Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

Partie II, des instructions données par un agent de sécurité

 

Décision no 95-018

 

Requérant : Monsieur Mike Milcik

Les Lignes Aériennes Canadien International Ltée.

Représenté par : Me Harold C. Lehrer

 

Partie intéressée : Le Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Représenté par : Me Raymond Piché et

Me Nadine Perron

 

Mis-en-cause : Denis Caron

Agent de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Devant : Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Des auditions orales ont été tenues les 27 et 28 juin 1995 et le 16 septembre 1995, à Montréal (Québec).

Intervention du Procureur général du Canada

 

Le Procureur général du Canada a demandé l'autorisation d'intervenir lors de l'audition de cette affaire. Le Procureur général du Canada a soutenu que puisqu'il était possible qu'aucune partie n'intervienne à l'appui des dites instructions, il avait tout l'intérêt requis pour soutenir que les instructions attaquées étaient conformes à la partie II du Code canadien du travail (ci-après le Code). Par conséquent, le Procureur général du Canada a été autorisé à intervenir.

 

Historique

 

Les faits

 

Le 21 janvier 1995, un accident de travail ayant causé la mort de trois (3) employés d'un employeur assujetti au Code, soit la compagnie Les Lignes Aériennes Canadien International Ltée. (ci-après Canadien), s'est produit à l'Aéroport international de Mirabel.

 

Cet accident est survenu lorsque les trois employés de Canadien, ainsi que leurs compagnons de travail, dégivraient1' un aéronef de type Boeing 747-400 de la compagnie nationale de transport aérien Royal Air Maroc (ci-après appelée RAM). L'accident a eu lieu lorsque l'aéronef de RAM s'est mis en mouvement alors que le dégivrage n'était pas encore terminé de telle sorte que les stabilisateurs à l'arrière de l'aéronef ont heurté les girafes qui soutenaient les nacelles renversant ainsi les deux camions affectés au dégivrage. Les trois (3) employés de Canadien qui se trouvaient à l'intérieur des nacelles ont ainsi été précipités au sol, entraînant leur décès.

 

(1Pour fins de compréhension, le dégivrage est un procédé qui a pour effet de faire fondre le givre, la glace ou la neige qui se sont accumulés sur un aéronef ou d'en empêcher la formation ou l'accumulation.)

 

L’enquête

 

Le 21 janvier 1995, monsieur Denis Caron, agent de sécurité, s'est rendu à l'Aéroport international de Mirabel afin d'y mener une enquête en vertu du Code. L'agent de sécurité rapporte que "le soir de l'accident, M. Mike Milcik agissait comme De-Icing coordinator "ICEMAN" (Coordonnateur de dégivrage) et était à ce titre, l'alter ego2 de l'employeur, Canadien.

(2Un "alter ego" est une expression qui tire son origine du latin et qui signifie littéralement <un autre moi-même>. C'est une personne de confiance qu'on peut charger de tout faire à sa place.)

 

L'agent de sécurité a, dans le cours de son enquête, fait les démarches suivantes : il a

 

- analysé la description sommaire de la tâche de M. Milcik;

- visité le centre de dégivrage à trois reprises;

- interrogé M. Milcik en présence de plusieurs personnes;

- recueilli divers documents dont:

- la procédure de dégivrage de la compagnie Canadien;

- la transcription de l'interrogatoire de Pierre Smarlak fait par Canadien;

- la transcription de l'interrogatoire de Alain Giroux fait par Canadien; et

- diverses déclarations qu'il a rédigées et qui ont été signées par messieurs Giroux, Smarlak et Milcik.

 

En se fondant sur les procédures de dégivrage de Canadien (paragraphe 3-7-13), l'agent de sécurité constate que "les deux seuls types d'aéronefs qui pouvaient être dégivrés, alors que les moteurs propulseurs étaient en marche, étaient les Boeing 737-200 et les Airbus A320-200 de Canadien."

