Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Dossier no : 2005-37

 

Décision interlocutoire

Décision no : TSSTC-08-014 (I)

 

 

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

Katie Bartakovic

et

Alliance de la Fonction publique du Canada

appelantes

 

 

et

 

 

Conseil du Trésor

(Agence des services frontaliers du Canada)

intimé

 

________________

Le 27 juin 2008

 

 

La présente décision fait suite à une audience tenue relativement à l’objection préliminaire soulevée concernant l’appel susmentionné. Ladite audience a été tenue par l’agent d’appel Pierre Guénette à Ottawa, en Ontario, les 15, 29, 30 et 31 janvier 2007, les 1er, 14 et 15 février 2007, les 11 et 12 avril 2007, le 5 décembre 2007 et le 14 février 2008.

 

Comparutions

 

Pour les appelants

Andrew Raven, avocat de Katie Bartakovic et de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC)

 

Pour l’intimé

Richard Fader, avocat du Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)


  • [1] Le 31 août 2005, Katie Bartakovic, inspectrice des douanes travaillant au pont Rainbow à Niagara Falls, en Ontario, a refusé de travailler en invoquant l’article 128 de la partie II du Code canadien du travail (le Code). Le 1er septembre 2005, K. Bartakovic a interjeté appel de la décision établissant l’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité Rod Noel après son enquête sur le refus de travailler de l’employé.

 

  • [2] Avant l’audition de l’appel de K. Bartakovic, les appelantes ont soulevé une objection préliminaire portant sur l’indépendance institutionnelle du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail (le Bureau d’appel) [1] .

 

  • [3] Le directeur du Bureau d’appel, Pierre Rousseau, a présenté une demande pour obtenir qualité d’intervenant relativement à l’objection préliminaire soulevée par les appelantes. Après la tenue de l’audience sur cette question de qualité le 2 octobre 2006, une décision écrite octroyant avec certaines restrictions au directeur en question la qualité d’intervenant a été rendue le 7 décembre 2006. Le premier jour de l’audience sur l’objection préliminaire (soit le 11 décembre 2006), le directeur du Bureau d’appel a renoncé à sa qualité d’intervenant.

 

  • [4] L’objection préliminaire soulevée par les appelantes a été entendue par l’agent d’appel soussigné entre le 15 janvier 2007 et le 12 avril 2007 à Ottawa, en Ontario. En tout, il a fallu 9 jours pour entendre les témoignages de 4 témoins; en outre, plus de 51 documents ont été déposés comme pièces. Les derniers arguments ont été entendus en avril 2007. Toutefois, l’audience a été reconvoquée afin que les appelantes puissent déposer un nouvel élément de preuve, ce qui s’est produit le 5 décembre 2007 et le 14 février 2008.

 

TÉMOINS DES APPELANTES

 

TÉMOIGNAGE DE JEFF BENNIE

 

  • [5] Jeff Bennie a déclaré qu’il était le représentant national du syndicat pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) de 1990 à 2002, années au cours desquelles il était chargé de la santé et de la sécurité des travailleurs et travailleuses. De 1990 à 1996, il a également représenté le STTP aux réunions nationales avec la Société canadienne des postes. Il a été nommé agent national de sécurité à l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) en 2002 et était toujours en poste au moment de son témoignage dans le cadre de l’audience.

 

  • [6] M. Bennie a témoigné qu’il a pris part au processus de modification législative mené par Développement des ressources humaines Canada [2] (DRHC), qui s’est terminé par des modifications à la partie II du Code canadien du travail (le Code) en l’an 2000. Il a résumé ainsi sa participation.

 

  • [7] J. Bennie a expliqué qu’il a participé à l’élaboration d’un document des syndicats [3] qui proposait à DRHC des modifications au Code. Des représentants des employeurs relevant de la compétence fédérale et visés par le Code ont également soumis des propositions de changements au Code.

 

  • [8] Il a déclaré que DRHC a constitué un comité d’examen dirigé par le sous-ministre adjoint (SMA) principal dont faisaient partie environ 25 membres qui étaient des représentants des syndicats, des employeurs et des membres de la Division de la politique législative de DRHC. J. Bennie a déclaré qu’il était membre du comité d’examen.

 

  • [9] D’après le témoin, les quelque 207 propositions de modifications au Code soumises par les trois parties étaient trop nombreuses pour être réglées par le comité d’examen. Par conséquent, un sous-comité d’examen législatif a été formé pour passer les propositions en revue et tenter de dégager un consensus. J. Bennie a confirmé que le sous-comité d’examen législatif était constitué de trois représentants du syndicat, dont lui-même, de trois représentants des employeurs et de deux de la Division de la politique législative de DRHC.

 

  • [10] Le document, E-1, onglet 2, intitulé [traduction] « Processus et attributions du Sous-comité d’examen de la partie II du Code (Process and Terms of Reference of Sub-committee for Review of Code Part II), a été présenté à l’audience et J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait du processus et du mandat d’examen du Sous-comité d’examen législatif dont il était membre. J. Bennie a expressément mentionné l’étape quatre du document qui est ainsi rédigé :

 

[Traduction]

Le 29 mars 1994

PROCESSUS ET ATTRIBUTIONS DU SOUS-COMITÉ

D’EXAMEN DE LA PARTIE II DU CODE

 

ÉTAPE 1 :

1.1 Les 207 propositions seront examinées par le sous-comité.

1.2 Seuls les documents complets seront présentés au Comité d’examen législatif (p. ex. toutes les propositions portant sur les Comités de santé et de sécurité).

1.3 Le sous-comité traitera de chacune des questions le temps qu’il faudra.

1.4 Le sous-comité discutera des propositions, traitera des préoccupations et des enjeux avec les intéressés et tentera de dégager un consensus s’il est possible de le faire. Le Comité d’examen législatif se verra présenter moins de questions à des fins d’examen que de questions qui étaient comprises dans le document original de propositions.

1.5 Si aucun consensus n’est établi initialement, DRHC agira de manière à faciliter la réalisation du consensus lorsqu’il sera possible de le faire.

 

ÉTAPE 2 :

2.1 Les parties examineront les documents complets avec leur caucus respectif.

 

ÉTAPE 3 :

3.1 Les parties retourneront devant le sous-comité pour discuter de nouvelles préoccupations et de nouveaux problèmes et enjeux et finaliseront les documents.

 

ÉTAPE 4 :

4.1 Le document complet sera soumis au Comité d’examen législatif pour discuter des questions n’ayant pu faire l’objet d’un consensus. Les questions qui ont fait l’objet d’un consensus ne seront rouvertes qu’à l’étape du Comité d’examen législatif si des préoccupations importantes ont été ignorées au niveau du sous-comité et si le SMA principal est d’accord. [Je souligne.]

 

ÉTAPE 5 :

5.1 Les questions n’ayant pas fait l’objet d’un consensus seront renvoyées au SMA principal. Après étude des positions des employeurs et des employés, le SMA principal fera rapport de sa décision et de sa justification pour chaque questions qui n’avait pas fait l’objet d’un consensus à la réunion suivante du Comité d’examen législatif.

 

IMPÉRATIF DU CALENDRIER :

On estime que cette façon de procéder (Comité d’examen législatif et sous-comité) représentera au moins 40 jours de réunions pour le sous-comité, ainsi qu’un nombre réduit de jours de réunion pour le Comité d’examen législatif.

 

  • [11] M. Bennie a déclaré que la deuxième phrase du point 4.1 visait à s’assurer qu’une fois des éléments de consensus dégagés, les ententes ne seraient pas rouvertes par le Comité d’examen législatif à moins qu’elles ne suscitent de vives inquiétudes et que le SMA principal accepte une réouverture. Il s’est dit d’avis que le Comité d’examen législatif approuverait automatiquement les accords obtenus par consensus.

 

  • [12] Il a confirmé que le Sous-comité d’examen législatif et le Comité d’examen législatif ont délibéré de 1993 à 1995. Il a continué de prendre part au processus dans le cadre d’audiences parlementaires et sénatoriales sur le projet de loi C-12 qui a fini par être adopté et a modifié le Code en l’an 2000. Le projet de loi avait été ranimé après être initialement mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales en 1997.

 

  • [13] Un exemplaire du Code qui était en vigueur au moment des délibérations et jusqu’à ce que le Code soit modifié au début de l’an 2000 a été déposé (E-1, onglet 1). J. Bennie a particulièrement fait référence aux articles 130.1 et 146.1 qui font état du mécanisme d’appel concernant les décisions de l’agent de santé et de sécurité qui ont trait à des refus de travailler d’employés et à des directives de l’agent de santé et de sécurité au sujet des infractions. Les articles 130.1 et 146.1 sont ainsi rédigés :

 

130(1) Le Conseil procède sans retard et de façon sommaire à l’examen des faits et des motifs de la décision dont il a été saisi en vertu du paragraphe 129(5) et peut :

 

  • a) soit confirmer la décision;

 

  • b) soit donner, en ce qui concerne la machine, la chose ou le lieu, les instructions qu’il juge indiquées parmi celles que doit ou peut donner l’agent de sécurité aux termes du paragraphe 145(2).

 

146.1 Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l'agent de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les quatorze jours qui suivent, en demander la révision par un agent régional de sécurité dans le ressort duquel se trouve le lieu, la machine ou la chose en cause.

 

  • [14] En ce qui concerne ce qui précède, je prends connaissance d’office de l’article 122.1 du Code susmentionné relativement à la définition de « Conseil ». L’article 122.1 prévoit :

 

122.1 « Conseil » Le Conseil canadien des relations du travail visé à l'article 9.

 

L’article 9 prévoit :

 

Constitution du Conseil

 

9. (1) Est constitué le Conseil canadien des relations industrielles.

Composition du Conseil

 

(2) Le Conseil se compose :

 

a) du président, nommé à temps plein;

 

b) d'au moins deux vice-présidents, nommés à temps plein, et des autres vice-présidents, nommés à temps partiel, que le gouverneur en conseil estime nécessaires pour permettre au Conseil de s'acquitter de ses fonctions;

 

c) d'un maximum de six autres membres nommés à temps plein dont trois représentent les employés et trois les employeurs;

 

d) des membres à temps partiel représentant, à nombre égal, les employés et les employeurs, que le gouverneur en conseil estime nécessaires pour permettre au Conseil de s'acquitter de ses fonctions;

 

e) des membres à temps partiel que le gouverneur en conseil estime nécessaires pour assister le Conseil dans l'exercice des fonctions que lui confère la partie II.

 

L.R., 1985, ch. L-2, art. 9; 1998, ch. 26, art. 2.

 

  • [15] À cet égard, J. Bennie a confirmé que les décisions des agents de santé et de sécurité dont il est question au paragraphe 130(1) que l’on qualifie régulièrement de décisions d’absence de danger étaient portées en appel devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) ou la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). J. Bennie a également confirmé que les appels interjetés en vertu de l’article 146.1 portant sur les instructions données par les agents de santé et de sécurité étaient portées en appel devant l’agent régional de sécurité (ARS).

 

  • [16] Le document, E-1, onglet 3, intitulé « Examen de la partie II du Code canadien du travail » (Review of the Canada Labour Code, Part II) a été déposé et J. Bennie a confirmé que le document dresse la liste des propositions de modifications au Code présentées à DRHC par les syndicats.

 

  • [17] Il a mentionné la proposition présentée par les syndicats concernant l’article 146.1 du Code et a déclaré que la proposition suggérait un nouveau palier d’appel qui serait constitué d’un tribunal fédéral tripartite formé d’un président neutre et de membres à temps partiel recrutés à même une liste de candidats présentée par les syndicats et les associations d’employeurs. J. Bennie a déclaré que l’avènement d’un nouveau tribunal fédéral tripartite ferait en sorte que les appelants pourraient porter leur appel au deuxième palier s’ils ne sont pas satisfaits de la décision rendue par l’ARS.

