Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Human Resources Développement des

Development Canada ressources humaines Canada

 

Canada Appeals Office on Occupational Health and Safety · Bureau d’appel canadien en santé et sécurité au travail

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

Western Stevedoring Company Limited

demandeur

 

et

 

Diana Smith

agente de santé et de sécurité

 

 

Décision no 01-016

Le 6 juin 2001

 

 

 

 

 

Affaire entendue par Douglas Malanka, agent d’appel, en la Ville de Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 mai 2001.

 

 

 

 

Ont comparu

 

Pour le demandeur :

 

M. E. Skowronek, British Columbia Maritime Employers Association, et M. K. Moger, Western Stevedoring Company Limited

 


 

  • [1] Le 31 octobre 2000, le bureau d’affectation de la British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) a envoyé un employé, M. Brian Lielke, au poste Lynnterm de la société Western Stevedoring Company Limited (Western Stevedoring). Plus tard ce matin‑là, le chariot élévateur [1] , d’une capacité de 80 000 livres, que conduisait M. Lielke pour charger des barres de renforcement sur un wagon de train a subitement basculé vers l’avant. Dans cet accident, M. Lielke s’est blessé à la main.

  • [2] Le lendemain, soit le 1er novembre 2000, deux membres du comité de santé et de sécurité, l’un représentant l’employeur et l’autre les employés, ont fait enquête sur l’accident et pris les dépositions de témoins. Ils ont rédigé un « Rapport d’enquête de situation comportant des risques » qu’ils ont transmis à Développement des ressources humaines Canada (DRHC) le 9 novembre 2000. Ce rapport est exigé par la partie II du Code canadien du travail (ci-après appelés le Code ou la partie II) ainsi que par la partie XV, intitulée « Enquête et rapports sur les situations comportant des risques » du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (RCSST).

  • [3] Dans le rapport, les enquêteurs de la société Western Stevedoring ont conclu que l’accident était attribuable au fait que M. Lielke avait mal chargé le chariot élévateur sur un plan incliné, qu’il avait placé la charge trop en avant et qu’il avait tourné le volant pendant qu’il abaissait la charge. Ils ont recommandé ce qui suit :

 

 

 

[traduction]

« Les opérations de cette nature doivent être examinées avant de commencer, en tenant compte de procédures à élaborer en fonction des facteurs susmentionnés. »

 

  • [4] L’agente de santé et de sécurité Diana Smith a examiné le Rapport d'enquête de situation comportant des risques qui a été présenté à DRHC et a demandé à la société Western Stevedoring de lui remettre une copie du dossier de formation de M. Lielke. Le document en question, présenté le 20 novembre 2000, a confirmé que M. Lielke avait suivi le « Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires » de la BCMEA en 1996, mais pas le « Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds » de cette dernière.

  • [5] Le 12 décembre 2000, l’agente de santé et de sécurité Smith a donné une instruction à la société Western Stevedoring, en application du paragraphe 145(1) du Code. Voir l’annexe. D’après le premier point de cette instruction, un employé conduisait un chariot élévateur d’une capacité de 80 000 livres sans avoir reçu la formation et l’entraînement nécessaires pour utiliser cet appareil convenablement et en toute sécurité, conformément à l’alinéa 125q) du Code et à l’alinéa 14.23(1)c) du RCSST. D’après le second point de l’instruction, le même employé n’avait pas reçu d’une personne qualifiée une formation sur le tas pour utiliser l’appareil convenablement et en toute sécurité, comme l’exigent l’alinéa 125q) du Code et l’alinéa 14.23(3)b) du RCSST. L’instruction ordonnait à la société Western Stevedoring de mettre immédiatement fin à l’infraction.

  • [6] Le 13 décembre 2000, la société Western Stevedoring a consulté l’agente de santé et de sécurité Smith au sujet de son instruction. L'agente a précisé qu’elle avait donné l’instruction parce que ni le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires ni le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds de la BCMEA ne portent sur l’utilisation des chariots élévateurs d’une capacité de plus de 30 000 livres. Elle n’a pas indiqué en quoi consistaient les lacunes de ces programmes de formation en ce qui a trait aux chariots élévateurs de très grande capacité, mais elle a fait remarquer que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds ne traite que des appareils de manutention de conteneurs lourds.

