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Tribunal de la protection de
l’environnement du Canada

Canada Coat of Arms

Environmental Protection
Tribunal of Canada

 

Date de la décision :

Le 27 juillet 2021

Référence :

Trans Mountain Pipeline ULC et al c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 TPEC 7

Numéros des dossiers du TPEC :

 

0017-2021, 0018-2021, 0019-2021 et 0020-2021

Intitulé :

Trans Mountain Pipeline ULC et al c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demandeurs :

Trans Mountain Pipeline ULC (0017-2021); Clifford Wendell Jones (0018-2021); Alan Martin Dallas (0019-2021); Neil Pelletier (0020-2021)

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 256 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33, d’un ordre d’exécution donné en vertu du paragraphe 11.21 de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22, pour une infraction alléguée à l’alinéa 6a) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035.

Date de l’audience :

Le 13 juillet 2021 (par vidéoconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocats

Trans Mountain Pipeline ULC

Clifford Wendell Jones

Alan Martin Dallas

Neil Pelletier

 

Brad Gilmour

Sean Assie

David McKinnon

Ministre de l’Environnement et du

Changement climatique du Canada

 

Sarah Bird

Alicia Blimkie

 

DÉCISION RENDUE PAR :

 

HEATHER GIBBS

LESLIE BELLOC-PINDER

PAUL MULDOON

 


Aperçu

[1]          Il s’agit, en l’espèce, de décider si les circonstances justifient que certaines mesures énoncées dans un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement restent en vigueur jusqu’au 20 août 2021, en ce qui concerne certains travaux de construction du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain à Burnaby (Colombie-Britannique), pour éviter de nuire aux oiseaux migrateurs. En fait, ces mesures ont exigé l’arrêt de tout travail actif.

[2]          Le 12 avril 2021, en vertu du paragraphe 11.21(1) de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs[1] (« LCOM »), Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») a émis un ordre verbal d’exécution en matière de protection de l’environnement à l’égard de Trans Mountain Pipeline ULC (Trans Mountain) et de trois personnes : Clifford Wendell « Biff » Jones, Alan Martin Dallas et Neil Pelletier. L’ordre d’exécution portait sur une infraction présumée à l’alinéa 6a) du Règlement sur les oiseaux migrateurs[2] (« ROM » ou « le Règlement ») relativement à la destruction d’un nid et d’un œuf de colibri d’Anna observée lors d’une inspection d’un tronçon d’environ 900 mètres de l’emprise approuvée du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (« le projet ») à Burnaby (Colombie-Britannique) désigné lot de travaux de construction 98 (le « LTC-98 » ou « le Site »).

[3]          L’alinéa 6a) du Règlement interdit de déranger, de détruire ou de prendre un oiseau migrateur ou un œuf d’oiseau migrateur sans permis. Une violation involontaire de cette interdiction est appelée « prise accessoire ». Aucun système réglementaire n’est actuellement en place pour gérer ou autoriser les prises accessoires[3]. Trans Mountain et ECCC conviennent que toute prise accessoire, à quelques exceptions près, constitue une violation de la LCOM et du Règlement[4].

[4]          L’ordre d’exécution verbal a été suivi de l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement écrit no 9530-2021-03-25-6490 (« ordre d’exécution »), émis le 16 avril 2021, qui comprenait trois mesures de conformité interdisant à Trans Mountain de nuire aux oiseaux migrateurs, ordonnant à Trans Mountain de cesser toutes les activités importantes sur le Site et exigeant que Trans Mountain mette en place une signalisation sur le Site. L’ordre est en vigueur jusqu’au 20 août 2021 à 00 h 01.

[5]          L’article 11.2 de la LCOM autorise un garde-chasse à délivrer un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement et les articles 257 à 271 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement[5] (LCPE) donnent au Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (« TPEC » ou « le Tribunal ») le pouvoir d’examiner l’ordre et a) de le confirmer ou de l’annuler; b) de modifier, de suspendre ou de supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une; (c) de proroger sa validité d’une certaine durée.

[6]          Trans Mountain a demandé une révision de l’ordre d’exécution et demande que le Tribunal l’annule ou, à titre subsidiaire, qu’il le modifie afin de supprimer les deuxième et troisième mesures et de retirer les personnes nommées. ECCC demande que l’ordre d’exécution soit confirmé dans son intégralité.

[7]          Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de norme de « caractère raisonnable » implicite à l’alinéa 6b) du Règlement, qui interdit de nuire aux oiseaux migrateurs. Toutefois, l’application de cet alinéa doit se faire de manière « justifié[e] en l’espèce » en vertu de l’article 11.21 de la LCOM. Le Tribunal estime qu’il est justifié en l’espèce de modifier les mesures de l’ordre d’exécution en réduisant sa durée afin de tenir compte du risque réduit de préjudice pour les oiseaux migrateurs en l’espèce, en raison de la fin imminente de la période de nidification et des mesures d’atténuation requises pour ce projet. Le Tribunal annule également l’ordre d’exécution en ce qui concerne les trois personnes nommées.

Contexte

Le projet

[8]          Trans Mountain, dans ses observations, présente le projet en ces termes :

 

[traduction]
Le projet prévoit le dédoublement du pipeline de 1 150 km de Trans Mountain existant entre le comté de Strathcona (Alberta) et Burnaby (Colombie-Britannique), ainsi que l’agrandissement de quatre terminaux et de treize stations de pompage. Cette construction de près de 1 000 km de nouveau pipeline est une tâche colossale et complexe, jugée d’intérêt public national. D’après l’évaluation environnementale et socio-économique, le projet aurait des répercussions, entre autres, sur les oiseaux migrateurs et leur habitat.

[…]

En réponse à ces préoccupations, la demanderesse a élaboré des mesures d’atténuation pour éviter ou réduire les répercussions du projet sur la faune, y compris les oiseaux; ces mesures ont été jugées raisonnables par l’organisme de réglementation.

L’Office national de l’énergie (ONE) (maintenant la Régie de l’énergie du Canada [REC]), ayant évalué les répercussions et les avantages du projet, en a recommandé l’approbation.

Le gouverneur en conseil a estimé que le projet entraînerait « des effets environnementaux négatifs importants qui sont justifiables dans les circonstances » et a approuvé le projet comme étant dans l’intérêt public national[6].

Mesures d’atténuation de Trans Mountain

[9]          Dans la demande de révision qu’elle a déposée auprès du TPEC, Trans Mountain résume les mesures d’atténuation qu’elle est tenue de prendre pour protéger les oiseaux migrateurs :

[traduction]
En Colombie-Britannique, et plus particulièrement en ce qui concerne les oiseaux migrateurs, la priorité absolue de la demanderesse en matière d’atténuation était de programmer les activités de défrichage et de construction en dehors de la saison de nidification des oiseaux migrateurs, soit du 15 mars au 15 août. Cependant, il a également été reconnu que certaines activités de défrichage devraient avoir lieu pendant la saison de nidification des oiseaux. Le cas échéant, la demanderesse s’est engagée à adopter une série de mesures d’atténuation supplémentaires, notamment en effectuant des repérages de nids d’oiseaux migrateurs à l’aide de méthodes non
intrusives pour rechercher des preuves de nidification afin de minimiser les répercussions. Si un nid actif est découvert, il fait alors l’objet de mesures d’atténuation propres au site (c.-à-d. une zone de protection clairement marquée autour du nid ou une surveillance non intrusive).

Après un examen rigoureux et exhaustif, la REC a finalement conclu que les mesures d’atténuation proposées par la demanderesse étaient raisonnables. Le 18 juin 2019, le gouvernement du Canada a approuvé le projet, confirmant qu’il était dans l’intérêt public canadien. Un certificat d’utilité publique a été délivré par la REC le 21 juin 2019 (CUP OC-065). Le projet est soumis à 156 conditions imposées par la REC.

Il est important de noter que l’approbation du projet exige le respect de ces conditions et des mesures d’atténuation de la demanderesse pour éviter ou réduire les effets du projet. Bien entendu, la demanderesse n’est pas tenue à une norme de zéro impact, et une telle norme de perfection n’est pas réaliste, convenable ou exigée dans le contexte des grands projets d’infrastructure.

[10]       ECCC et Trans Mountain conviennent que la mesure d’atténuation prioritaire pour protéger les oiseaux migrateurs est d’éviter la construction pendant la saison de nidification[7].

[11]       Au moment des inspections et de la délivrance de l’ordre d’exécution, Trans Mountain procédait à des activités de déboisement pendant la période de nidification. Selon l’affidavit de Laureen Darr, gestionnaire de la partie du projet comprenant le Site, cette situation découlait des ajustements nécessaires apportés au calendrier de construction et d’autres facteurs, notamment la réduction des impacts environnementaux quant aux franchissements de cours d’eau, la gestion des intrus et les retards d’obtention des permis auprès de la ville de Burnaby[8]. Trans Mountain mettait en œuvre son plan de protection de l’environnement, qui comprenait des mesures d’atténuation telles que des repérages de nids d’oiseaux migrateurs à compter du 1er mars 2021, avant la période de nidification des oiseaux, et la création de zones tampons autour des arbres désignés comme abritant des nids[9].

[12]       Les conseils qu’ECCC donne actuellement à l’industrie pour réduire au minimum le risque de nuire aux oiseaux migrateurs se présentent sous la forme de lignes directrices en matière d’évitement publiées sur son site Web[10]. Les lignes directrices recommandent aux promoteurs d’éviter les techniques intrusives telles que les repérages de nids ou les recherches de nids dans les habitats complexes pour diverses raisons, mais surtout parce que [traduction] « la capacité à détecter des nids avec cette technique est très faible et le risque de détruire des nids non détectés lors des activités de défrichage ultérieures est très élevé[11] ». Les recommandations antérieures d’ECCC qui approuvaient ces techniques ont maintenant été retirées. Michael Preston, le biologiste de Stantec embauché par Trans Mountain pour effectuer un examen des mesures d’atténuation relatives aux oiseaux migrateurs, a fait le commentaire suivant : [traduction] « Les méthodes mentionnées dans le document Nest Sweep Protocol (c.‑à‑d., SCF 2008) sont dépassées et n’ont pas été approuvées par le Service canadien de la faune (SCF) depuis environ 2010 (CMIAE 2017) »[12]. Kevin Fort, biologiste principal d’ECCC, a confirmé qu’ECCC n’a pas le pouvoir de prescrire ou de reconnaître des mesures d’évitement précises relativement à des circonstances ou à des activités particulières. Lors du contre-interrogatoire, il a reconnu que la pratique de l’industrie consiste à effectuer des repérages et des recherches de nids et à créer des zones tampons autour des nids comme mesure d’atténuation. M. Fort a toutefois déclaré que [traduction] « si un promoteur choisit de se livrer à une activité à haut risque, il court également le risque de contrevenir à la LCOM et au ROM, malgré les mesures d’atténuation qu’il a mises en place[13] ».

Les inspections et la délivrance de l’ordre d’exécution

[13]       ECCC a apporté la preuve que le public s’était plaint de dommages aux colibris d’Anna au LTC-98 entre février et le début d’avril 2021[14]. Le colibri d’Anna est une espèce migratrice protégée par la LCOM. Ses nids sont petits et difficiles à trouver. Cette espèce est l’une de celles qui nichent le plus tôt et n’est pas considérée comme une espèce en péril.

[14]       Le 23 mars 2021, ECCC a reçu, au moyen de son portail de signalement public, une plainte concernant une perturbation et une destruction imminentes de nids actifs de colibris d’Anna au LTC-98. Le même jour, le garde-chasse Justus Mirembe s’est rendu au LTC-98 avec Chloe Boynton, une biologiste du Service canadien de la faune (SCF); ils ont procédé à une inspection en application de l’article 7 de la LCOM[15]. Mme Boynton a alors observé deux nids de colibris d’Anna ainsi que d’autres espèces d’oiseaux migrateurs.

