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Tribunal de la protection de
l’environnement du Canada

Canada Coat of Arms

Environmental Protection

Tribunal of Canada

 

Date de publication :

Le 28 septembre 2020

Référence :

Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6

Numéro de dossier du TPEC :

0008-2019

Intitulé :

Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demandeur :

Pierre-Luc Sirois

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à la violation de l’article 5(4) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22.

Instruit :

Par écrit

Comparutions :

Parties

 

Avocats

Pierre-Luc Sirois

 

Marie-Philipe Lévesque

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

 

Philippe Proulx

DÉCISION RENDUE PAR :

 

PAUL DALY


Introduction

[1]          Le 18 septembre 2018, monsieur Pierre-Luc Sirois (« le demandeur ») a abattu un grand héron dans la Zone d’Exploitation Contrôlée de Forestville au Québec.

[2]          Le grand héron étant un oiseau migrateur protégé par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, LC 1994, c 22 (« la Loi de 1994) ainsi que le Règlement sur les oiseaux migrateurs, CRC, c 1035 (« le Règlement »), et sa mort ayant eu lieu à l’extérieur de la saison de chasse, un procès-verbal à l’encontre du demandeur a été émis par le Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada (« le Ministre »).

[3]          Le demandeur était assujetti à une pénalité administrative pécuniaire de 1000 $. Ce montant comprend une amende de 400 $ concernant une contravention au Règlement ainsi qu’une amende de 600 $ concernant des dommages environnementaux causés par cette contravention, imposée en vertu du Règlement sur les pénalités administratives en matière d'environnement, DORS/2017-109 (« le RPAME »), adopté sous l’égide de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126 (« la LPAME »).

[4]          Prétendant que la mort du grand héron était un accident, le demandeur demande la révision du procès-verbal et de la pénalité administrative pécuniaire qui y était indiquée.

[5]          La conclusion du Tribunal est que le Ministre a démontré que l’infraction sous-tendant le procès-verbal a été commise. Le procès-verbal est donc maintenu.

Contexte

[6]          Le 18 septembre 2018, le demandeur, alors assistant à la protection de la faune de la Zone d’Exploitation Contrôlée de Forestville, a abattu un grand héron, alors que la chasse du grand héron n’était pas autorisée en vertu de l’article 5(4) du Règlement, la saison de la chasse s’étant terminée le 1 septembre.

[7]          Lors d’une discussion avec Stéphane Lavoie, l’agent de protection de la faune du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, bureau de Forestville, le demandeur a admis spontanément avoir abattu un grand héron. Le demandeur a alors expliqué à l’agent Lavoie que c’était par accident.

[8]          Le 22 mars 2019, l’agent Lavoie et Yann Bolduc, agent d’application de la loi pour le Ministre, ont rencontré le demandeur au bureau de la protection de la faune de Forestville. Après avoir été informé de ses droits et mis en garde du fait que sa déclaration pourrait éventuellement servir de preuve, le demandeur a déclaré avoir abattu un grand héron à l’automne 2018 en pensant qu’il s’agissait d’une bernache. Il a affirmé avoir fait feu trop rapidement sans prendre le temps de confirmer que l’oiseau était bien une bernache. Le demandeur a indiqué sur une carte l’endroit où il a abattu l’oiseau et il a déclaré avoir disposé de la carcasse en bordure d’un champ dont son père est propriétaire.

[9]          Entre le 22 mars 2019 et le 11 avril 2019, le demandeur a contacté l’agent Bolduc. Celui-ci l’a avisé de son intention de donner une pénalité administrative pécuniaire puisqu’il avait contrevenu à l’article 5(4) du Règlement en chassant un oiseau migrateur. L’agent Bolduc a lu au demandeur l’endos d’un procès-verbal, lequel contient l’ensemble des informations concernant les différentes options offertes à l’auteur d’une violation.

[10]       Le 11 avril 2019, l’agent Bolduc a dressé le procès-verbal portant le numéro N9200-1376. Ce procès-verbal a été signifié au demandeur le 11 avril 2019.

Questions en litige

[11]       Il s’agit de savoir (1) si le demandeur a commis une violation de l’article 5(4) du Règlement et (2) si le montant de la pénalité est exact.

