Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150121


Dossier : IMM‑6029‑13

Référence : 2015 CF 80

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

MARIE ASSUMPTA JUDY DEVADAWSON (ALIAS MARIE ASSUMPTA DE VADAWSON)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Le contexte et la nature de l’affaire

[1]               Mme Devadawson [la demanderesse] a demandé, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], d’être dispensée de l’application des critères de sélection au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. Sa demande de dispense ayant été rejetée par un agent d’immigration supérieur [l’agent], elle a introduit sous le régime du paragraphe 72(1) de la LIPR la présente demande de contrôle judiciaire, où elle prie notre Cour d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire pour nouvel examen par un décideur différent. Le renvoi de la demanderesse du Canada était censé avoir lieu peu après le dépôt de la présente demande, mais notre Cour a prononcé un sursis à l’exécution de cette mesure en attendant qu’il soit statué sur ladite demande.

[2]               La demanderesse, une citoyenne sri‑lankaise, est arrivée le 12 mai 2010 au Canada, où elle a demandé l’asile, affirmant être une militante des droits de la personne prise pour cible par l’État sri‑lankais parce qu’elle possédait des renseignements susceptibles de l’embarrasser. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] n’a pas ajouté foi à ses affirmations et lui a refusé l’asile. La demanderesse a alors essayé d’obtenir le contrôle judiciaire de cette décision de la CISR, mais notre Cour lui en a refusé l’autorisation par la décision Devadawson c Canada (Citoyenneté et Immigration), IMM‑585‑11 (CF), en date du 2 mai 2011.

[3]               À la suite de ce refus d’autorisation, la demanderesse a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR], ainsi qu’une demande de résidence permanente, présentée à partir du Canada sur le foncement de motifs d’ordre humanitaire. Ces deux demandes ont été rejetées, de sorte que la demanderesse s’est encore une fois adressée à notre Cour. La demande d’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision d’ERAR a été rejetée par la Cour le 10 juin 2013 [Devadawson c Canada (Citoyenneté et Immigration), IMM‑695‑13 (CF)]. Mme Devadawson s’est désistée de sa demande relative à la décision portant sur sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 6 juin 2013, après que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] se fut engagé à faire réexaminer cette décision par un agent d’immigration différent; un délai de 30 jours a été accordé à la demanderesse pour présenter tout complément d’information aux fins de ce nouvel examen.

II.                La décision contrôlée

[4]               Au terme de ce nouvel examen, l’agent a rejeté la demande de Mme Devadawson fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[5]               La demanderesse soutenait, entre autres, qu’elle craignait d’être persécutée, et d’être exposée à un risque de torture et à une menace à sa vie, si elle retournait au Sri Lanka. L’agent a rejeté ces affirmations, faisant observer que le paragraphe 25(1.3) de la LIPR interdit la prise en considération de [traduction] « facteurs afférents à la crainte d’être persécuté et/ou à une menace à la vie, ou au risque de peines cruelles et inusitées ». Mais comme elle ne constitue pas toujours de la persécution, ajoutait l’agent, la discrimination pouvait néanmoins constituer pour la demanderesse une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.

[6]               Pour apprécier les allégations relatives à la discrimination dont la demanderesse a dit être victime au Sri Lanka, l’agent a examiné un certain nombre de documents – produits par elle – relatifs aux conditions au Sri Lanka, qui décrivaient la situation difficile des Tamouls dans ce pays. La demanderesse ne l’a cependant pas convaincu que ces conditions auraient une incidence directe sur sa situation personnelle. Bien que la demanderesse ait affirmé avoir été victime de harcèlement et de discrimination en raison de son sexe, de son appartenance ethnique, de sa religion et de ses opinions politiques perçues, l’agent a jugé que les renseignements mis à sa disposition à cet égard étaient vagues et non corroborés. L’agent ne s’est pas estimé en mesure de conclure que la demanderesse subirait un traitement défavorable en raison de l’un ou l’autre des facteurs mentionnés.

[7]               Pour ce qui concerne les activités de la demanderesse en tant que militante des droits de la personne, l’agent a fait observer que ses allégations étaient très semblables à celles qu’avait rejetées la CISR dans sa décision, à laquelle il a accordé un poids considérable. L’agent a constaté que les menaces dont la demanderesse faisait état visaient à l’empêcher de quitter son poste au conseil provincial, et qu’elle avait en fin de compte obtenu ce qu’elle voulait avec l’abolition de ce poste. Étant donné ses antécédents professionnels impressionnants et son courage, a‑t‑il conclu, Mme Devadawson n’aurait aucun mal à trouver un nouvel emploi de militante des droits de la personne si tel était son désir.