[15]       Le 12 avril 2021, en réponse à d’autres plaintes, les gardes-chasse Justus Mirembe et Ross Dolan ont procédé à une inspection du Site pour vérifier que la LCOM était respectée. Ils étaient accompagnés d’un membre du public. Les gardes‑chasse ont été accueillis par des employés de Trans Mountain, dont le biologiste de la faune Tom Heakes. Ils ont observé cinq nids de colibris d’Anna dans des arbres sur pied qui avaient été préalablement désignés; une zone tampon de cinq mètres avait été délimitée autour de chaque arbre au moyen d’un ruban. Le garde-chasse Mirembe a ensuite remarqué un arbre fraîchement abattu; un nid de colibri et un œuf cassé se trouvaient au sol. Un sous-traitant de Trans Mountain a confirmé plus tard qu’il avait abattu l’arbre environ trois heures plus tôt.

[16]       Le garde-chasse Mirembe a donné un ordre d’exécution verbal aux individus qu’il a identifiés comme étant des représentants de Trans Mountain, M. Dallas, M. Pelletier et M. Jones, pour qu’ils cessent immédiatement toute activité sur le Site. Trans Mountain a cessé ses activités sur le Site après la délivrance de l’ordre d’exécution.

[17]       Le 16 avril 2021, après avoir consulté Mme Boynton, le garde-chasse Mirembe a délivré l’ordre d’exécution écrit qui fait l’objet de la présente révision.

[18]       Comme il est mentionné ci-dessus, après la délivrance de l’ordre d’exécution, Trans Mountain a retenu les services de Michael Preston, biologiste principal de la faune chez Stantec Consulting, afin qu’il examine les mesures d’atténuation propres au projet qui ont été élaborées pour éviter ou réduire le risque de prise accessoire d’oiseaux migrateurs, de leurs nids et leurs œufs.

[19]       M. Preston a conclu que les mesures d’atténuation étaient conformes aux normes de l’industrie, mais il a indiqué qu’elles pourraient être améliorées de plusieurs façons. Trans Mountain a proposé de mettre en œuvre la plupart des recommandations de M. Preston dans son document « Revised Field Guide » du 21 juin 2021[16].

Processus de révision du Tribunal

[20]       Afin d’accélérer la présente révision compte tenu des courts délais prévus par la législation, le Tribunal a assisté aux contre-interrogatoires des témoins des parties qui ont eu lieu le 5 juillet 2021 par vidéoconférence Zoom. L’audience accélérée a ensuite été menée par vidéoconférence Zoom le 13 juillet 2021, sur la foi des documents écrits déposés à l’avance par les parties. Les motifs qui suivent ne portent que sur les éléments de preuve et les observations les plus importants, compte tenu du délai de 15 jours prévu à l’article 266 de la LCPE pour rendre une décision sur la révision d’un ordre d’exécution; cependant, le comité a pleinement pris en compte tous les éléments de preuve et les observations pour tirer ses conclusions.


 

Législation pertinente (voir l’annexe A pour les dispositions complètes)

Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (L.C. 1994, ch. 22)

11.21(1) Lors de la visite ou de la perquisition, le garde-chasse qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être — ou le sera vraisemblablement peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (2) de prendre les mesures prévues au paragraphe (3) qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection et la conservation des oiseaux migrateurs et de leurs nids et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l’infraction ou s’abstenir de la commettre.

Règlement sur les oiseaux migrateurs (C.R.C., ch. 1035)

6 Sous réserve du paragraphe 5(9), il est interdit

a) de déranger, de détruire ou de prendre un nid, un abri à nid, un abri à eider, une cabane à canard ou un œuf d’un oiseau migrateur, ou

b) d’avoir en sa possession un oiseau migrateur vivant, ou la carcasse, la peau, le nid ou les œufs d’un oiseau migrateur

à moins d’être le titulaire d’un permis délivré à cette fin.

Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (L.C. 1999, ch. 33)

263 Après avoir examiné l’ordre, avoir donné aux intéressés et au ministre un avis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de lui présenter oralement leurs observations, le réviseur peut décider, selon le cas :

a) de le confirmer ou de l’annuler;

b) de modifier, suspendre ou supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une;

c) de proroger sa validité d’une durée équivalant au plus à cent quatre-vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension.

265 Le réviseur ne peut toutefois exercer les pouvoirs visés à l’article 263 si cela devait occasionner :

a) la dégradation ou un risque grave de dégradation de la qualité de l’environnement relativement à tout usage que l’on peut en faire;

b) un préjudice ou des dommages — ou un risque grave de préjudice ou de dommages — à des biens, des végétaux ou des animaux;

c) un danger pour la santé ou la sécurité de quiconque.

Questions en litige

[21]       La principale question pour le TPEC, en application de l’article 263 de la LCPE, est de savoir s’il doit confirmer, annuler ou modifier l’ordre d’exécution.

[22]       Les sous-questions qui en découlent proviennent du libellé de la LCOM, en particulier du paragraphe 11.21(1). Ces sous-questions sont les suivantes :

i)     Existe-t-il des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la LCOM ou ses règlements a été commise par Trans Mountain et continue de l’être?

ii)    Y a-t-il des motifs raisonnables de croire qu’il était probable que Trans Mountain enfreigne la LCOM ou ses règlements?

iii)   Les mesures prévues dans l’ordre d’exécution sont-elles justifiées en l’espèce?

iv)   L’ordre d’exécution doit-il être annulé en ce qui concerne les personnes nommées?

Discussion, analyse et conclusions

Questions préliminaires d’interprétation des lois

i)             Critère des « motifs raisonnables de croire », au paragraphe 11.21(1) de la LCOM

[23]       Dans la décision Kost c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 3 ([Kost]), au paragraphe 13, le Tribunal a conclu que l’expression « motifs raisonnables de croire » exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile.

[24]       Dans cette décision, le Tribunal s’est penché sur le paragraphe 235(1) de la LCPE, qui prévoit une norme de preuve identique à celle du paragraphe 11.21(1) de la LCOM applicable en l’espèce, c.-à-d. des « motifs raisonnables de croire ». ECCC soutient que la même norme de preuve a été interprétée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 114 :

La première question que soulève l’al. 19(1)j) de la Loi sur l’immigration est celle de la norme de preuve correspondant à l’existence de « motifs raisonnables [de penser] » qu’une personne a commis un crime contre l’humanité. La CAF a déjà statué, à juste titre selon nous, que cette norme exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile [...]. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi : [...]. [renvois omis]

[25]       Les parties en l’espèce n’étaient pas en désaccord sur ce point. Le Tribunal estime que le raisonnement de la Cour suprême ci-dessus, qui a été jugé applicable au paragraphe 235(1) de la LCPE dans la décision Kost, est également applicable au paragraphe 11.21(1) de la LCOM. Comme il est indiqué au paragraphe 116 de l’arrêt Mugesera, cette norme s’applique aux questions de fait et est inférieure à la norme civile de preuve.

ii)            Pouvoirs du Tribunal en application de l’article 263 de la LCPE

[26]       Dans la décision Kost, le Tribunal a également analysé la question des pouvoirs que lui confère l’article 263 de la LCPE et s’est demandé s’il procédait un examen de novo du caractère raisonnable au moment de l’audience. Il a conclu, au paragraphe 16, qu’il n’était pas « figé dans le temps », mais qu’il pouvait tenir compte de circonstances autres que celles prises en considération par l’agent de conformité au moment où l’ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement a été délivré. Le présent tribunal se range à cet avis. L’article 263 indique clairement que le Tribunal a le pouvoir d’ordonner une mesure corrective dans le cadre d’une révision d’un ordre d’exécution, et ce pouvoir n’est limité que par l’article 265 de la LCPE (reproduit ci-après).

Question no 1 : Existe-t-il des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la LCOM ou ses règlements a été commise par Trans Mountain et continue de l’être?

[27]       Le paragraphe 11.21(1) de la LCOM prévoit qu’un garde-chasse peut délivrer un ordre d’exécution lorsque, « [l]ors de la visite ou de la perquisition, le garde-chasse qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être [...] ».

Observations de Trans Mountain

[28]       Trans Mountain soutient que la première partie du paragraphe 11.21(1), qu’elle appelle le « motif 1 », exige à la fois qu’il y ait une infraction à la LCOM ou au ROM et que cette infraction soit continue. Trans Mountain fait valoir que la seule preuve au dossier d’une infraction réelle à la LCOM et à ses règlements est la destruction d’un seul nid et d’un seul œuf de colibri d’Anna sur le Site, survenue au plus tard le 12 avril 2021. Il n’y a aucune preuve convaincante qu’une infraction se poursuit et, par conséquent, que le motif 1 n’a pas été établi.

[29]       Trans Mountain fait valoir que les infractions peuvent soit être passives, soit exiger une action positive. On parle d’infraction passive lorsqu’il existe une obligation continue, par exemple lorsqu’une personne dépose une substance nocive pour les oiseaux migrateurs. Dans ce cas, l’infraction se poursuivrait jusqu’à ce que la substance soit retirée. Toutefois, Trans Mountain fait valoir ce qui suit :

[traduction]
En revanche, la perturbation ou la destruction d’un nid ou d’un œuf d’un oiseau migrateur nécessite une action positive (qu’elle soit intentionnelle ou non). Pour qu’une infraction qui exige une action positive satisfasse à l’élément « et continue de l’être » du motif 1, l’action doit être répétée. Si un agent trouve des preuves d’infraction telles que la destruction d’un nid, alors que l’acte positif a été accompli, mais qu’il n’y a aucune preuve que d’autres nids ont été dérangés ou détruits au moment de l’inspection, cela ne satisferait pas au deuxième élément du motif 1.

[30]       Vu les faits de l’espèce, Trans Mountain convient que l’alinéa 6a) du ROM a été enfreint étant donné qu’un nid et un œuf d’une espèce migratrice ont été détruits. Cependant, Trans Mountain soutient qu’aucune preuve convaincante n’atteste que l’infraction continuait d’être commise puisque la destruction de l’œuf et du nid de colibri d’Anna a eu lieu le 12 avril 2021 et qu’il n’y a pas de preuve que l’infraction se poursuivait. Trans Mountain affirme que les éléments de preuve étaient incohérents et qu’on y confondait les motifs 1 et 2, à savoir si l’infraction était continue ou si les dispositions de la LCOM ou de ses règlements allaient vraisemblablement être enfreintes.

[31]       Trans Mountain affirme qu’il n’y a aucune preuve convaincante ou crédible que d’autres nids ou œufs d’oiseaux migrateurs ont été dérangés ou détruits sur le Site lors de l’inspection du 12 avril 2021, et qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a détruit un nid ou un œuf d’oiseau migrateur sur le Site après cette date. Voici plus précisément ce qu’elle avance :

         alors que le garde-chasse Mirembe a déclaré dans son affidavit avoir vu des arbres être coupés sur le Site le 12 avril 2021, il a confirmé lors du contre-interrogatoire qu’il n’avait pas réellement vu les arbres être coupés ce jour-là; il a seulement entendu qu’ils étaient coupés et a constaté plus tard que les arbres avaient été abattus;

         le garde-chasse Mirembe a déclaré qu’il n’avait pas vu les oiseaux quitter les nids et qu’il n’y avait aucune preuve que ces oiseaux avaient un comportement agité ou que les activités de Trans Mountain perturbaient ou détruisaient les nids;

         les gardes-chasse Mirembe et Dolan n’ont ni l’un ni l’autre l’expertise requise pour déterminer si les activités ont entraîné une perturbation des nids (p. ex., l’abandon d’un nid).

