Tribunal de la protection de |
Environmental Protection Tribunal of Canada |
Date de publication : |
Le 15 juillet 2020 |
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Référence : |
Fontaine c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 5 |
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Numéro de dossier du TPEC : |
0022-2019 |
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Intitulé : |
Fontaine c. Canada (Environnement et Changement climatique) |
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Demandeur : |
Gaétan Fontaine |
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Défendeur : |
Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à la violation de l’article 8 du Règlement sur les réserves d’espèces sauvages, C.R.C., ch. 1609, pris en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, L.R.C. (1985), ch. W-9. |
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Instruit : |
Par écrit |
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Comparutions : |
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Parties |
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Avocat ou représentant |
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Gaétan Fontaine |
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Représenté par lui-même |
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Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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Philippe Proulx |
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DÉCISION RENDUE PAR : |
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PAUL DALY |
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Introduction
[1] Le 5 octobre 2019, monsieur Gaétan Fontaine (le « demandeur ») a marché dans la Réserve nationale de faune des Îles-de-Contrecœur (la « Réserve »), un lieu auquel l’accès est interdit aux membres du grand public. Il n’a passé que quelques minutes dans la Réserve avant de rencontrer des agents d’Environnement et Changement climatique Canada (le « Ministre ») qui lui ont expliqué que l’accès à la Réserve était interdit. Néanmoins, il a reçu un procès-verbal indiquant une pénalité totale de 400 $ pour une violation de l’article 8 du Règlement sur les réserves des espèces sauvages, C.R.C., ch. 1609 (le « Règlement »), adopté sous l’égide de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, L.R.C. (1985), ch. W-9.
[2] La demande de révision doit être rejetée. N’importe quelle violation du Règlement peut justifier l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire dont le montant est calculé selon les règles établis par le Règlement sur les pénalités administratives en matière d'environnement, DORS/2017-109 (le « Règlement PAME »). Le récipiendaire d’une telle sanction administrative pécuniaire ne peut pas invoquer comme moyen de défense sa bonne foi ou même sa diligence raisonnable. Ce principe, ainsi que le rôle circonscrit de ce Tribunal en matière de demande de révision de procès-verbaux, découle de la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126 (la « Loi »). Pour les motifs qui suivent, le procès-verbal qu’a reçu le demandeur est maintenu.
Contexte
[3] À l’automne 2018, Environnement et Changement climatique Canada a publié un avis public interdisant l’accès à la Réserve dans le journal « Les 2 rives ». Cet avis public est aussi disponible sur le site-web du Gouvernement du Canada : https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/reserves-nationales-faune/existantes/iles-de-contrecoeur.html
[4] Le 5 octobre 2019 le demandeur a effectué une sortie en kayak à partir de la rive de la municipalité de Contrecœur. Aucun avis interdisant l’accès aux îles de la Réserve n’était affiché sur le site de mise à l’eau. Des affiches indiquant l’existence d’une réserve faunique sont toutefois installées à certains endroits sur les îles de la Réserve.
[5] Lors de cette sortie, le demandeur et une autre personne ont accédé à l’une des îles de la Réserve pour y marcher durant quelques minutes. Le demandeur n’a vu aucune affiche indiquant qu’il se trouvait sur une réserve faunique.
[6] Vers 13h37, les agents de la faune François Gendron et Karine Lefebvre ont été informés du fait que des individus circulaient à pied sur l’une des îles de la Réserve. Les agents se sont rendus sur l’île et ont constaté la présence de traces de pas, mais ils n’ont pas pu localiser les individus en question.
[7] Après avoir quitté l’île, ils ont croisé un premier kayakiste dont la description correspondait à l’alerte reçue. Ils se sont identifiés en tant que gardes-chasse pour le Ministre. Le premier individu a confirmé avoir marché sur l’île avec le demandeur durant quelques instants, lequel se trouvait alors un peu plus loin sur un autre kayak.
[8] Les agents ont ensuite discuté avec le demandeur. Celui-ci a pu être identifié à l’aide des renseignements qu’il a fournis verbalement et suite à un appel auprès de la Gendarmerie royale du Canada pour confirmer leur authenticité. Le demandeur a affirmé avoir seulement marché sur le bord de la plage.
[9] Le 28 octobre 2019, l’agent Gendron a dressé le procès-verbal portant le numéro N9200-1232 en y indiquant une pénalité totale de 400 $ pour une violation de l’article 8 du Règlement.
