Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

Ray Davey et les

Travailleurs unis des transports

demandeurs

 

et

 

Canadien Pacifique Ltée

défendeur

 

________________

Décision no 06-001

Le 26 janvier 2006

 

Cette affaire a été entendue par l’agent d’appel Richard Lafrance, à Thunder Bay, en Ontario, le 15 août 2005

 

Personnes présentes

 

Pour le demandeur

Michael Church, avocat

Kim Dudley, mécanicien, Canadien Pacifique

Ray Davey chef de train, Canadien Pacifique

Ray Pakylak, représentant des employés, Comité de santé et de sécurité

 

Pour le défendeur

Karen Fleming, avocate

Danny Letain, gestionnaire de l’exploitation, Canadien Pacifique

 

Agent de santé et de sécurité (ASS)

Helen Kosola, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail, Thunder Bay, Ontario


Rapport et témoignage de l’agent de santé et de sécurité

 

  • [1] Cette affaire concerne un appel déposé par Ray Davey, employé du Canadien Pacifique Ltée, et les Travailleurs unis des transports. L’appel a été déposé en vertu du paragraphe 129 (7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), pour contester une décision d’absence de danger rendue par l’ASS Helen Kosola le 2 avril 2003, par suite du refus de travailler de l’employé.

  • [2] Le refus de travailler était motivé par la crainte que le taxi qui amenait l’employé à Ignace, en Ontario, à une distance d’environ 235 km, n’ait un accident en raison des conditions météorologiques défavorables. Les travailleurs ont justifié leur refus de travailler en évoquant l’épais brouillard qui, selon eux, réduisait de façon dangereuse la visibilité du chauffeur de taxi.

  • [3] L’ASS Kosola a témoigné à l’audience et a présenté un rapport d’enquête sur le refus de travailler dont je retiens les points suivants.

  • [4] L’ASS Kosola est arrivée pour enquêter sur le refus de travailler le 1er avril 2003 vers 14 h. Elle a mené son enquête à la gare ferroviaire du CP à Thunder Bay en présence des employés concernés, R. Davey et K. Dudley, le représentant de l’employeur, D. Letain, et un membre du comité de santé et de sécurité, R. Pakylak.

  • [5] Elle a mené son enquête au lieu de travail de l’employeur, la gare ferroviaire du CP de Thunder Bay, parce que, dans son esprit, le refus de travailler était motivé par les conditions météorologiques. Par conséquent, elle ne jugeait pas nécessaire de voir l’endroit où avait eu lieu le refus de travailler. Elle a procédé ainsi parce que les conditions météorologiques s’étaient améliorées considérablement depuis le refus de travailler et que toutes les personnes concernées étaient présentes à la gare.

  • [6] R. Davey (chef de train) et K. Dudley (mécanicien), employés de Canadien Pacifique Ltée, ont été appelés vers 1 h pour prendre un service combiné de navette (SCN) en déplacement haut le pied [1] . Ils devaient se rendre en taxi à Ignace, en Ontario (environ 235 km), pour y prendre les commandes d’un train et l’amener à Thunder Bay.

  • [7] Comme le temps était brumeux et qu’il tombait de la neige mouillée, R. Davey a communiqué avec le contrôle de la circulation ferroviaire (CCF), à Calgary, pour demander pourquoi on les envoyait à Ignace par taxi dans de si mauvaises conditions météorologiques. Le CCF a répondu qu’il n’avait aucune information sur la possibilité d’une tempête de neige et lui a dit de poursuivre sa route vers Ignace en taxi.

  • [8] En raison du brouillard, la visibilité était encore plus réduite quand le taxi s’est trouvé au-delà des derniers lampadaires de la ville. Le chauffeur a dû réduire sa vitesse de 90 à 50 km/h. À un moment donné, un gros transporteur routier a croisé le taxi, et les deux employés ont craint une collision, car la ligne médiane n’était pas visible.

  • [9] À environ 17 km de la ville, les employés ont demandé au chauffeur de taxi de faire demi-tour et de les ramener à Thunder Bay, car ils estimaient qu’il était trop dangereux de continuer. Le chauffeur de taxi s’est arrêté sur la route pour tourner, mais les employés craignaient d’être heurtés par un autre véhicule et lui ont demandé de continuer à rouler jusqu’à ce qu’il ait trouvé un endroit sécuritaire pour faire demi-tour. Le chauffeur a eu de la difficulté à trouver un croisement où tourner, mais il a fini par trouver et est revenu à Thunder Bay.

  • [10] À leur arrivée à la gare, leur superviseur, D. Letain, a communiqué avec la Police provinciale de l’Ontario (PPO) qui lui a dit qu’aucune route n’avait été fermée. Cela fait, il a informé les employés que si la route était ouverte, la compagnie s’attendait à ce qu’ils soient amenés par route. Si la route avait été fermée, ils auraient été amenés par train. Le superviseur a informé les deux employés qu’ils devaient reprendre la route en taxi, avec prudence et en réduisant leur vitesse au besoin.

  • [11] D. Letain leur a même offert de les conduire lui-même. Comme les deux employés croyaient qu’il serait dangereux de rouler par un tel brouillard, ils ont exercé leur droit de refuser de travailler.

  • [12] La principale raison invoquée par les travailleurs pour refuser de se rendre en taxi à Ignace était un brouillard extrêmement épais, une pluie verglaçante et la crainte d’un accident de la route.

