Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 053

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 16 février 2012Dossier : 1330-08-001


Dans l’affaire de la plainte déposée par le Canadian Artists’ Representation/ le Front des artistes canadiens (CARFAC) et le regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) contre le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) en vertu de l’alinéa 32a) de la Loi sur le statut de l’artiste


Décision du Tribunal :
Le Tribunal accueille la plainte et rend un jugement déclaratoire portant que le Musée des beaux-arts du Canada a manqué à son obligation de négocier de bonne foi conformément à l’alinéa 32(a) de la >Loi sur le statut de l’artiste.

Lieu de l’audience :
Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :
Les 26 et 27 octobre 2010
Les 2 et 3 décembre 2010
Les 20 et 21 juin 2011
Les 6 et 7 juillet 2011
Le 26 octobre 2011

Quorum :
Me Elaine Kierans, présidente par intérim
Mme Lyse Lemieux, membre
Me Marie-Josée Castonguay, membre

Comparutions :
Me David Yazbeck, Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, pour le Canadian Artists’ Representation/ Front des artistes canadiens et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec
Me Guy P. Dancosse, Lapointe, Rosenstein, Marchand, Melançon pour le Musée des beaux-arts du Canada
Me Colette Matteau, Matteau Poirier avocats Inc. pour l’intervenante, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc.


Motifs de la décision

1330-08-001 : Dans l’affaire de la plainte déposée par le Canadian Artists’ Representation/ le Front des artistes canadiens (CARFAC) et le regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) contre le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) en vertu de l’alinéa 32a) de la Loi sur le statut de l’artiste


Introduction

[1] Le 22 avril 2008, le Canadian Artists’ Representation/ le Front des artistes canadiens (« CARFAC ») et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (le « RAAV ») ont déposé une plainte conjointe au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes producteurs (le « Tribunal »), alléguant que le Musée des beaux-arts du Canada (le « MBAC ») avait fait défaut de négocier de bonne foi comme l’exige l’alinéa 32a) de la Loi sur le statut de l’artiste (la « Loi »). CARFAC et le RAAVCARFAC/RAAV ») soutiennent qu’en raison du refus du MBAC de s’engager dans des discussions ou des négociations au sujet de questions de droit d’auteur, les négociations se sont soldées par une impasse.

[2] Le 15 mai 2008, le MBAC a remis une réponse à CARFAC/RAAV dans laquelle il niait les allégations faites par ces derniers et demandait au Tribunal de rejeter la plainte.

[3] Le 6 juin 2008, CARFAC/RAAV ont répliqué à la réponse du MBAC.

[4] Le 21 juillet 2008, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (« la SODRAC ») a déposé une requête en vue d’être autorisée à intervenir dans l’instance suivant le paragraphe 19(3) de la Loi.

[5] Conformément à ce que prévoient ses règles de procédure, le Tribunal a donné à CARFAC/RAAV de même qu’au MBAC la possibilité de présenter des commentaires au sujet de la requête en autorisation d’intervenir de la SODRAC. Le 15 août 2008, CARFAC/RAAV ont répondu à cette requête.

[6] La SODRAC a ensuite été autorisée à répliquer, ce qu’elle a fait le 27 août 2008.

[7] Le 5 septembre 2008, après avoir pris connaissance des observations écrites, le Tribunal a informé les parties que la SODRAC avait obtenu le droit d’intervenir dans l’instance de façon limitée.

Contexte

[8] CARFAC et RAAV sont des associations d’artistes accréditées par le Tribunal afin de représenter le secteur composé des artistes visuels au Canada.

[9] Le 31 décembre 1998 le Tribunal a accordé une accréditation à CARFAC qui a été modifiée le 9 décembre 2003. L’ordonnance d’accréditation prévoit ce qui suit : « Par les présentes, le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs accorde au Canadian Artists Representation/ le Front des artistes canadiens (CARFAC) l’accréditation pour représenter un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d’œuvres artistiques originales de recherche ou d’expression exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l’installation, la performance, les métiers d’art, les arts textiles, le film et la vidéo d’art, la photographie d’art ou toute autre forme d’expression de même nature qui sont engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l’artiste à l’exclusion :

  1. des artistes visés par l’accréditation accordée au Conseil des métiers d’art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997 telle qu’amendée le 26 juin 1998;
  2. des artistes visés par l’accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;
  3. des artistes visés par l’accréditation accordée à l’Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;
  4. des artistes visés par l’accréditation accordée à l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;
  5. des artistes visés par l’accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996
  6. des artistes qui s’identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels. »

[10] Le 15 avril 1997 le Tribunal a accordé une accréditation à RAAV. L’ordonnance d’accréditation prévoit ce qui suit : « Par les présentes, le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs accorde à Le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec l’accréditation pour représenter un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels du Québec, auteurs d’œuvres artistiques originales de recherche ou d’expression, uniques ou d’un nombre limité d’exemplaires, commandées ou diffusées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l’artiste et exprimées par la peinture, la sculpture, l’estampe, le dessin, l’illustration, la photographie, les arts textiles, l’installation, la performance, la vidéo d’art ou toute autre forme d’expression de même nature, à l’exclusion :

  1. des entrepreneurs indépendants œuvrant dans les domaines des métiers d’art, du cinéma et de l’audiovisuel;
  2. des photographes et illustrateurs commerciaux visés par l’accréditation accordée par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs à l’Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité le 26 avril 1996 et conformément aux termes de l’entente conclue entre le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec et l’Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité le 20 mars 1997;
  3. des artistes visés par l’accréditation accordée à l’Union des Artistes par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 29 août 1996 et conformément aux termes de l’entente conclue entre le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec et l’Union des Artistes le 20 mars 1997;
  4. des artistes qui pratiquent l’art de la conception de décors et de costumes à des fins théâtrales. »

[11] Le MBAC est l’une des plus importantes institutions canadiennes vouées à l’art. Il a pour mission de constituer, d’entretenir et de faire connaître, dans l’ensemble du Canada et à l’étranger, une collection d’œuvres d’art anciennes, modernes et contemporaines principalement axée sur le Canada, et d’amener tous les Canadiens à mieux connaître, comprendre et apprécier l’art en général. Le MBAC, dont la création remonte à 1860, est devenu un organisme de la Couronne fédérale en 1990, au moment de l’entrée en vigueur de la Loi sur les musées.

[12] Le 25 octobre 2010, les parties ont déposé au Tribunal un exposé conjoint des faits, ci joint1. A titre de référence, voici des extraits de ces faits :

Le 7 janvier 2002, le RAAV a signifié un avis de négociation au MBAC.

  • Le 23 avril 2003, le CARFAC a signifié un avis de négociation au MBAC.
  • Le 4 septembre 2003, CARFAC/RAAV ont informé le MBAC qu’ils mèneraient des négociations conjointes.
  • Le 1er décembre 2003, CARFAC/RAAV ont rencontré le MBAC pour commencer les négociations.
  • Le 9 décembre 2003, le Tribunal a rendu une décision qui a eu pour effet de modifier l’accréditation du CARFAC en remplaçant auteurs d’œuvres artistiques « commandées » par un producteur assujetti à la Loi par un auteur d’œuvres artistiques « engagés » par un producteur assujetti à la Loi (le MBAC a participé à l’instance en qualité d’intervenant).
  • Le 12 février 2004, le MBAC a informé CARFAC/RAAV qu’il avait demandé un avis juridique sur la Loi et sur ses incidences pour le MBAC et qu’il étudiait la possibilité de former une association de producteurs fédéraux avec d’autres musées canadiens.
  • Le 5 novembre 2004, le MBAC a informé CARFAC/RAAV qu’il avait rencontré des responsables d’autres musées et que les producteurs n’avaient conclu aucune entente formelle. Le MBAC a convenu, dans l’intervalle, de poursuivre les négociations avec CARFAC/RAAV .
  • Les parties se sont aussi rencontrées aux dates suivantes pour négocier :
    • le 7 janvier 2005;
    • les 23 et 24 février 2005;
    • les 17 et 18 mars 2005;
    • les 21 et 22 avril 2005;
    • les 27 et 28 octobre 2005;
    • les 15 et 16 décembre 2005;
    • les 13 et 14 mars 2006;
    • les 26 et 27 octobre 2006; et
    • du 29 au 31 octobre 2007.
  • Après s’être rencontrées les 27 et 28 octobre 2005, les parties ont signé un protocole de négociation collective.
  • Les 13 et 14 mars 2006, les parties ont discuté des droits de reproduction et des licences s’y rapportant.
  • Le 6 août 2006, CARFAC/RAAV ont transmis des commentaires au MBAC concernant une ébauche de convention collective et un contrat en matière d’exposition.
  • Le 26 octobre 2006, le MBAC a accepté de discuter d’une « proposition d’ensemble » concernant la reproduction, sans préjudice aux droits pouvant découler d’une éventuelle décision sur la question. Le MBAC a fait référence aux décisions TCRPAP 050 et 051 pour qu’il soit discuté de la relation qu’entretiennent CARFAC/RAAV et les collectifs d’artistes.
  • Les 26 et 27 octobre 2006, les parties se sont réunies et le MBAC a soulevé un certain nombre de questions, dont celle de la reproduction et de l’utilisation sur Internet des œuvres artistiques.
  • Le 11 décembre 2006, le MBAC a informé CARFAC/RAAV qu’il allait obtenir un avis juridique sur la question.
  • Le 23 mai 2007, le MBAC a informé les plaignants que Guy Dancosse (à l’époque chez Gowling Lafleur Henderson s.r.l., ci après « Gowlings »), Karen Colby-Stothart et Marie-Claude Rousseau avaient remplacé Daniel Amadei (qui avait quitté le MBAC) pour mener le processus de négociation.
  • Le 9 juillet 2007, Florence Lucas, de Gowlings, a envoyé à Marie-Claude Rousseau et à Karen Colby-Stothart un avis juridique (ci-après « l’avis juridique »).
  • L’avis juridique a été transmis à CARFAC/RAAV plus tard au mois de juillet 2007.
  • Du 29 au 31 octobre 2007, les parties ont de nouveau eu des réunions. À cette occasion, le MBAC a invité Gilles Daigle, de Gowlings, à expliquer l’avis juridique.
  • Le 30 octobre 2007, le MBAC a fourni un accord-cadre modifié à CARFAC/RAAV.
  • Le 31 octobre 2007, CARFAC/RAAV ont commenté l’accord-cadre modifié en lisant une déclaration écrite qui expliquait qu’à leur avis, les parties étaient « dans une impasse ».
  • Le 31 octobre 2007, lors d’une séance de négociation, Guy Dancosse a présenté la position du MBAC et celle-ci a été consignée dans une déclaration remise à l’équipe de négociation de CARFAC/RAAV réunie à la table des négociations.
  • Le 29 janvier 2008, le MBAC a proposé de discuter d’une entente non contraignante de type ODMAC avec CARFAC/RAAV. Le MBAC a également énoncé ce qui suit : [traduction] « [N]ous ne pouvons discuter d’une grille tarifaire obligatoire en matière de droits d’exposition pour les expositions temporaires qu’à l’égard des artistes que vous représentez expressément conformément aux lois en matière de droits d’auteur ». De plus, le MBAC a soutenu que : [traduction] « Dans le cadre juridique actuel, votre accréditation pour négocier se limite au domaine des services et ne peut pas automatiquement s’étendre aux questions de droits d’auteur. Cette position découle des avis juridiques que nous avons reçus à cet égard ».
  • Le 31 mars 2008, CARFAC/RAAV ont déposé une plainte auprès du Tribunal dans laquelle ils alléguaient un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi conformément à l’alinéa 32a) de la Loi.