Discussion

Argument du ministre

[12]       Selon le Ministre, le Tribunal doit répondre à deux questions. Premièrement, est-ce que la preuve démontre, de façon prépondérante, que le demandeur a violé l’article 5(4) du Règlement? Deuxièmement, est-ce que le montant de la pénalité a été calculé conformément au RPAME? Le Ministre soumet qu’une réponse positive aux deux questions s’impose.

[13]       Le Ministre prétend que le mandat du Tribunal est clair. Saisi d’une demande de révision, le Tribunal ne peut pas déterminer si les agents du Ministre ont exercé leurs pouvoirs discrétionnaires de façon appropriée et raisonnable. Par ailleurs, le Tribunal n’a ni la compétence d’annuler une pénalité administrative pécuniaire (advenant que les éléments de la violation soient démontrés) ni la compétence d’en modifier le montant: Hoang c Canada (Environnement et changement climatique Canada), 2019 TPEC 2.

[14]       Le Ministre note que le demandeur admet avoir abattu un grand héron. Selon le Ministre, ce fait est concluant parce qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’intention ou la négligence de la part du demandeur. À cet égard, le Ministre fait référence à l’article 13.01 de la Loi de 1994 :

(1) Commet une infraction quiconque contrevient :

a) à toute disposition de la présente loi ou des règlements, à l’exception d’une disposition dont la contravention constitue une infraction aux termes du paragraphe 13(1);

b) par négligence à l’alinéa 5.2b);

c) à tout ordre donné en vertu de la présente loi, à l’exception d’un ordre dont la contravention constitue une infraction aux termes du paragraphe 13(1).

(1) Every person commits an offence who

(a) contravenes any provision of this Act or the regulations, other than a provision the contravention of which is an offence under subsection 13(1);

(b) negligently contravenes paragraph 5.2(b); or

(c) contravenes an order or direction made under this Act, other than an order the contravention of which is an offence under subsection 13(1).

[15]       Il s’ensuit, selon le Ministre, qu’une simple contravention à l’article 5(4) du Règlement constitue une infraction. Faisant appel à la règle d’interprétation de l’exclusion implicite, le Ministre constate que le législateur a spécifiquement identifié les dispositions qui nécessitent la démonstration d’un élément d’intention, mais n’a rien identifié pour ce qui est l’article 5(4) du Règlement.

[16]       Le Ministre fait référence également à l’article 11(1) de la LPAME :

L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

A person, ship or vessel named in a notice of violation does not have a defence by reason that the person or, in the case of a ship or vessel, its owner, operator, master or chief engineer

(a) exercised due diligence to prevent the violation; or

(b) reasonably and honestly believed in the existence of facts that, if true, would exonerate the person, ship or vessel.

[17]       Il s’ensuit, selon le Ministre, que la LPAME établit un régime de responsabilité absolue, non stricte, et que l’auteur d’une infraction à une disposition législative ou réglementaire visée par la LPAME peut en être tenu responsable suivant la simple preuve de la commission de l’acte prohibé. Le Ministre prétend que son interprétation de la LPAME est appuyée par l’objectif de cette loi, soit d’instaurer un régime juste et efficace de pénalité comme solution de rechange au système pénal.

[18]       Dès lors, pour le Ministre, toute prétention du demandeur voulant qu’il ait agi accidentellement, de bonne foi, et sans intention coupable ne peut justifier l’annulation d’une pénalité administrative pécuniaire. Le demandeur ne peut non plus prétendre que la sanction était trop sévère compte tenu des circonstances, puisque l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent dans le choix de la sanction appropriée ne peut faire l’objet d’une demande de révision fondée sur l’article 15 de la Loi.

[19]         Quant au calcul de la pénalité administrative pécuniaire imposée en l’espèce, le Ministre affirme que celui-ci était exact et conforme aux dispositions réglementaires pertinentes. Selon le Ministre, dans le cas des violations punissables au titre de la Loi, le calcul du montant des pénalités et, le cas échéant, l’ajout d’un montant pour un facteur aggravant doivent se faire conformément au RPAME. L’agent ne possède pas de discrétion afin d’établir le montant des pénalités ou de décider d’ajouter ou non un montant supplémentaire en raison de la présence d’un facteur aggravant. L’agent doit plutôt se référer aux colonnes 1 et 2 de l’annexe 1 du RPAME : la colonne 1 dresse la liste des dispositions dont la violation peut faire l’objet d’une pénalité administrative pécuniaire, tandis que la colonne 2 prévoit un type de violation pour chaque disposition selon son degré de gravité. Par la suite, l’agent consulte la colonne 3 de l’annexe 4 du RPAME pour connaître le montant de base de la pénalité. Les montants liés aux facteurs aggravants se trouvent dans les colonnes 4 à 7 de la même annexe et lorsque les montants pertinents sont identifiés, l’agent n’a qu’à les additionner selon la formule contenue au paragraphe 4(1) du RPAME. La somme ainsi obtenue constitue le montant de la pénalité.

