Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

partie II, des instructions données par un agent de sécurité

 

Décision no : 95-013

 

Requérant : Royal Air Maroc

Montréal, Québec

Représenté par :

Me Edouard Beaudry et

Me François Duprat

 

Partie intéressée : Le Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Représenté par :

Me Raymond Piché et

Me Nadine Perron

 

Mis-en-cause : Denis Caron

Agent de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Devant : Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

Une audition orale a été tenue le 21 juin 1995 à Montréal (Québec).

Intervention du Procureur général du Canada

 

Le Procureur général du Canada a demandé l'autorisation d'intervenir lors de l'audition de cette affaire. Le Procureur général du Canada a soutenu que puisqu'il était possible qu'aucune partie n'intervienne à l'appui des dites instructions, il avait tout l'intérêt requis pour soutenir que les instructions attaquées étaient conformes à la partie II du Code canadien du travail (ci-après le Code). Me Duprat a confirmé qu'il ne s'opposait pas à l'intervention du Procureur général dans ce dossier. Par conséquent, le Procureur général du Canada a été autorisé à intervenir.

 

Historique

 

Les faits

 

Le 21 janvier 1995, un accident de travail ayant causé la mort de trois (3) employés d'un employeur assujetti au Code, soit la compagnie de ligne aérienne Canadien International Ltée. (ci-après Canadien), s'est produit à l'Aéroport international de Mirabel.

 

Cet accident est survenu alors que les trois employés installés dans deux nacelles à environ quinze mètres de sol, ainsi que leurs compagnons de travail, dégivraient1 un aéronef de type Boeing 747-400 de la compagnie nationale de transport aérien Royal Air Maroc (ci-après appelé RAM). L'accident a eu lieu lorsque l'aéronef de RAM s'est mis en mouvement alors que le dégivrage n'était pas encore terminé de telle sorte que les stabilisateurs à l'arrière de l'aéronef ont heurté les girafes qui soutenaient les nacelles renversant ainsi les deux camions affectés au dégivrage. Les trois (3) employés de Canadien qui se trouvaient à bord des nacelles ont ainsi été précipités au sol, entraînant leur décès.

 

(1Pour fins de compréhension, le dégivrage est un procédé qui a pour effet de faire fondre le givre, la glace ou la neige qui s'est accumulé sur un aéronef ou d'en empêcher la formation ou l'accumulation.)

 

L’enquête

 

Le 21 janvier 1995, monsieur Denis Caron, agent de sécurité, s'est rendu à l'Aéroport international de Mirabel afin d'y mener une enquête en vertu du Code. Le 22 janvier 1995, l'agent de sécurité rencontre, lors d'une réunion chez Canadien, M. Mohamed Touhami, Chef d'escale et M. A. Benmbarek, Directeur pour le Canada, tous deux à l'emploi de RAM. L'agent de sécurité rapporte qu'il a avisé ces deux personnes qu'il voulait rencontrer le pilote et le co-pilote impliqués dans l'accident pour les interroger. L'interrogatoire n'a jamais eu lieu puisqu'il a été impossible à l'agent de sécurité de rencontrer lesdits pilotes, ceux-ci étant retournés au Maroc.

 

L'enquête de l'agent de sécurité a donc été limitée à l'analyse de la version préliminaire des événements telle que rapportée le 13 février 1995 par Me Gilbert Péloquin, l'avocat habituel de RAM. Selon cette version, "le commandant de bord avec son co-pilote déclarent avoir reçu un message radio disant "dégivrage terminé". Le commandant de bord, suite à ce message, a essayé à 2 reprises de faire confirmer que le dégivrage était terminé et cela sans recevoir aucune réponse." Selon l'agent de sécurité, le commandant de bord aurait alors estimé que le dégivrage était effectivement terminé et aurait demandé l'autorisation de circuler "sans avoir reçu une confirmation verbale ou visuelle ou autrement."

 

En ce qui concerne la compagnie même, l'agent de sécurité a constaté que "Royal Air Maroc a un contrat avec Canadien et que les 2 compagnies devaient avoir des lettres d'entente sur les façons de procéder pour le dégivrage des aéronefs et que Royal Air Maroc n'a pas exercé une surveillance adéquate afin de voir à ce que les procédures qui les concernaient en regard avec le dégivrage soient respectées."