 

  • [18] J. Bennie a déclaré que l’appel devant le nouveau tribunal tripartite garantirait de l’équité en permettant d’entendre une opinion extérieure à celle de l’ARS, qui est un employé de DRHC, l’organisme de réglementation. J. Bennie a indiqué à des fins de clarification que la proposition du syndicat prévoirait que le nouveau tribunal tripartite serait logé au CCRI et à la CRTFP, mais le nouveau tribunal assumerait les fonctions des organismes susmentionnés, ce qui fait qu’ils ne joueraient plus le rôle d’un organisme d’appel relativement à la partie II du Code. Il a ajouté qu’un appelant pourrait faire appel devant la Cour fédérale sur des questions de droit à la dernière étape.

 

  • [19] J. Bennie a confirmé que les représentants de l’employeur au Sous-comité d’examen législatif n’étaient qu’« un peu » d’accord avec la proposition des syndicats à cet égard, mais qu’ils étaient prêts à l’envisager.

 

  • [20] Une note, le document E-1, onglet 4, datée du 29 décembre 1994 et signée par H. Brennan, un expert en programmes de la Division Élaboration des normes juridiques et Liaison de la Direction de la santé et de la sécurité de DRHC, a été déposée à l’audience sur le sujet de « Document en colonnes — Réunion du Sous-comité tenue en [août] décembre 1994 » (Column Document – [August] sic December 1994 Subcommittee Meeting). J. Bennie a fait mention de l’« Appendice A » (Appendix A) (ébauche) du document et a déclaré que l’Appendice A confirmait les renseignements sur le mécanisme et la structure d’appel qui faisait déjà l’objet de discussions au Sous-comité d’examen législatif. J. Bennie a déclaré que le point 1 du document provisoire a confirmé que tous les appels seraient d’abord soumis à un ARS nommé par le ministre qui aurait exclusivement pour tâche de recevoir les appels et de statuer à leur sujet. Ces ARS seraient appelés « agents d’appel ». Ainsi, les appels ayant pour but la révision des instructions, la révision de l’absence de production d’une instruction par un agent de santé et de sécurité (si une proposition des syndicats sur cette question a été adoptée) et l’examen des décisions de l’agent de santé et de sécurité en matière d’absence de danger dans les cas de refus de travailler continueraient d’être acheminés à un ARS/agent d’appel. Le document provisoire a en outre indiqué que les appels ayant été précédemment soumis au CCRT ou à la CRTFP, dans lesquels un employé alléguait qu’un employeur avait commis de la discrimination à son endroit parce qu’il n’a pas respecté les dispositions sur le droit de refuser un travail dangereux contenues dans le Code, seraient acheminés à un agent d’appel (AA). J. Bennie a résumé son témoignage en déclarant que les modifications proposées élimineraient les appels devant le CCRT ou la CRTFP, ce qui ferait que tous les appels seraient acheminés à un agent d’appel.

 

  • [21] J. Bennie a déclaré que le point 2 de la version provisoire de l’Appendice A confirmait que les agents d’appel seraient tenus de posséder certaines compétences en santé et sécurité au travail et représenteraient le premier palier d’appel d’un mécanisme d’appel à deux paliers. Le point 2 ajoutait que le rôle de l’AA consisterait à statuer sur des questions sommairement. Dans l’impossibilité de procéder ainsi, la question serait renvoyée à un tribunal devant être constitué.

 

  • [22] D’après le point 3 de la version provisoire de l’Appendix A, le nouveau tribunal ou conseil devant être constitué serait formé d’un président impartial nommé de façon permanente au nouveau tribunal et de membres à temps partiel recrutés à même des listes soumises par des associations d’employeurs et des syndicats. Les tribunaux chargés d’instruire des appels au deuxième palier seraient par conséquent formés d’un président impartial, d’un membre à temps partiel dont le nom se trouve sur la liste des employeurs et d’un membre à temps partiel dont le nom figure sur la liste du syndicat. On a fait observer que l’alinéa 9(2)a) de la partie I du Code canadien du travail [alors en vigueur] prévoyait la nomination de membres à temps partiel ainsi que la rémunération et d’autres questions concernant le fonctionnement des tribunaux administratifs.

 

  • [23] J. Bennie a confirmé que le point 4 du document énonçait que les membres à temps partiel du tribunal nouvellement constitué posséderait des compétences en santé et sécurité au travail et serait nommé par l’employeur et par des représentants syndicaux au sein d’un comité prévu appelé dans le document Comité chargé de la révision technique du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

 

  • [24] Les points 5 et 6 confirmaient qu’il demeurerait possible d’interjeter appel à la Cour fédérale sur des points de droit et qu’il fallait envisager la possibilité de confier les affaires concernant la fonction publique du Canada et les appels interjetés par des fonctionnaires qui étaient soumis à la CRTFP au tribunal d’appel de deuxième palier projeté qui a été constitué sous le régime du CCRT. Ce regroupement nécessiterait des discussions avec des représentants des deux organismes et il faudrait s’assurer que ce changement soit conforme à la politique gouvernementale globale.

 

  • [25] J. Bennie a commenté un autre tableau en six colonnes, ci-joint, intitulé « Examen de la partie II du Code canadien du travail, article 5, Procédure d’appel/de révision » (Review Canada Labour Code Part II, Section 5, Appeal/Review Procedure). Le document comportait les rubriques suivantes : disposition du Code examinée à l’époque; numéro de page; proposition initiale de modification; proposition de modification de l’accord de principe; questions/explications liées aux propositions sur l’accord de principe et statut des propositions concernant l’accord de principe. J. Bennie a fait mention du point 30 de la proposition intitulé « Examen fait par l’agent d’appel national chargé de la santé et de la sécurité » (Review by the National Appeals Officer for Safety and Health) qui confirme que la situation de l’accord de principe n’est pas réglée. J. Bennie a confirmé que DRHC éprouvait encore certaines inquiétudes au sujet de la proposition des membres du Sous-comité d’examen législatif nommés d’après les listes de l’employeur et du syndicat.

 

  • [26] Le document, E-1, onglet 5, a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait de ses notes sommaires des réunions du Sous-comité d’examen législatif. J. Bennie a confirmé qu’il avait pris en note la position de l’employeur devant le Sous-comité d’examen législatif, selon laquelle le tribunal d’appel de deuxième palier du CCRT était habilité par le Code à filtrer et à rejeter des appels à ce niveau. J. Bennie a confirmé la proposition selon laquelle le nouveau tribunal pourrait décider de ne pas être saisi d’un appel.

 

  • [27] Le document E-1, onglet 7 a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait d’une lettre de Horace Brennan datée du 16 mars 1995 et adressée aux membres James Lawson et Al Munholland, du Sous-comité d’examen législatif. J. Bennie a déclaré que la lettre comprenait les notes sommaires de la dernière réunion du Sous-comité d’examen législatif et les projets de rapports définitifs sur le refus de travailler/mécanisme d’examen de même que de l’information sur la prochaine réunion. J. Bennie a mentionné le compte-rendu qui confirmait la tenue de discussions sur la section relative à la procédure d’appel/d’examen du document et le consensus complet dans tous les domaines.

 

  • [28] J. Bennie a également confirmé qu’il n’y avait aucun représentant du CCRT ou de la CRTFP au Sous-comité d’examen législatif; leur accord avec la proposition n’était donc pas confirmé.

 

  • [29] Le document E-1, onglet 8 a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait du « Rapport final présenté par le Sous-comité d’examen législatif au Comité législatif sur l’examen de la partie II du Code canadien du travail concernant les recommandations de modifications au mécanisme d’appel/de révisions »(Final Report of the Legislative Subcommittee to the Legislative Committee for the Review of Part II of the Canada Labour Code On Recommended Changes to Appeals/Review Process ) daté d’avril 1995. J. Bennie a souligné que la section « Sommaire » (Executive Summary) confirme dans son deuxième paragraphe, le principe clé selon lequel l’employé et l’employeur possèdent un droit d’accès à un mécanisme d’appel/d’examen impartial. Il indique également que l’un des éléments clés est un mécanisme d’appel à deux paliers.

 

  • [30] J. Bennie a ensuite résumé les conclusions concernant la structure projetée du mécanisme d’appel confirmée dans le rapport.

 

[Traduction]

MÉCANISME D’APPEL ET D’EXAMEN

 

Structure projetée du mécanisme d’appel

Les renseignements suivants expliquent le nouveau mécanisme et la nouvelle structure d’appel qui ont été élaborés pour apaiser différentes préoccupations. En comparaison avec le système actuel, le nouveau mécanisme constitue un palier d’appel additionnel. Les augmentations de coûts seront ramenées à leur niveau minimal compte tenu du pouvoir additionnel conféré aux agents de santé et de sécurité de modifier ou d’annuler leurs propres instructions après consultation avec l’employeur et le ou les employés concernés (p. ex. pour rectifier des erreurs dans l’instruction, pour proroger la date de conformité ou pour annuler une instruction jugée ultérieurement incorrecte par l’agent) et en permettant au Conseil de refuser d’enquêter à l’égard d’appels ou de demandes d’examen qui ne satisfont pas à certains critères.

 

1. Tous les appels ou les demandes d’examen d’instructions et toutes les questions qui portent sur l’examen d’une décision d’un agent de santé et de sécurité dans des cas de refus de travailler seraient envoyés à un agent d’appel. Tous les cas de plaintes de représailles par un employeur contre un employé ayant agi en conformité avec les dispositions sur le refus de travailler (et toutes les autres dispositions de la partie II) seraient également soumis à un agent d’appel.

 

2. L’agent d’appel, qui serait également un agent de santé et de sécurité et posséderait par conséquent certaines compétences en SST, constituerait le premier palier d’un mécanisme d’examen à deux paliers. Le rôle de l’agent d’appel consisterait à statuer sur des questions de façon sommaire. Si c’est impossible ou s’il y a un autre appel d’une décision ou d’une instruction de l’agent d’appel, l’affaire serait alors renvoyée à un tribunal administratif du Conseil. L’agent d’appel posséderait également le pouvoir de proroger les dates de conformité aux instructions qui sont admissibles, en attendant la réalisation d’un examen par l’agent d’appel ou l’examen par le Tribunal, selon le cas.

 

3. Les tribunaux administratifs représenteraient le deuxième palier d’examen d’un mécanisme à deux paliers. On se propose de constituer des tribunaux administratifs sous les auspices du Conseil canadien des relations du travail. Le président de chaque tribunal administratif serait un membre permanent du Conseil (à savoir un président impartial). Les deux autres membres du tribunal seraient des membres à temps partiel du Conseil, l’un provenant d’une liste de membres du Conseil recommandés à des fins de nomination par les représentants de la direction, et l’autre étant choisi à même une liste de membres du Conseil recommandés à des fins de nomination par des représentants des employés. L’alinéa 9(2)a) de la partie I du Code canadien du travail prévoit déjà la nomination des membres à temps partiel du Conseil afin qu’ils aident celui-ci à exercer ses fonctions en vertu de la partie II. La partie I renferme déjà des dispositions sur la nomination et la durée du mandat des membres à temps partiel et sur la rémunération et d’autres questions qui s’appliquent de façon pertinente au fonctionnement des tribunaux administratifs.

 

4. Il est proposé que ces membres à temps partiel du Conseil possèdent des compétences en santé et sécurité au travail et soient nommés par la direction et les groupes syndicaux du Comité d’étude des révisions techniques du Règlement du Canada sur l’hygiène et la sécurité au travail.