[20]       En l’espèce, explique le Ministre, l’agent a correctement identifié qu’une violation de l’article 5(4) du Règlement constitue une violation de type « B » qui a été commise par une personne physique, appelant alors à l’imposition d’une pénalité de base de 400 $. D’ailleurs, l’agent s’est référé au chapitre 4 du Cadre stratégique pour la mise en œuvre de la Loi sur les pénalités en matière d’environnement afin de déterminer si un montant supplémentaire devait être ajouté au montant de base compte tenu de la présence d’un facteur aggravant. Selon ce document, la destruction d’un animal sauvage constitue un dommage environnemental qui se qualifie à titre de facteur aggravant au sens du Règlement. Étant donné que le demandeur a admis avoir abattu un grand héron dont il a disposé la carcasse en bordure d’un champ dont son père était le propriétaire, l’agent se devait d’ajouter au montant de base un montant de 600 $ pour tenir compte de la présence d’un facteur aggravant, soit dommage environnemental.

Argument du demandeur

[21]       Le demandeur affirme au Tribunal qu’il n’a tout simplement pas commis une infraction au Règlement puisqu’il n’était pas en train de « chasser » un oiseau migrateur le 18 septembre 2018. Le demandeur cite l’article 2(1) du Règlement : 

chasser signifie pourchasser, poursuivre, harceler, traquer, suivre un oiseau migrateur ou être à son affût, ou tenter de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler un oiseau migrateur, que l’oiseau soit ou non capturé, abattu ou blessé.

hunt means chase, pursue, worry, follow after or on the trail of, lie in wait for, or attempt in any manner to capture, kill, injure or harass a migratory bird, whether or not the migratory bird is captured, killed or injured.

[22]       Selon le demandeur, il chassait des bernaches. Par conséquent, il n’a pas pourchassé, poursuivi, harcelé, traqué, suivi un oiseau migrateur ou a été à son affut. Il n’a non plus tenté de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler un oiseau migrateur. Au contraire, il chassait des bernaches. Le demandeur constate que dans l’article 2(1) du Règlement, le législateur a utilisé un ensemble de mots qui décrivent un groupe de gestes, d’actions et de comportements, mais insiste qu’il n’a pas commis un des gestes, des actions ou des comportements interdits.

[23]       Plus précisément, le demandeur affirme qu’au lieu d’utiliser le sens ordinaire du terme « chasser » le législateur a plutôt décidé de développer une définition compréhensive comprenant deux parties : « pourchasser, poursuivre, harceler, traquer, suivre un oiseau migrateur ou être à son affût » ou « tenter de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler un oiseau migrateur… ». Or, en l’espèce, selon le demandeur, les faits révèlent que les actes du demandeur ne tombent ni à l’intérieur de la première partie de la définition ni à l’intérieur de la deuxième partie :

Le demander n’a pas « pourchassé, poursuivi, harcelé, traqué, suivi un oiseau migrateur ou été à son affût ». Il soumet que ses activités visaient des bernaches.

Le demander n’a pas non plus « tenté de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler un oiseau migrateur ». Selon lui, il tentait plutôt de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler des bernaches.

[24]       Le demandeur fait référence aussi à l’arrêt R. c. Chapin, [1979] 2 RCS 121, attirant l’attention du Tribunal au commentaire du juge Dickson à la page 132 voulant que le Règlement ne doive pas être interprété d’une façon qui permettrait de « condamner un innocent » et au commentaire dudit juge à la page 134 à l’effet que : « On ne doit pas présumer qu’il faut imposer une sanction en l’absence de faute ».

