Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

Benoit Dulong

 

demandeur

 

 

et

 

 

Via Rail

 

employeur

 

 

_______________________

Décision N° 03-006

Le 4 mars, 2003

 

 

 

 

Représentations

 

M. Benoit Dulong, pour lui-même.

M. James Gough, pour Via Rail toutefois, aucune soumission n’a été demandée ou reçue de l’employeur.

Agent de santé et sécurité: Jean-Pierre Joly, Développement des ressources humaines Canada,

Programme du travail, Bureau de Montréal.

 


 

  • [1] Cette affaire concerne un “appel” daté du 18 décembre 2002.L’appel en question réfère, selon le formulaire d’appel soumis par M. Dulong, à une “instruction [1] ” émise par un agent de santé et sécurité, soit en l’instance M. Jean-Pierre Joly.Les détails relatifs à cette affaire sont décrits dans les documents soumis par M. Dulong au Bureau d’appel canadien en santé et sécurité au travail.

  • [2] Selon les documents soumis, une plainte, concernant l’absence d’un plan d’évacuation d’urgence pour les travailleurs de Via Rail à la Gare Centrale de Montréal, a été déposée le 2 septembre 2002 à l’employeur et par la suite, soit le 11 septembre 2002, au comité de santé et de sécurité.Le 30 septembre 2002, la plainte fut acheminée à Développement des Ressources humaines, Direction du travail pour enquête.

  • [3] Le dossier fut assigné à Monsieur Jean-Pierre Joly.M. Joly fait une enquête rigoureuse concernant la plainte de M. Dulong.Tout au long de son enquête, M. Joly tient M. Dulong au courant de son intervention dans ce dossier.Il explique qu’il a mis sur pied un échéancier avec Via Rail pour le développement du plan d’urgence et de la formation des employés concernant le plan.

  • [4] L’agent de santé et sécurité échange de nombreux courriels et correspondance avec M. Dulong.M. Dulong en profite pour exprimer son insatisfaction à M. Joly quant à l’évolution du dossier.Il souligne qu’il n’est pas satisfait des délais accordés par l’agent de santé et sécurité àson employeur, Via Rail, soit pour terminer la formation à l’égard du plan d’évacuation d’urgence i.e. fin de l’année 2002, ou pour faire un premier exercice d’évacuation afin de valider le plan d’évacuation d’urgence i.e. le printemps 2003.

  • [5] Le 22 novembre 2002, M. Joly fait parvenir à M. Dulong une lettre dans laquelle il l’informe des développements dans ce dossier.Il lui écrit ce qui suit :

Monsieur Benoit Dulong

Objet: Plan d'évacuation d'urqence pour les employés de Via Rail Canada à la Gare Centrale de Montréal.

Monsieur,

La présente vous informe des développements concernant votre plainte sur l'absence d'un plan d'évacuation pour les employés de Via Rail Canada à la Gare Centrale de Montréal et sur l'absence de formation quant aux procédures à prendre en cas d'urgence.

Au cours de la journée d'hier, j'ai participé à une réunion dans les locaux de la Gare Centrale de Montréal et cette rencontre visait à rendre compte de tous les détails concernant le plan d'évacuation d'urgence. Pour ce faire, j'étais accompagné de Monsieur James Gough - Directeur régional - Gare Centrale de Montréal, Monsieur Pascal Parent - conseiller en prévention à la firme conseil «Pyroform», Monsieur Robert Gray - conseiller principal en sécurité et santé au travail pour Via Rail Canada, Monsieur Marc Théroux - co-président, partie des travailleurs du comité local de santé et de sécurité et de Monsieur Jean-Pierre Moreau - co-président (intérimaire) partie employeur de ce même comité local sst.

Au cours de cette rencontre, nous avons passé en revue l'ensemble des dispositions prévues à la partie XVII du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail et nous avons fait le suivi avec le plan d'évacuation élaboré par votre employeur avec l'aide des deux co-présidents du comité local de santé et de sécurité et de la firme-conseil ci-haut mentionnée.

J'ai constaté que votre employeur s'était conformé aux dispositions de la partie XVII du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail en ce qui a trait au plan d'évacuation, à l'emplacement bien identifié de l'équipement d'urgence et à la description des procédures à prendre en cas de situation pouvant être susceptible de présenter un risque pour la santé ou la sécurité des employés de Via Rail Canada à la Gare Centrale de Montréal. Quant aux noms des personnes qui auront la responsabilité d'occuper les fonctions de gardiens, d'adjoints et de moniteurs en cas d'urgence, une liste de volontaires a été soumise et il reste à faire les nominations officielles qui auront lieu sous peu. Une formation spécifique leur sera octroyée et ce, avant la fin de la présente année.