Observations d’ECCC

[32]       ECCC soutient qu’en application du paragraphe 11.21(1) de la LCOM, un ordre d’exécution peut être délivré lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » qu’une infraction à la LCOM ou au ROM a été commise par une personne et continue de l’être ou qu’une infraction à la LCOM ou au ROM sera vraisemblablement commise. Il conviendrait donc de confirmer un ordre d’exécution délivré en application du paragraphe 11.21(1) lorsque les preuves indiquent les « motifs raisonnables de croire » requis.

[33]       ECCC soutient qu’il existait des motifs raisonnables de croire que la législation ou les règlements avaient été enfreints par des personnes qui continuaient à commettre l’infraction :

         Lors de l’inspection du LTC-98 effectuée le 12 avril 2021, le garde-chasse Mirembe a remarqué qu’un nid et un œuf étaient détruits dans un arbre fraîchement abattu à environ deux mètres d’un arbre qu’il avait vu être abattu à peine quelques instants auparavant. Le biologiste de la faune de Trans Mountain a confirmé à l’époque qu’il s’agissait d’un nid et d’un œuf de colibri d’Anna. De plus, le nid et l’œuf de l’arbre abattu étaient situés à moins de deux mètres d’une zone récemment défrichée.

         Les parties ne semblent pas contester la découverte d’un nid et d’un œuf de colibri d’Anna détruits lors de l’inspection du LTC-98 le12 avril 2021.

[34]       ECCC n’aborde pas la question de savoir si une infraction qui nécessite une action positive, comme l’abattage d’un arbre ou la destruction d’un nid, peut être une infraction « continue ».

Analyse et conclusions relatives la question no 1

[35]       Le paragraphe 11.21(1) de la LCOM énonce deux motifs pour lesquels un ordre d’exécution peut être délivré, à savoir lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire « qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être » ou le sera vraisemblablement. Les deux motifs sont disjonctifs, le garde-chasse doit avoir des motifs raisonnables pour l’un ou l’autre motif, pas pour les deux.

[36]       Comme nous l’avons indiqué plus haut, Trans Mountain présente des observations détaillées sur le motif « continu » et le motif « vraisemblable ». Le Tribunal note que, pour l’essentiel, ECCC ne s’appuie que sur le motif « vraisemblable ».

[37]       Après examen des éléments de preuve, le Tribunal conclut que le garde-chasse Mirembe avait des motifs raisonnables de croire que Trans Mountain contrevenait à la LCOM ou à ses règlements.

[38]       L’affidavit du garde-chasse Mirembe expose les fondements de sa conclusion selon laquelle il existait des motifs raisonnables de délivrer l’ordre d’exécution. Le Tribunal juge que le témoignage du garde-chasse Mirembe est crédible et digne de foi. Le Tribunal a estimé que, dans l’ensemble, le témoignage du garde-chasse Mirembe (reproduit en partie ci-après), étayé par ses notes, des photographies et d’autres documents, était cohérent et détaillé. Ce dont il se souvenait était étayé par des notes prises à l’époque et des courriels. Il n’y a aucune preuve à l’appui de l’allégation de Trans Mountain selon laquelle le garde-chasse Mirembe a été influencé par les plaintes du public ou le fait qu’il était accompagné d’un membre du public lors de l’inspection du 12 avril 2021. Le Tribunal estime que le garde-chasse Mirembe a fait preuve d’indépendance et de professionnalisme dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[39]       Le Site a fait l’objet de plusieurs plaintes. Le garde-chasse Mirembe affirme que le 9 avril 2021, la Direction de l’application de la loi sur la faune (DALF) a reçu une plainte du public selon laquelle des nids de colibris d’Anna étaient endommagés sur le site LTC‑98. La plainte a incité le garde-chasse Mirembe et le garde-chasse Ross Dolan à se rendre sur place le 12 avril 2021.

[40]       Le garde-chasse Mirembe expose ensuite la raison pour laquelle il estime qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la LCOM ou à ses règlements a été commise :

[traduction]
18. Le 12 avril 2021, lors de l’inspection du LTC-98, j’ai observé diverses activités, dont la coupe d’arbres, le défrichage d’arbustes, l’utilisation de machinerie lourde et des opérations de terrassement. La zone était partiellement défrichée et jonchée de troncs fraîchement coupés et d’arbres à moitié élagués. Des traces de machinerie lourde étaient également visibles dans la zone.

19. Au cours des dix premières minutes de l’inspection, j’ai observé cinq nids situés à une distance de cinq à dix mètres les uns des autres. J’ai également constaté que trois des nids étaient occupés par des colibris. Le biologiste de la faune de Trans Mountain, qui nous avait accompagnés, le garde-chasse Dolan et moi, lors de l’inspection, a alors confirmé verbalement qu’il s’agissait de colibris d’Anna.

20. Au cours de l’inspection, le garde-chasse Dolan et moi-même avons remarqué des arbres fraîchement abattus qui, en y regardant de plus près, contenaient un nid et un œuf cassé qui était encore collé à l’arbre avec des résidus d’embryons collants. L’œuf et le nid se trouvaient à environ deux mètres d’un arbre que j’avais vu être abattu quelques instants plus tôt. Le biologiste de la faune de Trans Mountain a déclaré que l’œuf et le nid étaient ceux d’un colibri d’Anna. Un entrepreneur qui coupait des arbres tout près a confirmé qu’il avait abattu l’arbre environ trois heures auparavant.

[41]       Le garde-chasse Mirembe a ensuite déclaré avoir prélevé des échantillons de l’œuf et du nid, les avoir enregistrés et placés dans des sacs pour éléments de preuve, puis avoir pris des photos et une vidéo de la zone. Il a ajouté que, d’après l’information et les éléments de preuve recueillis au cours de l’inspection[17] et conformément à la Politique de conformité et d’application des lois relatives aux espèces sauvages d’ECCC, il avait conclu qu’il avait des motifs raisonnables de croire que Trans Mountain avait commis une infraction et qu’elle continuait et continuerait vraisemblablement de commettre une infraction au ROM. Il a ensuite donné un ordre d’exécution verbal.

[42]       Après avoir examiné les éléments de preuve, le Tribunal estime qu’il y avait des motifs raisonnables de conclure qu’une infraction à la LCOM ou à ses règlements avait été commise. Le garde-chasse Mirembe est entré sur le Site, a vu qu’un œuf et un nid avaient été dérangés ou endommagés, a confirmé l’abattage récent de l’arbre où le nid avait été trouvé et a ensuite conclu que l’article 6 des règlements de la LCOM avait été enfreint. Trans Mountain n’a pas contesté la destruction d’un nid et d’un œuf. Même si Trans Mountain a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que l’arbre avait été abattu par des employés de Trans Mountain, le Tribunal estime que la conclusion du garde-chasse Mirembe était raisonnable compte tenu de ce qu’il a vu et entendu.

[43]       Il convient de mentionner que Mme Boynton, qui est biologiste de la faune, a reconnu plusieurs espèces migratrices sur le Site lors de son inspection du 23 mars 2021. Elle a déclaré avoir vu les espèces suivantes lors de son observation passive : le bruant chanteur, le tarin des pins, le merle d’Amérique et la mésange à tête noire. Kevin Fort a noté, dans son affidavit,[18] que d’autres oiseaux migrateurs se trouvaient également sur le Site, notamment le troglodyte de Baird et le tohi tacheté; selon lui, l’utilisation de techniques de recherche appropriées aurait permis de repérer d’autres espèces.

[44]       Néanmoins, le Tribunal souscrit à l’interprétation du paragraphe 11.21(1) proposée par Trans Mountain, à savoir que le premier motif exige que l’infraction continue d’être commise. En l’espèce, l’abattage d’un arbre contenant un nid et un œuf d’oiseau migrateur était une infraction nécessitant une action positive; il ne s’agissait pas d’une infraction passive continue. L’action a pris fin lorsque l’arbre est tombé et que le nid et l’œuf ont été détruits. Trans Mountain a immédiatement arrêté les travaux lorsqu’on lui a ordonné de le faire. Le nombre d’espèces migratrices sur le Site est pertinent en ce qui concerne le risque de futures infractions à la LCOM ou aux règlements. Comme il a été mentionné précédemment, le paragraphe 11.21(1) prévoit que le motif 1 ou le motif 2 suffit pour délivrer un ordre d’exécution.


 

Résumé des conclusions quant à la question no 1

[45]       Le Tribunal conclut que le garde-chasse Mirembe avait des motifs raisonnables de croire que Trans Mountain contrevenait à la LCOM ou aux règlements d’application de cette loi, étant donné qu’elle a détruit un nid et un œuf d’oiseau migrateur. Cependant, ECCC n’a pas démontré l’existence de motifs raisonnables de croire que l’infraction se poursuivait. Le Tribunal se penche maintenant sur le deuxième motif prévu au paragraphe 11.21(1) de la LCOM.

Question no 2 : Y avait-il, lors de l’inspection, des motifs raisonnables de croire qu’il était probable que Trans Mountain enfreigne la LCOM ou ses règlements?

Observations de Trans Mountain

[46]       C’est ce que Trans Mountain appelle le « motif 2 » du paragraphe 11.21(2) de la LCOM; Trans Mountain affirme qu’en ce qui concerne la question de savoir si une infraction à l’une des dispositions de la LCOM « sera vraisemblablement » commise, le terme « vraisemblablement » signifie qu’il y a une forte probabilité qu’elle se concrétise.

[47]       Trans Mountain fait valoir que l’ordre d’exécution ne mentionne aucun « motif raisonnable de croire » qu’une infraction à la LCOM ou aux règlements d’application de cette loi découlera « vraisemblablement » des activités de Trans Mountain.

[48]       Trans Mountain estime que M. Fort et le garde-chasse Mirembe ont expliqué leur point de vue en ces termes : [traduction] « un nid est un nid de trop », ce qui, selon Trans Mountain, équivaut à une [traduction] « norme de perfection ». Trans Mountain soutient que la norme de diligence en application de la LCOM n’est pas la perfection, mais bien une norme de « caractère raisonnable ».

[49]       Trans Mountain fait valoir que si le législateur souhaitait interdire tous les effets « vraisemblables » et « possibles » des activités de développement pendant la période de nidification des oiseaux, il le ferait. Elle ajoute que le législateur ne pouvait pas inclure ce langage probant parce que cela provoquerait l’arrêt de nombreuses activités importantes partout au pays pendant la période de nidification des oiseaux, notamment les activités forestières et agricoles.

[50]       Trans Mountain fait valoir que les mesures d’atténuation qu’elle a employées ont réduit les risques associés à ses activités pour les oiseaux migrateurs de sorte que, selon Trans Mountain, ces activités n’entraîneraient « vraisemblablement » pas d’infraction, surtout compte tenu du fait que de nombreux experts ont examiné et approuvé les plans d’atténuation dans le contexte de l’examen effectué par la Régie de l’énergie du Canada (REC), et qu’elle dispose de professionnels qualifiés pour élaborer et mettre en œuvre des mesures visant à protéger les oiseaux migrateurs et leurs nids pendant la période de nidification.

[51]       Trans Mountain soutient que le garde-chasse Mirembe, qui a exprimé certaines inquiétudes quant aux techniques de recherche de nids, n’est pas qualifié pour se prononcer sur le caractère approprié de ces techniques. Elle s’appuie sur les avis d’experts de Matthew McTavish et de Michael Preston pour affirmer que ses techniques de recherche de nids respectent ou dépassent les normes de l’industrie, et soutient qu’elle n’est pas tenue de respecter une norme de [traduction] « perfection ».

[52]       Trans Mountain estime qu’il n’existe aucun élément de preuve convaincant ou crédible selon lequel, à l’avenir, elle commettrait vraisemblablement une infraction à la LCOM ou aux règlements sur le Site. Tout au plus, les éléments de preuve dans la présente instance indiquent une [traduction] « possibilité » d’infraction, ce qui ne respecte pas le seuil du motif 2.

