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Tribunal de la protection de
l’environnement du Canada

Canada Coat of Arms

Environmental Protection

Tribunal of Canada

 

Date de publication :

Le 29 septembre 2022

Référence :

Groupe Marcelle Inc. et David Cape c. Canada (Environnement et Changement climatique Canada), 2022 TPEC 8

Numéro des dossiers du TPEC :

0010-2022 et 0011-2022

Intitulé :

Groupe Marcelle Inc. c. Canada (Environnement et Changement climatique) (0010-2022) ;

David Cape c. Canada (Environnement et Changement climatique) (0011-2022) 

Demandeurs :

Groupe Marcelle Inc. et David Cape

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 256 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33, d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement délivré conformément à l’article 235(1) de cette même loi relativement aux au paragraphe 81(4), à l’article 86 et aux alinéas 272(1)a) et 272(1)b) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).

Date de l’audience :

Le 15 septembre 2022 (par vidéoconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocats

Groupe Marcelle Inc.

David Cape

 

Mihnea Bantoiu

Charles Sans Cartier

Mélissa Devost

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

 

Benjamin Chartrand

Martin Lamoureux

DÉCISION RENDUE PAR :

 

HEATHER GIBBS

Contexte

[1]          La présente décision statue sur les demandes présentées par les demandeurs, Groupe Marcelle Inc. et David Cape, administrateur et Président du Groupe Marcelle, (« Groupe Marcelle »), au Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (« Tribunal ») pour des révisons de l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement no 8222-2021-04-15-6700 (« ordre d’exécution » ou « OEPE ») donné par Environnement et changement climatique Canada (« ECCC ») le 29 juin 2022.

[2]          L’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement a été délivré aux demandeurs par l’agent d’application de la loi d’ECCC Marc-André Cloutier (« Agent », ou « Agent de l’autorité ») en vertu de l’article 235 (1) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33 (« LCPE » ou « Loi ») relativement à la violation alléguée du paragraphe 81(4), de l’article 86 et des alinéas 272(1)a) et 272(1)b) de cette loi.  L’ordre d’exécution ordonne aux demandeurs une série de six mesures, notamment de cesser immédiatement la commercialisation de produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (CAS 882878-48-0) (« substance ») et, dans les plus brefs délais, de récupérer auprès de leurs distributeurs les produits cosmétiques visés par l’OEPE et de les détruire.

[3]          Le 22 juillet 2022, les demandeurs ont conjointement présenté au Tribunal une demande de révision de l’ordre en vertu du paragraphe 256(1) de la LCPE et une demande de suspension de l’OEPE en vertu du paragraphe 258(2) de la LCPE. Lors d’une conférence de gestion d’instance tenue par téléconférence le 1er septembre 2022, les demandeurs ont communiqué au Tribunal leur intention de ne pas présenter une demande de suspension et de procéder plutôt à la présentation de la demande de révision le plus rapidement possible.

[4]          Le 15 septembre 2022, le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence en se fondant sur les documents que les parties avaient déposés avant la tenue de la vidéoconférence. De plus, chaque partie a eu l’occasion de présenter ses moyens de preuve et ses observations lors de l’audience, en plus d’avoir un droit de réplique.

[5]          La présente décision statue sur le fond de la demande de révision. Étant donné qu’il s’agissait ici d’une instance accélérée et compte tenu du court délai prévu à l’article 266 de la LCPE pour rendre une décision, les présents motifs ne portent que sur les éléments de preuve et les observations les plus importants.

[6]          Selon ECCC, la commercialisation de produits cosmétiques contenant la substance est une activité interdite par l’effet du paragraphe 81(4) de la LCPE et l’Avis de nouvelle activité 14673 (Gazette du Canada, Partie I, Vol.141, No.21 26 mai 2007 ;

« Avis »). Selon les demandeurs, l’existence de l’Avis est incontestée et incontestable et ils n’entendent pas contester la validité de l’ordre non plus dans leur demande de révision de l’ordre.

[7]          ECCC demande que l’ordre soit confirmé suivant l’alinéa 263a) de la LCPE et qu’une mesure additionnelle soit ajoutée. Cette 7e mesure ordonnerait aux demandeurs d’aviser, dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 28 octobre 2022, les distributeurs et les acheteurs de produits cosmétiques contenant la substance.

[8]          Les demandeurs, de leur côté, entendent se conformer à l’ordre mais cherchent à le faire modifier conformément à l’alinéa 263b) de la LCPE. Plus précisément, les demandeurs estiment que les délais prévus à l’ordre sont injustifiés et disproportionnels au risque allégué. Ils demandent au Tribunal de prolonger les délais prévus à l’ordre étant donné son large pouvoir discrétionnaire. Quant à la mesure supplémentaire (7e mesure), les demandeurs estiment que cette mesure est inutile puisqu’ils ne s’opposent pas à l’avis.

[9]          Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal confirme l’ordre d’exécution sous l’article 263a) de la LCPE. Aucune nouvelle mesure n’est ajoutée à l’ordre d’exécution.

Faits

[10]       Voici les faits pertinents que le Tribunal retient de la preuve présentée par les parties. Le Tribunal a reproduit quelques extraits des faits qui se retrouvent dans les documents suivants :

-       Plan d’argumentation du Ministre sur la révision de l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement (soumis par le défendeur le 12 septembre) ;

-       Demande modifiée de révision et de suspension (soumise par les demandeurs le 12 septembre).

La liste des pièces à l’appui qui ont été présentés lors de l’audience est à l’Annexe B.

[11]       Groupe Marcelle est un fabricant canadien de produits de marque dans le secteur de la beauté. Il commercialise des produits de soins de la peau, de maquillage, de parfums et d’accessoires sous quatre marques de commerce : Marcelle, Lise Watier, Annabelle et CW Beggs & Sons.

[12]        Groupe Marcelle conçoit et manufacture ses produits cosmétiques ou les achète directement d’autres fournisseurs, comme en l’espèce pour les produits visés par l’ordre qui lui sont vendus par Schwan, une compagnie allemande.

[13]       Groupe Marcelle commercialise ensuite ses produits cosmétiques dans une proportion de 98 % au Canada, à travers plusieurs conduits de distribution, dont 90 % en magasin, par l’intermédiaire de ses détaillants, comme Walmart, Shoppers et Jean Coutu, et 10 % par le biais du commerce électronique, dont approximativement 5 % sur les sites
Internet de ses marques de commerce et 5 % par l’intermédiaire d’Amazon.

Le droit applicable quant aux activités liées à cette substance

[14]       Le paragraphe 81(4) de la LCPE prévoit qu’une nouvelle activité visée par un Avis de nouvelle activité est formellement interdite tant et aussi longtemps qu’une déclaration de nouvelle activité, accompagnée des renseignements obligatoires n’ont pas été fournis au Ministre et que le délai d’évaluation prévu à l’article 83 de la LCPE ou précisé par le Ministre n’est pas expiré.

[15]       Comme le contexte de l’affaire n’est pas contesté par les parties et qu’il a été clairement exprimé par le Ministre dans son plan d’argumentation, le Tribunal a décidé de reproduire les extraits suivants pour des raisons d’efficacité:

31. Le « Perfluorononyl Dimethicone » est un PFAS lié aux numéros de registre du CAS  882878-48-0 et 259725-95-6 (dépendamment de sa structure moléculaire particulière) et principalement confectionné par Siltech Corporation, une entreprise canadienne. Les PFAS sont un large groupe de plus de 4 700 substances artificielles qui, à cause de leurs propriétés uniques, sont employées dans un large éventail de produits, comme des surfactants, des lubrifiants et des répulsifs (contre la poussière, l'eau et la graisse).  Ces substances sont notamment reconnues pour partager les caractéristiques suivantes :

- Elles persistent et se déplacent dans l'environnement;

- Elles ont été détectées chez des humains et des espèces fauniques, et dans les milieux environnementaux partout dans le monde;

- Elles se bioamplifient dans les réseaux trophiques;

- Elles sont associées à une gamme d'effets négatifs pour l'environnement et de répercussions sur la santé humaine.

33. Depuis le 26 mai 2007, le « Perfluorononyl Dimethicone » lié au numéro de registre du CAS 882878-48-0 est quant à lui assujetti à l’Avis de nouvelle activité publié à la Gazette du Canada par le Ministre conformément au paragraphe 85(1) de la LCPE, puisque les Ministres soupçonnaient à cette époque qu’une nouvelle activité impliquant cette substance pourrait la rendre toxique et des mesures préventives étaient de mises. C’est ce type de « Perfluorononyl Dimethicone » qui se trouve dans divers produits cosmétiques commercialisés par Groupe Marcelle.

34. Conformément à l’Avis de nouvelle activité et aux paragraphes 81(4) et 85(1) de la LCPE, toute personne ayant l’intention d’utiliser quelconque concentration de Perfluorononyl Dimethicone ( 882878-48-0) pour une activité autre que son importation ou sa fabrication en vue de servir de stabilisateur industriel de mousse de silicone doit fournir au Ministre, au moins 90 jours avant le début de cette activité proposée, une déclaration de nouvelles activités accompagnée des renseignements obligatoires prévus à l’Avis de nouvelle activité et aux dispositions législatives et réglementaires applicables, afin que le Ministre puisse déterminer si cette substance est effectivement ou potentiellement toxique par l’entremise de cette activité proposée.

36. Suivant le paragraphe 81(4) de la LCPE, il est interdit d’utiliser une substance visée par un avis de nouvelle activité – comme le Perfluorononyl Dimethicone (882878- 48-0) – pour toute activité autre que celle prévue explicitement à cet avis, tant et aussi longtemps qu’une déclaration de nouvelle activité accompagnée des renseignements obligatoires prévus à l’Avis de nouvelle activité et aux dispositions législatives et réglementaires applicables n’ont pas été fournis au Ministre et que le délai prévu à l’article 83 de la LCPE ou précisé par le Ministre ne soit pas expiré.

[16]       Il est important de souligner que, en vertu du paragraphe 85(1) de la LCPE, les ministres de l’ECCC ou de la Santé n’ont besoin que d’un soupçon à l’effet qu’une nouvelle activité relative à la substance peut rendre celle-ci toxique pour décider de publier un avis précisant que le paragraphe 81(4) s’applique à l’égard de la substance dans la Gazette du Canada.  C’est un régime réglementaire préventif.

[17]       À partir du mois d’avril 2021, l’Agent de l’autorité entreprend, en vertu de l’article 218 de la LCPE, plusieurs inspections concernant des entreprises commercialisant des produits cosmétiques déclarés comme contenant du « Perfluorononyl Dimethicone », dont l’une vise Groupe Marcelle.

