Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision, en vertu de l'article 146 de la partie II du Code canadien du travail, d'une instruction donnée par un agent de sécurité

 

 

Décision no : 00-011

 

Demanderesse : Services d'Aviation Général Hudson Inc.

Représentée par : M. G. Morgan, gérant, Exploitation

 

Intimée : Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA)

Représentée par : M. H. Garcia, coprésident, Comité de sécurité et de santé

 

Mis-en-cause : Robert L. Gass

Agent de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Devant : Douglas Malanka

Agent régional de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Contexte

Le 11 janvier 2000, un employé des Services d'Aviation Général Hudson Inc. (société ci‑après appelée « Hudson ») a été frappé et blessé par le convoyeur à bagages no 15159 [1] . Robert L. Gass, un agent de sécurité, a fait enquête le 13 janvier 2000 et a donné, le même jour, une instruction verbale à Hudson en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail (ci‑après appelé le « Code » ou la « partie II »). Dans son instruction, il ordonnait à Hudson de veiller à ce que les commandes du convoyeur no 15159 et d'autres appareils semblables soient clairement identifiées et que, sur le convoyeur no 15159, le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation soit rétabli (le frein d'immobilisation avait été remplacé par un microcontact [2] ). Il ordonnait également à Hudson de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction. Le lendemain, soit le 14 janvier 2000, l'agent de sécurité a confirmé par écrit l'instruction verbale de la veille, donnant à Hudson jusqu'au 28 janvier 2000 pour se conformer à la loi (voir l'annexe). Quelque temps après, Hudson a demandé que le point 3 de l'instruction, portant sur l'utilisation de cales, soit révisé par l'agent régional de sécurité et supprimé de l'instruction. Une audience a eu lieu à Toronto (Ontario), le 17 mai 2000.

 

Agent de sécurité

L'agent de sécurité, M. Gass, a déposé une copie de son rapport d'enquête au bureau de l'agent régional de sécurité avant de témoigner lors de l'audience. Son rapport, versé au dossier, n'est pas reproduit dans le présent document. Voici toutefois les principales informations qui ressortent de ce rapport et du témoignage de M. Gass.

 

L'agent de sécurité a reconstitué les faits entourant l'accident en s'appuyant sur les récits des témoins et sur le rapport d'enquête de Hudson. Le 11 janvier 2000, quatre employés de Hudson ont été affectés au déchargement de la soute d'un aéronef. Les employés ont garé le convoyeur no 15159 vis‑à‑vis de la soute et ont commencé à décharger les bagages. Les employés ont remarqué que le ralenti du moteur était trop élevé et que, par conséquent, la courroie du convoyeur tournait trop rapidement. L'une des employés a décidé de réduire le régime du moteur à l'aide du levier de commande des gaz. Lorsqu'elle a mis à la position « R » ce qu'elle croyait être le levier de commande des gaz, le convoyeur a fait marche arrière et a frappé l'un des employés, le blessant légèrement. Elle a instinctivement tenté de ramener le levier à sa position initiale, mais l'a arrêté à la position « F ». Le convoyeur est donc brusquement reparti en avant vers l'aéronef, manquant de peu les jambes d'un autre employé qui travaillait à l'entrée de la soute. L'employée a enfin réussi à ramener le levier à sa position initiale, et le convoyeur s'est immobilisé. Le levier qu'elle avait actionné, en fin de compte, était le levier de commande de la transmission automatique. Heureusement, un seul employé a été blessé, à la jambe droite, et la blessure était bénigne.

 

Pendant son enquête, M. Gass a établi que le convoyeur no 15159 n'était pas muni d'un frein d'immobilisation au moment de l'accident, et que les étiquettes apposées près du levier de commande des gaz et du levier de commande de la transmission automatique étaient usées. Il n'a pas pu déterminer au juste pourquoi le frein d'immobilisation avait été enlevé, mais des employés lui ont dit que cette pièce nécessitait beaucoup d'entretien l'hiver en raison de la neige et du sel. Selon M. Gass, il était possible que les freins d'immobilisation d'autres convoyeurs aient été enlevés temporairement pour les mêmes raisons. Il a ajouté qu'un dispositif appelé « microcontact » avait été installé sur le convoyeur no 15159 en remplacement du frein d'immobilisation. Cependant, dans les spécifications du convoyeur, il est indiqué que le microcontact n'est pas un substitut du frein d'immobilisation.