[25]       Le demandeur cite également une décision de la Cour du Québec, Québec (Procureur général) c. Senneville, 150-61-003987-026 et 150-61-003986-028, le 11 juin 2004. S’appuyant sur l’analyse du juge Dickson dans Chapin, la juge Paradis acquitte l’accusé sur deux infractions portées contre lui en vertu d’un règlement provincial, ayant conclu que l’accusé a agi par erreur ou accident (par. 43) et qu’il a fait preuve de diligence raisonnable (pars. 47 et 48).

[26]       Le demandeur ne remet pas en question le calcul du montant de la pénalité administrative pécuniaire.

Réplique du Ministre

[27]       Le Ministre répond que la LPAME et le Règlement créent un régime de responsabilité absolue, pas un régime de responsabilité stricte. La jurisprudence citée par le demandeur n’est pas donc pertinente à l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires dont la violation est alléguée.

[28]       En revanche, prétend le ministre, l’argument du demandeur aurait l’effet pervers de contourner l’article 11(1) de la Loi, qui prévoit expressément que la diligence raisonnable et la croyance raisonnable à l’existence de faits qui, si vrais, exonéreraient le demandeur ne peuvent être invoquées comme moyen de défense.

[29]       Selon le Ministre, les faits démontrent clairement que le demandeur a commis une violation du Règlement.

Analyse et constatations

Cadre législatif

[30]       Le Règlement a été adopté sous l’égide de la Loi de 1994, cette dernière mettant en œuvre les obligations internationales du Canada, qui est signataire à la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

[31]       L’article 12 de la Loi de 1994 autorise le gouverneur en conseil d’adopter des règlements « qu’il juge nécessaires à la réalisation de l’objet de la présente loi et de la convention... » (« The Governor in Council may make any regulations that the Governor in Council considers necessary to carry out the purposes and provisions of this Act and the Convention »). Le demandeur ne remet pas en question la validité du Règlement.

[32]       La Loi de 1994 fournit une définition de ce qui est un oiseau migrateur :

Tout ou partie d’un oiseau migrateur visé à la convention, y compris son sperme et ses œufs, embryons et cultures tissulaires

migratory bird means a migratory bird referred to in the Convention, and includes the sperm, eggs, embryos, tissue cultures and parts of the bird

[33]       Les hérons sont des oiseaux migrateurs selon le premier article de la Convention (reproduite en annexe à la Loi de 1994).

[34]       Deux amendes ont été imposées au demandeur. La première découle du Règlement, dont l’article 5(4) prévoit :

Sous réserve de l’article 23.1, il est interdit, dans les régions visées à l’annexe I, de chasser toute espèce d’oiseau migrateur, sauf pendant la saison de chasse indiquée pour la région et l’espèce en cause.

Subject to section 23.1, no person shall in any area described in Schedule I hunt a species of migratory bird except during an open season specified in that Schedule for that area and that species.

[35]       Selon l’article 13.01 de la Loi de 1994, une contravention au Règlement est une infraction. Par l’entremise de la Loi, le Parlement a créé aussi un régime de pénalités administratives pécuniaires, comme solution de rechange au régime pénal et comme complément aux autres mesures d’application des lois environnementales en vigueur.

[36]       L’article 5 de la LPAME prévoit ainsi que le gouverneur en conseil peut identifier des lois et règlements dont une violation est punissable par pénalité administrative pécuniaire. La Loi de 1994, ainsi que le Règlement, fait partie de ce régime de pénalités administratives pécuniaires parce qu’ils sont identifiés dans l’annexe 1, partie 4 du RPAME.

[37]       La deuxième amende était imposée en vertu du RPAME, qui prévoit dans l’article 7 qu’un montant supplémentaire sera ajouté à la pénalité administrative pécuniaire si « des dommages environnementaux découlent de la violation commise » (« If the violation has resulted in harm to the environment »).

[38]       Le rôle du Tribunal est circonscrit par la Loi. Il s’agit essentiellement de vérifier si la violation telle qu’alléguée dans le procès-verbal a bel et bien été commise par le demandeur et que la pénalité, le cas échéant, a été calculée correctement. Selon l’article 7 :

La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

Every person, ship or vessel that contravenes or fails to comply with a provision, order, direction, obligation or condition designated by regulations made under paragraph 5(1)(a) commits a violation and is liable to an administrative monetary penalty of an amount to be determined in accordance with the regulations.