[18]       Le 15 avril 2021, dans le cadre de son inspection, l’Agent constate que la liste des ingrédients de certains produits cosmétiques commercialisés par Groupe Marcelle et vendus par quelques milliers de distributeurs au Canada – sous plusieurs marques de commerce – indique qu’ils contiennent du « Perfluorononyl Dimethicone ».

[19]       Suite à ce constat, l’Agent entreprend des démarches pour trouver un laboratoire accrédité qui soit en mesure de procéder à certaines analyses. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’Agent obtient le résultat de ces analyses le 21 mars 2022.

[20]       Le 18 mai 2022, l’Agent se rend à la place d’affaires principale de Groupe Marcelle et informe les demandeurs que le Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) faisait l’objet de l’Avis de nouvelle activité depuis 2007. L’Agent est informé par l’un des dirigeants de Groupe Marcelle que l’entreprise avait déjà prévu arrêter l’importation et la commercialisation de produits cosmétiques contenant la substance d’ici une période de 18 mois.

[21]       En substance, les produits visés sont des traceurs pour les yeux, les sourcils et les lèvres vendus sous forme de crayon. Les produits visés ont également en commun le fait qu’un de leurs ingrédients est la substance chimique connue sous le nom de « Perfluorononyl Dimethicone » ou « Pecosil FSL-300 ». La principale fonction de cette substance est de rendre les produits imperméables et durables.

[22]       Selon Groupe Marcelle (information non contestée par ECCC), la substance ne se retrouve que dans une proportion de 1 % à 3 % tout au plus dans chacun des produits visés de sorte que, en fonction des volumes de vente de Groupe Marcelle, il est possible d’estimer qu’une quantité infime de 1,8 kg de la substance en cause est utilisée chaque année pour l’ensemble des produits visés vendus par Groupe Marcelle.

[23]       Lors de cette rencontre, l’Agent a remis à Groupe Marcelle un Avis d’intention d’émettre un Ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement, ainsi qu’une ébauche du OEPE, conformément à l’article 237 de la LCPE.

[24]       Le 19 mai 2022, plus de deux cent mille produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) n’ayant pas encore été distribués par Groupe Marcelle sont mis en quarantaine à sa place d’affaires principale – et le sont toujours.

[25]       Suite à cette rencontre et jusqu’au 17 juin, Groupe Marcelle a effectué plusieurs vérifications et a présenté, oralement et par écrit, des soumissions à l’Agent. Essentiellement, Groupe Marcelle présente les informations suivantes :


a) La substance en cause est manufacturée au Canada par la société Siltech Corporation qui a obtenu l’autorisation d’ECCC de la fabriquer et de
l’exporter à la suite des renseignements qu’elle lui a fournis conformément à l’Avis de nouvelle activité;

b) La substance en cause est distribuée par l’intermédiaire d’une société basée au New Jersey aux États-Unis, appelée Phoenix Chemical Inc., de laquelle Schwan en fait l’acquisition, par l’intermédiaire d’un second distributeur situé en Suisse, aux fins notamment de son incorporation dans les Produits visés;

c) En 2013, le numéro CAS attribué à la substance a été modifié de manière qu’il corresponde à celui du Perfluorononyl Dimethicone, soit le CAS 882878 48-0;

d) Cependant, ce n’est qu’en 2018 que Phoenix a informé Schwan de ce
changement;

e) Schwan pour sa part n’a pas informé Groupe Marcelle du changement de CAS de sorte que, malgré sa diligence et la robustesse de son système de conformité, Groupe Marcelle n’a pu faire le lien entre les Produits visés et l’Avis de nouvelle activité qu’après en avoir été informé par l’Agent d’ECCC le ou vers le 18 mai 2022;

 

f) Les pertes qui seraient encourues par Groupe Marcelle sont estimées à 1 600 000 $ (environ 500 000 unités annuellement importées et vendues, ayant un coût de production d’environ 2$ par unité).

[26]       Le 29 juin 2022, l’Agent délivre, conformément aux articles 235 et suivants de la LCPE, l’ordre aux Demandeurs.

[27]       Le 21 juillet 2022, les Demandeurs déposent au Tribunal une demande de révision, accompagnée d’une demande de suspension.

[28]       Le 1er septembre 2022, lors d’une conférence de gestion d’instance, les Demandeurs se désistent de leur demande de suspension de l’ordre. À la suite de cette conférence, les Demandeurs ont déposé au Tribunal une demande modifiée de révision de l’ordre.

[29]       Une audience par vidéoconférence a eu lieu le 15 septembre 2022.

Questions en litige

[30]       La question principale à trancher est la suivante :  le Tribunal devrait-il confirmer ou modifier l’ordre d’exécution en vertu de l’article 263 de la LCPE ?

[31]       Afin de répondre à cette question, le Tribunal doit se pencher sur les sous-questions suivantes :

               I.        Est-ce qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise ?

              II.         Si oui, quelles sont les mesures qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique ?

            III.        Est-ce que l’article 265 s’applique dans l’instance ?

            IV.        Est-ce que le Tribunal devrait modifier l’ordre en ajoutant une nouvelle mesure ?


 

Lois et règlements pertinents

[32]       L’extrait des lois et règlements pertinents se trouvent à l’Annexe A de cette décision. Les dispositions législatives les plus pertinentes à la révision de l’OEPE sont les suivantes :

Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

 

235 (1) Lors de l’inspection ou de la perquisition, l’agent de l’autorité qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être — ou le sera vraisemblablement, dans les cas prévus au paragraphe (2), peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (3) de prendre les mesures prévues au paragraphe (4) et, s’il y a lieu, au paragraphe (5) qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l’infraction ou s’abstenir de la commettre.

 

235 (2) Les cas de contravention sont :

a) l’importation, l’exportation, la fabrication, le transport, la transformation ou la distribution d’une substance ou d’un produit la contenant;

b) leur possession, entreposage, utilisation, vente, mise en vente, publicité ou élimination;… (soulignement ajouté)

 

263 Après avoir examiné l’ordre, avoir donné aux intéressés et au ministre un avis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de lui présenter oralement leurs observations, le réviseur peut décider, selon le cas :

a) de le confirmer ou de l’annuler ;

b) de modifier, suspendre ou supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une;

c) de proroger sa validité d’une durée équivalant au plus à cent quatre-vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension.

 

265 Le réviseur ne peut toutefois exercer les pouvoirs visés à l’article 263 si cela devait occasionner :

a) la dégradation ou un risque grave de dégradation de la qualité de l’environnement relativement à tout usage que l’on peut en faire ;

b) un préjudice ou des dommages — ou un risque grave de préjudice ou de dommages — à des biens, des végétaux ou des animaux ;

c) un danger pour la santé ou la sécurité de quiconque.

Discussion, analyse et conclusions

i)             Est-ce qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise ?

[33]       Depuis le 27 mai 2007, la substance en question est visée par l’Avis de nouvelle activité nº 14673, qui est un « règlement » au sens de la Loi sur les textes réglementaires (L.R.C. (1985), ch. S-22).

[34]       Selon l’Avis de nouvelle activité no 14673, « Une nouvelle activité touchant la substance est toute nouvelle activité autre que son importation ou sa fabrication en vue de servir de stabilisateur industriel de mousse de silicone. »

[35]       Dans l’ordre d’exécution, l’Agent écrit qu’il a des motifs raisonnables de croire que « le paragraphe 81(4), l'article 86 ainsi que les alinéas 272(1)a) et 272(1)b) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) ont été enfreints et continuent de l'être ou seront vraisemblablement enfreints ».  Selon l’Agent, ces dispositions ont été enfreintes de deux manières :

a.     Que Groupe Marcelle inc. et ses dirigeants responsables, ont omis de présenter au ministre une déclaration de nouvelle activité, au moins 90 jours avant d'entreprendre celle­ ci, pour la substance en question, et que ces dispositions continuent à être enfreintes ; et

b.     Que Groupe Marcelle inc. et ses dirigeants responsables, ont omis d'aviser les acheteurs de produits contenant la substance en question et que ces dispositions continuent à être enfreintes.

[36]       Les dispositions de la LCPE que l’Agent allègue ont été enfreintes sont les suivantes :

81 (4) En ce qui touche une substance non inscrite sur la liste intérieure mais pour laquelle le ministre publie dans la Gazette du Canada un avis l’assujettissant au présent paragraphe, il est interdit de l’utiliser dans le cadre de la nouvelle activité prévue par l’avis sans avoir fourni au ministre, au plus tard à la date réglementaire ou à celle que le ministre précise, les renseignements réglementaires — accompagnés des droits réglementaires — et tant que le délai d’évaluation prévu à l’article 83 ou précisé par le ministre n’est pas expiré.

 

 En cas de publication de l’avis prévu au paragraphe 85(1), quiconque transfère la possession matérielle ou le contrôle de la substance en cause doit aviser tous ceux à qui il transfère la possession ou le contrôle de l’obligation de se conformer au paragraphe 81(4).

[37]       Il est incontesté que l’usage de la substance en question dans les produits cosmétiques, est une nouvelle activité.  Il est également incontesté que les Demandeurs avaient l’obligation statutaire de transmettre une déclaration et des renseignements avant d’importer et de commercialiser des produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0). Ceci aurait eu comme objectif de permettre au Ministre de déterminer si les activités occasionnaient effectivement un danger pour la santé humaine et pour l’environnement, tel que soupçonné.  Il est également incontesté que les Demandeurs n’ont pas présenté au Ministre une déclaration de nouvelle activité, tel que requis.

[38]       Il n’est pas contesté par les Demandeurs que l’Agent d’ECCC avait des motifs raisonnables de croire que les Demandeurs ont contrevenu à la LCPE en vendant des produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone alors qu’un Avis de nouvelle activité était en vigueur (par 15, plan d’argumentation des Demandeurs).

[39]       Le Tribunal conclut qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le paragraphe 81(4), l'article 86 ainsi que les alinéas 272(1)a) et 272(1)b) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) ont été enfreints. En effet, les produits en question de Groupe Marcelle n’ont pas encore été récupérés et détruits, et Groupe Marcelle n’a pas fourni au Ministre les renseignements réglementaires, alors l’infraction continue à ce jour.

ii)            Quelles sont les mesures qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique ?

