Loi sur le Programme de protection des salariés

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Motifs de décision

Concernant un appel d’une décision de la ministre interjeté en vertu de l’article 14 de la Loi sur le Programme de protection des salariés

Said Gouda,

requérant.

Dossier du Conseil : 33338-C

Référence neutre : 2020 CCRI 935

Le 17 juillet 2020

Le banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Ginette Brazeau, à qui a été assignée la présente affaire en vertu de l’article 14.1 de la Loi sur le Programme de protection des salariés (la LPPS).

I. Nature de la demande

[1] Le 10 octobre 2019, M. Said Gouda (le requérant) a fait parvenir au Conseil une demande d’appel présentée en vertu du paragraphe 14(1) de la LPPS.

[2] M. Gouda porte en appel la décision rendue en révision par la ministre, qui a conclu qu’il n’était pas admissible au Programme de protection des salariés (le PPS) au motif qu’aucune somme ne lui était due au titre de ce programme.

[3] Après examen de la demande, le Conseil a décidé de confirmer la décision de la ministre.

II. Contexte et décision de la ministre

[4] M. Gouda travaillait pour Sears Canada inc. (Sears). Sachant que Sears avait des difficultés financières et fermerait ses portes, M. Gouda s’est trouvé un autre emploi chez un compétiteur.

[5] Le 26 juin 2019, M. Gouda a présenté une demande de versement au titre du PPS à Service Canada, qui administre le PPS au nom du ministre du Travail.

[6] En vertu de l’article 21 de la LPPS et de l’article 15 du Règlement sur le Programme de protection des salariés (DORS/2008-222) (le Règlement), un syndic ou un séquestre doit transmettre au ministre certains renseignements concernant les personnes admissibles au PPS sur un formulaire fourni par le ministère. Comme Service Canada n’avait pas reçu de formulaire de renseignements concernant M. Gouda de la part du séquestre, la déléguée ministérielle a rendu, le 12 juillet 2019, une première décision refusant de verser un paiement et invitant M. Gouda à communiquer avec le séquestre.

[7] M. Gouda a demandé à la ministre une révision de cette décision au motif que tous ses collègues de Sears avaient reçu une indemnisation. Il expliquait qu’un ancien collègue qui travaillait à la même succursale que lui avait reçu une indemnisation, et ce, même s’il n’était pas resté en poste jusqu’à la fermeture définitive de Sears.

[8] Le 15 août 2019, la déléguée ministérielle a rendu une décision en révision qui confirmait sa décision initiale. La déléguée expliquait ce qui suit :

Le syndic responsable du calcul des sommes dues en vertu de la Loi sur le Programme de protection des salariés a confirmé qu’aucune somme ne vous est due au titre du PPS. Vous pouvez communiquer directement avec le syndic pour résoudre la situation. Aucun versement ne pourra être effectué sans ces renseignements.

[9] Une lettre faisant état du même motif a été envoyée au séquestre, FTI Consulting Canada inc., le même jour.

III. Position des parties

A. Position du requérant

[10] M. Gouda allègue qu’il a perdu son emploi par suite de la faillite de Sears et qu’il a été obligé de se trouver un autre emploi rapidement avant la fermeture de l’entreprise, car il ne voulait pas se retrouver au chômage.

[11] Il estime qu’à titre d’ancien employé de Sears, il a droit à une indemnité de perte d’emploi, car il a été obligé de chercher un autre emploi. Il allègue que si Sears n’avait pas annoncé sa fermeture, il aurait continué à travailler pour cet employeur.

B. Position de la ministre

[12] La ministre peut fournir des observations au Conseil en vertu du paragraphe 15(4) de la LPPS. Cependant, elle a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de le faire en l’espèce.

IV. Le rôle du Conseil dans les dossiers d’appel

[13] Une personne insatisfaite de la décision rendue en révision par le ministre peut interjeter appel de cette décision auprès du Conseil, et ce, uniquement sur une question de droit ou de compétence (voir paragraphe 14(1) de la LPPS). Ce processus d’appel se limite à une révision des renseignements versés au dossier du ministre, comme le prévoit l’article 16 de la LPPS :

16 L’appel est tranché sur dossier et aucun nouvel élément de preuve n’est admissible.

[14] Le ministre fournit donc au Conseil une copie du dossier avec tous les documents et renseignements qu’avait en main le délégué ministériel lors de la prise de décision. Le Conseil se voit dans l’impossibilité de demander ou d’accepter des éléments de preuve ou des documents supplémentaires, même si cela lui serait utile pour trancher les questions en litige. Le rôle du Conseil se limite strictement à passer en revue la décision du délégué ministériel et les renseignements que celui-ci avait en main, afin d’évaluer l’analyse qui a été effectuée des questions juridiques et des faits recueillis.