  • [13] Dans sa décision, l’ASS Kosola a noté les points suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • o Une route publique n’est pas un lieu de travail sur lequel un employeur peut exercer un contrôle;

  • o L’employeur ne contrôle pas les conditions météorologiques auxquelles un employé peut être exposé;

  • o La Police provinciale de l’Ontario a le pouvoir de fermer une route quand les conditions météorologiques sont extrêmes;

  • o Selon Environnement Canada, il y avait par endroits, à Thunder Bay au moment du refus de travailler, du brouillard verglaçant;

  • o L’OPP n’avait émis aucune alerte météorologique déconseillant les déplacements;

  • o Les conditions météorologiques à Thunder Bay, au moment de l’enquête étaient nuageuses avec quelques éclaircies;

  • o L’employeur consulte le service de veille météorologique d’Environnement Canada avant de prendre la décision d’envoyer une équipe;

  • o L’information recueillie ce jour-là par l’employeur indiquait que la route était ouverte et que les conditions météorologiques n’empêchaient pas les déplacements en voiture;

  • o Si nécessaire, les employés pouvaient communiquer par radio en route;

  • o Le chauffeur de taxi possédait dix-huit mois d’expérience;

    • § Il avait conduit 7 ou 8 fois des employés du CP à Ignace;

    • § I n’était pas particulièrement inquiet des conditions météorologiques quand il a quitté la gare;

    • § Il était prêt à poursuivre la route vers Ignace même s’il devait réduire sa vitesse à 60 km/h, car il pensait que les conditions allaient s’améliorer en chemin;

  • o L’entreprise de taxi affecte des chauffeurs plus expérimentés et des véhicules plus récents aux longs trajets;

  • o L’entreprise prend en considération le nombre d’heures que le chauffeur a travaillées dans sa journée, et les chauffeurs savent qu’ils doivent être prudents et adapter leur vitesse en fonction des conditions de la route.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • [14] L’ASS Kosola a rendu sa décision en se fondant sur les raisons suivantes :

 

  • o Le refus de travailler avait pour motif la crainte que les employés n’aient un accident de la route en roulant dans le brouillard et sous une pluie verglaçante;

  • o Les conditions décrites ne sévissaient pas au moment de l’enquête. Toutefois, le Code permet de tenir compte d’une activité future. Pour déclarer qu’il y avait danger au moment de l’enquête, l’agent de santé et de sécurité doit se faire une opinion à partir des faits recueillis et établir :

    • o si l’activité future en question aurait eu lieu;

    • o si un employé aurait été exposé à l’activité si elle s’était produite;

    • o si on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que l’activité entraîne une blessure ou une maladie pour l’employé exposé, et si cette blessure ou maladie se serait produite dès le début de l’activité.

 

  • [15] L’ASS Kosola a décidé qu’il n’y avait pas de danger pour les employés au moment de son enquête sur leur refus de travailler. À son avis, la perception de danger exprimée par les employés était basée sur une possibilité qui aurait pu ne jamais se réaliser.

  • [16] Elle estimait que des mesures adéquates étaient en place pour réduire au minimum le risque associé aux déplacements en taxi en présence de conditions météorologiques défavorables comme du brouillard et de la pluie verglaçante.

  • [17] K. Dudley, qui voyageait avec R. Davey et qui avait aussi refusé de travailler, a témoigné et corroboré les faits décrits par l’ASS Kosola.

  • [18] En outre, il a indiqué que, pour voir la ligne médiane, sur la route, il avait dû ouvrir la portière de la voiture pour regarder la route à ses pieds. Il a estimé, qu’à ce moment-là, le brouillard ne permettait pas de voir à plus de 20 ou 30 pieds. Comme si cela ne suffisait pas, les phares du taxi n’étaient pas alignés correctement. Ils éclairaient trop haut, directement dans le brouillard.

  • [19] Il a aussi indiqué que pendant qu’il avait la porte ouverte pour surveiller la ligne médiane, un camion les a croisés et a dû corriger sa trajectoire pour éviter une collision. C’est là qu’ils ont pris peur et ont demandé au chauffeur de les ramener à Thunder Bay.

  • [20] K. Dudley a déclaré que le chauffeur semblait perdu et qu’il s’était arrêté au milieu de la route pour s’orienter. Les travailleurs lui ont dit qu’ils trouvaient cela dangereux et lui ont demandé de recommencer à rouler. Ils ont fini par trouver une route perpendiculaire qu’ils ont utilisée pour faire demi-tour. Ils se sont ensuite rangés le long de la route de Thunder Bay pour attendre le passage d’un camion. Quand un camion s’est présenté, ils l’ont suivi jusqu’à Thunder Bay.

  • [21] R. Davey a également témoigné à l’audience. Quand Karen Fleming, avocate du CP, lui a demandé s’il avait tenté de communiquer par radio avec le CCF, il a répondu que non parce que la radio se trouvait dans le coffre du taxi. Par ailleurs, il ne croyait pas que la petite radio portative était assez puissante pour communiquer avec le CCF. Ces radios sont utilisées sur les trains ou dans les gares de triage, à portée de la station radio, pour permettre aux travailleurs de garder le contact entre eux. Elles ne sont pas efficaces sur de longues distances.

