Tribunal de la protection de l’environnement du Canada |
Environmental Protection Tribunal of Canada |
Date de la décision : |
Le 21 août 2019 |
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Référence : |
1952157 Ontario Inc. c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 5 |
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Numéros des dossiers du TPEC : |
0034-2018 |
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Intitulés : |
1952157 Ontario Inc. c. Canada (Environnement et Changement climatique) |
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Demandeurs : |
1952157 Ontario Inc. |
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Défendeur : |
Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à une violation du paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52. |
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Date de l’audience : |
Demande instruite sur dossier |
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Comparutions : |
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Parties |
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Avocats ou représentant* |
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1952157 Ontario Inc. |
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Rode Chow* |
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Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada |
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David Shiroky |
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DÉCISION RENDUE PAR : |
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JERRY V. DEMARCO |
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Contexte
[1] La présente décision dispose de la demande de révision présentée au Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (le « Tribunal ») par la demanderesse, 1952157 Ontario Inc., relativement à une sanction administrative pécuniaire (« SAP ») infligée par Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») le 10 septembre 2018.
[2] L’agent d’application de la loi d’ECCC, Timothy Pitman, a infligé la SAP en cause à la demanderesse en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126 (la « LPAME »), relativement à une violation alléguée du paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52 (la « LPEAVSRCII »). ECCC soutient que la demanderesse a exporté du ginseng à cinq folioles en tranches (Panax quinquefolius) sans permis ou contrairement à un permis.
[3] Le 27 septembre 2018, la demanderesse a saisi le Tribunal d’une demande de révision en vertu de l’article 15 de la LPAME.
[4] L’instruction a eu lieu sur dossier en fonction d’un exposé conjoint partiel des faits, d’affidavits, de pièces et d’observations écrites. La société demanderesse était représentée par un de ses administrateurs, Rode Chow. ECCC était représenté par l’avocat, Me David Shiroky.
[5] Pour les motifs exposés ci-après, la SAP est maintenue et la demande de révision est rejetée.
Questions en litige
[6] Les questions à trancher consistent à déterminer : 1) si ECCC a établi les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 6(2) de la LPEAVSRCII et 2) dans l’affirmative, si le montant de la SAP a été déterminé conformément aux règlements.
Lois et règlements pertinents
[7] Les dispositions les plus pertinentes de la LPAME sont les suivantes :
7 La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.
20(1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.
(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.
(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.
[8] Quant aux dispositions les plus pertinentes du Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS/2017-109 (le « RPAME »), elles sont reproduites ci-après :
4 Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :
W + X + Y + Z
où :
W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;
X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;
Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;
Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.
5 Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.
8 (1) Sous réserve du paragraphe (2), si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 6 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.
(2) Si l’avantage économique représente seulement l’évitement des droits d’obtention d’un permis, d’une licence ou de toute autre autorisation, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 7 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.
Discussion
Faits convenus
[9] Les parties conviennent des principaux faits pertinents énoncés dans l’exposé conjoint partiel des faits. En résumé, la demanderesse est une société enregistrée exploitée activement dans la province de l’Ontario. Le ginseng à cinq folioles figure à l’article 7.0.5.0(2) de la partie II de l’annexe I du Règlement sur le commerce d’espèces animales et végétales sauvages, DORS/96-263, pris en application de la LPEAVSRCII, à titre d’espèce inscrite à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (la « CITES »). L’exportation de ginseng à cinq folioles du Canada nécessite un permis CITES canadien délivré par le Service canadien de la faune, qui relève d’ECCC.
[10] La demanderesse a acheté de Sum Sum Hong Ginseng & Natural Foods (« Sum Sum Hong ») des produits à base de ginseng à cinq folioles, notamment des racines de ginseng tranchées. Elle a ensuite revendu ces produits à une société de Macao, en Chine. Le 9 février 2018, la demanderesse a expédié les produits à base de ginseng, y compris les racines de ginseng à cinq folioles tranchées, à ACE Automatic System (H.K.) Co. (le « destinataire »), à bord d’un vol de la Korean Air Cargo en partance de Toronto et à destination de Hong Kong (l’« envoi » ou les « marchandises expédiées »). Au moment de l’envoi, le permis CITES no 18CA00119/CWHQ (le « permis CITES 00119 ») a été présenté aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »). Le permis, qui avait été délivré à Sum Sum Hong, autorisait l’exportation d’au plus soixante kilogrammes de racines de ginseng à cinq folioles entières à des fins commerciales. Les marchandises expédiées ont quitté Toronto le 11 février 2018.
[11] Le 13 février 2018, les marchandises expédiées sont arrivées à Hong Kong. Le destinataire a alors été avisé que celles-ci avaient été saisies ou retenues puisqu’aucun permis CITES canadien n’était joint à l’envoi. Peu après que le destinataire a été informé de la saisie ou de la retenue des marchandises expédiées, la demanderesse a communiqué avec Brian Huang de Sum Sum Hong, qui a ensuite préparé onze autocollants d’exportation de la CITES portant la date d’exportation du 9 janvier 2018 (les « autocollants »). La demanderesse a envoyé les autocollants à l’organe de gestion de la région administrative spéciale de Hong Kong. Les autocollants ont été délivrés à Sum Sum Hong.