 

Sur la base de ce qui précède, l'agent de sécurité a émis les opinions suivantes, à savoir:

 

- que M. Milcik "Iceman" avait la responsabilité des opérations de dégivrage le soir de l'accident;

- que M. Milcik avait la responsabilité de déterminer si le dégivrage devait se faire les moteurs en marche, responsabilité qu'il n'aurait pas prise;

- que M. Milcik était conscient que M. Smarlak avait dit au pilote de laisser en marche les moteurs du Boeing 747-400;

- que M. Milcik ne savait pas qui était réellement qualifié ou non pour le dégivrage du Boeing 747-400 les moteurs en marche et qu'il a quand même laissé M. Smarlak dégivrer les moteurs en marche; et,

- que M. Milcik était conscient du fait que les moteurs en marche du Boeing 747-400 occasionnaient un bruit de fond pouvant nuire à la communication entre le conducteur du camion et la nacelle.

 

L'instruction

 

En conclusion, l'agent de sécurité était d'avis que Canadien avait contrevenu à l'article 124 du Code et a émis une instruction (ANNEXE-A) à M. Milcik, qu'il considérait comme l'alter ego de l'employeur Canadien. L'instruction fut émise par l'agent de sécurité le 15 mars 1995, en vertu du paragraphe 145(1) du Code, pour une infraction à l'article 124 du Code.

 

M. Milcik a demandé la révision de cette instruction, par l'intermédiaire de Me Lehrer, parce qu'il se sentait lésé par la dite instruction du fait qu'il n'est pas le représentant de l'employeur et encore moins son alter ego.

 

Soumission pour l’employé

L'argumentation détaillée de Me Lehrer a été consignée au dossier. Me Lehrer a présenté de nombreuses observations lors de l'audition de cette cause. Les principales observations traitent du fait que M. Milcik n'est pas le représentant de l'employeur dans cette affaire et que, par conséquent, son nom n'aurait jamais dû paraître dans l'instruction

 

La première observation de Me Lehrer concerne la description de tâches de M. Milcik. Me Lehrer note que l'agent de sécurité se base sur une version informatisée du 22 janvier 1995, soit une journée après l'accident, de la description de la tâche "Iceman" alors que dans son rapport d'enquête, l'agent de sécurité a déposé en preuve une version datée d'octobre 1994. Or, M. Milcik affirme n'avoir jamais vu cette version informatisée ce qui porte Me Lehrer à se questionner à ce sujet puisque si M. Milcik était le représentant de l'employeur, alors pourquoi n'aurait-il jamais vu une copie de la mise à jour de cette description de la tâche.

Me Lehrer trouve exceptionnel le fait que tout le monde i.e. tant le personnel à l'intérieur de Canadien que celui de l'extérieur, y compris l'agent de sécurité, considérait M. Ritchie, M. Lopes, M. Dirienzo, M. Powell et d'autres membres de la gérance comme des représentants de l'employeur sauf lorsque l'instruction du 15 mars 1995 fut émise à M. Milcik en tant que représentant de l'employeur. Me Lehrer note que dans toute la correspondance concernant cette affaire, M. Milcik ne reçoit jamais copie des documents, pour la simple raison que Canadien ne le considère pas comme un membre de la gérance et encore moins un représentant de l'employeur. Ce sont les membres de la gérance de Canadien, nommés ci-haut, qui échangeaient de la correspondance et prenaient les décisions.

Me Lehrer observe aussi que lorsque l'agent de sécurité a émis des instructions à l'employeur ou a échangé de la correspondance avec celui-ci, il savait très bien à qui faire parvenir les documents, soit à M. Lopes ou à M. Ritchie. L'agent de sécurité a d'ailleurs annulé les instructions émises à Canadien après être parvenu à une entente avec cette compagnie concernant les procédures de dégivrage les moteurs en marche. Or, jamais M. Milcik n'a reçu de copie de cet échange de correspondance entre les représentants de Canadien et l'agent de sécurité. En fait, la logique même de cette instruction échappe à Me Lehrer : l'agent de sécurité émet une instruction à Canadien le 4 février 1995, le 23 février suivant il l'annule et le 15 mars 1995, il en émet une autre à l'employeur par le biais de M. Milcik.

