Date de la décision : |
Le 8 novembre 2022 |
||
Référence : |
Canacha inc. et al. c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2022 TPEC 10 |
||
Numéro de dossier du TPEC : |
0025-2022
|
||
Intitulé : |
Canacha inc. et al. c. Canada (Environnement et Changement climatique) |
||
Demandeurs : |
Canacha inc., Sylvain Boisvert, Groupe Ricova inc. et Dominic Colubriale |
||
Défendeur : |
Ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada |
||
Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 256 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33, d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement délivré conformément à l’article 235(1) de cette même loi. |
|||
Instruit : |
Par écrit |
||
Comparutions : |
|||
Parties |
|
Avocat ou représentant |
|
Canacha inc. Sylvain Boisvert Groupe Ricova inc. Dominic Colubriale
|
|
Aubert Gallant
|
|
Ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada |
|
Benjamin Chartrand Éloïse Eysseric
|
|
DÉCISION RENDUE PAR : |
|
HEATHER GIBBS |
|
Contexte
[1] Le 23 septembre 2022, Canacha inc. (« Canacha ») a saisi le Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (« le Tribunal ») d’une demande de révision d’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement (« l’OEPE ») émis le 18 août 2022 par Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC »). La demande de révision a été déposée avec trois jours de retard et Canacha demande que le Tribunal proroge le délai prévu pour le dépôt d’une demande de révision et qu’il accueille sa demande. Le ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada (« le Ministre ») soumet qu’une telle prorogation n’est pas dans l’intérêt public et demande que le Tribunal la rejette.
Cadre législatif
[2] L’article 256(1) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33 (« la LCPE ») prévoit qu’une personne visée par un OEPE dispose d’un délai de 30 jours pour en demander la révision. L’article 256(2) est ainsi rédigé : « Le réviseur-chef peut proroger le délai dans lequel la demande de révision peut être faite s’il estime qu’il est dans l’intérêt public de le faire. »
Observations
[3] Canacha inc. reconnaît que la demande de révision a été déposée avec un retard de trois jours, soit le 23 septembre au lieu du 20 septembre 2022. En demandant une prorogation du délai, Canacha soumet que le délai était dû à une situation hors de son contrôle et ne peut lui être exclusivement imputé. Canacha explique qu’il y avait des difficultés dans le système de FEDEX, et en dépit du fait que le document était rendu à Ottawa le 20 septembre 2022, pour des raisons inconnues, il ne fut livré au Tribunal que le 23 septembre 2022.
[4] Canacha soumet aussi que la décision dans ce dossier porte de sérieux préjudices à l’entreprise, l’empêchant d’effectuer l’exportation de ses matières recyclées en Inde. La demande de révision contient un peu plus de détails sur ce point : « L’arrêt de nos exportations vers l’Inde sans préavis en 2022 en vertu d’un règlement existant depuis 2010 représente une catastrophe pour notre industrie du recyclage. Les stocks s’accumulent dans tous les centres de tris sans débouchés vers l’étranger. Une période de grâce de dix à douze mois serait nécessaire pour adapter notre industrie aux exigences de douanes Canada et à celles de la Convention de Bâles. »
[5] ECCC s’oppose à la prorogation du délai prévu pour demander une révision. Il soutient que le Tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’accueillir une demande de révision d’un OEPE présentée en retard, tel que prévu par l’article 256(2), seulement lorsque l’intérêt public l’exige. ECCC soumet qu’en l’espèce, le rejet de la prorogation de délai est dans l’intérêt public.
[6] ECCC soumet d’abord que l’explication des demandeurs pour justifier leur retard n’est pas raisonnable dans les circonstances parce qu’ils ont simplement manqué de diligence dans le dépôt de leur demande de révision. Deuxièmement, ECCC soumet que la demande de révision est, à sa face même, vouée à l’échec parce que le Tribunal ne peut autoriser les demandeurs à contrevenir aux effets de dispositions législatives et réglementaires applicables.
[7] Troisièmement, ECCC soumet que les demandeurs contreviennent actuellement à l’essentiel des mesures contenues à l’OEPE. Selon le Ministre, il n’est pas dans l’intérêt public que le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire en faveur d’une partie qui fait fi du caractère obligatoire de la LCPE et des mesures d’application visant à prévenir la dégradation de l’environnement. Le Ministre a déposé l’affidavit de M. Robert Lambert, agent de l’autorité à ECCC, pour établir que les demandeurs ne se conformaient pas à OEPE et continuaient à exporter des déchets ou des matières recyclables.
Constatations du Tribunal
[8] Canacha inc. a reçu l’ordre d’exécution le 18 aout 2022. Le délai de 30 jours prévu par la LCPE expirant le samedi 17 septembre 2022, Canacha avait jusqu’au jour ouvrable suivant, soit le mardi 20 septembre 2022, pour transmettre sa demande de révision au Tribunal – le lundi 19 septembre 2022 étant un jour férié fédéral. La demande n’a été déposée que le 23 septembre 2022.
[9] Le Tribunal commence par observer que le délai pour déposer une demande de révision prévu dans la LPCE sert l’intérêt public dans l’efficacité et la finalité des décisions administratives. Le Tribunal s’appuie à cet égard sur la décision de la Cour d’appel fédérale en matière de contrôle judiciaire, citée par le Ministre, Canada c. Berhad, 2005 CAF 267, par. 60 :
L'importance de cet intérêt public est reflétée dans les délais relativement brefs qui sont imposés à quiconque veut contester une décision administrative - un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision est communiquée, ou tel autre délai que la Cour peut accorder sur requête en prorogation de délai. Ce délai n'est pas capricieux. Il existe dans l'intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d'esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu'elle soit observée, souvent à grands frais.
[10] Ensuite l’article 258 de la LCPE prévoit qu’une demande de révision n’a pas pour effet de suspendre l’application de l’ordre. L’article 258(2) prévoit que le réviseur peut, sur demande présentée avant le début de l’audience, en suspendre l’application et imposer des conditions « justifiées en l’occurrence et compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité publique. » Dans le cas en espèce, Canacha n’a jamais demandé la suspension de l’ordre d’exécution, qui reste toujours en force. Selon l’affidavit de M. Lambert, dont le contenu n’est pas contredit, Canacha ne s’y conforme pas.
[11] L’intérêt public comprend évidemment la protection de l’environnement. Le Tribunal trouve qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger en faveur d’une partie qui fait fi du caractère obligatoire de la LCPE.
[12] Le cadre établi dans la LCPE a pour but d’être efficace et équitable pour toutes les parties. En l’espèce, le Tribunal estime que les demandeurs n’ont pas démontré qu’une prorogation du délai serait dans l’intérêt public.
Décision
[13] Le Tribunal rejette la demande de révision et ferme le dossier.
Demande de révision rejetée. |
« Heather Gibbs » |
HEATHER GIBBS RÉVISEURE-CHEF |