Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 032

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 8 janvier 2001 Dossier No : 1310-96-0026A


Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par l'regroupment de l'Association des des Professionneles et des professionnels de la vidéo du Québec (APVQ) et le Syndicat des techniciens du cinéma et de la vidéo du Québec (STCVQ)


Décision partielle du Tribunal

La demande d'intervention est rejetée.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Date de l'audience : le 8 janvier 2001

Décision rendue séance tenante, motifs à suivre.

Quorum: Robert Bouchard, président de séance David P. Silcox, membre
Moka Case, membre


Motifs de décision

1310-96-0026A : Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par le regroupement de l'Association des professionnelles et des professionnels de la vidéo du Québec (APVQ) et le Syndicat des techniciens du cinéma et de la vidéo du Québec (STCVQ)


Contexte

[1] La présente décision porte sur une demande d'intervention déposée par la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération nationale des communications, et le Conseil central de Montréal métropolitain (ci-après, « les requérants  »), en vertu du paragraphe 19(3) de la Loi sur le statut de l'artiste (« la Loi »). Les requérants désirent intervenir dans la demande d'accréditation du regroupement formé de l'Association des professionnelles et des professionnels de la vidéo du Québec (« APVQ ») et le Syndicat des techniciens du cinéma et de la vidéo du Québec (« STCVQ ») (ci-après « APVQ-STCVQ » ou « le regroupement »).

[2] Le regroupement a demandé à être accrédité pour représenter au Québec un secteur qui comprend :

tous les entrepreneurs indépendants professionnels engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, qui exercent des professions contribuant directement à la conception de la production, en toutes langues, dans toutes les productions audiovisuelles, par tout moyen et sur tout support, incluant le film, la télévision, l'enregistrement vidéo, le multimédia et les réclames publicitaires. Les activités visées incluent :

  1. conception de l'image, de l'éclairage et du son, notamment dans les fonctions suivantes : assistant-réalisateur, premier assistant à la réalisation, second assistant à la réalisation, troisième assistant à la réalisation, directeur de la photographie, cadreur, caméraman (incluant steady-cam, baby-boom et caméra opérée via un système spécialisé [C.O.S.S.]), assistant-caméraman, premier assistant à la caméra, deuxième assistant à la caméra, opérateur de vidéo assist, photographe de plateau, directeur d'éclairage, chef éclairagiste, chef électricien, électricien, opérateur de console d'éclairage, opérateur de projecteurs motorisés, preneur de son, perchiste, assistant au son, sonorisateur, bruiteur, chef machiniste, machiniste, gréeur, infographiste, technicien aux effets spéciaux en infographie;

  2. conception de costumes, coiffures et maquillages, notamment dans les fonctions suivantes : concepteur de maquillages, chef maquilleur, maquilleur, assistant-maquilleur, maquilleur d'effets spéciaux, prothésiste, assistant-prothésiste, concepteur de coiffures, chef coiffeur, coiffeur, assistant-coiffeur, perruquier, assistant-perruquier, préposé aux rallonges capillaires, créateur de costume, costumier, assistant costumier, technicien spécialisé aux costumes, technicien aux costumes, chef habilleur, habilleur, assistant habilleur, styliste, ensemblier, coupeur, couturier, concepteur de marionnettes, préposé aux marionnettes, coordonnateur de véhicules; mais à l'exclusion des directeurs artistiques et concepteurs artistiques;

  3. scénographie, notamment dans les fonctions suivantes : coordonnateur artistique, assistant directeur artistique, chef décorateur, assistant-décorateur, coordonnateur aux décors, technicien aux décors, préposé aux décors, ensemblier, concepteur d'accessoires, chef accessoiriste, accessoiriste de plateau, accessoiriste d'extérieurs, assistant accessoiriste, chef machiniste aux décors, machiniste aux décors, chef peintre, peintre, peintre scénique, assistant peintre, sculpteur-mouleur, dessinateur, chef menuisier, menuisier, assistant-menuisier, technicien d'effets spéciaux de plateau, assistant technicien d'effets spéciaux de plateau, armurier, coordonnateur de véhicules;