[12] Au moment de l’exportation, la demanderesse ne possédait pas de permis d’exportation délivré en vertu de la CITES pour les marchandises expédiées et n’a présenté aucune demande pour en obtenir un. Sum Sum Hong n’a pas non plus demandé de permis d’exportation en vertu de la CITES, en sa qualité de courtier pour la demanderesse.
Éléments de preuve supplémentaires présentés par la demanderesse
[13] En plus des faits convenus ci-dessus, la demanderesse a présenté les éléments de preuve supplémentaires suivants au moyen de l’affidavit de Rode Chow. M. Chow affirme que la demanderesse a commencé à chercher un fournisseur de ginseng après avoir reçu une demande d’un client à Macao. La demanderesse n’avait jamais auparavant exporté de ginseng. À l’époque, les fermes n’avaient pas de ginseng en stock puisque ce n’était pas la saison des récoltes. Sum Sum Hong était la seule capable d’obtenir un stock suffisant pour les besoins du client à Macao. Sum Sum Hong a convenu de fournir les documents et les permis nécessaires à l’exportation. Selon Sum Sum Hong, l’exportation de racines de ginseng nécessitait un permis CITES, qui a été fourni, et 60 kg de racines de ginseng ont été expédiés à Macao via Hong Kong. Dans le même envoi, 200 bouteilles de ginseng tranché ont été livrées à ce même client, à Macao. Celles-ci devaient servir d’incitatifs, de primes ou d’articles-cadeaux. Sum Sum Hong a informé la demanderesse qu’elle n’avait pas besoin d’un permis CITES pour le ginseng tranché, qui est considéré comme un supplément pour la santé. La demanderesse s’est fiée à Sum Sum Hong et a agi comme mandataire pour elle. M. Chow affirme que la demanderesse n’était pas au courant des opérations commerciales de Sum Sum Hong et qu’elle lui faisait confiance en tant que fournisseur.
[14] Après que le ginseng tranché a fait l’objet d’une retenue en février 2018, la demanderesse a demandé à Sum Sum Hong de lui fournir le permis CITES requis pour ce produit, et Sum Sum Hong lui a remis onze permis sous forme d’autocollants. La demanderesse a communiqué avec les autorités, à Hong Kong, au sujet des marchandises retenues pour s’informer de la possibilité que ces dernières soient retournées ou qu’un permis CITES soit délivré même si les marchandises avaient déjà quitté le Canada. M. Chow a incité l’agent Pitman à demander le retour des marchandises expédiées, mais il a par la suite été informé que le ginseng tranché avait été détruit. M. Chow affirme que l’avis transmis par le gouvernement aux exportateurs de ginseng énonce les exigences relatives au permis CITES, mais ne précise pas clairement quelles entités devraient détenir ce permis. Selon M. Chow, la demanderesse et Sum Sum Hong peuvent toutes deux être considérées comme l’exportateur des marchandises sous le régime de cet accord commercial. Le client final à Macao est le même, peu importe qui détient le permis. M. Chow affirme qu’un permis CITES a été délivré pour exporter la racine de ginseng au client et que la demanderesse ne savait pas qu’un permis était également requis pour le ginseng tranché, en raison de la négligence de Sum Sum Hong ou d’une erreur de sa part.
Éléments de preuve supplémentaires présentés par ECCC
[15] ECCC a présenté les faits supplémentaires suivants au moyen de l’affidavit de l’agent Pitman. Le Service canadien de la faune peut délivrer des permis CITES pour l’exportation de ginseng à des fins personnelles ou commerciales. Des permis à usage multiple peuvent être délivrés pour les envois de plus de 4,5 kg, sous forme de « permis autocollants » joints au permis à usage multiple. Un autocollant doit être apposé sur les marchandises expédiées au moment de l’exportation. L’agent Pitman a joint une copie de l’avis public transmis aux exportateurs de ginseng.
[16] Le 9 février 2018 ou vers cette date, la demanderesse a présenté à l’ASFC un chargement contenant du ginseng entier et du ginseng tranché en vue de son exportation vers Hong Kong, à destination de Macao. La demanderesse a présenté à l’ASFC le permis CITES 00119 et les autocollants liés à un autre permis (le « permis CITES 00072 »). Le 5 mars 2018, une agente à Hong Kong a communiqué avec ECCC au sujet de l’envoi. Aucun autocollant lié au permis CITES n’avait été apposé sur les marchandises expédiées. L’agente a indiqué que le destinataire a déclaré qu’il prévoyait produire le permis CITES 00119 et les autocollants liés à ce permis pour permettre l’envoi des marchandises à Macao. L’agente a demandé à ECCC de lui indiquer si le destinataire pouvait utiliser le permis CITES 00119 pour le dédouanement des marchandises expédiées.
