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Tribunal de la protection de l’environnement du Canada

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Environmental Protection Tribunal of Canada

 

Date de la décision :

Le 4 avril 2019

Référence :

Hoang c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 2

Numéros des dossiers du TPEC :

0026-2018

Intitulés :

Hoang c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demandeurs :

Tunghai Henry Hoang

Défendeur :

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à une violation de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, CRC, c 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, LC 1994, c 22.

Date de l’audience :

Le 8 mars 2019 (par téléconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocats ou représentant*

Tunghai Henry Hoang

 

Pour son propre compte

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique

 

David Shiroky

DÉCISION RENDUE PAR :

 

JERRY V. DEMARCO

 


Contexte

[1]           La présente décision fait suite à une demande de Tunghai Henry Hoang (le demandeur) adressée au réviseur-chef en vue de la révision d’une sanction administrative pécuniaire (SAP) infligée par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) le 19 juin 2018.

[2]           L’agent d’application de la loi d’ECCC, Kristopher Dirks, a infligé au demandeur la SAP en cause en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126 (la LPAME), relativement à une violation alléguée de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, CRC, c 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, LC 1994, c 22.

[3]           Le demandeur a saisi le réviseur-chef d’une demande de révision le 21 juin 2018 en vertu de l’article 15 de la LPAME.

[4]           L’audience s’est déroulée par téléconférence le 8 mars 2019. ECCC était représenté par l’avocat David Shiroky. Le demandeur s’est représenté lui-même. Leurs observations portaient principalement sur le montant de la SAP plutôt que sur les faits relatifs à la violation alléguée, qu’il a admis.

[5]           Pour les motifs énoncés ci-après, la SAP est maintenue et la demande de révision est rejetée.

Questions en litige

[6]           Il s’agit de savoir 1) si ECCC a établi les éléments d’une violation de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs et, si c’est le cas, 2) si le montant de la SAP devrait être modifié.

Lois et règlements pertinents

[7]           Les dispositions les plus pertinentes de la LPAME sont les suivantes :

7 La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

11(1) L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

(2) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi environnementale s’appliquent à l’égard d’une violation dans la mesure de leur compatibilité avec la présente loi.

20(1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

22 En cas de décision défavorable, l’auteur de la violation est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision.

[8]           Quant aux dispositions les plus pertinentes du Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS/2017-109 (le RPAME), elles sont reproduites ci-après :

4 Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

5 Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

[9]           La disposition la plus pertinente du Règlement sur les oiseaux migrateurs est la suivante :

6. Sous réserve du paragraphe 5(9), il est interdit

a) de déranger, de détruire ou de prendre un nid, un abri à nid, un abri à eider, une cabane à canard ou un œuf d’un oiseau migrateur, ou

b) d’avoir en sa possession un oiseau migrateur vivant, ou la carcasse, la peau, le nid ou les œufs d’un oiseau migrateur à moins d’être le titulaire d’un permis délivré à cette fin.

Discussion

Les faits

[10]        Les parties conviennent des principaux faits pertinents tels qu’ils sont énoncés dans l’affidavit de l’agent Dirks, qui a été produit comme pièce dans la présente instance. En résumé, le demandeur a téléphoné à l’agent Dirks le 19 juin 2018 et l’a informé qu’il avait retiré des oisillons d’un nid et voulait savoir quoi en faire. Le demandeur a dit à l’agent Dirks qu’il avait découvert les oiseaux alors qu’il effectuait des réparations de stuc dans un immeuble à Calgary en Alberta. Le demandeur croyait que les oiseaux étaient des pics. Plus tard, ils ont été identifiés comme étant des pics flamboyants (Colaptes auratus), de la famille des pics (picidés).

[11]        L’agent Dirks a appris au demandeur qu’il avait enfreint le Règlement sur les oiseaux migrateurs en dérangeant le nid et en prenant possession des oiseaux. Il a demandé au demandeur d’apporter les oiseaux à un centre de réhabilitation de la faune où on s’occuperait d’eux. Le demandeur a déposé neuf jeunes pics flamboyants au centre. Le personnel du centre a informé l’agent Dirks que, parmi les oiseaux, huit avaient presque atteint le stade de l’envol et avaient de bonnes chances de survie, et un était un oisillon dont les chances de survie étaient de 50 %.

[12]        L’agent Dirks a examiné plusieurs options avant de décider d’infliger une SAP au demandeur. Il a notamment envisagé : 1) de remettre un avertissement écrit au demandeur ou à son employeur, 2) de donner une contravention au demandeur ou à son employeur en vertu des lois provinciales applicables, 3) de porter des accusations officielles en vertu des lois fédérales. L’agent Dirks a choisi l’option de la SAP compte tenu du fait que le demandeur avait signalé lui-même la violation, s’était montré coopératif et avait apporté les oiseaux dans un centre faunique.

