications importantes relatives à des éléments centraux de sa demande dans son premier exposé circonstancié. La demanderesse n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier les omissions initiales;

ii)                  La demanderesse a produit des éléments de preuve incohérents relativement à son éventuel prétendant. Ces incohérences ont trait à la fréquence de leurs rencontres, et à la date ainsi qu’aux moyens par lesquels la demanderesse a découvert pour la première fois qu’il était policier;

iii)                La demanderesse a produit des éléments de preuve incohérents relativement à sa relation avec sa mère. Dans son premier FRP, la demanderesse a déclaré que sa mère l’a abandonnée quand elle avait quatre ans et demi, et que ce n’est que des années plus tard qu’elles ont renoué leur relation. Dans son FRP modifié, la demanderesse a déclaré que c’est sa mère qui a rétabli le contact avec elle quand elle avait 14 ans. Dans la demande d’asile de la demanderesse, celle‑ci a déclaré qu’elle a été séparée de sa mère pendant environ 15 ans, elle aurait donc eu 19 ans quand sa mère et elle ont renoué leur relation;

iv)                La demanderesse a déclaré que Mme Grewal, qui a témoigné à l’audience, était une amie intime, que Mme Grewal connaissait l’ensemble du récit de la demanderesse, que Mme Grewal et elle se connaissaient depuis l’âge de 14 ans; toutefois, à l’audience, Mme Grewal a déclaré qu’elle n’était pas une amie intime de la demanderesse, et qu’elle ne savait pas grand-chose de la situation familiale de celle-ci ;

v)                  La demanderesse n’a demandé l’asile que cinq mois après son arrivée au Canada et elle n’a pas donné d’explication raisonnable pour ce retard, ce qui minait donc sa crainte subjective.

[11]           En l’absence d’éléments de preuve corroborants crédibles pour expliquer le retard de la demanderesse à présenter une demande d’asile, il était raisonnable que la SPR conclue que ce retard était incompatible avec la crainte subjective alléguée par la demanderesse (Davila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1116; Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 412).

[12]           Après un examen approfondi de la décision de la SPR, de l’ensemble des éléments de preuve et des observations des parties, la Cour conclut qu’il n’y a pas de motif permettant de justifier son intervention. La décision de la SPR appartient aux issues raisonnables (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59).

VIII.       Dispositif

[13]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.             Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4569-14

 

INTITULÉ :

HARPREET KAUR MANGAT

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2015

Jugement et motifs :

Le juge SHORE

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 15 janvier 2015

COMPARUTIONS :

Jasdeep Mattoo

Pour la demanderesse

Mary Murray

Ryan Dawodharry

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kang et Company

Surrey (Colombie‑Britannique)

 

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le défendeur

 

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