 

5. D’autres appels pourraient toujours être interjetés devant la Cour fédérale relativement à des questions de droit.

 

6. On doit également envisager la possibilité d’intégrer au mécanisme susmentionné les questions relatives à la partie II qui sont liées à la fonction publique du Canada et qui sont actuellement soumises à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, ce qui donnerait lieu à un traitement plus uniforme et efficace des employeurs et des employés relevant de la compétence fédérale. Cette possibilité nécessiterait d’autres discussions avec des représentants du Conseil et de la Commission et la vérification de la politique gouvernementale globale relativement à ce changement éventuel.

 

  • [31] J. Bennie s’est fait demander de commenter l’énoncé qui se trouve au deuxième paragraphe du « Sommaire », selon lequel les propositions consensuelles répondaient aux divers objectifs de la direction, des syndicats et du gouvernement, et selon lequel les parties avaient fait des compromis quant à leurs propositions et leurs positions initiales afin que soit réalisé cet ensemble optimal de propositions de changements eu égard au consensus sur la proposition sur le mécanisme d’appel/d’examen. J. Bennie a déclaré que la direction ne s’est pas opposée aux craintes des syndicats relativement au caractère équitable du mécanisme d’appel/d’examen et semblait, pour l’essentiel, avoir bien appuyé la structure qui a ultimement été proposée.

 

  • [32] Le document E-1, onglet 9 a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait de l’ordre du jour de la quatrième réunion du Comité législatif ayant porté sur l’examen de la partie II du Code et d’ordres du jour de réunions subséquentes. J. Bennie a fait remarquer que le président de la réunion était le SMA de DRHC, James Lahey. Il a souligné que le compte-rendu confirme le consensus du Sous-comité d’examen législatif sur la question du mécanisme d’appel/d’examen.

 

  • [33] Le document E-1, onglet 10 a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait des notes d’une réunion que le SMA J. Lahey a distribué à sa réunion tenue le 15 juin 1995 avec les membres du Comité d’examen législatif sur les parties II et III du Code afin de partager des renseignements sur un examen du Programme du travail de DRHC ayant été effectué au ministère en 1994 et des changements éventuels qui étaient impliqués. Selon ce qu’a déclaré J. Bennie, J. Lahey a indiqué que le Programme du travail de DRHC devait réduire son budget de 10,3 millions de dollars et abaisser de 100 ses équivalents temps plein d’ici la fin de 1997-1998 dans le budget de base de 64 millions de dollars et de 750 équivalents temps plein. Il s’agit, en d’autres termes, d’une diminution de 15 % à 20 %.

 

  • [34] J. Bennie a confirmé que les membres du Sous-comité d’examen législatif savaient qu’il y avait un examen de programme à DRHC et des membres s’inquiétaient parfois des répercussions de cet examen sur leurs ententes.

 

  • [35] Le document E-1, onglet 11 a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé que ce document provenait de M. Malanka, chef du Projet d’examen du Code le 12 juillet 1995 et portait sur les tâches liées au Projet d’examen de la Partie II du CCT. J. Bennie a commenté une partie du document intitulée « Conseil d’examen au dernier palier en santé et sécurité » (Final Level Safety and Health Review Board). J. Bennie a déclaré qu’il semblait que le document renvoyait aux propositions originales ayant été soumises par l’employeur et les groupes syndicaux avant les consensus dégagés par le Sous-comité d’examen législatif.

 

  • [36] Le témoin a fait mention d’un passage du document E-1, onglet 11, soit un document ne portant ni nom de l’auteur ni date, intitulé « Rapport d’étape » (Status Report). J. Bennie a noté une section intitulée « Objet » (Issue) qui indique que la réunion du Comité d’examen législatif du 31 octobre marquera la première occasion au cours de laquelle DRHC soumet aux membres du comité une proposition qui modifie l’entente établie par consensus du Sous-comité d’examen législatif acceptée au départ par le Comité d’examen législatif. Il y est énoncé que l’on s’attend à des réactions différentes de la part des membres du comité. Il s’agit donc de déterminer de quelle façon DRHC doit mener la réunion du Comité d’examen législatif prévue le 31 octobre.

 

  • [37] J. Bennie a commenté la section du document intitulée « Réactions » (Reaction) et portant le sous-titre « Groupes syndicaux » (Labour). J. Bennie a déclaré que le document indique que des réunions ont été tenues avec des personnes du Congrès du Travail du Canada et, séparément, de l’AFPC. J. Bennie a confirmé que les syndicats ont notamment précisé qu’ils n’aimaient pas le concept de l’ARS et qu’ils ne voulaient pas que le mécanisme d’examen et d’appel s’inspire de cette approche.

 

  • [38] J. Bennie a fait mention d’un passage du document E-1, onglet 11, un document de DRHC non signé et non daté intitulé « Examens et appels » (Review and Appeals). En voici la teneur :

 

[Traduction]

EXAMENS ET APPELS

 

►Les parties désirent disposer d’un système d’appels et d’examens qui soit juste sur le plan de la procédure, rapide, rentable, simple du point de vue administratif, représentatif, et qui puisse compter sur des compétences en SST.

 

Comité

►Le Comité a recommandé un système à deux paliers dans le cadre duquel :

 

- le premier palier d’appel est le Bureau d’appel qui pourrait être saisi de toutes les demandes d’appels sur des instructions, des décisions et des mesures disciplinaires;

 

- le deuxième palier d’appel, qu’il s’agisse du CCRT ou de la CRTFP selon les circonstances, pourrait également être saisi des demandes d’appel portant sur des instructions, des décisions et des mesures disciplinaires.

 

Proposition

DRHC privilégie un mécanisme d’appel à palier unique pour réaliser les objectifs. Les appels seraient traités de la façon suivante :

 

- l’agent d’appel serait saisi de toutes les demandes d’examen concernant les décisions et les instructions

- les conseils existants seraient saisis de toutes les demandes d’examen des plaintes concernant les mesures disciplinaires

- les décisions des deux organismes d’appel distincts pourraient être portées en appel directement devant la Cour fédérale, si c’est conforme à la clause privative proposée.

 

Préoccupations de DRHC à l’égard du modèle proposé :

 

- les ASS s’inquiètent du mécanisme de modification ou d’annulation de leurs propres instructions

 

- les appels seront plus longs et plus nombreux parce que dans les faits, presque n’importe quelle question pourrait être portée en appel au deuxième palier

 

- l’agent d’appel n’aurait pas de compétences en relations industrielles

 

- le coût des examens par les tribunaux administratifs.

 

  • [39] J. Bennie a commenté la question des « inquiétudes de DRHC en ce qui a trait au modèle proposé par le Comité » en indiquant que le Comité n’a jamais eu l’intention que le nouveau tribunal qu’accueillerait le CCRT prenne charge de tous les appels. Il a déclaré que ce que l’on voulait, c’était que le tribunal établi au CCRT soit investi du pouvoir d’accepter ou de rejeter les appels sur la base de critères qui n’étaient pas tout à fait élaborés au-delà de ce que l’on trouvait dans les recommandations consensuelles du Sous-comité d’examen législatif.

 

  • [40] J. Bennie a déclaré qu’il ne pouvait se souvenir que DRHC ait formulé certaines inquiétudes au sujet du coût d’un tribunal tripartite, mais qu’il se souvenait que DRHC n’avait pas mentionné d’estimations de coûts pour le tribunal tripartite proposé comme élément consensuel au Sous-comité d’examen législatif.

 

  • [41] Le document E-1, onglet 12, a été déposé à l’audience. J. Bennie a confirmé qu’il s’agissait d’une lettre datée du 26 octobre 1995 envoyée par D. Rguem aux membres du Comité d’examen législatif et aux remplaçants sur la question de la réunion du Comité d’examen législatif prévue les (31 octobre et 1er novembre). J. Bennie a déclaré que le document comprenait un document de travail intitulé « Orientations futures » (Future Directions) qui devait constituer la base de la discussion à la réunion. M. Bennie a témoigné que la lettre soulignait que le ministère devait se pencher sur des ententes et sur l’absence de consensus dans le cadre de l’examen des programmes, de la participation et du rôle du personnel régional et des priorités gouvernementales. M. Bennie a déclaré que la lettre indique également que DRHC a réexaminé centaines ententes ayant fait l’objet d’un consensus. Il a fait observé que le document intitulé « Orientations futures » (Future Directions) énonçait que certaines des ententes consensuelles devaient être revues et que l’on proposerait des approches possibles à la réunion.

 

  • [42] J. Bennie a ajouté que la lettre énonçait les principes qui orientaient l’examen, par DRHC, des changements proposés. D’après la lettre, les changements doivent :

 

  • refléter l’évolution du rôle du gouvernement fédéral, la compression des dépenses, l’examen des programmes;

 

  • moderniser le Code : basé sur le rendement, moins normatif, reflet de la technologie actuelle;

 

  • rationaliser le Code : abaisser les coûts superflus pour toutes les parties, renforcer la responsabilité à l’interne, accroître l’efficacité administrative;

 

  • mousser les partenariats/l’harmonisation avec les autres administrations : fournir les pouvoirs de réglementation nécessaires pour faciliter l’harmonisation de la réglementation;

 

  • promouvoir la responsabilité en milieu de travail : responsabilité conjointe des partenaires en milieu de travail pour assurer le suivi des enjeux en matière de santé et sécurité au travail et faire face à ces questions;

 

  • établir un train de mesures de conformité et renforcer celles-ci.

 

  • [43] J. Bennie a mentionné une partie du document E-1, onglet 13, sous la rubrique « Ce que cela signifie — Les recommandations modifiées » (What Does This Mean – Recommendations Modified), selon laquelle DRHC privilégie un mécanisme d’appel à palier unique qui est efficace, juste et rapide. J. Bennie a déclaré que l’annulation par DRHC de l’entente consensuelle conclue au Sous-comité d’examen législatif constituait une trahison à mi-chemin des ententes consensuelles intervenues au Sous-comité et au Comité d’examen législatif.

 

  • [44] Le document E-1, onglet 15, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait d’une lettre de D. Rguem aux membres du Comité législatif et à leurs remplaçants datée du 10 mai 1996, sur la question des « Notes sommaires de la réunion du 26 avril 1996 du Comité législatif » (Summary Notes of the April 26, 1996 Legislative Committee Meeting) présidée par Nicole Senécal, SMA, Travail, DRHC, qui avait succédé au SMA Lahey. J. Bennie a déclaré que la position du gouvernement avait été présentée relativement à un mécanisme d’appel et d’examen à palier unique, qu’accueillerait peut-être le CCRT, dont la structure elle-même était à l’étude. J. Bennie a confirmé que les syndicats ne s’opposaient pas à un mécanisme d’examen et d’appel à palier unique, mais qu’ils préféraient que les examens à palier unique soient effectués par un tribunal tripartite, au même titre qu’ils préféraient initialement que le mécanisme soit indépendant de DRHC. J. Bennie a témoigné que DRHC a confirmé que les appels seraient tranchés par l’agent d’appel. J. Bennie a confirmé que cette décision n’a pas fait consensus.