[13]        Le montant de la SAP est de 400 $, ce qui représente le montant de base applicable à une personne physique (pour une violation de type B), comme il est indiqué à l’annexe 4 du RPAME. Aucun montant n’a été ajouté pour des antécédents de non-conformité, des dommages environnementaux ou un avantage économique.

Les observations du demandeur

[14]        Le demandeur admet les faits résumés ci-dessus et ne conteste pas qu’il a enfreint l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Il soutient qu’il a suivi les directives de l’agent Dirks, qu’il a apporté les oiseaux au centre de réhabilitation de la faune le plus proche et que ceux-ci n’ont pas été blessés. En tant que travailleur de la construction, il ne savait pas que les oiseaux étaient une espèce protégée et il croyait avoir agi humainement dans les circonstances. Il croit qu’ECCC n’aurait pas dû infliger une SAP et qu’un avertissement verbal aurait été suffisant dans les circonstances. Il demande un peu de compassion et croit qu’il était sévère d’infliger une SAP étant donné qu’il faisait la bonne chose. Il aimerait que la SAP soit annulée ou que son montant soit réduit compte tenu des mesures positives qu’il a prises. Il a ajouté qu’il a beaucoup appris et que cette expérience allait lui être utile à l’avenir. En réponse aux observations d’ECCC, le demandeur a affirmé qu’il ne savait pas que le montant minimum était de 400 $ aux termes du RPAME.

Les observations d’ECCC

[15]        En résumé, ECCC fait valoir que le demandeur a enfreint l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs parce qu’il a pris possession d’oiseaux migrateurs vivants sans avoir de permis. ECCC souligne que les pics flamboyants sont des oiseaux de la famille des pics (picidés) et qu’à ce titre ils sont protégés en vertu de l’annexe de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. ECCC soutient aussi que les moyens de défense fondés sur la diligence raisonnable et l’erreur de fait (par exemple, faire valoir que le demandeur ne savait pas que les oiseaux étaient une espèce protégée) ne peuvent être invoqués, en application de l’article 11 de la LPAME. ECCC note que le demandeur ne conteste pas qu’il y a eu violation du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Le ministre a donc axé ses observations sur le caractère approprié du montant de la SAP. 

[16]        ECCC affirme qu’une violation de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs se classe comme une infraction de type B au sens du RPAME (voir : annexe 1, partie 4, section 2, article 16). Par conséquent, aux termes du RPAME, le montant de la SAP de base applicable pour un auteur de la violation qui est une personne physique est de 400 $. ECCC soutient qu’aucune circonstance aggravante n’existait et donc qu’aucun montant supplémentaire pouvant être ajouté en vertu du RPAME n’a été ajouté à la SAP de 400 $. ECCC fait également valoir que l’agent Dirks n’a pas choisi l’option la plus sévère (c.-à-d. des accusations formelles) et qu’il a pris en compte le comportement positif du demandeur ainsi que l’absence de circonstances aggravantes en choisissant d’infliger une SAP plutôt que d’intenter des poursuites. ECCC souligne que 400 $ représente le montant minimum pour une violation de type B.

[17]        ECCC fait valoir que le paragraphe 20(3) de la LPAME ne permet pas à un réviseur de réduire le montant d’une SAP en deçà du montant de base de 400 $ établi dans le RPAME. ECCC soutient aussi qu’il n’était pas loisible à l’agent Dirks d’infliger une SAP d’un montant inférieur au montant de base applicable (voir l’article 7 de la LPAME). Ainsi, le montant ne peut être réduit en l’espèce. Dans le même ordre d’idées, ECCC avance qu’un réviseur ne peut remplacer une SAP déjà infligée par un avertissement si la violation a été prouvée.  

[18]        ECCC affirme que, suivant le paragraphe 20(3) de la LPAME, les réviseurs ont le pouvoir de modifier le montant d’une SAP infligée pour une violation prouvée uniquement lorsque le montant n’a pas été établi correctement conformément au RPAME. En d’autres termes, le seul recours à l’égard des violations prouvées est une correction de la pénalité de sorte que le montant corresponde à la formule établie dans le RPAME. Le fait de réduire une SAP pour refléter le comportement positif du demandeur ne serait pas conforme à la LPAME ni au RPAME.