Positions des parties

Aperçu de la position des plaignants

[13] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC a manqué à l’obligation de négocier de bonne foi que lui impose l’alinéa 32a) de la Loi, car il a radicalement modifié les conditions des négociations quatre ans après que celles-ci eurent commencé.

[14] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC a également manqué à son obligation de négocier de bonne foi en s’abstenant de prendre part à des discussions rationnelles et éclairées et en faisant obstacle aux négociations.

[15] CARFAC/RAAV soutiennent que lorsque les négociations ont commencé, le MBAC était au fait de l’existence possible de conflits entre la Loi sur le droit d’auteur et la Loi comme en témoigne la décision rendue par le Tribunal dans la décision TCRPAP 047, dans laquelle le MBAC était un intervenant.

[16] CARFAC/RAAV soutiennent qu’entre décembre 2003 et octobre 2007, les parties se sont rencontrées à de nombreuses reprises et qu’au cours de cette période, divers projets d’accords-cadres et contrats types avaient été élaborés et proposés. Ces accords-cadres faisaient référence à l’indemnité exigible pour l’utilisation des œuvres artistiques.

[17] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC a modifié sa position sur la question du droit d’auteur au moment où Daniel Amadei, alors négociateur en chef du MBAC, a été remplacé.

[18] CARFAC/RAAV soutiennent que le remplacement d’un membre de l’équipe de négociation ne devrait pas entraîner de modification dans la politique de négociation.

[19] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC négocie de mauvaise foi en modifiant radicalement les conditions des négociations quatre ans après leur commencement.

[20] CARFAC/RAAV soutiennent que, dans le secteur des arts visuels, la question la plus importante pour la négociation d’un accord cadre est celle de la fixation de tarifs minimums pour l’utilisation des œuvres.

[21] CARFAC/RAAV soutiennent que la question de l’indemnisation, dont ils traitent dans leur proposition de tarifs minimums pour les droits d’auteur, est un élément central de leur stratégie de négociation, car elle est assimilable à celle du salaire dans d’autres secteurs.

[22] CARFAC/RAAV soutiennent que la fixation des tarifs minimums pour l’utilisation d’œuvres artistiques est une question pouvant légitimement faire partie des négociations sous le régime de la Loi et que la question de la négociation des droits d’auteur est un principe juridique établi.

[23] À l’audience, CARFAC/RAAV ont convoqué deux témoins : Karl Beveridge et Gerald Beaulieu.

[24] Karl Beveridge représente CARFAC en qualité de coprésident du comité de négociation, aux côtés de Pierre Tessier, qui représente le RAAV. Le témoignage de M. Beveridge a porté sur les négociations auxquelles il a participé dès le début entre son organisation et le MBAC.

[25] Gerald Beaulieu est actuellement président national de CARFAC. Son témoignage a porté sur les négociations auxquelles il a pris part depuis l’automne de 2006.

[26] CARFAC/RAAV demandent au Tribunal :

  1. de déclarer que le MBAC n’a pas négocié de bonne foi, contrairement à l’article 32 de la Loi;
  2. d’ordonner au MBAC de négocier de bonne foi et de faire tout en son pouvoir pour conclure un accord-cadre, conformément aux motifs et aux directives du Tribunal, notamment en ce qui concerne les limites à l’intérieur desquelles les parties sont autorisées à négocier sur les questions de droits d’auteur en vue de la conclusion d’un accord-cadre régi par la Loi;
  3. d’inclure dans ses motifs une décision sur le conflit ou le chevauchement perçu entre la Loi et la Loi sur le droit d’auteur en ce qui concerne la négociation des questions de droit d’auteur pour la conclusion d’un accord-cadre;
  4. d’ordonner que les négociations commencent dans les 60 jours suivant la décision du Tribunal et qu’un calendrier des négociations des six prochains mois soit déposé au Tribunal dans les 30 jours suivant la décision;
  5. d’ordonner que les négociations se poursuivent sur une base régulière;
  6. d’ordonner aux parties qu’elles présentent au Tribunal un rapport mensuel sur l’état des négociations;
  7. d’ordonner que le Tribunal reste saisi de l’affaire et d’autoriser les parties à lui adresser, en cas d’urgence, toute question soulevée par les négociations qu’il est en mesure de trancher;
  8. de leur adjuger les dépens, conformément à l’alinéa 17o) de la Loi et aux principes voulant que les dépens soient adjugés aux avocats pro bono.

Aperçu de la position du MBAC

[27] Le MBAC soutient que la Loi n’oblige par les parties à négocier d’indemnités pour l’utilisation des œuvres protégées par le droit d’auteur. Il se fonde en cela sur l’avis juridique donné par Florence Lucas, de Gowlings, le 9 juillet 2007.

[28] Le MBAC soutient que CARFAC/RAAV se fondent uniquement sur la décision TCRPAP 028 pour affirmer que le MBAC est tenu par la Loi de s’entendre sur le montant minimum des droits d’auteur dans le cadre de la négociation d’un accord-cadre.

[29] Le MBAC soutient que rien dans la Loi n’oblige les parties à négocier un accord-cadre portant sur les redevances minimales ou toute autre forme d’indemnité à verser pour l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

[30] Le MBAC soutient que CARFAC/RAAV ne possèdent pas les droits nécessaires pour négocier les modalités et conditions de l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur puisque CARFAC/RAAV n’ont pas reçu de cessions de la part des titulaires du droit d’auteur ou de leur agent dûment autorisé.

[31] Le MBAC soutient que même si CARFAC/RAAV disposaient des droits et répondaient aux conditions nécessaires en ce qui concerne l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur, ils devraient le faire en vertu des dispositions de la Loi sur le droit d’auteur plutôt que de la Loi.

[32] Le MBAC soutient que le refus d’une partie d’inclure une question particulière dans le cadre de la négociation ne constitue pas de la mauvaise foi.

[33] Le MBAC soutient que le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider du contenu d’un accord-cadre. Seules les parties peuvent décider, en toute liberté, de l’objet de l’accord-cadre par la voie de la négociation. Le MBAC ajoute que le Tribunal a énoncé ce principe dans sa décision TCRPAP 028 au paragraphe 58 :

De fait, la Loi ne renferme aucune restriction expresse quant au droit d’une association d’artistes de négocier avec les producteurs toute question touchant au bien-être socio-économique de ses membres. Cela est conforme aux principes généraux du droit du travail canadien, en vertu desquels il a été statué que l’obligation de négocier englobait toute question que les parties consentent à inclure dans leur convention collective.

[34] Le MBAC soutient que la décision TCRPAP 028 n’est pas un précédent pour affirmer que la Loi oblige les parties à négocier les modalités et conditions applicables à l’utilisation des œuvres protégées par le droit d’auteur, car une telle obligation entraînerait des conflits dans l’interprétation et l’application de la Loi et celles de la Loi sur le droit d’auteur.

[35] Le MBAC demande au Tribunal de confirmer que le MBAC n’est pas tenu d’inclure la question des redevances de droits d’auteur ni aucune autre modalité ou condition se rapportant aux œuvres protégées par le droit d’auteur dans l’accord cadre qui est en cours de négociation avec CARFAC/RAAV .

[36] À l’audience, le MBAC a convoqué quatre témoins : Gilles Daigle, avocat chez Gowlings; Karen Colby-Stothart, directrice adjointe, Exposition et installations au MBAC; Marie-Claude Rousseau, chef, Gestion des collections au MBAC et Amal Tadros, adjointe administrative qui a œuvré au sein de divers services du MBAC.

[37] Dans son témoignage, Gilles Daigle a traité de l’exposé qu’il avait donné lors d’une réunion tenue le 30 octobre 2007 au sujet de l’avis juridique.

[38] Le témoignage de Karen Colby-Stothart a porté sur le fonctionnement du MBAC et les négociations auxquelles elle avait pris part depuis qu’elle s’était jointe à l’équipe de négociation du MBAC en mai 2007.

[39] Dans son témoignage, Marie-Claude Rousseau a indiqué qu’elle avait pris part aux négociations pour la première fois en avril 2004; à l’époque, elle était gestionnaire principale de projets et travaillait directement pour Daniel Amadei. Elle a témoigné qu’elle coordonnait les réunions, préparait la documentation nécessaire et apportait, globalement, son soutien relativement au dossier.

[40] Amal Tadros a parlé des notes qu’elle avait prises au cours des séances de négociations tenues les 26 et 27 octobre 2006 à l’époque où elle était l’adjointe administrative de Daniel Amadei.

Aperçu de la position de la SODRAC

[41] La SODRAC soutient qu’elle est cessionnaire des droits d’auteur de certains des artistes représentés par CARFAC/RAAV et que CARFAC/RAAV et la SODRAC ont des opinions divergentes quant à la façon dont il convient d’appliquer la décision TCRPAP 028.

[42] La SODRAC soutient que CARFAC/RAAV ne peuvent, au nom des artistes que la SODRAC représentent, permettre ou interdire, au titre d’un accord-cadre conclu avec le MBAC, l’exercice de droits d’exploitation des œuvres artistiques qui sont prévus dans la Loi sur le droit d’auteur.

[43] La SODRAC soutient que CARFAC/RAAV ne peuvent fixer, au nom de ses artistes membres, des tarifs minimums dans un accord-cadre conclu avec le MBAC en échange de l’octroi de licences sur des œuvres artistiques, ce qui ne peut être fait que par les artistes eux-mêmes.

[44] La SODRAC soutient que les droits minimums fixés pour l’utilisation d’œuvres artistiques ne peuvent comprendre ou modifier les redevances acquittées en vertu d’un contrat de licence négocié par une société de gestion des droits d’auteur.

Questions en litige

[45] La présente affaire soulève les questions suivantes :

  1. La plainte a-t-elle été déposée dans le délai prescrit de six mois prévu au paragraphe 53(2) de la Loi et est-ce que la plainte devrait être rejeté en vertu de l’alinéa 53(3)a) de la Loi puisque la plainte en question est « dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi » ?
  2. La question des droits d’auteur peut-elle valablement faire l’objet de négociations collectives en vue d’être incluse dans un accord-cadre régi par la Loi;
  3. Le MBAC a-t-il manqué à son obligation de négocier de bonne foi en vertu de l’article 32 de la Loi?

QUESTION : La plainte a-t-elle été déposée dans le délai prescrit de six mois prévu au paragraphe 53(2) de la Loi et est-ce que la plainte devrait être rejeté en vertu de l’alinéa 53(3)a) de la Loi puisque la plainte en question est « dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi » ?

Aperçu de la position du MBAC

[46] Le MBAC a demandé au Tribunal de rejeter la plainte pour cause de prescription parce qu’elle n’a pas été déposée dans le délai de six mois prévu au paragraphe 53(2) de la Loi. Le MBAC demande également au Tribunal d’exercer le pouvoir que lui confère l’alinéa 53(3)a) de la Loi en rejetant la plainte sans autre possibilité de présenter des observations puisque la plainte en question est « dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi ».

[47] Le MBAC a soulevé la question de la prescription pour la première fois dans ses conclusions finales, déposées au Tribunal le 9 août 2011.