[53]       Trans Mountain soutient que le garde-chasse Mirembe, en pensant qu’il y aurait des mortalités futures, n’a pas tenu compte des mesures d’atténuation du projet. Aucun [traduction] « fondement objectif » ne permet de croire que Trans Mountain allait vraisemblablement commettre une infraction à la LCOM et à ses règlements en raison de la perturbation ou de la destruction des deux nids de colibris d’Anna relevés par Mme Boynton lors de son inspection du 23 mars 2021.

[54]       Trans Mountain soutient que l’affirmation de Mme Boynton selon laquelle les activités de Trans Mountain [traduction] « pourraient » entraîner la perturbation ou la destruction de nids d’autres espèces ne constitue pas le niveau d’infraction « vraisemblabl[e] » requis pour le motif 2.

Observations d’ECCC

[55]       ECCC soutient qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction allait vraisemblablement être commise.

         Le garde-chasse Mirembe avait des motifs raisonnables de croire qu’une future perturbation ou destruction d’un nid ou d’un œuf d’oiseau migrateur entraînerait vraisemblablement une infraction à l’alinéa 6a) du ROM si un ordre d’exécution n’était pas délivré avec les mesures établies.

         En plus des éléments de preuve fournis dans son affidavit, le garde-chasse Mirembe a également confirmé lors de son contre-interrogatoire ses motifs raisonnables de croire que des nids et des œufs d’oiseaux migrateurs seraient dérangés ou détruits s’il ne prenait aucune mesure le 12 avril 2021. Cette conviction reposait sur la nature de l’emplacement, sur les activités qui se déroulaient au LTC-98 (abattage d’arbres, d’arbustes, utilisation de matériel lourd et de machinerie lourde comme des tronçonneuses et des bulldozers) et sur le fait que diverses espèces avaient été repérées dans les environs, en plus de plusieurs colibris d’Anna et de leurs nids. De plus, les techniques utilisées par les demandeurs pour localiser les nids des oiseaux migrateurs le préoccupaient. Le garde-chasse Mirembe a rapporté une conversation qu’il a eue avec le biologiste de la faune de Trans Mountain lors de l’inspection du 12 avril 2021. Le garde-chasse Mirembe a demandé si Trans Mountain effectuait un balayage des arbres de haut en bas (comme le fait la DALF). Le biologiste de la faune a répondu par la négative au garde-chasse Mirembe et a ajouté que Trans Mountain faisait [traduction] « de son mieux ».

[56]       ECCC soutient qu’il n’y a aucune preuve d’exercice d’une influence sur les inspections de la DALF. Trans Mountain se fonde sur des conjectures pour alléguer que le garde-chasse Mirembe a été influencé dès février 2021 par le ton émotionnel des plaintes du public ou par une conversation interne par courriels avec d’autres employés du gouvernement (conversation à laquelle M. Mirembe n’a pas participé).

Analyse et conclusions relatives à la question no 2

L’observation de Trans Mountain selon laquelle il n’existe pas de [traduction] « norme de perfection » est déplacée.

[57]       Trans Mountain soutient que les mesures qu’elle a employées ont réduit, pour les oiseaux migrateurs, les risques associés aux activités de la société, au point de ne pas « vraisemblablement » entraîner d’infraction; elle ajoute que la LCOM n’exige pas une norme de perfection, mais de caractère raisonnable. Trans Mountain affirme également que si le législateur voulait une norme aussi stricte, il aurait rédigé la loi de cette manière.

[58]       Le Tribunal ne souscrit pas à cet argument. Une lecture de la disposition visée montre que le législateur l’a effectivement rédigée de cette manière. L’alinéa 6a) du ROM, dont le texte suit, ne contient aucune mention du caractère raisonnable :

6. Sous réserve du paragraphe 5(9), il est interdit

a) de déranger, de détruire ou de prendre un nid, un abri à nid, un abri à eider, une cabane à canard ou un œuf d’un oiseau migrateur, ou

b) d’avoir en sa possession un oiseau migrateur vivant, ou la carcasse, la peau, le nid ou les œufs d’un oiseau migrateur

à moins d’être le titulaire d’un permis délivré à cette fin.

[59]       Les deux parties conviennent qu’il n’y avait pas de permis de prise accessoire relativement à l’article 6 du ROM. Par conséquent, au moment de décider s’il y a lieu de délivrer un ordre d’exécution, le rôle du garde-chasse n’est pas de juger si Trans Mountain a agi de façon raisonnable ou a pris des mesures raisonnables pour éviter une infraction à la LCOM ou à ses règlements. Son rôle, en application de la LCOM, est d’évaluer s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction aux dispositions de la LCOM ou à ses règlements, et en l’occurrence à l’article 6, sera vraisemblablement commise.

[60]       Dans l’interprétation des dispositions de la LCOM, il est important de suivre l’objet de cette loi, à savoir la protection et la conservation des oiseaux migrateurs — individus et populations — et de leurs nids[19]; par conséquent, toute interprétation de la loi doit être conforme à son objet.

[61]       Le Tribunal conclut qu’il existe un fondement objectif permettant de croire que Trans Mountain commettrait vraisemblablement une infraction à la LCOM ou à ses règlements.

[62]       Trans Mountain affirme que lors de son inspection du 23 mars 2021, Mme Boynton a relevé deux nids actifs de colibri d’Anna, mais qu’elle n’a pas tenu compte des mesures d’atténuation prises par Trans Mountain. Par conséquent, Trans Mountain soutient qu’il n’y a pas de fondement objectif permettant de croire que Trans Mountain commettrait vraisemblablement une infraction à la LCOM ou à ses règlements en dérangeant ou en détruisant deux nids de colibris d’Anna. Trans Mountain poursuit en affirmant que, même si ses activités [traduction] « pourraient » entraîner la perturbation ou la destruction de nids d’autres espèces, cela ne constitue pas le niveau d’infraction « vraisemblabl[e] » requis par la LCOM.

[63]       Le Tribunal ne souscrit pas aux observations de Trans Mountain. Voici ce qu’a déclaré Mme Boynton dans son témoignage :

[traduction]
L’activité de reproduction des oiseaux migrateurs a été confirmée par l’observation de deux colibris d’Anna assis sur un nid. En tant que spécialiste, et selon les périodes générales de nidification des oiseaux migrateurs définies par ECCC, ma connaissance de la région et l’activité des oiseaux dans la région, je crois que l’activité de reproduction des oiseaux migrateurs ne fera qu’augmenter au cours des semaines et des mois à venir, avec l’arrivée de nouveaux migrants. Il est donc de plus en plus vraisemblable que la coupe de la végétation, y compris des arbustes et des arbres, ou d’autres activités perturbatrices pendant la période de nidification entraîneront vraisemblablement la perturbation ou la destruction des nids de colibris d’Anna relevés et potentiellement des nids d’autres espèces[20].

[64]       Le Tribunal estime qu’une opinion d’expert relevait la présence de nids de colibris d’Anna lors de l’inspection du 23 mars 2021 et qu’à ce moment-là, l’opinion d’expert de Mme Boynton était qu’il était de plus en plus vraisemblable que la poursuite du défrichage de la zone entraîne [traduction] « vraisemblablement la perturbation ou la destruction » des nids. Le garde-chasse Mirembe était présent lors de l’inspection du 23 mars 2021 et connaissait donc l’opinion de Mme Boynton lorsqu’il a observé le nid de colibri d’Anna dans l’arbre qui a été coupé lors de son inspection du 12 avril 2021.

[65]       Le Tribunal ne souscrit pas à l’observation de Trans Mountain selon laquelle Mme Boynton n’a pas reconnu les mesures d’atténuation requises par Trans Mountain. Mme Boynton reconnaît bel et bien les mesures d’atténuation, notamment les techniques de recherche de nids. Voici ce qu’elle déclare :

[traduction]
En raison de la complexité de l’habitat sur ce site, les techniques de recherche de nids ne sont pas recommandées, car la capacité à détecter les nids reste très faible, alors que le risque de déranger les nids actifs est élevé.

[66]       Ainsi, en examinant divers facteurs, Mme Boynton a effectivement reconnu les mesures d’atténuation de Trans Mountain, tout en soulignant le risque de préjudice si les activités de défrichage se poursuivaient.

[67]       En contre-interrogatoire, Trans Mountain a posé plusieurs questions afin d’étayer sa thèse selon laquelle il n’y aurait pas « vraisemblablement » d’infraction à la LCOM ou à ses règlements. Le garde-chasse Mirembe a répondu de la manière suivante lors du réinterrogatoire :

[traduction]
Page 294

15         Q· ·Mme BIRD :· · · · · · · M. Mirembe, que pensiez-vous

16· · · · qu’il se produirait vraisemblablement sans

17· · · · ordre d’exécution et sans

18· · · · mesure pour mettre fin à l’activité?

19· ·     R· ·M. MIREMBE : · · · J’avais des motifs raisonnables

20· · · · de croire qu’il y aurait plus d’oiseaux, de nids

21· · · · Et d’œufs détruits si je ne faisais rien. C’est donc

22· · · · ce que je croyais.

23· ·     Q· ·Et pourquoi croyiez-vous cela?

24· ·     R· ·En raison de la nature de l’emplacement, des activités

25· · ·   qui se déroulaient sur ce site, et aussi, comme je

26· · · · l’ai mentionné, il y avait diverses espèces dans

Page 295

1          les environs, pas seulement les colibris d’Anna, qui avaient été

2          relevés.

3          Une des principales préoccupations soulevées quand j’ai parlé avec

4· ·       M. Heakes, avant même d’avoir vu le nid détruit, je

5· ·       lui ai posé une question de base concernant leurs techniques de

6· ·       de recherche de nids. Je lui ai demandé : balayez-vous

7· ·       un arbre de haut en bas pour vous assurer qu’il n’y a pas de

8· ·       nid avant d’autoriser quelqu’un à le couper? Et il

9· ·       a dit, non.-Nous faisons de notre mieux, c’est tout.

[…]

25         Et quelques instants plus tard, nous avons vu un nid détruit, et je

26· ·     le lui a fait remarquer. Je lui ai dit : je suppose que vous voyez pourquoi

Page 296

 

1          c’est un problème. Ces techniques ne fonctionnent pas.

2          Ils vont — nous allons constater de la

3          mortalité. Ces oiseaux vont continuer de mourir ou

4          d’être détruits, n’est-ce pas? C’est donc ce qui me préoccupait, et ça n’a pas

5          été abordé par le biologiste pendant mon

6          inspection.

7          Et je savais que si je m’en allais, nous allions avoir

8          des mortalités — que ça arriverait vraisemblablement[21].

[68]       Pour toutes ces raisons, le Tribunal estime qu’il y avait des motifs raisonnables de conclure qu’une infraction à la LCOM ou à ses règlements serait vraisemblablement commise, selon les observations faites par le garde-chasse Mirembe et les éléments de preuve recueillis le 12 avril 2021.

[69]       Dans cet examen, le Tribunal bénéficie en outre des observations et des éléments de preuve présentés. Les éléments de preuve démontrent clairement que le moyen le plus efficace d’éviter une infraction à la LCOM et au ROM dans un projet de construction est de ne pas abattre d’arbres pendant la période de nidification[22]. Sean Britt, directeur en charge de l’environnement pour le projet, a confirmé dans son affidavit que le permis du projet de Trans Mountain oblige celle-ci à mettre en œuvre des mesures de protection des oiseaux migrateurs, y compris d’établir des périodes particulières. Voici ce qu’il dit :

[traduction]
16. Dans son rapport de réexamen, l’ONE a pris note des opinions d’ECCC concernant les oiseaux migrateurs et de l’engagement de Trans Mountain à mettre en œuvre les recommandations d’ECCC (page 252) :

ECCC était d’avis que le projet pourrait porter atteinte aux oiseaux migrateurs en raison de l’enlèvement et de la fragmentation de l’habitat existant, des perturbations sensorielles ainsi que de l’accès accru des prédateurs et de l’être humain. Le Ministère a recommandé que Trans Mountain mène ses activités de construction à certaines périodes particulières et utilise des zones tampons pour réduire les effets sur les oiseaux migrateurs, et qu’elle prenne des mesures supplémentaires pour éviter et réduire les conséquences sur les habitats de tous les oiseaux migrateurs là où les relevés ont permis de repérer des points névralgiques.