 

L'agent de sécurité a indiqué que, selon les registres de formation, l'employée qui s'est trompée de levier avait bel et bien reçu la formation et l'entraînement nécessaires à l'utilisation du convoyeur. Cependant, d'après ce qu'elle a dit à M. Gass lors de leur entretien, il était évident qu'elle ne savait pas se servir des leviers du convoyeur à l'époque où l'accident est survenu. Il a également établi qu'elle avait actionné le levier depuis l'extérieur du convoyeur, ce qui expliquait pourquoi elle n'avait pas le pied sur la pédale de frein [3] .

 

M. Gass a également inspecté des convoyeurs du même type chez deux autres compagnies aériennes sises à l'aéroport, pour voir si les leviers de commande étaient identifiés clairement et si les freins d'immobilisation fonctionnaient bien, ce qui était le cas. Peu après, il a donné une instruction à Hudson, dans laquelle il lui ordonnait, selon le point 3, de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction. Au début, M. Gass avait envisagé d'exiger l'utilisation provisoire de cales, mais a changé d'idée parce qu'il préférait donner une instruction qui soit simple et claire. En outre, le chef mécanicien de Hudson lui avait dit que le frein d'immobilisation, une fois réinstallé, ne suffirait peut‑être pas si le moteur tournait trop vite au ralenti. Étant donné que Hudson devait commander des pièces pour la réparation, l'agent de sécurité n'a pas pu vérifier l'allégation du chef mécanicien avant de donner l'instruction.

 

M. Morgan, qui représentait Hudson lors de l'audience, estimait que l'utilisation de cales après l'installation du frein d'immobilisation constituerait un nouveau danger dans le lieu de travail. M. Gass était, au contraire, d'avis que cette précaution ferait augmenter le facteur de sécurité, ce qui n'est pas négligeable quand on sait que dans les aéroports les bagages doivent être manipulés sur‑le‑champ et que pour cette raison les employés doivent parfois utiliser des véhicules défectueux avant que ces derniers soient réparés. M. Gass a souligné que le comité de sécurité et de santé de Hudson, après avoir enquêté sur l'accident, avait recommandé l'utilisation de cales aux roues avant et arrière du convoyeur à titre de mesure corrective.

 

Demanderesse

 

M. Morgan a déclaré qu'il était d'accord avec l'agent de sécurité au sujet des points 1 et 2 de l'instruction, et reconnaissait que le convoyeur devait en effet être réparé. Il reconnaissait aussi la nécessité d'utiliser des cales aux roues arrière jusqu'à ce que le facteur de sécurité du frein d'immobilisation soit ramené à son niveau initial. Cependant, il jugeait inutile que l'on prenne cette précaution une fois le convoyeur réparé.

 

M. Morgan a ajouté que contrairement à ce que pense l'agent de sécurité, il serait même dangereux d'utiliser des cales systématiquement. Il a expliqué qu'habituellement, dès qu'un convoyeur est garé devant un aéronef, les employés placent des cales devant les roues pour empêcher le véhicule d'avancer. Cette pratique, courante dans l'industrie, vise à protéger l'opérateur au moment où il doit éloigner le convoyeur de l'aéronef. Il a expliqué que l'opérateur se trouve à découvert dans le convoyeur et que, si le véhicule devait accidentellement se déplacer vers l'avant, l'opérateur pourrait se faire écraser entre le convoyeur et l'aéronef. Habituellement, dès que le chargement ou le déchargement est terminé, l'opérateur recule le convoyeur, descend pour récupérer les cales avant et remonte à bord du convoyeur pour retourner au terminal. M. Morgan craignait que si l'on utilisait désormais des cales à l'avant et à l'arrière du convoyeur, les employés les enlèveraient toutes avant même de reculer le convoyeur, ce qu'il avait d'ailleurs observé chez d'autres compagnies. Il a ajouté que le fabricant du convoyeur ne faisait pas mention de la nécessité d'utiliser des cales.