[48] Le MBAC soutient qu’en octobre 2006, il a envoyé à CARFAC/RAAV le message suivant : [traduction] « [A]ujourd’hui, nous sommes disposés à discuter d’un éventuel barème de tarifs minimums en matière de reproduction, mais sous réserves de notre droit [sic], toute éventuelle inclusion ou non-inclusion de la reproduction, en totalité ou en partie, dans la convention collective ». (Pièce 25)

[49] Le MBAC soutient que, plusieurs mois avant le mois d’octobre 2007, il aurait présenté à CARFAC/RAAV l’avis juridique qui indiquait clairement que la Loi et la Loi sur le droit d’auteur étaient incompatibles et que les droits d’auteur ne devaient pas faire partie d’un accord-cadre.

[50] Le MBAC soutient que si le Tribunal conclut que le MBAC a accepté d’inclure la question des droits d’auteur exigibles dans un accord-cadre et qu’il a agi de mauvaise foi en modifiant sa position comme le laissent entendre CARFAC/RAAV – ce qu’il nie –, il n’a d’autre choix que de déclarer la plainte prescrite, car la déclaration faite par le MBAC en octobre 2006 serait alors le changement de position invoqué par CARFAC/RAAV, et cela, pour le calcul du délai, devrait constituer le point de départ.

[51] Le MBAC soutient également que le dossier montre qu’il a toujours négocié de bonne foi. Le MBAC allègue que la plainte de CARFAC/RAAV est manifestement sans fondement et il affirme que le Tribunal devrait par conséquent exercer le pouvoir que lui confère l’alinéa 53(3)a) de la Loi en la rejetant.

Aperçu de la position de CARFAC/RAAV

[52] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC a soulevé la question du délai pour la première fois dans ses observations finales. Or, il aurait dû invoquer cet argument à l’ouverture de l’audience.

[53] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC n’a tout simplement pas le loisir de soulever la question du délai à la conclusion de l’instance. Selon eux, le fait que cette question soit soulevée maintenant leur cause un préjudice car ils n’ont pas eu la possibilité de présenter des éléments de preuve qui établiraient avec précision le moment où le délai a commencé à courir.

[54] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC ne peut pas invoquer un moyen de défense fondé sur la prescription dans ses conclusions finales et ajoutent que, quoi qu’il en soit, le MBAC n’a présenté la position ferme qu’il avait adoptée qu’en octobre 2007, au moment de la présentation d’un accord entièrement révisé.

[55] CARFAC/RAAV soutiennent qu’ils s’attendaient parfaitement à ce que la réunion d’octobre 2007 comporte une séance de négociations. Lorsqu’ils s’y sont présentés, le MBAC a laissé comprendre très clairement qu’il n’était pas disposé à négocier l’inclusion de questions reliées à l’utilisation d’œuvres artistiques dans l’accord-cadre en raison du contenu de l’avis juridique.

[56] CARFAC/RAAV soutiennent que ce n’est qu’au moment des réunions d’octobre 2007 et après avoir invité Gilles Daigle à expliquer la teneur de l’avis juridique que le MBAC a finalement fait état de la position qu’il entendait défendre fermement, à savoir que l’avis juridique réglait la question de manière définitive.

[57] CARFAC/RAAV soutiennent que, pour ces raisons, il était légitime de déposer la plainte après que le MBAC a présenté sa position le 31 octobre 2007, indiquant par le fait même qu’il n’entendait pas négocier l’inclusion de questions reliées à l’utilisation d’œuvres artistiques dans l’accord-cadre.

[58] CARFAC/RAAV ajoutent que le dossier montre de façon suffisamment convaincante que leur plainte n’est pas sans fondement.

Analyse

[59] L’article 53 de la Loi prévoit ce qui suit :

53. (1) Quiconque peut adresser au Tribunal une plainte reprochant soit à une association d’artistes, à un producteur – ou à une personne agissant pour leur compte – ou à un artiste d’avoir manqué ou contrevenu aux articles 32, 35, 50 et 51, soit à une personne d’avoir contrevenu à l’article 52.

(2) La plainte est à présenter, par écrit, dans les six mois qui suivent la date où le plaignant a eu – ou, selon le Tribunal aurait dû avoir - connaissance des mesures ou des circonstances l’ayant occasionnée.

(3) Le Tribunal instruit la plainte sauf s’il estime :

a) soit qu’elle est dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi;

b) soit qu’elle n’est pas de sa compétence ou que le plaignant pourrait en saisir, aux termes d’un accord-cadre, un arbitre ou un conseil d’arbitrage.

[60] Ainsi, la Loi exige que le plaignant présente sa plainte dans les six mois suivant la date où il a eu – ou aurait dû avoir, de l’avis du Tribunal – connaissance des mesures ou des circonstances l’ayant occasionnée.

[61] CARFAC/RAAV ont déposé leur plainte au Tribunal le 31 mars 2008, dans les six mois qui ont suivi la date à laquelle le MBAC leur a remis une version révisée de l’accord-cadre, soit le 30 octobre 2007.

[62] Afin de déterminer si CARFAC/RAAV ont respecté le délai prévu dans la Loi, le Tribunal examinera des décisions rendues antérieurement par le Conseil canadien des relations du travail [devenu le Conseil canadien des relations industrielles] (le « Conseil »), qui avait arrêté l’interprétation à donner à une disposition semblable du Code canadien du travail, interprétation généralement suivie depuis.

[63] Dans Syndicat uni du transport, section locale 1374 c. Brewster Transport Company Ltd. (1986), 66 di 1, aux pages 30 et 31., le Conseil a écrit ce qui suit :

Étant donné que les plaintes alléguant un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi portent sur une ligne de conduite, le délai de 90 jours pour une plainte concernant la conduite globale ne commence à courir qu’une fois que cette conduite a cessé Étant donné que nous avons jugé que cette conduite n’a pas cessé et a encore cours aujourd'hui, la recevabilité de la plainte n'est pas en question.

[64] Dans Iberia, Lignes aériennes d’Espagne (1990) 80 di 165, à la page 7, le Conseil déclarait :

La nature de l’obligation de négocier de bonne foi détermine le mode de calcul du délai pour déposer une plainte auprès du Conseil. Ainsi l’obligation de négocier de bonne foi étant continue, c’est à dire ininterrompue à compter du moment où l’avis de négocier a été donné à l’autre partie, il s’ensuit que la partie alléguant violation de cette obligation peut adresser une plainte au Conseil à n’importe quel moment pendant la durée du processus de négociation collective.

[65] Le Tribunal avait déjà examiné ces décisions dans le cadre d’une décision antérieure. Dans sa décision TCRPAP 040, le Tribunal avait déclaré :

[49] D’une part, il est clair qu’une partie peut déposer une plainte alléguant le défaut de négocier de bonne foi à n’importe quel moment dans le processus de négociation si elle croit que les circonstances le justifient. Il n’est pas nécessaire d’attendre que les parties en soient à l’impasse. D’autre part, une partie alléguant la mauvaise foi d’une autre peut également déposer une plainte même après que les comportements reprochés ont cessé.

[50] L’obligation de négocier de bonne foi est une obligation qui est continue et un manquement à cette obligation se rapporte habituellement à une conduite globale et pas nécessairement à un événement en particulier. Par conséquent, l’approche adoptée dans l’affaire Brewster Transport, précitée, pour faire le calcul du délai nous semble appropriée. Le délai de six mois sera donc comptabilisé à partir du moment où la conduite reprochée a cessé.

Conclusion

[66] En ce qui concerne la demande du MBAC de rejeter la plainte pour cause de prescription parce qu’elle n’a pas été déposée dans le délai de six mois prévu au paragraphe 53(2) de la Loi, compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte datée du 31 mars 2008 a été présentée dans le délai de six mois tel que l’exige le paragraphe 53(2) de la Loi.

[67] Le Tribunal rejette également la demande du MBAC de rejeter la plainte au motif qu’elle est dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi suivant le paragraphe 53(3) de la Loi. La preuve présentée démontre une base suffisante pour que le Tribunal instruise la plainte.

QUESTION : La question des droits d’auteur peut-elle valablement faire l’objet de négociations collectives en vue d’être incluse dans un accord-cadre régi par la Loi?

Aperçu de la position de CARFAC/RAAV

[68] CARFAC/RAAV soutiennent que la question de la négociation des droits d’auteur est bien établie en droit et qu’il n’existe pas de conflit entre la Loi et la Loi sur le droit d’auteur.

[69] CARFAC/RAAV soutiennent que les associations d’artistes accréditées sous le régime de la Loi sont des organisations démocratiques. En définitive, ce sont les membres qui décident de confier ou non à leur association le mandat de négocier des questions se rapportant au droit d’auteur; le choix leur appartient.

[70] CARFAC/RAAV soutiennent aussi que, s’agissant de la situation où les membres d’une association d’artistes décident de lui confier le mandat d’inclure dans un accord-cadre la question des droits d’auteur qu’ils détiennent sur des œuvres existantes, le Tribunal dans sa décision TCRPAP 028 a déjà donné les précisions suivantes au paragraphe 64 :

L’activité de négociation collective ne fait pas de l’association d’artistes le mandataire de l’artiste aux fins de céder le droit d’auteur sur ces œuvres ou d’octroyer des licences à leur égard, mais elle lui permet simplement d’établir les conditions minimales devant s’appliquer si un artiste décide de céder un droit d’auteur particulier à un producteur partie à l’accord-cadre ou de lui accorder une licence à son égard.

[71] CARFAC/RAAV soutiennent que la question de l’indemnisation, dont ils traitent dans leur proposition de tarifs minimums pour les droits d’auteur, est un élément central de leur stratégie de négociation, car elle est assimilable à celle du salaire dans d’autres secteurs.

[72] Dans son témoignage, M. Beveridge a expliqué que le barème d’indemnisation de CARFAC existe depuis 1968 et qu’essentiellement, CARFAC a toujours recommandé que ce montant minimum soit versé à l’artiste tout en reconnaissant le droit de ce dernier de négocier, en tout temps, un taux plus élevé. Le barème est devenu un standard dans l’industrie.

[73] M. Beveridge a aussi expliqué que l’importance pour CARFAC/RAAV d’inclure des tarifs minimums dans un accord-cadre tenait à deux raisons. La première a trait au revenu qu’un artiste reçoit : les droits d’exposition temporaire mais aussi les droits de reproduction peuvent représenter une part importante de son revenu. La deuxième raison est que CARFAC est associé à la question des indemnités par son barème d’indemnisation. Ce barème d’indemnisation est une composante importante de l’identité de CARFAC et de sa raison d’être. Essentiellement le barème d’indemnisation est perçu comme faisant partie du mandat de CARFAC, parce que ses membres lui ont confié le mandat de négocier ces indemnités; parce que les membres ratifient chaque année le barème des indemnités lors de l’assemblée générale annuelle, cette question est au cœur de l’identité et de l’action de CARFAC.

Aperçu de la position du MBAC

[74] Le MBAC soutient que les tarifs minimums qui doivent être versées pour l’exposition et la reproduction d’œuvres protégées par des droits d’auteur détenus ou administrés par d’autres parties que CARFAC/RAAV ne peuvent valablement faire l’objet de négociations entre les parties.

[75] Le MBAC soutient que CARFAC/RAAV n’ont pas les droits requis pour négocier les droits d’auteur. Aucun intérêt ne peut être valablement cédé ou octroyé dans un droit d’auteur à moins que la cession ou l’octroi ne soit constaté par écrit et signé par le titulaire du droit d’auteur ou son représentant dûment autorisé.