 

Me Lehrer nous soumets que le titre de M. Milcik est "Senior Lead" et non pas "Iceman" comme le prétend l'agent de sécurité. Un "Senior Lead" c'est, par analogie, comme un chef d'équipe. Un chef d'équipe peut distribuer le travail aux employés mais il n'est pas un membre de la gérance et ne représente pas la gérance. Selon Me Lehrer, "la ligne de démarcation, c'est qui développe la politique et qui voit à sa mise en application". Bien que M. Milcik pouvait, dans certains cas, distribuer un travail, il n'a jamais établi la politique chez Canadien et n'a jamais eu à décider quoi faire, quand le faire et ni qui doit le faire. Selon Me Lehrer, il est impossible qu'un membre du syndicat, tel que M. Milcik, soit aussi un membre de la gérance. D'ailleurs, lors de l'enquête du Coroner, M. Dirienzo, en réponse à une question posée par Me Lehrer, identifie les gérants responsables des opérations de dégivrage à Mirabel comme étant lui-même, M. Lopes et M. Mario Rosa et affirme qu'aucun membre du syndicat ne fait partie de la gérance.

 

De plus, nous souligne Me Lehrer, il y a effectivement quelqu'un qui décide qui sera le "Iceman" pour une soirée en particulier ou même pour une opération en particulier, c’est-à-dire pour le dégivrage d'un avion en particulier. Toutefois, ce n'est pas M. Milcik qui décide de faire cette nomination, c'est la gérance. Lorsque le "Iceman" est nommé pour une opération, ou peut-être pour une période donnée, il doit suivre les directives de son employeur en distribuant le travail à titre de "Iceman" et cette politique de distribution du travail a déjà été établie par la gérance.

 

D'ailleurs, Me Lehrer soutient que l'agent de sécurité savait que M. Ian Lopes, le gérant en fonction à l'aéroport Mirabel (Duty Manager), était physiquement présent le soir de l'accident et que c'était ce dernier qui était en charge des lieux et enfin, que M. Milcik se rapportait à lui. S'il voulait donner une instruction à l'employeur "Canadien" pourquoi ne pas l'adresser à M. Lopes comme il l'avait fait le 4 février 1995 ou à M. Ritchie ou à M. Dirienzo avec qui il avait eu des discussions au sujet du dégivrage les moteurs en marche. S'il voulait la donner à l'employé, il aurait pu le faire en donnant une instruction à M. Milcik, comme il l'a fait dans le cas de M. Smarlak3. Il ne fait aucun doute, après avoir consulté le libellé de l'article 124 du Code, que l'agent de sécurité a donné l'instruction à l'employeur dans ce cas-ci. Toutefois il a identifié l'employé comme représentant de l'employeur ce qui, selon Me Lehrer, rend l'instruction très vague et très ambiguë.

 

(3Une instruction a effectivement été émise à l'endroit de M. Smarlak à titre d'employé. Cette instruction fait l'objet d'une demande de révision devant l'agent régional de sécurité et doit être entendue à une date ultérieure)

 

Soumission du Procureur général du Canada

 

La soumission détaillée du Procureur général du Canada a été consignée au dossier. Me Piché reconnaît que l'instruction est effectivement adressée à l'employeur, Canadien. Me Piché reconnaît de plus que la politique officielle de Canadien était qu'on ne dégivrait pas les Boeing 747 les moteurs en marche. Toutefois, les responsables de Canadien à Mirabel ont commencé à tester le dégivrage de ces avions les moteurs en marche et ont commencé à former du personnel pour accomplir cette tâche même si certains membres de la gérance de Canadien trouvaient cela dangereux. II semble donc que la politique officielle de Canadien parallèlement aux essais effectués crée une situation pour le moins ambiguë "puisqu'il n’y a pas de directives, d'instructions, les manuels n'ont pas été modifiés pour préciser dans quelles circonstances on devrait faire le dégivrage les moteurs en marche."

