Tribunal de la protection de |
Environmental Protection Tribunal of Canada |
Date de publication : |
Le 23 février 2021 |
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Référence : |
Legault c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 TPEC 1 |
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Numéro de dossier du TPEC : |
0001-2020 et 0002-2020 |
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Intitulé : |
F. Legault c. Canada (Environnement et Changement climatique) (0001-2020) ; R. Legault c. Canada (Environnement et Changement climatique) (0002-2020) |
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Demandeurs : |
Frédéric Legault et Richard Legault |
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Défendeur : |
Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à la violation de l’article 14(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernent les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22. |
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Instruit : |
Le 27 janvier 2021 (par téléconférence) |
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Comparutions : |
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Parties |
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Avocat ou représentant |
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Frédéric Legault Richard Legault |
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Représentés par eux-mêmes |
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Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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Rosine Faucher |
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DÉCISION RENDUE PAR : |
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PAUL DALY |
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Introduction
[1] Le 21 septembre 2019, Frédéric Legault et Richard Legault (« les demandeurs ») chassaient au bord de la rivière Richelieu. Ils l’ignoraient, mais deux jours avant, soit le 19 septembre 2019, des agents du Ministre de l’Environnement et Changement climatique du Canada (« le Ministre ») avaient découvert des graines de maïs à 40 mètres du site de chasse des demandeurs.
[2] Cette découverte était d’une importance capitale. L’article 14(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, CRC, c 1035 (« le ROM ») interdit la chasse dans un rayon de 400 mètres d’un endroit où un appât a été déposé, à moins que l’endroit n’ait été exempt d’appât depuis au moins sept jours.
[3] Des agents du Ministre effectuant une patrouille ont observé les demandeurs dans ce rayon de 400 mètres et ont délivré aux demandeurs, en vertu de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126 (la « LPAME ») les procès-verbaux visés par cette demande de révision. Par l’entremise des procès-verbaux, les demandeurs se font imposer des sanctions administratives pécuniaires de 1000 $ chacun, soit dans les deux cas un montant de base de 400 $ et un montant supplémentaire de 600 $ pour dommages environnementaux, calculé selon les critères énoncés dans le Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS 2017-109 (le « RPAME »).
[4] Plaidant qu’ils n’avaient aucune intention coupable et se comportaient à tout moment selon ce qu’ils croyaient raisonnablement être leurs obligations réglementaires en tant que chasseurs, les demandeurs demandent la révision des sanctions administratives pécuniaires ainsi imposées.
[5] Nonobstant la bonne foi des demandeurs, le Tribunal doit rejeter leur demande de révision. La LPAME créant un régime de responsabilité absolue, et le Tribunal n’ayant aucune compétence de contrôler la discrétion des agents du Ministre d’émettre des sanctions administratives pécuniaires, il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce. Les demandeurs ont commis une violation à l’article 14(1) du ROM et le calcul des pénalités ainsi applicables était exacte.
Contexte
[6] Le secteur de Saint-Blaise-sur-Richelieu et Sabrevois de la rivière Richelieu est situé au Québec. La Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, LC 1994, c 22 (la « LCOM ») et ses règlements s’appliquent à ce territoire en vertu de l’article 2.1 de la LCOM. Conséquemment, le Règlement sur les oiseaux migrateurs, CRC, ch 1035 (le « ROM ») s’appliquent au territoire en l’espèce.
[7] Les agents Antoine Marcil, Simon Duplin et Marjolaine Lagacé sont à l’emploi d’Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») et ont été désignés gardes-chasse par le Ministre.
[8] Le 19 septembre 2019, les agents Marcil et Duplin effectuent une patrouille sur la rivière Richelieu dans le secteur de Saint Blaise-sur-Richelieu et Sabrevois afin de détecter la présence de zones appâtées pour la chasse aux oiseaux migrateurs.
[9] Aux coordonnées géographiques N45°12.720; W73°14.967, les agents trouvent un tas de grains déposés en eau peu profonde. Ils photographient les grains et en prennent un échantillon (#EC 0007509). Le grain trouvé est un mélange de céréales et contient du maïs, appât fréquemment utilisé par les chasseurs afin d’appâter la sauvagine. Une pancarte identifiant le site de chasse, un ‘duckboard’, est posée sur un arbre à proximité des appâts trouvés. La pancarte porte les initiales FL et l’année ‘2019’. Les agents quittent et laissent le site ouvert.
