Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Dossier no : 2006-64

Décision no : OHSTC-09-001

 

 

 

 

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

Ian David Tench

appelant

 

et

 

Défense nationale – Forces maritimes de l’Atlantique, Nouvelle‑Écosse

intimée

 

________________________________

Décision no : OHSTC-09-001

Le 27 janvier 2009

 

 

Cette affaire a été tranchée par l’agente d’appel Katia Néron.

 

Pour l’appelant

Ian David Tench

 

Pour l’intimée

Major D. A. Orr, commandant en second, Génie construction (formation), Défense nationale – Forces maritimes de l’Atlantique, Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

 


  • [1] Cette affaire concerne un appel interjeté le 12 décembre 2006, en application du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), par Ian David Tench, employé du ministère de la Défense nationale (MDN), dans les Forces maritimes de l’Atlantique, à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

 

  • [2] Cet appel a été interjeté à l’encontre de la décision d’absence de danger que l’agent de santé et de sécurité (ASS) Glen L. Grandy a rendue, le 11 décembre 2006, au terme de l’enquête menée sur le refus d’I. D. Tench de retourner travailler à son poste le 28 novembre 2006.

 

  • [3] La présente affaire a été instruite sur la foi d’observations écrites.

 

Les faits tels que tirés de tous les documents produits

 

  • [4] Le 16 novembre 2006, I. D. Tench s’est présenté au travail. Un agent de sécurité lui a demandé de produire sa carte d’identité afin de s’assurer qu’il était autorisé à entrer dans la base. En raison d’une série d’incidents antérieurs qui ont commencé à se produire le 3 septembre 2006 et qui impliquaient le même agent de sécurité, M. Tench a interprété cette demande comme étant fondée sur la race et comme un acte discriminatoire. C’est ainsi qu’il a refusé de produire sa pièce d’identité et a continué son chemin pour se rendre à son poste de travail. Il a ensuite quitté son lieu de travail et est rentré chez lui.

 

  • [5] Le 17 novembre 2006, le superviseur de M. Tench, le capitaine Chris Quillam, lui a envoyé un courriel pour l’informer de ce qui suit :

[traduction]

 

En vertu des articles 8 et 9 du Règlement sur les secteurs d’accès contrôlé relatif à la défense (RSACD), tous les membres sont tenus de produire leur carte d’identité à la demande d’un garde de sécurité et sont tenus de se conformer aux instructions du personnel de sécurité. Au sens du RSACD, « garde de sécurité » s’entend d’un membre du Corps des commissionnaires.

 

Toute personne qui ne produit pas ses pièces d’identité s’expose notamment à un refus d’accès ainsi qu’à une arrestation ou à des accusations portées contre elle en vertu du RSACD. Si vous craignez que la demande qui vous est faite de produire votre carte d’identité constitue du harcèlement, vous êtes invité à poursuivre le règlement de cette affaire séparément.

 

Aux termes de l’article 128 du Code canadien du travail, vous êtes tenu de produire des renseignements sur la nature de votre refus au plus tard lundi 20 novembre 2006, de manière que l’on puisse enquêter sur l’affaire et vous revenir sur la question dès que possible. Si votre refus de travailler repose sur le fait qu’on vous ait demandé ou obligé de produire votre carte d’identité, il ne semble pas que pareille demande ou obligation justifie un refus de travailler si bien que vous êtes censé vous présenter au travail ou prendre un congé approuvé.

 

  • [6] Le 20 novembre 2006, I. D. Tench a répondu au capitaine Quillam de la façon suivante :

[traduction]

 

À la suite de notre entretien d’aujourd’hui, vous connaissez maintenant les dimensions qui se rapportent à la nature du refus de travailler que j’ai présenté en vertu de l’article 128 [].

 

En ce qui concerne votre inférence, mon refus ne repose pas sur le fait qu’on m’ait demandé ou obligé à produire ma carte d’identité, mais plutôt sur de la discrimination, du harcèlement, des agressions et des manquements de la part du MDN, de ses agents/représentants et cessionnaires et dont les détails ont été clairement exposés dans les courriels mentionnés dans les lettres et lors des conversations. Les motifs du refus sont clairement expliqués dans la lettre qui vous est adressée aujourd’hui. []

 

  • [7] I. D. Tench a expliqué comme suit les motifs de son refus de travailler à son lieu de travail :

 

[traduction]

 

J’ai déclaré de bonne foi que je refuse de travailler parce que je crois réellement et sérieusement qu’il existe, à mon lieu de travail, une condition qui se présente continuellement, à partir du moment où je me présente au travail jusqu’à mon départ du travail, condition qui, lorsqu’elle est conjuguée à mon présent état mental, représente un danger grave et très réel pour ma santé, ainsi qu’en attestent mes antécédents.