[76] Le MBAC soutient qu’en négociant des tarifs minimums, CARFAC/RAAV portent illégalement atteinte à la propriété de tiers.

[77] Le MBAC soutient que la Commission du droit d’auteur est le tribunal qui convient pour débattre de la question du montant des droits d’auteur compte tenu de la compétence exclusive que lui confère la Loi sur le droit d’auteur de fixer les redevances qui tiennent lieu d’indemnisation pour l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

[78] Le MBAC soutient que les droit d’auteurs sont de la propriété privée et que ce droit confère au propriétaire le droit exclusif de vendre son bien pour un prix aussi élevé ou aussi bas qu’il voudrait. Le propriétaire pourrait même en faire don.

[79] Le MBAC soutient qu’il n’est pas tenu par la Loi d’inclure des tarifs minimums pour l’utilisation d’œuvres protégés par le droit d’auteur dans l’accord-cadre; par conséquent, il avait le loisir d’accepter ou de rejeter les revendications de CARFAC/RAAV pour l’inclusion de dispositions relatives au droit d’auteur dans l’accord-cadre.

Aperçu de la position de la SODRAC

[80] La SODRAC soutient que le Tribunal s’est toujours prononcé sur la question de l’interaction entre la Loi et la Loi sur le droit d’auteur à l’étape de l’accréditation et qu’il n’en a jamais traité au moment où des parties négociaient un accord-cadre.

[81] La SODRAC soutient que le Tribunal a toujours reconnu qu’il pouvait exister un conflit entre les deux lois mais que ce conflit ne se matérialiserait qu’au moment de négocier un accord-cadre. Par conséquent, il aurait été prématuré de se prononcer à ce sujet au stade de l’accréditation. La SODRAC cite la décision TCRPAP 001 :

[22] Selon le Tribunal, il n’y a pas nécessairement conflit entre les dispositions de la Loi sur le statut de l’artiste et celles de la Loi sur le droit d’auteur. Toutefois, le Tribunal reconnaît que, dans le contexte de la négociation collective qui sera menée ultérieurement entre l’association d’artistes et les producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l’artiste, il existe une possibilité de conflit entre les conditions de l’accord-cadre et les tarifs établis par la société de gestion collective du droit d’auteur. Si ce conflit se matérialisait, les intérêts de la SODRAC pourraient être touchés.

[23] Cependant, ce conflit potentiel ne s’est pas encore matérialisé. Par conséquent, dans le contexte de l’affaire dont il est saisi, à savoir la demande d’accréditation présentée par l’UNEQ, le Tribunal se propose d’examiner seulement les questions qui sont liées à la demande. Le Tribunal refuse donc pour l’instant de faire les déclarations réclamées par la SODRAC.

[82] La SODRAC soutient que le Tribunal s’est également penché sur cette question dans la décision TCRPAP 005 :

[40] Donc, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il est approprié, pour l’instant, de définir ou de limiter les droits exclusifs qui sont accordés en vertu de la définition d’un secteur de négociation selon la Loi sur le statut de l’artiste. Comme nous l’affirmions dans notre décision partielle no 001, rendue le 8 décembre 1995, «il n’y a pas nécessairement conflit entre les dispositions de la Loi sur le statut de l’artiste et celles de la Loi sur le droit d’auteur». Nous sommes convaincus que, si une association d’artistes essaie de s’approprier, sans l’autorisation voulue, des droits détenus exclusivement par une société mandatée par la Commission du droit d’auteur, une telle transgression serait portée à l’attention du Tribunal au moyen d’une plainte.

[83] La SODRAC soutient que la décision TCRPAP 005 ne laisse planer aucun doute sur le fait que l’accréditation ne peut constituer l’autorisation voulue par la Loi sur le droit d’auteur.

[84] La SODRAC soutient que le Tribunal a réitéré ces propos dans la décision TCRPAP 028 en mentionnant expressément que l’autorisation de gérer le droit d’auteur n’était pas conférée à l’association d’artistes par l’accréditation mais devait émaner de l’artiste conformément à la Loi sur le droit d’auteur.

[56] Toutefois, le Tribunal est d’accord avec la prétention du PCH et de TPSGC selon laquelle l’intention du législateur, lorsqu’il a adopté la Loi sur le statut de l’artiste, n’était pas de remplacer ou de modifier la Loi sur le droit d’auteur, et avec leur point de vue selon lequel seuls les artistes devraient avoir le droit de décider comment leurs œuvres devraient être utilisées ou exploitées. Il est indubitable que le régime mis en place par la Loi sur le droit d’auteur continue d’être le seul moyen pratique permettant aux artistes de protéger leurs droits d’auteur à travers le monde et à l’égard des utilisateurs non assujettis à la Loi sur le statut de l’artiste.

(…)

[64] Dans certains secteurs, les membres d’une association d’artistes peuvent décider qu’il convient que celle-ci tente de faire inclure dans un accord-cadre des dispositions relatives au droit d’auteur sur leurs œuvres préexistantes. L’activité de négociation collective ne fait pas de l’association d’artistes le mandataire de l’artiste aux fins de céder le droit d’auteur sur ces œuvres ou d’octroyer des licences à leur égard, mais elle lui permet simplement d’établir les conditions minimales devant s’appliquer si un artiste décide de céder un droit d’auteur particulier à un producteur partie à l’accord-cadre ou de lui accorder une licence à son égard. Dans l’exemple ci-dessus, si l’artiste a déjà confié l’administration de ses droits d’auteur à une société de gestion collective, il enjoindra au producteur de faire affaire avec celle-ci. Sinon, l’artiste peut engager des négociations individuelles avec le producteur, les conditions prévues dans l’accord-cadre servant alors de seuil pour les négociations.

[85] La SODRAC soutient que dans sa jurisprudence antérieure, le Tribunal n’a pas reconnu le droit d’une association d’artistes de négocier des conditions minimales obligatoires pour l’utilisation des œuvres des artistes. Le Tribunal a déterminé au contraire que l’accréditation en soi ne conférait pas une telle autorisation de négocier, mais ouvrait la possibilité de le faire, dans le respect de la Loi sur le droit d’auteur et notamment de ses dispositions sur la gestion collective du droit d’auteur.

[86] La SODRAC fait valoir que si le Tribunal choisit d’émettre des directives concernant l’objet de la négociation entre le MBAC et CARFAC/RAAV, le Tribunal devrait énoncer que cet objet exclut la gestion du droit d’auteur en relation avec les œuvres des membres de la SODRAC, selon la définition de ces termes dans la Loi sur le droit d’auteur.

Analyse

[87] Dans la décision TCRPAP 028, le Tribunal a déclaré que l’intention du législateur, lorsqu’il a adopté la Loi, n’était pas de remplacer ou de modifier la Loi sur le droit d’auteur. Nul ne conteste le fait que seuls les artistes devraient avoir le droit de décider de la façon dont leurs œuvres devraient être utilisées ou exploitées. Il ne fait aucun doute que le régime mis en place par la Loi sur le droit d’auteur continue d’être le seul moyen pratique permettant aux artistes de protéger leurs droits d’auteur à travers le monde et à l’égard des utilisateurs non assujettis à la Loi.

[88] Depuis l’entrée en vigueur de la Loi en 1995, on s’est intéressé de près à la relation entre celle-ci et la Loi sur le droit d’auteur. Dans ses décisions antérieures, le Tribunal a eu maintes fois l’occasion d’examiner les interrelations entre ces deux textes et d’émettre des commentaires à ce sujet. Il a toujours jugé qu’il s’agissait là d’une relation de complémentarité. Dans la décision TCRPAP 028, le Tribunal a déclaré ce qui suit :

[57] Le Tribunal est d’avis que l’objectif visé avec la Loi sur le statut de l’artiste était de compléter le régime prévu dans la Loi sur le droit d’auteur. Elle le fait en offrant aux artistes un mécanisme d’indemnisation additionnel pour l’utilisation de leurs œuvres, favorisant ainsi leur liberté de choix quant à la manière d’exploiter le fruit de leur talent créatif.

[58] La Loi doit recevoir une interprétation permettant de réaliser l’objectif visé par le législateur d’améliorer la situation socio-économique des artistes au Canada. La Loi confère aux associations d’artistes accréditées le mandat d’œuvrer au bien-être socio-économique des artistes. Par conséquent, toute exclusion du régime de négociation collective que le législateur a prévu pour les artistes indépendants devrait être clairement stipulée dans la Loi. Or, le législateur n’a pas expressément exclu de la portée des négociations collectives les questions se rapportant au droit d’auteur. De fait, la Loi ne renferme aucune restriction expresse quant au droit d’une association d’artistes de négocier avec les producteurs toute question touchant au bien-être socio-économique de ses membres. Cela est conforme aux principes généraux du droit du travail canadien, en vertu desquels il a été statué que l’obligation de négocier englobait toute question que les parties consentent à inclure dans leur convention collective.

[59] Le droit d’auteur est souvent désigné comme un «ensemble de droits». Il met en cause un intérêt dans un type particulier de propriété (l’œuvre elle-même). Il se peut, par exemple, qu’une personne soit propriétaire d’une œuvre d’art alors qu’une autre détient le droit d’auteur sur celle-ci. Le droit d’auteur constitue un intérêt à la fois moral et économique; de fait, le droit d’auteur est le principal droit socio-économique des créateurs d’œuvres artistiques, dramatiques, littéraires et musicales. Par conséquent, en toute déférence pour notre collègue de la Commission du droit d’auteur, le Tribunal est d’avis que le droit d’auteur n’est pas simplement un bien.

[60] Dans le passé, les artistes indépendants disposaient de deux possibilités en ce qui concerne leur droit d’auteur : l’autogestion ou la gestion collective, par l’entremise d’une société de gestion collective œuvrant dans le cadre du régime établi par la Loi sur le droit d’auteur. Les artistes qui décident de gérer eux-mêmes leurs droits en conservent l’entier contrôle : ils décident qui sera autorisé à utiliser leurs œuvres et selon quels honoraires. Pour tirer profit du régime prévu par la Loi sur le droit d’auteur, des artistes cèdent leur droit d’auteur à une société de gestion collective, cédant ainsi le contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres et la possibilité de négocier des honoraires individuels. La société de gestion collective gère le droit d’auteur pour le compte de l’artiste, fixe le tarif pour l’utilisation des œuvres dans son répertoire et perçoit les honoraires et les verse à l’artiste.

[61] L’adoption de la Loi sur le statut de l’artiste a permis à certains artistes de disposer d’un autre choix. La Loi autorise les associations d’artistes à négocier avec des producteurs relevant de la compétence fédérale, en vue de conclure des accords-cadres établissant les conditions minimales pour les prestations de services des artistes et des questions connexes. Selon le Tribunal, le droit d’utiliser une œuvre existante constitue un service que l’artiste détenant le droit d’auteur sur cette œuvre peut fournir à un producteur, et défendre les intérêts des artistes au regard de ce droit socio-économique fondamental constitue une activité appropriée pour une association d’artistes. À titre d’exemple, l’association d’artistes peut tenter de négocier avec un producteur des dispositions relatives aux honoraires minimaux devant être offerts à un artiste du secteur pour l’utilisation d’une de ses œuvres dans un nouveau médium ou en vue de son adaptation.