[8]               L’agent a reconnu que la demanderesse s’était établie au Canada et faisait l’objet de nombreuses attestations de bonne moralité. Il a cependant ajouté qu’elle pourrait maintenir ses amitiés au Canada par d’autres moyens, et qu’elle avait beaucoup d’amis au Sri Lanka aussi. Il a également reconnu que la demanderesse envoyait de l’argent à sa famille au Sri Lanka et que la perte de son emploi au Canada perturberait la qualité de leur vie. Cependant, a‑t‑il constaté, la demanderesse jouissait de perspectives d’emploi favorables, de par son intelligence et sa connaissance de plusieurs langues, et parce qu’elle avait une riche expérience professionnelle. En outre, faisait observer l’agent, comme elle avait passé la plus grande partie de sa vie au Sri Lanka, il n’y avait pas lieu de penser qu’il lui serait difficile de s’y réintégrer. L’agent a conclu que le degré d’établissement de la demanderesse au Canada ne dépassait pas ce à quoi on pouvait s’attendre compte tenu de la période de traitement de sa demande d’asile, et que son degré d’établissement ne faisait pas en sorte que l’obligation de demander la résidence permanente à partir du Sri Lanka lui causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

[9]               L’agent a noté que la demanderesse a encore de nombreux parents au Sri Lanka, dont six enfants, dont quelques‑uns sont d’âge adulte. Il ne voyait aucune raison de penser que la famille de la demanderesse ne pourrait pas subvenir à ses besoins en cas de nécessité. Quant à ses enfants plus jeunes, Mme Devadawson avait elle‑même déclaré que leur séparation d’avec leur mère les avait énormément affectés, de sorte que, concluait l’agent a conclu que leur réunion avec celle‑ci était dans leur meilleur intérêt.

[10]           En fin de compte, l’agent a rejeté la demande de Mme Devadawson par lettre datée du 12 août 2013. Cependant, la demanderesse n’a reçu communication de cette décision que le 3 septembre 2013, et entre‑temps, elle avait présenté des éléments complémentaires à l’agent et lui avait demandé une entrevue.

[11]           Après avoir reçu ces éléments complémentaires, l’agent a rédigé un addenda à la décision du 12 août 2013, dans une lettre datée du 29 du même mois, où il déclarait avoir examiné la totalité des éléments complémentaires présentés jusqu’au 28 août 2013. Ceux‑ci n’ont pas changé la décision déjà formulée par l’agent dans sa lettre en date du 12 août. L’agent ne pensait pas, contrairement à la demanderesse, qu’une entrevue fût nécessaire, puisque sa [traduction] « crédibilité […] n’était pas en cause ». La demanderesse avait aussi fait valoir qu’elle n’avait pas eu l’occasion de produire des certificats de police, mais l’agent a indiqué que cela n’était pas pertinent étant donné que cela n’avait pas influé sur la décision de rejeter la demande. L’agent a accepté les relevés bancaires et les lettres de soutien additionnelles présentés par la demanderesse, mais il a conclu que ces pièces étaient de toute façon compatibles avec les conclusions qu’il avait déjà formulées. En dernière analyse, l’agent n’était toujours pas convaincu que l’obligation pour la demanderesse de demander la résidence permanente à partir de l’étranger lui causerait des difficultés suffisantes pour justifier une dispense.

III.             Les questions en litige

[12]           La demanderesse se concentre sur les trois questions suivantes dans son mémoire supplémentaire :

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.                  Y a‑t‑il eu des manquements à l’équité procédurale en l’espèce?

3.                  La décision de l’agent est‑elle déraisonnable du fait : qu’il n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve et/ou a apprécié la preuve sélectivement; que son analyse des conditions du pays est entachée d’irrégularités et/ou qu’il a mal interprété la définition du terme « discrimination » par rapport au critère relatif à l’appréciation des difficultés; et/ou qu’il a omis de prendre en considération l’intérêt supérieur des enfants?

[13]           Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de Mme Devadawson ni n’a manqué à son obligation d’équité procédurale. Il fait en outre valoir que la demanderesse a de façon irrégulière ajouté des éléments au dossier produit devant la Cour.