[10] L’ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs avait lieu le 21 septembre 2019 dans la région, car selon le ROM, cette région est dans le district de chasse F : Annexe 1, Partie 5, Tableau 1, Article 4.
[11] Le 21 septembre 2019, les agents Duplin et Lagacé effectuent des inspections de chasseurs dans le secteur de la rivière Richelieu dans le cadre de la journée d’ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs.
[12] Vers 7h57, les agents rencontrent les demandeurs, aux coordonnées géographiques N45° 12.736; W73° 14.996, soit à environ 40 mètres du site appâté identifié 2 jours plus tôt, le 19 septembre 2019, aux coordonnées géographiques N45°12.720; W73°14.967. La pancarte installée sur un arbre indiquant ‘FL 2019’ est visible. Les demandeurs sont en train de terminer Ieur chasse.
[13] Les demandeurs sont habillés en vêtement de chasse (pantalon-botte et vêtements de camouflage), à bord d’un bateau de chasse aux canards qui est camouflé et entouré de quelques appelants de canards installes dans l’eau, ce qui est typique d’une activité de chasse aux oiseaux migrateurs.
[14] Les demandeurs ont 12 canards dans leur bateau, correspondant au quota maximum de prises par jour pour deux chasseurs. Les canards sont des oiseaux migrateurs au sens de la LCOM.
[15] Les demandeurs se préparent à quitter les lieux, après leur chasse. Frédéric Legault est en train de ramasser les appelants et Richard Legault est dans leur bateau. Leurs armes, déchargées, sont déjà rangées.
[16] Lors de la discussion qui a suivi, les demandeurs expliquent qu’ils ont appâté le site en août, mais pas en septembre et pas dans l’endroit où les agents ont retrouvé des appâts le 19 septembre. Ils étaient dans l’ignorance du fait qu’ils chassaient sur un site qui se trouvait dans un rayon de 400 mètres d’un site appâté dans les 7 journées précédentes. En fait, les agents vérifient le site où ils ont trouvé des appâts le 19 septembre et constatent qu’il n’en reste aucune trace.
[17] L’agent Duplin signifie aux demandeurs l’infraction d’avoir chassé à moins de 400 mètres d’un site appâté et leur explique qu’ils recevraient une mesure d’application de la loi par la poste.
[18] L’agent Duplin leur explique que leur chasse sera permise à nouveau dans 7 jours vu qu’il n’y a plus d’appât, ou lorsque les pancartes de zones appâtées seront retirées.
[19] Le 25 novembre 2019, l’agente Lagacé signifie les procès-verbaux des SAP 9200-1328 et 9200-1329 aux demandeurs.
Questions en litige
[20] Rien n’indique en l’espèce que les demandeurs avaient une intention coupable. Au contraire, selon l’exposé conjoint des faits préparé par les parties, les demandeurs se comportaient en tout temps avec ce qu’ils croyaient être leurs obligations réglementaires.
[21] Il s’agit donc de savoir en l’espèce (1) si, malgré l’absence d’intention coupable, les demandeurs ont commis une violation de l’article 14(1) du ROM et (2) si le montant des pénalités est exact.
Discussion
Argument du ministre
[22] L’argumentaire du ministre comprend deux éléments. D’une part, une analyse du régime de responsabilité absolue et le rôle circonscrit du Tribunal attribuables à la LPAME. D’autre part, une analyse des éléments de l’infraction alléguée en l’espèce, à la lumière des faits énoncés dans l’exposé conjoint des faits.
[23] Le Ministre prétend que le mandat du Tribunal est clair. Saisi d’une demande de révision, le Tribunal ne peut pas déterminer si les agents du Ministre ont exercé leurs pouvoirs discrétionnaires de façon appropriée et raisonnable. Par ailleurs, le Tribunal n’a ni la compétence d’annuler une sanction administrative pécuniaire (advenant que les éléments de la violation soient démontrés) ni la compétence d’en modifier le montant: Hoang c. Canada (Environnement et changement climatique Canada), 2019 TPEC 2 au par 21; 1952157 Ontario Inc. c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 5, au para 40.