[62] En vertu du régime prévu par la Loi sur le statut de l’artiste, l’artiste conserve le pouvoir de décider s’il désire ou non accepter une commande d’un producteur ou permettre à un producteur particulier d’utiliser une de ses œuvres. L’artiste demeure libre de négocier des contrats individuels dont les conditions sont plus favorables que les conditions minimales, tandis qu’aucun producteur ne peut offrir des conditions moins favorables que celles énoncées dans l’accord-cadre que le producteur et l’association d’artistes ont conclu. L’artiste reçoit directement du producteur pour l’utilisation de ses œuvres soit la rémunération prévue dans l’accord-cadre, soit la rémunération plus élevée qu’il a été en mesure de négocier. Pour obtenir l’exécution du droit au paiement en vertu de l’accord-cadre, l’artiste peut recourir à la procédure de règlement des différends prévu dans l’accord ainsi qu’aux ressources dont dispose l’association d’artistes accréditée.

[63] Les associations d’artistes sont des organisations démocratiques. Le paragraphe 23(1) de la Loi prévoit que le Tribunal doit s’assurer, avant qu’une association d’artistes ne puisse être accréditée pour représenter un secteur particulier, que l’association a pris des règlements qui, entre autres, habilitent ses membres actifs à participer à ses assemblées, à y voter et à se prononcer par scrutin sur la ratification de tout accord-cadre les visant. Ce sont les membres d’une association qui décident des questions qu’ils désirent faire négocier par celle-ci en leur nom. Dans les secteurs où les sociétés de gestion collective fonctionnent de manière efficace, les membres peuvent très bien décider de ne pas confier à leur association le mandat de négocier les questions liées au droit d’auteur. C’est aux membres qu’il revient de faire un tel choix.

[64] Dans certains secteurs, les membres d’une association d’artistes peuvent décider qu’il convient que celle-ci tente de faire inclure dans un accord-cadre des dispositions relatives au droit d’auteur sur leurs œuvres préexistantes. L’activité de négociation collective ne fait pas de l’association d’artistes le mandataire de l’artiste aux fins de céder le droit d’auteur sur ces œuvres ou d’octroyer des licences à leur égard, mais elle lui permet simplement d’établir les conditions minimales devant s’appliquer si un artiste décide de céder un droit d’auteur particulier à un producteur partie à l’accord-cadre ou de lui accorder une licence à son égard. Dans l’exemple ci-dessus, si l’artiste a déjà confié l’administration de ses droits d’auteur à une société de gestion collective, il enjoindra au producteur de faire affaire avec celle-ci. Sinon, l’artiste peut engager des négociations individuelles avec le producteur, les conditions prévues dans l’accord-cadre servant alors de seuil pour les négociations.

[89] Dans la décision TCRPAP 047 le Tribunal a réitéré la position qu’il avait exprimée dans sa décision TCRPAP 028 en déclarant qu’il ne voyait aucune raison de la modifier.

[90] La Loi, adoptée par le Parlement en 1992, s’inscrit dans une démarche de reconnaissance de la contribution des artistes à l’enrichissement social, culturel, économique et politique du pays. La Loi reconnaît que le dynamisme de la culture et du patrimoine canadiens passe par des relations professionnelles constructives dans le domaine des arts et de la culture.

[91] L’article 7 de la Loi prévoit ce qui suit :

  1. La présente partie a pour objet l’établissement et la mise en œuvre d’un régime de relations de travail entre producteurs et artistes qui, dans le cadre de leur libre exercice du droit d’association, reconnaît l’importance de la contribution respective des uns et des autres à la vie culturelle canadienne et assure la protection de leurs droits.

[92] La partie II de la Loi établit un cadre pour la négociation collective. En établissant ainsi le cadre législatif des négociations collectives entre artistes et producteurs, elle confère au Tribunal le mandat de tenir compte des principes du droit du travail dans le secteur de l’industrie culturelle.

[93] Dans sa décision TCRPAP 028, le Tribunal a énoncé qu’en vertu du régime prévu par la Loi, une fois un accord-cadre en place, l’artiste demeure libre de négocier des contrats individuels dont les conditions sont plus favorables que les conditions minimales, tandis qu’aucun producteur ne peut offrir des conditions moins favorables que celles énoncées dans l’accord-cadre que le producteur et l’association d’artistes ont conclu.

[94] Le Tribunal a aussi énoncé que l’association d’artistes ne se livre pas à la perception et à la répartition des redevances pour le compte de l’artiste.

[95] Lors de son témoignage, Karl Beveridge, a expliqué que ce que CARFAC/RAAV négociaient avec le MBAC portaient sur une convention collective qui énoncerait les conditions générales de la relation entre CARFAC/RAAV et le MBAC, notamment sur des aspects tels que le règlement des différends, la politique en matière de harcèlement et la sécurité, et des tarifs minimums. M. Beveridge a précisé que les contrats examinés formaient une série d’annexes à la convention collective et qu’il s’agissait des contrats qui seraient réellement signés par l’artiste et qui décriraient les œuvres qu’un artiste exposerait et les taux qui lui seraient versés.

[96] M. Beveridge a ajouté qu’il était important de comprendre que les tarifs qu’ils négociaient étaient des tarifs minimums. L’artiste dans son contrat pouvait négocier des droits plus élevés. L’artiste, son mandataire ou la société de gestion le représentant pouvait négocier les conditions économiques du contrat du fait que l’artiste ne signait pas une convention collective : il signait un contrat décrivant l’œuvre visée et précisant les modalités et conditions d’utilisation de l’œuvre et les indemnités réellement versées.

Conclusion

[97] Depuis sa création en 1995, le Tribunal a défini 26 secteurs d’activité artistique et accrédité 24 associations d’artistes pour les représenter. Une fois accréditée en vertu de l’article 28 de la Loi, l’association d’artistes obtient le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur en cause et notamment, de négocier des accords-cadres avec les producteurs au nom des artistes mentionnés dans l’ordonnance d’accréditation le visant. Le caractère exclusif du droit conféré par la Loi vise à prévenir les chevauchements entre secteurs de façon à ce qu’une seule association d’artistes puisse négocier au nom des artistes dont il est fait mention dans l’ordonnance d’accréditation. Le Tribunal est tenu de prévenir les chevauchements entre secteurs accrédités en excluant de la définition des nouveaux secteurs ceux qu’il a déjà définis.

[98] Depuis le commencement du régime d’accréditation, les associations d’artistes accréditées ont conclu près de 180 accords-cadres avec des producteurs, y compris les institutions fédérales et les entreprises de radiodiffusion.

[99] Bon nombre d’accords-cadres négociés sous le régime de la Loi renferment des dispositions relatives au droit d’auteur. L’inclusion de ces questions dans les accords-cadres est devenue la norme dans le secteur culturel. Il est plutôt inhabituel qu’un accord-cadre entre une association d’artistes et un producteur ne prévoie rien en ce qui a trait à l’utilisation d’œuvres artistiques. De l’avis du Tribunal, il serait incompatible avec le but de la Loi qu’un accord-cadre conclut en vertu d’une loi régissant les relations professionnelles entre artistes et producteurs ne puisse comporter de dispositions relatives aux droits d’auteur.

[100] Dans sa décision TCRPAP 028, le Tribunal a conclu que la Loi prévoyait une troisième solution aux artistes pour obtenir une indemnisation pour l’utilisation de leurs œuvres, une position qu’il a confirmée par la suite dans sa décision TCRPAP 047.

[64] L’activité de négociation collective ne fait pas de l’association d’artistes le mandataire de l’artiste aux fins de céder le droit d’auteur sur ces œuvres ou d’octroyer des licences à leur égard, mais elle lui permet simplement d’établir les conditions minimales devant s’appliquer si un artiste décide de céder un droit d’auteur particulier à un producteur partie à l’accord-cadre ou de lui accorder une licence à son égard. Dans l’exemple ci-dessus, si l’artiste a déjà confié l’administration de ses droits d’auteur à une société de gestion collective, il enjoindra au producteur de faire affaire avec celle-ci. Sinon, l’artiste peut engager des négociations individuelles avec le producteur, les conditions prévues dans l’accord-cadre servant alors de seuil pour les négociations.

[101] Les associations d’artistes et les sociétés de gestion collective du droit d’auteur sont deux entités distinctes. Les associations d’artistes et les sociétés de gestion collective du droit d’auteur concluent régulièrement des ententes sur la façon dont les choses se feront dans leur secteur particulier. Lorsqu’il existe des sociétés de gestion collective, des protocoles d’entente sont conclus entre ces dernières et l’association d’artistes afin de préciser comment ils conçoivent leurs rôles respectifs2.

[102] En matière d’interprétation des lois, la cohérence législative est présumée. On suppose que les lois sont conçues pour s’appliquer de façon harmonieuse. Ce principe est formulé par Ruth Sullivan dans son traité sur l’interprétation des lois, Sullivan on the Construction of Statutes, 5th ed. Lexis Nexis, à la page 223 :

[Traduction] Il existe une présomption selon laquelle les dispositions législatives sont conçues pour s’appliquer de façon harmonieuse, tant sur le plan logique que téléologique, comme les diverses parties d’un ensemble fonctionnel. Ces parties sont présumées s’insérer logiquement les unes dans les autres pour former un cadre rationnel, intrinsèquement cohérent; et parce que ce cadre a une finalité, on présume également que les parties travaillent ensemble, de façon dynamique, chacune apportant sa contribution à la réalisation du but recherché. Cette présomption constitue le fondement de l’analyse des régimes législatifs, laquelle est, bien souvent, la forme d’analyse la plus convaincante.

[103] Le Tribunal confirme une fois de plus les principes dégagés dans la décision TCRPAP 028 et réitérés dans la décision TCRPAP 047 que l’objectif de la Loi était de compléter le régime prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Elle le fait en offrant aux artistes un mécanisme d’indemnisation additionnelle pour l’utilisation de leurs œuvres, favorisant ainsi leur liberté de choix quant à la manière d’exploiter le fruit de leur talent créatif. Le Tribunal est d’avis que le droit d’utiliser une œuvre existante constitue un service que l’artiste détenant le droit d’auteur sur cette œuvre peut fournir à un producteur. Le Tribunal est également d’avis que représenter les intérêts des artistes au regard de ce droit socio-économique fondamental constitue une activité qui est appropriée pour une association d’artistes reconnue en vertu de la Loi.

[104] De l’avis du Tribunal, une association d’artistes peut négocier et conclure un accord cadre prévoyant les conditions minimales pour l’utilisation des œuvres, dans la mesure où aucune société de gestion collective du droit d’auteur n’est liée par l’accord et où ce dernier n’empiète pas sur les droits qui sont conférés par un artiste à une société de gestion collective et qui sont exercés en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, soit, en l’occurrence, la SODRAC, à moins que la société de gestion collective et l’association d’artistes n’aient conclu une entente à cet égard.

[105] Il n’appartient pas au Tribunal de circonscrire avec précision ce qui peut faire l’objet de négociations entre les parties.

[106] Le Tribunal est d’avis que les artistes devraient pouvoir choisir comment régler la question des droits sur leurs œuvres, que ce soit en recourant à des mandataires, à des sociétés de gestion collective ou à des accords-cadres ou en combinant plusieurs de ces mécanismes.

QUESTION : Le MBAC a-t-il manqué à son obligation de négocier de bonne foi en vertu de l’article 32 de la Loi?