 

  • [45] Le document E-1, onglet 16, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait d’une lettre datée du 5 juin 1996 adressée par Dick Martin, secrétaire‑trésorier du Congrès du Travail du Canada, à N. Senécal, SMA, Travail, de DRHC. J. Bennie a déclaré que la lettre faisait état de la position des syndicats sur les éléments non consensuels, dont le mécanisme d’appel et d’examen. J. Bennie a témoigné que les syndicats ont confirmé que leur position sur le mécanisme d’appel/d’examen correspondait à leur proposition originale de constitution d’un tribunal tripartite sous les auspices du CCRT. J. Bennie a expliqué que les syndicats s’opposent à ce que les appels soient soumis à un agent d’appel, parce que ces agents ne sont pas indépendants de DRHC, qui est l’organisme de réglementation, et parce que les AA sont liés par les politiques ministérielles. J. Bennie a confirmé que la position des syndicats ne faisait toujours pas consensus par rapport à la position de DRHC sur le mécanisme d’appel et d’examen.

 

  • [46] Le document E-1, onglet 17, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait d’une lettre de N. Senécal, SMA, Direction générale du travail, DRHC, datée du 12 juillet 1996, adressée à Louise Hall, AFPC, et à Harry Phillips, directeur, Sécurité industrielle, Société canadienne des postes, avec copie à D. Martin, Congrès du travail du Canada, au sujet des recommandations qu’elle formulerait au ministre concernant les questions n’ayant pas fait consensus à la suite de la réunion finale du Comité d’examen législatif tenue le 26 avril 1996. J. Bennie a déclaré que la SMA N. Senécal indique à la page trois de la lettre qu’elle recommandera un palier d’appel en raison de la plus grande simplicité et rapidité de ce mécanisme.

 

  • [47] J. Bennie a témoigné que la lettre (document E-3) confirme que le palier d’appel unique sera l’agent d’appel dans les cas d’appel des instructions et décisions relatives à un refus de travailler. La lettre ajoutait que les questions de relations industrielles liées à de la soi-disant discrimination de la part d’un employé continueront de relever du CCRT ou de son successeur. De plus, la lettre indique que le Code ne prévoit pas le locus organisationnel de l’agent d’appel, car il s’agit d’une question administrative dont le règlement fera suite aux décisions concernant l’avenir du CCRT. J. Bennie a noté que la SMA N. Senécal a indiqué qu’elle avait l’intention de déplacer la fonction d’agent d’appel dans un CCRT restructuré dès qu’il sera approprié de le faire. Voici la lettre :

 

[Traduction]

Madame Hall et Monsieur Phillips,

 

La présente lettre a pour objet de vous informer des recommandations que je formulerai au ministre concernant les questions n’ayant pas fait l’unanimité qui ont découlé des derniers pourparlers à la réunion du 26 avril 1996 du Comité législatif.

 

D’emblée, je tiens à vous remercier pour le dialogue franc et informatif tenu dans le cadre de la réunion d’avril du Comité législatif. De plus, j’aimerais vous remercier d’avoir répondu rapidement en justifiant votre position concernant les questions qui n’ont pas fait l’unanimité.

 

Mes recommandations au ministre au sujet des dix points partagés qui demeurent en suspens sont les suivantes :

[…] Mécanisme d’appel et d’examen

Je recommanderai un mécanisme à palier d’appel unique en raison de sa plus grande simplicité et de sa rapidité. Un agent d’appel s’occupera de tous les appels portant sur des instructions et des cas relatifs au droit de refus de travailler. Les dossiers de relations industrielles (mesures disciplinaires) continueront d’être entendus par le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) ou par son successeur. Le Code ne dira mot du locus organisationnel de l’agent d’appel, car il s’agit d’une question administrative dont le règlement est tributaire de décisions sur l’avenir du CCRT. Toutefois, nous entendons déplacer la fonction d’agent d’appel dans le cadre d’un CCRT restructuré dès que cela se révélera approprié.

 

Original signé par

Nicole Senécal

Sous-ministre adjointe

Direction générale du travail

c.c. : Membres du Comité législatif

Dick Martin, CTC

Peter Harrison

 

  • [48] M. Bennie a confirmé que le déplacement de la fonction d’AA au CCRT pourrait ne pas répondre aux attentes des syndicats en matière d’équité selon la façon dont celle-ci est structurée. Il a rappelé que les syndicats préféraient un mécanisme d’appel tripartite dirigé par un président à temps plein impartial qui en constitue l’unique membre. Ce membre serait choisi dans une liste recommandée par la direction et dans une liste recommandée par les syndicats.

 

  • [49] J. Bennie a mentionné la lettre (document E-1, onglet 18) que l’ARS Serge Cadieux a fait parvenir à R. Seaman, gestionnaire, Groupe d’étude sur la partie II en date du 25 septembre 1996, relativement aux révisions à la partie II du Code concernant l’ARS. J. Bennie a déclaré que l’ARS Cadieux proposait dans la lettre que le Code révisé autorise l’agent d’appel à faire appel à des conseillers juridiques et autres experts pour aider l’AA à titre consultatif. L’ARS Cadieux a également proposé que le Code permette au ministre de doter l’agent d’appel de locaux, de membres du personnel et des moyens nécessaires pour que les agents d’appel puissent exercer leurs fonctions.

 

  • [50] Le document E-1, onglet 20, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait d’une note de service de D. Head à Michael McDermott, Warren Edmondson, Gerry Blanchard, Rob Cook et J.P. Aubre en date du 22 janvier 1997 relativement à la fonction des appels sur la partie II. J. Bennie a noté que la section du document portant sur le contexte énonçait que l’on pourrait avoir une impression d’absence d’impartialité de la fonction des appels parce que tant l’AA que les ASS relèvent du même SMA dans la structure de DRHC. Ce sont les ententes qui pourraient être établies pour améliorer la perception d’impartialité et prévoir un examen de l’AA plus indépendant et efficace qui se révélaient litigieuses dans la note. J. Bennie a confirmé que la mesure recommandée correspondait à ce qui allait finir par se produire dans le Code révisé. Le Code ne dit mot du locus organisationnel de l’AA.

 

  • [51] Une transcription du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, document E-1, onglet 21, a été déposée à l’audience et J. Bennie a confirmé que le compte-rendu était celui du comité parlementaire du 9 mai 2000 qui avait pour mandat de discuter des amendements du projet de loi C‑12 prévoyant des amendements à la partie II du Code canadien du travail. J. Bennie a répété la position des syndicats selon laquelle le CCRI devrait être remplacé par l’AA dans l’article 145.1 et selon laquelle il convient d’instituer un mécanisme d’appel à deux paliers. J. Bennie a confirmé que le syndicat appuyait toujours sa proposition initiale auprès de DRHC.

 

  • [52] J. Bennie a fait mention du compte-rendu de la réunion du comité parlementaire dont il a été question précédemment qui a poursuivi sa réunion sur le projet de loi C‑12 le 11 mai 2000. J. Bennie a noté que le SMA W. Edmondson a répondu à une question du député Dale Johnston au sujet de la sélection, de la nomination et du statut d’emploi des AA. W. Edmondson a déclaré que les AA sont des fonctionnaires et qu’ils sont nommés conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. W. Edmondson a confirmé que les amendements devaient redéfinir et élargir le rôle des ARS de revoir la décision d’absence de danger des ASS. La fonction quasi judiciaire exécuté par les ARS se poursuivrait en étant celle des AA.

 

  • [53] J. Bennie a noté une question de D. Johnston au sujet des préoccupations du syndicat relativement au mécanisme d’appel proposé. J. Bennie a déclaré que W. Edmondson a répondu que DRHC s’inquiétait de la suggestion du syndicat de mettre de l’avant un mécanisme à deux paliers dans le cadre duquel l’AA constituerait le premier palier d’appel et le conseil des relations du travail représenterait le deuxième mécanisme d’examen. J. Bennie a noté que DRHC avait de la difficulté avec la proposition du syndicat parce que d’une part, il a été établi à la fin des années 1980 que le mécanisme d’appel était un examen quasi judiciaire, et que d’autre part, DRHC ne voyait pas ce qu’il y aurait d’avantageux à ce qu’un organisme quasi judiciaire de deuxième palier revoit la décision de l’organisme quasi judiciaire de premier palier. Par ailleurs, DRHC jugeait que le mécanisme d’appel à deux paliers était relativement inefficace et pouvait entraîner des retards.

 

  • [54] Le document E-1, onglet 23, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait d’une copie d’un courriel qu’il avait reçu le 2 juin 2000 de Kathie Steinhoff, chercheure au STTP, sur la troisième lecture du projet de loi C‑12 le 31 mai 2000 visant à modifier la partie II du Code. J. Bennie a déclaré que le courriel résumait ce qui s’est produit ce jour-là. J. Bennie a témoigné que le syndicat continuait de s’opposer au mécanisme d’appel à palier unique mené par les AA qui étaient des employés de l’organisme de réglementation qu’est DRHC.

 

  • [55] Le document E-1, onglet 24, a été déposé à l’audience. J. Bennie a alors confirmé qu’il s’agissait du mémoire du Congrès du travail du Canada sur le projet de loi C‑12, intitulé Loi modifiant la partie II du Code (santé et sécurité) présenté au Comité sénatorial permanent sur les affaires sociales, les sciences et la technologie. J. Bennie a déclaré que le mémoire reprenait la position du syndicat et renvoyait à la page deux, où le Congrès du travail du Canada écrivait que sa proposition concernait un premier palier d’appel devant un AA qui ne serait pas de nature quasi judiciaire. Le deuxième palier d’appel devant un organisme extérieur à DRHC ferait en sorte que toutes les questions pourraient être traitées de manière impartiale et efficace. Les dossiers seraient traités au deuxième palier personnes employées à temps partiel étant chargées de statuer sur des affaires ou sur une série d’affaires.

 

  • [56] J. Bennie a mentionné le point de vue du Congrès du travail du Canada selon lequel [traduction] « sans mécanisme d’appel externe, DRHC (Travail, SST) réviserait ses propres décisions ».

 

  • [57] J. Bennie a fait référence au document E-1, onglets 26 à 30, soit les comptes-rendus des réunions du Comité d’examen de la réglementation tenues le 13 février 2001, le 14 novembre 2001, le 22 mai 2002, le 21 novembre 2002, le 30 avril 2003, le 5 novembre 2003 et le 5 mai 2004. J. Bennie a déclaré que le Comité d’examen de la réglementation a été constitué pour passer en revue la réglementation prise en application de la partie II. Il est présidé par le directeur de la Direction générale du travail de DRHC et ses membres comprennent des représentants du syndicat et divers groupes d’employeurs de compétence fédérale. J. Bennie a déclaré que Bill Chedore a pris la parole lors de la réunion du 13 février 2001 pour le Congrès du travail du Canada et a rappelé à M. Blanchard que lui-même et W. Edmondson avaient convenu que DRHC se pencheraient sur le mécanisme d’appel une fois les modifications de la partie II du Code adoptées. J. Bennie a noté que G. Blanchard a déclaré qu’il porterait la question à l’attention du SMA et du ministre.

 

  • [58] M. Bennie a témoigné que le compte-rendu de la réunion du 14 novembre 2001 indique qu’il n’y avait aucun progrès à signaler sur cette question. Le compte-rendu de la réunion du 22 mai 2002 a confirmé que le président avait rencontré le SMA W. Edmondson sur la question et que le SMA rencontrerait les porte-parole. Le compte-rendu de la réunion du 21 novembre 2002 a confirmé que le SMA a rencontré des représentants du Congrès du travail du Canada et des Employeurs des Transports et Communications de Régie Fédérale (ETCOF) le 13 septembre 2002 pour discuter de la question et il a été convenu que les discussions devaient se poursuivre. Le compte-rendu de la réunion du 30 avril 2003 indiquait que la possibilité de recruter à contrat des arbitres indépendants de l’extérieur pourrait être examinée. Le compte-rendu de la réunion du 5 novembre 2003 mentionnait que le directeur du Bureau d’appel se retirait et que l’on étudiait son remplacement. Le compte-rendu de la réunion du 5 mai 2004 mentionne que les parties se sont dites inquiètes du fait que le Programme du travail de DRHC ne remplissait pas son engagement de réétudier le mécanisme d’appel. Le président a déclaré qu’il discuterait de la question avec le SMA de la Direction du travail.