  • [22] R. Davey a signalé que la route 17, qu’ils avaient empruntée pour quitter Thunder Bay, est une route très fréquentée à toute heure du jour ou de la nuit et par toutes conditions météorologiques, car c’est la seule route importante entre Thunder Bay et la province du Manitoba, à l’Ouest.

  • [23] Il a indiqué qu’à leur retour à la gare, ils ont demandé qu’on les amène par train à Ignace en voyage haut le pied, mais D. Letain, gestionnaire de l’exploitation, a refusé. Il a offert de les conduire lui-même à Ignace, mais ils ont refusé, car ils estimaient que les conditions météorologiques étaient probablement inchangées et que, par conséquent, ils courraient toujours le risque d’un accident.

  • [24] Dans son témoignage, R. Pakylak a déclaré qu’en tant que membre du comité de santé et de sécurité, il devait souvent traiter des cas semblables de SCN en déplacement haut le pied. Il a évoqué des incidents lointains et récents concernant des conditions enneigées, du brouillard, et même des accidents avec des animaux (p. ex. des orignaux) pour indiquer qu’il n’était pas rare que des employés se trouvent exposés à des accidents de la route en raison de conditions météorologiques défavorables ou de la présence d’animaux.

  • [25] Karen Fleming, avocate du CP, a présenté Danny Letain comme témoin. Au moment du refus, il était gestionnaire de l’exploitation à Thunder Bay. Je retiens les points suivants de son témoignage.

  • [26] D. Letain a été appelé vers 3 h 30 pour s’occuper du refus de travailler. Il a déclaré que les conditions météorologiques étaient brumeuses pendant qu’il se rendait à la gare et qu’il avait dû réduire sa vitesse à environ 60 km/h. Toutefois, il n’estimait pas que les conditions étaient défavorables au point de l’empêcher de prendre la route.

  • [27] Quand on l’a informé de la raison du refus de travailler, il a demandé si la Police provinciale de l’Ontario (OPP) avait fait fermer la route. On lui a répondu que non et il a demandé aux employés de reprendre un taxi pour Ignace. Il leur a également offert de les conduire lui-même à Ignace, mais ils ont refusé.

  • [28] Il n’a pas contesté les faits (brouillard, conditions de conduite, etc.) présentés par les employés. Il a aussi confirmé que les phares du taxi devaient être réglés le lendemain.

  • [29] Quant aux radios, il a soutenu que ces petites radios de 12 volts devraient permettre de communiquer avec le CCF grâce aux tours de retransmission. Toutefois, il a mentionné qu’il existait des zones où il était impossible d’obtenir une communication radio. Les radios qui se trouvent à bord des locomotives sont plus fiables.

  • [30] Bien que les équipes de travail aient la permission de voyager haut le pied en train, il estimait que les travailleurs n’auraient pu faire le voyage de retour sans prendre la période de repos requise et que cela aurait trop retardé le départ du train, car les déplacements prennent plus de temps en train qu’en taxi.

  • [31] Même si les travailleurs lui ont dit qu’ils reviendraient sans prendre la période de repos prescrite, il ne voulait pas qu’ils reviennent sans prendre de repos. Il préférait qu’ils se rendent à Ignace en voiture et reviennent dans le délai prescrit de 12 heures.

  • [32] Quand M. Church l’a interrogé à ce sujet, il a déclaré, qu’après réflexion, ils auraient peut-être eu le temps de voyager haut le pied en train et de revenir dans le délai fixé.

  • [33] Michael Church, avocat des demandeurs, a commencé son exposé en disant que la décision d’absence de danger rendue par l’ASS Kosola était erronée :

 

 

Déposition des demandeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déposition du défendeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arguments des demandeurs

 

  • o parce qu’elle ne tenait pas compte du danger potentiel;

  • o parce qu’il n’avait pas trouvé de politique officielle du CP relativement au transport des employés dans diverses conditions météorologiques.

 

  • [34] En outre, M. Church a soutenu que la tenue tardive de l’enquête sur le refus de travailler fondé sur des conditions météorologiques défavorables, ainsi que la tenue de l'enquête loin du lieu du refus de travailler invalidait la décision, car l’agent ne disposait pas de données suffisantes pour prendre une décision éclairée.

  • [35] Il a aussi contesté l’affirmation de l’ASS Kosola dans son rapport, selon qui [TRADUCTION] « le CP prévoyait des mesures adéquates pour réduire au minimum les risques associés aux déplacements en taxi dans des conditions météorologiques défavorables ». En réalité, le CP n’a pas de politique officielle sur le transport de ses employés dans des conditions météorologiques dangereuses.

  • [36] Se reportant au paragraphe 55 de la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Douglas Martin c. le Procureur général du Canada [2] , M. Church a soutenu que « toute tâche ou risque éventuel peut constituer un danger » et qu’il est possible que le risque ou la situation se concrétisent, alors le risque ou la tâche en question est couvert par la définition.

  • [37] M. Church a aussi mentionné les paragraphes 34 à 36 de la décision de la juge Gauthier dans l’affaire Verville c. Canada [3] pour soutenir que la blessure ou la maladie peut ne pas se produire au moment de l’exposition au risque, mais qu’elle doit se produire avant que la situation ou la tâche n’ait été modifiée. Il a aussi soutenu qu’aux termes de la définition, il n’était pas obligatoire qu’on s’attende raisonnablement à ce que la situation ou la tâche cause une blessure chaque fois. Il suffit qu’elle risque de causer une blessure à l’occasion et pas forcément tout le temps. Il a également déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’établir précisément le moment où la situation ou la tâche éventuelle allait se produire ou aurait lieu, mais plutôt que ces circonstances étaient susceptibles de se produire à l’avenir, non comme une simple possibilité, mais comme une possibilité raisonnable.