[40]       La deuxième partie de l’analyse prévue à l’article 235 de la LCPE consiste à déterminer quelles sont les mesures de l’ordre d’exécution qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique.  Cette partie de l’analyse sera organisée comme suit :

A.   Les mesures visées dans l’OEPE

B.   Les mesures proposées par Groupe Marcelle

C.   Les mesures sont-elles compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique ?

a.    Droit applicable

b.    Prétentions des parties

c.    Analyse et conclusion sur la compatibilité des mesures 1 à 6 de l’OEPE

d.    Analyse et conclusion sur la compatibilité des mesures proposées par Groupe Marcelle

D.   Les mesures sont-elles justifiées en l’espèce?

a.    Droit applicable

b.    Prétentions des parties

c.    Analyse et conclusion sur la justification des mesures 1 à 6 de l’OEPE

d.    Analyse et conclusion sur la justification des mesures proposées par Groupe Marcelle

A.   Les mesures visées dans l’ordre d’exécution

[41]       Essentiellement, les mesures visent à mettre fin à l’infraction à LCPE. Les mesures se lisent comme suit :

1.    Au 29 juin 2022, cesser toute nouvelle activité prévue par un avis, pour la substance Siloxanes et silicones, dimethyle, methyl-3,3,4,4,5,5,6,6,6-nonafluorohexyle (CAS 882878-48-0) pouvant également être connue sous l'appellation « Perfluorononyl Dimethicone » selon l'Avis de nouvelle activité 14673.

 

2.    Dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 30 septembre 2022, développer et mettre en place ainsi que de fournir au soussigne une copie d'un système de gestion environnementale pour s'assurer que Groupe Marcelle inc. respecte en tout temps la LCPE notamment en évitant que Groupe Marcelle inc. ne précède à l’importation, la fabrication, la mise en vente et/ou la vente de produits ne respectant pas la LCPE, ses arrêtés et ses règlements.

 

3.    Dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 28 octobre 2022, récupérer auprès des distributeurs de Groupe Marcelle inc., tout produit contenant la substance Siloxanes et silicones, dimethyle, methyl-3,3,4,4,5,5,6,6,6-nonafluorohexyle (CAS 882878-48-0) également connue sous l'appellation INCi « Perfluorononyl Dimethicone » (y compris les démonstrateurs et échantillons).

 

4.    Dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 18 novembre 2022, fournir au soussigné un rapport détaillant les actions utilisées pour récupérer les produits devant être rapatries (tel que définis au point #3 des Mesures à prendre du présent OEPE). Le rapport devra également inclure un inventaire complet des produits récupérés et leur provenance. De plus, le rapport devra être approuvé et transmis par M. David CAPE.

 

5.    Dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 9 décembre 2022, procéder à la destruction (via un précédé assurant l'élimination appropriée des substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques) des produits rapatriés (tel que définis au point #3 des Mesures à prendre du présent OEPE).

 

6.    Dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 23 décembre 2022, fournir au soussigné un rapport détaillant l'élimination des produits rapatriés (tel que définis au point #5 des Mesures à prendre du présent OEPE). Le rapport devra détailler ce qui est advenu des produits récupérés. Les factures, bons de collecte, manifestes de transport, bon d'incinération/destruction et tout autre document pertinent devront être annexes au rapport qui devra être signe par M. David CAPE.

B.   Les mesures proposées par Groupe Marcelle

[42]       Groupe Marcelle demande au Tribunal de modifier les ordonnances rendues aux termes de l’Ordre d’exécution de manière qu’il y soit prévu que :

a)    La commercialisation des Produits visés s’achève le 31 décembre 2022 par le biais d’une communication préalable en ce sens auprès des détaillants de Groupe début de la collecte par ses équipes des Produits visés dans les jours subséquents ;

b)    Le rappel des Produits visés s’effectue au plus tard le 10 février 2023 avec la production d’un rapport détaillant les démarches effectuées au plus tard le 24 février 2023; et

c)    La destruction des Produits visés soit complétée pour le 17 mars 2023 avec la production d’un rapport détaillant les démarches effectuées au plus tard le 31 mars 2023.

C.   Les mesures sont-elles compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique ?

a.    Droit applicable

[43]       La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c.33 (LCPE) est une « [l]oi visant la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement

durable » .

[44]       La LCPE incorpore les principes de la prudence et de la prévention (LCPE, art. 2(1) ; voir aussi 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, par. 31) :

2(1) […] [D]e manière à protéger l’environnement et la santé humaine, à appliquer le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l’environnement, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement, ainsi qu’à promouvoir et affermir les méthodes applicables de prévention de la pollution…

[45]       Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sous l’article 263 de la LCPE, le Tribunal est orienté par l’objectif de la Loi. Le Tribunal exercera alors son pouvoir discrétionnaire de manière à favoriser l’atteinte de l’objectif législatif de la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine (voir aussi Kost c. Canada (Environnement et Changement climatique Canada), 2019 TPEC 3, au para.18 (« Kost »).

[46]       L’article 235 de la LCPE prévoit ceci : 

235 (1) Lors de l’inspection ou de la perquisition, l’agent de l’autorité qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être — ou le sera vraisemblablement, dans les cas prévus au paragraphe (2), peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (3) de prendre les mesures prévues au paragraphe (4) et, s’il y a lieu, au paragraphe (5) qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l’infraction ou s’abstenir de la commettre. (soulignement ajouté)

[47]       Les mesures ordonnées dans un OEPE doivent alors être (1) justifiées en l’espèce et (2) compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique.

Le fardeau de la preuve

[48]       Chaque partie a le fardeau de prouver que ses mesures imposées ou mesures proposées correspondent aux deux éléments mis en évidence par le Tribunal dans le paragraphe précédent.

[49]       Le Tribunal cherchera à déterminer si le Ministre a prouvé que les mesures dans l’OEPE correspondent à ces deux éléments.  Ensuite, le Tribunal cherchera à déterminer si les modifications suggérées par les demandeurs correspondent, à leur tour, à ces deux éléments. 

[50]       En dépit du fardeau de preuve, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur la justification des mesures en l’espèce sans considérer tous les arguments pertinents des deux parties.


 

b.    Les prétentions des parties

Les prétentions du Ministre

[51]       Le Ministre argumente que, par l’entremise de la présente Demande de révision, les Demandeurs demandent essentiellement au Tribunal de modifier l’OEPE « afin de les autoriser à importer et à écouler illégalement pendant plusieurs mois et à ne pas récupérer et détruire dans les plus brefs délais des centaines de milliers de produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0), dont la dangerosité pour la santé humaine et pour l’environnement est empiriquement prouvée. »

[52]       Le Ministre souligne que la LCPE est une loi d’ordre public et que l’observation des dispositions de la LCPE est un enjeu important au Canada «vu les conséquences nocives irréparables et inacceptables que peuvent entrainer pour la santé humaine et pour l’environnement les contraventions à cette loi.»

[53]       Le Ministre soumet que le cadre juridique qui s’applique est conforme aux principes de la prudence et de la prévention.  Selon le cadre juridique, « tant et aussi longtemps qu’une déclaration de nouvelle activité, accompagnée des renseignements obligatoires prévus à un avis de nouvelle activité et aux dispositions législatives et réglementaires applicables, n’ont pas été fournis au Ministre et que le délai prévu à l’article 83 de la LCPE ou précisé par le Ministre n’est pas expiré, une nouvelle activité visée par un avis de nouvelle activité est formellement interdite. »  Le Ministre prétend que cette interdiction est dès lors compatible avec la protection de l’environnement et la sécurité publique.

[54]       Le Ministre prétend que les Mesures nº 5 et 6 de l’OEPE sont compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique, dans la mesure où Groupe Marcelle ne fait pas la preuve de démarches sérieuses pour fournir au Ministre une déclaration de nouvelle activité accompagnée des renseignements obligatoires prévus à l’Avis de nouvelle activité.

[55]       Le Ministre souligne que c’est exclusivement le Ministre qui détient le pouvoir discrétionnaire de déterminer si la commercialisation de produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) rend effectivement ou potentiellement toxique cette substance et si cette activité commerciale devrait être autorisée à la lumière de l’évaluation attentive et complète des risques qu’elle pose pour la santé humaine et pour l’environnement.  Il prétend que la révision d’un OEPE devant le Tribunal n’est pas le bon forum pour contester les fondements et les effets de l’Avis de nouvelle activité.

[56]       Malgré le fait qu’il soutienne que le Tribunal n’a pas la compétence requise pour se pencher sur les risques de la substance, le Ministre a présenté de la preuve pour établir que cette substance présente effectivement un risque à l’environnement et la santé humaine, et non seulement un soupçon de toxicité tel que requis par l’article 85.

[57]       Le Ministre a soulevé plusieurs points sur le niveau de risque représenté par la substance en question. En voici un sommaire :

-       Les soupçons des Ministres qui fondent l’Avis de nouvelle activité sont à eux seuls suffisants pour justifier cette mesure en l’espèce, puisque selon ceux-ci, quelconque concentration de Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) peut se dégrader en PFBA, une substance dont même les simples traces sont reconnues comme présentant un danger inacceptable pour la santé humaine et pour l’environnement, particulièrement lorsqu’elles se retrouvent dans des produits cosmétiques.

-       Les résultats des analyses obtenus par l’Agent de l’autorité lors de son inspection démontrent notamment que le Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) contenu dans les produits cosmétiques commercialisés par Groupe Marcelle se dégrade effectivement en PFBA et en d’autres PFAS.

 

-       Les affidavits de Marc André Cloutier, d’Allison McLaughlin et de Vincent Dionne-Dumont, ainsi que les documents annexés, démontrent, d’une part, que ces PFAS sont en partie absorbés par le corps de leurs utilisateurs et, d’autre part, que la concentration de ces PFAS dans ces produits est nettement supérieure – jusqu’à plusieurs centaines de fois – à celles que les études scientifiques et rapports gouvernementaux contemporains énoncent comme pouvant présenter un risque inacceptable pour la santé humaine lorsque l’absorption est régulière (c.-à-d. des impacts sur le métabolisme, la fertilité, le développement foetal, le système immunitaire et le développement de cancers) et comme pouvant nuire à l’environnement.

 

-       La preuve administrée par les Demandeurs ne fait aucunement état d’une quelconque analyse des conséquences pour la santé humaine et pour l’environnement de la dégradation du Perflurononyl Dimethicone (882878-48-0) contenu dans les produits cosmétiques commercialisés par Groupe Marcelle en PFBA et en d’autres PFAS, notamment suite à sa dégradation naturelle.