 

TÉMOIGNAGE DE PIERRE ROUSSEAU

 

  • [59] P. Rousseau a fourni le résumé suivant de son curriculum vitae :

 

Pierre Rousseau a été nommé directeur du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada* (BCASST) en juillet 2004. De 1996 à 2004, M. Rousseau était directeur de la Division des enquêtes de la région du Québec, au Programme du travail de Ressources humaines et Développement des compétences du Canada (RHDCC)*.

 

De 1984 à 1996, M. Rousseau a été agent régional de sécurité et conseiller technique en santé et sécurité au travail pour la région du Québec de Travail Canada. M. Rousseau a été l'un des premiers agents régionaux de sécurité à entendre des appels en vertu de la partie II du Code canadien du travail. En 1990, il a travaillé à la mise sur pied du BCASST.

 

M. Rousseau est titulaire d'un diplôme de technologue en hygiène publique de l'Institut de technologie agroalimentaire du Québec et est inspecteur agréé en santé publique du Canada. Il détient également un diplôme d'études supérieures spécialisées en administration publique de l'École nationale d'administration publique de l'Université du Québec.


* Par suite des amendements apportés à la partie II du Code canadien du travail en septembre 2000, le Bureau de l'agent régional de sécurité du Canada a été renommé Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (BCASST) et l'agent régional de sécurité est devenu agent d'appel pour les fins des appels déposés en vertu de la partie II. Ces appellations seront utilisées partout dans le texte.

* En 1993, le ministère du Travail du Canada a été intégré dans ce que l'on appelle maintenant le ministère des Ressources humaines et Développement des compétences du Canada (RHDCC) et est devenu le Programme du travail. Ces appellations seront utilisées partout dans le texte.

 

  • [60] P. Rousseau a témoigné qu’au cours de la période allant de 1984 à 1996, il a joué un rôle actif dans l'élaboration de la partie IX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) et a participé à l’élaboration de politiques liées au Règlement susmentionné. À titre de responsable régional, il a également été consulté sur les propositions du Sous-comité d’examen législatif et s’est fait demander de fournir des renseignements concernant les tribunaux d’appel tripartites en opération dans la province de Québec sous le régime de la Commission de la Santé et Sécurité au Travail (CSST). P. Rousseau a établi clairement qu’il n’a siégé à aucun comité de modification et a noté qu’au Québec, la CSST n’a plus recours à des tribunaux tripartites.

 

  • [61] P. Rousseau a témoigné qu’il a participé à la création du Bureau canadien d’appel. Il a expliqué que la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Bonfa (C.A.F.) [1989] A.C.F. no 1062 et le ministère de l’Immigration ont exprimé l’avis qu’il était inapproprié que le même ARS du domaine qui a conseillé les ASS dans leurs affectations en santé et sécurité révise ultérieurement des appels des mêmes instructions de l’ASS. En réaction à ces commentaires, DRHC a décidé de désigner un agent régional de sécurité (ARS) ou des agents qui, contrairement aux ARS dans le domaine dans lequel ils sont nommés aux fins du RCSST, se consacreraient uniquement à recevoir des appels sur les instructions des ASS et à statuer sur ceux-ci. P. Rousseau a déclaré qu’en 1991, il a été choisi pour créer un Bureau de l’ARS chargé de recevoir des appels sur les instructions des ASS et de statuer sur ceux-ci en raison de son expérience de l’instruction des appels concernant les instructions des ASS. P. Rousseau a créé un Bureau de l’ARS formé d’un ARS de l’instruction des appels et d’un employé de soutien. Il a également formé l’ARS Cadieux comme agent d’appel puis est retourné à son emploi dans les régions comme conseiller technique. P. Rousseau a confirmé que l’ARS Cadieux est devenu le premier directeur du Bureau de l’ARS.

 

  • [62] Le document E-2, onglet C, a été déposé à l’audience. P. Rousseau a confirmé qu’il s’agissait d’un passage tiré du site Web du Bureau canadien d’appel. P. Rousseau a témoigné qu’il avait pour objet de corriger une publication antérieure qui existait lorsqu’il a été nommé directeur et d’établir clairement que la loi n’autorise pas la constitution d’un tribunal; le Code prévoit plutôt la désignation d’agents d’appel individuels pour recevoir les appels de décisions et d’instructions d’ASS et statuer sur ceux-ci. Le site Web établit clairement que le bureau auquel il a été nommé directeur existe uniquement à des fins de soutien administratif des AA qui sont désignés pour recevoir ces appels et statuer sur ceux-ci. P. Rousseau a confirmé que tel est le cas depuis que le premier ARS, Serge Cadieux, a été nommé.

 

  • [63] P. Rousseau a déclaré que lorsque l’ARS Cadieux a été nommé, il y avait seulement un employé de soutien. P. Rousseau a témoigné que le nombre d’AA et de membres du personnel de soutien a augmenté depuis et que c’est ce qui a motivé sa décision de clarifier le site Web du BCA. P. Rousseau a confirmé que dans les faits, la clarification n’a été incluse dans le site Web du BCA que peu après qu’il ait reçu l’assignation à comparaître et à fournir les documents à cette audience. P. Rousseau a témoigné qu’il était motivé à faire ajouter le texte au site Web par la suite parce que l’assignation faisait référence au BCA comme s’il s’agissait d’un tribunal.

 

  • [64] P. Rousseau a témoigné qu’il a informé le sous-ministre adjoint McKennirey qu’il avait reçu une assignation dans cette affaire, mais qu’il n’avait pas discuté de celle-ci avec lui. P. Rousseau a ajouté qu’il n’avait discuté de l’assignation avec aucun AA.

 

  • [65] P. Rousseau a confirmé que le sous-ministre adjoint a approuvé sa demande d’être représenté par un avocat et lui a fourni des crédits à cette fin. P. Rousseau a précisé que son contrat avec M. Grammond désignait DRHC dans l’entente parce que DRHC est l’administrateur de ses fonds, mais dans les faits, le contrat a été conclu entre le BCA et M. Grammond.P. Rousseau a souligné que le numéro de contrat figurant sur le contrat est le numéro de partage des coûts pour le BCA.

 

  • [66] P. Rousseau a témoigné qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucun contrat dans son bureau, le BCA, relativement aux services de conseillers juridiques pour les AA. Il a expliqué que des fonds ont été autorisés pour retenir les services d’un avocat pour les AA, mais qu’il est difficile de trouver un avocat convenable parce que les avocats habituellement fournis par Justice Canada ne peuvent être affectés au BCA, car les avocats de Justice Canada représentent souvent des ministères fédéraux qui comparaissent devant les AA. P. Rousseau a déclaré qu’un tel contrat existait avant sa nomination comme directeur, mais qu’il n’a pas maintenu le contrat en 2004.

 

  • [67] P. Rousseau a déclaré que le cabinet d’avocats nommé dans ce contrat s’était récemment fusionné à un autre cabinet qui s’occupait de dossiers fédéraux et provinciaux de droit du travail et il a dit craindre que survienne un conflit d’intérêts donnant apparence de partialité. P. Rousseau a confirmé qu’il crée actuellement un poste appelé conseiller technique et qu’un avocat sera recruté pour occuper ce poste afin que la personne ne soit pas rattachée à Justice Canada. Une fois qu’une description de poste aura été réalisée pour le poste de conseiller technique, M. Rousseau sera en mesure de doter le poste au moyen d’une mesure de dotation régie par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

 

  • [68] P. Rousseau a confirmé que J.P. Aubre, un agent d’appel qui travaillait auparavant comme conseiller juridique à Justice Canada et qui a été affecté à Travail Canada, DRHC, n’a jamais donné de conseils juridiques à un AA ou au BCA avant d’être recruté par le BCA et d’être nommé AA.

 

  • [69] M. Rousseau a témoigné que la décision de demander qualité de partie dans cette affaire avait pour but de s’assurer de la présentation de tous les faits et arguments juridiques pertinents au décisionnaire et du maintien de la structure actuelle du Bureau d’appel. Il a ajouté que c’était sa propre décision et qu’il n’a aucunement consulté le SMA McKennirey.

 

  • [70] Il a précisé qu’il a été ARS de 1996 à 2004 aux fins du RCSST, mais non aux fins de recevoir des appels des instructions et des décisions de l’ASS.En décembre 2003 ou en janvier 2004, après sa nomination comme directeur du BCA, il a été désigné agent d’appel. Il a en outre témoigné que son titre actuel d’AA ne lui a été attribué qu’à des fins administratives, p. ex. pour signer les assignations en l’absence d’un AA. Il a confirmé qu’il n’a jamais tenu d’audience et qu’il a rendu une décision seulement dans des cas de retraits d’appel ou d’appels irrecevables.

 

  • [71] P. Rousseau a témoigné qu’il ignorait s’il existait une description de poste pour son poste de directeur du BCA et que dans l’affirmative, il n’en a jamais pris connaissance. Il a déclaré qu’en étant nommé directeur du BCA, il est devenu membre de l’exécutif du gouvernement et que sa responsabilité et son pouvoir financier sont établis par le Conseil du Trésor, par l’intermédiaire du sous-ministre dont le pouvoir est subdélégué aux gestionnaires. P. Rousseau a mentionné la Mise à jour de 2004 du Cadre de gestion financière de Service Canada que DRHC a adopté comme politique financière. Il a déclaré qu’elle définit les fonctions, les limites et les pouvoirs financiers d’un gestionnaire.

 

  • [72] P. Rousseau a témoigné que sa nomination comme directeur du BCA a suivi une entrevue effectuée sous les auspices de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Sa candidature a été évaluée par un jury de sélection qui comprenait le SMA McKennirey, R. Cook, avocat au CCRI, et G. Blanchard, directeur général, Programme du travail, DRHC.

 

  • [73] P. Rousseau a confirmé qu’il a signé un Accord de 2006 sur le rendement du Groupe de la direction, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qui était en place pour l’exercice 2006-2007. M. Rousseau a déclaré que l’accord sur le rendement est en place à des fins de rémunération basée sur le rendement pour lui. Toutefois, c’est lui qui avise le SMA McKennirey de ce qu’il prévoit réaliser au cours de l’exercice.

 

  • [74] P. Rousseau a convenu qu’il lui incombait notamment à titre de directeur du Bureau canadien d’appel d’aider les AA à s’assurer que le mécanisme permettant d’instruire les appels et de statuer sur ceux-ci suscite la confiance du public dans le mécanisme des appels. M. Rousseau a précisé qu’il le fait sans porter atteinte au mécanisme des appels des agents d’appel et qu’il a pour seule fonction d’aider les AA à s’acquitter de leur mandat en s’occupant de questions administratives comme l’obtention de salles d’audience et de témoins experts.

 

  • [75] P. Rousseau a décrit le processus de nomination des employés qui sont ultérieurement désignés AA par le ministre du Travail. Il a déclaré qu’il ne peut recruter personne tant que le Conseil du Trésor n’a pas alloué de crédits pour un poste. P. Rousseau a témoigné qu’en 2004, seulement deux AA étaient en poste, et ils se sont retirés peu après. Par conséquent, il y avait deux postes d’AA existants à combler. Pour guider les nouveaux AA, M. Rousseau a demandé et obtenu l’autorisation financière du SMA McKennirey de conserver les services en 2004-2005 de l’un des AA retraités pour une durée déterminée.