Analyse et conclusions

[19]        En vertu de l’article 20 de la LPAME, les réviseurs doivent déterminer si une violation a été commise et si la SAP a été calculée correctement. Il incombe à ECCC de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de la violation. Les moyens de défense relatifs à l’« erreur de fait » et à la « diligence raisonnable » ne peuvent être invoqués, en application de l’article 11 de la LPAME. En ce qui concerne le montant de la SAP, les réviseurs doivent déterminer si le montant a été calculé correctement selon la formule et les éléments énoncés aux articles 4 à 8 du RPAME.

[20]        À l’audience, le demandeur n’a pas contesté l’existence d’une violation. Les pics flamboyants sont des « oiseaux migratoires » protégés par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les oiseaux migrateurs. Le demandeur a pris possession de neuf pics flamboyants. Le demandeur n’avait pas de permis pour les posséder. De plus, dans la mesure où les observations du demandeur pourraient être interprétées comme une tentative d’invoquer un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ou une erreur de fait (c.-à-d. qu’il croyait faire la bonne chose dans les circonstances), ces moyens de défense ne s’appliquent pas, suivant l’article 11 de la LPAME.

[21]        Bien que le demandeur juge que le fait d’infliger une SAP était sévère (au lieu de donner un avertissement, par exemple), le réviseur-chef conclut que le rôle des réviseurs n’est pas de se mettre à la place des agents d’application de la loi et d’exercer à nouveau un pouvoir discrétionnaire. L’agent Dirks a choisi la SAP parmi plusieurs options. Une de ces options (c.-à-d. un avertissement) était moins « sévère », et au moins une de ces options (c.-à-d. des accusations officielles) était plus « sévère ». Bien que le réviseur-chef reconnaisse les mesures prises par le demandeur pour signaler lui-même l’incident et protéger les oiseaux après qu’il les eut enlevés de leur nid, cela ne change rien au fait qu’il les a enlevés de leur nid de façon illégale et qu’il les a pris en sa possession. La LPAME ne confère pas aux réviseurs le pouvoir de déterminer si les agents d’application de la loi ont exercé leur pouvoir discrétionnaire de façon appropriée ou raisonnable. Les réviseurs examinent les « faits quant à la violation alléguée » et le montant de la pénalité en vertu des articles 15 et 20 de la LPAME. Ils n’examinent pas l’exercice par les agents d’application de la loi de leur pouvoir discrétionnaire d’imposer des SAPs.

[22]        Par conséquent, bien que le réviseur-chef comprenne les préoccupations du demandeur en l’espèce, la LPAME n’offre pas de recours lorsque le motif de la révision est l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’application de la loi plutôt que les faits de la violation alléguée. En conclusion, ECCC s’est acquitté du fardeau qui lui incombe aux termes du paragraphe 20(2) de la LPAME en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, qu’une violation a eu lieu aux termes de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Il ne revient pas au réviseur d’examiner la possibilité d’annuler la SAP une fois que les éléments de la violation ont été démontrés, comme c’est le cas en l’espèce.

[23]        La prochaine question à traiter est de savoir si le montant de la SAP devrait être réduit. Les réviseurs sont tenus d’évaluer si le montant de la SAP a été établi conformément au RPAME (voir l’article 7 et le paragraphe 20(3) de la LPAME). Le RPAME donne une formule pour déterminer le montant de la SAP (article 4 du RPAME) et pour déterminer le montant de la pénalité de base, qui représente l’un des quatre éléments de la formule pour déterminer le montant de la pénalité (article 5 du RPAME). La LPAME et le RPAME ne donnent pas aux réviseurs le pouvoir de réduire le montant de la SAP en deçà du montant de base. En l’espèce, le montant de la SAP (400 $) représente le montant de base et aucun montant n’a été ajouté pour des circonstances aggravantes, comme des antécédents de non-conformité, des dommages environnementaux ou un avantage économique. Le réviseur-chef conclut que la SAP a été calculée correctement puisque l’auteur de la violation (le demandeur) est une personne physique et que la violation de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs est une violation de type B. L’annexe 4 du RPAME prévoit que 400 $ est le montant de base dans ces circonstances. La LPAME et le RPAME ne permettent pas aux réviseurs de modifier le montant d’une SAP à moins que celle-ci n’ait pas été calculée conformément au RPAME. En l’espèce, la SAP a été calculée correctement.

Conclusion

[24]        ECCC s’est acquitté du fardeau qui lui incombe aux termes de l’article 20(2) de la LPAME en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une violation de l’alinéa 6b) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. De plus, la SAP a été calculée correctement conformément au RPAME.

Décision

[25]        La SAP est maintenue et la demande de révision est rejetée.


Demande de révision rejetée

 

« Jerry V. DeMarco »

JERRY V. DEMARCO

RÉVISEUR-CHEF

 

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