 

 […]

Trans Mountain s’est engagée à mettre en œuvre les recommandations d’ECCC à propos de l’évitement de l’habitat et des périodes sensibles d’utilisation par les oiseaux migrateurs, et ce, en établissant des microtracés, en choisissant les périodes d’activité et en utilisant des zones tampons de protection[23]. [Non souligné dans l’original.]

[70]       Bien que la [traduction] « priorité absolue » de Trans Mountain, selon ses dires, soit d’éviter la construction pendant la saison de nidification, M. Preston a noté qu’il y avait [traduction] « peu d’indications d’efforts particuliers pour éviter la période de nidification »[24]. Dans son examen des mesures d’atténuation prises par Trans Mountain afin de réduire les risques pour les oiseaux migrateurs, M. Preston a indiqué que [traduction] « la démonstration de l’évitement n’est pas apparente » et que [traduction] « la densité des nids n’est pas prise en considération en tant que facteur de risque »[25].

[71]       Compte tenu de ces deux faiblesses, le Tribunal est d’accord avec le garde-chasse Mirembe quant au fait qu’il était vraisemblable, lors de l’inspection du 12 avril 2021, que de futures infractions au ROM se produisent, étant donné que des arbres étaient abattus au plus fort de la saison de nidification des oiseaux migrateurs, que de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs avaient été repérées sur le Site[26] et que l’on avait trouvé des nids de colibris d’Anna[27] ainsi qu’un nid et un œuf détruits.

Le garde-chasse Mirembe a dûment exercé son pouvoir discrétionnaire.

[72]       Dans ses observations et au cours des contre-interrogatoires, Trans Mountain a laissé entendre que le garde-chasse pourrait avoir été influencé par des facteurs externes dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[73]       Le Tribunal estime qu’il n’y a aucune preuve de cette allégation expresse ou implicite. Premièrement, le garde-chasse Mirembe a clairement indiqué que les inspections susceptibles d’entraîner des poursuites, des ordres d’exécution ou d’autres mesures sont souvent fondées sur des plaintes. Les plaintes du public ne sont donc pas inhabituelles. Deuxièmement, le garde-chasse a clairement indiqué lors du contre-interrogatoire qu’il n’était influencé par aucun facteur et qu’il agissait de manière indépendante dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Voici son témoignage :


 

[traduction]
pages 195 à 197

22         M. GILMOUR :· · · · · ·Et donc, M. Mirembe, on

23 · · ·  peut lire — dans la deuxième phrase, on peut lire : (tel que lu)

24· · · · Il pourrait être pertinent de suspendre les travaux.

25· · · · Voyez-vous cela?

26· ·     R· ·M. MIREMBE :· · · · · ·Oui.

 

·4         R   Vous savez, c’est une bonne question, M. Gilmour.

·5· · · ·  Cependant, beaucoup de gens ont leurs idées préconçues — Je

·6· · · ·  ne sais pas quelle est leur motivation. Elle pourrait être

·7· · · ·  légitime ou non. Au bout du compte —

·8· ·      Q· ·D’accord.

·9· ·      R· ·— la décision que je prends n’est influencée par personne sauf

10· · · · moi-même, au vu d’un ensemble de faits qui

11· · · · me sont présentés.

12         Si vous regardez l’historique de ces courriels, j’ai

13· · · · effectué mes propres appels téléphoniques. J’ai mené mes propres

14· · · · entrevues avant d’aller faire une inspection.

15· · · · Je mettais du temps à décider si oui ou non

16· · · · une inspection était justifiée.

17         Encore une fois, pour en revenir à ces courriels et aux

18· · · · idées préconçues ou à ce que d’autres personnes avaient à

19· · · · l’esprit, cela n’a vraiment pas — pour moi, cela n’a pas influencé

20· · · · ma décision. En fait, je n’étais même pas au courant de ce

21· · · · courriel, mais en fin de compte, à vrai dire — cela

22· · · · dépend de l’ensemble des faits qui m’ont été présentés, de mon

23· · · · inspection de suivi initiale — des appels téléphoniques, qui constituent une

24· · · · vérification préalable à l’inspection — Je fais ma liste de contrôle

25· · · · préalable à l’inspection avec le plaignant. Nous ne répondons pas systématiquement

26· · · · à tous les appels que nous recevons. Autrement,

 

 1         nous — nous n’en finirions pas. Rien de tout cela

 2· · ·    n’a influencé ma décision. Pour chaque chose qu’on me soumettait, je

 3· · · ·  me suis assuré de faire ma propre enquête, et j’ai basé mes

 4· · · ·  motifs raisonnables d’inspection sur

 5· · · ·  l’information que j’ai recueillie à l’époque.

 6· ·      Q· ·Très bien, M. Mirembe. Mais vous prenez aussi des conseils

 7· · · ·  du Service canadien de la faune quant à ce —

 8· · · ·  si oui ou non il y a des oiseaux migrateurs, et vous

 9· · · ·  avez explicitement demandé à Mme Boynton ses recommandations.

10· · · · Donc vous prenez conseil auprès du Service canadien

11· · · · de la faune parce que ce sont des experts, n’est-ce pas?

12· ·     R· ·Absolument. Maintenant —

13· ·     Q· ·D’accord.

14· ·     R· · mais le SCF fait partie de mon dossier d’inspection. Le SCF n’a pas

15· · ·   de pouvoir décisionnel absolu. Nous suivons un

16· · ·   processus décisionnel interne à plusieurs niveaux. Le SCF

17· · ·   fait partie de ce processus décisionnel interne. Il

18· · · · n’est pas le seul à prendre une décision, il y a aussi

19· · · · nos services juridiques, y compris notre

20· · · · équipe de gestion régionale.

21         Donc, lorsqu’une décision est prise, elle passe par

22         plusieurs niveaux décisionnels internes avant qu’une mesure ne soit

23· · · · effectivement prise. Alors, oui, le SCF nous donne des conseils.

24· · · · Parfois, nous les suivons. Parfois, nous ne les suivons pas.

25· · · · En fin de compte, la décision nous appartient en tant

26· · · · qu’agents d’application des lois relatives à la faune[28].

Résumé des conclusions quant à la question no 2

[74]       Le Tribunal conclut que, pendant l’inspection, il y avait des motifs raisonnables de croire que Trans Mountain commettrait vraisemblablement une infraction à la LCOM ou aux règlements. Le Tribunal estime donc que l’ordre d’exécution a été validement délivré.

Question no 3 : Les mesures 1, 2 et 3 de l’ordre d’exécution étaient-elles raisonnables au moment de sa délivrance et le sont-elles toujours?

[75]       Trois mesures sont énoncées dans l’ordre d’exécution dont il est question en l’espèce. ECCC affirme qu’elles devraient toutes être maintenues jusqu’à l’expiration de l’ordre d’exécution le 20 août 2021. Trans Mountain soutient que les mesures étaient déraisonnables au moment où elles ont été imposées et, subsidiairement, que même si elles étaient raisonnables en avril 2021, elles ne le sont plus dans les circonstances actuelles. Ci-après, nous allons examiner chaque mesure séparément, en analysant les éléments de preuve pour décider si elles sont raisonnables.

Mesure 1 : [traduction] « À compter du 12 avril 2021, s’abstenir immédiatement de déranger, de détruire ou de prendre un nid ou un œuf d’un oiseau migrateur, en contravention de l’alinéa 6a) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, sur le site de Trans Mountain Pipeline ULC connu sous le nom de lot de travaux de construction 98 ou LTC-98 […] »

[76]       Étant donné que le garde-chasse a pour mission de faire respecter la législation fédérale sur la faune qui protège les oiseaux migrateurs et que l’alinéa 6a) du ROM interdit de déranger ou de détruire un nid ou un œuf d’oiseau migrateur, l’ordre de s’abstenir de violer la LCOM et le ROM est à première vue raisonnable. Cependant, notre analyse ne se termine pas là.

[77]       Trans Mountain est non seulement assujettie à des mesures de protection de l’environnement telles que celles prévues par la LCOM, mais elle doit également se conformer aux conditions énoncées dans son plan de protection de l’environnement du pipeline (« PPE du pipeline ») qui traite des exigences applicables aux activités de construction du pipeline conformément au certificat d’utilité publique OC-065 délivré par la REC. Trans Mountain a reçu l’autorisation d’entreprendre son projet de construction de pipeline après de vastes consultations auprès des groupes autochtones, des membres du public et des autorités fédérales, provinciales et municipales. En ce qui concerne précisément les oiseaux migrateurs, le PPE du pipeline établit des attentes préalables à la construction (section 6) et des mesures d’atténuation générales pour la construction du pipeline (section 7), ce qui comprend la directive selon laquelle [traduction] « dans la mesure du possible, [Trans Mountain doit] entreprendre ou terminer les activités de défrichage en dehors de la période de nidification des oiseaux migrateurs afin de réduire le risque de rencontrer des oiseaux migrateurs en train de nicher »[29].

[78]       Les autres éléments énumérés à la section 7 du PPE du pipeline concernent le défrichage de la végétation, la recherche non intrusive de preuves de nidification et l’application de mesures d’atténuation propres au site si un nid est découvert. Un rapport de réexamen a donné lieu à la modification de certaines conditions du décret, notamment la mise en œuvre de la recommandation d’ECCC selon laquelle Trans Mountain doit appliquer des périodes d’activité particulières et des zones tampons pour réduire l’incidence défavorable sur les oiseaux migrateurs[30]. Trans Mountain indique que ses conditions et ses engagements environnementaux pour le projet comprennent 60 conditions environnementales dans l’ordonnance d’inspection délivrée par la REC, 37 conditions du Bureau des évaluations environnementales de la Colombie-Britannique, 57 conditions de l’Administration portuaire Vancouver Fraser, plus de 10 000 pages de spécifications environnementales et plus de 30 000 jours-personnes de mesures d’atténuation par des spécialistes des ressources[31]. L’Environmental Field Guide: Nesting Bird Risk Assessment de Trans Mountain (1er avril 2021) et le McTavish Nest Sweep Protocol (protocole de repérage des nids de McTavish) présentent également en détail les mesures d’atténuation particulières concernant les oiseaux migrateurs potentiellement touchés par le projet.

[79]       En ce qui concerne le Site, les éléments de preuve fournis par Trans Mountain montrent qu’elle a effectué une évaluation des risques liés aux oiseaux migrateurs dans la région, notamment en tenant compte des périodes de nidification et de la densité des nids, et qu’elle a fait appel à des personnes formées pour reconnaître le comportement et l’habitat des oiseaux nicheurs. Le repérage de nids a été l’outil principal pour réduire au minimum les perturbations d’oiseaux nicheurs. Selon deux consultants chargés d’examiner les plans d’atténuation et les protocoles de recherche de nids de Trans Mountain, les pratiques d’atténuation de Trans Mountain dépassent les normes de l’industrie parce qu’elle utilise des périodes de nidification relativement longues comme déclencheur des repérages de nids et qu’elle entreprend des repérages de nids indépendamment des espèces ou du type d’habitat[32]. L’affidavit de Matthew McTavish présente, au paragraphe 3.5, une opinion selon laquelle [traduction] « les politiques et procédures de Trans Mountain en ce qui concerne les travaux pendant la période de nidification des oiseaux migrateurs respectent ou dépassent les meilleures pratiques de gestion de l’industrie et les directives fournies à l’industrie »[33]. Au cours du contre-interrogatoire sur son propre affidavit, le biologiste d’ECCC Kevin Fort a reconnu que les protocoles de recherche de nids suivis par Trans Mountain sur le site LTC-98 étaient conformes aux normes de l’industrie.