IV.             Les arguments des parties

A.                Les arguments de la demanderesse

[14]           La demanderesse fait valoir que la Cour n’a pas à faire preuve de déférence envers l’agent en ce qui concerne les questions d’équité procédurale; voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]. Pour ce qui concerne les autres questions en litige, la demanderesse admet que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, comme il a été établi au paragraphe 5 de la décision Shallow c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 749, 410 FTR 314 [Shallow], mais elle insiste sur le fait que la Cour doit apprécier les motifs de l’agent en fonction de leur valeur propre et non pas leur substituer un meilleur raisonnement pour justifier le résultat; voir par exemple Pathmanathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 353 aux paragraphes 27 et 28, 430 FTR 192.

[15]           La demanderesse, invoquant le paragraphe 32 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 174 DLR (4th) 193 [Baker], fait valoir que le décideur a envers l’auteur d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire plus qu’une obligation minimale d’équité procédurale, et qu’une entrevue s’impose lorsque la crédibilité est mise en doute; voir Duka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1071 aux paragraphes 12 à 14, 92 Imm LR (3d) 255 [Duka]. La demanderesse soutient que l’agent a implicitement rejeté sa déclaration solennelle, de sorte que sa crédibilité était effectivement mise en doute. Elle rappelle en outre que, bien que la CISR ait rejeté ses allégations selon lesquelles elle était une militante des droits de la personne, l’agent d’ERAR, quant à lui, n’a pas suivi cette voie. Il s’ensuit, selon Mme Devadawson, qu’il aurait dû lui accorder une entrevue et qu’on lui a nié le droit de savoir ce qu’elle devait prouver; voir Pusat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 428 au paragraphe 32, 388 FTR 49. Elle fait également valoir qu’il était inéquitable de rouvrir la décision sans attendre la preuve qu’elle allait produire, et de lever l’exigence d’obtenir des certificats de police afin de rejeter sa demande plus rapidement.

[16]           La demanderesse soutient aussi que l’agent n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve. Par exemple, l’agent a conclu qu’elle n’avait pas prouvé être personnellement concernée par les problèmes qui affligent les personnes perçues comme étant des partisanes des Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET], alors que dans sa déclaration solennelle elle affirme explicitement qu’elle a déjà été soupçonnée d’entretenir de liens avec les TLET. De même, la demanderesse affirme que sa déclaration solennelle établit un lien entre sa situation et la discrimination et le harcèlement dont sont victimes les femmes et les militants au Sri Lanka.

[17]           La demanderesse fait valoir que les organisations de défense des droits de la personne subissent des menaces de la part de l’État sri‑lankais, de sorte qu’il était déraisonnable d’écarter ses inquiétudes sur le plan financier sous prétexte qu’une organisation de défense des droits de la personne pourrait l’engager en raison de ses antécédents de militantisme. Cette conclusion, ajoute la demanderesse, était sélective et abusive : sélective parce que l’agent a rejeté ses antécédents de militantisme afin de conclure qu’elle n’avait pas établi de rapports entre sa situation personnelle et les conditions du pays, et qu’il a formulé une conclusion contraire pour donner moins de poids à ses allégations; et abusive parce qu’il faut en déduire qu’elle ne pouvait éviter la difficulté de se trouver incapable de subvenir à ses besoins qu’en s’exposant aux risques du militantisme. Cela était déraisonnable, affirme la demanderesse, puisqu’elle avait établi que sa famille ne disposait pas de ressources suffisantes sans son propre revenu.

[18]           La demanderesse fait en outre valoir que l’agent a refusé de tenir compte des éléments de preuve tendant à prouver son établissement, l’estimant simplement conforme à ce à quoi l’on pouvait s’attendre dans les circonstances; voir El Thaher c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1439 au paragraphe 52, [2012] ACF no 1658 (QL) [El Thaher].

[19]           La demanderesse soutient que l’agent était tenu de consulter la preuve documentaire la plus récente, et qu’il a eu tort d’écarter de tels documents au seul motif qu’ils ne la désignaient pas nommément. Ces preuves décrivaient les risques courus par des personnes ayant en commun avec la demanderesse l’appartenance ethnique, le sexe et les opinions politiques présumées, et elle devait être prise en compte. Selon la demanderesse, le concept de risque personnel n’a pas sa place dans l’examen d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire; voir Hamam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1296 au paragraphe 44, 3 Imm LR (4th) 289.