[17] Le 6 avril 2018, M. Chow a informé ECCC que l’envoi contenait 200 bouteilles de racines de ginseng tranchées, que [traduction] « certaines difficultés lors de la manutention et de l’envoi » avaient été rencontrées et qu’aucun autocollant n’avait été apposé sur les marchandises expédiées. M. Chow a fourni des copies numérisées des autocollants liés au permis CITES 00119, qui étaient différents de ceux présentés précédemment à l’ASFC. M. Pitman a effectué une recherche dans le système de délivrance informatisée des permis CITES et a confirmé ce qui suit : 1) la demanderesse n’avait pas demandé de permis CITES; 2) les autocollants liés au permis CITES 00072 ne lui permettaient pas d’exporter du ginseng tranché; 3) le permis CITES 00119 et les autocollants connexes fournis le 6 avril 2018 ne lui permettaient pas non plus d’exporter ce type de ginseng. Le permis CITES 00119, qui a été délivré à Sum Sum Hong, autorisait l’exportation d’au plus 60 kg de racines de ginseng entières et séchées, mais ne permettait pas l’exportation de ginseng tranché. Le permis CITES 00072, également délivré à Sum Sum Hong, autorisait cette dernière à exporter des racines de ginseng entières et séchées pour usage personnel, mais non du ginseng tranché.
[18] Le 24 août 2018, M. Pitman a communiqué avec la demanderesse pour corroborer les détails de son enquête, et M. Chow a confirmé que M. Pitman comprenait bien les faits sous-jacents. M. Pitman a imposé la SAP en cause à la demanderesse le 20 septembre 2018. Afin d’évaluer le montant de cette SAP, M. Pitman a considéré le fait que la [traduction] « demanderesse avait déjà vendu le ginseng à cinq folioles en tranches et exportait les marchandises pour un client » et qu’elle était une société enregistrée. Il a déclaré que comme la [traduction] « demanderesse a exporté le ginseng dans le cadre d’une opération commerciale, j’ai imposé à cette dernière la SAP de base de 2 000 $, plus 2 000 $ pour l’avantage économique qu’elle en a tiré, ce qui constitue un facteur aggravant, pour un total de 4 000 $ ».
Analyse et constatations
Observations d’ECCC
[19] En résumé, ECCC affirme que la demanderesse a violé le paragraphe 6(2) de la LPEAVSRCII en exportant du ginseng tranché sans permis ou, subsidiairement, contrairement à un permis. ECCC soutient également que le montant de la SAP a été calculé correctement.
[20] ECCC affirme que l’exportation, en février 2018, des produits à base de ginseng en vertu du permis CITES 00119 ou des autocollants liés au permis CITES 00072 n’était pas conforme à la LPEAVSRCII. Le permis CITES 00119, qui appartient à Sum Sum Hong, devait servir à l’exportation de racines de ginseng entières à des fins commerciales et le permis CITES 00072, qui appartient également à Sum Sum Hong, autorisait l’exportation de racines de ginseng entières pour usage personnel. ECCC affirme que ni l’un ni l’autre de ces permis n’autorisait quiconque (y compris la demanderesse et Sum Sum Hong) à exporter du ginseng tranché. ECCC souligne que le ginseng est un « végétal » au sens de la LPEAVSRCII, puisqu’il s’agit d’une espèce de flore mentionnée dans la CITES. À ce titre, un permis est requis pour exporter du ginseng du Canada. Par conséquent, l’exportation de ginseng sans permis CITES ou d’une manière non conforme à un permis constitue une violation du paragraphe 6(2) de la LPEAVSRCII. ECCC souligne également qu’en vertu du paragraphe 9(1) de la LPAME, il suffit, pour prouver la violation, d’établir qu’elle a été commise par un employé ou un mandataire de la personne à qui une SAP a été imposée. ECCC affirme que la preuve démontre que l’exportation du ginseng tranché contenu dans l’envoi a été réalisée sans permis (dans la mesure où la demanderesse n’a jamais eu de permis) ou contrairement à un permis détenu par un tiers (puisque le permis de Sum Sum Hong ne vise pas le ginseng tranché). ECCC souligne que la case « racines tranchées » n’était cochée sur aucun des permis, et qu’il est clair que les permis visaient uniquement l’exportation de ginseng entier.
[21] Bien que la demanderesse ait attesté par déposition qu’elle a agi comme mandataire de Sum Sum Hong et qu’une transaction a été conclue entre une société et Sum Sum Hong, ECCC affirme que [traduction] « la demanderesse a admis avoir revendu le ginseng tranché au client et qu’elle était responsable de son exportation ». ECCC affirme également que les mauvais conseils reçus de Sum Sum Hong concernant les exigences en matière de permis ne constituent pas un moyen de défense contre la SAP en cause, compte tenu du libellé du paragraphe 11(1) de la LPAME. ECCC soutient également qu’il est clair que l’exportateur en l’espèce est la demanderesse, et qu’il ne suffisait pas de prendre des mesures pour obtenir les permis une fois que les marchandises expédiées ont été retenues, puisque le permis CITES 00119 indique que les autocollants pertinents doivent être fournis à l’ASFC au moment de l’exportation. ECCC conclut que tous les éléments de la violation sont présents dans l’un ou l’autre des deux scénarios qui pourraient s’appliquer en l’espèce (c.-à-d. exportation sans permis détenu par la demanderesse ou exportation réalisée contrairement au permis de Sum Sum Hong).