  4. montage et enchaînement, notamment dans les fonctions suivantes : coordonnateur de production, directeur de plateau -- à l'exclusion des directeurs de plateau dans le doublage --, régisseur, régisseur de plateau, régisseur d'extérieurs, régisseur logistique, assistant-régisseur logistique, scripte, assistant-scripte, secrétaire de production, assistant de production, assistante coordonnatrice, coordonnateur de sécurité, coordonnateur de transport, chauffeur, cantinier, directeur technique, assistant directeur technique, aiguilleur, aiguilleur ISO, contrôleur d'images (CCU), opérateur de magnétoscopie, opérateur de ralenti, opérateur de télésouffleur, vidéographe en régie, projectionniste vidéo (y compris écran géant, vidéowall), chef machiniste vidéo, machiniste vidéo, monteur, monteur d'images hors-ligne, monteur d'images en ligne, monteur sonore, mixeur de son, assistant monteur, vidéographiste, opérateur de mise en ondes, opérateur de transmission satellites, opérateur de transmission micro-ondes.

[3] Le 19 août 2000, le Tribunal a publié l'avis public 2000-2, annonçant la demande d'accréditation du regroupement et demandant aux individus et organismes qui désiraient présenter des observations à l'égard de la demande de le faire par écrit au plus tard le 29 septembre 2000.

[4] Le 22 novembre 2000, le Tribunal a reçu la demande d'intervention des requérants. Puisque la demande étaient en dehors des délais prévus dans l'avis public, le Tribunal a demandé au regroupement de lui fournir ses commentaires et, par la suite, aux requérants de fournir une réplique aux commentaires du regroupement.

Prétentions des requérants et du regroupment

Les requérants

[5] Les requérants affirment que l'APVQ leur est affiliée, depuis le 25 février 1993. Ils prétendent également que depuis plus d'un an, l'APVQ tente de se désaffilier, par différents moyens qu'ils qualifient d'illégaux. Dans ce contexte, les requérants ont présenté une demande d'injonction à la Cour supérieure du Québec pour contester les moyens utilisés par l'APVQ. De plus, ils soutiennent qu'en se regroupant avec le STCVQ, l'APVQ tente d'éluder ses obligations financières envers eux. Les requérants opposent la demande d'accréditation et demandent au Tribunal de surseoir à son étude jusqu'à ce que l'APVQ ait réglé avec eux, ou qu'une décision judiciaire ait tranché ces questions, en particulier la question de la légalité du processus de désaffiliation.

Le regroupement APVQ-STCVQ

[6] Le regroupement s'oppose à la demande d'intervention. Selon le regroupement, l'APVQ a été créée en 1992, et en 1993, il y a eu entente entre elle et la Confédération des syndicats nationaux (ci-après, « la CSN »), pour que cette dernière lui fournisse des services, « notamment le support de conseillers aux relations de travail et la représentation par avocats du cabinet Sauvé et Roy ». En 1999, l'APVQ a entrepris des démarches afin de mettre fin à ses relations contractuelles avec les requérants, lesquelles ont été contestées par la CSN. Selon le regroupement, le seul véritable litige entre les requérants et l'APVQ consiste à savoir la date précise où les relations contractuelles ont été rompues et quelles sommes pourraient être dues par l'une ou l'autre des parties pour les services fournies ou le refus de fournir des services.

[7] Le regroupement soutient que ce débat est un litige civil qui n'est pas du ressort du Tribunal et qui n'est aucunement pertinent à la demande d'accréditation. La décision de la Cour d'appel fédérale, Canada (Procureure générale) c. The Writers Union of Canada, [2000] A.C.F. n o 1875 (C.A.F.), confirme que, dans le contexte d'une demande d'accréditation, la juridiction du Tribunal est circonscrite à déterminer le secteur approprié et la représentativité de l'association.