Aperçu de la position de NGCCARFAC/RAAV

[107] CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC a manqué à son obligation de négocier de bonne foi en vertu de l’article 32 de la Loi en modifiant sa position sans motif valable en 2007 de tel sorte que le MBAC n’avait pas à négocier les conditions minimales d’utilisations des œuvres, en s’abstenant de prendre part à des discussions rationnelles et éclairées au sujet des conditions minimales pour l’utilisation des œuvres après 2007 et en créant une impasse.

[108] CARFAC/RAAV soutiennent que la position adoptée par le MBAC en octobre 2007, de ne pas être tenu de négocier la question du droit d’auteur ne s’appuyait sur rien d’autre que l’avis juridique. Après octobre 2007, il n’y a jamais eu de signe, à quelque moment que ce soit, que le MBAC fût disposé à modifier sa position. Selon CARFAC/RAAV, le MBAC n’a jamais cherché à discuter pour savoir si cet avis juridique était correct ou s’il existait quelque autre moyen de répondre aux préoccupations qu’ils avaient. Le MBAC a présenté l’avis juridique comme s’il s’agissait d’un fait sur lequel il n’y avait plus à revenir et il a refusé de poursuivre les négociations à ce sujet. Dans une lettre datée du 29 janvier 2008, le MBAC a réitéré sa position en affirmant que [traduction] « nous avons les mains liées » à propos des négociations se rapportant au droit d’auteur. (Exposé conjoint des faits, Annexe 44).

[109] CARFAC/RAAV soutiennent que, s’il est vrai que le MBAC était libre de présenter n’importe quelle proposition qu’il jugeait indiquée au cours des négociations, il n’avait pas le droit d’orienter une proposition vers l’impasse. CARFAC/RAAV invoquent un principe communément accepté par les tribunaux administratifs en droit du travail, selon lequel, [traduction] « [p]rise dans cette acception, l’impasse désigne la situation où une partie reste campée sur sa position sans laisser entrevoir de réelle possibilité de changement, entraînant ainsi l’autre partie dans un conflit industriel »3. À cet égard, CARFAC/RAAV sont d’avis qu’une partie fera preuve de mauvaise foi si, après avoir négocié jusqu’à l’impasse, elle apporte unilatéralement à sa position des modifications qui ne sont pas raisonnablement comprises dans les propositions qu’elle a présentées avant l’impasse. Ils prétendent que c’est ce qu’a fait le MBAC.

Aperçu de la position du MBAC

[110] Le MBAC soutient que les parties ne se trouvaient pas dans une impasse et qu’il n’a pas modifié sa position.

[111] Le MBAC soutient que la plainte est prématurée puisque les parties n’avaient pas encore discuté de certains points et qu’il continuait de demander à CARFAC/RAAV de revenir à la table des négociations.

[112] Le MBAC soutient qu’il ne s’est jamais engagé à inclure la question des droits d’auteur dans l’accord-cadre. Par conséquent, le MBAC prétend que même s’il avait modifié sa position, ce qu’il nie, une telle conduite ne devrait pas être considérée comme de la mauvaise foi.

[113] Le MBAC soutient avoir toujours eu la ferme volonté de conclure un accord-cadre. Il ajoute qu’il n’a jamais refusé de rencontrer CARFAC/RAAV ni de discuter de toute proposition, y compris celles se rapportant aux questions de droit d’auteur. Cependant, il prétend avoir décidé d’écarter certaines des revendications de CARFAC/RAAV parce qu’il croyait que ces revendications lui causeraient des difficultés financières, administratives et juridiques.

[114] Le MBAC soutient qu’il était disposé à poursuivre les discussions et à chercher et trouver une solution de rechange acceptable pour les deux parties. Le MBAC prétend que son refus de discuter n’était en fait qu’une simple étape dans un processus dynamique.

Analyse

[115] Les dispositions applicables de la Loi se trouvent à son article 32 :

  1. Une fois l’avis de négociation donné, les règles suivantes s’appliquent :

a) sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai dont ils sont convenus, l’association d’artistes et le producteur doivent se rencontrer et entamer des négociations de bonne foi, ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom, et faire tout effort raisonnable pour conclure un accord-cadre;

b) le producteur ne peut modifier, sans le consentement de l’association d’artistes, ni la rémunération ou les conditions de travail prévues à un accord-cadre, ni les droits ou avantages conférés aux artistes ou à l’association par celui-ci, tant que les conditions fixées à l’article 46 pour l’exercice de moyens de pression ne sont pas réalisées.

[116] L’article 32 de la Loi vise à préserver l’équilibre des rapports de force au cours des négociations en faisant en sorte qu’une partie ne puisse abuser de l’autre partie en employant des tactiques contraires aux normes acceptables en matière de négociation collective. Dans un livre intitulé Canadian Labour Law, 2nd ed. (Aurora : Canada Law Book Inc., 1995) pages 10-92 à 10-93, George W. Adams, ancien juge de la Cour de l’Ontario (Division générale) et ancien président de la Commission des relations de travail de l’Ontario, explique l’objet poursuivi par les lois régissant les négociations collectives et par l’obligation de négocier de bonne foi :

[Traduction] Les lois régissant les négociations collectives ont pour but d’amener les parties à la table des négociations pour y présenter leurs propositions, exposer les arguments qui les sous-tendent et chercher un terrain d’entente pouvant servir de base à une convention collective. Indépendamment de la façon dont elle est formulée, l’obligation de négocier a été façonnée, au fil du temps, par les conseils des relations du travail afin d’interdire certains actes, c’est-à dire les déclarations trompeuses, et parfois, de censurer en entier la position de négociation d’une partie lorsque, « eu égard à l’ensemble des circonstances », le conseil des relations du travail estime que le véritable objectif de cette partie est d’éviter les négociations collectives. Malgré cela, la philosophie sur laquelle repose l’obligation englobe également le principe de la « liberté contractuelle », qui veut que les parties soient les mieux à même de définir le contenu de leur accord et qu’à défaut de s’entendre, elles peuvent l’une et l’autre recourir à des sanctions économiques.

[117] George W. Adams traite également de l’effet d’un changement de position sur l’obligation de négocier de bonne foi dans le livre cité ci-haut à la page 10.1540 :

[Traduction] Dans certaines circonstances, un changement de position soudain et inexpliqué peut représenter un manquement à l’obligation de négocier. L’acte en cause constituera de la mauvaise foi s’il est perçu par le conseil des relations de travail comme une tentative d’éviter la conclusion d’une convention collective. Généralement, on ne présumera pas que le fait de revenir sur une offre ou de présenter de nouvelles revendications constitue de la mauvaise foi. Cela dépendra de l’état particulier des relations entre les parties au moment où survient le changement de position. […] Les conseils des relations du travail ont pris bonne note d’une réalité, à savoir que la situation servant de toile de fond aux négociations évolue et qu’un changement de circonstances peut exiger un changement de position.

[118] Les deux parties ont cité plusieurs décisions rendues par des conseils des relations de travail au sujet de l’obligation de négocier de bonne foi, décisions auxquelles le Tribunal s’est référées en plus de sa propre jurisprudence. Dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, 2008 CRTFP 100, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a résumé comme suit l’obligation de négocier de bonne foi :

34. Le principe sous-jacent de l’obligation de négocier de bonne foi prescrit de favoriser un processus de négociation collective solide et efficace. L’obligation en la matière a été définie en ce qu’elle a trait à la façon dont les parties se conduisent au cours du processus de négociation. Elles doivent engager des discussions sérieuses, ouvertes et rationnelles dans le but sincère de conclure une convention collective. Cette obligation laisse entendre que les parties doivent se comporter d’une manière propice à un échange complet de points de vue.

35. Dans CKLW Radio Broadcasting Limited, le Conseil canadien des relations du travail a cité l’extrait suivant de Canadian Industries Limited, [1976] O.L.R.B. Rep. 199, qui offre une description utile de l’obligation de négocier de bonne foi :

[Traduction]

[…] Le Conseil a fait savoir clairement que la façon dont les négociations sont menées, et non le contenu des propositions présentées à la table de négociation, détermine la satisfaction de l’obligation de négocier de bonne foi […]
[…]
La conduite des négociations est évaluée en fonction non seulement de la reconnaissance réciproque, mais aussi de la qualité des discussions. Le dernier facteur mentionné s’applique quelque peu plus largement, et il s’étend aux situations dans lesquelles peut exister l’objectif commun de conclure une convention collective, mais sans qu’il y ait quelque volonté de discuter de la façon de parvenir à cet objectif.

37. La Commission doit évaluer avec circonspection une plainte pour négociation de mauvaise foi. Elle n’est pas un tribunal qui dénoue les impasses de la négociation ou module l’équilibre des pouvoirs entre les parties. Elle doit se garder de s’immiscer excessivement dans le processus de négociation ou de saper la liberté des parties de négocier et de définir des tactiques de négociation. En règle générale, la Commission ne doit pas apprécier le caractère raisonnable des positions prises par les parties. Toutefois, elle ne doit pas hésiter à intervenir lorsqu’elle juge que le comportement d’une partie révèle sa mauvaise foi ou empêche des discussions averties et rationnelles. En outre, la Commission doit évaluer les positions prises par une partie lorsqu’elles sont présumées illégales, contraires à la politique ou perturbatrices, par ailleurs, du processus de négociation et de la capacité décisionnelle de l’autre partie.

[119] Dans l’arrêt Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail) [1996] 1 R.C.S. 369, au paragraphe XLV, la Cour suprême du Canada a déclaré que si une partie propose l’insertion d’une clause dans une convention collective ou, inversement, refuse même de discuter d’une condition fondamentale ou normale, qui est acceptable et incluse dans les autres conventions collectives dans ce secteur d’activités dans toutes les régions du pays, le conseil des relations du travail peut conclure à bon droit que la partie ne fait pas un « effort raisonnable pour conclure une convention collective ». Selon la Cour, « …chaque partie doit s’engager à chercher honnêtement à trouver un compromis. Les deux parties doivent se présenter à la table des négociations avec de bonnes intentions … ».

[120] Dans Royal Oak Mines aux paragraphes XLIII et XLI, la Cour suprême du Canada a également conclu que la notion d’« effort raisonnable » devait être évaluée selon une norme objective en tenant compte des normes qui ont cours dans le secteur d’activités en cause. Selon la Cour, « présenter une proposition ou adopter une position inflexible alors que l’on devrait savoir que l’autre partie ne pourra jamais l’accepter constitue nécessairement un manquement à cette obligation ».

[121] Pour qu’un véritable dialogue ait lieu, les parties doivent être disposées à expliquer leurs positions. Puisque l’obligation de négocier de bonne foi prévue par la Loi vise à inciter les parties à conclure un accord-cadre, le Tribunal se concentrera sur l’examen de la manière dont les négociations ont été menées.

[122] Il est clair que dès le départ, les questions relatives à l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur figuraient au programme des discussions : le 3 février 2005, Daniel Amadei, qui était alors négociateur en chef du MBAC, a proposé une liste de sujets de discussion en vue de la réunion qui était à venir :

  1. Contrats (exposition, installation et prestation)
  2. Tarifs de reproduction
  3. Collection permanente
  4. Tarifs pour les expositions
  5. Autres tarifs
    (Exposé conjoint des faits, Annexe 23)

[123] Les parties avaient établi une relation et elles avaient mis en place un protocole pour s’échanger, avant la tenue d’une réunion, l’ordre du jour qui serait suivi ainsi que les versions provisoires des accords-cadres et contrats négociés afin que l’une et l’autre aient la possibilité de les examiner et de formuler des commentaires au préalable. (Exposé conjoint des faits, par. 51, 52 et 53, Annexes 33, 34 et 35).