[24] Le Ministre fait référence à l’article 13.01 de la LCOM :
(1) Commet une infraction quiconque contrevient : a) à toute disposition de la présente loi ou des règlements, à l’exception d’une disposition dont la contravention constitue une infraction aux termes du paragraphe 13(1); b) par négligence à l’alinéa 5.2b); c) à tout ordre donné en vertu de la présente loi, à l’exception d’un ordre dont la contravention constitue une infraction aux termes du paragraphe 13(1). |
(1) Every person commits an offence who (a) contravenes any provision of this Act or the regulations, other than a provision the contravention of which is an offence under subsection 13(1); (b) negligently contravenes paragraph 5.2(b); or (c) contravenes an order or direction made under this Act, other than an order the contravention of which is an offence under subsection 13(1). |
[25] Le Ministre constate que les agents de la faune peuvent imposer une sanction administrative pécuniaire à une personne si les agents ont des motifs raisonnables de croire que cette personne a commis une violation, selon les articles 5(1)(a), 7 et 10 de la LPAME.
[26] D’ailleurs, selon le Ministre, qui cite l’article 11(1) de la LPAME ainsi que Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, au par 41, l’intention des demandeurs n’est tout simplement pas pertinente lorsqu’il y a lieu d’établir s’il y a infraction.
[27] Il s’ensuit, selon le Ministre, qu’il s’agit d’un régime de responsabilité absolue, non seulement stricte. Pour le Ministre, assujettir des chasseurs à un régime de responsabilité absolue s’encadre bien avec le principe selon lequel un chasseur est réputé avoir accepté les conditions se rattachant au privilège de participer à cette activité réglementée qu’est la chasse. Qui plus est, le Ministre prétend qu’on ne peut qualifier de moralement innocente la personne assujettie à la réglementation qui commet une infraction réglementaire, citant à cet égard R. c. Gladu, 2018 QCCS 2769, au par 45.
[28] Quant aux éléments de l’infraction, le Ministre cite d’abord l’article 14(1) du ROM:
Sous réserve de l’article 23.3, il est interdit de chasser les oiseaux migrateurs considérés comme gibier dans un rayon de 400 m d’un endroit où un appât a été déposé, à moins que l’endroit n’ait été exempt d’appât depuis au moins sept jours ou que l’appât n’ait été déposé conformément aux sous-alinéas (5)a)(i) ou (ii). |
Subject to section 23.3, no person shall hunt for migratory game birds within 400 m of any place where bait has been deposited unless the place has been free of bait for at least seven days or the bait was deposited in accordance with subparagraph (5)(a)(i) or (ii). |
[29] En l’espèce, les demandeurs ont été trouvés avec leur chasse dans un rayon de 400 mètres d’un endroit où un appât avait été trouvé depuis moins de sept jours. Les graines trouvées le 19 septembre étaient un appât au sens du ROM, spécifiquement « du maïs, du blé, de l’avoine, une légumineuse ou une imitation de ceux-ci, ou tout autre aliment susceptible d’attirer les oiseaux migrateurs considérés comme gibier » (“corn, wheat, oats or other grain, pulse or any other feed, and includes any imitation thereof that may attract migratory game birds”). Et les demandeurs se trouvaient le 21 septembre à 40 mètres du site appâté. Les demandeurs avaient d’ailleurs chassé des canards, qui sont des espèces protégées selon la LCOM.
[30] Quant au calcul de la pénalité, le Ministre soumet qu’il faut commencer avec le montant de base. Le montant de base applicable est celui prévu à la colonne 3 de l’Annexe 4 du RPAME, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même Annexe. Selon le RPAME, il s’agit en l’espèce d’une infraction de Type ‘B’ : Annexe I, Partie 4, Section 2. La pénalité de base est donc de 400 $, tel que prévu par Annexe 4 du RPAME, Colonne 3, Article 1.
[31] Au montant de base, selon le Ministre, il faut ajouter un montant pour les dommages environnementaux causés par la violation des demandeurs. En vertu de l’article 7 du RPAME, si des dommages environnementaux découlent de la violation commise, le montant pour dommages environnementaux est celui prévu à la colonne 5 de l’Annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même Annexe. Pour le Ministre, qui cite à cet égard son Cadre stratégique pour la mise en oeuvre de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, chapitre 4.3 (https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/application-lois-environnementales/publications/cadre-strategique-loi-penalites-administratives/chapitre-4.html#4.3), la destruction, menace, harcèlement, capture ou prise d’animaux sauvages constituent des dommages environnementaux. Le Tribunal a confirmé dans Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, aux paras 53-54 que de tirer sur un oiseau migrateur ayant comme résultat de le tuer constitue un dommage environnemental. Le montant supplémentaire applicable en vertu de l’article 7 du RPAME serait donc de 600 $: Annexe 4, Colonne 5, Article 1.