 

Les instructions

 

Dans cette affaire2 l'agent de sécurité a émis de nombreuses instructions. Deux de ces instructions ont été portées à l'attention de l'Agent régional de sécurité par RAM.

 

(2 Plusieurs compagnies aériennes et de dégivrage ont reçu des instructions de l'agent de sécurité. Les demandes de révision déposées par les diverses compagnies en cause ont été entendues séparément.)

 

La première instruction (ANNEXE-A) fut émise par l'agent de sécurité en vertu du paragraphe 145(1) du Code, le 15 mars 1995, au commandant de bord monsieur Boubker Cherradi, employé de RAM, pour avoir contrevenu à l'alinéa 126(1)c) du Code. Cette disposition prévoit :

 

126(1) L'employé au travail est tenu :

 

c) de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre sécurité et sa propre santé ainsi que celles de ses compagnons de travail et de quiconque risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions;

 

La deuxième instruction (ANNEXE-B) fut émise par l'agent de sécurité en vertu du paragraphe 145(1) du Code, le 15 mars 1995, à la compagnie Royal Air Maroc, employeur assujetti au Code, pour avoir contrevenu à l'article 124 du Code. Cet article prévoit :

 

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.

 

Soumission de Royal Air Maroc

 

L'argumentation détaillée de RAM a été consignée au dossier. Me Duprat fait valoir plusieurs arguments dans ce dossier. Succinctement, ce sont les suivants :

 

1. L'agent de sécurité a excédé sa compétence en enquêtant sur cet accident puisque seul le Bureau formé en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports avait la compétence pour enquêter sur un accident aéronautique.

 

2. La compagnie Royal Air Maroc, située à Montréal (Québec), n'est pas l'employeur de monsieur Cherradi.

 

3. Le Code ne s'applique pas dans le cas présent puisque l'avion était en service au moment de l'accident.

 

4. La sécurité et la santé des employés de RAM n'ont jamais été mis à risque tel que le prétend l'instruction puisque les victimes de l'accident sont des employés de Canadien et non de RAM.

 

5. Le pilote a eu une confirmation auditive que le dégivrage était terminé

 

Soumission du Procureur général du Canada

 

La soumission détaillée du Procureur général du Canada a été consignée au dossier. Me Piché réfute un à un les arguments de RAM et allègue que le pilote et la compagnie ont agi en contravention du Code dans cette affaire. J'aurai à reprendre certains des arguments de Me Piché dans mon analyse et par conséquent, je n'ai pas l'intention d'élaborer plus à fond ces arguments pour le moment.

 

Décision

 

II est manifeste que ce dossier est fort complexe. Ceci est dû, en partie, aux nombreuses enquêtes qui ont eu lieu à la suite de l'accident. Par exemple, il y a eu enquête de la Gendarmerie Royale du Canada, du Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (ci-après BST), du Coroner, de Transport Canada (Aviation), de Développement des ressources humaines Canada, de même que des enquêtes internes de la part des diverses compagnies en cause. À l'exception de ces compagnies, tous les intervenants avaient un mandat précis en vertu d'une loi qui les habilitaient à intervenir. Il en est de même pour l'agent de sécurité qui a fait enquête en vertu du Code dans ce cas. Par conséquent, les arguments apportés par Me Duprat soulèvent des questions fort pertinentes auxquelles il faut répondre.

 

Argument No. 1

 

L'agent de sécurité a excédé sa compétence en enquêtant sur cet accident puisque seul le BST formé en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports avait la compétence pour enquêter sur un accident aéronautique.

 

Le fait qu'un accident aéronautique soit enquêté par le BST n'a pas pour effet d'interdire qu'une autre enquête autorisée par une autre loi soit instiguée pour une fin différente. I1 est clair à la lecture de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports que le BST a compétence exclusive pour faire enquête sur un accident aéronautique dans le but d'en dégager les causes et les facteurs qui y ont contribué. À mon avis, l'exclusivité d'enquête du BST n'existe qu'en fonction de ces paramètres. Comme l'a souligné Me Piché, le Code reconnaît implicitement au paragraphe 127(2) la primauté du BST en ce qui a trait au contrôle du site d'un accident mettant en cause un aéronef afin de permettre à ce dernier de faire enquête.