  • [38] Selon M. Church, bien que les employés qui voyagent en voiture risquent toujours de subir un accident de la route, ce risque est normalement faible. Toutefois, quand les employés doivent se déplacer dans des conditions météorologiques défavorables, le risque d’accident se trouve considérablement accru. Les conditions météorologiques défavorables peuvent comprendre une pluie verglaçante, un brouillard épais, ou une neige abondante.

  • [39] M. Church a maintenu que, la nuit en question, le risque d’accident était élevé pour les raisons suivantes :

 

 

 

 

 

  • o M. Dudley et M. Davey avaient noté que la ligne médiane de la route n’était plus visible;

  • o Le chauffeur a dû pratiquement réduire de moitié sa vitesse;

  • o Le chauffeur s’est arrêté au milieu de la route pour s’orienter;

  • o Le chauffeur a eu de la difficulté à trouver un croisement pour faire demi-tour;

  • o L’incident a eu lieu de nuit sur une portion de route non éclairée.

 

  • [40] La directive donnée aux chauffeurs de taxi de « conduire en fonction des conditions » ne change rien à ces faits, car elle est essentiellement subjective et pose le risque que différents chauffeurs conduisent différemment dans des conditions de visibilité réduite. Par conséquent, on peut raisonnablement s’attendre à un accident même si le chauffeur de taxi « conduisait en fonction des conditions ».

  • [41] En ce qui concerne la fermeture des routes par la PPO, M. Church a signalé que l’ASS Kosola avait indiqué dans son rapport que le détachement de la PPO d’Ignace avait déclaré que les routes étaient praticables. Toutefois, il a observé qu’Ignace se trouve à 235 km de Thunder Bay et qu’il est probable que la PPO n’était pas au courant des conditions météorologiques sur toutes les portions de la route entre les deux villes.

  • [42] M. Church a de nouveau cité le paragraphe 36 de la décision Verville et a soutenu que le danger potentiel ou la situation ou l’activité future en question se seraient probablement concrétisé et qu’il n’était pas nécessaire d’en établir le moment exact. Il a signalé que, dans la situation présente, l’employeur demandait fréquemment à ses employés de se déplacer en taxi d’une gare à une autre. En outre, il existe une probabilité raisonnable qu’à un moment donné, des employés du CP aient à se déplacer en voiture dans des conditions météorologiques défavorables.

  • [43] Relativement à la question de savoir si un employé se serait probablement exposé au risque, à la situation ou à l’activité quand il ou elle se produirait, M. Church, citant la décision de l’agent d’appel Douglas Malanka dans Chapman et Canada [4] , a soutenu qu’il était raisonnable de penser que les employés courraient le risque d’un accident de la route.

 

 

 

 

[80] En tenant compte de tout cela et à la lumière du critère déjà mentionné, je suis d’avis que, pour conclure à l’existence d’un danger relativement à un risque éventuel, à une situation ou à une activité future, l’agent de santé et de sécurité doit en venir à la conclusion, en se fondant sur les faits rassemblés dans le cadre de son enquête, que :

 

  • le risque potentiel, la situation ou l’activité future en question se présentera probablement;

  • un employé sera probablement exposé à ce risque, cette situation ou cette activité quand il se présentera;

  • l’exposition au risque, à la situation ou à la tâche se soldera probablement par une blessure ou une maladie pour l’employé qui y sera exposé;

  • la blessure ou la maladie surviendra probablement avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

 

  • [44] En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle « il n’est pas nécessaire que le danger, la situation ou l’activité occasionne une blessure ou une maladie chez l’employé chaque fois qu’il se produit et qu’il suffit que la probabilité en soit raisonnable dès qu’il se présente », M. Church s’est à nouveau reporté au paragraphe 36 de la décision Verville précitée et a déclaré que, pour toutes les raisons déjà mentionnées ci-dessus, un déplacement en voiture dans des conditions météorologiques défavorables créait un risque raisonnablement élevé d’accident de la route pouvant entraîner des blessures et des pertes de vie. Un accident ne se produirait pas chaque fois qu’un travailleur se déplacerait dans des conditions météorologiques défavorables, mais il serait raisonnablement susceptible de se produire toutes les fois que les conditions météorologiques seraient défavorables.

  • [45] Quant à savoir si la blessure ou la maladie se produirait probablement avant que le risque ou la situation soit corrigée ou l’activité modifiée, M. Church a déclaré qu’à moins que le CP ne modifie sa politique exigeant que ses employés se déplacent en voiture dans des conditions météorologiques défavorables, la blessure ou la perte de vie se produirait probablement avant que l’activité soit modifiée. Le CP peut modifier l’activité avant qu’un accident ne se produise.

  • [46] Il a finalement affirmé que la situation de danger était réelle, et qu’elle se reproduirait probablement. Les rapports d’accident présentés durant l’audience indiquent que le risque d’un accident d’automobile est réel et non hypothétique. Cela est particulièrement vrai dans des conditions météorologiques défavorables.