 

  • [8] En outre, I. D. Tench a décrit une série d’événements qu’il a allégué être des actes de harcèlement et de discrimination raciale. Cette information continuera de faire partie du dossier, mais ne sera pas mentionnée ici pour des motifs exposés plus loin dans la présente décision. Il vaut toutefois de noter qu’aucun document médical émanant d’une autorité médicale compétente n’a été alors produit par I. D. Tench ni ne lui a été demandé pour confirmer son état mental allégué et, en particulier, pour expliquer la façon dont les actes allégués de harcèlement et de discrimination raciale pouvaient avoir une incidence sur sa maladie alléguée.

 

  • [9] Comme condition posée à son retour au travail, I. D. Tench a demandé à son employeur à ce que le garde de sécurité qui était l’objet de ses allégations ne fournisse plus de services de sécurité à son lieu de travail. Ledit garde a été temporairement affecté à un autre lieu de travail. M. Tench a alors consenti à retourner travailler.

 

  • [10] Le comité de santé et de sécurité du lieu de travail a enquêté sur le refus de travailler de M. Tench. Le comité a conclu alors que, en vertu du Code, il n’existait pas de préoccupations en matière de sécurité pour I. D. Tench. L’employeur a ensuite décidé de remettre le garde de sécurité en poste à son lieu de travail normal.

 

  • [11] Après avoir été avisé de cette décision, I. D. Tench a de nouveau invoqué son droit de refuser de travailler le 28 novembre 2006. C’est ainsi qu’il a refusé, une deuxième fois, de retourner travailler à son lieu de travail.

  • [12] Le 28 novembre 2006, l’ASS Grandy a enquêté sur le refus persistant de M. Tench de se présenter au travail.

  • [13] Pendant cette enquête, I. D. Tench a informé l’ASS Grandy – par courriel daté du 29 novembre 2006 -- qu’il avait été transféré du SCC au MDN il y a six ans en raison d’une priorité donnée aux personnes atteintes d’un handicap. Il a également dit qu’il souffrait de dépression, qu’il était sous médication, qu’il était incapable de faire face à des situations de stress ou de discrimination raciale, qu’il pouvait facilement s’agiter et que son jugement pouvait en être affecté. Il a ajouté que son ministère avait la responsabilité de prendre des mesures d’adaptation à son endroit en s’assurant qu’il n’est pas à faire face à des actes de harcèlement ou de discrimination raciale ni à d’autres abus et en veillant à ce que ses besoins spéciaux découlant de son invalidité permanente soient satisfaits. Aucun rapport médical n’a été produit pour confirmer l’une ou l’autre de ces déclarations.

 

  • [14] En tenant compte du fait qu’il entrait dans les responsabilités des commissionnaires de demander à toute personne entrant dans la base de produire une pièce d’identité et après avoir examiné l’information qui avait été reçue alors, l’ASS Grandy a conclu que le Code ne couvrait pas de situation de danger au travail liée à la situation personnelle et à l’état de santé d’un employé. Il a ainsi conclu qu'il n’existait pas de danger pour I. D. Tench.

 

  • [15] Dans une lettre adressée au Tribunal [1] , en date du 2 mai 2007, I. D. Tench a demandé à ce que son appel soit tenu en suspens jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue relativement à son grief, renvoyé au troisième palier, concernant les actes allégués de discrimination à son lieu de travail. Cette décision était attendue pour le 14 mai 2007. J’ai donc accordé un ajournement des procédures jusqu’au 14 mai 2007.