 

Le protocole d'entente signé entre le Ministre responsable du ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) et le BST fait la distinction entre les mandats de ces deux organismes et reconnaît par le fait même les champs d'application distinctifs de chacun d'eux en vertu des lois qui les habilitent. Il est possible que les rôles des enquêteurs se chevauchent dans certains cas, mais le but ultime de l'enquête menée par chacun d'eux est fort différent. La Loi qui régit le BST vise à promouvoir la sécurité des transports alors que le Code vise avant tout la protection des employés. Par conséquent, l'enquête de l'agent de sécurité se poursuit en collaboration avec le BST si nécessaire, mais elle ne s'arrête pas pour autant puisque l'accident qui s'est produit est un accident de travail qui implique des employeurs et des employés assujettis au Code.

 

Un agent de sécurité appelé à intervenir à la suite d'un accident aéronautique doit faire enquête non pas pour dégager les causes et facteurs ayant contribués à l'accident mais pour s'assurer que la santé et la sécurité des employés ne sont pas mises en danger. Si l'agent de sécurité détecte une situation de non-conformité au Code et à ses Règlements ou s'il constate qu'un danger existe pour les employés au travail, l'agent de sécurité doit réagir en donnant les instructions appropriées à l'employeur ou aux employés. L'agent de sécurité dispose donc d'un pouvoir qui n'est pas conféré aux enquêteurs du BST. Prétendre qu'un agent de sécurité n'a pas compétence pour enquêter dans ces situations équivaudrait à permettre que des employés soient exposés indûment à des risques, voire même à des dangers, tant et aussi longtemps que le BST n'a pas terminé son enquête. À mon avis, cette position n'est pas défendable puisqu'elle ne reconnaît pas l'importance que le Parlement a accordé à la sécurité des employés au travail en décrétant que le Code s'applique, dans ce champ, "malgré les autres lois fédérales et leurs règlements" {para. 123(1)}.

 

En somme, l'agent de sécurité était autorisé à enquêter dans cette affaire en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code. Pour toutes ces raisons, je rejette donc le premier argument de Me Duprat.

 

Arguments Nos. 2, 3 et 4

 

2. La compagnie Royal Air Maroc, située à Montréal (Québec), n'est pas l'employeur de monsieur Cherradi.

 

3. Le Code ne s'applique pas dans le cas présent puisque l'avion était en service au moment de l'accident.

 

4. La sécurité et la santé des employés de RAM n'ont jamais été mises à risque tel que le prétend l'instruction puisque les victimes de l'accident sont des employés de Canadien et non de RAM.

 

J'ai regroupé ces trois arguments sous le même titre parce que ces arguments portent sur la juridiction de la compagnie RAM. En effet, je ne peux traiter aucun de ces arguments sans déterminer l'applicabilité du Code à la compagnie RAM et au pilote et commandant de bord.

 

Me Duprat a été très explicite dans son argumentation. Il conteste qu'une compagnie étrangère telle que RAM, dont le siège social est situé au Maroc, soit déclarée de juridiction fédérale et qu'une loi canadienne s'y applique. Par conséquent, la question à laquelle je dois d'abord répondre est la suivante : une législation canadienne qui régit les relations et les conditions de travail peut-elle s'appliquer à une compagnie d'aviation étrangère telle que RAM? Pour répondre à la question, je me base, en premier lieu, sur la décision de la Cour Suprême du Canada dans l'affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail et Ginette Bilodeau c. Bell Canada [1988], décision à laquelle Me Piché a déjà fait référence et en second lieu, sur les pratiques internationales en matière de respect des lois étrangères du travail.