  • [47] M. Church a demandé que la décision de l’agent de santé et de sécurité soit annulée, car il y avait danger dans le cas exposé par R. Davey. En outre, il a demandé que l’employeur reçoive pour instruction d’élaborer une politique normalisée qui permette aux employés de se déplacer en train, haut le pied, quand les conditions météorologiques sont défavorables.

  • [48] Dans sa réplique, K. Fleming a déclaré que le CP était d’avis que les employés s’étaient peut-être trouvés en situation de risque quand ils se déplaçaient en taxi, mais qu’ils n’avaient pas été en danger selon la définition du Code.

  • [49] Elle a aussi soutenu que le refus de travailler n’était pas valide dans cette affaire, car les employés n’avaient pas suivi la procédure appropriée. Ils n’ont pas exercé leur droit de refuser au moment où ils estimaient être en danger dans le taxi, mais plus tard, à la gare du CP, à Thunder Bay. Par conséquent, le CP ne pouvait enquêter correctement sur leur refus de travailler.

  • [50] En ce qui concerne le moment de l’enquête par l’ASS, K. Fleming a cité les paragraphes 36 et 37 de la décision de l’agent d’appel Douglas Malanka dans l’affaire du Service correctionnel du Canada [5] , soulignant que le Code utilise le présent de l’indicatif et affirmant que l’ASS doit donc faire enquête et rendre une décision en fonction de la situation au moment de l’enquête. Il s’ensuit donc, en vertu du paragraphe 146(1), que l’agent d’appel doit établir quelle était la situation au moment de l’enquête et de la décision rendue par l’ASS.

  • [51] Toutefois, elle a aussi mentionné que l’agent d’appel Malanka avait affirmé, dans la même décision, que l’agent de santé et de sécurité pouvait examiner les circonstances au moment du refus de travailler afin d’établir si le risque ou la situation pouvait se reproduire, mais pas pour décider s’il y avait danger au moment du refus.

  • [52] Citant également le paragraphe 35 de la même décision, elle a soutenu que, même si le danger potentiel ou la situation pouvait se reproduire, le concept d’attente raisonnable exclut les situations hypothétiques et prospectives. Elle a déclaré que dans cette affaire, le refus de travailler était basé sur une situation prospective et hypothétique.

  • [53] K. Fleming a également cité le paragraphe 14 de la décision de l’agent d’appel Serge Cadieux sur Bell Canada [6] , qui montre clairement, selon elle, qu’un refus de travailler dans des conditions de travail non caractéristiques de l’emploi, comme le refus de travailler chaque fois qu’il pleut, n’est pas justifiable, car il n’y a alors pas danger conformément à la définition du Code. Elle a soutenu que le droit de refuser de travailler est un droit individuel que peuvent exercer les employés uniquement quand les conditions spécifiques du travail à accomplir peuvent entraîner une blessure ou une maladie.

  • [54] Elle a déclaré que, contrairement à ce qu’affirmaient les employés, rien n’indiquait qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le risque, la situation ou l’activité occasionne une blessure.

  • [55] Enfin, elle a ajouté que la décision d’absence de danger de l’agent de santé et de sécurité était correcte et que je devrais la confirmer.

  • [56] Je dois régler deux questions avant d’examiner les preuves relatives au refus de travailler et établir si oui ou non l’agent de santé et de sécurité a fait erreur en rendant sa décision d’absence de danger :

 

 

 

 

Réplique du défendeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*****

 

  • o Le CP affirme que je devrais rejeter le refus de travailler des employés, car ils ont exercé ce droit quand ils sont revenus à la gare du CP plutôt que sur la route, au moment où ils ont rencontré un épais brouillard. Ils n’ont pas suivi la procédure appropriée et cela a empêché leur employeur d’enquêter sur leur refus de travailler;

  • o Le demandeur prétend que la tenue tardive de l’enquête sur le refus de travailler motivé par des conditions météorologiques défavorables, ainsi que la tenue de l’enquête loin de l’endroit où les travailleurs ont décidé de refuser de travailler, invalident la décision.

 

 

  • [57] En ce qui concerne la première question, j’estime qu’au moment où les employés ont décidé de s’arrêter, de faire demi-tour et de revenir au lieu de travail de l’employeur, ils ont en réalité engagé le processus de refus de travailler. Le fait qu’ils n’aient pas communiqué immédiatement avec leur employeur est sans conséquence.

  • [58] Ils ont toutefois rapporté les circonstances à l’employeur dès leur arrivée au lieu de travail. Leur superviseur a fait son enquête et a décidé qu’ils n’étaient pas en danger s’ils continuaient de travailler. De leur côté, ils ont maintenu leur refus de travailler et l’employeur a appelé un agent de santé et de sécurité pour enquêter. J’estime que le refus de travailler a été fait conformément à la procédure et je ne vois pas pourquoi je devrais accepter la demande du CP. Par conséquent, je la rejette.

  • [59] En ce qui concerne le fait que l’enquête ait été menée tardivement et loin du lieu du refus de travailler, M. Church a soutenu que, du coup, l’ASS n’a pas disposé de données objectives suffisantes pour fonder sa décision. Selon lui, l’incapacité de l’ASS de mener une enquête appropriée constitue une erreur de procédure.