 

  • [16] Le 15 mai 2007, I. D. Tench a écrit au Tribunal pour faire savoir qu’il n’avait pas reçu de réponse au grief susmentionné. Il a réitéré qu’une décision qui lui serait favorable dans le règlement de ce grief lui permettrait de produire certains des éléments prouvant son affirmation de la présence de discrimination et que cela représenterait pour moi une question en moins à trancher. Il a déclaré que, comme son grief n’avait pas été traité au troisième palier, il serait entendu par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Il a indiqué qu’il m’aviserait du moment où la demande serait présentée à la CRTFP, de la date fixée pour l’audience et de la date à laquelle la Commission rendrait sa décision.

 

  • [17] Dans une lettre adressée au Tribunal en date du 25 septembre 2007, I. D. Tench a indiqué qu’il avait déposé deux plaintes le 21 septembre 2007, l’une devant la CRTFP et l’autre devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Toutefois, il apparaît clairement, à la lumière des informations que M. Tench a fournies dans sa lettre, qu’aucune preuve émanant des plaintes susmentionnées ne sera produite quant aux questions des actes allégués de harcèlement et de discrimination raciale, puisque la CRTFP n’instruira pas l’affaire, mais entendra plutôt les plaintes relatives aux questions de représentation.

 

  • [18] Nonobstant ce qui précède, le 5 mars 2008, le Tribunal a envoyé une lettre aux deux parties pour leur demander ce qui suit :

 

  • préciser si M. Tench souhaitait toujours maintenir son appel en suspens jusqu’à l’issue de l’audience de la CRTFP prévue pour mai 2008;

 

  • de me faire parvenir leurs arguments et leurs répliques sur la question.

 

  • [19] Le 28 mars 2008, n’ayant pas reçu de réponse de la part d’ I. D. Tench relativement à la demande susmentionnée et ayant tenu compte de toutes les informations reçues, j’ai décidé de ne plus maintenir en suspens les procédures puisque aucune autre information ne m’avait été présentée quant à la façon par laquelle et le moment auquel un autre tribunal se pencherait sur les questions des actes allégués de harcèlement et de discrimination raciale.

 

  • [20] Le 30 octobre 2008, après avoir reçu les observations des deux parties à l’appel en instance, j’ai demandé à I. D. Tench de fournir des renseignements additionnels pour clarifier la nature de sa maladie et, en particulier, expliciter la façon dont sa maladie, ainsi qu’il l’alléguait, était liée à son lieu de travail. J’ai également proposé aux deux parties une autre option consistant à sommer le médecin d’I. D. Tench de rencontrer les parties à son cabinet ou à tout autre endroit mutuellement acceptable pour me permettre de recevoir verbalement l’information demandée. Aucune réponse à cette demande n’a été reçue.

Procédure

 

  • [21] Deux questions doivent être tranchées en l’espèce. Eu égard à la première, il s’agit de déterminer si oui ou non le danger allégué par I. D. Tench est couvert par le Code, étant donné que l’ASS Grandy a fondé sa décision d’absence de danger sur sa conclusion que le Code ne couvrait pas de danger lié à une condition médicale personnelle.

 

  • [22] Si j’en viens à conclure que le Code traite bel et bien d’un danger semblable à celui qu’allègue I. D. Tench, il me faudra alors trancher la seconde question, qui est de savoir s’il existait alors ou non un danger pour lui.

 

  • [23] Pour rendre une décision relativement à ces questions, je dois tenir compte de la preuve factuelle ainsi que de la jurisprudence et de la législation pertinentes.

 

Arguments de l’appelant

 

  • [24] Je retiens ce qui suit des observations écrites transmises par I. D. Tench.

 

  • [25] I. D. Tench a sollicité le report temporaire de l’instruction du présent appel. Il a allégué que, pour que l’on se prononce sur l’affaire en l’instance, il fallait disposer d’une décision dans laquelle il est conclu à la présence de discrimination. M. Tench a déclaré que, à ce stade‑ci, j’étais ultra vires au motif que je ne suis pas habilitée à rendre des décisions fondées sur la discrimination raciale. C’est la raison pour laquelle il a cherché à faire reporter cette procédure jusqu’à ce que l’autorité compétente, la CRTFP, ait eu la possibilité de rendre sa décision. Il a ajouté que, à son avis, l’ASS Grandy n’avait pas examiné l’ensemble de la preuve, n’avait pas mené une enquête approfondie et (ou) n’avait pas appliqué les bons critères juridiques à faire intervenir pour se prononcer prima facie sur la question d’une discrimination. Il a également déclaré qu’il doutait que je rende une décision qui lui serait favorable sur ces questions, car il ne croit pas que je possède l’expérience, la compétence ou l’autorité nécessaire pour appliquer dûment la loi.