[39]       La personne visée par un procès-verbal peut en demander la révision dans un délai de 30 jours (l’article 15), auquel cas le réviseur-chef du Tribunal prend le dossier en charge ou le consacre à un réviseur ou un panel de trois réviseurs. Selon l’article 20, après avoir reçu des informations et représentations pertinentes, le Tribunal doit vérifier si la violation alléguée a été commise par le demandeur et si le montant de la pénalité a été bien calculé – le fardeau de la preuve est sur le Ministre, qui doit l’acquitter selon la prépondérance des probabilités. Il convient de reproduire l’article 20 dans son intégralité : 

(1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

Correction du montant de la pénalité

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

(1) After giving the person, ship or vessel that requested the review and the Minister reasonable notice orally or in writing of a hearing and allowing a reasonable opportunity in the circumstances for the person, ship or vessel and the Minister to make oral representations, the review officer or panel conducting the review shall determine whether the person, ship or vessel committed a violation.

(2) The Minister has the burden of establishing, on a balance of probabilities, that the person, ship or vessel committed the violation.

(3) If the review officer or panel determines that the penalty for the violation was not determined in accordance with the regulations, the review officer or panel shall correct the amount of the penalty.

Infraction

[40]       Le Tribunal ne retient pas l’argument du demandeur.

[41]       Quant à la jurisprudence soulevée par le demandeur, le Tribunal est d’avis qu’elle n’est pas pertinente en l’espèce. Certes, dans Chapin la Cour suprême a interprété le Règlement et est venue à la conclusion qu’il s’agissait d’un régime de responsabilité stricte où la diligence raisonnable était admissible comme moyen de défense. Or, l’arrêt Chapin prédate la Loi. Pourtant, il est clair que par l’entremise de la Loi, le législateur a créé un régime de responsabilité absolue, non de responsabilité stricte. La disposition clé à cet égard est l’article 11(1) de la Loi, selon lequel ni la diligence raisonnable ni la croyance à l’existence de faits qui, si vrais, exonéreraient le demandeur ne sont pas admissibles comme moyens de défense. En revanche, l’intention du demandeur n’est tout simplement pas pertinente. L’arrêt Senneville, s’agissant lui aussi d’un régime de responsabilité stricte, ne peut non plus jeter de la lumière sur la demande de révision actuelle.

[42]       En l’espèce, ce qui est important est l’interprétation du Règlement.

[43]       Le procès-verbal allègue une contravention de l’article 5(4) du Règlement, selon lequel il est interdit de « chasser » un oiseau migrateur sauf pendant la saison de chasse.

[44]       Rappelons que « chasser » est défini dans l’article 2(1) du Règlement :

chasser signifie pourchasser, poursuivre, harceler, traquer, suivre un oiseau migrateur ou être à son affût, ou tenter de capturer, d’abattre, de blesser ou de harceler un oiseau migrateur, que l’oiseau soit ou non capturé, abattu ou blessé.

hunt means chase, pursue, worry, follow after or on the trail of, lie in wait for, or attempt in any manner to capture, kill, injure or harass a migratory bird, whether or not the migratory bird is captured, killed or injured.

[45]       À la lumière du texte, contexte et objectif des dispositions pertinentes, le Tribunal est d’avis que le demandeur a commis l’infraction sous-tendant le procès-verbal.

[46]       Commençons avec le texte de l’article 2(1) du Règlement. Le demandeur a raison d'affirmer que cette définition comprend deux parties. Or, le Tribunal ne peut pas retenir l’implication que le demandeur en retire. En revanche, la première partie de la définition vise les actes, les gestes ou les comportements qu’un chasseur entreprendrait avant d’avoir sa proie à l’œil, tandis que la deuxième partie concerne les actes, les gestes ou les comportements entrepris par le chasseur afin de maîtriser sa proie, qu’il réussisse ou non. Le législateur vise ainsi aussi large que possible. Contrairement à ce que le demandeur plaide, la deuxième partie étend et élargit la définition : elle ne la restreint pas.

[47]       Qui plus est, les actes, les gestes et les comportements du demandeur tombent clairement à l’intérieur de la définition. Le demandeur a fait feu sur un oiseau qui s’est avéré un oiseau migrateur. Il a donc tenté d’abattre un oiseau migrateur. Même si le demandeur ne savait pas que sa cible était un grand héron, lorsqu’on regarde les faits de façon objective, il a tenté d’abattre un oiseau migrateur. Il a donc « chassé » un oiseau migrateur au sens du Règlement.