[22] ECCC affirme que le montant de 4 000 $ imposé comme SAP a été calculé correctement, en conformité avec l’article 4 du RPAME. Comme la demanderesse est une société, le montant de base pour ce type de violation est de 2 000 $, et il n’existe aucun pouvoir permettant de réduire une SAP en deçà du montant de base, s’il est démontré qu’il y a eu violation (voir : Hoang c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 2, au paragraphe 23). ECCC affirme que le montant de 2 000 $ imposé pour l’« avantage économique » obtenu a été correctement ajouté au montant de base puisque la violation s’inscrivait dans le cadre d’une opération commerciale. ECCC soutient que la demanderesse a vendu le ginseng tranché à un client et qu’elle l’a exporté pour le livrer à ce dernier. En ce qui concerne le fait que les autorités de Hong Kong ont détruit la portion des marchandises expédiées qui ont été saisies, ECCC fait valoir que la demanderesse ne peut pas [traduction] « invoquer les conséquences de sa propre violation pour faire réduire le montant de la SAP ». ECCC soutient que la demanderesse a obtenu un avantage économique lorsqu’elle a vendu le ginseng à un client, avant ou au moment de commettre la violation (c.-à-d. lors de l’exportation), et que toute perte de recettes subséquente résultant de cette violation (c.-à-d. la saisie d’une partie des marchandises expédiées et leur destruction) ne devrait pas être prise en considération. ECCC souligne également que la demanderesse n’a fourni aucune preuve des pertes qu’elle aurait subies et a admis qu’une grande partie des marchandises expédiées (les produits autres que le ginseng tranché) ont été livrées à son client.
Observations de la demanderesse
[23] La demanderesse affirme que l’agent d’application de la loi d’ECCC n’a pas correctement déterminé à quelle entité la SAP devrait être imposée pour la violation commise. Elle soutient que Sum Sum Hong était l’exportateur. Elle soutient également que le montant de la SAP n’aurait pas dû inclure un montant pour « avantage économique », puisque le ginseng tranché ne s’est jamais rendu au client final, à Macao.
[24] La demanderesse affirme qu’elle a cherché à s’approvisionner en ginseng pour un client de Macao à l’automne 2017 et que, à cette époque, elle n’avait jamais exporté de ginseng auparavant. Elle indique qu’elle s’est fiée à Sum Sum Hong, puisque cette dernière en avait en stock ou savait où en trouver pour répondre aux besoins du client de Macao. Elle soutient qu’elle a travaillé de concert avec Sum Sum Hong et que cette dernière avait la responsabilité de fournir les documents nécessaires, alors que la demanderesse agissait comme « intermédiaire » ou mandataire.
[25] Faisant référence à son rôle dans cette opération commerciale, la demanderesse affirme qu’elle n’était pas au courant des arrangements commerciaux confidentiels (p. ex. où et comment Sum Sum Hong a obtenu le ginseng, les permis d’exportation et les documents requis à cette fin). Elle soutient qu’elle n’a jamais eu le ginseng en sa possession; elle a plutôt été l’« intermédiaire » qui a coordonné l’opération. Comme il n’existait aucune relation antérieure entre le client de Macao et Sum Sum Hong, la demanderesse s’est engagée envers le client à gérer les modalités d’expédition et à garantir que les produits seraient de bonne qualité et arriveraient en bon état, afin de clore avec succès cette transaction. La demanderesse s’est fiée à Sum Sum Hong pour fournir tous les permis nécessaires afin de se conformer aux obligations légales applicables.
[26] La demanderesse affirme que selon l’entente intervenue, elle n’avait pas à obtenir elle-même le permis CITES puisque son rôle consistait simplement à faciliter l’envoi et la clôture de la transaction. Elle soutient également que le client de Macao lui a payé directement les frais de transport et de logistique qu’elle a engagés et qu’il a payé Sum Sum Hong directement pour les marchandises expédiées. La demanderesse devait toucher un pourcentage une fois l’envoi reçu.
[27] La demanderesse soutient que les autorités du Canada et de Hong Kong n’ont pas communiqué avec elle au départ, lorsque les marchandises expédiées ont été retenues, puisque la responsabilité incombait clairement à l’exportateur (à savoir Sum Sum Hong et non la demanderesse, selon cette dernière). La demanderesse n’est intervenue que pour tenter de trouver une solution envisageable. Selon elle, c’est pour cette raison que les agents d’application de la loi d’ECCC ont conclu à tort qu’elle était l’exportateur, et non Sum Sum Hong.