[58]       En ce qui concerne la modification (a) proposée par Groupe Marcelle, le Ministre prétend que le Tribunal ne peut légalement, suivant l’article 263 de la LCPE, autoriser les Demandeurs à contrevenir au paragraphe 81(4) de la LCPE en leur permettant de continuer à commercialiser divers produits cosmétiques contenant la substance en question.  De plus, le Ministre prétend que les modifications proposées par les Demandeurs viendraient également cautionner une contravention à l’article 16 de Loi sur les aliments et drogues, qui interdit essentiellement de vendre un produit cosmétique qui « contient une substance — ou en est recouvert — susceptible de nuire à la santé de l’individu qui en fait usage ».


 

Les prétentions des Demandeurs

[59]       Les Demandeurs ne prétendent pas que les mesures ordonnées pour mettre fin à la perpétration de l’infraction sont incompatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique. 

[60]       Dans leur plan d’argumentation, ils soumettent plutôt que les échéances prévues pour accomplir les mesures prévues à l’OEPE ne sont ni justifiées dans les circonstances ni compatibles avec les objectifs de la LCPE. 

[61]       Ils prétendent que les délais accordés aux Demandeurs pour se conformer à l’Avis de nouvelle activité sont déraisonnables et disproportionnés en l’espèce. Les Demandeurs précisent qu’ils « ne souhaitent pas être autorisés à contrevenir à l’Avis de nouvelle activité en vigueur, mais demandent plutôt au Tribunal d’exercer les pouvoirs en vertu de l’article 263 de façon à réviser les délais accordés par le Ministre pour satisfaire aux mesures prévues à l’OEPE».

[62]       La prétention de Groupe Marcelle à savoir que les échéances ne sont pas compatibles avec la protection de l’environnement repose sur l’argument qu’il n’existe aucun effet nocif ou danger « connus pour la vie ou la santé humaines résultant d’une utilisation normale ou habituelle des produits visés par l’Ordre d’exécution. » (Plan d’argumentation para v)

Les produits visés ne représentent pas un danger pour la vie ou la santé humaine

[63]       Les Demandeurs soutiennent que la preuve au dossier démontre l’absence de tout effet nocif ou de tout danger connu pour la vie ou la santé humaine résultant d’une utilisation normale ou habituelle des Produits visés. Ils soutiennent que les études toxicologiques déposées par le Défendeur démontrent l’innocuité des Produits visés.

[64]       L’affidavit de Dre Britta Linner-Krcmar contient ses conclusions en réponse à l’opinion exprimée par l’Agent Cloutier, à savoir que

…le niveau d’exposition aux PFBA et PFHxA dont des traces semblent avoir été trouvées par SGS dans l’un des produits de Groupe Marcelle est, selon le cas, des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de fois inférieur aux seuils d’exposition de non-risque calculés ou identifiés dans les études citées par celui-ci.

[65]       Les Demandeurs soutiennent que la quantité de Perfluorononyl Dimethicone susceptible de se retrouver dans l’environnement d’ici le 31 décembre 2022 est négligeable, et qu’il déraisonnable d’affirmer qu’une quantité d’environ 0,3 kg de Perfluorononyl Dimethicone distribuée à travers le pays est  susceptible de contaminer les cours d’eau canadiens de façon à ce qu’ils atteignent une concentration en PFBA ou en PFHxA suffisamment importante pour occasionner un risque sérieux à l’environnement ou la santé humaine.

[66]       Les Demandeurs argumentent que les produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone sont vendus sur le marché canadien depuis plus de 15 ans sans que Santé Canada exprime de préoccupation particulière quant à leur utilisation dans les produits cosmétiques.

[67]       L’absence d’effets nocifs des produits en question viendrait appuyer que les modifications proposées seraient compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique.

[68]       Compte tenu du fait que la substance en question n’est présente qu’en très faibles quantités dans les produits cosmétiques visés, les Demandeurs prétendent que le Ministre n’a pas démontré qu’une échéance prolongée aurait un effet sur la santé humaine ou la protection de l’environnement.

L’absence d’urgence

[69]       Les Demandeurs cherchent aussi à démontrer qu’il n’y a pas d’urgence à arrêter la vente de ces produits.  Ils notent que les produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone sont vendus sur le marché canadien depuis plus de 15 ans sans que Santé Canada exprime de préoccupation particulière quant à leur utilisation dans les produits cosmétiques.

[70]       Ils soulignent que l’agent Cloutier a montré une souplesse à la rencontre du 18 mai 2022, en indiquant qu’il « n’empêcherait pas ses détaillants de continuer à vendre les Produits visés pourvu que la date limite qui serait prévue à l’Ordre d’exécution qu’il envisageait d’émettre soit respectée. »  De plus, il appert des observations de M. Simard que plusieurs des produits similaires à ceux visés par l’Ordre d’exécution sont encore commercialisés par les concurrents de Groupe Marcelle dans plusieurs magasins, incluant des pharmacies, et sur les sites Internet des sociétés concernées.

[71]       Les Demandeurs soutiennent que les courtes échéances prévues à l’Ordre d’exécution sont déraisonnables et disproportionnées considérant qu’elles ne sont fondées sur aucun danger sérieux et tangible.  La preuve au dossier démontre, selon eux, que les études toxicologiques déposées par le Défendeur attestent de l’innocuité des Produits visés et qu’il appert de la preuve au dossier que la quantité de Perfluorononyl Dimethicone susceptible de se retrouver dans l’environnement d’ici au 31 décembre 2022 est négligeable.  Les Demandeurs reprochent au Ministre de ne pas avoir expliqué en quoi la prolongation des échéances recherchées par les Demandeurs occasionnerait un risque sérieux de dégradation de l’environnement.

c.    Analyse et conclusion sur la compatibilité des mesures 1-6 de l’OEPE

[72]       La mesure no. 1 ordonne aux Demandeurs au 29 juin 2022, de cesser toute nouvelle activité prévue par l’Avis pour la substance en question. L’importation, la fabrication, la mise en vente et/ou la vente de produits ne respectant pas la LCPE sont toutes des nouvelles activités selon l’avis (lequel a le poids d’un règlement).  Toute infraction à la LCPE est incompatible à la protection de l’environnement (étant donné l’objectif de la Loi) et donc toute mesure qui vise à faire stopper une infraction à la loi est compatible avec la protection de l’environnement.

[73]       L’objectif de la mesure, soit de cesser tout de suite toute nouvelle activité prévue par un avis, donc activité interdite sous la LCPE, est en soi compatible avec la protection de l’environnement.

[74]       La mesure no. 3 ordonne aux Demandeurs de récupérer auprès des distributeurs de Groupe Marcelle inc. tout produit contenant la substance en question dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 28 octobre 2022.  Encore une fois, il s’agit d’une mesure qui vise directement à mettre fin à l’infraction de la LCPE, et toute infraction à la Loi est incompatible à la protection de l’environnement (étant donné l’objectif de la Loi). Cette mesure est donc compatible avec la protection de l’environnement.

[75]       La mesure no. 5 ordonne aux Demandeurs de procéder à la destruction des produits rapatriés dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 9 décembre 2022.  La vente et l’exportation de la substance sont interdits selon la loi. Il s’agit encore d’une mesure qui vise directement à mettre un terme à l’infraction à la LCPE ce qui en fait une mesure compatible avec la protection de l’environnement.

[76]       Les mesures 2, 4 et 6 ordonnent que les Demandeurs soumettent des rapports au Ministre quand les mesures 1, 3 et 5 ont été prises.  Les échéances aux mesures 2, 4 et 6 sont intrinsèquement liées aux mesures qui leur sont associées.  Elles sont donc compatibles avec la protection de l’environnement.

[77]       Les mesures 1 à 6 prévues dans l’ordre d’exécution visent à protéger les Canadiens des produits possiblement toxiques étant donné que la demande d’une étude n’a même pas été déposée et le Ministre n’a pas reçu les renseignements règlementaires pour déterminer s’ils ne sont pas dangereux.

[78]       L’Agent Cloutier a constaté que « Selon le Gouvernement du Canada, il manque de renseignements sur la plupart des PFAS actuellement utilisés au Canada pour pouvoir évaluer leur toxicité, les cas d’exposition simultanée à plusieurs PFAS et les effets cumulatifs que les PFAS peuvent avoir, à la lumière des connaissances scientifiques actuelles, des impacts néfastes sur la santé des Canadiens et l’environnement.»  (para 94 de l’affidavit Cloutier du 17 aout 2022)

[79]       Bien qu’il y ait des divergences concernant les risques ou l’absence de risques associés de la substance, il ne fait aucun doute que les mesures 1 à 6 cherchent à promouvoir le respect de la Loi Canadienne sur la protection de l’environnement et qu’elles sont alors compatibles avec la protection de l’environnement et la santé publique.

[80]       Les mesures 1 à 6 de l’OEPE correspondent à l’objectif général de la LCPE, soit la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine, et au principe de précaution en conformité avec Spraytech. Le Tribunal conclut donc que le Ministre a prouvé que les mesures ordonnées sont compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique

d.    Analyse et conclusion sur la compatibilité des mesures proposées par Groupe Marcelle

[81]       Les Demandeurs demandent au Tribunal de modifier les ordonnances rendues aux termes de l’Ordre d’exécution de manière à ce que la commercialisation des Produits visés continue jusqu’au 31 décembre 2022, avec le rappel des Produits visés et leur destruction dans les mois suivants.

[82]       Il n’est pas déraisonnable pour une compagnie à but lucratif de chercher à minimiser ses pertes économiques. Cependant, pour que le Tribunal puisse accepter les modifications proposées, elles doivent aussi être compatibles avec la protection de l’environnement et la santé publique (Kost). Pour être compatible avec la protection de l’environnement et la santé publique, une mesure doit au moins ne pas nuire à l’objectif de la LCPE. Dans le cas en espèce, cependant, la modification proposée (a) irait directement à l’encontre de l’objectif de la LCPE, et ce malgré les quantités faibles de la substance dans les produits visés. 