 

Au sujet de la formation du personnel, M. Morgan a indiqué que les employés, chargés d'exécuter une multitude de tâches et de faire fonctionner divers appareils, recevaient la formation et l'entraînement nécessaires à l'utilisation de tout le matériel, et que l'accent était mis sur la formation en cours d'emploi. Toutefois, il a ajouté qu'il pouvait parfois y avoir un important décalage entre le moment où un employé reçoit la formation ou l'entraînement et le moment où il utilise effectivement le matériel. Les employés sont encouragés à demander un stage d'appoint s'ils en sentent le besoin.

 

Intimée

 

M. Garcia estimait que l'utilisation de cales aux roues arrière serait inutile à compter du moment où les leviers seraient identifiés clairement, le frein d'immobilisation réinstallé et le régime au ralenti du moteur réglé selon les spécifications du fabricant. Cependant, il a fait observer que les convoyeurs chez Hudson sont assez vieux et que le moteur a tendance à caler l'hiver si le régime de ralenti n'est pas augmenté. Il se demandait si l'utilisation de cales suffirait vraiment pour retenir le convoyeur quand le régime de ralenti du moteur serait haussé. Il a fait valoir que la solution proposée par l'agent de sécurité (l'utilisation de cales) pourrait en effet augmenter le facteur de sécurité, et non constituer un danger, comme le craint M. Morgan. Il a toutefois ajouté que les employés ont beaucoup d'informations à assimiler durant leur formation, et que l'utilisation de cales ne ferait que compliquer la procédure et semer la confusion.

 

Arguments

 

M. Morgan reconnaissait qu'il était fondé d'utiliser temporairement des cales aux roues arrière d'un convoyeur qui ne fonctionne pas normalement, mais il trouvait inutile de continuer de le faire une fois le convoyeur complètement réparé selon les spécifications du fabricant. Selon lui, le point 3 de l'instruction devrait être annulé parce que Hudson a fait réparer ses convoyeurs et parce que l'utilisation de cales aux roues avant et arrière pourrait constituer un risque pour les employés qui enlèveraient toutes les cales avant de reculer le convoyeur. M. Morgan a fait valoir que le comité de sécurité et de santé de Hudson, en recommandant l'utilisation de cales aux roues arrière de tous les convoyeurs, ne faisait que répéter le contenu de l'instruction donnée par l'agent de sécurité.

 

M. Garcia a indiqué à nouveau que l'utilisation de cales aux roues arrière ne devrait pas être nécessaire si les convoyeurs sont réparés selon les spécifications du fabricant et si les employés reçoivent la formation et l'entraînement prévus. Cependant, il estimait que l'utilisation de cales aux roues arrière pourrait en effet relever le facteur de sécurité, et il doutait que cette précaution puisse constituer un danger.

 

Décision

 

Question

 

La question est de déterminer si le point 3 de l'instruction devrait être supprimé. Tel qu'il est formulé, le point 3 prévoit que Hudson devra veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction.

 

Législation applicable

 

Pour trancher la question, il faut examiner les dispositions du Code et du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (ci‑après appelé « Règlement ») qui s'appliquent. D'abord, l'alinéa 125i) du Code prévoit ce qui suit :

 

125. Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail :

 

i) de veiller à ce que les véhicules et l'équipement mobile que ses employés utilisent pour leur travail soient conformes aux normes réglementaires de sécurité; [Non souligné dans le Code.]

 

Les normes réglementaires de sécurité dont il est question figurent à la Partie XIV, « Manutention des matériaux », du Règlement. Celles qui se rapportent au point 3 de l'instruction se trouvent plus précisément à l'article 14.15 et aux paragraphes 14.29(1), 14.29(2) et 14.29(3) :

 

14.15 L'appareil de manutention motorisé doit être muni de mécanismes de freinage et de direction et d'autres mécanismes de contrôle qui :

a) permettent de régler et d'arrêter son mouvement et celui de tout treuil, benne ou autre pièce qui en fait partie;

b) obéissent de façon sûre et rapide à un effort modéré de l'employé qui en a le contrôle. [Non souligné dans le Code.]