Argument des demandeurs
[32] Les demandeurs plaident, essentiellement, qu’ils n’avaient aucune intention coupable, ayant agi à tout moment conformément à ce qu’ils croyaient être leurs obligations réglementaires.
[33] Ils constatent qu’à la lecture du dossier il n’est pas possible de dire hors de tout doute qu’ils ont commis une violation. Rien n’indique que les demandeurs avaient appâté le site préalablement à leur chasse le 21 septembre 2019. En revanche, plusieurs personnes avaient accès au site avant le 21 septembre 2019 – notamment, la fin de semaine précédente était l’occasion d’une journée de la relève où de jeunes chasseurs avaient la possibilité de chasser aux alentours de la rivière.
[34] Selon les demandeurs, parce que les agents qui ont découvert les appâts le 19 septembre 2019 ont décidé de laisser le site ouvert, et parce qu’aucune trace d’appât était encore présente le 21 septembre 2019, ils étaient dans l’impossibilité de savoir qu’ils faisaient de la chasse à moins de 400 mètres d’un site qui avait été appâté dans les sept jours précédents. Il s’agissait alors d’un piège.
[35] Les demandeurs ne remettent pas en question le calcul du montant de la sanction administrative pécuniaire.
Analyse et constatations
Cadre législatif
[36] Le ROM a été adopté sous l’égide de la LCOM, cette dernière mettant en œuvre les obligations internationales du Canada, qui est signataire à la Convention concernant les oiseaux migrateurs.
[37] L’article 12 de la Loi de 1994 permet au gouverneur en conseil d’adopter des règlements « qu’il juge nécessaires à la réalisation de l’objet de la présente loi et de la convention... » (« The Governor in Council may make any regulations that the Governor in Council considers necessary to carry out the purposes and provisions of this Act and the Convention »).
[38] La Loi de 1994 fournit une définition de ce qui est un oiseau migrateur :
Tout ou partie d’un oiseau migrateur visé à la convention, y compris son sperme et ses œufs, embryons et cultures tissulaires |
migratory bird means a migratory bird referred to in the Convention, and includes the sperm, eggs, embryos, tissue cultures and parts of the bird |
[39] Les canards figurent parmi les espèces protégées par la LCOM.
[40] Les sanctions administratives pécuniaires imposées aux demandeurs comprenaient deux montants. Le premier montant découle du ROM, dont l’article 14(1) prévoit :
Sous réserve de l’article 23.3, il est interdit de chasser les oiseaux migrateurs considérés comme gibier dans un rayon de 400 m d’un endroit où un appât a été déposé, à moins que l’endroit n’ait été exempt d’appât depuis au moins sept jours ou que l’appât n’ait été déposé conformément aux sous-alinéas (5)a)(i) ou (ii). |
Subject to section 23.3, no person shall hunt for migratory game birds within 400 m of any place where bait has been deposited unless the place has been free of bait for at least seven days or the bait was deposited in accordance with subparagraph (5)(a)(i) or (ii). |
[41] Selon l’article 13.01 de la LCOM, une contravention au ROM est une infraction.
[42] Par l’entremise de la LPAME, le Parlement a créé un régime de sanctions administratives pécuniaires, comme solution de rechange au régime pénal et comme complément aux autres mesures d’application des lois environnementales en vigueur (l’article 3).
[43] L’article 5 de la LPAME prévoit ainsi que le gouverneur en conseil peut identifier des lois et règlements dont une violation est punissable par sanction administrative pécuniaire. La LCOM, ainsi que le Règlement, fait partie de ce régime de sanctions administratives pécuniaires parce qu’ils sont identifiés dans l’Annexe 1 du RPAME, Partie 4.
[44] Le deuxième montant était imposé en vertu du RPAME, qui prévoit dans l’article 7 qu’un montant supplémentaire sera ajouté à la sanction administrative pécuniaire si « des dommages environnementaux découlent de la violation commise » (« If the violation has resulted in harm to the environment »).