[28] La demanderesse affirme avoir joué le rôle d’intermédiaire et soutient que tout document indiquant qu’elle a acheté et revendu le ginseng est inexact. Elle prétend que son rôle consistait simplement à représenter les intérêts du client de Macao dans le cadre de la transaction, et qu’ECCC a mal compris les arrangements commerciaux entourant la transaction et l’exportation réalisées.
[29] La demanderesse s’oppose aux observations d’ECCC, qui a affirmé que les réviseurs n’examinent pas la question du pouvoir discrétionnaire exercé en matière d’application de la loi. Elle prétend que le Tribunal devrait déterminer si ECCC a correctement ciblé l’auteur de la violation, à qui la SAP devrait être imposée. Le Tribunal devrait déterminer quelles personnes sont responsables des violations commises, et non accepter simplement la décision d’ECCC quant à celle à qui il convient d’infliger la SAP. En avançant cet argument, la demanderesse établit une analogie avec la vente d’une maison, où les véritables parties à la vente sont l’acheteur et le vendeur, et non les agents d’immeubles qui les représentent. Elle affirme qu’elle agissait ici comme mandataire, et non comme vendeur ou exportateur. Elle ajoute qu’il incombe à ECCC de démontrer que c’est elle l’auteur de la violation. Elle soutient qu’ECCC n’a pas réussi à le prouver puisqu’elle n’était qu’un « intermédiaire ».
[30] La demanderesse fait également valoir que, comme le ginseng tranché n’a pas été livré à son client à Macao, elle n’a touché aucune commission. Elle n’a donc tiré aucun avantage économique. Elle affirme également qu’elle n’a pas les liquidités nécessaires pour payer le montant de la SAP.
[31] La demanderesse demande que la SAP soit annulée.
Observations en réplique d’ECCC
[32] En réplique, ECCC soutient que les observations de la demanderesse vont à l’encontre de la preuve concrète, qui doit prévaloir. ECCC s’appuie sur les éléments pertinents de l’exposé conjoint des faits et de l’affidavit de M. Chow pour défendre sa position selon laquelle la demanderesse a violé la LPEAVSRCII. ECCC soutient que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle n’était qu’un simple « intermédiaire » ou « mandataire » de Sum Sum Hong ou qu’elle n’était pas tenue d’obtenir les permis requis. En outre, ECCC affirme que le fait qu’une autre entité puisse également avoir commis une violation ne disculpe pas la demanderesse.
[33] En ce qui concerne la question de l’avantage économique, ECCC soutient que le Tribunal :
[traduction]
[...] ne devrait pas permettre à la demanderesse d’invoquer les conséquences de sa propre violation pour faire réduire le montant de la SAP. Il est approprié pour un agent de tenir compte d’un avantage économique, dans les cas où la découverte d’une violation et l’enquête menée à cet égard entraînent des pertes financières dans le cadre d’une opération qui se serait révélée rentable si l’auteur de la violation ne s’était pas fait prendre.
[34] Subsidiairement, ECCC fait valoir qu’une grande partie des marchandises expédiées ont été livrées au client à Macao et que seul le ginseng tranché a apparemment été détruit. Par conséquent, même si une perte a été enregistrée en ce qui concerne le ginseng tranché, l’envoi lui-même a malgré tout généré des revenus pour la demanderesse et ces [traduction] « revenus témoignent d’un avantage économique ». ECCC souligne également que l’agent d’application de la loi n’aurait pas pu tenir compte de la destruction du ginseng tranché avant d’imposer la SAP, s’il ne savait pas à ce moment-là qu’il avait été détruit.
Conclusions concernant la violation alléguée
[35] Bien que les deux parties aient présenté au Tribunal des éléments de preuve et des observations détaillés, seul un sous-ensemble de ces éléments de preuve et observations est nécessaire pour répondre à la question de savoir si la société demanderesse a commis la violation présumée. Bien entendu, comme les sociétés agissent par l’entremise de leurs employés et représentants, il s’avère suffisant pour ECCC de prouver que la violation commise par la personne morale visée par la SAP résulte de la conduite d’un employé ou d’un mandataire (voir le paragraphe 9(1) de la LPAME). Les renvois à la demanderesse ci-dessous englobent toutes les personnes qui agissent au nom de la société demanderesse.
[36] La question consiste à déterminer si ECCC a démontré que le rôle joué par la demanderesse était suffisant pour conclure que la demanderesse elle-même a violé le paragraphe 6(2) de la LPEAVSRCII. La demanderesse soutient n’avoir joué qu’un rôle minime dans l’opération commerciale ou l’exportation qui a été réalisée sans le permis requis ou contrairement à un permis. Dans ses observations, elle définit son rôle de différentes façons, notamment comme celui de « mandataire » ou d’« intermédiaire ». Toutefois, comme l’a fait remarquer ECCC dans ses observations en réplique, il est important en l’espèce d’examiner la preuve proprement dite, peu importe comment cette preuve a été caractérisée dans les observations présentées.