 

14.29(1) L'appareil de manutention motorisé ou manuel qui présente un risque pour la sécurité ou la santé en raison d'une défectuosité doit être mis hors service jusqu'à ce qu'il ait été réparé ou modifié par une personne qualifiée. [Non souligné dans le Code.]

 

14.29(2) Sous réserve du paragraphe (3), la réparation, la modification ou le remplacement d'une pièce de l'appareil de manutention motorisé ou manuel ne doit pas avoir pour effet de diminuer le facteur de sécurité de l'appareil ou de la pièce. [Non souligné dans le Code.]

 

14.29(3) Si, au cours de la réparation, de la modification ou du remplacement d'une pièce de l'appareil de manutention motorisé ou manuel, une pièce d'une qualité ou d'une résistance inférieure à celle de la pièce originale est utilisée, l'employeur doit restreindre l'utilisation de l'appareil aux charges et aux emplois qui permettront de maintenir le facteur de sécurité initial de l'appareil ou de la pièce. [Non souligné dans le Code.]

 

Justification

 

Les étiquettes qui identifiaient le levier de commande des gaz et le levier de commande de la transmission automatique sur le convoyeur no 15159 n'étaient plus lisibles, et le frein d'immobilisation avait été remplacé par un microcontact. S'appuyant sur ces faits, l'agent de sécurité a conclu que Hudson contrevenait à l'article 14.11 [4] du Règlement pour ce qui est des étiquettes, et au paragraphe 14.29(2) pour ce qui est du microcontact, qui diminuait le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation. À noter que, selon le fabricant, le microcontact n'a pas été conçu pour remplacer un frein d'immobilisation. L'agent de sécurité a donc ordonné à Hudson de cesser toute contravention avant le 28 janvier 2000.

 

Au point 3 de l'instruction, M. Gass ordonne à l'employeur de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction. Lors de l'audience, M. Gass a expliqué qu'il avait envisagé d'exiger que l'on utilise des cales jusqu'à ce que l'employeur se conforme aux points 1 et 2 de l'instruction, mais qu'il avait ensuite changé d'idée parce qu'il préférait donner une instruction qui soit claire, et aussi parce qu'il ne savait pas si le frein d'immobilisation suffirait pour retenir le convoyeur quand le régime de ralenti du moteur serait haussé. Étant donné que M. Gass n'était pas en mesure de tester le frein d'immobilisation du convoyeur no 15159 avant de donner l'instruction, il a décidé d'exiger l'utilisation systématique de cales aux roues arrière afin d'augmenter le facteur de sécurité.

 

Commander les pièces et les installer sur le convoyeur no 15159 allait prendre un certain temps. Or, pour protéger la santé et assurer la sécurité des employés, M. Gass avait envisagé d'ordonner à Hudson, en vertu du paragraphe 145(2) du Code, de mettre hors service le convoyeur no 15159. Cette disposition se lit comme suit :

 

145.(2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose ou qu'une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, l'agent de sécurité :

a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par des instructions écrites, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise :

  • i) soit à la prise de mesures propres à parer au danger,

  • ii) soit à la protection des personnes contre ce danger.

 

Cependant, M. Gass a plutôt ordonné à Hudson de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction. M. Gass estimait qu'ainsi, la santé et la sécurité des employés seraient protégées jusqu'à ce que le facteur de sécurité du frein d'immobilisation soit ramené au niveau initial. Toutefois, puisqu'il ne savait pas si le frein d'immobilisation suffirait pour retenir le convoyeur quand le régime de ralenti du moteur serait haussé, l'agent de sécurité a préconisé l'utilisation de cales pour augmenter le facteur de sécurité. Les parties, elles, se demandaient si cette mesure n'aurait pas plutôt pour effet de diminuer le facteur de sécurité.