[83]       Le Ministre soumet que :

(C)’est le Ministre qui détient le pouvoir discrétionnaire de déterminer si la commercialisation de produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) rend effectivement ou potentiellement toxique cette substance, et si cette activité commerciale devrait être autorisée à la lumière de l’évaluation attentive et complète des risques qu’elle pose pour la santé humaine et pour l’environnement. En conséquence, même si les Demandeurs avaient raison d’affirmer que la commercialisation de produits cosmétiques contenant Perflurononyl Dimethicone (882878-48-0) ne constituait effectivement pas un danger pour la santé humaine et pour l’environnement, chose catégoriquement niée par le Ministre, il n’appartient ni aux Demandeurs, ni à l’Agent de l’autorité et, avec déférence, ni au Tribunal de faire cette détermination. Effectivement, suivant l’Avis de nouvelle activité et les paragraphes 81(4) et 85(1) de la LCPE, c’est exclusivement le Ministre qui détient ce pouvoir discrétionnaire. Dit autrement, la révision d’un OEPE devant le Tribunal n’est pas le bon forum pour contester les fondements et les effets de l’Avis de nouvelle activité, comme le font ici les Demandeurs. (para. 57, plan d’argumentation du Ministre)

[84]       Le Tribunal est d’accord avec cette constatation du Ministre. Il n’appartient pas au Tribunal de déterminer si la substance en question constitue un danger pour la santé humaine et pour l’environnement.  Le caractère accéléré d’une révision d’un ordre d’exécution par le Tribunal démontre qu’il n’est pas le forum approprié pour une étude profonde d’une telle question.  Le processus vise une résolution rapide lorsqu’une partie visée par un ordre d’exécution s’objecte aux mesures prévues.  Les articles suivants servent d’exemples à ce processus rapide : l’article 258(1) de la LCPE qui énonce qu’« [une] demande de révision n’a pas pour effet de suspendre l’application [d’un OEPE] » , l’article 263 (c) qui limite l’autorité du Réviseur de proroger la validité d’un ordre « d’une durée équivalant au plus à cent quatre-vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension », et l’article 266 qui énonce que « Le réviseur ou le comité rend sa décision dans les quinze jours suivant la fin de la révision ».

[85]       Le Tribunal est tenu d’appliquer la loi, et donc l’Avis de nouvelle activité et les paragraphes 81(4) et 85(1) de la LCPE.  Ainsi, et suivant le principe de précaution, un nouvel usage de la substance en question est interdit jusqu’à ce que le Ministre ait eu le temps et les informations requises pour en faire l’étude.

[86]       L’Agent Cloutier explique dans son affidavit de 17 aout 2022, para 12 :

Suivant le principe de la prudence, cette nouvelle activité ne peut être entreprise avant l’échéance de la période d’évaluation et la décision ministérielle. Une telle activité demeure interdite jusqu’à ce que le ministre ait terminé son évaluation approfondie des risques associés à l’utilisation de la substance dans l’activité déclarée. En ce qui a trait particulièrement au « Perfluorononyl dimethicone », une nouvelle activité est, selon le libellé de l’Avis de nouvelle activité nº 14673, toute activité autre que son importation ou sa fabrication en vue de servir de stabilisateur industriel de mousse de silicone. Cette définition de nouvelle activité n’inclut pas de concentration ni de seuil au-delà duquel la déclaration serait requise.

[87]       En permettant aux Demandeurs de continuer à vendre les produits visés jusqu’au 31 décembre 2022 en dépit du fait que cette activité est interdite par l’avis de nouvelle activité, le Tribunal leur permettrait ainsi de continuer à enfreindre la Loi. Les échéances dans les modifications proposées (b) et (c) vont de pair avec la date proposée pour mettre fin à la commercialisation des produits visés.

[88]       Pour cette raison le Tribunal conclut que les Demandeurs n’ont pas établi que les modifications proposées sont compatibles avec la protection de l’environnement et la santé publique.


 

D.   Les mesures sont-elles justifiées en l’espèce?

[89]       À ce stade de l’analyse, le Tribunal a conclu que les mesures 1 à 6 de l’OEPE sont compatibles avec la protection de l’environnement et la santé publique et que les mesures proposées des Demandeurs ne le sont pas. Le Tribunal tient à souligner que l’article 235 demande à ce que les deux critères soient remplis, et qu’un des deux ne l’est pas pour les mesures proposées. Malgré cela, le Tribunal va tout de même procéder à l’analyse du critère de la justification des mesures en l’espèce.

a.    Droit applicable

[90]       Le droit applicable à l’analyse de la justification des mesures en l’espèce est le même que celui qui s’applique à la question de la compatibilité des mesures.

b.    Prétentions des parties sur la justification

Prétentions du Ministre - justification en l’espèce

[91]       Le Ministre prétend que toutes les mesures sont justifiées en l’espèce.

[92]       La mesure no 1 vise à mettre fin aux perpétrations de contraventions au paragraphe 81(4) de la LCPE. Le Ministre souligne que, selon les dispositions de la loi, les soupçons des Ministres à l’effet qu’il existe un danger à la santé humaine et pour l’environnement, sont suffisants pour justifier cette mesure.

[93]       Selon les prétentions du Ministre, la commercialisation de produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) rend effectivement toxique cette substance au sens de l’article 64 de la LCPE. Ces produits présenteraient un risque inacceptable pour la santé humaine lorsque l’absorption est régulière (c.-à-d. des impacts notamment sur le métabolisme, la fertilité, le développement fœtal, le système immunitaire et le développement de cancers) et peuvent nuire à l’environnement. Conséquemment, le rappel par Groupe Marcelle de ces produits auprès de ses distributeurs dans les plus brefs délais, et au plus tard le 28 octobre 2022, est justifié en l’espèce.

[94]       Le Ministre prétend que la destruction des produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0), dans les délais prescrits à l’OEPE, (mesures 5 et 6) est justifiée en l’espèce parce que Groupe Marcelle ne fait pas la preuve de démarches sérieuses pour fournir au Ministre une déclaration de nouvelle activité en bonne et due forme accompagnée des renseignements obligatoires prévus à l’Avis de nouvelle activité et aux dispositions législatives et réglementaires applicables.

[95]       Le Ministre prétend que le choix même de l’Agent d’émettre un ordre d’exécution démontre une approche raisonnable à la lumière de la Politique d’observation et d’application de la LCPE, puisqu’il aurait pu utiliser une autre mesure plus coercitive.

[96]       En ce qui concerne l’impact économique que les mesures auraient sur Groupe Marcelle, le Ministre souligne que ces arguments ne sont pas appuyés par des éléments de preuve.

[97]       Le Ministre souligne que cinq autres entreprises canadiennes ont reçu quasi- simultanément des OEPE visant à faire cesser également l’importation et la commercialisation de produits cosmétiques similaires et à procéder à leur rappel et à leur destruction, malgré, selon les prétentions du Ministre, des conséquences de nature économique parfois supérieures à celles alléguées par les Demandeurs.

[98]       Le Ministre soumet que des mesures plus coercitives ont été écartées par l’agent de l’autorité pour éviter des conséquences de nature économique supplémentaires à Groupe Marcelle, tel que l’émission d’un ordre de rappel fondé sur l’article 99 de la LCPE. Finalement, le Ministre soumet que les produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) représentent une faible proportion de tous les produits cosmétiques commercialisés par Groupe Marcelle.

Prétentions des Demandeurs – justification en l’espèce

[99]       Les Demandeurs prétendent que les échéances prévues dans les mesures 1 à 6 de l’OEPE ne sont pas justifiées en l’espèce. Ils contestent le caractère justifié et proportionnel des mesures prévues à l’OEPE. Plus précisément, ils soutiennent que les courts délais prévus à l’OEPE sont injustifiés et disproportionnés considérant les circonstances

Les Demandeurs n’ont pas sciemment contrevenu à l’Avis de nouvelle activité

[100]    Les produits visés par l’Ordre d’exécution sont importés du fabricant Schwan et vendus sur le marché canadien par Groupe Marcelle depuis 2012.  Le Perfluorononyl Dimethicone était utilisé par le fabricant Schwan depuis 2005 et se retrouvait dans plusieurs crayons cosmétiques vendus par plusieurs entreprises cosmétiques exerçant leurs activités au Canada.  Les Demandeurs affirment que ces produits sont approuvés dans plusieurs grands pays au monde.

[101]    Lors de sa vérification diligente relative aux ingrédients composant les Produits visés, Groupe Marcelle a utilisé le numéro d’enregistrement du Chemical Abstracts Service (CAS) de la substance en cause qui lui a été fournie par Schwan, soit le 259725-95-6, et n’a détecté aucun avis de nouvelle activité la concernant. En 2013, le numéro CAS attribué à la substance a été modifié de manière qu’il corresponde à celui du Perfluorononyl Dimethicone, soit le CAS 882878 48-0. Cette information n’a pas été communiquée au Groupe Marcelle par Schwan. Groupe Marcelle n’a pu alors faire le lien entre les Produits visés et l’Avis de nouvelle activité qu’après en avoir été informé par l’Agent d’ECCC le 18 mai 2022.

[102]    Il est à noter que d’autres commerçants cosmétiques, ainsi que la Cosmetics Alliance Canada, la principale association commerciale canadienne représentant les intérêts collectifs des différents acteurs de l’industrie des cosmétiques et des produits de soins personnels au Canada, n’étaient pas non plus aux faits de l’existence de l’avis.

Son historique en matière de conformité, son comportement en l’espèce

[103]    Groupe Marcelle soumet qu’il a été diligent et sérieux en réagissant à la situation à partir du moment où l’Agent d’ECCC l’a informé de l’existence de l’Avis de nouvelle activité.  Dès le 18 mai 2022, Groupe Marcelle a cessé la vente des Produits visés sur ses sites Internet, a arrêté toutes les commandes de réapprovisionnement des Produits visés auprès de Schwan et a mis en quarantaine les Produits visés qu’il a dans son entrepôt.

[104]    Groupe Marcelle souligne également qu’il dispose d’un parcours exemplaire en matière de conformité tant auprès de Santé Canada que d’ECCC.

[105]    En l’espèce, il y a de la jurisprudence portant sur le texte de dispositions semblables, ce qui nous guide dans notre exercice d’interprétation.

L’absence d’urgence pouvant justifier les délais prévus dans l’Ordre d’exécution

[106]    Les Demandeurs sont d’avis qu’il n’y a aucune urgence qui requiert le retrait des produits en question du marché, comme ceux-ci ne représentent aucun risque de nuire à l’environnement ou à la santé humaine.  Ils soumettent que l’Agent d’ECCC a démontré un manque d’urgence de sa part aussi, étant donné qu’une période de plus d’un an s’est écoulée entre la prise de connaissance de la problématique de sa part et la notification de l’Avis d’intention.

[107]    Les Demandeurs soumettent aussi qu’ils ont toujours compris lors des discussions avec les Agents d’ECCC qu’ils n’avaient pas à procéder immédiatement au rappel des Produits visés.  Luc Simard, ingénieur chimiste et Vice-président Opérations de Groupe Marcelle inc., affirme dans son affidavit que, lors de la rencontre du 18 mai 2022, l’Agent Cloutier lui a indiqué qu’il ferait preuve de flexibilité à l’endroit de Groupe Marcelle et qu’il n’empêcherait pas ses détaillants de continuer à vendre les Produits visés pourvu que la date limite qui serait prévue à l’Ordre d’exécution qu’il envisageait d’émettre soit respectée.