[124] La preuve démontre que dès le début des négociations en 2003, le MBAC avait des questions concernant l’inclusion de tarifs minimums dans un accord-cadre. Le MBAC en avait fait part au Tribunal dans une lettre datée du 26 juin 2003 dans le cadre de la demande de CARFAC pour modifier l’ordonnance d’accréditation la visant.

[125] Malgré ces questions, les parties ont continué à se rencontrer régulièrement jusqu’en 2007 afin de conclure un accord-cadre entre le MBAC et CARFAC/RAAV. Durant la période où le MBAC était représenté par M. Amadei, les questions de tarifs minimums ont toujours fait partie du processus de négociation.

[126] Karl Beveridge, négociateur en chef de CARFAC/RAAV, a expliqué que les parties se livraient à des négociations intensives et avaient l’habitude de se rencontrer afin d’examiner les ébauches précédentes. Il a déclaré que pour l’essentiel, les parties ont discuté sans interruption des contrats, de la convention collective puis se sont penchées, en 2006, sur la question du montant réel des indemnités en se demandant à quoi pourrait ressembler un barème d’indemnités compris dans une convention collective. Puis, il a ajouté que pendant la majeure partie des discussions, la question du droit d’auteur n’a jamais été abordée comme telle.

[127] Dans son témoignage, Marie-Claude Rousseau, du MBAC a déclaré que depuis le début des négociations, il y avait eu des discussions au sujet des droits relatifs à la collection permanente, aux expositions itinérantes et aux expositions temporaires. Elle a confirmé que les parties avaient travaillé sur l’accord-cadre et les diverses clauses et qu’en 2005, il existait un document de travail où étaient consignées les clauses qui pourraient figurer dans le document.

[128] Lors des négociations, les parties rédigeaient des versions des ententes, discutaient des modifications, inséraient ces modifications dans une nouvelle ébauche en utilisant une couleur différente puis confirmaient ces modifications à la séance suivante. Les projets de convention collective du 6 juin 2006 (pièce 31) et du 20 octobre 2007 (pièce 15) ont été soumis au Tribunal, ainsi que les projets de contrats qui devaient être annexés à la convention collective (pièce 9) : tous comportaient des dispositions sur les conditions minimales d’utilisation des œuvres, tels les droits à verser pour l’exposition temporaire ou la reproduction d’œuvres.

[129] Cette façon de négocier était conforme au protocole de négociation collective signé par les parties le 27 octobre 2005. (Exposé conjoint des faits, par. 46, Annexe 30)

[130] Le 23 mai 2007, CARFAC/RAAV ont été informés du départ de Daniel Amadei, et de son remplacement par Guy Dancosse, qui devenait le porte-parole du MBAC. Ils ont aussi appris que l’équipe de négociation comprendrait Karen Colby-Stothart, et Marie-Claude Rousseau. (Exposé conjoint des faits, paragraphe 56, Annexe 38)

[131] Du 29 au 31 octobre 2007, les parties se sont de nouveau réunies. Il s’agissait de la première intervention de la nouvelle équipe de négociation. Le 29 octobre 2007, les parties ont passé en revue la version provisoire de l’accord-cadre rédigée le 20 octobre 2007, version qui prévoyait des tarifs minimums.

[132] Le 30 octobre 2007, le MBAC a invité Gilles Daigle, de Gowlings, à présenter l’avis juridique rédigé par Florence Lucas. (Exposé conjoint des faits, paragraphe 59).

[133] Dans son témoignage, Mme Colby-Stothart a déclaré qu’ils avaient décidé d’inviter Gilles Daigle à la réunion parce qu’ils étaient conscients qu’il s’agissait d’une question complexe et qu’au lieu de se contenter de prendre une décision à partir d’un avis juridique ou d’adopter une position justifiée en partie par cet avis, ils préféraient s’asseoir avec les deux parties, exposer clairement la situation et avoir un débat ouvert, afin de présenter l’avis juridique comme une situation qui concernait les deux parties4.

[134] M. Daigle a témoigné qu’il est spécialiste dans les questions de droit d’auteur et qu’il n’avait pas de mandat pour résoudre le conflit potentiel entre les parties. M. Daigle a expliqué qu’il était à la réunion pour expliquer l’avis juridique et n’avait pas de mandat de dévier de la position prise par le MBAC au sujet des droits d’auteur.

[135] Karl Beveridge a témoigné que pour CARFAC/RAAV, lorsque l’avis juridique leur a été présenté, on leur a permis de poser des questions, mais il leur a paru évident que le MBAC entendait s’en remettre uniquement à cet avis pour justifier sa position. De plus M. Beveridge a déclaré qu’il n’y avait pas eu de discussions rationnelles et éclairées.

[136] Le 30 octobre 2007, le MBAC a remis à CARFAC/RAAV une version révisée de la convention collective. (Exposé conjoint des faits, paragraphe 60, Annexe 40).

[137] Le 31 octobre 2007, CARFAC/RAAV ont commenté la convention collective modifiée en lisant une déclaration écrite qui expliquait qu’ils considéraient que les parties étaient « dans une impasse ». (Exposé conjoint des faits, paragraphe 61, Annexe 41).

[138] Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi il était arrivé à cette conclusion et avait adopté cette position vis-à-vis du MBAC, M. Beveridge a déclaré que la suppression de toutes les références au droit d’auteur dans l’accord-cadre était un geste d’une importance capitale parce qu’il n’y avait pas eu de discussions à ce sujet avant que cet accord ne soit présenté à la table des négociations et qu’il s’agissait de la première réunion à laquelle participait le nouveau négociateur du Musée des beaux-arts, M. Dancosse.

[139] M. Beveridge a également déclaré : [Traduction] « Je pense que ce n’est pas seulement le fait qu’essentiellement les droits d’auteur aient été supprimés de la convention collective, mais aussi en partie la façon dont cela a été fait. Autrement dit, c’était la première rencontre avec la nouvelle équipe de négociation. Un jour, on nous a livré un exposé et tentant de faire valoir qu’il était préférable de ne pas inclure les droits d’auteur dans le contrat relatif aux expositions. Nous avons bel et bien posé des questions à M. Daigle, mais nous n’avons pas pu discuter de la question au sens où on l’entend dans le cadre de négociations. Puis, le jour suivant, nous nous assoyons à la table et on nous tend une convention collective dont ont été supprimées toutes les allusions à cette question. Nous avons trouvé que le geste était lourd de conséquences. Puis, nous prenons conscience, en partie parce qu’on insiste sur ce point, qu’il ne serait pas inclus et que la façon dont on avait procédé n’offrait pas une grande marge de manœuvre »5.

[140] Le MBAC a affirmé qu’il voulait continuer de négocier la convention collective et que c’était CARFAC/RAAV qui avaient quitté la table des négociations. Dans son témoignage, Mme Colby-Stothart a déclaré que l’équipe aurait négocié sur la question des tarifs minimums pour les droits d’auteur mais que nous n’accepterions pas d’inclure des barèmes obligatoires pour les droits d’auteur dans l’accord-cadre conclu en vertu de la Loi.

[141] Dans une lettre datée du 29 janvier 2008, le MBAC a proposé de discuter d’une entente non contraignante de type ODMAC (Organisation des directeurs des musées d’art canadiens) avec CARFAC/RAAV. Le MBAC a également écrit ce qui suit :

[TRADUCTION] [N]ous ne pouvons discuter d’une grille tarifaire obligatoire en matière de droits d’exposition pour les expositions temporaires qu’à l’égard des artistes que vous représentez expressément conformément aux lois en matière de droits d’auteur ». De plus, le MBAC a soutenu que : [Traduction] « Dans le cadre juridique actuel, votre accréditation pour négocier se limite au domaine des services et ne peut pas automatiquement s’étendre aux questions de droits d’auteur. Cette position découle des avis juridiques que nous avons reçus à cet égard. ». La lettre poursuivait : [Traduction] « En somme, nous avons les mains liées : nous ne pouvons envisager de négocier des tarifs minimums obligatoires pour les droits d’exposition dans le cadre du présent processus de négociation collective régi par la Loi sur le statut de l’artiste, à moins que cela ne soit fait dans le respect intégral des dispositions impératives des lois sur le droit d’auteur ». (Exposé conjoint des faits, Annexe 44)

[142] Faisant référence à l’entente intervenue entre le plaignant et l’ODMAC, Mme Colby-Stothart a déclaré [Traduction] qu’en premier lieu, cette entente ne s’applique pas directement. Elle n’a pas été négociée dans le cadre de la Loi sur le statut de l’artiste puisque la plupart des parties n’y sont pas assujettis, donc ça ne se compare pas. Deuxièmement, c’est une entente non contraignante sur des tarifs minimums recommandés, donc cette entente n’a pas de valeur juridique6.

[143] Interrogé au sujet de la lettre du MBAC datée du 29 janvier 2008 en ce qui concerne leur proposition de discuter d’un accord non contraignant de type ODMAC, M. Beaulieu a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une solution acceptable puisqu’ils avaient pour mandat de négocier une convention collective dans les limites fixées par la Loi.

Conclusion

[144] La preuve portée à la connaissance du Tribunal démontre que les parties avaient des opinions divergentes quant à l’état des négociations et des projets d’ententes.

[145] La preuve portée à la connaissance du Tribunal démontre également que la question des tarifs minimums pour les droits d’auteur et celle des projets de contrats portant sur l’utilisation des œuvres artistiques faisaient l’objet de négociations depuis le début.

[146] L’accord modifié qui a été présenté à CARFAC/RAAV le 30 octobre 2007 s supprimait toutes les questions relatives au droit d’auteur pour lesquelles CARFAC/RAAV avaient été mandatés de négocier dans le cadre de la Loi par leurs membres.

[147] Le contenu de l’accord-cadre révisé ainsi que la façon avec laquelle le MBAC a présenté cette version à CARFAC/RAAV, sans avis préalable, sans solution de rechange raisonnable, de l’avis du Tribunal démontre une intransigeance de la part du MBAC. Le MBAC aurait dû savoir qu’une telle position inflexible serait inacceptable pour CARFAC/RAAV.

[148] Le Tribunal est d’avis que bien que le MBAC insiste que les parties n’étaient pas dans une impasse et qu’ils y avaient encore certains points à discuter, le refus de négocier ou de discuter de l’inclusion de questions de droit d’auteur, y inclus de tarifs minimums dans un accord-cadre est une position inflexible qui a empêché les parties de s’entendre pour conclure une entente

[149] Le Tribunal est d’avis que cette position inflexible s’illustre non seulement par la façon dont la version révisée de l’accord-cadre a été présentée à CARFAC/RAAV, mais par l’admission de M. Daigle que son rôle était simplement d’expliquer l’avis juridique et non de dévier de la position prise par le MBAC tel qu’énoncé dans l’avis juridique. Cette position a par la suite été confirmée dans la lettre du MBAC du 29 janvier 2008 adressée à CARFAC/RAAV.