  • [7] En réponse, la société a rappelé à l’agente de santé et de sécurité qu’elle est membre de la BCMEA et que, selon sa constitution, cette association dispense les programmes de formation et de recyclage qui sont destinés aux travailleurs des quais qui en sont membres. La lettre cite l’alinéa 2e) de la Constitution et des règlements de la BCMEA, dont le texte est le suivant :

 

 

 

 

[traduction]

« 2e) Exécuter des programmes de formation et de recyclage pour ou concernant tous les travailleurs, fonctionnaires, employés ou dirigeants des membres de la société qui, directement ou indirectement, s’occupent des opérations que mènent les membres en question ».

 

  • [8] En décembre, dans une lettre envoyée à l’agente de santé et de sécurité Smith, la société Western Stevedoring a indiqué qu’elle se conformerait à l’instruction en portant celle-ci à la connaissance de la BCMEA, et en lui demandant d’établir le programme de formation sur le tas mentionné au second point. La société a convenu en outre de veiller dorénavant à ce que seuls des opérateurs d’expérience conduisent ses chariots élévateurs lourds et que ces opérateurs soient convenablement surveillés lors des opérations. En ce qui a trait au second point de l’instruction, la société Western Stevedoring a déclaré que l’alinéa 14.23(3)b) du RCSST ne s’appliquait pas car il se rapporte aux appareils de manutention manuels.

  • [9] Pour sa part, la BCMEA a avisé son bureau d’affectation d’envoyer uniquement des employés ayant suivi le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds pour conduire des appareils de ce type. La BCMEA a également informé ses sociétés membres que, lorsqu’elles demandaient un conducteur de chariot élévateur lourd, il fallait qu’elles précisent qu’il devait s’agir d’une personne ayant suivi le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds. L’Association a également fourni à l’agent de santé et de sécurité Smith une version révisée provisoire du Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires, ainsi qu’une version révisée provisoire du Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds. Les modifications apportées aux normes révisées traitent des exigences relatives aux chariots élévateurs lourds.

  • [10] La BCMEA a mené une enquête auprès de ses membres à propos de l’utilisation des chariots élévateurs lourds. Selon les résultats de cette enquête, les sociétés membres de la BCMEA utilisent une large gamme de chariots élévateurs, et toutes ne se servent pas de modèles lourds. La société Western Stevedoring a indiqué pour sa part qu’elle utilise des chariots élévateurs d’une capacité de 55 000 livres, de 60 000 livres, de 80 000 livres et de 90 000 livres, mais pas en tout temps, et aucun de manière constante. M. Frank Vick a indiqué dans la réponse au questionnaire de l'enquête qu’il serait peut-être préférable qu’un moniteur « familiarise » l’opérateur au début d’un quart de travail, plutôt que de créer une norme de qualification pour l'utilisation des chariots élévateurs lourds.

  • [11] Le 3 janvier 2001, l’agente de santé et de sécurité Smith a répondu par écrit à la société Western Stevedoring au sujet de son instruction. En ce qui concerne le premier point de cette dernière, l’agente a réitéré que la société Western Stevedoring est chargée de veiller à ce que tous ses opérateurs d’appareils de manutention motorisés reçoivent la formation et l'entraînement prévus à l’alinéa 14.23(1)c) du RCSST, et ce, quelle que soit la personne qui donne cette formation et cet entraînement. L'agente a donné instruction à la BCMEA ou à la Western Stevedoring de lui fournir un projet de formation précis et détaillé à l'intention des opérateurs de chariots élévateurs lourds, avant le 31 janvier 2001.

  • [12] Quant au second point de son instruction, elle a admis qu’il est question à l’alinéa 14.23(3)b) du RCSST des appareils de manutention manuels et que cette disposition ne s’appliquait donc pas dans les circonstances. Elle a cependant indiqué que seul un agent d’appel est autorisé à modifier l’instruction et à annuler le second point.

  • [13] À l’audience tenue le 11 mai 2001, l’agente de santé et de sécurité Smith a réitéré que la société Western Stevedoring avait contrevenu au Code et au RCSST parce que M. Lielke n’avait pas reçu de formation sur l’utilisation des chariots élévateurs lourds. Elle a ajouté qu’un décès était survenu en août 2000, et que M. Rick Tessier, formateur à la BCMEA, et M. Pasacreta, vice-président aux opérations à la Western Stevedoring, avaient convenu que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds de la BCMEA ne portait pas sur les chariots élévateurs de très grande capacité.