[45] Le rôle du Tribunal est circonscrit par la LPAME. Selon l’article 7 :
La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements. |
Every person, ship or vessel that contravenes or fails to comply with a provision, order, direction, obligation or condition designated by regulations made under paragraph 5(1)(a) commits a violation and is liable to an administrative monetary penalty of an amount to be determined in accordance with the regulations. |
[46] Qui plus est, l’article 11 exclut certains moyens de défense, érigeant ainsi un régime de responsabilité absolue :
L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient. |
A person, ship or vessel named in a notice of violation does not have a defence by reason that the person or, in the case of a ship or vessel, its owner, operator, master or chief engineer (a) exercised due diligence to prevent the violation; or (b) reasonably and honestly believed in the existence of facts that, if true, would exonerate the person, ship or vessel. |
[47] Le rôle du Tribunal – confirmé d’ailleurs par la jurisprudence du Tribunal – consiste à vérifier si une violation a eu lieu et, le cas échéant, le montant de la sanction administrative pécuniaire applicable : Hoang c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 2 aux pars. 19-21; Fontaine c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 5, au par. 28; Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, au par. 18.
[48] Ceci ressort clairement de l’article 20 de la LPAME. Après avoir reçu des informations et représentations pertinentes, le Tribunal doit vérifier si la violation alléguée a été commise par le demandeur et si le montant de la pénalité a été bien calculé – le fardeau de la preuve est sur le Ministre, qui doit l’acquitter selon la prépondérance des probabilités. Il convient de reproduire l’article 20 dans son intégralité :
Infraction
[49] Dans l’arrêt R. c. Chapin, [1979] 2 RCS 121, à la page 133, le juge Dickson a offert les commentaires suivants concernant une version antérieure de l’article 14(1) du ROM :
La chasse est un sport autorisé et il serait pratiquement impossible pour un chasseur de fouiller une région d’un demi-mille de diamètre pour s’assurer avant de chasser qu’on n’y a placé aucun appât illicite. Il ne faut pas oublier la configuration des terrains de chasse, comme le révèle la preuve en l’espèce, et le fait que de nombreux chasseurs choisissent un emplacement avant le lever du jour. Le chasseur doit-il d’abord vérifier qu’il n’y a aucun appât illicite dans les marais, les marécages, les ruisseaux, les champs de maïs, sur la terre ferme et dans l’eau? |
Hunting being a permitted sport, it would be a practical impossibility for a hunter to search a circular area having a diameter of half a mile for the presence of illegally deposited bait, before hunting. One must bear in mind the nature of the terrain over which hunting is done, as the evidence in this case discloses, and the fact that many hunters hope to get into position before first light. Is one first expected to search through swamp, bog, creeks, corn fields, over land and in water in search of illegal bait? |
[50] Selon le juge Dickson, une défense de diligence raisonnable était alors incontournable dans ce qui a trait à l’article 14(1).
[51] Pourtant, le législateur a choisi d’abolir l’ancien régime de responsabilité stricte – ce qui aurait permis aux demandeurs de soulever en l’espèce une défense convaincante de diligence raisonnable – et d’ériger à sa place un régime de responsabilité absolue. En écartant par l’entremise de l’article 11 de la LPAME toute défense d’erreur de fait, de bonne foi ou de diligence raisonnable, le législateur a clairement établi un régime de responsabilité absolue.
[52] Dans le cadre d’un régime de responsabilité absolue, l’intention n’est pas pertinente : Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, au par. 41. Les demandeurs ont beau à proclamer leur innocence. Or, le Tribunal ne peut pas accueillir leur demande de révision au motif de leur bonne foi. Cette porte a été fermée par le Parlement.
[53] En l’espèce, les demandeurs chassaient au sens de l’article 14(1) du ROM à moins de 400 mètres d’un site appâté moins de 7 jours avant. C’est tout ce que le Ministre avait à démontrer. Le Ministre s’est acquitté de son fardeau de preuve. Il y avait une infraction.
[54] Qui plus est, la décision des agents de donner des procès-verbaux est à l’abri de surveillance par ce Tribunal. Comme ce dernier a constaté maintenant à plusieurs reprises, son rôle est tout simplement de vérifier si l’infraction alléguée dans le procès-verbal a été commise et si, le cas échéant, le montant de la pénalité ainsi imposée est exact. Rien de plus et certainement pas le contrôle du pouvoir discrétionnaire des agents du Ministre. Voilà encore une porte fermée par le Parlement.