[150] Le Tribunal est d’accord avec CARFAC/RAAV qu’il n’y avait pas d’attente raisonnable que le MBAC soit d’accord pour inclure des tarifs minimums pour l’utilisation d’œuvres artistiques dans l’accord-cadre. Le Tribunal est également d’accord avec CARFAC/RAAV que le MBAC a créé une impasse dans les négociations en n’offrant aucune possibilité qu’il changerait sa position en ce qui concerne l’inclusion de questions reliées à l’utilisation d’œuvres artistiques dans l’accord-cadre

[151] Le Tribunal souscrit aux principes exprimés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Royal Oak Mines, que présenter une proposition ou adopter une position inflexible alors que l’on devrait savoir que l’autre partie ne pourra jamais l’accepter constitue nécessairement un manquement à cette obligation de négocier de bonne foi.

[152] Le MBAC aurait dû savoir que de présenter une telle version modifiée de l’accord-cadre et d’adopter une position inflexible quant à l’inclusion de questions de droit d’auteur dans l’accord-cadre serait jugée inacceptable par CARFAC/RAAV et cela équivaut, de l’avis du Tribunal, à un défaut de négocier de bonne foi.

Les dépens

[153] L’avocat de CARFAC/RAAV a sollicité les dépens. Il représente CARFAC/RAAV à titre pro bono et demande au Tribunal d’adjuger les dépens à CARFAC/RAAV pour deux raisons.

[154] Premièrement, le fait de négocier de mauvaise foi est en soi une conduite particulièrement répréhensible et stérile en plus de constituer une grave violation de la Loi. Selon CARFAC/RAAV, le MBAC a démontré, en négociant de mauvaise foi, qu’il voulait porter préjudice à CARFAC/RAAV sur le plan financier et annihiler leur efficacité en tant qu’agents négociateurs. CARFAC/RAAV ont fait valoir que le remboursement des frais de justice avait un caractère compensatoire et était raisonnable étant donné la gravité de la violation de la Loi. L’adjudication des dépens pousserait le MBAC à cesser d’abuser abuse du régime de négociation collective établi dans la Loi.

[155] La deuxième raison est que la conduite du MBAC a retardé inutilement l’instance. En particulier, CARFAC/RAAV soutiennent que le MBAC ne s’est pas conformé en temps utile à l’ordonnance de production prononcée par le Tribunal le 2 décembre 2010, ce qui a forcé l’avocat de CARFAC/RAAV à consacrer plus de temps à cette question. CARFAC/RAAV demandent en outre au Tribunal de leur accorder les dépens afférents à la suspension demandée par le MBAC en février 2011.

[156] CARFAC/RAAV soutiennent que l’audience a été suspendue pour permettre au MBAC de citer Mme Lucas comme témoin. Or, le MBAC a néanmoins choisi ultérieurement de ne pas convoquer ce témoin. Il ne fait aucun doute que le MBAC est l’unique responsable du retard.

[157] Le MBAC soutient qu’il n’y a pas de facteurs atténuants ni de circonstances exceptionnelles justifiant d’ordonner la réparation demandée par les CARFAC/RAAV.

Analyse

[158] L’alinéa l7o) de la Loi accorde explicitement au Tribunal le pouvoir d’accorder des dépens. Toutefois, la Loi prévoit également, à l’alinéa 18a), que le Tribunal doit tenir compte des principes applicables du droit du travail.

[159] Les conseils des relations du travail ont toujours été réticents à accorder des dépens. Cette pratique est normalement considérée comme une mesure punitive qui, en outre, donne souvent l’impression que certaines parties sont victorieuses et que les autres sont vaincues. En procédant de cette façon, on risque de compromettre les bonnes relations de travail et de nuire aux relations entre les parties dans l’avenir.

[160] Les Procédures du Tribunal traitent précisément de la question des dépens afférents à la suspension d’une audience :

Lorsque la suspension est demandée pour un motif qui aurait raisonnablement pu être prévu par le participant et qu’elle entraîne un inconvénient ou des frais supplémentaires pour tout autre participant, le Tribunal peut ordonner au participant qui le demande de payer les dépens qui en résulteront.

[161] Lors de l’audience, l’avocat du MBAC a déclaré, en parlant de l’ordonnance de production rendue par le Tribunal le 2 décembre 2010, que si certains documents existent, il insisterait pour que Florence Lucas comparaisse à la première occasion afin de répondre à toutes les questions.

[162] Le Tribunal conclut que le MBAC savait depuis le 28 janvier 2011 au moins que Me Lucas n’était pas disponible mais il a attendu au 18 février 2011 pour demander la remise de l’audience, soit 10 jours avant la date prévue de l’audience.

[163] Le 18 février 2011, lors d’une conférence téléphonique à laquelle prenaient part les parties et le personnel du greffe du Tribunal, l’avocat du MBAC a demandé la suspension de l’audience qui devait avoir lieu du 28 février au 4 mars 2011 pour une période indéfinie au motif que le MBAC entendait demander le contrôle judiciaire de l’ordonnance de production rendue par le Tribunal en date du 2 décembre 2010. C’est à ce moment que le MBAC a indiqué que Florence Lucas ne serait pas en mesure de se présenter à l’audience aux dates prévues. L’avocat de CARFAC/RAAV s’est opposé à la demande pour un certain nombre de raisons et a demandé que la suspension ne puisse être accordée qu’à la condition d’adjuger des dépens, étant donné le délai très court. Le 22 février 2011, le Tribunal s’est réuni par téléconférence et, tenant compte des observations écrites qu’il avait reçues et du fait que Florence Lucas n’était pas disponible, il a suspendu l’audience jusqu’aux 20 et 21 juin 2011 et pris la question des dépens en délibéré.

Conclusion

[164] Le Tribunal préfère adopter la pratique qui a cours en matière de relations de travail et qui veut que les dépens ne soient accordés que dans des cas exceptionnels.

[165] Le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas ici d’un cas exceptionnel et que l’octroi de dépens n’est pas indiqué eu égard aux circonstances entourant la négociation de mauvaise foi.

[166] En ce qui concerne les dépens afférents à la suspension de l’audience qui devait avoir lieu en février 2011, le Tribunal est d’avis que compte tenu que le MBAC, malgré les courriels que le Tribunal ainsi que CARFAC/RAAV lui ont envoyés afin de savoir où en était le dossier de divulgation, le MBAC a attendu au 17 février 2011 pour informer ces derniers que Florence Lucas ne serait disponible qu’en juin 2011 et qu’il demanderait la suspension de l’audience. Le MBAC a attendu pour présenter cette demande 10 jours avant l’audience alors que la date avait été fixée 3 mois auparavant. Ce délai a causé un préjudice à CARFAC/RAAV. Le Tribunal conclut qu’il est indiqué d’accorder des dépens dans les circonstances au titre de la suspension et une ordonnance sera rendue en ce sens.

Décision

[167] Le Tribunal a examiné avec soin l’ensemble de la preuve et des arguments qui lui ont été soumis par les parties.

[168] Le Tribunal est d’avis que le MBAC a provoqué une impasse en se présentant à la table des négociations avec une version révisée de l’accord-cadre dont il avait supprimé toutes les références à l’utilisation d’œuvres artistiques protégées par le droit d’auteur sans en remettre à l’avance une copie à CARFAC/RAAV, et en ne fléchissant pas sur sa position.

[169] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal accueille la plainte et déclare, par les présentes, que le MBAC a violé l’article 32 de la Loi en ne négociant pas de bonne foi.

[170] Le Tribunal conclut que la relation entre la Loi et la Loi sur le droit d’auteur a toujours été considérée comme une relation de complémentarité, comme en témoignent ses décisions antérieures, et il ne voit aucune raison de modifier sa position. Le Tribunal réaffirme les principes énoncés dans la décision no 028 et la décision no 047 et conclut que les questions relatives aux droits d’auteur peuvent valablement faire l’objet de négociations dans le respect des droits des sociétés de gestion collective du droit d’auteur comme la SODRAC.

[171] Par conséquent, le Tribunal ordonne au MBAC, en vertu de l’article 54 de la Loi, de cesser et de s’abstenir de contrevenir à la Loi, et plus particulièrement, il ordonne au MBAC de négocier de bonne foi.

[172] Le Tribunal ordonne aux parties de lui soumettre un calendrier des négociations dans les 45 jours suivant la présente décision et de commencer à négocier dans les 60 jours suivant la décision.

[173] Le Tribunal ordonne également aux parties de négocier sur une base régulière et de lui présenter un rapport mensuel sur l’état de leurs négociations.

[174] Le Tribunal ordonne au MBAC de payer à CARFAC/RAAV les frais et débours se rapportant à la requête en suspension présentée en février 2011.

[175] Le Tribunal demande aux avocats de se rencontrer et de s’entendre sur le montant des dépens adjugés, cependant, s’ils sont incapables d’y parvenir, ils pourront s’adresser au Tribunal pour qu’il tranche la question.

[176] Le Tribunal demeure saisi du dossier afin de pouvoir trancher toute question liée à l’application ou à l’interprétation de la présente ordonnance à la demande des parties.

Ottawa, 16 février 2012

« Me Elaine Kierans »
Présidente par intérim

« Mme Lyse Lemieux »
Membre

« Me Marie-Josée Castonguay »
Membre


1Voir l’annexe - Exposé conjoint des faits.
2 Mentionnons, à titre d’exemple, le protocole d’entente intervenu entre la Writers’ Union of Canada et CANCOPY; celui conclu par la Writers Guild of Canada et CANCOPY; l’entente entre l’American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM), puis la Fédération Canadienne des musiciens et des musiciennes / Canadian Federation of Musicians et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada (SOCAN), dont il est possible d’obtenir des exemplaires auprès du Tribunal.
3United Steelworkers of America, Local 5917 v. Wheat City Metals, A Division of Jamel Metals inc., 2005 CanLII 63019, par. 48 à 59, 52, conf. par 2005 SKQB 364.
4Transcription du 20 juin 2011, p. 13.
5 Transcript of October 26, 2010, p. 110-111.
6 Transcript of June 20, 2011, p. 40.


AFFAIRES CITÉES
Syndicat uni du Transport, section locale 1374 c. Brewster Transport Company Ltd. (1986) 66 di 1

Iberia, Lignes aériennes d’Espagne (1990) 80 di 165

United Steelworkers of America, Local 5917, v. Wheat City Metals, A Division of Jamel Metals Inc., 2005 CanLII 63019 (SK L.R.B.); conf. par 2005 SKQB 364;

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, 2008 CRTFP 100;

Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369;

Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), 1995 TCRPAP 001;

Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), 1996 TCRPAP 005;

The Writers’ Union of Canada (TWUC), 1998 TCRPAP 028;

Guilde des musiciens du Québec contre CKRL–MF 89,1, Québec, 2003 TCRPAP 040;

Canadian Artists Representation/le Front des artistes canadiens (CARFAC), 2003 TCRPAP 047;

Stephen Petch et la Writers Guild of Canada, 2006 TCRPAP 050;

Writers Guild of Canada et Stephen Petch, 2006 TCRPAP 051.

LOIS CITÉES
Loi sur le statut de l’artiste, L.C. 1992, ch. 33
Loi sur les musées, L.C. 1990, ch. 3
Loi sur le droit d’auteur, L.R.C., 1985, ch. C-42
Code canadien du travail, L.R.C., 1985. ch. L-2

DOCTRINES CITÉES
Ruth Sullivan, Sullivan on Construction of Statute, 5th ed. Lexis Nexis

G.W. Adams, Canadian Labour Law, 2nd ed. (Aurora Law Book Inc., 1995)

ANNEXE
N'hésitez pas à communiquer avec le Tribunal si vous désirez obtenir une copie de l’Exposé conjoint des faits.

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