 

Décision de la Cour Suprême du Canada

 

D'abord, pour bien saisir l'importance de la portée du Code en général, il faut en comprendre la portée des parties individuelles. Le Code est constitué de trois parties distinctes. La partie I du Code vise à régir les relations existant entre les diverses parties dans leur milieu de travail. La partie II du Code voit à ce que les conditions de travail des employés ne mettent pas en péril leur sécurité et leur santé. La partie III du Code établit les normes minimales en matière d'emploi. La somme des trois parties du Code constitue un tout législatif qui régit les relations et les conditions de travail des entreprises de juridiction fédérale. Cette loi a un effet direct sur la gestion de l'entreprise puisqu'elle établit les critères auxquels toute entreprise de juridiction fédérale doit se conformer.

 

Dans la décision notée ci-dessus, la Cour a décidé de l'inapplication de la loi provinciale à Bell Canada, une compagnie de juridiction fédérale. Le motif invoqué par la Cour est que le Parlement a compétence exclusive dans ce cas et cette compétence exclut l'application de lois provinciales aux entreprises de juridiction fédérale en ce qui concerne leurs relations de travail et leurs conditions de travail, ces aspects faisant partie intégrante de la gestion et de l'opération mêmes de ces entreprises, comme d'ailleurs ils en font partie dans toute entreprise commerciale ou industrielle.

 

Par conséquent, cette décision établit qu'aucune loi provinciale et, par extension, territoriale ou autre, concernant les relations de travail ou les conditions de travail ne peut s'appliquer à une entreprise de juridiction fédérale parce que cette loi viendrait interférer directement avec la gestion et les conditions de travail de l'entreprise, ce que la Cour a jugé être inacceptable. Le corollaire de cette décision, à mon avis, est qu'une loi fédérale, tel le Code, qui a pour but d'établir des normes régissant les conditions de travail ou les relations de travail, ne peut s'appliquer à une entreprise provinciale, territoriale et, à priori, à une entreprise étrangère, pour la même raison que la Cour a donnée ci-dessus.

 

Pratiques internationales

 

Comme je l'ai noté plus haut, le Code est une loi qui régit les relations et les conditions de travail des entreprises de compétence fédérale. Le Code s'applique à l'emploi ce qui signifie qu'il s'applique à tous les employés et employeurs par le biais d'un contrat de travail qui lie ces parties entre elles. Dans certains secteurs d'activité, tels le transport maritime et aéronautique pour n'en nommer que deux, le Code oblige les employeurs à assurer la protection de leurs employés même lorsque ceux-ci font des voyages de courte durée dans des pays étrangers. À titre d'exemple pertinent, le paragraphe 128(5) du Code prévoit, pour les fins d'un refus de travail, ce qui suit :

 

128 (5) Pour l'application des paragraphes (3) et (4), un navire ou un aéronef sont en service, respectivement :

 

a) entre le démarrage du quai d'un port canadien ou étranger et l'amarrage subséquent à un quai canadien;

b) entre le moment où il se déplace par ses propres moyens en vue de décoller d'un point donné, au Canada ou à l'étranger, et celui où il s'immobilise une fois arrive à sa première destination canadienne.

 

Il est évident à la lecture de cette disposition que le Code s'applique aux employés canadiens de juridiction fédérale même lorsque ces derniers sont appelés à travailler en pays étranger. Par conséquent, le Parlement a décidé de faire appliquer une loi du travail canadienne à des employés canadiens travaillant en sol étranger.

 

Puisque le Canada fait suivre l'application de ses lois du travail dans les pays étrangers, il est raisonnable, et même souhaitable, de permettre que la loi du travail du Maroc s'applique aux ressortissants marocains qui travaillent en sol canadien pour une compagnie aérienne marocaine. En fait, c'est probablement pour cette raison que, par respect et par courtoisie envers les lois étrangères, un pays comme le Canada n'applique pas ses lois du travail, dans les mêmes secteurs énumérés plus haut, aux employés étrangers d'un employeur étranger. Cette situation est particulièrement évidente dans le secteur du transport maritime alors que le Canada respecte, à bord d'un navire étranger, les lois du travail et leurs règlements en vigueur dans le pays d'origine de ce navire. En somme, le Code ne s'applique pas à bord des navires étrangers qui ne sont pas immatriculés au Canada.