  • [14] M. Eric Skowronek, gestionnaire, Santé et sécurité au travail, BCMEA, a témoigné à l’audience pour le compte de la société Western Stevedoring. Je retiens ce qui suit de sa déposition et de son mémoire.

  • [15] Les travailleurs du secteur du débardage travaillent à partir d’un bureau d’affectation, où le travail est attribué tous les jours. Selon ce système, les compétences et la disponibilité des travailleurs sont mis en correspondance avec les tâches que les employeurs ont à effectuer. Les travailleurs peuvent être affectés à sept employeurs différents au cours d’une même semaine. La tâche de former et d’entraîner un nombre suffisant de travailleurs pour répondre aux besoins du secteur du débardage excède la capacité de la plupart des employeurs qui sont membres de l’Association. C’est pour cette raison que les activités de formation et d’entraînement qui s’appliquent à la majeure partie de ce secteur sont accomplies par la BCMEA.

  • [16] Les programmes de formation et d’entraînement de la BCMEA sont établis en consultation avec l’International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union. Il existe à l’heure actuelle une vingtaine de secteurs de formation généraux, qui se subdivisent en outre en sous-catégories. En 2000, le budget de formation de la BCMEA était d’environ 2,4 millions de dollars, et cette dernière s’attend à dépasser le cap des 5 millions de dollars en 2001. Ces montants, a-t-il ajouté, n’incluent pas les cours individuels d’entraînement et de formation que donnent certaines entreprises membres.

  • [17] Dans le secteur du débardage, la conception et la capacité des chariots élévateurs varient considérablement d'une entreprise à l'autre. Les capacités varient de 5 000 livres, pour les lieux de travail d’une taille relativement petite, à 15 000 et à 30 000 livres, pour déplacer de la pâte, du bois et divers autres produits, et elles peuvent aller jusqu’à 80 000 à 90 000 livres, pour déplacer des chargements ou des conteneurs lourds. La BCMEA a deux programmes de formation généraux : le Programme relatif aux chariots élévateurs ordinaires et le Programme relatif aux chariots élévateurs lourds.

  • [18] Le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires forme les travailleurs à se servir de chariots à fourche pour déplacer divers types de produits. Les activités de formation et d’entraînement reliées à ce programme sont fort étendues et durent six semaines, comparativement aux programmes de formation relatifs aux chariots élévateurs que l’on offre dans d’autres secteurs, dont la durée n’est que de un à sept jours. Le Programme est axé sur les chariots élévateurs d’une capacité de 5 000 à 30 000 livres, et l’appareil le plus souvent utilisé dans ce secteur a une capacité de 30 000 livres. Le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds porte exclusivement sur les appareils de manutention de conteneurs lourds.

  • [19] M. Lielke a suivi avec succès le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires en 1996, et a enregistré plus de 2 400 heures d’utilisation de ce genre d’appareil après 1997. Il a également suivi un cours sur le fonctionnement des bulldozers et des excavatrices utilisés à bord des navires, et a conduit un chariot élévateur d’une capacité de 60 000 livres pendant deux jours par mois durant la période qui a précédé l'accident. Le jour de l’accident, M. Lielke avait déjà amené quatre charges de barres de renforcement jusqu’à des wagons.

  • [20] M. Skowronek a soutenu que M. Lielke avait reçu une formation et un entraînement convenables, comme l’exigent le Code et le RCSST, et que l’accident ne confirmait pas un manque de formation. Il a demandé que j’annule entièrement l’instruction.

  • [21] La question qu’il me faut trancher dans cette affaire est celle de savoir si le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires satisfait aux exigences en matière d’entraînement et de formation dont il est question à l’alinéa 14.23(1)c) du RCSST, relativement aux chariots élévateurs d’une capacité de plus de 30 000 livres. À cette fin, il me faut prendre en considération le libellé des alinéas 14.23(1)c) et 14.23(3)b) du RCSST, de même que les éléments de preuve fournis dans cette affaire.

  • [22] Le texte des alinéas 14.23(1)c) et 14.23(3)b) du RCSST est le suivant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

****

 

 

14.23(1) Sous réserve du paragraphe (2), l’employeur doit veiller à ce que tout opérateur d’un appareil de manutention motorisé ait reçu la formation et l’entraînement portant sur la marche à suivre pour :

[…]

c) l’utiliser convenablement et en toute sécurité, conformément aux instructions du fabricant et en tenant compte des conditions du lieu de travail où il sera utilisé.