[15] Le Conseil peut alors confirmer, modifier ou infirmer la décision prise par le ministre (voir l’article 17 de la LPPS).

[16] La présente demande d’appel est fondée sur une question de droit. La portée des pouvoirs du Conseil en matière de questions de droit a été expliquée dans la décision Au, 2020 CCRI 931. Les questions de droit concernent essentiellement la détermination du critère juridique applicable. Ainsi, lorsque le Conseil est appelé à revoir une décision en vertu du paragraphe 14(1) de la LPPS, il doit examiner les questions suivantes :

  1. Est-ce que le délégué ministériel a appliqué le bon critère juridique, c’est-à-dire s’est-il posé les bonnes questions pour en arriver à sa décision?

  2. Est-ce que le critère juridique a été appliqué dans son entièreté à l’égard des faits en question?

  3. Est-ce que le délégué ministériel a pris en considération tous les faits importants et la preuve requise dans le cadre de son analyse des questions juridiques applicables?

[17] Le Conseil procédera donc à une analyse du dossier en suivant ces principes.

V. Le dossier

[18] Le dossier de la ministre est constitué de deux éléments principaux : le résumé du dossier (le résumé) et les documents recueillis par la déléguée ministérielle. Le Conseil résumera ici les faits au dossier qui sont pertinents dans le cadre de la présente demande d’appel.

A. Le résumé

[19] Le résumé est un document préparé par la déléguée ministérielle et qui contient un sommaire des renseignements qui ont mené à la décision rendue en révision, tels les faits retenus et le raisonnement appliqué.

[20] En l’espèce, le résumé indique que certains nouveaux renseignements ont été recueillis dans le cadre du dossier de révision. Selon ces renseignements, le requérant a confirmé avoir démissionné de son emploi chez Sears. Le résumé souligne également que le requérant croyait par ailleurs qu’il avait été forcé de démissionner afin de protéger sa santé et son bien-être ainsi que ceux de sa famille.

[21] Le résumé indique également qu’une enquête a été menée auprès du séquestre afin de voir si un formulaire de renseignements avait été envoyé pour le requérant. Le séquestre a expliqué que le requérant n’était pas admissible à l’indemnité de préavis, car il avait démissionné de son poste.

[22] Dans le résumé, la déléguée ministérielle souligne qu’il incombe aux séquestres de fournir certains renseignements au PPS, en vertu de l’article 21 de la LPPS et de l’article 15 du Règlement, et qu’aucun paiement ne peut être versé sans ces renseignements. En réponse aux questions de la déléguée, le séquestre a expliqué qu’aucun formulaire ne serait rempli, car aucun montant n’était dû au requérant au titre du PPS.

B. Autres documents

[23] Le dossier contient un document intitulé « Renseignements supplémentaires de révision », dans lequel la déléguée ministérielle fait état des démarches entreprises auprès du requérant et du séquestre.

[24] Il est indiqué dans ce document que le séquestre a été contacté et a confirmé que le requérant avait démissionné le 14 novembre 2017. Le séquestre a ajouté qu’un employé démissionnaire n’était pas admissible à l’indemnité de préavis.

[25] Le requérant a ensuite été contacté et a confirmé avoir démissionné. Il a expliqué qu’il était déçu qu’en vertu du droit québécois, un employé démissionnaire n’ait pas droit à l’indemnité de préavis. Il a indiqué être d’avis que les employés qui bénéficient de l’assurance-emploi sont aussi ceux qui bénéficient du PPS, alors que les employés proactifs, qui, comme lui, se sont trouvé un autre emploi, n’y ont pas droit.