 

Outre ces considérations pratiques soulevées par les parties, le point 3 de l'instruction me laisse perplexe. D'abord, le paragraphe 14.29(1) prévoit que l'appareil de manutention qui présente un risque pour la sécurité ou la santé des employés en raison d'une défectuosité doit être mis hors service jusqu'à ce qu'il ait été réparé ou modifié. De plus, selon le paragraphe 14.29(2), la réparation, la modification ou le remplacement d'une pièce de l'appareil de manutention ne doit pas avoir pour effet de diminuer le facteur de sécurité de l'appareil ou de la pièce. Toutefois, si la réparation, la modification ou le remplacement de la pièce diminue le facteur de sécurité de l'appareil ou de la pièce, le paragraphe 14.19(1) s'applique, et l'appareil doit être mis hors service jusqu'à ce qu'il soit réparé ou modifié. Dans le cas du convoyeur no 15159, le microcontact ne suffisait pas à maintenir le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation. Hudson était donc tenu, conformément au paragraphe 14.29(1), de mettre le convoyeur hors service jusqu'à ce que le facteur de sécurité du système de freinage soit ramené à son niveau initial.

 

En ce qui concerne le ralenti du moteur, l'agent de sécurité a déclaré qu'au moment de donner l'instruction, il n'était pas en mesure de confirmer que le fait d'augmenter le régime de ralenti du moteur par temps froid avait effectivement pour effet de diminuer le facteur de sécurité du convoyeur. Cependant, il estimait que le risque était suffisamment élevé pour ajouter le point 3 dans l'instruction. À ce sujet, je remarque que, selon le paragraphe 145(1) du Code, il suffit que l'agent de sécurité soit d'avis qu'il y a contravention à toute disposition du Code pour agir. Le paragraphe 145(1) est formulé ainsi :

 

145(1) S'il est d'avis qu'il y a contravention à la présente partie, l'agent de sécurité peut ordonner à l'employeur ou à l'employé en cause d'y mettre fin dans le délai qu'il précise et, sur demande de l'un ou l'autre, confirme par écrit toute instruction verbale en ce sens. [Non souligné dans le Code.]

 

Cependant, le paragraphe 14.29(2) ne prévoit pas que l'on impose des mesures de sécurité supplémentaires pour régler un problème de sécurité. Au contraire, toute contravention au paragraphe 14.29(2) nous ramène au paragraphe 14.29(1), selon lequel l'appareil de manutention doit être mis hors service jusqu'à ce qu'il ait été réparé ou modifié par une personne qualifiée. Dans les cas où une pièce d'une qualité ou d'une résistance inférieure à celle de la pièce d'origine est utilisée, seul le paragraphe 14.29(3) offre à l'employeur une solution de rechange, celle de restreindre l'utilisation de l'appareil (et non de mettre l'appareil hors service).

 

Au point 2 de l'instruction, l'agent de sécurité ordonne à Hudson, à juste titre, de se conformer au paragraphe 14.29(2) du Règlement en veillant à ce que le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation soit rétabli. Cependant, tel que je l'ai mentionné précédemment, le paragraphe 14.29(2) ne prévoit pas que l'on impose des mesures de sécurité supplémentaires, que ce soit pour le frein d'immobilisation ou le ralenti du moteur. Comme je devrai supprimer le point 3 de l'instruction, j'encourage l'agent de sécurité à faire un suivi sur la question du ralenti du moteur, qui sera restée en suspens. Si les modifications apportées au ralenti du moteur du convoyeur no 15159 ou d'autres véhicules semblables diminuent le facteur de sécurité, en violation du paragraphe 14.29(2), le ou les véhicules devront être mis hors service, comme le prévoit le paragraphe 14.29(1). Si le frein d'immobilisation ne suffit pas à retenir le convoyeur quand le ralenti du moteur est réglé selon les spécifications du fabricant, alors l'appareil n'est pas conforme à l'article 14.15 du Règlement.