[20]           Enfin, la demanderesse soutient que l’analyse effectuée par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants est entachée d’une contradiction interne. Il était déraisonnable, explique‑t‑elle, de conclure que son renvoi au Sri Lanka aurait un effet défavorable sur leur situation tout en étant dans l’intérêt supérieur des enfants.

B.                 Les arguments du défendeur

[21]           Le défendeur fait valoir à titre préliminaire que la demanderesse a de façon irrégulière fait des ajouts au dossier et s’est de la sorte appuyée sur des éléments de preuve dont l’agent ne disposait pas et qu’elle a produits devant la Cour aux fins de sa requête en sursis d’exécution de son renvoi du Canada.

[22]           Le défendeur admet que la norme de contrôle applicable aux questions de procédure est celle de la décision correcte, mais tout en rappelant que la norme « très déférente » de la décision raisonnable s’applique aux autres aspects de la décision de l’agent.

[23]           Le défendeur insiste sur le fait que dans le contexte d’un refus de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le décideur n’est pas appelé à se prononcer sur les droits que la loi confère au demandeur. La procédure, précise‑t‑il, n’a pas pour objet de supprimer toutes les difficultés, mais seulement celles qui sont inhabituelles et injustifiées ou excessives, et qui touchent directement le demandeur; voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113 aux paragraphes 49, 50 et 55, 372 DLR (4th) 539, autorisation de pourvoi devant la CSC accordée, 35990 (4 décembre 2014) [Kanthasamy]. Par conséquent, fait observer le défendeur, il est difficile de démontrer le caractère déraisonnable d’une décision portant sur une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, et il incombe au demandeur de faire cette démonstration; voir Mikhno c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 386 au paragraphe 25, [2010] ACF no 583 (QL).

[24]           En l’espèce, selon le défendeur, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale. Les entrevues ne sont généralement pas nécessaires, et il n’y avait pas lieu d’en tenir une en l’occurrence puisque la crédibilité de la demanderesse n’était pas mise en doute; en tout état de cause, la décision de la CISR s’accordait avec celle de l’agent d’ERAR.

[25]           En outre, le défendeur rappelle qu’il incombait à la demanderesse de produire des éléments de preuve, et qu’un délai de 30 jours lui avait été accordé pour ce faire après que le ministre se fut engagé en juin 2013 à réexaminer sa demande; voir Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 RCF 635 [Owusu]. La demanderesse, rappelle le défendeur, a produit tous ses éléments de preuve en retard, mais l’agent les a néanmoins pris en considération et, avec l’addenda du 29 août, il a même rouvert sa décision pour elle. Le défendeur avance qu’on a donné à la demanderesse toute possibilité de faire valoir son point de vue et qu’elle n’a proposé aucune excuse pour ne pas avoir produit ses preuves dans le délai fixé. Pour ce qui concerne le certificat de police manquant, le défendeur affirme qu’il n’avait aucun rapport avec la décision et ne pouvait influer sur le résultat.

[26]           Le défendeur soutient que l’agent n’a omis d’examiner aucun élément de la preuve et qu’il n’avait pas à déterminer si la demanderesse courait le risque d’être persécutée. L’agent était fondé à prendre en considération les conclusions de la CISR, puisque les allégations fondamentales étaient les mêmes. Par conséquent, selon le défendeur, il était raisonnable de la part de l’agent de conclure à l’absence de preuves de discrimination ou de difficultés étayant les allégations de la demanderesse relatives aux difficultés qui l’attendaient.

[27]           Toujours selon le défendeur, les conclusions de l’agent concernant les revenus de la demanderesse, son établissement et sa réintégration étaient raisonnables, et l’agent a valablement conclu que les difficultés à cet égard n’atteignaient pas le seuil nécessaire pour justifier une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Le défendeur affirme en outre que l’appréciation par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants était également raisonnable.

[28]           Enfin, le défendeur soutient que la demanderesse n’a tout simplement établi aucun rapport entre les conditions défavorables du pays et sa propre situation. On ne peut accueillir les demandes d’ordre humanitaire en se fondant sur les difficultés subies par d’autres personnes, explique‑t‑il, et la thèse de la demanderesse voulant qu’elle ait le profil de ces personnes n’était tout simplement pas étayée.