VI. Analyse et décision

[26] Le requérant soutient qu’il devrait avoir droit à un versement au titre du PPS, car il a été obligé de se trouver un nouvel emploi en raison de l’annonce de la fermeture de Sears. Il affirme qu’il n’aurait pas eu à se trouver un nouvel emploi si Sears n’avait pas fermé ses portes. En somme, M. Gouda est d’avis que le PPS devrait indemniser les employés qui ont dû se trouver un nouvel emploi en raison de la fermeture ou de la cessation des activités de leur employeur.

[27] L’article 4 de la LPPS explique que le PPS a été établi afin d’aider les personnes physiques titulaires de créances salariales sur un employeur qui est en faillite ou qui fait l’objet d’une mise sous séquestre. Le PPS prévoit le versement de certaines sommes dans le but de compenser le salaire impayé par l’employeur, et ce, sans devoir passer par le processus de faillite.

[28] L’article 5 de la LPPS prévoit que l’existence d’une créance salariale est une condition d’admissibilité au PPS. Ainsi, pour être admissible à un versement, il faut que l’employeur doive au requérant un montant correspondant à du salaire, selon la définition de ce terme donnée à l’article 2 de la LPPS.

[29] En somme, contrairement à ce que semble croire le requérant, le PPS n’existe pas pour indemniser les personnes qui doivent se trouver un nouvel emploi en raison de la cessation des activités de leur employeur. Son objectif est plutôt d’indemniser les personnes qui, par suite de la faillite de leur employeur ou parce que celui-ci fait l’objet d’une mise sous séquestre, n’ont pas reçu le salaire auquel elles avaient droit.

[30] Dans la présente instance, le séquestre a indiqué à la déléguée ministérielle ne pas avoir rempli de formulaire, car aucune somme n’était due au requérant. Il a expliqué que M. Gouda avait démissionné et que, pour cette raison, il n’était pas admissible à l’indemnité de préavis. Puisqu’aucune somme n’était due à M. Gouda, la déléguée ministérielle a conclu qu’il n’était pas admissible au PPS.

[31] Le Conseil fait observer qu’en vertu de l’article 21 de la LPPS, il incombe aux syndics et aux séquestres d’identifier les personnes admissibles au PPS, de les en informer, de calculer les sommes qui leur sont dues et de transmettre les montants de salaire dus et certains autres renseignements au ministre. L’article 15 du Règlement précise quels renseignements doivent être transmis au ministre et prescrit les délais et le formulaire qui doit être utilisé pour ce faire. La tâche première d’identifier les personnes admissibles au PPS revient donc aux syndics et aux séquestres. Cependant, rien n’empêche une personne qui se croit admissible au PPS d’en faire la demande auprès du ministre, comme l’a fait M. Gouda.

[32] Dans le cadre de la demande de révision, la déléguée ministérielle a fait enquête auprès du séquestre et du requérant. C’est à cette occasion que le requérant a confirmé avoir démissionné de son emploi chez Sears.

[33] Le Conseil est d’avis que la déléguée ministérielle n’a pas commis d’erreur de droit. Elle a fait enquête auprès du séquestre pour savoir pourquoi celui-ci n’avait pas rempli de formulaire, malgré ses obligations en vertu de l’article 21 de la LPPS et de l’article 15 du Règlement. Elle a ensuite confirmé auprès de M. Gouda les renseignements obtenus de la part du séquestre. M. Gouda ne remettait pas en question le fait qu’il avait démissionné et il ne prétendait pas non plus que Sears lui devait du salaire. Une condition d’admissibilité au PPS n’était donc pas remplie. M. Gouda déplore plutôt le fait qu’il n’avait pas droit à l’indemnité de préavis, car il s’est vu obligé de se trouver un autre emploi et a donc dû démissionner. Pourtant, la déléguée ministérielle n’a aucun pouvoir discrétionnaire quant aux critères d’admissibilité au PPS, et elle n’avait aucune raison de remettre en question les renseignements fournis par le séquestre et confirmés par M. Gouda. Elle pouvait donc conclure que celui-ci ne remplissait pas les critères d’admissibilité au PPS. En somme, la déléguée ministérielle a appliqué les critères juridiques appropriés et a tenu compte des faits pertinents pour rendre sa décision.

VII. Conclusion

[34] Après examen de la demande d’appel de M. Gouda, le Conseil conclut que la déléguée ministérielle n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision à la suite d’une révision. Le Conseil confirme donc la décision de la ministre.

 

 

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Ginette Brazeau

Présidente

 

 

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