  • [60] Je suis d’accord avec M. Church pour dire qu’une enquête sur un refus de travailler en raison de conditions météorologiques défavorables doit avoir lieu dans les plus brefs délais. Toutefois, il faut être réaliste et examiner les faits qui se sont produits et la raison pour laquelle ils se sont produits de cette manière.

  • [61] Selon le rapport de l’ASS Kosola, le CP a signalé le refus de travailler au Programme du travail de RHDCC près de deux heures après le refus, et il a fallu une autre heure pour trouver un agent de santé et de sécurité qui pouvait aller enquêter sur le refus de travailler à Thunder Bay. Les conditions météorologiques avaient changé entretemps. En outre, quand l’ASS a communiqué avec D. Letain, on avait renvoyé chez eux les employés qui avaient refusé de travailler et d’autres employés, informés du refus de travailler, avaient déjà quitté la gare en taxi à destination d’Ignace. Comme les employés qui avaient refusé de travailler n’étaient pas exposés au danger présumé, il a été convenu qu’on les rappellerait pour 13 h 30 ce jour-là pour que l’ASS puisse mener son enquête en leur présence.

  • [62] Bien que le paragraphe 129(1) du Code stipule que l’ASS doit mener son enquête immédiatement ou demander à un autre ASS de le faire, il faut envisager la situation de façon logique. Même s’il s’est écoulé un certain temps avant que soit signalé le refus de travailler et qu’on trouve un AS, et même s’il s’est écoulé quelques heures avant que l’ASS en question communique avec D. Letain, j’estime que les droits des employés concernés ont été respectés, car l'enquête a malgré tout été menée avec célérité.

  • [63] Enfin, en ce qui concerne le fait que l’ASS ait mené son enquête loin du lieu où les employés ont décidé de refuser de travailler, les faits présentés indiquent que le refus était motivé par des conditions météorologiques défavorables à un moment et à un lieu donné. Comme il s’était écoulé un certain temps après le refus de travailler, l’ASS a décidé de mener son enquête au bureau de la gare en présence de toutes les parties concernées. Les conditions météorologiques de toute la région avaient grandement changé depuis le refus de travailler et comme on ne discutait pas du lieu, mais des conditions météorologiques, il n’était pas nécessaire d’examiner l’endroit où les employés avaient refusé de travailler. Par conséquent, pour les raisons susmentionnées, je rejette la demande du demandeur à ce sujet.

  • [64] Pour établir si l’ASS a fait erreur en rendant une décision d’absence de danger, je dois tenir compte de la définition de « danger » qui se trouve dans le Code, de la jurisprudence pertinente et des faits et circonstances de l’affaire qui nous occupe.

  • [65] D’après les témoignages des deux employés, dont je n’ai aucune raison de douter, je retiens les faits suivants de cette affaire :

 

 

 

 

 

 

 

  • o Les employés se déplaçaient en taxi sur une route non éclairée;

  • o Les phares du taxi étaient mal alignés et la visibilité s’en trouvait réduite;

  • o En raison du brouillard et de l’alignement incorrect des phares du taxi, on ne pouvait voir la ligne médiane de la route;

  • o Il y avait un brouillard très épais et de la pluie verglaçante;

  • o La visibilité était réduite au point que la vue ne portait pas plus loin qu’à 20 ou 30 pieds;

  • o Le taxi a failli entrer en collision avec un camion;

  • o En raison de la visibilité réduite, le chauffeur de taxi avait de la difficulté à s’orienter et a eu du mal à trouver un endroit sécuritaire pour faire demi-tour.

 

  • [66] En me basant sur ces faits, je dois établir s’il y avait danger au sens défini dans le Code.

  • [67] Le Code définit le danger comme suit :

  • [68] Au paragraphe 36 de l’affaire Verville précitée, la juge Gauthier a indiqué qu’il n’était pas nécessaire d’établir précisément le moment où la situation, l’activité ou le risque potentiel se produirait. Ce qui est nécessaire, c’est de déterminer dans quelles circonstances on peut s’attendre à ce que la situation, l’activité ou le risque occasionne une blessure et si ces circonstances ne sont pas simplement possibles mais probables. Comme elle l’a dit, il doit exister une probabilité raisonnable par opposition à une simple possibilité. Dans son dictionnaire du droit, Black [7] définit comme suit le terme « raisonnable » : [TRADUCTION] « juste, fondé ou modéré dans les circonstances ». J’estime que cela indique un degré modéré de probabilité qu’un accident se produise par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.

  • [69] Par conséquent, la décision ci-dessus établit que le danger peut être prospectif dans la mesure où il est non simplement possible mais probable que le risque, la situation ou l’activité se produise et qu’il occasionne une blessure ou une maladie chez la personne exposée avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou l’activité modifiée.

  • [70] J’estime que si vous devez conduire ou être conduit en voiture à certains moments pendant l’année, il existe une probabilité raisonnable que les conditions météorologiques soient défavorables. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une situation hypothétique ou prospective. À mon avis, le risque d’un accident de la route est présent en tout temps, mais il peut, dans une certaine mesure, être évité selon l’habileté du chauffeur, l’état du véhicule, les conditions de la route et, enfin, les conditions météorologiques. Le risque d’accident peut augmenter substantiellement avec la détérioration d’un de ces éléments et atteindre un niveau permettant de le qualifier de danger.