 

14.23(3) L’employeur doit veiller à ce que tout opérateur d’un appareil de manutention manuel reçoive d’une personne qualifiée une formation sur le tas portant sur la marche à suivre pour :

[…]

b) l’utiliser convenablement et en toute sécurité, conformément aux instructions du fabricant et en tenant compte des conditions du lieu de travail où il sera utilisé et des capacités physiques de l’opérateur. [Non souligné dans l’original.]

 

  • [23] À mon avis, l’alinéa 14.23(1)c) du RCSST est une norme de rendement, plutôt qu’une norme de prescription. C’est-à-dire que cette disposition prescrit le résultat à atteindre plutôt que la façon d’appliquer la norme. Le seul critère prévu à l’alinéa 14.23(1)c) est que la formation et l’entraînement doivent être conformes aux instructions du fabricant et tenir compte des conditions du lieu où travaille l’opérateur.

  • [24] Cependant, on ne peut faire abstraction des articles 122.1 [2] (clause d’objet) et l’article 124 [3] (clause d’obligation générale) du Code. Ces deux dispositions prescrivent que les activités de formation et d’entraînement prescrites à l’alinéa 14.23(1)c) doivent à tout le moins satisfaire aux normes minimales admises dans l’industrie et être suffisantes pour protéger la santé et assurer la sécurité des travailleurs. Il vaut également la peine de signaler que l’alinéa 14.23(1)c) n’oblige pas l’employeur à fournir la formation et l’entraînement requis, mais plutôt à faire en sorte que tous les opérateurs à son service reçoivent un entraînement et une formation qui sont conformes à la norme.

  • [25] En ce qui concerne les faits dans cette affaire, je conclus que les éléments de preuve présentés par M. Skowronek sont nettement plus convaincants que ceux qu’a présentés l’agente de santé et de sécurité. Cette dernière a soutenu que ni le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires ni le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds de la BCMEA n’offraient des activités de formation et d’entraînement sur l'utilisation des chariots élévateurs à fourche lourds. Cependant, elle n’a pas indiqué à quel endroit ou en quoi ces programmes étaient incomplets. Elle a plutôt fait référence dans son témoignage à un accident de chariot élévateur à fourche qui était survenu au mois d’août précédent où, d’après elle, un représentant de la société Western Stevedoring avait admis que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs à ordinaires ne traitait pas des « angles morts » ou du « grand rayon de braquage » que l’on associe à la conduite des chariots élévateurs à fourche lourds. Cependant, elle ne m’a fourni aucune preuve confirmant les circonstances de l’accident, les conclusions de l’enquête sur ce dernier ni les mesures prises par DRHC, si mesures il y avait. En outre, elle ne m’a pas fourni de rapports d’enquête de situation comportant des risques, de statistiques sur les accidents ni de rapports du comité de santé et de sécurité pour étayer sa conclusion ou pour montrer que les employés craignent que la formation et l’entraînement qui leur sont donnés sont inadéquats.

  • [26] Par contre, M. Skowronek a déclaré que la BCMEA établit ses programmes de formation et d’entraînement en consultation avec l’International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union. La formation que dispense la BCMEA, a-t-il ajouté, est complète. En effet, en l'an 2000, cette association a consacré un budget d’environ 2,4 millions de dollars à la formation.

  • [27] M. Skowronek a déclaré que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires de la BCMEA dure six semaines, alors que les programmes de formation analogues que l’on offre dans d’autres secteurs ne durent que de un à sept jours. Il a affirmé que ce Programme de formation dispense aux travailleurs l’entraînement et la formation nécessaires pour conduire un chariot élévateur de n’importe quelle taille et qu’il satisfait aux exigences du Code et du RCSST. Il a confirmé que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs lourds porte sur le levage des conteneurs lourds et non sur la conduite des chariots élévateurs lourds.

  • [28] Il a expliqué que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires est axé sur les appareils d’une capacité de 5 000 à 30 000 livres parce qu’il s’agit là du type de chariots que l’on utilise le plus souvent dans l’industrie. Il a ajouté que les révisions que la BCMEA se propose d’apporter aux programmes de formation ne constituent pas un aveu que le Programme relatif aux chariots élévateurs ordinaires est insuffisant, ou qu’il contrevient à l’alinéa 14.23(1)c) du RCSST. Les révisions ont pour seul but de clarifier les choses.