V.                Analyse

[29]           Les questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire peuvent être examinées dans l’ordre suivant :

1.                  La preuve contestée par le défendeur est‑elle admissible?

2.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

3.                  La procédure suivie était‑elle inéquitable?

4.                  La décision contestée est‑elle déraisonnable?

A.                La preuve contestée par le défendeur est‑elle admissible?

[30]           Le défendeur a soutenu à l’audience que la demanderesse avait de façon irrégulière fait des ajouts au dossier de contrôle judiciaire en s’appuyant sur des éléments de preuve dont l’agent ne disposait pas. Ces éléments de preuve ont été déposés devant le ministre après la décision de l’agent et aux fins de la requête de la demanderesse en sursis d’exécution de son renvoi du Canada.

[31]           La règle générale sur ce point est que le dossier de preuve d’une demande de contrôle judiciaire doit se limiter à celui dont disposait le décideur administratif; voir Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au paragraphe 19, 428 NR 297 [Association des universités]. Par dérogation à cette règle générale, il est parfois possible de produire de nouveaux éléments de preuve s’ils sont nécessaires pour établir un vice de procédure que ne révèle pas le dossier de preuve dont disposait le décideur administratif; voir Association des universités au paragraphe 20. Cette exception ne s’applique cependant pas à la présente espèce puisque le vice de procédure dont la demanderesse se plaint est la décision de l’agent de lui refuser une entrevue.

[32]           Selon la demanderesse, l’agent avait l’obligation de consulter les sources les plus récentes de renseignements sur les conditions du pays, sans se limiter aux documents produits par elle, et la preuve en question en l’espèce pourrait se révéler pertinente dans la mesure où elle tend à établir l’existence de documents récents que l’agent n’a pas consultés.

[33]           Je rejette cet argument de la demanderesse. La Cour ne peut prendre ni ne prendra en considération, aux fins de l’examen de la décision de l’agent, les preuves additionnelles produites par la demanderesse après la date de cette décision. Il n’est pas permis à la demanderesse de produire maintenant de nouveaux éléments de preuve dont l’agent ne disposait pas, afin d’étayer et de renforcer ses arguments selon lesquels il se serait trompé dans l’appréciation de sa demande.

B.                 Quelle est la norme de contrôle applicable?

[34]           Comme le reconnaissent les deux parties, la Cour suprême a établi que la norme de contrôle applicable aux questions de procédure est en principe celle de la décision correcte; voir Khosa, au paragraphe 43; et Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au paragraphe 79, [2014] 1 RCS 502. Il incombe à la cour de révision de déterminer si la procédure était équitable, encore qu’elle puisse s’abstenir d’accorder réparation « si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice » (Khosa, au paragraphe 43). Par conséquent, il convient d’appliquer la norme de la décision correcte en ce qui concerne la procédure suivie par l’agent dans l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse, y compris sa décision de ne pas lui accorder d’entrevue.

[35]           Pour ce qui concerne les autres questions, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable; voir Baker, au paragraphe 62; Kanthasamy, au paragraphe 32; et Shallow, au paragraphe 5. Il s’ensuit que notre Cour ne doit pas intervenir si les motifs lui « permettent […] de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables »; voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

[36]           En outre, la Cour n’a pas le [traduction] « pouvoir absolu de reformuler la décision en substituant à l’analyse qu’elle juge déraisonnable sa propre justification du résultat »; voir Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 au paragraphe 54, [2011] 3 RCS 654, où l’on cite Petro‑Canada c British Columbia (Workers’ Compensation Board), 2009 BCCA 396 au paragraphe 56, 276 BCAC 135; et Lemus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 114 aux paragraphes 29 à 38, 372 DLR (4th) 567.

C.                 La procédure suivie était‑elle inéquitable?

[37]           Après l’abandon au début de juin 2013 de sa demande d’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision d’ordre humanitaire, la demanderesse s’est vu accorder 30 jours pour produire de nouveaux éléments de preuve. Le premier envoi date du 3 juillet 2013, mais n’est parvenu aux bureaux torontois du ministre que le 17 du même mois. La demanderesse a continué d’envoyer de nouveaux éléments de preuve après l’expiration du délai de 30 jours, et même après que l’agent eut rendu sa décision le 9 août 2013. Celui‑ci a manifestement pris en considération la totalité des nouveaux éléments produits jusqu’au 28 juillet 2013, puisque sa lettre en date du 29 août 2013 y fait explicitement référence. Pour ce qui concerne les pièces que la demanderesse a envoyées le 3 septembre 2013, il convient de faire observer qu’elle n’a pas le droit de retarder indéfiniment le processus décisionnel en fournissant peu à peu ses éléments de preuve hors délai. En fin de compte, la demanderesse a disposé de tout le temps voulu pour faire valoir son point de vue devant l’agent. Je pense comme le défendeur que les certificats de police n’étaient pas pertinents en ce qui concerne la décision contestée.