[48]       Une analyse contextuelle appuie cette conclusion textuelle. Le demandeur invite le Tribunal à introduire un élément supplémentaire à l’article 2(1), soit sa connaissance de l’identité de l’espèce sur laquelle il a tiré. Il s’agit, essentiellement, d’une tentative de développer comme moyen de défense une erreur de fait. Or, ce moyen de défense est expressément exclu par l’article 11(1) de la Loi. De croire raisonnablement qu’il tirait sur une bernache n’est tout simplement pas un moyen de défense permis par la loi. Introduire un élément d’intention dans le régime de responsabilité absolue prévu par l’interaction du RPAME et de la LPAME aurait donc l’effet de contourner l’intention explicite du législateur.

[49]       Cette analyse du texte et contexte des dispositions pertinentes est en outre cohérent avec l’objectif du Règlement. L’article 5(4) vise à protéger des oiseaux migrateurs. Une interprétation de la définition du terme « chasser » qui englobe une tentative d’abattre un oiseau qui s’avère un oiseau migrateur protège assurément les oiseaux migrateurs. L’interprétation étroite offerte par le demandeur réduirait la protection des oiseaux migrateurs parce qu’un chasseur pourrait contester un procès-verbal en plaidant qu’il n’était pas en train de chasser une espèce protégée. Il n’est pas question de condamner le demandeur parce que ses actions, ses gestes et ses comportements ne sont pas conformes à l’intention du législateur au sens large de ce terme, mais de s’assurer que le Tribunal interprète le Règlement de façon conforme avec l’objectif sous-tendant les dispositions pertinentes. À cet égard, le Tribunal préfère adopter l’interprétation offerte par le Ministre.

Montant de la pénalité

[50]       Même si le demandeur ne remet pas en question le montant de la pénalité imposée, il incombe néanmoins au Tribunal de vérifier que le calcul était exact.

[51]       En l’espèce, la disposition pertinente est l’article 4(1) du RPAME : 

(1) Le montant de la pénalité applicable à une violation de type A, B, ou C est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

(1) The amount of the penalty for each Type A, B or C violation is to be determined by the formula

W + X + Y + Z

where

W is the baseline penalty amount determined under section 5;

X is the history of non-compliance amount, if any, as determined under section 6;

Y is the environmental harm amount, if any, as determined under section 7; and

Z is the economic gain amount, if any, as determined under section 8.

[52]       Selon le RPAME, une violation de l’article 5(4) du Règlement est une violation de Type B: Annexe 1, Partie 3, Section 1. L’article 1 et Colonne 3 de l’Annexe 4 du RPAME établissent que le montant de base d’une pénalité pour une violation de Type B est de 400 $ lorsque commis par une personne physique. Étant donné que le demandeur est une personne physique qui a contrevenu à l’article 5(4), le montant de base de 400 $ est exact.

[53]       La pénalité administrative pécuniaire imposée sur le demandeur comprend aussi un montant de 600 $ pour tenir compte d’un facteur aggravant, soit dommages environnementaux.

[54]       Il est clair que la contravention commise par le demandeur a mené à des dommages environnementaux. Il a tiré sur un oiseau migrateur et il a réussi à le tuer. En plus, il a disposé de la carcasse sur la bordure d’un champ.

[55]       Le montant d’un facteur aggravant est établi dans l’Annexe 4 du RPAME. Selon l’Article 1, Colonne 5 de l’Annexe 4 du RPAME, le montant pour dommages environnementaux est de 600 $.

[56]       Le montant de la pénalité administrative pécuniaire imposée en l’espèce, soit de 1000 $, est donc exact.

Résumé

[57]       Le demandeur a bel et bien abattu un grand héron, un oiseau migrateur au sens du Règlement. Malgré sa plaidoirie élégante, le Tribunal est d’avis que les faits révèlent une infraction à l’article 5(4) du Règlement et que le calcul de la pénalité administrative pécuniaire est exact.

Décision         

[58]       La demande de révision est rejetée et le procès-verbal numéro N9200-1376 est maintenu. 

Demande de révision rejetée

 

« Paul Daly »

PAUL DALY

RÉVISEUR

 

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