[10] La signification de ce procès-verbal a pris effet le 7 novembre 2019.
Questions en litige
[11] Il s’agit de savoir si :
1. l’entrée de courte durée du demandeur à la Réserve justifie l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire;
2. le cas échéant, si le montant de la sanction administrative pécuniaire a été calculé correctement.
Discussion
Argument du ministre
[12] Le Ministre s’appuie sur l’article 8 du Règlement qui interdit l’accès à des réserves d’espèces sauvages lorsqu’un avis à cet égard est affiché à l’entrée d’une réserve ou publié dans un journal local.
[13] Le Ministre note que les faits constitutifs de l’infraction ne sont pas contestés. Constatant qu’un avis a été publié dans un journal local en bonne et due forme, le Ministre prétend qu’une infraction du Règlement a clairement eu lieu. L’absence d’affiches se trouvant sur les lieux où l’infraction a été commise ne peut pas, selon le Ministre, servir de fondement à la présente demande de révision.
[14] Quant au fait que le demandeur croyait sincèrement qu’il était permis de circuler sur la Réserve, le Ministre rappelle que l’article 11 de la Loi exclut les défenses de bonne foi et de diligence raisonnable.
[15] En outre, le Ministre constate que le rôle du Tribunal est circonscrit par la Loi et que le Tribunal n’est pas en mesure de contrôler l’exercice du pouvoir discrétionnaire des agents du Ministre.
[16] Enfin, le Ministre est d’avis que la sanction administrative pécuniaire en l’espèce a été calculée selon les modalités établies par le Règlement PAME.
Argument du demandeur
[17] Dans son argumentation écrite, le demandeur constate qu’il n’y avait pas d’affiche à l’endroit où il est parti en kayak, ce qui est le seul endroit selon lui où on peut se mettre à l’eau pour avoir accès à la Réserve.
[18] Le demandeur trouve qu’il est inacceptable de ne pas informer les membres du grand public que l’accès à la Réserve est interdit par voie d’une affiche placée près de la mise à l’eau.
[19] Dans sa demande de révision, le demandeur constate qu’il s’agissait de sa première visite à la Réserve, qu’il ignorait l’interdiction aux membres du grand public, qu’il a agi de bonne foi et qu’il n’a marché sur la Réserve que pendant quelques minutes. Il est d’avis alors qu’une certaine indulgence serait appropriée à son égard.
Analyse et constatations
Infraction
[20] Le demandeur a commis une infraction à l’article 8 du Règlement.
[21] Il y a deux façons d’interdire l’accès à une réserve d’espèces sauvages, soit l’affichage d’un avis à l’entrée d’une telle réserve, soit la publication d’un avis dans un journal local. L’article 8 du Règlement prévoit ce qui suit :
Il est interdit à quiconque de pénétrer dans une réserve d’espèces sauvages ou dans une partie de celle-ci lorsqu’un avis y interdisant l’accès, émanant du ministre, a été publié dans un journal local ou est affiché à l’entrée d’une réserve d’espèces sauvages ou à ses limites. |
Where the Minister has published a notice in a local newspaper or posted a notice at the entrance of any wildlife area or on the boundary of any part thereof prohibiting entry to any wildlife area or part thereof, no person shall enter the area or part thereof set out in the notice. |
[22] En l’espèce, le Ministre a publié un avis dans le journal « Les 2 rives ». Il s’agit d’un journal local. Bien entendu, le demandeur n’a pas pris connaissance de cet avis. Néanmoins, le Ministre a rempli l’obligation qui lui est imposée par l’article 8. L’accès à la Réserve est donc interdit aux membres du grand public.
[23] Une violation du Règlement est assujettie au cadre législatif établi par la Loi. L’article 7 de la Loi prévoit ce qui suit :
La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements. |
Every person, ship or vessel that contravenes or fails to comply with a provision, order, direction, obligation or condition designated by regulations made under paragraph 5(1)(a) commits a violation and is liable to an administrative monetary penalty of an amount to be determined in accordance with the regulations. |
[24] Selon l’article 2(1) du Règlement PAME, la violation d’une disposition qui se trouve dans la colonne 1 de l’annexe 1 du Règlement PAME est désignée comme une violation punissable au titre de la Loi. Le Règlement se trouve dans la deuxième section de la deuxième partie du Règlement PAME. Alors, une violation du Règlement peut justifier l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire dont le montant est calculé conformément au Règlement PAME.