 

  • [26] Il a aussi allégué qu’il y avait deux questions auxquelles il me fallait répondre eu égard à son appel, soit, selon lui, les suivantes :

 

  • l’ASS a‑t‑il ou non erré en n’appliquant pas le bon critère touchant la discrimination à la lumière de la jurisprudence existante ?

 

  • Ai‑je ou non été victime de discrimination à mon lieu de travail ?

 

  • [27] Il a poursuivi en commentant les événements qui, a‑t‑il allégué, constituent des actes de harcèlement et de discrimination raciale.

 

  • [28] I. D. Tench a produit la décision qui a été rendue le 8 janvier 2007, à la suite de l’enquête menée par le MDN, en réponse à son grief de premier palier concernant les actes de harcèlement et de discrimination raciale dont il alléguait avoir été victime. Le grief de M. Tench a été rejeté au motif de l’absence d’une preuve démontrant qu’il aurait été [traduction] « […] traité différemment, négativement ou défavorablement en raison de sa race […] lors des incidents en question […]. »

 

Arguments de l’intimée

 

  • [29] Dans sa réplique aux observations d’ I. D. Tench, le major D. A. Orr, au nom du MDN, a déclaré que le racisme ne serait jamais toléré.

 

  • [30] Il a déclaré que le fait de demander une pièce d’identité valide ne constituait ni un acte de violence ni un acte de racisme et que cela était conforme au règlement du MDN. En cela, a‑t‑il affirmé, le MDN n’a donc pas contrevenu au Code.

 

  • [31] Il a ajouté que l’ASS Grandy en était arrivé à une conclusion correcte car une demande valide de pièce d’identité à M. Tench ne constituait pas, alors, un danger pour sa santé et sa sécurité.

Dispositions

 

  • [32] L’objet du Code, aux termes de l’article 122.1, s’énonce comme suit :

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies reliées à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions. [soulignement ajouté]

 

  • [33] Aux termes de l’aliéna 125(1)z.16), tout employeur a l’obligation de prévenir et de réprimer la violence au lieu de travail. Cette disposition se lit ainsi :

 

125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

z.16) de prendre les mesures prévues par les règlements pour prévenir et réprimer la violence dans le lieu de travail;

[soulignement ajouté]

 

  • [34] Également, le paragraphe 122(1) du Code définit comme suit le terme « danger » :

 

«danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuelsusceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malademême si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[soulignement ajouté]

 

  • [35] Par ailleurs, le paragraphe 128(1) établit comme suit les circonstances dans lesquelles un employé est autorisé à exercer son droit de refuser de travailler :

 

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

 

  • (a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

 

  • (b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

 

  • (c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[soulignement ajouté]

 

  • [36] Aux termes du paragraphe 146.1(1) du Code, lorsqu’il est saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7), l’agent d’appel doit mener sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ainsi que sur la justification de celle‑ci.

Analyse et décision

 

Le Code s’applique‑t‑il au danger allégué par I. D. Tench ?

 

  • [37] Au moment de l’enquête menée par l’ASS Grandy, I. D. Tench refusait de se présenter au travail au motif que, alléguait‑il, certains événements – des actes de harcèlement et de discrimination qui se produisaient pendant qu’il était au travail – pouvaient aggraver son état de santé mentale allégué.

 

  • [38] En premier lieu, j’aimerais souligner que, aux termes de l’article 122.1, le Code, dans sa partie II, n’a pas seulement pour objet d’empêcher les accidents, mais aussi celui de prévenir « […] les maladies [liées] à l’occupation d’un emploi régi par [les] dispositions [de la partie II]. » Par ailleurs, en vertu de l’aliéna 125 (1)z.16) du Code, tout employeur doit prendre des mesures visant à prévenir la violence dans le lieu de travail et protéger les employés contre cette violence. Il m’est donc d’avis que le législateur a considéré que les dispositions du Code ne s’appliquaient pas exclusivement à des circonstances liées à l’environnement de travail concret ou physique [2] .