  • [29] Il a fait valoir qu’il ressort du dossier de formation de M. Lielke que ce dernier a suivi le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires, ainsi que d’autres cours portant sur le fonctionnement d’appareils de manutention lourds. Le dossier de travail de M. Lielke confirme que ce dernier a à son actif plus de 2 500 heures d’expérience en ce qui concerne la conduite de chariots élévateurs de capacités diverses et environ 600 heures d’expérience concernant la conduite d’appareils de manutention mobiles à bord d'un navire. Le dossier d’emploi de M. Lielke révèle aussi que ce dernier avait conduit un chariot élévateur d’une capacité de 80 000 livres quelques jours seulement avant l’accident, et qu’il avait déjà déplacé quatre charges de barres juste avant que son véhicule bascule. Dans sa déclaration d’accident, M. Lielke ne s’est pas plaint que la cause ou le facteur contributif de l’accident était un manque de formation ou d’entraînement.

  • [30] Les membres du comité de santé et de sécurité de la société Western Stevedoring qui ont fait enquête sur l’accident ont imputé ce dernier au fait que la charge était manutentionnée sur un plan incliné vers le bas, que la charge était située trop en avant et que l’opérateur avait tourné le volant du véhicule pendant qu’il abaissait la charge. Je note avec intérêt qu’ils ont confirmé que M. Lielke avait suivi la formation nécessaire pour accomplir ce travail en 1996, et qu’ils n’ont pas attribué l’accident à un manque de formation. Je note de plus que le document intitulé Standard Lift Truck Manual – Evaluation Program (Programme d’évaluation – Guide d’utilisation des chariots élévateurs ordinaires) que l’agente de santé et de sécurité a produit en preuve semble confirmer que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires traite des procédures qui, d’après les membres du comité de santé et de sécurité de la société Western Stevedoring, constituaient les causes et les facteurs contributifs de l’accident.

  • [31] L’International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union aurait pu assister à l’audience, mais, le jour de cette dernière, ses représentants ont décidé de ne pas se présenter. En l’absence de toute explication à propos de leur absence, je tends à conclure que l’Union n’est pas en désaccord avec la BCMEA et la Western Stevedoring au sujet de la conformité du Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires aux dispositions du RCSST, relativement à toutes les tailles ou capacités de ces types d’appareils.

  • [32] En ce qui concerne le second point de l’instruction, l’agente de sécurité a convenu avec la société Western Stevedoring que l’alinéa 14.23(3)b) du RCSST ne s’applique pas. En effet, M. Lielke n’utilisait pas un appareil de manutention manuel au moment de l’accident.

  • [33] Après avoir examiné et évalué avec soin la preuve présentée dans cette affaire, je me dois de conclure, selon la prépondérance de ces éléments de preuve, que la BCMEA et la société Western Stevedoring ont établi le bien-fondé de leurs arguments, à savoir que le Programme de formation relatif aux chariots élévateurs ordinaires de la BCMEA que M. Lielke a suivi est conforme aux dispositions de l’alinéa 14.23(1)c) en ce qui concerne ses chariots élévateurs. Pour les motifs qui précèdent, j’annule l’instruction que l’agente de santé et de sécurité Smith a donnée à la société Western Stevedoring, en application du paragraphe 145(1) du Code, le 12 décembre 2000.

  • [34] Nonobstant cette décision, j’incite la société Western Stevedoring a réexaminer le bien-fondé de la suggestion que M. Frank Vick, Lynnterm/SIT, est censé avoir faite dans la note de service interbureaux de M. Drew Sagar, à l’intention de la FAP, et portant la date du 8 janvier 2001. Selon cette note, M. Vick a proposé qu’il serait peut-être préférable que la Western Stevedoring charge un formateur de « familiariser » les opérateurs à la conduite des chariots élévateurs lourds au début d’un quart de travail et de consigner cette activité, plutôt que de créer sa propre norme de qualification au sujet des chariots élévateurs lourds pour garantir que les opérateurs suivent la formation et l’entraînement nécessaires. Ces séances de « familiarisation » pourraient porter sur les caractéristiques particulières d’un chariot élévateur, comme les angles morts et les grands rayons de braquage, s’il y en a. Cette démarche est également compatible avec les « mesures correctives » que la société Western Stevedoring a recommandées dans le Rapport d’enquête de situation comportant des risques présenté à DRHC. Ces recommandations sont les suivantes :