 

En ce qui concerne la fonction de M. Milcik et sa désignation par l'agent de sécurité à titre de membre de la gérance ou de représentant de l'employeur Me Piché déclare ce qui suit:

 

"On a vu du témoignage de M. Milcik qu'il occupe un poste de syndiqué. Ce n'est pas un membre de la gestion. Il n'a aucune autorité décisionnelle en ce qui concerne la formulation de politiques, la mise en pratique de ces politiques. Là, le rôle de M. Milcik est un rôle d'exécutant. C'est lui qui est le porte-parole de la compagnie auprès des employés. C'est lui qui dit aux employés quelles sont les politiques de l'employeur. Son rôle se limite à s'assurer que les directives d'employeur sont exécutées par les employés et il n'a pas de pouvoir décisionnel et là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec mon collègue Lehrer qui vous dit que M. Milcik n'a pas de fonctions de gestion et ça semble tout à fait évident."

 

Me. Piché confirme aussi que c'est la gestion de Canadien qui nomme le "Iceman" et précise que M. Milcik n'est pas l'employeur. L'employeur, nous dit Me. Piché, "c'est vraiment l'employeur de M. Milcik, d'ailleurs on le dit nettement dans l'instruction." En effet, l'instruction spécifie que "M. Milcik travaille pour Canadien à titre de contremaître". Cependant, Me Piché nous signale que la raison pour laquelle le nom de M. Milcik apparaît dans l'instruction est que c'était lui qui était présent le soir de l'accident et qu'il devait voir à la mise en application des politiques de l'employeur. Or, la politique de la compagnie était qu'on ne fait pas le dégivrage des Boeing 747 les moteurs en marche, une politique qu'il n'a pas fait respecter.

 

Décision

 

La question que j'ai à résoudre dans cette affaire est la suivante : M. Milcik agissait-il au nom de l'employeur le soir de l'accident et par conséquent, devait-il être identifié sur l'instruction à ce titre? En effet, la demande de révision est fondée sur l'affirmation de M. Milcik qui se déclare être un employé qui n’est pas membre de la gestion et qu'ainsi, il ne représentait pas l'employeur le soir de l'accident.

 

Le paragraphe 122(1) du Code définit "employeur" dans les termes suivants:

 

"employeur" Personne qui emploie un ou plusieurs employés - ou quiconque agissant pour son compte - ainsi que toute organisation patronale. (mon soulignement)

 

Il est à noter que dans cette affaire, je ne peux réviser l'instruction à l'employeur pour la bonne raison que Canadien m'avise formellement, via Me Dumont, son avocat régulier, dans une lettre datée du 14 juin 1995, que Canadien n'a pas l'intention de demander la révision des instructions émises à l'employeur. Me Dumont soutient que l'instruction qui a été émise à M. Milcik lui est adressée personnellement et que c'est uniquement à ce titre que M. Milcik peut demander la révision de la dite instruction. Or, l'agent de sécurité affirme qu'il a émis l'instruction à M. Milcik en tant que représentant de l'employeur et non pas à M. Milcik en tant qu'employé.

 

Par conséquent, si j'en viens à la conclusion que M. Milcik n'est pas le représentant de l'employeur, j'aurai alors à décider si je raye tout simplement son nom de l'instruction ou si j'identifie une autre personne membre de la gérance chez Canadien qui était présente le soir de l'accident. D'une façon ou d'une autre, l'instruction à l'employeur demeurera.

 

De plus, je n'aurai pas à déterminer si M. Milcik a été négligent dans l'exécution de ses fonctions de "Iceman" le soir de l'accident. En effet, pour conclure qu'il a été négligent, je devrais aussi pouvoir émettre une nouvelle instruction à M. Milcik, un pouvoir qui ne m'est pas conféré par l'article 146 du Code. L'agent régional de sécurité ne peut que confirmer, annuler ou modifier une instruction (para. 146(3)). Il ne peut pas en émettre une nouvelle dans l'exercice de sa fonction.