[37] Les paragraphes suivants tirés de l’exposé conjoint des faits sont particulièrement importants :
[traduction]
L’exportation de ginseng à cinq folioles du Canada nécessite un permis CITES canadien délivré par le Service canadien de la faune.
La demanderesse a acheté des produits à base de ginseng de Sum Sum Hong Ginseng & Natural Foods (« Sum Sum Hong »), notamment des racines de ginseng à cinq folioles en tranches.
Elle a ensuite revendu ces produits à base de ginseng à une société de Macao, en Chine.
Le 9 février 2018, la demanderesse a expédié les produits à base de ginseng, y compris les racines de ginseng à cinq folioles en tranches, au destinataire, à savoir ACE Automatic System (H.K.) Co. (le « destinataire »), à bord d’un vol de la Korean Air Cargo en partance de Toronto et à destination de Hong Kong (l’« envoi » ou les « marchandises expédiées »).
Au moment de l’exportation, la demanderesse ne possédait pas de permis d’exportation délivré en vertu de la CITES pour les marchandises expédiées et n’a présenté aucune demande pour en obtenir un. [Non souligné dans l’original.]
[38] La preuve par affidavit de M. Chow démontre également que la demanderesse a joué un rôle plus important que celui d’« intermédiaire ». Par exemple, M. Chow parle d’un « client » à Macao et de la nécessité de trouver une source d’approvisionnement en ginseng au Canada. Bien que la demanderesse ait décidé de se fier à Sum Sum Hong pour s’assurer que [traduction] « les documents et les permis nécessaires à l’exportation » soient fournis, elle ne peut pas prendre une telle décision et se décharger ainsi de la responsabilité légale qui lui incombe. Une fois que la demanderesse s’est engagée auprès du client de Macao et a pris des mesures pour lui expédier le ginseng, il lui incombait de s’assurer que la LPEAVSRCII était respectée.
[39] Il est clair, d’après l’exposé conjoint des faits et la preuve par affidavit supplémentaire, que la demanderesse était un exportateur qui a expédié ou fait expédier le ginseng tranché sans le permis requis ou contrairement à un permis. Bien que la demanderesse soit d’avis que Sum Sum Hong est l’exportateur, la question que le Tribunal doit trancher consiste à déterminer si les actions de la demanderesse constituent une violation, et non si une SAP aurait également pu être infligée à une autre entité ayant également commis une violation. Le fait qu’une autre entité aurait également pu ou dû se voir infliger une SAP ne constitue pas un moyen de défense.
[40] Il n’appartient pas au Tribunal de réexaminer le pouvoir discrétionnaire exercé par l’agent d’application de la loi, qui a décidé de ne cibler que la demanderesse. Cela dit, le Tribunal est d’accord avec la demanderesse sur le fait qu’il devrait examiner si ECCC a correctement déterminé si elle a ou non commis une violation. Autrement dit, lorsque plus d’une entité peut être impliquée dans une violation alléguée, le Tribunal doit tout de même déterminer si le demandeur visé par une SAP a commis une violation. Il ne peut pas se contenter de croire ECCC sur parole, sous prétexte qu’il s’en est remis à l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un agent. Il incombe à ECCC de démontrer que le demandeur a commis une violation. Toutefois, ECCC n’a pas à prouver que ce dernier est le seul auteur de la violation ou qu’il est plus responsable de la violation que les autres.
[41] Bien entendu, si Sum Sum Hong s’était également vu infliger une SAP et qu’elle avait demandé une révision, le Tribunal aurait dû déterminer si son rôle était tel qu’elle aussi avait commis une violation. Toutefois, comme le Tribunal n’a pas, en l’espèce, à se pencher sur une quelconque SAP infligée à Sum Sum Hong, il refuse de tirer des conclusions quant à la responsabilité de cette dernière.
[42] En l’espèce, le Tribunal concentre son analyse sur la question de savoir si la demanderesse a commis une violation. À ce titre, la preuve démontre clairement que c’est effectivement le cas. La demanderesse a expédié ou fait expédier du ginseng tranché sans le permis requis ou contrairement à un permis.
Conclusions concernant l’avantage économique
[43] Le Tribunal se fonde sur les conclusions de fait suivantes pour analyser la question de l’avantage économique. D’après les éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que la demanderesse a effectué une opération commerciale visant l’exportation de produits (dont le ginseng tranché en cause ici) à un client, à Macao. Le Tribunal conclut que la relation d’affaires que la demanderesse a établie avec le client avait pour but de lui procurer des revenus. Il a été démontré qu’au moment de la violation, la demanderesse était censée toucher une commission ou tirer un bénéfice de l’opération. Le Tribunal conclut également qu’en définitive, le client a au moins reçu une partie de l’envoi, mais qu’une portion des revenus que la demanderesse était censée réaliser n’a pas été enregistrée, étant donné que le ginseng tranché qui faisait partie des marchandises expédiées a été détruit. En outre, la demanderesse a évité les coûts qu’elle aurait dû engager pour se familiariser avec la LPEAVSRCII et les règlements pertinents avant de s’attaquer à ce nouveau secteur d’activité, et a choisi de s’en remettre uniquement à Sum Sum Hong.