Réplique des requérants

[8] Dans leur réplique, les requérants soutiennent que le Tribunal doit proroger le délai pour faire une demande d'intervention. Ils soulèvent que le Tribunal a le pouvoir de le faire, en vertu de l'alinéa 17k) de la Loi, et qu'il devrait exercer ce pouvoir, puisque la demande d'intervention est sérieuse et les moyens soulevés importants, tout en tenant compte du fait que le Tribunal siège sans formalisme. Par contre, les requérants n'ont pas offert de motif pour expliquer la tardiveté de la demande.

[9] Les requérants prétendent que l'APVQ étant une de leurs affiliées, ils ont manifestement un intérêt à intervenir. Selon eux, les statuts et règlements de l'APVQ prévoient le maintien de l'affiliation et établissent le processus de désaffiliation, le cas échéant. L'APVQ a tenté de se désaffilier le 23 mai 2000, sans respecter ses propres statuts et règlements, en particulier, en ce qui concerne la tenue du vote de désaffiliation. L'APVQ étant toujours affiliée aux requérants, en vertu de ses propres statuts et règlements, elle est tenue à respecter ceux de la CSN, une copie desquels a été jointe à la réplique. S'ils ont gain de cause devant la Cour supérieure du Québec, la demande d'accréditation du regroupement « serait irrémédiablement minée, l'APVQ demeurant affilié à la CSN [...] ». Par conséquent, les requérants réitèrent que le Tribunal doit surseoir à l'étude de la demande d'accréditation en attendant la conclusion des procédures judiciaires.

Questions soulevées

[10] La présente affaire soulève les questions suivantes :

  1. La demande d'intervention, soulève-elle une question importante au sens de la Loi (c'est-à-dire, les requérants, sont-ils des « intéressés »)?

  2. Si oui, le Tribunal devrait-il proroger le délai afin de permettre l'intervention?

La Loi sur le statut de l'artiste

[11] Les dispositions suivantes de la Loi s'appliquent à la présente instance :

17. Le Tribunal peut, dans le cadre de toute affaire dont il est saisi :
[...]
k) abréger ou proroger les délais applicables à l'introduction de l'instance, à l'accomplissement d'un acte de procédure, au dépôt d'un document ou à la présentation d'éléments de preuve; [...]

[...]

19. (1) Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, le Tribunal fonctionne sans formalisme et avec célérité. Il n'est pas lié par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments qu'il juge dignes de foi en l'espèce et fonder sur eux sa décision.

[...]

(3) Tous les intéressés peuvent, sur autorisation du Tribunal, intervenir dans les affaires dont il est saisi; quiconque comparaît devant lui peut le faire en personne ou en étant représenté par un avocat ou un mandataire.

[...]

28. [...] 5) L'accréditation d'une association d'artistes emporte :

  1. le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé;
  2. révocation, en ce qui les touche, de l'accréditation de toute autre association;
  3. dans la mesure où ils sont visés, substitution de l'association — en qualité de partie à l'accord-cadre — à l'association nommément désignée dans celui-ci ou à son successeur.

Analyse et conclusions du tribunal

[12] Le Tribunal a déja eu l'occasion de se prononcer sur les demandes d'intervention, et a constaté que la Loi prévoit deux catégories d'intervenants :

Le Tribunal est d'avis que l'interaction des paragraphes 19(3), 26(2) et 27(2) établit deux catégories d'intervenants: ceux qui peuvent intervenir et ceux à qui le Tribunal accorde la permission d'intervenir. Puisque qu'une demande d'accréditation est une affaire dont le Tribunal est saisi, celui-ci estime qu'il a le pouvoir d'accorder la permission d'intervenir à des personnes ou des organismes qui ne sont pas des artistes visés par la demande, des associations d'artistes ou des producteurs, à condition que ceux-ci puissent être considérés comme des « intéressés ».

Union des écrivaines et écrivains québécois, 1995 TCRPAP 001 ¶ 10; Société des Auteurs, Recherchistes, Documentalistes et Compositeurs, 1995 TCRPAP 002 ¶ 10; Writers Guild of Canada, 1995 TCRPAP 003 ¶ 12.