 

Dans le cas présent, tout le monde s'entend pour dire que M. Milcik n'est pas un membre de la gérance de Canadien. Me Lehrer est inflexible à ce sujet. Me Piché accepte aussi cette position et reconnaît d'emblée que M. Milcik n'est pas un membre de la gérance et qu'il n'a aucun des pouvoirs qui sont associés à cette fonction. M. Milcik lui-même se déclare un employé et non un membre de la gérance. Toutefois, Me Piché allègue que le soir de l'accident, l'agent de sécurité a identifié M. Milcik comme le représentant de l'employeur parce que c'était lui qui était présent sur les lieux de l'accident et qui voyait à l'application des politiques de Canadien, l'employeur.

 

Je suis aussi d'avis que M. Milcik n'est pas un membre de la gérance. Me Piché affirme que M. Milcik était celui qui voyait à l'application des politiques de Canadien le soir de l'accident. Or la politique officielle de Canadien était qu'on ne fait pas le dégivrage sur les Boeing 747 les moteurs en marche. La réalité, on l'a vu, était tout autre puisque des membres de la gérance de Canadien ont permis que des tests de dégivrage soient faits les moteurs en marche. De plus, le soir de l'accident, le gérant sur place était M. Lopes et celui-ci y était physiquement présent. Les tests qui avaient lieu à Mirabel étaient connus, permis et même autorisés par les membres de la gérance nommés plus haut. Je ne crois pas que M. Milcik avait quoi que ce soit à dire à ce sujet. Il devait exécuter les ordres.

 

À savoir si M. Milcik agissait pour le compte de l'employeur, il n'est pas évident qu'il agissait à ce titre puisque même si M. Milcik se portait volontaire pour la fonction de "Iceman", ce n'était pas lui qui décidait de la nomination. En effet, c'est la gérance qui nomme le "Iceman" pour une période déterminée. Ceci signifie qu'à certains moments, M. Milcik pouvait se voir confier des tâches et des responsabilités supplémentaires alors qu'à d'autre moments, il revenait à ses fonctions régulières de "Senior Lead". Or, lorsque M. Milcik agit à titre de "Iceman", qu'il décrit lui-même comme étant un coordonnateur d'information pour le dégivrage d'avions, il n'a aucun des pouvoirs habituels de la gestion. En effet, M. Milcik ne peut ni engager, ni congédier un employé, ni le discipliner, ni lui donner des ordres, ni l'assigner à des tâches spécifiques. En somme, M. Milcik n'agit pas pour le compte de l'employeur, il ne fait qu'exécuter les fonctions qu'on lui assigne, au même titre que tout autre employé. Par conséquent, M. Milcik n'est manifestement pas l'alter ego de Canadien. De plus, à mon avis, aucun employé de Canadien ne peut entrer et sortir à volonté de la fonction de gérant.

 

Selon moi, ce n'est pas M. Milcik qui devrait être identifié sur l'instruction à l'employeur mais un autre membre de la gestion. Il ne m'appartient pas à ce stage-ci de déterminer qui de la gestion avait la responsabilité, le soir de l'accident, de voir à l'application de la politique de Canadien concernant le dégivrage des avions les moteurs en marche. De toutes façons, je n'ai pas à identifier une personne en particulier pour que l'instruction demeure légalement valide. En effet, la compagnie Canadien, bien qu'elle ne soit pas une personne physique, est une personne morale et à ce titre, elle est responsable des actions de ses représentants officiels. D'ailleurs, la Loi d'Interprétation définit au paragraphe 35(1) ce que le terme "personne", que l'on retrouve dans la définition d'employeur ci-dessus, signifie:

 

"personne" Personne physique ou morale; l'une et l'autre notions sont visées dans des formulations générales, impersonnelles ou comportant des pronoms ou adjectifs indéfinis. (mon soulignement)

 

Je ferai parvenir une copie de cette décision à Me Louis Dumont, le procureur de Canadien, pour qu'il soit saisi de la décision et qu'il prenne les mesures qu'il jugera appropriées dans les circonstances.