  • [71] La preuve a montré que les employés étaient appelés régulièrement à parcourir de longues distances en taxi, de jour comme de nuit, parfois dans des conditions météorologiques défavorables [8] . En général, le risque d’accident de la route est relativement faible, mais il augmente avec la détérioration de l’un ou l’autre des éléments déjà mentionnés. Dans la présente affaire, les phares du véhicule n’étaient pas alignés correctement il y avait un épais brouillard qui réduisait la visibilité à moins de 20 à 30 pieds. De plus, le chauffeur de taxi avait de la difficulté à s’orienter et à trouver un croisement pour faire demi-tour.

  • [72] Dans ces conditions, il est raisonnable de penser que le danger potentiel pouvait se produire et occasionner des blessures qui, dans ce genre d’accident, auraient pu être terribles.

  • [73] En me basant sur les principes établis par ces décisions, j’estime que les faits montrent :

 

 

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

 

 

 

 

 

 

 

  • o qu’on pouvait raisonnablement affirmer qu’il y avait danger que se produise un accident de la route;

  • o qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que des employés se déplaçant dans des conditions météorologiques défavorables soient exposés à ce danger;

  • o qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce danger (un accident de la route) occasionne une blessure ou une maladie pour les employés;

  • o qu’on pouvait raisonnablement croire que la blessure ou la maladie se serait produite avant que le risque ne soit écarté, la situation corrigée ou l’activité modifiée.

 

  • [74] K. Fleming a déclaré que l’ASS devait enquêter et rendre une décision basée sur les conditions au moment de l’enquête. Toutefois, l’agent d’appel Malanka a aussi souligné que l’agent de santé et de sécurité pouvait examiner les circonstances du refus de travailler pour décider si le risque ou la situation était susceptible de se produire de nouveau. Comme je l’ai déjà dit, il est raisonnable de conclure qu’une situation semblable se reproduira et que le risque se présentera à nouveau.

  • [75] Je ne crois pas que la présente affaire soit semblable à celle de Bell Canada susmentionnée par K. Fleming quand elle a soutenu que la décision montrait clairement qu’un refus de travailler dans des conditions de travail non caractéristiques de l’emploi, comme le refus de travailler chaque fois qu’il pleut, n’est pas justifiable, car il n’y a alors pas danger conformément à la définition du Code. Si, dans cette affaire, les conditions avaient été différentes, par exemple un temps orageux avec du tonnerre et des éclairs ou des bourrasques violentes, la décision aurait probablement été différente.

  • [76] Dans cette affaire, on parle d’une mauvaise visibilité causée par des conditions météorologiques défavorables capables de changer radicalement en très peu de temps et en des lieux très rapprochés. Cela ne signifie pas qu’il est dangereux de prendre la route chaque fois que les conditions météorologiques sont défavorables. Dans des circonstances où des employés devraient recourir à un autre moyen de transport, ils devraient savoir comment réagir quand ils se heurtent à des conditions météorologiques défavorables soudaines qui les empêchent de poursuivre leur route. Ces circonstances doivent être clairement décrites dans une politique établie en consultation avec le comité de santé et de sécurité. Dans cette affaire, je ne suis pas certain que les employés ont réagi de la manière la plus sécuritaire possible en faisant demi-tour et en revenant à Thunder Bay dans un épais brouillard.

  • [77] Selon les faits qu’elle a observés durant son enquête, je trouve, bien qu’elle en parle dans son analyse, que l’ASS Kosola n’a pas accordé suffisamment d’importance à la situation ou au danger potentiel de l’activité future, celle de conduire dans des conditions météorologiques défavorables.

  • [78] En conséquence, pour les raisons mentionnées ci-dessus, j’annule la décision d’absence de danger de l’ASS Kosola et je présente une instruction à l’employeur pour lui ordonner de protéger immédiatement la santé et la sécurité de ses employés contre la situation ou le danger potentiel, raisonnablement susceptible de se reproduire, quand ils se déplacent dans des conditions météorologiques défavorables. L’employeur doit immédiatement cesser les déplacements par véhicule dans des conditions météorologiques défavorables jusqu’à ce qu’il ait pris des mesures pour protéger la santé et la sécurité de ses employés. Il devra aviser l’agent de santé et de sécurité Kosola ou un autre agent de santé et de sécurité quand il se sera conformé à cette instruction.

  • [79] La preuve présentée a indiqué que, dans le meilleur des cas, l’employeur n’avait qu’une vague politique de santé et de sécurité concernant les déplacements en taxi sur de longues distances. L’article 124 du Code [9] exige que l’employeur protège la santé et la sécurité de ses employés sur les lieux de travail. En outre, l’alinéa 125.(1) s) [10] du Code stipule que l’employeur doit veiller à ce que soient portés à l’attention de chaque employé les risques connus ou prévisibles que présente pour sa santé et sa sécurité l’endroit où il travaille. À cette fin, l’employeur doit mener une analyse du problème actuel et élaborer une politique et des lignes directrices claires pour les employés et les gestionnaires relativement aux déplacements dans des conditions météorologiques défavorables.

  • [80] Enfin, je veux souligner qu’en vertu de la partie II du Code canadien du travail, un nouveau règlement intitulé Programme de prévention des risques est entré en vigueur le 28 novembre 2005. Ce nouveau règlement, prescrit à l’alinéa 125. (10) z.03) [11] du Code, exige que l’employeur élabore, mette en œuvre et surveille un programme de prévention des risques professionnels en consultation avec son comité d’orientation.