[80]       Les témoins experts de Trans Mountain et d’ECCC ont convenu que l’arrêt complet des travaux de défrichage et de construction sur le Site pendant la période de nidification des oiseaux migrateurs serait la seule façon d’éliminer le risque de prise accessoire. Trans Mountain a fait valoir que cela donnerait lieu à une [traduction] « conformité parfaite » avec la LCOM, ce qui n’est exigé ni par la LCOM ni par le décret. Au lieu de cela, elle ont fait valoir que la norme du caractère raisonnable s’applique, c’est-à-dire qu’il faut procéder à une analyse factuelle propre à chaque cas et prendre en considération les meilleures pratiques et la réduction des dommages. L’exercice du pouvoir discrétionnaire nécessite de prendre en compte ces facteurs et de les concilier.

[81]       Le pouvoir discrétionnaire, qui constitue un outil et une approche nécessaires utilisés par les agents d’application de la loi, ressort implicitement du protocole d’atténuation du PPE du pipeline. Les ordres d’exécution et les révisions du TPEC sont liés aux faits propres à chaque cas, le pouvoir discrétionnaire étant exercé à la fois au stade de la délivrance et de la révision, mais les renseignements disponibles à chaque stade ne sont pas identiques ou équivalents. En l’espèce, les renseignements accessibles au moment de la révision par le TPEC sont plus exhaustifs, contextuels et multidimensionnels que ceux pris en considération par le garde-chasse Mirembe. C’est le résultat naturel de la manière dont se déroule le processus plainte-enquête-ordre d’exécution-révision.

[82]       Comme le souligne ECCC dans ses observations écrites, la mesure 1 de l’ordre d’exécution constitue une application immédiate de l’alinéa 6a) du ROM, et Trans Mountain convient qu’elle est tenue de se conformer aux dispositions législatives. Compte tenu de l’urgence de la situation et de l’application de l’alinéa 6a), la mesure 1 était raisonnable lorsqu’elle a été prise. Il s’agit également d’un prérequis pour la mesure 2.

[83]       L’avocate d’ECCC a souligné au cours de ses observations qu’un ordre d’exécution est une mesure préventive au sens de l’article 11.21 de la LCOM et ne constitue pas une poursuite en application de l’article 13 de cette loi. Pour cette raison, la diligence raisonnable ne peut pas être invoquée comme moyen de défense. Cela dit, le respect par Trans Mountain des conditions du décret et du PPE du pipeline et son recours aux conseils d’experts démontre qu’elle agissait conformément aux normes de l’industrie et qu’elle atténuait les dommages causés aux oiseaux migrateurs et à leur habitat dans la mesure du possible. Il est important de souligner que l’examen par le TPEC n’a pas pour but de trouver des coupables. Il n’est pas nécessaire de conclure que Trans Mountain a intentionnellement enfreint la loi, et rien ne prouve que Trans Mountain n’a pas respecté les conditions de son permis. Il ressort des éléments de preuve que le garde-chasse Mirembe a exercé son pouvoir discrétionnaire de délivrer un ordre d’exécution pendant son enquête, en fonction de sa connaissance des faits tels qu’ils sont exposés ci-dessus et étayés par des avis scientifiques. Par conséquent, la mesure 1 imposée par l’ordre d’exécution était raisonnable le 12 avril 2021, quel que soit le soin avec lequel Trans Mountain a essayé d’éviter la circonstance qui a donné lieu à l’ordre.

[84]       En outre, le maintien de la mesure 1 est également raisonnable, car, comme l’a fait valoir ECCC, cette mesure indique, dans les faits, que Trans Mountain reste soumise à la LCOM et à ses règlements. Dans ses observations, Trans Mountain admet que le maintien de la mesure 1 n’aurait que peu ou pas d’effet pratique sur ses activités sur le site parce qu’elle reste tenue de se conformer au régime législatif quoi qu’il arrive.

[85]       Le Tribunal estime que le maintien de cet aspect de l’ordre d’exécution est dans l’intérêt public et valide sur le plan juridique. Par conséquent, le Tribunal confirme la mesure 1 de l’ordre d’exécution.

Mesure 2 : [traduction] « En date du 12 avril 2021, arrêter ou cesser immédiatement toute activité, y compris l’élagage et l’abattage d’arbres pouvant nécessiter l’utilisation de machinerie lourde, de bulldozers, de tronçonneuses, de machettes, etc., et susceptible d’entraîner la perturbation et la destruction du nid d’un oiseau migrateur pendant la période de nidification allant, selon le biologiste du SCF, de la mi-mars à la mi-août. »

[86]       Le Tribunal ayant conclu que la mesure 1 est raisonnable, son analyse porte à présent sur l’examen du caractère raisonnable de cet ordre de « suspendre les travaux ». Bien que la mesure 2 n’indique pas explicitement que toute activité doit cesser sur le Site, l’ordre a eu cet effet concret, car il a été mis en œuvre pendant la phase de défrichage du projet, ce qui signifie qu’aucun autre arbre ne pouvait être élagué ou abattu. ECCC a reconnu que Trans Mountain n’aurait pas pu entreprendre d’autres travaux sur les lieux pendant la durée de l’ordre. Par conséquent, l’examen du caractère raisonnable de la mesure 2 porte sur la durée d’un ordre de suspendre complètement les travaux.

[87]       À cet égard, le Tribunal juge utiles l’affidavit et le témoignage oral du biologiste d’ECCC Kevin Fort. M. Fort a déclaré que les colibris d’Anna se reproduisent plus tôt que les autres espèces de colibris en Colombie-Britannique et qu’ils élèvent généralement deux couvées au cours de chaque saison de nidification. M. Fort a fourni des tableaux et des données sur les périodes de nidification qui indiquent que le pic de nidification pour tous les oiseaux migrateurs dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique se situe entre le début du mois de mars et la fin du mois de juin, selon l’espèce, mais aussi que la nidification peut se poursuivre en juillet et au début du mois d’août. Selon un calendrier de nidification pour la zone A1, qui comprend le site LTC-98[34], le pic d’activité de nidification se termine à la fin de la troisième semaine de juillet, avec des périodes d’intensité plus faible par la suite. D’après les prévisions, de 60 % à 100 % des espèces se reproduisent dans la zone entre le 20 mai et le 20 juillet. À la fin du mois de juillet, on estime que l’activité de nidification est de 80 % à 89 % inférieure à celle de la période d’intensité maximale. Entre le 5 et le 10 août, l’activité de nidification est réduite de 95 % à 100 % et on considère que la saison de reproduction est terminée. Par conséquent, le temps qui s’est écoulé depuis l’entrée en vigueur de l’ordre d’exécution a permis d’atténuer de manière significative les risques pour les oiseaux migrateurs dans le LTC-98.

[88]       ECCC fait valoir que l’ordre de suspendre les travaux devrait se poursuivre jusqu’à la fin de la saison de nidification (mi-août) parce que la reprise des activités entraînerait probablement la perturbation ou la destruction de nids ou d’œufs d’oiseaux migrateurs. Le problème que pose cette approche est qu’elle semble ne pas tenir compte des mesures d’atténuation ni du fait que l’activité de nidification est dynamique et suit une courbe en forme de cloche du début à la fin de la saison prévue.

[89]       Le fait que la plupart des activités de nidification sur le Site seront terminées à la date de la présente décision signifie que le risque de nuire aux nids et aux œufs des oiseaux migrateurs sera considérablement réduit.

[90]       En plus des mesures d’atténuation que Trans Mountain est tenue de mettre en œuvre conformément à son permis de projet (exposées au paragraphe 26 de l’affidavit Britt), Trans Mountain a proposé des mesures d’atténuation supplémentaires depuis la délivrance de l’ordre d’exécution, afin de réduire le risque pour les oiseaux migrateurs. Ces mesures supplémentaires sont énumérées au paragraphe 26 de l’affidavit de M. Britt :

[traduction]

a)     un repérage quotidien des nids sera effectué sur le Site pendant la période de nidification des oiseaux migrateurs, avec un plan de travail établi quotidiennement en fonction de l’information fournie par un spécialiste des ressources fauniques;

b)     le repérage des nids sera effectué par un spécialiste des ressources fauniques le matin de tout enlèvement de végétation afin d’atténuer le risque de prise accessoire;

c)     les résultats du repérage des nids seront documentés et communiqués aux équipes de défrichement et de supervision du site chaque jour avant le début du défrichage;

d)     si les résultats du repérage des nids le justifient, un spécialiste des ressources fauniques restera sur place pendant le défrichage pour s’assurer que l’enlèvement de la végétation se fait sans répercussion sur les nids;

e)     pendant le défrichage, si les travaux sont autorisés à l’intérieur d’une zone tampon restreinte, conformément aux conseils d’un spécialiste des ressources fauniques, ce dernier surveillera l’activité à l’intérieur de la zone tampon pour s’assurer que le comportement des oiseaux reste normal. Si le comportement des oiseaux indique qu’ils sont dérangés, les travaux ne seront pas effectués dans la zone concernée;

f)      des mesures de sécurité accrues seront prises pour contrer l’interférence de tiers avec les opérations de Trans Mountain et les mesures d’atténuation;

g)     une règle de protection de l’environnement et des mises à jour connexes seront ajoutées à la formation et au manuel sur l’environnement à l’intention des employés;

h)     avant la reprise des travaux sur le Site, les entrepreneurs et les sous-traitants recevront une formation et des communications renforcées concernant les travaux à proximité d’oiseaux nicheurs;

i)      pour atténuer les répercussions sur l’environnement des perturbations causées par les membres du public, Trans Mountain :

                                              i.    réalisera une évaluation de base de l’état du Site pour répertorier les zones qui ont été perturbées à la suite d’une interférence du public sur le Site, afin d’atténuer les conséquences environnementales et d’assurer la sécurité du personnel du projet;

                                            ii.    vérifiera quotidiennement, pendant la période de nidification des oiseaux migrateurs, que les mesures d’atténuation (p. ex., les zones tampons) n’ont pas été modifiées ou déplacées.

[91]       Le Tribunal estime donc qu’au moment où la présente décision est rendue, le risque pour les colibris et les autres espèces d’oiseaux migrateurs de la région, même s’il subsiste, n’est ni sérieux ni très [traduction] « vraisemblable », selon la définition d’ECCC. Nous estimons plutôt que le risque est atténué par le passage du temps et par les mesures d’atténuation que Trans Mountain est tenue de mettre en œuvre ainsi que par les mesures supplémentaires qu’elle a entrepris de mettre en œuvre.

[92]       En outre, à mesure que le risque pour les oiseaux migrateurs diminue, les facteurs compensatoires justifient une pondération plus importante afin de décider quelles mesures sont « raisonnables dans les circonstances ». En plus d’analyser le risque pour les espèces d’oiseaux migrateurs, le Tribunal a tenu compte d’autres circonstances pour en arriver à la conclusion que la durée de l’ordre d’exécution devrait être raccourcie dans les circonstances actuelles et que la balance penche maintenant en faveur d’une autorisation pour Trans Mountain de poursuivre ses activités de construction dans la région à compter de la date de la présente décision.

[93]       Premièrement, il est important de prendre en considération l’ampleur de la consultation et du processus de réglementation de la REC qui ont débouché sur l’approbation du projet et de ses mesures d’atténuation de l’impact sur l’environnement. Le fait que cela ait donné lieu à une approbation jugée conforme à l’intérêt public[35] mérite le respect.