 

Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, JE MODIFIE PAR LA PRÉSENTE l'instruction émise par l'agent de sécurité Denis Caron le 15 mars 1995, en vertu du paragraphe 145(1) du Code, à l'employeur Les Lignes Aériennes Canadien International Ltée., en retirant de la dite instruction toute référence à M. Mike Milcik, à savoir les références suivantes:

 

- Référence à M. Milcik dans le premier paragraphe de l'instruction qui se lit comme suit:

 

"et pour gui, M. Mike Milcik travaille à titre de contremaître senior des préposés d'escale"

 

- Référence à M. Milcik dans le dernier paragraphe de l'instruction, première ligne:

 

"M. Mike Milcik"

 

Il est important de noter ici que le fait que je décide de retirer le nom de M. Milcik de l'instruction parce que celui-ci n'est pas le représentant de l'employeur, n'a pas pour effet de le dégager de toute responsabilité dans cette affaire. Je ne fais que reconnaître, sur la base des preuves qui m'ont été présentées, que l'agent de sécurité a erré en identifiant M. Milcik comme étant le représentant de l'employeur le soir de l'accident. M. Milcik est un employé et son nom n'aurait pas dû paraître dans l'instruction émise contre l'employeur.

 

Décision rendue le 6 décembre 1995.

 

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

 


ANNEXE A

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(11

 

Le 2 février 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Les Lignes aériennes Canadien International Ltée, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et pour qui, M. Mike Milcik travaille à titre de contremaître senior (sic)des préposés d'escale, cet employeur est sis au 12600, Aéroport A-1, local 2134, Aéroport International de Montréal, Mirabel (Québec), J7N 1 C9, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Centre de dégivrage.

 

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte :

 

L'article 124. de la partie II du Code canadien du travail (partie II).

 

L'employeur, en laissant les employés dégivrer un B747-400 les moteurs en marche, n'a pas fait respecter ses propres consignes en n'offrant pas la surveillance nécessaire pour assurer la sécurité et la santé de ces mêmes employés de telle sorte que des accidents sont survenues (sic).

 

PAR CONSÉQUENT, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

 

Fait à LaSalle, ce 15° jour de mars 1995.

 

Denis Caron

Agent de sécurité

#1521

 

A : M. Mike Milcik

Lignes Aériennes Canadien International Ltée

12600, Aéroport A-1, local 2134

Aéroport International de Montréal

Mirabel (Québec)

J7N 1C9

 

 


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

 

Décision no 95-018

 

Demandeur : M. Mike Milcik

 

Partie intéressée : Le Procureur général du Canada

 

MOTS CLÉS

 

Gérance, employé, ICEMAN, dégivrage moteurs en marche.

 

DISPOSITION

 

Code : 124, 145(1)

 

RÉSUMÉ

 

Suite à un accident qui a coûté la vie à trois employés, de la compagnie Canadien International Ltée, occupés au dégivrage d'un avion de la compagnie Royal Air Maroc, un agent de sécurité a conclu que la compagnie Canadien avait contrevenu à l'article 124 du Code. L'agent de sécurité a émis une instruction à l'employeur par le biais de M. Mike Milcik qui était le soir de l'accident le ICEMAN (coordonnateur de dégivrage). L'agent de sécurité a identifié le nom de M. Milcik sur l'instruction parce que le soir de l'accident, c'est lui qui était présent sur les lieux de l'accident et qu'il voyait à la mise en application des politiques de Canadien.

En révision, l'agent régional de sécurité (ARS) a déterminé que M. Milcik n'est pas un représentant de l'employeur et qu'à ce titre, son nom n'aurait pas dû paraître sur l'instruction à l'employeur Canadien. L'ARS a MODIFIÉ l'instruction en retirant de l'instruction toute référence à M. Milcik mais a aussi reconnu que cela n'avait pas pour effet de dégager M. Milcik de toute responsabilité dans cette affaire.

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