[44] Les parties ont présenté au Tribunal de brèves observations concernant l’interprétation de la disposition du RPAME portant sur l’avantage économique. Le Tribunal est appelé pour la première fois à se pencher sur le paragraphe 8(1) du RPAME. Aucun document (p. ex. des déclarations ou des politiques) fournissant une interprétation du paragraphe 8(1) et aucun précédent portant sur des dispositions semblables au paragraphe 8(1), s’il y en a, n’ont été présentés au Tribunal. Il est clair, cependant, d’après le libellé de ce paragraphe, qu’il faut forcément faire preuve de jugement pour déterminer ce qui constitue un avantage économique, à la lumière des faits d’une affaire donnée. Le Tribunal est donc parvenu aux conclusions suivantes en l’espèce, en se fondant sur le peu de documents fournis et les conclusions de fait exposées précédemment.
[45] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que pour répondre aux exigences du paragraphe 8(1) du RPAME, en l’espèce, il est suffisant qu’ECCC démontre que la violation commise par la demanderesse est liée à une opération commerciale qui a permis à cette dernière de tirer un avantage économique au moment de la violation (c.-à-d. vers les 9, 10 et 11 février 2018). Il convient de souligner que la version anglaise du paragraphe 8(1) (“violation has resulted”) est rédigée au présent parfait et non au passé (“violation resulted”). Si le passé avait été employé dans la version anglaise, il aurait été plus facile de faire valoir que l’avantage économique ne doit pas être évalué au moment de la violation. Le fait d’évaluer l’avantage économique au moment de la violation est également conforme à la version française du paragraphe 8(1) : (“si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise”).
[46] Si l’avantage économique n’était pas évalué au moment de la violation (c.-à-d. au moment où les marchandises ont été exportées, en totalité ou en partie, sans permis ou contrairement à un permis), il serait difficile de savoir où tracer la ligne. Faudrait-il tenir compte, pour déterminer s’il y a eu avantage économique, du temps et des ressources que la demanderesse a consacrés à la résolution de questions découlant des mesures de conformité et de contrôle d’application (p. ex. les ressources nécessaires pour composer avec la retenue et la destruction du ginseng tranché)? Faudrait-il tenir compte du fait que la commission que la demanderesse a ultimement touchée était moins importante que celle qu’elle aurait perçue si le ginseng tranché avait également été livré au client? Faudrait-il tenir compte, pour déterminer s’il y a eu avantage économique, du temps et des ressources que la demanderesse a consacrés à sa demande de révision de la SAP infligée?
[47] Le RPAME ne semble pas exiger que le Tribunal détermine si un avantage économique « net » ou « permanent » a été tiré pour une partie seulement de l’envoi, ou qu’il examine cet avantage économique uniquement après que des mesures de conformité et de contrôle d’application et des procédures de révision ont été prises en compte. Selon la disposition en question, il suffit de déterminer « si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise ». Lorsqu’un produit est vendu à un client sans le permis requis, il s’agit clairement là d’une forme d’avantage économique, dans la mesure où, au moment de la violation, la vente a soit généré des revenus pour le vendeur, soit donné lieu à un compte débiteur pour le demandeur. Le fait qu’un tel avantage économique dure ou non, après qu’une violation a été constatée et que des mesures de conformité et de contrôle d’application et des procédures de révision ont été mises en œuvre, ne change rien au fait qu’un avantage économique a été tiré de la violation au moment où celle-ci a été commise.
[48] Lorsque les auteurs d’une violation se font prendre, qu’ils sont appelés à composer avec des retards ou la perte d’une partie des marchandises expédiées et qu’ils sont exposés à des procédures administratives comme celle-ci, il se peut qu’aucun avantage économique « net » ou « permanent » ne soit tiré de la portion de l’envoi qui a été perdue. Cependant, le RPAME ne semble pas exiger qu’une perspective aussi étroite soit adoptée au moment d’examiner la question de l’avantage économique. Si cette question est analysée du point de vue du résultat de la violation au moment où celle-ci a été commise, il est clair qu’un avantage a été tiré en l’espèce. En outre, si la violation était passée inaperçue, la demanderesse en aurait tiré un avantage permanent. Étant donné que le RPAME vise à augmenter le montant des SAPs imposées au-delà du montant de base lorsqu’un des trois facteurs aggravants est présent (c.-à-d. antécédents de non-conformité, dommages environnementaux ou avantage économique), il convient d’interpréter l’article 8 d’une manière qui correspond à l’objectif du RPAME d’imposer des SAPs plus élevées dans les cas où des opérations commerciales sont en cause. Il est difficile autrement de déterminer à quel moment l’article 8 pourrait s’appliquer aux violations comme celle-ci commises lors d’une exportation, puisque ce sont ceux qui se font prendre qui en viennent à perdre les marchandises retenues. Ce sont ceux qui ne se font pas prendre qui tirent un avantage économique « net » ou « permanent », puisque la violation qu’ils ont commise est passée inaperçue et qu’aucune SAP n’a été infligée.