  • [35] Rien dans la présente décision n’empêche un agent de santé et de sécurité de réévaluer l’affaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[traduction]

« Les opérations de cette nature doivent être examinées avant de commencer, en tenant compte de procédures à élaborer en fonction des facteurs susmentionnés. »

 

 

 

 

 

 

________________________

Agent d’appel

Douglas Malanka

ANNEXE

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 20 novembre 2000, l’agente de santé et de sécurité soussignée a procédé à une enquête sur un incident survenu le 30 octobre 2000, dans le lieu de travail exploité par la société WESTERN STEVEDORING COMPANY LIMITED, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 15 MOUNTAIN HIGHWAY, NORTH VANCOUVER (C.-B.), ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Lynnterm.

 

Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis qu’il y a eu récemment infraction à la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail :

 

1. L’alinéa 125q) du Code canadien du travail, et l’alinéa 14.23(1)c) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

Un employé conduisait un chariot élévateur d’une capacité de 80 000 livres sans avoir reçu la formation et l’entraînement nécessaires pour utiliser cet appareil convenablement et en toute sécurité.

 

2. L’alinéa 125q) du Code canadien du travail et l’alinéa 14.23(3)b) du Règlement sur la sécurité et la santé au travail.

Un employé conduisait un chariot élévateur d’une capacité de 80 000 livres sans avoir reçu d’une personne qualifiée une formation sur le tas pour utiliser l’appareil convenablement et en toute sécurité.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, dans le délai précisé par l’agente de santé et de sécurité, de prendre les mesures permettant de garantir que l’infraction ne se répétera pas.

 

Fait à Surrey, ce 12e jour de décembre 2000.

 

Diana Smith

Agente de santé et de sécurité

 

À : WESTERN STEVEDORING COMPANY LIMITED

15 MOUNTAIN HIGHWAY, LYNNTERM

NORTH VANCOUVER, B.C.

V7J 2J9


RÉSUMÉ DE LA DÉCISION RENDUE PAR L’AGENT D’APPEL

 

 

Décision no 01-016

 

Demandeur : Western Stevedoring Company Limited

 

Intimé : S.O.

 

Mots clés : Chariot élévateur, chariot élévateur à fourche, chariot élévateur de grande capacité, entraînement et formation

 

Code : 122.1, 124, 125q), 145(1)

RCSST : 14.23(1)c), 14.23(3)b)

 

Résumé : Le 31 octobre 2000, le chariot élévateur d’une capacité de 80 000 livres que conduisait M. Brian Lielke en chargeant des barres de renforcement sur un wagon de train a subitement basculé vers l’avant. M. Lielke s’est blessé à la main. Deux membres du comité de santé et de sécurité, l’un représentant l’employeur et l’autre les employés, ont fait enquête sur l’accident et présenté un « Rapport d’enquête de situation comportant des risques » à Développement des ressources humaines Canada. Il a été conclu dans ce rapport que l’accident était imputable au fait que M. Lielke avait mal chargé le chariot élévateur sur un plan incliné, qu’il avait placé la charge trop en avant et qu’il avait tourné le volant pendant qu’il abaissait la charge. L’agente de santé et de sécurité Diana Smith a par la suite examiné le Rapport d’enquête de situation comportant des risques et conclu que l’employeur, Western Stevedoring, n’avait pas veillé à ce que M. Lielke suive une formation adéquate sur l'utilisation des chariots élévateurs lourds. L’agente de santé et de sécurité a plus tard admis que le second point de l’instruction ne s’appliquait pas, car M. Lielke ne conduisait pas un appareil de manutention manuel.

 

À la suite de sa révision, l’agent d’appel a annulé l’instruction. Il a conclu, selon la prépondérance des éléments de preuve, que la société Western Stevedoring avait veillé à ce que M. Lielke ait suivi une formation et un entraînement sur l'utilisation des chariots élévateurs, conformément aux dispositions de la partie II du Code et du RCSST.

 



[1] Les mots « chariot élévateur » et « chariot élévateur à fourche » ont été utilisés de manière interchangeable dans les témoignages relatifs à la présente affaire.

 

[2] Le texte de l’article 122.1 du Code est le suivant :

« La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions ».

 

[3] Le texte de l’article 124 du Code est le suivant :

« L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail ».

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