[38]           La demanderesse, citant le paragraphe 23 de la décision Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 20, [2013] ACF no 25 (QL) [Yang], fait valoir que « l’agent a l’obligation de consulter les plus récentes sources d’information et n’est pas limité aux pièces fournies par le demandeur ». Toutefois, dans la décision Yang, M. le juge Mosley contrôlait à la fois une décision d’ordre humanitaire et une décision d’ERAR, et c’est aux décisions d’ERAR que ce principe s’applique; voir Rick Hassaballa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 489 au paragraphe 33, [2007] ACF no 658 (QL); et Dos Rios Lima c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 222 au paragraphe 13. Aucune obligation de cette nature ne s’applique à une décision d’ordre humanitaire, qui repose sur une procédure dans le cadre de laquelle « le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucun élément de preuve à l’appui de son allégation, l’agent est en droit de conclure qu’elle n’est pas fondée. » Voir Owusu, au paragraphe 5.

[39]           En outre, les lignes directrices énoncées dans le guide IP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada, intitulé Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire [le guide IP 5], n’ont pas l’effet, que la demanderesse leur prête, d’obliger l’agent d’immigration à consulter les sources d’information les plus récentes et à sortir du cadre des éléments de preuve produits par le demandeur. La section 5.18 du guide IP 5 prévoit explicitement que « [l’]agent responsable d’une demande CH peut effectuer une recherche au sujet des questions soulevées dans la demande » (non souligné dans l’original). S’il est vrai qu’on lit plus bas dans la même section que « le demandeur peut s’attendre à ce que l’agent consulte fréquemment les sources d’information les plus récentes énumérées ci‑dessous (5.19) » (non souligné dans l’original), cette observation ne fait que prévenir le demandeur que des renseignements de cette nature pourront être pris en considération. La section 5.18 du guide IP 5 n’oblige pas l’agent responsable d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire à se reporter aux sources d’information les plus récentes, et, quelles que soient les sources que l’agent a prises ou n’a pas prises en considération en l’espèce, il n’a manqué à aucune obligation envers la demanderesse à cet égard.

[40]           Pour ce qui est de la demande d’entrevue faite par la demanderesse, rappelons que la Cour suprême a posé en principe au paragraphe 34 de l’arrêt Baker que « la tenue d’une audience n’est pas une exigence générale pour les décisions fondées sur des raisons d’ordre humanitaire »; voir aussi Owusu, au paragraphe 8. Cette règle ne s’applique cependant pas à tous les cas, et c’est lorsque la question de la crédibilité est décisive qu’il convient de tenir une entrevue; voir Duka, aux paragraphes 11 à 13; et Diaby c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 742 au paragraphe 63, [2014] ACF no 795 (QL); voir aussi Khan c University of Ottawa, [1997] OJ no 2650 (QL) au paragraphe 22, 34 OR (3d) 535, 148 DLR (4th) 577.

[41]           En l’espèce, la CISR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse au seul motif qu’elle n’a pas jugé ses allégations crédibles. L’agent a reconnu que les conclusions de la CISR ne le liaient pas, mais il leur a néanmoins accordé [traduction] « un poids considérable ». Cela dit, la phrase [traduction] [e]n dépit de ce qui précède […] » figure au début du paragraphe suivant de sa décision, et il déclare dans l’addenda en date du 29 août 2013, dont voici un extrait, que la crédibilité de la demanderesse n’est pas mise en doute :

[traduction] [I]l est à noter que la crédibilité de Mme Devadawson n’est pas mise en doute dans la présente demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. C’est dans le contexte de l’historique de son dossier d’immigration que j’ai fait référence dans ma décision aux conclusions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) touchant sa crédibilité. Il est également à noter que, bien que j’aie fait preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions de la CISR, j’ai rappelé que la décision de cette dernière ne me lie pas.