[94]       Deuxièmement, la cohérence et la prévisibilité jouent un rôle dans le respect de la réglementation environnementale. Bien qu’un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement soit un outil préventif plutôt qu’une mesure d’application, on peut s’inspirer de la « Politique de conformité et d’application des lois relatives aux espèces sauvages » d’ECCC (la « Politique de conformité »)[36], qui guide les gardes-chasse dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire lorsqu’ils participent à des activités de conformité et d’application. Le principe de base de cette politique est le suivant : « Les initiatives qui assurent la conformité et l’application de la loi doivent avoir une bonne assise juridique, être équitables, prévisibles et cohérentes partout au Canada[37]. »

[95]       En invoquant les principes généraux de la Politique de conformité, il importe de mentionner que le colibri d’Anna n’est pas une espèce en péril et que l’ampleur des dommages aux écosystèmes canadiens sur ce site hautement perturbé n’aurait pas d’incidence à l’échelle de la population, étant donné que les populations de colibris d’Anna à l’échelle régionale, y compris aux États-Unis et dans leur aire de répartition, se comptent par millions. [38]

[96]        De même, Trans Mountain a présenté des éléments de preuve indiquant que de nombreuses activités de l’économie canadienne, y compris la foresterie et l’agriculture, donnent lieu à des « prises accessoires » d’oiseaux migrateurs beaucoup plus importantes que la construction de pipelines, et que bon nombre de ces activités ne prennent aucune mesure d’atténuation des effets sur les oiseaux migrateurs. Il est admis que l’ordre de suspendre les travaux émis contre Trans Mountain en raison des prises accessoires a des répercussions extrêmement importantes[39]. Par conséquent, ECCC doit tenir compte du principe d’application uniforme de la loi dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[97]       Troisièmement, après la délivrance de l’ordre d’exécution, Trans Mountain a retenu les services de Stantec Consulting pour effectuer un examen, puis a proposé des mesures d’atténuation supplémentaires[40]. La volonté de Trans Mountain d’améliorer ses protocoles d’atténuation après la délivrance de l’ordre démontre qu’elle est soucieuse de rendre des comptes et a permis de mieux protéger les oiseaux migrateurs.

Résumé des conclusions du Tribunal quant à la mesure 2

[98]       Au vu de ces considérations, qui sont propres à chaque cas et ne doivent pas être interprétées comme des principes généraux, le Tribunal conclut que la durée de la mesure 2 n’est plus raisonnable dans les circonstances, particulièrement en raison des mesures d’atténuation que Trans Mountain continuera d’appliquer. Par conséquent, le Tribunal modifie l’ordre d’exécution en révisant la durée de la mesure 2, qui prend fin à la date de la présente décision.

Mesure 3 : [traduction] « À compter du 23 avril 2021, mettre en place et entretenir une signalisation clairement visible indiquant au public, aux employés ou aux entrepreneurs accédant au lot de travaux de construction 98, ou LTC-98, qu’aucune activité qui dérangerait ou détruirait un nid d’oiseau migrateur n’y est autorisée pendant la période de nidification. »

[99]       Il était raisonnable, en même temps que la mesure de suspension des travaux, de mettre en place et d’entretenir une signalisation. Les éléments de preuve indiquent que d’autres personnes ont été très actives sur le Site pendant la période de nidification et que cette activité est susceptible d’avoir perturbé ou détruit les oiseaux migrateurs ou leur habitat. En plus du personnel et de l’équipement de Trans Mountain sur les lieux, des opposants au projet ont manifesté en entrant sur le Site à pied, en construisant et en habitant des cabanes dans les arbres, en marquant les arbres, en laissant des débris et en installant leurs propres panneaux, entre autres choses. Ces activités, bien que différentes de celles entreprises par Trans Mountain, peuvent également déranger ou détruire un nid d’oiseau migrateur. La mesure 3 était donc raisonnable au moment où l’ordre d’exécution a été délivré. Cependant, l’ordre de suspendre les travaux étant désormais levé en application de la présente décision, la mesure 3 concernant la signalisation indiquant [traduction] « qu’aucune activité [...] n’est autorisée » n’est plus nécessaire, et nous modifions l’ordre d’exécution en révisant la durée de la mesure 3 qui prend fin à la date de la présente décision.

La modification des mesures de conformité causera-t-elle un préjudice grave au sens de l’article 265 de la LCPE?

[100]    Bien que l’article 263 de la LCPE confère au TPEC la compétence de confirmer, d’annuler, de modifier ou de proroger un ordre d’exécution, l’article 265 restreint l’exercice de ses pouvoirs si cela entraîne, entre autres, « un préjudice ou des dommages — ou un risque grave de préjudice ou de dommages — à des biens, des végétaux ou des animaux » [alinéa 265b)]. L’expression « risque grave » n’est pas définie dans la loi et n’a pas été examinée par un tribunal ou par le TPEC à ce jour. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, il est évident que le « risque grave de préjudice [...] à des animaux » pourrait comprendre la destruction d’un nid et d’un œuf d’oiseau migrateur. Par conséquent, le tribunal est tenu d’évaluer le risque ou la probabilité de dommages découlant de toute ordonnance qu’il rend en application de l’article 263.

[101]    Le paragraphe 11.21(1) de la LCOM éclaire l’examen de ce risque et exige que le TPEC applique la norme de la décision raisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire tout comme il régit la décision d’un garde-chasse d’imposer des mesures dans un ordre d’exécution.

[102]    En l’espèce, le Tribunal note que le fait de mettre fin aux mesures 2 et 3 le 27 juillet 2021 au lieu du 20 août 2021 ne dégage pas Trans Mountain de son obligation de se conformer à l’ensemble du PPE du pipeline, aux conditions du décret et aux mesures de protection de l’environnement comme la LCOM. Trans Mountain, comme elle le reconnaît, doit continuer à se conformer aux protocoles d’atténuation toujours en vigueur sur le Site, ce qui comprend une surveillance et une évaluation des risques continues. De plus, le Tribunal exige que Trans Mountain mette en œuvre les mesures d’atténuation supplémentaires exposées dans son document « Revised Environmental Field Guide » de juin 2021, (pièce D de l’affidavit de M. Britt). Les conditions réelles du site LTC-98, comme sa proximité avec un environnement urbain, une autoroute très fréquentée et une voie ferrée, ne réduisent pas l’obligation de Trans Mountain de se conformer aux protocoles environnementaux ou aux lois qui régissent ses activités sur ce site. De plus, le fait que Trans Mountain continue de se conformer à ses obligations actuelles confirme la conclusion du TPEC selon laquelle la modification des mesures de conformité indiquées dans l’ordre n’entraînerait pas de « risque grave de préjudice », comme le prévoit l’article 265 de la LCPE.

Résumé des conclusions du Tribunal quant à la mesure 3

[103]    Compte tenu des mesures d’atténuation que Trans Mountain est tenue de mettre en œuvre conformément à d’autres approbations et processus, y compris les mesures supplémentaires énoncées dans le document « Environmental Field Guide: Nesting Bird Risk Assessment », daté de juin 2021[41], combinées au nombre réduit d’oiseaux migrateurs susceptibles de nicher sur le Site du 27 juillet au 20 août 2021, le Tribunal conclut que sa modification de l’ordre d’exécution, en révisant la durée des mesures 2 et 3 pour qu’elles prennent fin à la date de la présente décision, n’entraînera pas de risque grave de préjudice au sens de l’article 265 de la LCPE.


 

Question no 4 : L’ordre d’exécution doit-il être annulé en ce qui concerne les personnes nommées?

[104]    Dans sa demande de révision adressée au Tribunal, Trans Mountain demande que l’ordre d’exécution soit modifié pour retirer les trois personnes nommées, laissant seulement Trans Mountain.

[105]    ECCC soutient que les individus ont été correctement nommés conformément à l’alinéa 11.21(2)a) de la LCOM, qui prévoit qu’un ordre d’exécution peut être délivré à toute personne qui : a) sont les propriétaires de la substance à laquelle se rapporte la prétendue infraction ou du lieu où elle se trouve, ou qui ont toute autorité sur cette substance ou ce lieu; b) causent la prétendue infraction ou y contribuent; c) causeront vraisemblablement la prétendue infraction ou y contribueront vraisemblablement.

[106]    Le garde-chasse Mirembe a témoigné que les trois personnes qu’il a nommées dans l’ordre d’exécution étaient présentes sur le Site, qu’elles ont déclaré qu’elles travaillaient pour Trans Mountain et qu’elles ont confirmé qu’elles avaient l’autorité sur ce lieu lorsqu’il leur a posé cette question lors de l’inspection[42].

[107]    Trans Mountain fait valoir que les personnes nommées sont des entrepreneurs qui travaillent pour Trans Mountain et non des administrateurs ou des dirigeants de l’entreprise, et que ces personnes n’avaient aucune autorité sur le Site[43]. Elle n’a pas présenté d’arguments particuliers concernant l’interprétation du paragraphe 11.21(2) de la LCOM.

Compétence pour retirer un individu nommé

[108]    ECCC soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour retirer des personnes qui sont dûment nommées dans un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement. Le Ministère fait valoir que le pouvoir du Tribunal en vertu de l’alinéa 263b) de la LCPE consiste à modifier ou à suspendre « une condition de l’ordre », et que les personnes visées par l’ordre ne constituent pas une condition.

[109]    Trans Mountain soutient que le retrait des personnes nommées constitue en fait une modification de l’ordre d’exécution, ce que le Tribunal est habilité à faire en application de l’alinéa 263b) de la LCPE. Elle fait également valoir que le garde-chasse aurait tout aussi bien pu délivrer un ordre d’exécution distinct pour chacun des récipiendaires, auquel cas le Tribunal aurait pu simplement annuler les ordres visant les individus, comme il en a clairement le pouvoir en vertu de l’alinéa 263a) de la LCPE.

Analyse et conclusions relatives la question no 4

[110]    Le Tribunal estime que le paragraphe 11.21(2) de la LCOM est clair et n’exige pas qu’une personne soit un administrateur ou un dirigeant de la société pour être dûment nommée. Il suffit que la personne ait « toute autorité » sur le lieu ou qu’elle cause la prétendue infraction ou y contribue. Le Tribunal conclut qu’il était raisonnable pour le garde-chasse Mirembe d’inclure les trois personnes dans l’ordre d’exécution. Le Tribunal fait remarquer, par exemple, que le document « Field Guide » qui énonce les mesures d’atténuation relatives aux oiseaux nicheurs à mettre en œuvre sur le chantier [traduction] « s’applique aux entrepreneurs »[44] et conclut donc que les individus pourraient être une personne causant la prétendue infraction ou y contribuant, conformément au paragraphe 11.21(2).

[111]    Le Tribunal conclut qu’il a le pouvoir d’annuler un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement en application de l’alinéa 263a) et que ce pouvoir s’étend à l’annulation d’un ordre d’exécution tel qu’il s’applique à une personne nommée en particulier. Le Tribunal aurait clairement la compétence d’annuler l’ordre d’exécution à l’encontre d’un individu qui aurait été indûment nommé. L’ordre d’exécution en l’espèce est en fait un amalgame de quatre ordres d’exécution s’adressant à quatre destinataires distincts et imposant toutes les mêmes mesures de conformité.

[112]    Aucune preuve n’a été apportée pour soutenir que le retrait des trois personnes nommées augmenterait le risque d’atteinte à l’environnement ou à la vie végétale ou animale. Les trois personnes nommées sont des consultants payés par Trans Mountain pour aider à la réalisation de ce projet. Comme l’a confirmé le témoin d’ECCC, M. Fort, Trans Mountain a coopéré avec ECCC et assume l’entière responsabilité de se conformer à l’ordre d’exécution.

[113]    De même, personne n’a affirmé que l’inclusion de ces trois personnes dans l’ordre d’exécution améliorerait la protection de l’environnement ou de la vie végétale ou animale. La preuve présentée au Tribunal est que les trois personnes nommées à titre de consultants n’ont pas le pouvoir d’amener Trans Mountain à se conformer ou à ne pas se conformer à l’ordre d’exécution; elles n’ont pas le pouvoir de suspendre les travaux de Trans Mountain sur le site conformément à l’ordre d’exécution, ni de reprendre ces travaux[45].