 

Outre le point 3 de l'instruction, il reste une question de sécurité et de santé que je me dois d'aborder. M. Gass a mentionné que, si l'accident est survenu, c'est en grande partie parce que l'employée qui s'est trompée de levier ne connaissait pas les commandes du convoyeur. Bien que les registres de Hudson montrent qu'elle a reçu la formation et l'encadrement prévus au paragraphe 14.23(1) de la Partie XIV, « Manutention des matériaux », du Règlement, ses agissements prouvent que la formation et l'encadrement reçus n'ont pas été efficaces, puisque la matière n'a pas été assimilée. Le paragraphe 14.23(1) se lit comme suit :

 

14.23(1) Sous réserve du paragraphe (2), l'employeur doit veiller à ce que tout opérateur d'un appareil de manutention motorisé ait reçu la formation et l'entraînement portant sur la marche à suivre pour :

a) en faire l'inspection;

b) l'approvisionner en carburant;

c) l'utiliser convenablement et en toute sécurité, conformément aux instructions du fabricant et en tenant compte des conditions du lieu de travail où il sera utilisé. [ Non souligné dans le Code.]

 

Bien que certains puissent interpréter la disposition de façon à conclure qu'il s'agit de formation et d'entraînement ponctuels, j'estime qu'une telle interprétation vient à l'encontre de l'article 124 du Code, qui porte sur l'obligation générale de l'employeur :

 

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail. [Non souligné dans le Code.]

 

M. Morgan a expliqué que les employés devaient exécuter une multitude de tâches et faire fonctionner divers appareils, mais qu'il pouvait y avoir un important décalage entre le moment où un employé reçoit la formation et le moment où il utilise effectivement le matériel. Voilà à mon avis une raison de plus de donner une formation et un entraînement exhaustifs aux employés. J'estime qu'il est contraire à la loi d'attendre que les employés prennent l'initiative de dire qu'ils ont besoin de formation supplémentaire. Rappelons qu'au moins deux employés ont failli être gravement blessés lors de cet accident. C'est pourquoi je souligne que, selon l'article 124 du Code, l'employeur est tenu de veiller à ce que la formation et l'entraînement des employés soient récents et suffisants.

 

À ce sujet, l'article 146 du Code ne m'autorise pas à donner une nouvelle instruction. Et puisqu'on pourrait estimer que ce serait outrepasser mes pouvoirs en vertu de l'article 146 que de modifier l'instruction de sorte qu'il y soit question de la formation et de l'entraînement des employés, je m'abstiendrai de le faire. Cependant, je désire avertir Hudson qu'elle devra veiller à ce que les employés devant faire fonctionner des appareils de manutention motorisés reçoivent la formation et l'entraînement prévus au paragraphe 14.23(1) du Règlement, conformément à l'article 124 du Code. J'encourage également l'agent de sécurité à faire un suivi sur cette question, puisqu'il l'a soulevée dans son témoignage.

 

Décision

 

Pour toutes ces raisons, JE MODIFIE PAR LES PRÉSENTES l'instruction donnée le 14 janvier 2000 aux Services d'Aviation Général Hudson Inc. par l’agent de sécurité, M. Robert L. Gass, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, en supprimant le point 3 de l'instruction.

 

Décision rendue le 31 juillet 2000.

 

 

 

Douglas Malanka

Agent régional de sécurité


ANNEXE

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 13 janvier 2000, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par les SERVICES D'AVIATION GÉNÉRAL HUDSON INC., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis à l'Aéroport international Lester B. Pearson, à Toronto, AP (ONTARIO), ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Terminal 1.

 

Ledit agent de sécurité est d'avis qu'il y a infraction aux dispositions suivantes :

 

1. Alinéa 125i) de la partie II du Code canadien du travail et article 14.11 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

L'employeur a négligé de veiller à ce que les commandes du convoyeur à bagages no 15159 et d'autres appareils de manutention semblables soient clairement identifiées.

 

2. Alinéa 125i) de la partie II du Code canadien du travail et paragraphe 14.29(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

L'employeur a omis de veiller à ce que le facteur de sécurité initial du système de freinage soit maintenu lors de la modification du système de freinage du convoyeur à bagages no 15159.

 

3. Article 124 de la partie II du Code canadien du travail.

 

L'employeur a négligé de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 28 janvier 2000.

 

Fait à Toronto, ce 14e jour de janvier 2000.

 

Robert L. Gass

Agent de sécurité

No 2012

 

À : SERVICES D'AVIATION GÉNÉRAL HUDSON INC.