[42]           L’agent a donc examiné la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse en tenant pour acquis qu’elle était crédible. En conséquence, il n’a pas commis d’erreur en lui refusant une entrevue.

[43]           À mon sens, la procédure suivie par l’agent pour examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse était équitable, de sorte que sa décision ne peut être annulée au motif d’un manquement à cet égard.

D.                La décision de l’agent est‑elle déraisonnable?

[44]           La demanderesse fait observer que le rapport du Département d’État américain produit devant l’agent indique expressément que de graves problèmes se posent sur le plan des droits de la personne au Sri Lanka, où [traduction] « des militants de la société civile [et] des personnes considérées comme des Tigres de libération de l’Eelam tamoul font l’objet d’agressions et de harcèlement », et où « sévissent la violence et la discrimination envers les femmes ». L’agent n’a jamais mis en question que la demanderesse est une Tamoule et une militante, poursuit la demanderesse, et pourtant il a complètement omis de tenir compte de ces facteurs.

[45]           Je me trouve en désaccord avec la demanderesse sur ce point. L’agent a simplement fait observer que, bien qu’elle soit dénuée de caractère concluant, l’expérience personnelle de l’auteur d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est pertinente aux fins de l’établissement d’un lien avec les conditions du pays. L’agent a rejeté certaines des affirmations contenues dans la déclaration solennelle de la demanderesse aux motifs qu’elle n’avait [traduction] « pas précisé de la part de qui elle [craignait] le harcèlement et la discrimination », et qu’elle n’avait guère produit d’éléments objectifs tendant à prouver qu’elle serait incapable de trouver un emploi. En outre, l’agent a jugé [traduction] « la déclaration de Mme Devadawson abstraite, peu précise et dépourvue d’exemples concrets qui auraient illustré les difficultés antérieures ou prévues sur les plans de l’emploi et du traitement discriminatoire ». Selon l’agent, la demanderesse n’a tout simplement pas produit suffisamment d’éléments pour s’acquitter de sa charge de preuve relativement à ces allégations; voir Owusu, au paragraphe 5. L’examen de la déclaration solennelle de la demanderesse révèle que cette conclusion est justifiable, et la Cour ne peut l’infirmer sans apprécier la preuve à nouveau.

[46]           Les allégations de la demanderesse relatives au harcèlement et aux menaces dont elle a fait l’objet en tant que titulaire de son poste au conseil provincial n’étaient pas vagues, mais l’agent a fait observer que ce poste avait été aboli, sous‑entendant qu’il ne serait plus une source de difficultés. Cette conclusion est raisonnable.

[47]           La demanderesse soutient aussi que l’agent n’a pas tenu compte du fait que sa famille dépendait d’elle pour conserver un niveau de vie suffisant. Or, l’agent a explicitement admis qu’[traduction] « un revenu additionnel est toujours avantageux et [que] la famille de Mme Devadawson pourrait éprouver des difficultés en raison du tarissement de cette source d’aide financière ». L’agent a simplement conclu que ces difficultés ne seraient pas inhabituelles et injustifiées ou excessives, aux motifs : 1) que la famille de Mme Devadawson s’était débrouillée même quand celle‑ci n’avait pas de revenu; 2) que Mme Devadawson est tout à fait apte au travail et pourrait trouver un emploi au Sri Lanka; et 3) que les nombreux autres membres de sa famille habitant au Sri Lanka pourraient vraisemblablement assurer sa subsistance. La demanderesse fait en outre valoir qu’elle ne devrait pas être obligée de s’exposer aux risques du militantisme pour subvenir aux besoins de sa famille. Cependant, compte tenu du fait qu’il a relevé que la demanderesse est intelligente et polyglotte, a enseigné 11 ans avant de devenir militante, et a acquis au Canada une expérience professionnelle d’agent de sécurité, il saute aux yeux que l’agent, tirant en cela une conclusion raisonnable, ne pensait pas que le militantisme était la seule voie qui s’ouvrait à elle.