[108]    M. Simard affirme également dans son affidavit que plusieurs des produits similaires à ceux visés par l’Ordre d’exécution sont encore commercialisés par les concurrents de Groupe Marcelle dans plusieurs magasins, incluant des pharmacies, et sur les sites Internet des sociétés concernées.

Préjudice sérieux et disproportionné

[109]    Les Demandeurs soumettent que, au vu de l’importance du commerce de détail pour la vente des produits de Groupe Marcelle, les particularités de sa chaîne de distribution sont pertinentes pour comprendre et mesurer l’impact des mesures prévues dans l’Ordre d’exécution sur ses activités. Dans la Demande modifiée de révision et de suspension de l’application d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement, Groupe Marcelle précise, au paragraphe 48, ce qui suit :

a)    Dans l’industrie cosmétique, la mise à niveau des planogrammes dans les magasins ne peut s’effectuer que deux fois par année, soit en janvier pour la saison printemps-été et en juillet pour la saison automne-hiver;

b)    Toute telle mise à niveau requiert par ailleurs des semaines, voire des mois de planification et ne peut donc être effectuée à contretemps;

c)    À partir du moment où un produit est inclus dans un planogramme, comme dans le cas des Produits visés, il ne peut plus être retiré ou remplacé sauf aux moments prévus au paragraphe a) ci-dessus;

d)    Ainsi, le défaut de fournir aux détaillants les produits que Groupe Marcelle s’est engagé à livrer l’expose immanquablement à plusieurs conséquences dont l’impact financier ne peut être quantifié, telles que d’avoir des tablettes vides, de perdre de l’espace tablette à terme au vu de son incapacité à offrir aux consommateurs les Produits visés ou un produit de remplacement, d’affaiblir sa position concurrentielle et son image de marque aux yeux des consommateurs ou encore à payer des pénalités conséquentes découlant de son incapacité à livrer les produits qu’il s’est engagé à fournir;

e)    À titre d’exemple, une grande multinationale charge à ses fournisseurs une pénalité calculée en fonction d’un pourcentage appliquée sur le coût des marchandises vendues dès lors que le taux d’approvisionnement est inférieur à 97,5 % de la quantité commandée par ce détaillant un mois donné, (pièce P-11, Supplier Information Manual, Wal-Mart);

f)     Enfin, il est fondamental de préciser que Groupe Marcelle ne dispose pas de produits ayant des caractéristiques similaires aux Produits visés qui soient actuellement disponibles. Il est anticipé que Schwan soit en mesure d’en concevoir et d’en produire d’ici la fin de l’année 2022, sans toutefois pouvoir le garantir. 

[110]    Les Demandeurs allèguent que Groupe Marcelle est en mesure d’évaluer à près de 3 millions de dollars l’impact de l’Ordre d’exécution se rapportant au fait de ne pouvoir écouler les Produits visés dont il dispose en stock ou qui se trouvent en la possession de ses détaillants.  Cette évaluation exclut toute perte future de parts de marché liée notamment à la perte d’espace tablette ainsi que le coût associé au rappel des Produits visés auprès des 3 500 détaillants qui les commercialisent et à leur destruction ultérieure.

[111]    L’argument des Demandeurs est à l’effet que le préjudice que subirait Groupe Marcelle en cas de refus de la modification des échéances l'emporte sur le risque que pourrait engendrer la suspension pour la santé et l’environnement, en ce que (extrait de la Demande modifiée de révision et de suspension de l’application d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement, paragraphe 55) :

-       La substance en cause n’a jamais fait l’objet d’un quelconque signalement de la part de Santé Canada alors même que son utilisation dans les produits cosmétiques commercialisés sur le territoire canadien est connue de ces entités depuis au moins 15 ans;

-       La concentration de la substance en cause dans les Produits visés est minime, soit de 1 % à 3 % selon les Produits visés;

-       Le volume total de substance utilisée annuellement par Groupe Marcelle dans les Produits visés est seulement d’environ 1,8 kg;

-       Les tests réalisés par Schwan sur les formules standard utilisées pour la fabrication des Produits visés ainsi que sur la substance en cause démontrent que leur utilisation ne pose aucun risque pour la vie ou la santé humaine;

-       L’expérience postcommercialisation dérivée de la vente de plusieurs centaines de millions des produits contenant la substance en cause n’a révélé aucun effet nocif ni un quelconque danger pour la vie ou la santé humaine;

-       Les ordonnances visant à forcer Groupe Marcelle à procéder au retrait et à la destruction des Produits visés dans les plus brefs délais sont déraisonnables et incompatibles avec la situation de fait qui existe depuis plus d’une décennie sur le marché canadien;

-       Groupe Marcelle a entrepris des actions concrètes pour se conformer à l’Ordre d’exécution dans l’intérim. Suivant la réception de l’Avis d’intention, les Demandeurs ont informé les Agents d’ECCC qu’ils entendaient se conformer à l’Avis de nouvelle activité et retirer définitivement le Perfluorononyl Dimethicone de leurs produits.

[112]    Les Demandeurs soumettent que leur approche est pondérée et vise à trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu.

c.    Analyses et conclusion sur la justification des mesures 1 à 6 de l’OEPE

[113]    Les arguments des parties au sujet des échéances des mesures sont pertinents à l’analyse de leur justification.

[114]    La nature même d’un ordre d’exécution est de prévenir des dommages à l’environnement ou à la santé humaine.  De prime abord, lorsqu’il y a une infraction de la loi, l’ordre d’arrêter l’infraction « dans les plus brefs délais» paraît raisonnable.  La mesure no. 1 de L’OEPE demande à ce que l’activité interdite cesse immédiatement. Les autres mesures incluent des échéances qui modifient « les plus brefs délais ».

[115]    La seule limite à la compétence du Tribunal de modifier et d’annuler les mesures prévues à un OEPE est à l’article 265 de la LCPE, si cela devait occasionner la dégradation ou un risque grave de dégradation de la qualité de l’environnement et un danger pour la santé ou la sécurité de quiconque.  À part cette contrainte, la LCPE ne limite pas les éléments que le Tribunal doit prendre en considération pour déterminer si une mesure est « justifiée en l’espèce ».

La Bonne foi

[116]    J’accepte que les Demandeurs aient agi de bonne foi.  Groupe Marcelle semble avoir suivi ses procédures internes mais, suite à des erreurs concernant le CAS (de la substance) fourni par Schwan, n’a pas pu se conformer à l’Avis de nouvelle activité en déposant la demande requise par la LCPE. D’après la preuve, la substance en cause fait partie des ingrédients de produits cosmétiques de plusieurs fabricants et commerçants et, ce, depuis plus d’une décennie.  Même la Cosmetics Alliance Canada n’était pas au courant de l’avis de nouvelle activité concernant le Perfluorononyl Dimethicone avant le début des inspections de l’Agent en 2021, inspections qui ont mené à l’émission de l’OEPE.

[117]    Les Demandeurs ont aussi démontré la bonne foi suivant la réception de l’Avis d’intention.  Ils ont informé les Agents d’ECCC qu’ils entendaient se conformer à l’Avis de nouvelle activité et retirer définitivement le Perfluorononyl Dimethicone de leurs produits.  Ils ont fourni toutes les informations demandées par l’agent pour qu’il puisse compléter l’ordre le lendemain de la rencontre du 18 mai.

[118]    Les Demandeurs ont cessé immédiatement de fournir les produits en question aux détaillants, et ils ont mis tous les produits non-distribués en quarantaine.  Ils ont cessé immédiatement de vendre les produits visés sur leur site web.

[119]    Selon les Demandeurs, ils ont cru, dès le 18 mai 2022, que les Agents d’ECCC n’exigeraient pas que Groupe Marcelle procède au rappel immédiat des Produits visés se trouvant déjà en la possession des détaillants et que ceux-ci pouvaient donc continuer à être vendus par ces derniers.

[120]    Un OEPE n’est pas une contravention liée à la faute.  La présence de la bonne foi n’aurait pas d’effet sur la question à savoir si une infraction a été commise.  Elle pourrait être pertinente, cependant, en ce qui concerne la justification des mesures.  L’Agent Cloutier a pris en considération la diligence de Groupe Marcelle lorsqu’il a rédigé l’OEPE :

J’ai également considéré l’historique de conformité de Groupe Marcelle inc., sa diligence vis-à-vis les infractions alléguées et l’efficacité de la mesure pour assurer un retour à la conformité le plus rapidement possible afin d’assurer la protection de l’environnement et que protéger la santé humaine. (affidavit Marc-André Coutier, 6 septembre 2022, para 19)

Modifications par l’Agent de l’ECCC

[121]    Il appert des affidavits de l’Agent Cloutier que, lors de la rencontre avec Groupe Marcelle, il a pris en considération leurs représentations sur les circonstances en l’espèce avant d’émettre l’OEPE final.  Il a fait preuve de flexibilité dans la rédaction des mesures afin de faciliter leur accomplissement. On trouve dans ses affidavits les constatations suivantes :

-       Les délais impartis pour rapatrier les produits illégalement importés et distribués ont été allongés vis-à-vis l’ébauche initialement communiquée. Cette extension a été octroyée en raison des problèmes logistiques ayant présentement cours au Canada et de la période de congé estivale (affidavit du 6 sept 2022 para 42) ;

-       Les délais indiqués dans l’OEPE avaient été modifiés pour permettre d’effectuer le rappel des produits le plus tardivement possible… ; l’exigence de soumettre une déclaration de nouvelle activité avait été supprimée puisqu’il était difficilement possible d’en faire la soumission en 180 jours (Para 90).

[122]    L’OEPE prévoyait à la mesure no. 1 que toute nouvelle activité prévue par un avis (y inclus la vente des produits visés) devait cesser immédiatement.  L’Agent Cloutier a cependant inclus un niveau de flexibilité dans les mesures 2 à 6 de l’OEPE. En effet, la récupération des produits visés de chez les détaillants (la mesure 3) est prévue « dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 28 octobre 2022 », ce qui constitue une échéance de 4 mois.  La destruction des produits rapatriés est prévue « dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 9 décembre 2022 », soit 6 semaines après le rappel le plus tardive des produits.