[13] Dans le contexte de la présente affaire, les requérants n'ont pas prétendu être des associations d'artistes ayant le droit d'intervenir (sous réserve d'une prorogation du délai) en vertu des paragraphes 26(2) et 27(2). Ils ont fait leur demande d'intervention à titre d'intéressés, en vertu du paragraphe 19(3). Par conséquent, le Tribunal doit décider, selon les critères établis par sa jurisprudence, si les requérants sont des « intéressées » à qui il devrait permettre d'intervenir conformément au paragraphe 19(3) de la Loi.

[14] La jurisprudence suivante à été établie par le Tribunal concernant les intéressés :

Pour déterminer si une personne a un intérêt suffisant pour que la permission d'intervenir lui soit accordée dans une affaire, le Tribunal examinera les quatre facteurs suivants :

  1. la personne qui demande à intervenir est-elle directement touchée par l'issue de l'affaire?
  2. la position de la personne qui demande à intervenir est-elle convenablement représentée par l'une des parties à l'affaire?
  3. l'intérêt du public et les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la personne qui demande à intervenir était autorisée à le faire?
  4. le Tribunal pourrait-il instruire l'affaire sur le fond sans la participation de la personne qui demande à intervenir?

Union des écrivaines et écrivains québécois, 1995 TCRPAP 001 ¶ 12; Société des Auteurs, Recherchistes, Documentalistes et Compositeurs, 1995 TCRPAP 002 ¶ 12; Writers Guild of Canada, 1995 TCRPAP 003 ¶ 14; American Federation of Musicians of the United States and Canada, 1996 TCRPAP 008 ¶ 21.

Les requérants sont-ils directement touchés par l'issue de l'affaire?

[15] Le Tribunal est d'avis que le litige qui oppose les requérants et l'APVQ est une dispute interne qui n'est pas pertinente aux questions soulevées dans le cadre de la demande d'accréditation. Bien que le Tribunal doit examiner les statuts et règlements d'une association afin de s'assurer que celle-ci constitue une « association d'artistes » au sens de la Loi, cela ne veut pas dire que le Tribunal s'ingère dans les disputes internes des associations. En l'espèce, il n'y a pas de représentations des requérants qui laissent entendre que l'APVQ ou le regroupement n'avait pas la qualité nécessaire pour déposer une demande d'accréditation. En fait, les statuts de la CSN indiquent : « Chaque organisation affiliée forme une entité distincte. [...] ». À titre d'entité distincte, l'APVQ peut déposer une demande d'accréditation ou elle peut également former un regroupement avec une autre association d'artistes pour présenter une demande. Il y a lieu de noter que les statuts de l'APVQ et de la CSN obligent les affiliés de se conformer aux statuts de la CSN. Cependant, cela est une affaire interne qui ne concerne nullement le Tribunal et qui, de surcroît, est au delà de la présente demande d'accréditation.

[16] En outre, les requérants prétendent que si le Tribunal accrédite le regroupement, cela pourrait avoir des conséquences sur l'issue du litige qui les oppose à l'APVQ. Or, il faut bien comprendre que la Loi sur le statut de l'artiste prévoit un cadre juridique pour la négociation collective avec les producteurs visés à l'alinéa 6(2)a) et l'accréditation d'une association emporte les droits suivants :

28. [...](5) L'accréditation d'une association d'artistes emporte :

  1. le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé;
  2. révocation, en ce qui les touche, de l'accréditation de toute autre association;
  3. dans la mesure où ils sont visés, substitution de l'association -- en qualité de partie à l'accord-cadre -- à l'association nommément désignée dans celui-ci ou à son successeur.

[17] Le Tribunal est d'avis que les requérants n'ont pas démontré qu'ils sont directement touchés par l'issue de la demande d'accréditation et par conséquent qu'ils ne sont pas des « intéressés » au sens de la Loi. Il n'est pas nécessaire de traiter de la question du délai.

Décision

[18] Par ses motifs, la demande d'intervention des requérants est rejetée.


Ottawa, le 5 février 2001

« Robert Bouchard »

« David P. Silcox »

« Moka Case »

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