[114]    D’autre part, il a été allégué que les trois personnes nommées sont personnellement exposées à des risques juridiques, même si elles n’ont aucun contrôle sur le fait que Trans Mountain se conforme ou non à l’ordre d’exécution. Le paragraphe 13(1)a) de la LCOM prévoit que l’inobservation d’un ordre d’exécution peut donner lieu à des poursuites. Ainsi, en restant sous le coup de l’ordre d’exécution, les trois personnes courent le risque juridique d’être poursuivies personnellement si ECCC considère que les mesures de conformité n’ont pas été suffisamment respectées. Le Tribunal estime donc qu’il est raisonnable, dans les circonstances, d’annuler l’ordre d’exécution en ce qui concerne les trois personnes nommées.

[115]    Comme nous l’avons indiqué plus haut, le pouvoir du Tribunal d’annuler ou de modifier un ordre d’exécution est limité par l’article 265 de la LCPE, si l’exercice de ce pouvoir doit occasionner un risque grave de préjudice à des végétaux ou à des animaux. En l’espèce, compte tenu de la conclusion selon laquelle il n’y aurait pas de risque accru pour l’environnement si les personnes nommées étaient retirées de l’ordre d’exécution, le Tribunal conclut que l’article 265 n’entre pas en jeu.

Conclusion et ordonnance

[116]    Pour tous les motifs énoncés précédemment, le Tribunal conclut que l’ordre d’exécution no 9530-2021-03-25-6490 a été délivré en bonne et due forme, mais modifie une condition de l’ordre d’exécution en application de l’alinéa 263b) de la LCPE, en réduisant la durée des deuxième et troisième mesures de sorte qu’elles prennent fin à la date de la présente décision. Le Tribunal annule également l’ordre d’exécution en ce qui concerne les trois personnes nommées.

La demande de révision est accueillie.

L’ordre d’exécution est modifié.

 

« Heather Gibbs »

HEATHER GIBBS

RÉVISEURE-CHEF

« Leslie Belloc-Pinder »

LESLIE BELLOC-PINDER

RÉVISEURE

« Paul Muldoon »

PAUL MULDOON

RÉVISEUR

Annexe A – Dispositions législatives pertinentes


 

Annexe A

Dispositions législatives pertinentes

 

Règlement sur les oiseaux migrateurs (C.R.C., ch. 1035)

6 Sous réserve du paragraphe 5(9), il est interdit

a) de déranger, de détruire ou de prendre un nid, un abri à nid, un abri à eider, une cabane à canard ou un œuf d’un oiseau migrateur, ou

b) d’avoir en sa possession un oiseau migrateur vivant, ou la carcasse, la peau, le nid ou les œufs d’un oiseau migrateur

à moins d’être le titulaire d’un permis délivré à cette fin.

Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (L.C. 1994, ch. 22)

4 La présente loi a pour objet la mise en œuvre de la convention par la protection et la conservation des oiseaux migrateurs — individus et populations — et de leurs nids.

Ordre

11.21(1) Lors de la visite ou de la perquisition, le garde-chasse qui a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou aux règlements a été commise par une personne — et continue de l’être — ou le sera vraisemblablement peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (2) de prendre les mesures prévues au paragraphe (3) qui sont justifiées en l’espèce et compatibles avec la protection et la conservation des oiseaux migrateurs et de leurs nids et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l’infraction ou s’abstenir de la commettre.

(2) Pour l’application du paragraphe (1), les intéressés sont les personnes qui, selon le cas :

a) sont les propriétaires de la substance à laquelle se rapporte la prétendue infraction ou du lieu où elle se trouve, ou qui ont toute autorité sur cette substance ou ce lieu;

b) causent la prétendue infraction ou y contribuent;

c) causeront vraisemblablement la prétendue infraction ou y contribueront vraisemblablement.


 

(3) L’ordre peut enjoindre à l’intéressé de prendre une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) s’abstenir d’agir en violation de la présente loi ou des règlements ou, au contraire, faire quoi que ce soit pour s’y conformer;

b) cesser une activité ou fermer notamment un ouvrage ou une entreprise, pour une période déterminée;

c) cesser l’exercice d’une activité ou l’exploitation d’une partie notamment d’un ouvrage ou d’une entreprise jusqu’à ce que le garde-chasse soit convaincu qu’ils sont conformes à la présente loi et aux règlements;

d) déplacer un moyen de transport vers un autre lieu, y compris faire entrer un bâtiment au port ou faire atterrir un aéronef;

e) décharger un moyen de transport ou le charger;

f) prendre toute autre mesure que le garde-chasse estime nécessaire pour favoriser l’exécution de l’ordre ou pour protéger ou rétablir les oiseaux migrateurs ou leurs nids, notamment :

i) tenir des registres sur toute question pertinente,

ii) lui faire périodiquement rapport,

iii) lui transmettre les renseignements, propositions ou plans qu’il précise et qui énoncent les mesures à prendre par l’intéressé à l’égard de toute question qui y est précisée.

11.24(1) L’intéressé exécute l’ordre sur réception de l’original ou de sa copie ou dès qu’il lui est donné oralement en vertu du paragraphe 11.22(1), selon le cas.

11.27(1) Tout intéressé peut demander la révision de l’ordre au réviseur-chef par avis écrit dans les trente jours suivant la date où il en reçoit la copie ou celle où il lui est donné oralement.

Révision

11.3 Les articles 257 à 271 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la révision des ordres.


 

Infraction — personnes

13(1) Commet une infraction quiconque contrevient :

a) à l’article 5, aux paragraphes 5.1(1) ou (2), aux alinéas 5.2a), c) ou d) ou aux paragraphes 5.3(1), 8.1(6) ou 11.24(1);

b) sciemment à l’alinéa 5.2b);

c) à toute disposition des règlements désignée par les règlements pris en vertu de l’alinéa 12(1)l);

d) à tout ordre donné en vertu des paragraphes 8.1(1) ou (2);

e) à toute ordonnance judiciaire rendue en vertu de la présente loi.

(2) La personne physique qui commet une infraction prévue au paragraphe (1) est passible :

a) sur déclaration de culpabilité par mise en accusation :

(i) pour une première infraction, d’une amende d’au moins 15 000 $ et d’au plus 1 000 000 $ et d’un emprisonnement maximal de trois ans, ou de l’une de ces peines,

(ii) en cas de récidive, d’une amende d’au moins 30 000 $ et d’au plus 2 000 000 $ et d’un emprisonnement maximal de trois ans, ou de l’une de ces peines;

b) sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire :

(i) pour une première infraction, d’une amende d’au moins 5 000 $ et d’au plus 300 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines,

(ii) en cas de récidive, d’une amende d’au moins 10 000 $ et d’au plus 600 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines.

(3) La personne, à l’exception d’une personne physique et de la personne morale visée au paragraphe (4), qui commet une infraction prévue au paragraphe (1) est passible :

[...]


 

Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (L.C. 1999, ch. 33)

Pouvoirs des réviseurs

263 Après avoir examiné l’ordre, avoir donné aux intéressés et au ministre un avis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de lui présenter oralement leurs observations, le réviseur peut décider, selon le cas :

a) de le confirmer ou de l’annuler;

b) de modifier, suspendre ou supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une;

c) de proroger sa validité d’une durée équivalant au plus à cent quatre-vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension.

Restrictions aux pouvoirs des réviseurs

265 Le réviseur ne peut toutefois exercer les pouvoirs visés à l’article 263 si cela devait occasionner :

a) la dégradation ou un risque grave de dégradation de la qualité de l’environnement relativement à tout usage que l’on peut en faire;

b) un préjudice ou des dommages — ou un risque grave de préjudice ou de dommages — à des biens, des végétaux ou des animaux;

c) un danger pour la santé ou la sécurité de quiconque.

Motifs écrits

266 Le réviseur ou le comité rend sa décision dans les quinze jours suivant la fin de la révision, la motive par écrit et transmet une copie de la décision et des motifs aux personnes visées par l’ordre et au ministre à l’intérieur de ce même délai.

 

 

 



[1] Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22.

[2] Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035.

[3] Rapport de Michael Preston, « Breeding Bird Mitigation Technical Review », p. 1, la pièce A de l’affidavit de Michael Preston, souscrit le 14 juin 2021 (affidavit Preston).

[4] Observations de Trans Mountain, paragraphe 33.

[5] Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33.

 

[6] Observations de Trans Mountain, à partir du paragraphe 11.

[7] Observations de Trans Mountain, paragraphe 16; affidavit de Sean Britt, souscrit le 17 juin 2021 (affidavit Britt) à la pièce A, p. 2; affidavit de Kevin Fort, souscrit le 25 juin 2021 (affidavit Fort), paragraphe 29.

[8] Affidavit de Laureen Darr, souscrit 18 juin 2021 (affidavit Darr), paragraphe 14.

[10] Affidavit Fort, paragraphe 11.

[11] Affidavit Fort, paragraphe 21.

[12] Examen de M. Preston, p. 4 de 17, pièce A de l’affidavit de Michael Preston, souscrit le 14 juin 2021 (affidavit Preston).

[13] Affidavit Fort, paragraphe 23.

[14] Affidavit de Justus Mirembe, souscrit le 25 juin 2021 (affidavit Mirembe), paragraphes 6, 10 et 16.

[15] Affidavit Mirembe, paragraphes 10 et 11.

[16] Pièce D de l’affidavit Britt.

[17] Affidavit Mirembe, paragraphe 24.

[18] Affidavit Fort, paragraphes 14 et 15.

[19] Art. 1 de la LCOM.

[20] Annexe A de l’affidavit Fort.

[21] Transcription du contre-interrogatoire de Justus Mirembe, 5 juillet 2021.

[22] Témoignage de M. Fort, affidavit Preston, précité, note 9.

[23] Affidavit Britt, p. 4 et 5.

[24] Rapport, p. 3, pièce A de l’affidavit de Michael Preston, souscrit le 14 juin 2021 (affidavit Preston).

[25] Examen de M. Preston au tableau 3, pièce A de l’affidavit Preston.

[26] Affidavit Fort, pièce A (rapport de visite sur place de Chloe Boynton).

[27] Affidavit Mirembe et affidavit Fort.

[28] Transcription du contre-interrogatoire de Justus Mirembe, 5 juillet 2021.

[29] Affidavit Britt, pièce A, p. 8 et 9

[30] Affidavit Britt, paragraphe 26.

[31] Affidavit Britt, paragraphe 25.

[32] Affidavit Preston, pièce A.

[33] Affidavit de Matthew McTavish, souscrit le 15 juin 2021 (affidavit McTavish), paragraphe 3.5.

 

[34] Affidavit Fort, pièce I, Zone A1-milieux forestiers, Périodes et calendrier de nidification du gouvernement du Canada.

[35]Affidavit Britt, paragraphe 12.

[36] Gouvernement du Canada, « Politique de conformité et d’application des lois relatives aux espèces sauvages » (Politique de conformité), accessible en ligne, Trans Mountain Book of Authorities, onglet 2.

[37] Politique de conformité, chapitre 2.

[38] Contre-interrogatoire de Kevin Fort, 5 juillet 2021, p. 289.

[39] Affidavit Darr, paragraphe 29.

[40] Affidavit Britt, paragraphe 28.

[41] Pièce D de l’affidavit Britt.

[42] Transcription du contre-interrogatoire de M. Mirembe, 5 juillet 2021, p. 272.

[43] Affidavit Britt, paragraphe 53.

[44] Affidavit Britt, pièce D, section 2.0 intitulée « Scope ».

[45] Affidavit Britt.

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