 

  • [76] M. Rousseau a témoigné qu’il peut doter des postes existants, mais qu’il doit justifier les postes additionnels nécessaires sur la base du nombre d’appels devant être instruits. Lorsqu’il a été nommé directeur, P. Rousseau a déclaré qu’il existait un arriéré d’environ 70 appels. Il a rédigé une note adressée au SMA McKennirey pour justifier le nombre de postes nécessaires, puis s’est fait autoriser un poste d’AA additionnel pour une durée indéterminée. Il a également obtenu l’autorisation financière de recruter des AA à contrat pour régler l’arriéré.

 

  • [77] P. Rousseau a témoigné qu’il avait tenu trois jurys de sélection depuis sa nomination comme directeur du BCA et a décrit le processus de dotation usuel. Il a déclaré que le tout débute par un avis de concours à la Commission de la fonction publique. Une fois reçues les demandes à la division des ressources humaines, un agent de Service Canada effectue une présélection pour s’assurer que les candidats et candidates satisfont aux qualités énoncées dans l’avis. La liste des candidats éventuels lui est acheminée afin que soient évaluées les exigences de base en matière d’expérience, avant de passer aux exigences cotées. Parmi les quelque 80 candidats dont les demandes ont été acceptées, seulement six ont été invités à une entrevue comportant une liste de questions établies accompagnées d’un examen écrit. P. Rousseau a déclaré que trois candidats se sont finalement qualifiés. Une liste d’admissibilité a été dressée, ce qui a mené au recrutement et à la désignation des AA actuels qui ont été nommés pour une durée indéterminée.

 

  • [78] M. Rousseau a confirmé que les qualifications essentielles figurant sur l’avis de concours pour les AA susmentionnés étaient tirées de l’Énoncé de qualités et de la Description de travail de l’AA. P. Rousseau a convenu que l’avis de concours ne précise pas les conditions de travail autres que le lieu, la durée indéterminée du poste et le salaire. P. Rousseau a déclaré qu’il faudrait communiquer avec un agent des ressources humaines de Service Canada pour obtenir de l’information au sujet des conditions de travail et que celles-ci se retrouveraient dans la convention collective intervenue entre l’AFPC et le Conseil du Trésor.

 

  • [79] P. Rousseau a confirmé que les AA sont nommés à titre d’employés du groupe Gestion de programmes (PM) au niveau 6 et que leurs conditions de travail sont régies par la convention collective des employés du groupe de la gestion de programmes, et ce malgré le fait que les AA ne sont pas membres d’un syndicat et sont exclus de la négociation collective et de la convention collective. M. Rousseau a confirmé qu’il n’exerce pas de contrôle direct sur les conditions de travail des AA. Il a également confirmé que même s’il possède le pouvoir de muter un AA, il ne l’a jamais fait et ne peut se souvenir d’un agent d’appel qui aurait été muté par le passé.

 

  • [80] P. Rousseau a témoigné qu’il n’a pas pris part à un comité de sélection d’un ASS pour les Opérations du travail de DRHC depuis 2000–2003.

 

  • [81] P. Rousseau a témoigné qu’à des fins de financement, il doit obtenir l’autorisation du SMA pour recruter des AA à contrat. Toutefois, lorsqu’il a été nommé directeur du Bureau canadien d’appel, trois AA ont été recrutés à contrat jusqu’en 2005. Les contrats ont été renouvelés en mai 2005. M. Rousseau a déclaré que le processus contractuel applicable à l’attribution d’un contrat de moins de 25 000 $ consiste notamment à communiquer avec Service Canada concernant ses besoins. Il peut fournir une liste des personnes qui satisfont à ses exigences et l’une de ces personnes peut être recrutée.

 

  • [82] P. Rousseau a confirmé que 4 entrepreneurs ont été embauchés pendant qu’il était directeur du BCA. Ce sont M. McDermott, ancien sous-ministre délégué de Travail Canada au cours des années 1990; S. Cadieux, ancien directeur du BCA et ancien AA; T. Farrell, ancien sous-ministre au ministère du Travail du Manitoba; et R. Lecourt, qui travaillait auparavant au ministère du Travail du Québec. Ils ont obtenu des contrats de un an d’une valeur maximale de 25 000 $. Si le contrat d’un entrepreneur AA avait dû être prolongé pour lui permettre de rendre une décision relativement à un appel, P. Rousseau a déclaré qu’il aurait dû obtenir une autorisation de Service Canada. P. Rousseau a dit que l’approbation de fonds aurait probablement été obtenue auprès du SMA afin d’éviter le coût plus élevé d’une nouvelle instruction de l’appel.

 

  • [83] P. Rousseau a témoigné qu’un AA recruté à contrat peut soumettre son nom de nouveau afin qu’il soit inscrit sur la liste des entrepreneurs intéressés, et s’il dispose de suffisamment de fonds, il peut mentionner sa préférence à Service Canada. P. Rousseau a convenu qu’il pourrait théoriquement décider de ne pas recruter d’entrepreneur s’il n’était pas satisfait de leur rendement à titre d’AA, mais il a souligné que cette situation ne s’est jamais produite. M. Rousseau a déclaré qu’il signe maintenant les contrats de recrutement d’AA au nom du ministre. P. Rousseau a confirmé que son service compte à l’heure actuelle quatre AA recrutés pour une période indéterminée et trois AA embauchés à contrat.

 

  • [84] P. Rousseau a ajouté que le domaine principal de compétence d’un AA est sa connaissance de la santé et sécurité au travail. M. Rousseau a témoigné que le comité du jury de sélection, qu’il présidait, a jugé que les qualifications de M. Lafrance satisfaisaient aux exigences rattachées à la désignation d’AA. L’AA Guénette, l’agent d’appel soussigné, a remis en question la pertinence des questions supplémentaires de A. Raven concernant les qualifications de l’AA Richard Lafrance et s’est inscrit en faux contre celles-ci.

 

  • [85] P. Rousseau a déclaré que son mandat consistait notamment à veiller à ce que la population ait confiance dans l’indépendance du mécanisme d’appel. À cet égard, M. Rousseau a témoigné qu’il a agi et continue d’agir comme « paravent » entre les AA et le Programme du travail de RHDCC, qui était auparavant DRHC. P. Rousseau a affirmé avec insistance qu’il n’existe pas de communications entre les AA et les fonctionnaires du Programme du travail et que les communications relativement aux appels incombent au personnel de soutien de son Bureau. P. Rousseau a ajouté qu’il a réussi à faire en sorte que le BCA et les AA déménagent dans des immeubles distincts afin qu’il ne puisse sembler que les AA sont en communications avec les employés de RHDCC.

 

  • [86] P. Rousseau a témoigné que la description de travail du directeur du BCA est celle qui a été élaborée pour S. Cadieux pour la période de 2000-2001 parce que les descriptions de travail mentionnent deux équivalents temps plein et il en compte huit. Par conséquent, le document doit être révisé. P. Rousseau a ajouté que la description de travail désuète, à laquelle il n’a pas apposé sa signature, mentionne que le directeur instruit des appels. Toutefois, il a décidé de ne pas prendre part à l’instruction d’appels pour pouvoir s’acquitter de son mandat qui consiste à jouer un rôle de « paravent » entre les AA, le Programme du travail de RHDCC et les parties à un appel. P. Rousseau a déclaré qu’il réviserait la description de travail du directeur et qu’il la soumettrait à son sous-ministre adjoint, qui est son superviseur.

 

  • [87] P. Rousseau a déclaré qu’il ne serait pas approprié que les AA relèvent de quelqu’un du Programme du travail de RHDCC. Toutefois, il ne croyait pas que l’indépendance du mécanisme d’examen des AA puisse être remis en question si le directeur du BCA relève du SMA – Travail de RHDCC.

 

  • [88] P. Rousseau a confirmé que c’est lui qui a rédigé le Rapport annuel du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail pour l’exercice 2005‑2006. M. Rousseau a également confirmé avoir écrit dans le Rapport annuel que des mesures de réforme ont été mises en place au cours des deux dernières années pour améliorer l’apparence d’indépendance du bureau. Il a déclaré que l’indépendance du BCA et des AA constituait l’une de ses priorités après sa nomination comme directeur du BCA.

 

  • [89] P. Rousseau a confirmé qu’il n’a pas inclus les commentaires de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada et Procureur général du Canada (Parcs Canada), dossier A‑491‑03 concernant la façon dont l’AA Cadieux a traité la preuve dans cette décision. P. Rousseau a déclaré que selon lui, il ne convenait pas d’inclure ces commentaires dans un rapport annuel. Il a ajouté qu’il ne critique pas les AA, car c’est là le rôle de la Cour fédérale. P. Rousseau a témoigné que les AA eux-mêmes revoient les décisions de la Cour fédérale et qu’il ne s’implique pas lui-même. Tout ce qu’il fait, c’est de s’assurer que les AA possèdent une copie des décisions de la Cour fédérale.

 

  • [90] P. Rousseau a déclaré que lorsque les agents d’appel sont désignés par le ministre du Travail, qu’ils soient des employés nommés pour une période indéterminée ou recrutés à contrat, ils suivent un cours de formation d’une durée d’une semaine donné par le Centre de formation professionnelle pour les membres des tribunaux administratifs canadiens.La seule exception est Jean-Pierre Aubre, un avocat spécialisé en droit du travail qui possède de l’expérience au tribunal. P. Rousseau a confirmé que, sauf J.P. Aubre, aucune des personnes nommées AA n’avait de formation juridique formelle. Toutefois, les nouveaux AA bénéficient du mentorat d’AA plus chevronnés pour une période maximale de deux ans.

 

  • [91] P. Rousseau a confirmé qu’en raison de ses nombreuses fonctions et préoccupations relatives au recrutement et à la formation de nouveaux AA, il n’est pas parvenu à réviser et vérifier la description de travail du titulaire du poste d’AA pour une durée indéterminée qui s’applique à tous les AA. M. Rousseau a confirmé qu’il n’a ni révisé ni vérifié sa propre description de travail pour les mêmes motifs.

 

  • [92] P. Rousseau a déclaré que les AA sont informés, lorsqu’ils fréquentent le Centre de formation professionnelle pour les membres des tribunaux administratifs canadiens, de la manière d’interpréter et d’appliquer les règles de justice naturelle et d’instruction équitable. M. Rousseau a confirmé qu’il est également question des règles de justice naturelle et d’instruction équitable sur le site Web du BCA pour les clients. Les AA reçoivent également des ouvrages de référence juridique. P. Rousseau a répondu que le BCA n’a pas préparé de manuel ou de guide sur ces questions ou sur la façon d’instruire des dossiers.

 

  • [93] P. Rousseau a confirmé que soixante pour cent des appels ont trait à des décisions d’absence de danger rendues par un ASS dans des dossiers de refus de travailler et que quarante pour cent portent sur des instructions produites par des ASS. P. Rousseau a convenu que la plupart des appels sont interjetés par des employés.

 

  • [94] P. Rousseau a déclaré qu’il a établi une politique aux termes de laquelle les appelants et les intimés doivent confirmer qui les représentera en appel, s’il y a lieu. P. Rousseau a déclaré que la politique n’est pas encore intégrée formellement dans le site Web du BCA, mais qu’il entend l’y inclure. M. Rousseau a déclaré qu’il appartient au personnel de soutien de veiller à ce que la politique soit appliquée.

 

  • [95] P. Rousseau a confirmé qu’une évaluation annuelle est effectuée pour chaque AA occupant un poste pour une période indéterminée. P. Rousseau a déclaré que les AA n’ont pas droit à une rémunération au rendement ni ne reçoivent une telle rémunération. P. Rousseau a précisé que l’évaluation a pour objet de cerner les besoins en formation et en perfectionnement des AA. On rappelle également aux AA d’atteindre leur objectif qui consiste à mener à bien douze instructions et décisions par année.