 

Ainsi, si le Code devait s'appliquer à la compagnie d'aviation RAM, dont le siège social est au Maroc, l'effet immédiat serait d'imposer à une compagnie étrangère des conditions de travail en vigueur dans un autre pays, tel le Canada. Évidemment, cette situation serait aussi inacceptable pour le Maroc qu'elle le serait pour le Canada.

 

Il serait inconcevable qu'à chaque fois qu'un aéronef se pose en sol étranger, il devienne automatiquement assujetti aux lois du travail de ce pays. Si tel était le cas, le salaire minimum des membres de l'équipage changerait d'un pays à l'autre. Il en irait de même des niveaux de bruit ou d'éclairage, de la constitution du comité de sécurité et de santé au travail et du paiement du salaire des membres de ces comités etc. Ce serait la confusion totale.

De plus, dans le cas présent, l'aéronef de RAM était en service au moment de l'accident puisque les portes de l'aéronef étaient fermées, les moteurs étaient en marche et l'appareil se déplaçait par ses propres moyens vers le tablier en vue de décoller. Dans ces conditions, les employés de l'équipage qui, en fin de compte, était strictement marocain et non canadien, sont sous l'autorité exclusive, en matière de conditions et de relations de travail, de la compagnie de transport aérien RAM ayant son siège social au Maroc.

 

Je suis d'avis que la partie II du Code canadien du travail ne s'applique pas à Royal Air Maroc, dont le siège social est à Casablanca, au Maroc. Il découle de cette situation que le Code ne s'applique pas non plus au pilote d'avion, monsieur Cherradi, parce que ce dernier est un employé marocain sous l'entière responsabilité de RAM au Maroc.

 

Il convient ici de mentionner la situation particulière de la billetterie de RAM au Québec et la relation qui semble exister entre cette dernière et le pilote de l'aéronef ou, sa relation avec le siège social de RAM, situé au Maroc. Il a été démontré à ma satisfaction qu'il n'existe aucun lien, administratif ou autre, entre le pilote et la billetterie de RAM. La billetterie est une entité à part entière. Ses activités sont essentiellement celles d'un agent de voyage tel que l'a confirmé la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles du Québec pour les fins de cotisation au régime d'indemnisation du Québec, bien que cela ne l'exclut pas nécessairement de la juridiction fédérale. Toutefois, le seul lien existant entre la billetterie d'une part, et le pilote et les autres membres de l'équipage de RAM à bord de l'aéronef d'autre part, est que l'aéronef se trouvait au moment de l'accident en sol canadien. Selon moi, ce lien est trop éphémère et trop fragile pour constituer un critère déterminant en regard des lois du travail, de la compétence fédérale de la compagnie RAM qui a son siège social au Maroc et du pilote et commandant de bord de RAM.

 

En somme, à la lumière de tout ce qui précède, l'agent de sécurité n'aurait pas dû émettre les instructions qu'il a émises dans ce cas à la compagnie d'aviation RAM et au pilote et commandant de bord de l'aéronef de RAM.

 

Ceci dit, le fait que le Code ne s'applique pas dans cette situation n'empêche aucunement une autre loi, telle la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports de s'exercer de sorte que les recommandations nécessaires et appropriées soient formulées. Si, en vertu de la Loi sur le BST, ou de toute autre loi pertinente, telle la Loi sur l'aéronautique ou le Code criminel, il s'avère que des sanctions doivent être prises pour assurer la sécurité dans ce secteur de transport, il appartiendra aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires. Enfin, cette situation ne diminue en rien l'autorité de l'agent de sécurité d'enquêter en vertu du Code sur un accident aéronautique impliquant des employés d'une entreprise de juridiction fédérale.

 

Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, j'ANNULE l'instruction donnée par l'agent de sécurité Denis Caron le 15 mars 1995, en vertu du paragraphe 145(1) du Code à l'employeur Royal Air Maroc, et j'ANNULE l'instruction donnée par l'agent de sécurité Denis Caron le 15 mars 1995, en vertu du paragraphe 145(1) du Code à l'employé de Royal Air Maroc, monsieur Boubker Cherradi, pilote et commandant de bord.

 

Le dernier argument de Me Duprat, soit l'argument 5 ci-dessus, est par conséquent sans objet, l'agent régional de sécurité n'ayant plus la compétence nécessaire pour traiter la preuve.