[49] En outre, il convient de rappeler que les SAPs peuvent être infligées au moment de la violation et donc parfois avant plusieurs des événements qui peuvent ultimement réduire ou éliminer l’avantage économique « net » ou « permanent ». Il est donc préférable d’interpréter la disposition relative à l’avantage économique d’une manière qui respecte la logique, tant lors du premier examen (c.-à-d. lorsque les agents d’application de la loi d’ECCC dressent un procès-verbal infligeant une SAP) que lors du deuxième (c.-à-d. lorsque le Tribunal examine le montant de cette SAP afin de déterminer si ECCC l’a calculé conformément au RPAME). Cela est d’autant plus vrai dans le contexte du paragraphe 20(3) de la LPAME, qui prévoit qu’il faut déterminer si le montant de la SAP a été ou non « établi conformément aux règlements ». S’il fallait tenir compte des mesures de conformité (p. ex. la retenue ou la destruction des marchandises expédiées) et de contrôle d’application (p. ex. les SAPs) et des coûts liés aux procédures de révision devant le Tribunal dans le calcul de l’avantage économique, il serait alors difficile, voire impossible, dans bien des cas, pour les agents d’application de la loi de déterminer si un montant pour avantage économique devrait être perçu lorsqu’ils dressent un procès-verbal infligeant une SAP. Il est peu probable que l’intention qui sous-tend le RPAME était de rendre le facteur lié à l’avantage économique « mouvant » et donc difficile à évaluer pour les agents d’application de la loi lorsqu’ils dressent un procès-verbal. De plus, le montant maximal (5 000 $) qui peut être perçu à l’égard d’un avantage économique en vertu de la LPAME dans les cas les plus graves (c.-à-d. les violations de type C par une personne autre qu’un particulier) est assez minime comparativement aux avantages économiques qui peuvent être tirés des opérations commerciales d’envergure. Il est donc peu probable que le RPAME visait à exiger que le Tribunal tienne une nouvelle audience complexe quant aux faits concernant les pertes encourues après la violation relativement aux mesures de conformité et de contrôle d’application ou au processus de révision. Le paragraphe 20(3) de la LPAME exige simplement que le Tribunal détermine si ECCC a établi correctement le montant de la SAP, conformément au RPAME.
[50] En l’espèce, la demanderesse n’a pas, en définitive, touché la commission ou tiré le bénéfice attendu pour la portion de l’envoi comprenant le ginseng tranché, étant donné que ce dernier n’a jamais été livré. Toutefois, la violation (l’exportation sans permis ou contrairement à un permis) a mené à un avantage économique (la vente de ginseng à un client assortie, au moment de la violation, d’un paiement ou d’un compte débiteur incluant une commission) aux termes du paragraphe 8(1) du RPAME. En outre, comme ECCC l’a fait remarquer, une grande partie des marchandises expédiées se sont finalement rendues chez le client de la demanderesse, à Macao, de sorte qu’un certain avantage économique a dû être tiré de l’envoi dans son ensemble.
[51] Compte tenu des conclusions tirées ci-dessus, il n’est pas nécessaire de déterminer si les dépenses que la demanderesse a évité d’engager en ne se familiarisant pas avec la LPEAVSRCII et les règlements pertinents, avant de s’attaquer à ce nouveau secteur d’activité, répondraient également aux exigences du paragraphe 8(1) du RPAME.
[52] En ce qui concerne l’argument de la demanderesse selon lequel elle n’a pas les liquidités nécessaires pour payer la SAP, le RPAME ne prévoit aucun recours à cet égard. Lorsque le Tribunal exerce le mandat qui lui est conféré par la loi, il doit demeurer dans les limites du rôle qui lui est confié en vertu de la LPAME. Éliminer une SAP ou en réduire le montant en raison d’une incapacité de payer ne fait pas partie des rôles qui lui reviennent en vertu des dispositions législatives et réglementaires applicables. Le Tribunal n’a pas la compétence voulue pour accorder un tel redressement.
[53] Le Tribunal conclut, d’après la preuve présentée, que la violation a permis à la demanderesse de tirer un avantage économique aux termes du paragraphe 8(1) du RPAME, et qu’ECCC a déterminé correctement le montant de la SAP, conformément au RPAME.
Conclusion générale concernant le montant de la SAP
[54] Le montant de base de 2 000 $ a été déterminé correctement, selon le barème établi dans le RPAME, étant donné que l’auteur de la violation est une personne morale et qu’il s’agit d’une violation de type B. De même, le montant de 2 000 $ imposé pour « avantage économique » a été déterminé correctement, étant donné que la violation a permis l’obtention d’un avantage (revenus ou compte débiteur) au moment elle a été commise.
Décision
[55] La SAP est maintenue et la demande de révision est rejetée.
Demande de révision rejetée |
« Jerry V. DeMarco » |
JERRY V. DEMARCO RÉVISEUR-CHEF |