  • [81] Par conséquent, je m’en remets à l’agent de santé et de sécurité pour qu’elle s’assure que le CP respecte les dispositions du Code et l’instruction mentionnées dans le présent document.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Richard Lafrance

Agent d’appel


SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L’AGENT D’APPEL

 

Décision no : 06-001

Demandeur : Ray Davey et les Travailleurs unis des transports

Mots clés : conditions météorologiques défavorables, visibilité, brouillard, refus de travailler, danger, danger potentiel

 

Dispositions : Code canadien du travail : 124, 125.(1) s), 125.(10) z.03), 129(7), 145(2) a), 145(2) b)

 

Le demandeur, Ray Davey, employé de Canadien Pacifique Ltée, a exercé son droit de refuser de travailler parce qu’il craignait un accident de voiture pendant qu’il se rendait en taxi dans des conditions météorologiques défavorables à Ignace, en Ontario, afin de prendre les commandes d’un train et de le ramener à Thunder Bay, en Ontario. M. Davey a justifié sa décision en invoquant la présence d’un épais brouillard qui réduisait fortement la visibilité.

 

Un agent de santé et de sécurité a enquêté sur le refus de travailler et a rendu une décision d’absence de danger au moment de son enquête. À son avis, la perception de danger des employés était basée sur une possibilité hypothétique qui pouvait ne jamais se produire. Elle a ajouté que des mesures adéquates avaient été prises pour réduire au minimum les risques associés à un déplacement en taxi dans des conditions météorologiques défavorables.

 

Se fondant sur les faits recueillis par l’agent de santé et de sécurité durant son enquête, l’agent d’appel a conclu que l’ASS n’avait pas accordé suffisamment d’importance à la situation ou au danger potentiel de l’activité future de conduire dans des conditions météorologiques défavorables. L’agent d’appel a donc annulé la décision de l’agent de santé et de sécurité et a présenté à l’employeur une instruction lui ordonnant de protéger immédiatement la santé et la sécurité de ses employés contre la situation ou le danger potentiel raisonnablement susceptible de se produire quand ils se déplacent dans des conditions météorologiques défavorables.


CONCERNANT LA PARTIE II DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Instruction à l’employeur en vertu des alinéas145(2) a) et b)

 


Le 15 août 2005, l’agent d’appel soussigné a mené une enquête en vertu de l’article 146.1 de la partie II du Code canadien du travail (le Code) relativement aux circonstances entourant la décision d’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité Kosola par suite du refus de travailler de Ray Davey et de Kim Dudley, employés de Canadien Pacifique Ltée, 440, avenue South Syndicate, Thunder Bay (Ontario), P7E 1E5, parfois désignée sous le nom de gare du CP, à Thunder Bay, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail.

 

Le soussigné agent d’appel est d’avis que la situation suivante constitue un danger pour un employé.

 

Les employés du CP doivent se déplacer par route dans des conditions météorologiques défavorables qui les exposent au danger potentiel d’un accident de voiture raisonnablement susceptible d’occasionner une blessure avant que la situation ne soit corrigée ou l’activité modifiée.

 

Par conséquent, je vous ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l’alinéa 145(2) a) du Code, de prendre immédiatement des mesures pour remédier au risque ou à la situation ou modifier l’activité qui constitue un danger.

 

Je vous ordonne par la présente, en vertu de l’alinéa 145(2) b) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser immédiatement les déplacements par véhicule dans des conditions météorologiques défavorables jusqu’à ce que vous vous soyez conformé à cette instruction. Vous devrez aviser l’agent de santé et de sécurité Kosola ou un autre agent de santé et de sécurité quand vous vous serez conformé à cette instruction.

 

Émise à Ottawa le 26 janvier 2006.

 

 

 

 

Richard Lafrance

Agent d’appel

No de certificat : ON 7496

 

À : Canadien Pacifique Ltée
440, avenue South Syndicate

Thunder Bay (Ontario)

P7E 1E5



[1] Désigne les heures passées dans un [véhicule] par un [employé] pour se rendre d'une ville dans une autre pour prendre son service. – D’après Termium, base de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada.

 

[2] Martin c. Canada (Procureur général), [2003] CAF 1158 (IIJCan) (1e inst.)

[3] Verville c. Canada (Service correctionnel), [2004] CAF 940 (QL) (1e inst.)

 

[4] Chapman et Canada (Agence des douanes et du revenu), [2003], D.B.A.C.C.T., no 17, décision no 03-019

 

[5] Stewart R. Doell et Lorne Knihniski – Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), no 04-014

[6] Pierre-George Pépin c. Bell Canada, décision no 03-010, 23 avril 2003

[7] Black’s Law Dictionary, septième édition, 1999.

[8] Dans le Petit Robert, le terme défavorable renvoie aux synonymes suivants : adverse, contraire, désavantageux, mauvais, nuisible [conditions, circonstances défavorables].

[9] 124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[10] 125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

s) de veiller à ce que soient portés à l’attention de chaque employé les risques connus ou prévisibles que présente pour sa santé et sa sécurité l’endroit où il travaille;

[11] 125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

 

z. 03) en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, d’élaborer et de mettre en oeuvre un programme réglementaire de prévention des risques professionnels — en fonction de la taille du lieu de travail et de la nature des risques qui s’y posent — , y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité, et d’en contrôler l’application;

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