 

Décision rendue le 3 novembre 1995

 

 

 

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité


ANNEXE-A

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L'EMPLOYÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 21 janvier 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail utilisé par M. Cherrabi (sic) Boubker, pilote pour la compagnie Royal Air Maroc, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 1001, boul. de Maisonneuve ouest, bureau 440, Montréal (Québec) H3A 3C8, ledit lieu de travail étant exploité par différentes compagnies de dégivrage et connu sous le nom de Centre de Dégivrage, sis à l'Aéroport International de Montréal, Mirabel (Québec).

 

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte :

 

L'alinéa 126.(1)c) de la partie II du Code canadien du travail, (partie II) :

 

Le pilote du B 747-400 en demandant un droit de circulation et en circulant sur le site de dégivrage, tout en omettant de se faire confirmer verbalement, visuellement ou autrement par l'équipe de dégivrage, que le dégivrage était terminé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sécurité et celles de quiconque risqueraient de subir les conséquences de ses actes ou omissions de telle sorte que des accidents sont survenus.

 

PAR CONSÉQUENT, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

 

Fait à LaSalle, ce 15e jour de mars 1995.

 

Denis Caron

Agent de sécurité

# 1521

 

À : M. Cherrab Boubker M. Gilbert Poliquin

1001, boul. Maisonneuve ouest Avocat

Bureau 440 60, rue St-Jacques, 6e étage

Montréal (Québec) Montréal (Québec)

H3A 3C8 H2Y 1L5


ANNEXE-B

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 21 janvier 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail utilisé par Royal Air Maroc, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 1001, boul. de Maisonneuve ouest, bureau 440, Montréal (Québec) H3A 3C8, ledit lieu étant exploité par différentes compagnies de dégivrages et connu sous le nom de Centre de dégivrage sis à l'Aéroport International de Montréal, Mirabel, Mirabel (Québec).

 

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte :

 

L'article 124. de la partie II du Code canadien du travail (partie II) :

 

L'employeur en laissant le pilote du B 747-400 demander le droit de circulation et circuler en ayant omis de se faire confirmer verbalement, visuellement ou autrement par l'équipe qui dégivrait que le dégivrage était terminé, n'a pas exercé la surveillance nécessaire pour assurer la sécurité et la santé de quiconque risquait de subir les conséquences des actes ou omissions du pilote, M. Cherrabi (sic) Boubker, de telle sorte que des accidents sont survenus.

 

PAR CONSÉQUENT, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

 

Fait à LaSalle, ce 15e jour de mars 1995.

 

 

Denis Caron

Agent de sécurité

#1521

 

À : M. Abderrazak Benmbarek M. Gilbert Poliquin

Directeur pour le Canada Avocat

Royal Air Maroc 60, rue St-Jacques, 6e étage

1001, boul. Maisonneuve ouest Montréal (Québec)

Bureau 440 H2Y 1L5

Montréal (Québec)

H3A 3C8

 


RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

 

Décision no : 95-013

 

Requérante : Royal Air Maroc

 

Intimé : Procureur général du Canada

 

Mots Clés : Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (BST),enquête, accident, Royal Air Maroc (RAM) avion en service, lois étrangères

 

Dispositions : 124, 126(1)(c), 145(1), 127(2), 128(5)

 

Suite à un accident qui a coûté la vie à trois employés de la compagnie Canadien International Ltée occupés au dégivrage d'un avion de la compagnie Royal Air Maroc (RAM) un agent de sécurité a conclu que le pilote de l'avion de RAM a quitté le centre de dégivrage avant que le dégivrage soit terminé. Il a émis une instruction à la compagnie RAM via la billetterie de Montréal et une instruction au pilote et commandant de bord de l'avion en question.

 

En révision l'Agent régional de sécurité a déterminé que la compagnie RAM qui a son siège social au Maroc n'était pas de juridiction fédérale et qu'en plus, en vertu du respect des lois étrangères, le Code ne devrait pas s'appliquer à une compagnie d'aviation étrangère. Pour toutes ces raisons l'Agent régional de sécurité a ANNULÉ les deux instructions.

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