Aéroport international Lester B. Pearson

TORONTO, AP

ONTARIO


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no : 00-011

 

Demanderesse : Services d'Aviation Général Hudson Inc.

 

Intimée : Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA)

 

 

MOTS‑CLÉS : convoyeur à bagages; frein d'immobilisation; dispositif de sécurité supplémentaire; cales; régime au ralenti du moteur; étiquetage des leviers de commande; maintien du facteur de sécurité initial; formation des employés.

DISPOSITIONS

 

Code : 124, 125i), 145(1), 145(2), 146

Règlement : 14.11, 14.15, 14.23(1), 14.29(1), 14.29(2), 14.29(3)

 

RÉSUMÉ

 

Le 11 janvier 2000, un employé des Services d'Aviation Général Hudson Inc. (société ci‑après appelée « Hudson ») a été frappé et blessé par un convoyeur à bagages. Un agent de sécurité a fait enquête le 13 janvier 2000 et a donné, le même jour, une instruction à Hudson en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail. Dans son instruction, il ordonnait à Hudson de veiller à ce que les commandes du convoyeur no 15159 et d'autres appareils semblables soient clairement identifiées et que, sur le convoyeur no 15159, le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation soit rétabli. Le frein d'immobilisation avait été remplacé par un microcontact. Il lui ordonnait également (point 3 de l'instruction) de veiller à ce que l'on utilise des cales pour empêcher le convoyeur no 15159 de reculer lorsqu'il est garé et qu'il est en fonction. Le lendemain, soit le 14 janvier 2000, l'agent de sécurité a confirmé par écrit l'instruction qu'il avait donnée verbalement à Hudson. Cette dernière a demandé que le point 3 de l'instruction soit révisé par un agent régional de sécurité et supprimé de l'instruction. Une audience a eu lieu à Toronto (Ontario), le 17 mai 2000.

 

Après avoir examiné l'affaire, l'agent régional de sécurité a modifié l'instruction en supprimant le point 3. Il a expliqué que le microcontact utilisé pour remplacer le frein d'immobilisation du convoyeur no 15159 n'était pas conforme au paragraphe 14.29(2). Par conséquent, en application du paragraphe 14.29(1), Hudson a été tenue de mettre l'appareil hors service jusqu'à ce que le microcontact soit réparé ou modifié de sorte que le facteur de sécurité initial du frein d'immobilisation soit rétabli.

 

L'agent régional de sécurité a également rappelé à Hudson qu'aux termes de l'article 124 du Code, elle devait veiller à ce que tout opérateur d'un appareil de manutention motorisé reçoive la formation et l'encadrement prévus au paragraphe 14.23(1) du Règlement.



[1] Il s'agit d'un convoyeur à bagage de modèle TC‑886, fabriqué par Criton Wollard Airport Equipment Company, de Floride, aux États‑Unis.

[2] D'après les témoignages, l'enclenchement du microcontact actionne le système de freinage lorsque l'opérateur appuie simultanément sur la pédale de frein. La pression de la canalisation hydraulique est ainsi maintenue au niveau établi dans le système de freinage principal, et les quatre roues restent bloquées jusqu'à ce que le dispositif soit mis hors tension.

[3] La « pédale de frein » est la commande courante que l'opérateur actionne avec le pied pour ralentir ou arrêter. La pédale de frein met en marche le système de frein hydraulique à plusieurs circuits (quatre roues).

 

[4] Selon les éléments de preuve recueillis, les leviers de commande n'étaient pas clairement identifiés parce que les étiquettes étaient usées. J'en déduis que ces étiquettes avaient été apposées à l'étape de la fabrication. Si tel est le cas, Hudson n'a pas enfreint l'article 14.11, mais plutôt le paragraphe 14.29(1), parce qu'il a négligé de mettre hors service le convoyeur no 15159 jusqu'à ce que les étiquettes usées soit remplacées. Cependant, puisque Hudson ne demande que l'annulation du point 3 de l'instruction et que je ne possède aucune preuve que les étiquettes étaient en place au moment où Hudson a pris possession du convoyeur, je n'irai pas plus loin.

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