[123]    Les Demandeurs n’ont pas cherché à établir qu’ils ont besoin de temps additionnel pour mettre en œuvre la récupération des produits, conformément à la mesure no. 3.  Au contraire, il appert de la preuve devant le Tribunal qu’ils sont capables de récupérer des produits dans un espace de 5 semaines, au lieu des 4 mois offerts par l’Agent (de la date de l’OEPE le 29 juin 2022 jusqu’au 28 octobre 2022).  Les échéances proposées dans leur demande de modification démontrent ce fait. Si le Tribunal permettait aux Demandeurs de continuer à vendre les Produits visés jusqu’au 31 décembre 2022, Groupe Marcelle propose qu’il serait en mesure de rappeler les Produits visés non-vendus au plus tard le 10 février 2023.

[124]    Les Demandeurs expliquent que les échéances proposées dans leurs mesures modifiées sont justifiées en l’espèce parce qu’elles « leur permettraient d’éviter de subir un préjudice sérieux et disproportionné lié notamment à l’absence de tout produit de remplacement ayant des caractéristiques similaires à court terme… ». À la date de l’audience, cependant, des produits de remplacement n’étaient pas encore disponibles du côté de chez Schwan. 

[125]    Le Tribunal accepte que l’Agent Cloutier a rédigé les échéances des mesures dans l’OEPE avec une considération des éléments soumis par Groupe Marcelle, y inclus la bonne foi. Les mesures tiennent compte des besoins opérationnels et l’historique de conformité des Demandeurs.

La proportionnalité

[126]    En grande partie, les Demandeurs fondent leur argument sur la proportionnalité des mesures prévues à l’OEPE. « (L)es Demandeurs tentent de fixer des échéances raisonnables et proportionnelles aux risques anticipés par le Défendeur, le tout en considérant la situation de fait qui perdure depuis plus de 15 ans dans l’industrie et dans l’objectif de retirer de façon permanente le Perfluorononyl Dimethicone de ses produits d’ici au 1er janvier 2023. » (Plan d’argumentation des Demandeurs, para iv).  Les Demandeurs citent l’arrêt Trans Mountain Pipeline ULC et al c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 TPEC 7, para. 91 à 98 (Trans Mountain), pour appuyer leur argument selon lequel le Tribunal devrait ordonner des mesures qui sont proportionnelles en l’espèce.

[127]    Le Tribunal accepte qu’en principe, la proportionnalité des mesures joue un rôle dans la détermination de leur justification en l’espèce.

[128]    Le Tribunal tient à noter qu’il y a des distinctions importantes à faire entre la question de proportionnalité impliquée dans le cas en espèce et celle de Trans Mountain.  Dans cette dernière, il ne s’agissait pas d’une question purement économique, mais plutôt d’intérêt public (para 93) :

«.. (L)’ampleur de la consultation et du processus de réglementation de la REC qui ont débouché sur l’approbation du projet et de ses mesures d’atténuation de l’impact sur l’environnement. Le fait que cela ait donné lieu à une approbation jugée conforme à l’intérêt publique mérite le respect ».

[129]    Et encore au para 96 : « Il est admis que l’ordre de suspension des travaux émis contre Trans Mountain en raison des prises accessoires a des répercussions extrêmement importantes. »

[130]    Dans l’arrêt Trans Mountain, la question qui se posait était celle à l’égard de la durée de l’ordre d’exécution et si celle-ci était compatible avec la durée de l’infraction à la loi. Ainsi, une fois que les oiseaux migrateurs avaient quitté les lieux, la compagnie n’était plus en train de les perturber et ne contrevenait plus à la Loi sur les oiseaux migrateurs

[131]    Les Demandeurs citent Ritchie Bros. Auctioneers (Canada) Ltd. c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 TPEC 8 (Ritchie Bros.) pour soutenir leur argument qu’il est permis au Tribunal de considérer des motifs d’équité dans le cadre de l’exercice de la discrétion que lui confère la LCPE. Ritchie Bros. n’aide pas dans l’analyse du cas en espèce. Il s’agissait d’une décision rendue en vertu de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126 (« LPAME »), où la question portait sur l’exercice de la discrétion du Tribunal de recevoir une demande de révision tardive d’une pénalité administrative.  Il n’y a aucune référence à la protection de l’environnement dans la discrétion conférée au Tribunal sous l’article 15 de la LPAME, contrairement à l’article 263 de la LCPE.

[132]    Groupe Marcelle soumet que le Tribunal devrait prendre une approche pondérée. Groupe Marcelle nous invite à comparer d’un côté les risques anticipés par le demandeur et de l’autre côté le risque à la santé humaine et la protection de l’environnement pendant le prolongement de l’échéance.

[133]    Le Tribunal trouve, cependant, que ceci n’est pas une comparaison appropriée. La tâche du Tribunal dans cette instance n’est pas de calculer le risque présenté par la substance en question. Comme déjà mentionné, seul le Ministre a cette compétence. Le fait incontesté devant le Tribunal est que la vente des Produits visés en question est actuellement interdite selon l’Avis de nouvelle activité. Par opération de la loi, et en conformité avec le principe de précaution, la substance est considérée possiblement dangereuse jusqu’à ce que les ministres autorisés en décident autrement.

[134]    Après avoir prise en considération tous les arguments des Demandeurs, le Tribunal conclut que le Ministre a établi que les mesures 1 à 6 dans l’OEPE sont justifiées en l’espèce.

d.    Analyse et conclusion sur la justification des mesures proposées par Groupe Marcelle

[135]    Comme mentionné plus haut, en dépit du fardeau de preuve, le Tribunal a dû considérer tous les arguments pertinents des deux parties avant de se prononcer sur la justification des mesures en l’espèce.  C’est une approche pondérée. Ainsi, dans son analyse de la justification des mesures 1 à 6 (dont le fardeau est sur le Ministre), le Tribunal a aussi pris en considération les arguments de Groupe Marcelle à l’effet que ces sont injustifiées.  Le Tribunal conclut que les arguments de Groupe Marcelle n’ont pas prévalu sur ceux du Ministre, et que les mesures dans l’OEPE, y inclus leurs échéances, sont donc celles qui sont justifiées en l’espèce.

[136]    Le Tribunal conclut alors que les mesures proposées par Groupe Marcelle ne sont pas justifiées en l’espèce.

I.             La discrétion du Tribunal et l’application de l’article 265

[137]    L’article 265 de la LCPE encadre le pouvoir discrétionnaire du Tribunal afin qu’il ne puisse pas exercer ses pouvoirs prévus à l’article 263 de la LCPE si cela devait occasionner des résultats tels la dégradation de l’environnement (alinéa 265a) de la LCPE) ou un danger pour la santé de quiconque (alinéa 265c) de la LCPE).

[138]    Si le Tribunal avait décidé de modifier des mesures de l’OEPE, il aurait pris en considération et aurait analysé les arguments des parties concernant l’applicabilité de l’article 265 dans le présent dossier.

[139]    Cependant, étant donné que le Tribunal décide de confirmer l’ordre d’exécution, il n’exercera pas sa discrétion de modification de l’ordre et donc les restrictions à l’article 265 ne sont pas en jeu.


 

II.            Ajout d’une mesure additionnelle 

[140]    Le Ministre demande que le Tribunal ajoute une 7e mesure à l’OEPE :

Par surcroît, à la lumière de la preuve présentée au Tribunal, l’ajout d’une mesure ayant l’effet d’ordonner aux Demandeurs de respecter l’article 86 de la LCPE, en avisant dans les plus brefs délais les distributeurs et les acheteurs des produits cosmétiques contenant du Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) que ces derniers sont assujettis à l’Avis de nouvelles activités, s’avère dorénavant justifié en l’espèce.

[141]    L’article 86 de la LCPE prévoit que quiconque transfère la possession matérielle ou le contrôle d’une substance visée par un avis de nouvelle activité – comme le Perfluorononyl Dimethicone (882878-48-0) – à l’obligation d’aviser tous ceux à qui il en transfère la possession ou le contrôle de l’obligation de se conformer au paragraphe 81(4) de la LCPE.

[142]    L’Agent n’a pas inclut cette mesure dans l’OEPE en dépit du fait qu’il a constaté dans l’ordre qu’il avait des motifs raisonnables de croire que l’article 86 de la LCPE a été enfreint.

[143]    Le Tribunal estime que le fait d’ajouter une nouvelle mesure est injustifié puisqu’il aurait comme conséquence de punir les Demandeurs pour avoir exercé leur droit de révision auprès du Tribunal, sans rien ajouter à la protection de l’environnement ou à la sécurité publique.

[144]    Le Tribunal est d’avis que le Ministre n’a pas prouvé que l’ajout d’une mesure serait justifié en l’espèce et compatible avec la protection de l’environnement et la sécurité publique.


 

Décision

[145]    Le Tribunal conclut que les mesures 1 à 6 de l’ordre d’exécution sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique. 

[146]    Le Tribunal conclut que les mesures proposées par les Demandeurs ne sont ni justifiées en l’espèce ni compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique. 

[147]    Le Tribunal conclut que l’ajout d’une nouvelle mesure est injustifié.

[148]    Pour tous ces motifs, le Tribunal confirme l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement no 8222-2021-04-15-6700 conformément à l’alinéa 263 a) de la LCPE. 

« Heather Gibbs »

HEATHER GIBBS

RÉVISEURE-CHEF

 


 

Annexe A – Disposition Législatives pertinentes

Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) L.C. 1999, ch. 33

Mission du gouvernement fédéral

2 (1) Pour l’exécution de la présente loi, le gouvernement fédéral doit, compte tenu de la Constitution et des lois du Canada et sous réserve du paragraphe (1.1) :

a) exercer ses pouvoirs de manière à protéger l’environnement et la santé humaine, à appliquer le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l’environnement, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement, ainsi qu’à promouvoir et affermir les méthodes applicables de prévention de la pollution;

a.1) prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l’environnement

 

Nouvelle activité relative à une substance non inscrite

81(4) En ce qui touche une substance non inscrite sur la liste intérieure mais pour laquelle le ministre publie dans la Gazette du Canada un avis l’assujettissant au présent paragraphe, il est interdit de l’utiliser dans le cadre de la nouvelle activité prévue par l’avis sans avoir fourni au ministre, au plus tard à la date réglementaire ou à celle que le ministre précise, les renseignements réglementaires — accompagnés des droits réglementaires — et tant que le délai d’évaluation prévu à l’article 83 ou précisé par le ministre n’est pas expiré.