 

  • [96] P. Rousseau a expliqué que le seul rôle qu’il a joué par rapport aux AA consistait à lire leurs décisions et à leur dire si leurs conclusions étaient justifiées par leurs motifs. Toutefois, il ne tentait pas d’influencer les AA dans leurs décisions. P. Rousseau a dit qu’il ne voudrait probablement pas renouveler le contrat d’un AA dont les décisions n’étaient ni justifiées ni logiques, mais il a confirmé que la situation n’a jamais exigé qu’il décide si c’est ce qu’il ferait ultimement. P. Rousseau a également admis qu’il n’évalue pas les décisions des AA.

 

  • [97] P. Rousseau a confirmé que lorsqu’une décision est annulée par la Cour fédérale, il souligne les lacunes relevées par la Cour dans leur décision et s’assure que les AA obtiennent une copie. P. Rousseau a déclaré qu’il ne formule aucune observation personnelle.

 

  • [98] P. Rousseau a répété que la description de travail des AA était très désuète et que bon nombre des responsabilités inhérentes au poste ne seront plus incluses lorsque la description sera mise à jour. Par exemple, la description de travail n’énoncera pas que les AA sont responsables de l’élaboration et de la production de données sur le client ou de prononcer des allocutions ou des discours sur le mécanisme d’appel des AA. Cette responsabilité incombe au personnel administratif du BCA. P. Rousseau a confirmé que AA se sont fait dire que tel est le cas.

 

  • [99] P. Rousseau a confirmé que les AA ne dirigent pas les activités des entrepreneurs de l’extérieur qui donnent des conseils juridiques, techniques et scientifiques relativement à la révision des instructions depuis sa nomination comme directeur du BCA.

 

  • [100] P. Rousseau a fait observer que la description de travail de l’AA qui est revue dans cette affaire a été rédigée par M. Cadieux lorsqu’il y avait seulement deux AA et un employé de soutien. La structure et l’organisation étaient différentes et, par conséquent, les AA devaient faire plus de choses qui ne sont plus accomplies par les AA actuels. P. Rousseau a témoigné que malheureusement, il n’est pas encore parvenu à consigner sur papier les changements apportés à la description de travail qui ont déjà été mis en œuvre.

 

  • [101] P. Rousseau a confirmé qu’il autoriserait la dépense d’argent si un AA lui disait qu’il avait besoin de l’assistance immédiate d’un avocat ou d’un expert technique pour prendre une décision dans un dossier d’appel. P. Rousseau a témoigné qu’il approuverait la dépense immédiatement et n’attendrait pas l’autorisation du SMA. Au besoin, il justifierait la dépense auprès du ministre. Si le temps le permettait, il traiterait la demande en passant d’abord par le SMA.

 

  • [102] P. Rousseau a témoigné qu’il est chargé d’établir son budget pour une année et de le dépenser. Il a ajouté qu’au cours des deux derniers exercices, il a excédé son budget et le sous-ministre adjoint l’a accepté parce que le dépassement était justifié et raisonnable.

 

  • [103] P. Rousseau a confirmé que les exigences en matière de connaissances qui étaient indiquées dans la description de travail désuète de l’AA seraient des connaissances que les AA apporteraient à leur emploi sur la base de leur bagage de connaissances, de formation et d’expérience et à l’époque, il n’y avait pas de formation formelle offerte dans ces domaines à moins qu’une lacune soit constatée dans le rendement d’un AA. Une formation de rattrapage sera ensuite discutée avec l’AA.

 

  • [104] P. Rousseau a convenu que l’énoncé dans la section « effort intellectuel » de la description de travail d’AA qui est désuète (document E-2, onglet E-R) s’applique toujours :

 

[Traduction]

Effort intellectuel requis pour établir, entretenir et maintenir des contacts avec les représentants du gouvernement afin de se tenir au courant des tendances, de la jurisprudence et des décisions en santé et sécurité au travail aux niveaux national, provincial et international. L’effort est rendu plus difficile en raison de l’absence de personnel permanent, de chercheurs ou de conseillers juridiques au tribunal administratif pour aider le titulaire dans son travail et de l’incapacité de consulter les spécialistes du ministère en raison de la nécessité de préserver l’indépendance du tribunal administratif.

 

  • [105] P. Rousseau a confirmé qu’il ne supervise pas les AA recrutés à contrat et qu’ils paient leurs propres dépenses à même la rémunération qu’ils reçoivent pour l’exécution du travail.

 

  • [106] P. Rousseau a confirmé qu’au bout du compte, c’est lui qui décide quels cas seront attribués à chaque AA. P. Rousseau a déclaré qu’il tient compte du bagage de connaissances de l’AA lorsqu’il prend ces décisions.

 

  • [107] En ce qui concerne la récusation antérieure de l’AA Lafrance dans ce dossier, P. Rousseau a témoigné qu’il n’a ni parlé à l’AA Richard Lafrance ni conseillé ce dernier au sujet de sa décision de le faire. Il a parlé à l’AA Lafrance seulement une fois sa décision prise. Après l’incident qui a occasionné la récusation de l’AA Lafrance, M. Rousseau a déclaré qu’il a instauré une politique qui assure qu’une telle situation ne se reproduirait pas.

 

  • [108] P. Rousseau a confirmé que S. Cadieux l’a informé que par souci d’apparence d’indépendance, il était nécessaire de déménager le bureau de l’AA dans des locaux éloignés et distincts, et ce parce que le Programme du travail était localisé dans le même immeuble et que même si le BCA et le Programme du travail ne partageaient pas le même étage, S. Cadieux craignait que des AA se retrouvent par hasard dans le même ascenseur que quelqu’un du Programme du travail. Il craignait que cette rencontre aléatoire et fortuite dans un ascenseur puisse être mal interprétée comme un contact inadéquat avec des membres du Programme du travail si un employeur ou un représentant syndical devait observer cette rencontre au hasard en visitant les locaux du Programme du travail ou d’autres ministères se trouvant dans l’immeuble.

 

  • [109] P. Rousseau a témoigné qu’il a élaboré un Code de déontologie (document E‑2, onglet D‑O) en 2005-2006 et que les AA ont signé ultérieurement le Code en mai 2006.

 

  • [110] P. Rousseau a confirmé que le Code de déontologie prévoit que s’il existe une crainte de partialité ou de conflit, l’agent d’appel doit se récuser immédiatement. Il a convenu que l’AA Lafrance aurait dû informer les parties qu’il avait pris part d’une certaine façon au mécanisme d’examen ayant mené à des amendements au Code et il a déclaré qu’il ne se souvenait pas de ce fait lorsqu’il lui a attribué le dossier d’appel. P. Rousseau a confirmé qu’il n’exige pas que les AA confirment par écrit qu’ils n’ont aucun lien avec l’affaire portée en appel avant que celle-ci leur soit attribuée. M. Rousseau a également confirmé qu’il n’exige pas que l’AA prête serment.

 

  • [111] P. Rousseau a confirmé qu’il n’exerce aucun contrôle sur la façon dont les AA de niveau PM-06 sont rémunérés.

 

  • [112] P. Rousseau a confirmé que les AA se voient attribuer des fonds au titre de la formation et du perfectionnement professionnels chaque année.

 

  • [113] P. Rousseau a également confirmé que les AA et le BCA se rencontrent annuellement pour discuter de questions d’intérêt général pour les AA, de politique générale en matière d’interprétations des dispositions du Code, de décisions de la Cour fédérale et de certains commentaires, en particulier lorsqu’une décision d’un AA a été annulée. M. Rousseau a témoigné que l’on ne tient habituellement pas de compte-rendu, mais que si le groupe révise un document, les commentaires seront notés ou se refléteront dans le document. P. Rousseau a déclaré que les AA et des représentants du BCA se rencontrent tous les mois pour partager de l’information au sujet du fonctionnement du BCA, notamment sur la situation budgétaire, et pour revoir le statut des appels devant un AA que le BCA a reçu. Il a témoigné qu’il n’évalue pas les AA sur la base de ses conversations avec le SMA concernant ses préoccupations d’ordre budgétaire. M. Rousseau a ajouté qu’il rencontre le SMA Travail seul et qu’il ne participe pas à des réunions du SMA avec d’autres gestionnaires qui relèvent dudit SMA.

 

  • [114] En ce qui concerne ses réunions avec le SMA, P. Rousseau a confirmé qu’elles se tiennent généralement à sa demande pour discuter de pressions budgétaires et qu’il n’y a pas de compte-rendu officiel des réunions. P. Rousseau a affirmé avec insistance qu’il ne discute pas de questions quotidiennes avec le SMA.

 

  • [115] P. Rousseau a confirmé que les statistiques qui sont utilisées dans les publications du BCA relativement à l’activité de l’ASS sont obtenues par son Bureau auprès de Service Canada et non en communiquant avec qui que ce soit de la Direction du travail de DRHC.

 

  • [116] P. Rousseau a confirmé que le sous-ministre adjoint du Travail approuve ses demandes de congé.

 

  • [117] P. Rousseau a confirmé qu’il a révisé les documents du site Web du BCA après le début de l’instruction de cette affaire en raison d’erreurs dans le texte qui laissent croire que quelque chose n’est pas vrai. Par exemple, dans les faits, les AA ne sont pas tenus d’agir de manière indépendante « dans les limites » de DRHC, pour ce que cette expression était censée signifier.

 

  • [118] P. Rousseau a témoigné qu’il n’a jamais subi ou senti de pressions de la part du SMA relativement à toute révision en appel par un AA qui soit en cours ou à venir. Il a ajouté que si cela devait se produire, il informerait le SMA ou le sous-ministre du caractère inapproprié d’une telle situation.

 

  • [119] P. Rousseau a ajouté qu’aucun des AA ne lui a déjà dit qu’il s’est déjà senti contraint de statuer dans un sens ou dans l’autre ou qu’il a senti des pressions de qui que ce soit, dont le directeur. Il a ajouté qu’il n’a jamais exercé de pressions sur des AA afin qu’ils tranchent d’une manière ou d’une autre et qu’il n’a jamais senti que le SMA se servait de son contrôle budgétaire sur le BCA pour exercer de la pression en faveur d’une décision dans un sens ou dans l’autre. P. Rousseau a souligné qu’au cours des trois années qui ont suivi sa nomination comme directeur du BCA, il a excédé son budget, et que ce sera encore le cas cette année, et qu’il ne s’est jamais buté à des objections ou à de la pression du SMA ou de son bureau. Il a ajouté que si le poste budgétaire était justifié, il était accepté.

 

  • [120] P. Rousseau a résumé l’historique du Bureau de l’agent régional de sécurité de la façon suivante. Après la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Bonfa [1989] A.C.F. no 1062 [4] , le ministre du Travail a décidé de désigner une personne ou deux personnes travaillant au ministère comme intermédiaires portant le titre d’agents régionaux de sécurité pour examiner les appels des instructions des ASS. Il y avait dans les bureaux régionaux de DRHC, des directeurs ou, dans certains cas, des conseillers techniques nommés ARS en vertu des mêmes dispositions du Code. Cependant, ils étaient chargés, aux termes de la politique, d’interpréter et d’appliquer le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST), mais non de statuer sur les appels interjetés par les employeurs et les employés en vertu du Code. Quand le Code a été modifié en septembre 2000, le titre des ARS qui recevaient et traitaient les appels en vertu du Code est devenu AA. Maintenant, il n’y a plus de confusion entre les ARS et les AA.