En ce qui concerne le personnel dit «itinérant», c'est-à-dire le personnel de bord rattaché à d'autres villes mais qui ont à se présenter dans les locaux de la Gare Centrale de Montréal, ils recevront également l'information sur les mesures d'urgence à prendre ainsi que l'inclusion des principales procédures dans un de leurs manuels d'opérations. Au sujet de la formation du personnel pour les employés de la Gare Centrale, plusieurs séances ont été données à ce jour et l'employeur m'a confirmé que le tout sera finalisé d'ici la fin de la présente année. J'ai vu les registres à cet égard. Enfin, un exercice d'évacuation est prévu au printemps prochain en collaboration avec les autres employeurs de la Gare Centrale et j'y participerai afin de valider l'efficacité des mesures d'urgence.

 

Tout en assurant un suivi sur ce dossier, je considère les actions prises par votre employeur comme étant respectueuses des dispositions prévues à la partie XVII du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

Recevez, Monsieur Dulong, I'expression de mes sentiments respectueux.

  • [6] M. Dulong affirme que cette lettre constitue une décision de l’agent de santé et sécurité.Il réfère à la lettre de M. Joly comme étant une “décision (instruction, ordonnance)” et sur cette base, il en fait appel à un agent d’appel.À titre d’agent d’appel saisi de ce dossier, j’ai écrit à M. Dulong le 10 février 2003 pour l’aviser de mon intention de rejeter son appel au motif que je n’ai pas compétence en vertu du Code pour entendre ledit appel.Je lui ai écrit ce qui suit :

Monsieur,

 

Ceci fait suite à votre “appel” daté du 18 décembre 2002. Veuillez prendre note de mon intention de rejeter vote ‘appel’ pour les motifs suivants.

 

Le Code canadien du travail, partie II (ci-après le Code) autorise un agent d’appel en vertu du paragraphe 146.1(1) du Code d’intervenir dans un dossier que lorsqu’une des deux situations suivantes existe, à savoir lorsqu’il est saisi d’un appel formé en vertu :

 

1o du paragraphe 129(7) i.e. lorsqu’un employé a exercé un refus de travail et qu’il porte la décision d’absence de danger rendue par un agent de santé et sécurité en appel, ou

2o de l’article 146 i.e. lorsqu’une instruction a été émise par l’agent de santé et sécurité.

 

Il est évident que dans ce cas-ci, vous n’avez pas exercé un refus de travail en vertu du Code. Par conséquent, cette situation ne s’applique pas à vous. En ce qui concerne “l’instruction” portée en appel je dois vous aviser que la lettre du 22 novembre 2002 à laquelle vous faites référence est tout au plus une lettre d’information qui vous a été envoyée par l’agent de santé et sécurité Jean-Pierre Joly. Or une instruction émise sous le Code est un instrument légal qui vise à corriger une situation d’infraction au Code et à ses règlements. Ainsi, l’agent de santé et sécurité peut utiliser certains pouvoirs en vertu du Code, tels que l’article 145(1) ou (2) pour corriger une situation contraire au Code, l’article 141 pour ordonner à l’employeur d’accomplir certaines responsabilités et ainsi de suite.

 

Dans la situation qui vous concerne, il n’existe aucune instruction émise sous le Code donnant droit à l’exercice d’un appel tel que prévu au paragraphe 146.1 (1) du Code. De plus, je vous souligne qu’à la lecture des documents soumis, l’enquête de M. Jean-Pierre Joly est toujours en cours. Il est possible qu’à un certain moment, l’agent de santé et sécurité donne des instructions à l’employeur Via Rail s’il s’avère que celui-ci est en situation de non-conformité au Code. Dans une telle situation, vous seriez autorisé de faire appel de ces instructions en autant que celles-ci vous lèsent.

 

Toutefois dans l’esprit d’équité, je vous autorise à me soumettre tout argument ou document démontrant qu’à titre d’agent d’appel, j’ai compétence pour entendre votre “appel” nonobstant ce qui précède. Par conséquent vous avez jusqu’au 27 février 2003 pour me soumettre l’information demandée.

 

Je déciderai à ce moment de ma compétence dans ce dossier et vous en informerai par écrit.