[25] En l’espèce, les faits constitutifs d’une violation du Règlement ne sont pas contestés. L’accès à la Réserve est interdit au grand public. En y circulant, le demandeur a commis une infraction à l’article 8 du Règlement. En agissant ainsi, le demandeur s’est exposé à l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire.
[26] La bonne foi et la diligence raisonnable de la part du demandeur ne peuvent pas être invoquées comme moyen de défense. À cet égard, il est important de noter que la Loi circonscrit de façon importante la compétence du Tribunal. Notamment, l’article 11(1) exclut certains moyens de défense :
L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient. |
A person, ship or vessel named in a notice of violation does not have a defence by reason that the person or, in the case of a ship or vessel, its owner, operator, master or chief engineer (a) exercised due diligence to prevent the violation; or (b) reasonably and honestly believed in the existence of facts that, if true, would exonerate the person, ship or vessel. |
[27] Il s’agit donc d’un régime de responsabilité absolue. Les intentions du demandeur ne sont tout simplement pas pertinentes dans le contexte d’une demande de révision en vertu de la Loi.
[28] D’ailleurs, il est maintenant bien établi par la jurisprudence du Tribunal que le rôle de ce dernier est (1) de déterminer si l’infraction alléguée par le procès-verbal a bel et bien eu lieu et (2) de déterminer si le montant de la sanction administrative pécuniaire a, le cas échéant, été calculé conformément au Règlement PAME. Voir surtout Hoang c Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 2, constatant que le Tribunal ne peut pas contrôler l’exercice des agents du Ministre de leur pouvoir discrétionnaire d’émettre un procès-verbal.
[29] En l’espèce, le demandeur a clairement commis l’infraction alléguée.
Montant de la pénalité
[30] Le montant de la sanction administrative pécuniaire imposée au demandeur est également exact.
[31] La formule pour calculer le montant d’une sanction administrative pécuniaire émise en vertu de la Loi est établie par l’article 4 du Règlement PAME :
(1) Le montant de la pénalité applicable à une violation de type A, B, ou C est calculé selon la formule suivante : W + X + Y + Z où : W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5; X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6; Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7; Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.
(2) Le montant de la pénalité applicable à une violation de type D ou E est calculé selon la formule suivante : W + X + Y où : W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5; X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6; Y le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.1. |
(1) The amount of the penalty for each Type A, B or C violation is to be determined by the formula W + X + Y + Z where W is the baseline penalty amount determined under section 5; X is the history of non-compliance amount, if any, as determined under section 6; Y is the environmental harm amount, if any, as determined under section 7; and Z is the economic gain amount, if any, as determined under section 8.
(2) The amount of the penalty for each Type D or E violation is to be determined by the formula W + X + Y where W is the baseline penalty amount determined under section 5; X is the history of non-compliance amount, if any, as determined under section 6; and Y is the economic gain amount, if any, as determined under section 8.1. |
[32] La colonne 1 de l’annexe 1 au Règlement PAME identifie des dispositions législatives ou réglementaires dont la violation peut faire objet d’une sanction administrative pécuniaire. La colonne 2 de l’annexe rattache un type de violation – A, B, C, D ou E – à chaque disposition dans la colonne 1.
[33] Une violation du Règlement est un type de violation « B ».
[34] La prochaine étape est de calculer le montant de base de la pénalité selon la grille de calcul fournie par l’annexe 4. Le montant de base pour un type de violation « B » commise par une personne physique est de 400 $.
[35] Le demandeur étant une personne physique, le montant de base de la pénalité était 400 $, qui est le montant de la sanction administrative pécuniaire qui lui était imposée par le procès-verbal.
[36] Il n’y aucune erreur dans le calcul de la sanction administrative pécuniaire imposée au demandeur.
Résumé
[37] Le demandeur a commis l’infraction au Règlement identifiée dans le procès-verbal. Le montant de la pénalité est exact.
[38] Son entrée à la Réserve était de courte durée et il a vraisemblablement agi de bonne foi ne sachant pas que l’accès lui était interdit. Néanmoins, en vertu du cadre législatif et réglementaire circonscrivant le rôle du Tribunal, il n’y a aucune raison valable en droit d’accueillir la demande de révision.
Décision
[39] La demande de révision est rejetée. Le procès-verbal N9200-1232 est donc maintenu.
Demande de révision rejetée |
« Paul Daly » |
PAUL DALY RÉVISEUR |