[55] Certes, l’article 11 n’élimine pas tous les moyens de défense possibles. Les défenses disponibles en vertu du droit commun peuvent être soulevées dans la mesure de leur compatibilité avec la LPAME : l’article 11(2). Pourtant, il n’y en a pas d’applicables en l’espèce.
[56] En évoquant un « piège », les demandeurs font référence à la défense de la provocation policière. Cette défense a été soulevée devant le Tribunal dans Rice c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 4. Bien que les demandeurs ne l’aient pas cité, il convient dans le développement d’une culture décisionnelle harmonisée d’y faire référence (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 130).
[57] Dans Rice, le Tribunal cite au par. 31 l’analyse de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Clothier, 2011 ONCA 27, qui, elle, s’appuie sur les enseignements du juge Lamer de la Cour suprême du Canada dans R. c. Mack, [1988] 2 RCS 903 et R. c. Barnes, [1991] 1 RCS 449). À la lumière de la jurisprudence, le Tribunal constate qu’il y a deux situations dans lesquelles la défense de la provocation policière peut trouver application :
Premièrement, lorsque les autorités gouvernementales fournissent à une personne l’occasion de perpétrer un crime, à moins qu’elles puissent raisonnablement soupçonner que cette personne est déjà engagée dans une activité criminelle, ou qu’elles agissent au cours d’une véritable enquête. Deuxièmement, lorsque les autorités gouvernementales, quoi qu’elles aient ce soupçon raisonnable ou qu’elles agissent au cours d’une véritable enquête, font plus que fournir une occasion et incitent à perpétrer une infraction. |
First, when government authorities provide a person with an opportunity to commit a crime, unless they have a reasonable suspicion that the person is already engaged in criminal activity, or unless they are acting in the course of a bona fide investigation. Second, when government authorities, though they have a reasonable suspicion or are acting in the course of a bona fide investigation, go beyond providing an opportunity to commit a crime by inducing the commission of an offence. |
[58] Il n’est pas question ici des autorités incitant les demandeurs à perpétrer une infraction. Est-ce qu’ils ont fourni, pourtant, « l’occasion de perpétrer un crime » en laissant le site ouvert après la découverte de l’appât le 19 septembre 2019? Une réponse négative s’impose, et cela pour deux raisons. D’abord, ce n’étaient pas les agents du Ministre qui ont fourni « l’occasion de perpétrer un crime », mais plutôt la personne – toujours inconnue – qui a appâté le site. De dire que la décision de ne pas fermer les sites dans un rayon de 400 mètres du site appâté fournissait « l’occasion de perpétrer un crime » suggérerait que les agents du Ministre ont une obligation positive de prendre des mesures nécessaires afin d’empêcher des citoyens de commettre des infractions aux dispositions dont la contravention est punissable sous l’égide de la LPAME. La défense de la provocation policière ne va pas aussi loin, surtout dans un contexte réglementaire : R. v. Clothier, 2011 ONCA 27, au par. 32.
[59] Deuxièmement, même si les agents ont fourni « l’occasion de perpétrer un crime », ils agissaient vraisemblablement « au cours d’une véritable enquête ». Ayant identifié le site appâté le 19 septembre, ils sont revenus le 21 septembre afin d’effectuer des inspections de chasseurs. Ils sont tombés sur les demandeurs qui, certes, à la lumière du dossier n’étaient pas les responsables et ont eu la mauvaise chance de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Mais les agents étaient bel et bien « au cours d’une véritable enquête ».
[60] La défense de la provocation policière ne se trouve pas application en l’espèce.
[61] En l’absence d’un argument valable concernant la défense de la provocation policière, les demandeurs doivent demander au Tribunal de contrôler la discrétion des agents du Ministre. Mais en contrôlant l’exercice du pouvoir discrétionnaire des agents, le Tribunal outrepasserait les compétences qui lui sont octroyées par le législateur. Le Tribunal ne peut donc pas le faire.
[62] Malgré leur bonne foi et diligence raisonnable, le Tribunal ne peut retenir l’argument des demandeurs.
Montant de la pénalité
[63] Même si les demandeurs ne remettent pas en question le montant de la pénalité imposée, la vérification du montant fait partie du rôle du Tribunal lorsqu’il est saisi d’une demande de révision.