 

  • [7] En réponse à ma lettre du 10 février, M. Dulong m’écrivait

…J’estime que l’intervention de Jean-Pierre Joly est celle d’un médiateur et non celle d’un enquêteur. De plus, Jean-Pierre Joly ne semble pas intéressé à produire un rapport et donner des instructions selon les dispositions du Code canadien du travail. Je trouve inquiétant, grave et dangereux de constater que l’application du Code canadien du travail est négocié, et non imposée rigoureusement de façon systématique.

Vendredi le 21 février 2003, près de cinq mois après la lettre du 30 septembre 2002 de Danielle Gélinas, le Comité de santé et sécurité (Marc Théroux, Coprésident) n’avait toujours pas reçu de rapport d’enquête de Jean-Pierre Joly. Je me sens lésé par l’enquête menée par Jean-Pierre Joly. Ici, j’estime que l’absence d’un rapport d’enquête est l’équivalent d’une décision d’absence de danger. Je fais appel de cette décision.

Je ne suis pas satisfait du traitement donné à ma plainte par le DRHC. Je dénonce l’absence d’un rapport d’enquête…

  • [8] Il est évident à la lecture de la lettre de M. Dulong ci-dessus qu’il est grandement déçu et contrarié du fait que l’agent de santé et sécurité n’a pas agi envers son employeur avec toute la fermeté que lui permettait le Code.Il se sent de plus lésé par le fait que l’agent de santé et sécurité n’a pas rédigé un rapport d’enquête complet dans cette affaire et qu’un tel rapport ne lui a pas été communiqué.M. Dulong “…estime que l’absence d’un rapport d’enquête est l’équivalent d’une décision d’absence de danger.

***

  • [9] Quoi qu’en pense M. Dulong, l’absence d’un rapport d’enquête ne constitue pas une décision d’absence de danger.Une décision d’absence de danger, qui donnerait droit à M. Dulong de la porter en appel, ne peut exister qu’à la suite de l’exercice d’un droit de refus prévu à l’article 128 du Code et à la décision de l’agent de santé et sécurité d’absence de danger telle que prévue au paragraphe 129(4) du Code.Seule cette décision peut être portée en appel tel que prévu au paragraphe 129(7) du Code. Ces dispositions se lisent comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas:

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui même ou un autre employé.

129. (1) Une fois informé conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l'employeur de l'employé et d'un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l'employé intéressé ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.

(4) Au terme de l'enquête, l'agent décide de l'existence du danger et informe aussitôt par écrit l'employeur et l'employé de sa décision.

(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois - personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin - appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

  • [10] Comme je l’ai dit dans ma lettre du 10 février 2003, il n’y a pas eu de refus de travail dans ce dossier.Par conséquent cette situation ne s’applique pas à M. Dulong.Il en va de même pour toute instruction qui peut faire l’objet d’un appel.J’ai d’ailleurs expliqué cette situation à M. Dulong dans ma lettre du 10 février 2003 ci-dessus.Il n’y a aucune instruction au sens du Code d’émise par l’agent de santé et sécurité dans la présente affaire.Par conséquent, M. Dulong ne peut porter en appel une instruction inexistante.

  • [11] En somme, l’agent d’appel ne peut intervenir légalement dans une affaire que si la loi lui en donne la compétence telle que prévue à l’article 146.1 du Code qui se lit comme suit:

146.1 (1) Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :…

  • [12] Or, je conclus que je n’ai aucune compétence légale pour intervenir dans cette affaire.Par conséquent, je rejette la demande de M. Dulong.Ce dossier est clos.

 

 

 

 

 

 

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Serge Cadieux

Agent d’appel

 


RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT D'APPEL

 

Décision no : 03-006

 

Demandeur : M. Benoit Dulong

 

Employeur : VIA Rail

 

MOTS CLÉS : Décision d’absence de danger, instruction, lettre d’information, compétence de l’agent d’appel

 

DISPOSITIONS :

 

Code : 128(1), 129(1), 129(4), 129(7), 146.1

 

RÉSUMÉ :

 

Un agent de santé et de sécurité a reçu une plainte d’un employé de VIA Rail qu’il a enquêté. L’agent de santé et sécurité n’a pas communiqué un rapport d’enquête à l’employé en question. L’employé a déposé un appel en prétendant qu’une lettre d’information qu’il avait reçue de l’agent de santé et sécurité constituait une décision d’absence de danger et qu’il portait celle-ci en appel. L’agent d’appel a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre l’appel et a rejeté celui-ci.

 

 

 



[1] M. Dulong fait aussi référence à une décision d’absence de danger, à une décision (instruction, ordonnance) etc.

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