 

  • [39] En outre, au sens que lui donne le paragraphe 122(1) du Code, « danger » signifie toute condition/situation au travail dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle cause une maladie à la personne qui y est exposée avant que ladite condition ou situation puisse être corrigée, que la maladie se produise ou non immédiatement après l’exposition à cette condition ou situation.

 

  • [40] Le Canadian Oxford Dictionary définit comme suit le terme anglais « condition » :

 

[traduction]

 

Condition : circonstances, en particulier celles qui influent sur le fonctionnement ou sur l’existence de quelque chose.

 

  • [41] À mon sens, cela signifie que le terme anglais condition qui est employé dans la définition de « danger » au paragraphe 122(1) du Code peut être interprété comme comprenant toute situation qui, au travail, peut avoir un incidence sur le fonctionnement ou l’existence d’un employé, ce qui comprend les actes de harcèlement ou de discrimination raciale posés à l’endroit d’un employé au travail, lorsque ces actes se répercutent sur la santé mentale de l’employé.

 

  • [42] Par conséquent, je suis d’avis que les dispositions du Code sont applicables au danger allégué par I. D. Tench.

 

  • [43] Je dois maintenant déterminer s’il existait ou non un danger pour la santé mentale d’I. D. Tench, ainsi qu’il a allégué que tel était le cas à son lieu de travail.

 

I. D. Tench était‑il alors exposé à un danger ?

 

  • [44] Eu égard à la définition de « danger » dans le Code, je suis d’avis que les deux conditions suivantes doivent être remplies pour qu’un danger soit réputé avoir existé :

 

  • une preuve convaincante de la présence de la maladie mentale de l’employé au moment pertinent;

 

  • une preuve que cette maladie était aggravée ou aurait pu être aggravée par une condition/situation qui se produisait au travail, en l’occurrence du harcèlement et de la discrimination raciale.

 

Lorsque la première condition susmentionnée n’est pas remplie la deuxième condition ne peut constituer à elle seule un danger tel que défini par le Code.

 

  • [45] Aucune preuve ne m’a été présentée pour indiquer qu’I. D. Tench avait alors sollicité un soutien médical ou cherché à obtenir un certificat d’un médecin qualifié pour confirmer que la situation qui se produisait lorsqu’il était au travail avait des répercussions sur sa maladie mentale ou que c’était là une probabilité. D’autre part, aucune preuve n’a été présentée à l’effet que l’employeur devait prendre telle ou telle mesure particulière pour protéger la maladie mentale alléguée d’I. D. Tench.

 

  • [46] En outre, je n’ai reçu aucune réponse lorsque j’ai spécifiquement demandé à I. D. Tench de me fournir des informations additionnelles pour clarifier la nature de sa maladie alléguée et, en particulier, la façon dont cette maladie alléguée était liée à son lieu de travail.

 

  • [47] Qui plus est, il ressort de la preuve que le MDN a réagit en enquêtant sur l’allégation d’actes de harcèlement et de discrimination raciale. Dans le rapport d’enquête qui en a résulté, on conclut que, au moment pertinent, il n’y avait aucune preuve qu’I. D. Tench était [traduction] « […] traité différemment, négativement ou défavorablement en raison de sa race […]. »

  • [48] En l’absence de preuve convaincante de la présence de tout type de maladie, existante ou potentielle, chez l’employé, une condition qu’il est indispensable de remplir pour satisfaire au critère susmentionné à deux volets pour conclure à l’existence d’un danger, tel que le définit le Code, je considère donc qu’il n’y a pas de motif de conclure qu’il existait, au moment pertinent, un danger réel ou potentiel pour la santé mentale d’I. D. Tench. En conséquence, j’estime qu’il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’analyser la série d’événements qu’I. D. Tench a qualifiés d’actes de harcèlement et de discrimination raciale ou d’attendre indéfiniment qu’une décision soit rendue par une autre instance.

 

  • [49] Pour ces motifs, je conclus qu’il n’existait pas de danger pour I. D. Tench durant la période pertinente et confirme la décision rendue par l’ASS Grandy à cet effet.

 

 

 

 

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Katia Néron

agente d’appel



[1] Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

[2] Le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail a été modifié le 8 mai 2008 par l’ajout de la partie XX, intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail ».

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