[64] En l’espèce, la disposition pertinente est l’article 4(1) du RPAME :
(1) Le montant de la pénalité applicable à une violation de type A, B, ou C est calculé selon la formule suivante : W + X + Y + Z où : W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5; X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6; Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7; Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8. |
(1) The amount of the penalty for each Type A, B or C violation is to be determined by the formula W + X + Y + Z where W is the baseline penalty amount determined under section 5; X is the history of non-compliance amount, if any, as determined under section 6; Y is the environmental harm amount, if any, as determined under section 7; and Z is the economic gain amount, if any, as determined under section 8. |
[65] Selon le RPAME, une violation de l’article 14(1) du ROM est une violation de Type B: Annexe 1, Partie 4, Section 2. L’article 1 et Colonne 3 de l’Annexe 4 établissent que le montant de base d’une pénalité pour une violation de Type B est de 400 $ lorsque commis par une personne physique. Étant donné que les demandeurs sont des personnes physiques qui ont contrevenu à l’article 14(1), le montant de base de 400 $ est exact.
[66] Le montant d’un facteur aggravant est établi dans l’Annexe 4 du RPAME. Selon l’Article 1, Colonne 5 de l’Annexe 4 du RPAME, le montant pour dommages environnementaux est de 600 $ pour ce qui est d’une personne physique.
[67] Or, il convient de reproduire ici l’article 7 du RPAME.
Si des dommages environnementaux découlent de la violation commise, le montant pour dommages environnementaux est celui prévu à la colonne 5 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe. |
If the violation has resulted in harm to the environment, the environmental harm amount is the amount set out in column 5 of Schedule 4 that corresponds to the category of the violator and the type of violation committed as set out in columns 1 and 2, respectively, of that Schedule. |
[68] En l’espèce, il est clair qu’il y avait des dommages environnementaux, soit la mort des canards chassés par les demandeurs. Cette conclusion découle de la jurisprudence antérieure du Tribunal : Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, au para 54.
[69] Le Ministre s’appuie en partie sur son Cadre stratégique, où on trouve une définition large et libérale du terme « dommages environnementaux ». Le Cadre stratégique est du « droit mou », adopté par le Ministre : il n’est pas une disposition législative dument adoptée par le Parlement et il ne s’agit pas non plus d’une disposition réglementaire assujettie au régime de la Loi sur les textes réglementaires, LRC 1985, c S-22. Le Tribunal tient à souligner que sa conclusion en l’espèce est basée sur les dispositions législatives et réglementaires pertinentes et pas sur le Cadre stratégique.
[70] Certes, la Cour suprême du Canada a suggéré que le droit mou (comme le Cadre stratégique) peut en principe faire partie du contexte interprétatif – Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559, au par. 85. Or, il y a lieu de se questionner à la légitimité de la suggestion que le Ministre peut, par l’entremise de son droit mou, élargir la portée des dispositions législatives et réglementaires, imposant ainsi des obligations sur des individus. Il n’est pas nécessaire dans le présent contexte d’en dire plus, parce que la jurisprudence du Tribunal établit que la mort d’un animal constitue des dommages environnementaux au sens de l’article 7 du RPAME, mais le Tribunal voulait néanmoins préciser qu’il n’a pas pris le Cadre stratégique en considération en arrivant à sa conclusion.
[71] Pour que l’article 7 s’applique, il faut démontrer non seulement des dommages environnementaux, mais aussi un lien de causalité entre l’infraction commise et les dommages environnementaux en découlant : Nyobe c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 7, aux pars. 32-33.
[72] Le lien de causalité nécessaire est présent ici. S’ils agissaient conformément au cadre réglementaire, les demandeurs n’auraient pas chassé au site où ils chassaient le 21 septembre 2019. Leur violation de l’article 14(1) est intrinsèquement liée à leur présence sur les lieux et à la chasse de canards. La mort des canards a donc découlé de la violation de l’article 14(1), comme l’exige l’article 7 du RPAME, et le montant supplémentaire pour dommages environnementaux s’appliquait.
[73] Le montant des sanctions administratives pécuniaires imposées aux demandeurs était exact.
Résumé
[74] Bien qu’ils n’aient pas d’intention coupable et qu’ils se soient comportés en tout temps de bonne foi, les demandeurs ont néanmoins commis l’infraction alléguée dans les procès-verbaux. En plus, le montant de la sanction administrative pécuniaire était exact.
Décision
[75] La demande de révision sera donc rejetée.
Demande de révision rejetée |
« Paul Daly » |
PAUL DALY RÉVISEUR |