[48]           En outre, la demanderesse affirme, sur le fondement de la décision El Thaher, que l’agent a commis une erreur en omettant de prendre en compte et en écartant les éléments de preuve favorables tendant à démontrer son établissement, au motif que celui‑ci ne dépassait pas le degré qu’on pouvait attendre. En effet, dans la décision El Thaher, raisonne‑t‑elle, le juge Russell a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que dans la décision d’ordre humanitaire « [l’]analyse du degré d’établissement [était] absente »; voir El Thaher, au paragraphe 56. Or je constate qu’il n’en va pas ainsi dans la présente espèce. L’agent a [traduction] « fait grand cas » des attestations de bonne moralité, et il a reconnu que la demanderesse s’était intégrée à la société canadienne. Néanmoins, il a aussi conclu que les liens que la demanderesse avait créés au Canada ne seraient pas rompus puisqu’elle pourrait maintenir ces relations par d’autres moyens que la proximité physique. On peut ainsi comprendre pourquoi l’agent a conclu que la demanderesse ne subirait pas de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle devait demander la résidence permanente par les voies ordinaires que prévoit la LIPR.

[49]           La demanderesse soutient enfin que l’analyse effectuée par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants est entachée d’une contradiction interne. Voici le passage en question de la décision de l’agent :

[traduction]

Je prends acte de la déclaration de Mme Devadawson selon laquelle sa séparation d’avec ses enfants les plus jeunes les affecte « énormément ». Je conclus qu’il est dans l’intérêt supérieur de ses enfants les plus jeunes qu’elle retourne au Sri Lanka et que leur mère redevienne ainsi présente dans leur vie.

Mme Devadawson affirme de plus que ses enfants ont dû changer de demeure et d’école cinq fois « en une année, par crainte, et [que] le fait qu’elle soit recherchée par les militants favorables au pouvoir a aussi eu des effets psychologiques sur [eux] ». Je conclus qu’il n’y a pas de renseignements suffisants pour étayer cette déclaration. En outre, je conclus que le dossier contient des éléments indiquant que le rejet de la présente demande aurait un effet défavorable sur l’intérêt supérieur des enfants de Mme Devadawson. [Non souligné dans l’original.] 

[50]           À première vue, les phrases soulignées ci‑dessus semblent se contredire. Cependant, à mon avis, l’effet défavorable sur les enfants de la demanderesse dont parle l’agent dans ce passage est celui que produirait la cessation de ses envois d’argent du Canada à sa famille au Sri Lanka. Ces conclusions de l’agent ne sont pas contradictoires, comme la demanderesse l’affirme, mais elles témoignent plutôt de son travail d’examen comparatif des facteurs influant sur l’intérêt supérieur des enfants.

[51]           À la page cinq de sa décision, l’agent a fait observer avec raison que pesait sur la demanderesse la charge de prouver que toutes conditions défavorables au Sri Lanka la toucheraient directement et personnellement; voir Kanthasamy, aux paragraphes 48 et 49; et Vuktilaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 188 au paragraphe 36, 24 Imm LR (4th) 234. Cependant, il semble nuancer cette observation lorsqu’il écrit : [traduction] « Je conclus que Mme Devadawson n’a pas établi les faits au soutien de sa thèse relative aux conditions défavorables du pays, c’est‑à‑dire qu’elle n’a pas démontré qu’elle serait soumise à des conditions que ne subirait pas la population en général » (non souligné dans l’original). Il va sans dire qu’on peut être personnellement touché par un problème déterminé, quel que soit le nombre de personnes que ce problème touche aussi dans son pays d’origine. La transposition de la règle de droit rigoureuse énoncée au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR va à l’encontre de la raison d’être du pouvoir discrétionnaire en matière de considérations humanitaires et enfreint directement le paragraphe 25(1.3) de la même loi; voir la décision Kanthasamy, au paragraphe 76, où l’on cite Caliskan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1190 au paragraphe 22, [2014] 2 RCF 111. Toutefois, je ne pense pas que ce seul énoncé inexact entache le caractère raisonnable de la décision de l’agent considérée dans son ensemble ni n’exclue celle‑ci des issues possibles acceptables. À tous autres égards, l’agent a correctement formulé le critère applicable, et ses constatations de fait étayent sa conclusion selon laquelle la demanderesse ne serait pas touchée personnellement. Par conséquent, la décision contestée reste compréhensible et raisonnable dans son ensemble.

VI.             Dispositif

[52]           Je conclus que la décision de l’agent est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire doit donc être, et est par la présente, rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés. Ni l’une ni l’autre des parties n’ayant proposé de question à certifier, la Cour n’en certifie aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6029‑13

 

INTITULÉ :

MARIE ASSUMPTA JUDY DEVADAWSON (ALIAS MARIE ASSUMPTA DE VADAWSON) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 SEPTEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Caitlin Maxwell

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.