 

Nouvelle activité

85 (1) Si, après évaluation des renseignements dont ils disposent sur une substance non inscrite sur la liste intérieure, les ministres soupçonnent qu’une nouvelle activité relative à la substance peut rendre celle-ci toxique, dans les 90 jours suivant l’expiration du délai d’évaluation, le ministre peut publier dans la Gazette du Canada et de toute autre façon qu’il estime indiquée un avis précisant que le paragraphe 81(4) s’applique à l’égard de la substance.

 

Avis donné aux personnes à qui la substance est fournie

86 En cas de publication de l’avis prévu au paragraphe 85(1), quiconque transfère la possession matérielle ou le contrôle de la substance en cause doit aviser tous ceux à qui il transfère la possession ou le contrôle de l’obligation de se conformer au paragraphe 81(4).

Ordres d’exécution en matière de protection de l’environnement

235 (1) Lors de l’inspection ou de la perquisition, l’agent de l’autorité qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être — ou le sera vraisemblablement, dans les cas prévus au paragraphe (2), peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (3) de prendre les mesures prévues au paragraphe (4) et, s’il y a lieu, au paragraphe (5) qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l’infraction ou s’abstenir de la commettre.

 

Pouvoirs des réviseurs

263 Après avoir examiné l’ordre, avoir donné aux intéressés et au ministre un avis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de lui présenter oralement leurs observations, le réviseur peut décider, selon le cas :

a) de le confirmer ou de l’annuler;

b) de modifier, suspendre ou supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une;

c) de proroger sa validité d’une durée équivalant au plus à cent quatre-vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension.

 

Restrictions aux pouvoirs des réviseurs

265 Le réviseur ne peut toutefois exercer les pouvoirs visés à l’article 263 si cela devait occasionner :

a) la dégradation ou un risque grave de dégradation de la qualité de l’environnement relativement à tout usage que l’on peut en faire;

b) un préjudice ou des dommages — ou un risque grave de préjudice ou de dommages — à des biens, des végétaux ou des animaux;

c) un danger pour la santé ou la sécurité de quiconque.

 

Motifs écrits

266 Le réviseur ou le comité rend sa décision dans les quinze jours suivant la fin de la révision, la motive par écrit et transmet une copie de la décision et des motifs aux personnes visées par l’ordre et au ministre à l’intérieur de ce même délai.

 

 

 

Annexe B – Liste de pièces à l’appui

 

Groupe Marcelle

1)        Demande modifiée de révision et de suspension de l’application d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement

 

2)        Plan d’argumentation des Demandeurs

 

3)        Liste des pièces au soutien de la demande :

o   Pièce P-1 : Ordre d’exécution

o   Pièce P-2 : Avis de nouvelle activité

o   Pièce P-3 : Liste des Produits visés

o   Pièce P-4 : Demande de dérogation et annexes, en liasse

o   Pièce P-5 : Échantillon des FDC transmis à Santé Canada relativement aux Produits visés

o   Pièce P-6 : Organigramme du processus de conformité

o   Pièce P-7 : Avis d’intention

o   Pièce P-8 : Document PowerPoint présenté lors de la rencontre du 10 juin 2022

o   Pièce P-9 : Lettre du 17 juin 2022

o   Pièce P-10 : Politique d’observation et d’application de la LCPE

o   Pièce P-11 : Pénalités Walmart

4)    Déclaration sous serment de Luc Simard

 

5)    Déclaration sous serment complémentaire de Luc Simard

 

6)    Liste des pièces au soutien de la déclaration assermentée :

o   Pièce P-12 : Tableau préparé par Groupe Marcelle répertoriant les ventes de Produits visés, tous conduits de distribution confondus

o   Pièce P-13 : Tableau préparé par Groupe Marcelle répertoriant les bons de commande intervenus

o   Pièce P-14 : Extrait de la U.S. Food & Drug Administration sur les PFAS dans les cosmétiques

 

7)    Affidavit of Dr. Britta Linner-Krcmar

 

8)    Liste des pièces au soutien de la déclaration assermentée :

o   Exhibit A : IFS HPC Audit Report and Certificate

o   Exhibit B : GMP Certificate

o   Exhibit C : Product Certificate for Precise Formula

o   Exhibit D : Excerpt of Safety Evaluation of Precise Formula – Pecosil FSL 300

o   Exhibit E : Sample Test Results

o   Exhibit F : Complaints and Recalls Policy

 

9)    Complementary Affidavit of Dr. Britta Linner-Krcmar

 

10) Liste des pièces au soutien de la déclaration assermentée :

o   Exhibit A : SCCS Notes of Guidance for the testing of cosmetic ingredients and their safety evaluation - 11th revision

o   Exhibit B : Health Canada - Use of margins of exposure and risk quotients in risk assessment

 

11) Déclaration sous serment de Juan Manuel Montiel

 

12) Liste des pièces au soutien de la déclaration assermentée :

o   Annexe 1 : Infolettre diffusée par Environnement et Changement climatique Canada en mai 2022

o   Annexe 2 : Convention de Stockholm

o   Annexe 3 : Proposition du gouvernement du Canada visant l’ajout de substances

 

13) Affidavit of Beta Montemayor


 

ECCC

1)    Plan d’argumentation du Ministre

2)    Contenu pertinent du dossier du ministre :

o   Pièce D-1 : État de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises de Groupe Marcelle Inc. daté du 15 avril 2021;

o   Pièce D-2 : Extrait de la base de données sur les marques de commerce canadienne pour la marque de commerce « Marcelle »;

o   Pièce D-3 : Extrait de la base de données sur les marques de commerce canadienne pour la marque de commerce « Annabelle »;

o   Pièce D-4 : Extrait de la base de données sur les marques de commerce canadienne pour la marque de commerce « Lise Watier »;

o   Pièce D-5 : Notes manuscrites du 19 avril 2021 de Sandra Giguères, ECCC, concernant les captures d’écran;

o   Pièce D-6 : Documents relatifs aux captures réalisées avec l’outil informatique « Hunchly »;

o   Pièce D-7 : Documents relatifs aux captures réalisées avec l’outil informatique « Snag it »;

o   Pièce D-8 : Documents relatifs aux captures réalisées avec l’outil informatique « Who.Is »;

o   Pièce D-9 : Notes manuscrites du 3 décembre 2021 de Marc-André Cloutier, ECCC;

o   Pièce D-10 : Note manuscrites du 3 décembre 2021 de Aurélie BeauregardCaillot, ECCC;

o   Pièce D-11 : Photos du 3 décembre 2021 des produits Annabelle, en liasse;

o   Pièce D-12 : Facture d’achat du produit Annabelle « crayon kohl yeux hydrofuge stay sharp metallic », couleur Ocean;

o   Pièce D-13 : Certificat no. WG80260 du 21 mars 2022 sur les PFAS post oxydation, données brutes ainsi que le document « Summary of SGS AXYS Method MLA-111 Rev 03 Ver 03, en liasse;

o   Pièce D-14 : Certificat no. WG80259 du 21 mars 2022 sur les PFAS, données brutes et le document « Analytical procedure for the Analysis », en liasse;

o   Pièce D-15 : Avis d’intention d’émettre un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) de ECCC daté du 18 mai 2022;

o   Pièce D-16 : Ébauche de l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999);

o   Pièce D-17 : Notes manuscrites du 18 mai 2022 de Charles-Olivier Frégeau, ECCC;

o   Pièce D-18 : Notes manuscrites du 18 mai 2022 de Marc-André Cloutier, ECCC;

o   Pièce D-19 : Courriel daté du 18 mai 2022 de Jean-François Ménard à Dominique Frappier et als, re : arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-20 : Courriel daté du 19 mai 2022 de Marc-André Cloutier à Luc Simard & als, re : résultats d’analyse;

o   Pièce D-21 : Courriel daté du 20 mai 2022 de Luc Simard à Marc-André Cloutier als, re : résultats d’analyse;

o   Pièce D-22 : Courriel daté du 24 mai 2022 à 10h45 de Jean-François Ménard, à Marc-André Cloutier & als, re : arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-23 : Courriel daté du 24 mai 2022 12h06 de Charles-Olivier Frégeau à Jean-François Ménard & als re : arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-24 : Courriel daté du 24 mai 2022 à 18h06 de Jean-François Ménard à Charles-Olivier Fregeau & als, re: arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-25 : Courriel daté du 24 mai 2022 à 20h36 de Charles-Olivier Fregeau à Jean-François Ménard & als, re: arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-26 : Courriel daté du 25 mai 2022 à 12h21 de Jean-François Ménard à Charles-Olivier Fregeau & als, re: arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-27 : Courriel daté du 25 mai 2022 à 13h26 de Charles-Olivier Fregeau à Jean-François Ménard & als, re: arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-28 : Courriel daté du 26 mai 2022 de Jean-François Ménard à Charles-Olivier Fregeau & als, re: arrêt de vente des produits contenant du Perfluorononyl Dimethicone;

o   Pièce D-29 : Notes manuscrites du 10 juin 2022 de Charles-Olivier Frégeau, ECCC;

o   Pièce D-30 : Notes manuscrites du 10 juin 2022 de Marc-André Cloutier, ECCC;

o   Pièce D-31 : Document intitulé Conformité des substances dans matières premières pour un lancement de produit remis le 10 juin 2022;

o   Pièce D-32 : Document intitulé Agenda : rencontre avec Environnement Canada June 10th, 2022;

o   Pièce D-33 : Courriel daté du 17 juin 2022 de Me Mélissa Devost à MarcAndré Cloutier & als, re : Observations relatives à l’avis d’intention d’émettre un ordre d’exécution;

o   Pièce D-34 : Notes manuscrites du 29 juin 2022 de Marc-André Cloutier, ECCC;

o   Pièce D-35 : Notes manuscrites du 29 juin 2022 de Charles-Olivier Frégeau, ECCC;

o   Pièce D-36 : Ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) de ECCC daté du 29 juin 2022;

o   Pièce D-37 : Courriel daté du 29 juin 2022 de Marc-André Cloutier à Luc Simard & als, re : Ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement;

 

3)    Affidavit de Alison McLaughlin et pièces, 17 août 2022

 

4)    Affidavit de Marc-André Cloutier et pièces, 17 août 2022

 

5)    Affidavit additionnel de Marc-André Cloutier, 22 août 2022

 

6)    Affidavit additionnel de Marc-André Cloutier et pièces, 6 septembre 2022

 

7)    Affidavit de Michel Lortie, 22 août 2022

 

8)    Affidavit supplémentaire de Michel Lortie et pièces, 6 septembre 2022

 

9)    Affidavit de Vincent Dionne-Dumont et pièces, 17 août 2022

 

 

 

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