 

  • [121] P. Rousseau a témoigné que les AA ne partagent pas les services juridiques de DRHC, ne sont pas visés par les directives de politique opérationnelle de DRHC ni par les guides d’interprétation fournis à l’ASS.

 

  • [122] P. Rousseau a témoigné que les AA ne s’occupent aucunement des poursuites intentées en vertu du Code. P. Rousseau a ajouté que ni lui ni les AA n’ont de communications avec les directeurs régionaux, les chefs de division ou les ASS. M. Rousseau a déclaré qu’aucun agent de santé et de sécurité n’a déjà agi comme agent d’appel tout en demeurant agent de santé et de sécurité et que le contraire ne s’est pas produit non plus. P. Rousseau a déclaré que le seul lien entre RHDCC et l’AA réside dans les services de rémunération et dans le traitement des demandes de congé.

 

  • [123] P. Rousseau a témoigné que la durée d’emploi d’un AA employé à titre occasionnel a été prolongée d’un terme à titre d’employé embauché pour une durée déterminée pour que l’AA termine sa révision d’un appel.

 

  • [124] P. Rousseau a témoigné que l’AA D. Malanka continue d’exercer un rôle de mentorat des AA et que J.P. Aubre offre son assistance juridique aux AA jusqu’à ce qu’un conseiller juridique soit officiellement recruté. À ce titre, leurs rôles ne sont pas limités à statuer sur des appels interjetés en vertu du Code.

 

  • [125] P. Rousseau a témoigné que malgré les activités des AA recrutés à contrat ou autrement que pour une durée indéterminée, les AA employés pour une durée indéterminée s’acquitte actuellement de l’essentielle de la fonction décisionnelle.

 

  • [126] P. Rousseau a témoigné qu’un AA n’a jamais été muté dans une autre partie du Ministère.

 

  • [127] P. Rousseau a déclaré qu’il relève officiellement du sous-ministre, mais qu’il n’est pas supervisé par celui-ci. P. Rousseau a témoigné qu’il présente un rapport annuel sur les activités des AA au sous-ministre. M. Rousseau a témoigné que c’est lui qui demandait parfois de rencontrer le SMA pour le tenir au courant des pressions et des orientations budgétaires.

 

  • [128] P. Rousseau a expliqué que les AA doivent posséder une vaste expérience dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et doivent avoir travaillé en milieu industriel ou à titre d’inspecteurs en santé et sécurité.

 

  • [129] P. Rousseau a confirmé qu’aucun AA n’a été démis de ses fonctions ou destitué, sauf un AA qui avait été recruté à contrat et qui s’est rendu ensuite au Maroc. Aucun autre AA n’a quitté un poste d’AA pour être muté dans une autre section ou dans un autre ministère ou pour occuper un autre poste, si ce n’est pour prendre sa retraite. P. Rousseau a ajouté qu’aucun AA n’a été licencié ni n’a fait l’objet d’une cessation d’emploi.

 

  • [130] P. Rousseau a témoigné que RHDCC a comparu devant des AA à titre d’appelant ou d’intimé et qu’il n’existe pas de protocoles spéciaux à cette fin. P. Rousseau a déclaré que la question de l’indépendance institutionnelle n’a jamais été soulevée auparavant dans de telles affaires.

 

LES TÉMOINS DE L’INTIMÉ

 

TÉMOIGNAGE DE PIERRETTE LEMAY

 

  • [131] Pierrette Lemay a témoigné qu’elle est analyste principale des politiques au Secrétariat du Conseil du Trésor et qu’elle travaille dans la fonction publique depuis 35 and dans le domaine de la rémunération. P. Lemay a déclaré qu’elle a travaillé au sein de divers ministères d’exécution, le dernier étant le Conseil du Trésor depuis avril 2006. Elle a dit qu’elle est chargée d’interpréter et de rédiger des politiques sur l’administration de la paie et la rémunération. P. Lemay a témoigné que sa direction est le Bureau de première responsabilité (BPR) et que ce sont les rédacteurs de la politique sur les conditions d’emploi adoptée conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

  • [132] P. Lemay a témoigné qu’elle comprend que son témoignage portait essentiellement sur les conditions d’emploi des employés exclus de niveau PM-06 de DRHC qui sont désignés AA.

 

  • [133] P. Lemay a expliqué que le Conseil du Trésor est un groupe de ministres qui possède le pouvoir d’établir des conditions d’emploi sous le régime de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

  • [134] P. Lemay a témoigné qu’avant la négociation des conventions collectives dans les années 1950, les conditions d’emploi étaient instituées par règlement pris en application de la Loi sur le service civil. Quand les conventions collectives précisant les conditions d’emploi des employés représentés ont pris effet, le règlement sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor a été modifié en 1967 et est devenu la politique sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor.

 

  • [135] P. Lemay a déclaré que le Conseil du Trésor fixe les conditions d’emploi des employés dans sa politique, le document E-30, intitulé Politique sur les conditions d’emploi.P. Lemay a expliqué que le Secrétariat du Conseil du Trésor applique la Politique sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor.

 

  • [136] P. Lemay a expliqué qu’un employé exclu est un employé qui ne peut prendre part à la négociation collective et être représenté par un agent négociateur en raison de fonctions de gestion ou de fonctions confidentielles rattachées à son poste.

 

  • [137] P. Lemay a déclaré que les employés exclus, comme les AA qui sont employés au niveau PM-06, ne sont pas visés par la convention collective. Toutefois, la politique sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor permet aux employés exclus de bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont prévus dans la convention collective des employés PM-06 représentés. P. Lemay a cependant précisé que la politique sur les conditions d’emploi a préséance dans le cas des employés exclus si la politique diffère des conditions d’emploi inscrites dans la convention collective.

 

  • [138] P. Lemay a fait mention de la convention collective actuelle du groupe Services des programmes et de l’administration et a confirmé que la convention s’appliquait aux employés exclus conformément à la politique sur les conditions d’emploi. P. Lemay a déclaré que les taux de rémunération des AA de niveau PM-06 exclus sont ceux qui sont indiqués dans la convention collective et que les employés exclus sont visés par l’Entente sur le réaménagement des effectifs.

 

  • [139] P. Lemay a témoigné que les employés exclus peuvent contester les conditions d’emploi qui se trouvent dans la convention collective, mais que les employés exclus ne peuvent s’adresser à un arbitre tiers relativement aux questions qui touchent la convention collective.

 

  • [140] P. Lemay s’est fait demander s’il serait possible que le ministre ou quelqu’un d’autre de RHDCC isole l’un de ces groupes exclus, comme les AA, pour réduire leurs conditions d’emploi. P. Lemay a répondu que ni le ministre ni quelque autre fonctionnaire de RHDCC possède le pouvoir d’abaisser les conditions d’emploi des AA. P. Lemay a ajouté que seul le Conseil du Trésor pourrait le faire. Elle estime toutefois qu’il serait ridicule de laisser croire que le Conseil du Trésor modifierait les conditions d’emploi seulement pour une ou deux personnes. P. Lemay a déclaré que les conditions d’emploi visent tous les employés de l’administration publique centrale.

 

  • [141] P. Lemay a ajouté qu’elle n’a pas eu connaissance, au cours de ses 35 années de travail dans le domaine de la rémunération, que le Conseil du Trésor ait déjà diminuer les conditions d’emploi pour une ou deux personnes.

 

  • [142] P. Lemay a fait référence à un rapport sur la population des employés des niveaux 1 à 7 du groupe PM et à fait observer que parmi les 1 907 employés du groupe PM-06, seulement 445 étaient exclus et n’étaient pas représentés par le syndicat de l’Alliance de la Fonction publique du Canada.

 

  • [143] P. Lemay a mentionné que la section Application de la politique sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor indique que les conditions s’appliquent à tous les employés des organismes énumérés dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) (Public Service Staff Relations Act), sauf ceux qui sont classés dans le groupe des employés exclus, et que la LRTFP n’est plus en vigueur, ayant été remplacée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (PSLRA), qui s’appelle également en français Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. P. Lemay a cependant confirmé que les conditions d’emploi des AA de niveau PM-06 sont couvertes par le document intitulé Annexe A , Dérogation provisoire au Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique pour certains employés non représentés, qui est maintenant une politique. P. Lemay a ajouté que la politique sur les conditions d’emploi ne s’applique pas aux employés de la catégorie EX.

 

  • [144] P. Lemay a confirmé que les employés exclus de la catégorie PM sont régis par la Loi sur la pension de la fonction publique et que les conditions sont établies en vertu de la loi.

 

  • [145] P. Lemay a témoigné que les employés PM-06 exclus n’ont pas le droit d’être rémunérés en heures supplémentaires aux termes de l’annexe jointe au règlement du Conseil du Trésor sur les conditions d’emploi intitulée Dérogation provisoire au Règlement sur les conditions d’emploi. P. Lemay a expliqué que l’annexe tient lieu de dérogation à la convention collective. En d’autres termes, si aucune dérogation n’est mentionnée, la convention collective s’applique.

 

  • [146] En ce qui concerne les taux de rémunération des employés PM-06 exclus, P. Lemay a témoigné que les taux de rémunération sont négociés entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour les 1 462 employés représentés dans cette unité de négociation. Le Conseil du Trésor applique généralement les mêmes taux de rémunération des employés représentés aux employés exclus. P. Lemay a expliqué qu’elle a utilisé le mot « généralement » parce que ce n’est pas automatique et que le Secrétariat du Conseil du Trésor doit obtenir l’autorisation des ministres du Conseil du Trésor parce que les augmentations de salaire des employés exclus n’ont pas été négociées. P. Lemay a ajouté qu’au cours de ses 35 années d’expérience, le Conseil du Trésor n’a jamais approuvé un niveau de salaire supérieur ou inférieur à ce que prévoit la convention collective pour les employés d’une unité de négociation.

 

  • [147] P. Lemay a dit qu’elle ne pouvait pas dire pourquoi les dérogations indiquées dans l’Annexe A susmentionnée des politiques sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor faisaient état de dérogations « provisoires ». P. Lemay a convenu que les employés qui sont des employés aux fins de la LRTFP peuvent être syndiqués. Elle a en outre convenu que les conditions d’emploi des employés représentés par un syndicat sont régies par la convention collective et qu’en présence d’un désaccord avec l’employeur, l’employé peut déposer un grief. P. Lemay a témoigné que le grief est traité conformément à la procédure de règlement des griefs précisée dans la convention collective et que le sous-ministre est le dernier palier. P. Lemay a également témoigné que si l’employé est encore en désaccord avec la décision du sous-ministre, l’employé peut s’adresser à un arbitre tiers indépendant de la CRTFP.

 

  • [148] P. Lemay a convenu que les employés exclus qui pourraient vivre le même différend au sujet de l’interprétation ou de l’application d’une disposition de la convention collective peuvent contester la question au niveau du sous-ministre, mais ils n’ont pas accès à un arbitre tiers indépendant de la CRTFP.

 

  • [149] P. Lemay a également convenu que si le Conseil du Trésor avait décidé d’exclure ou d’ajouter des dérogations à l’Annexe A , Dérogation provisoire au Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique pour certains employés non représentés, il pourrait le faire sans négocier avec qui que ce soit. Toutefois, P. Lemay a déclaré que le Conseil du Trésor ne possède pas le pouvoir d’isoler une section ou une personne en particulier au sein d’un ministère parce que les conditions d’emploi s’appliquent à des groupes en particulier, et non à certaines personnes. P. Lemay a ajouté que même si le Conseil du Trésor était investi du pouvoir de le faire, un tel geste serait « ridicule ».

 

  • [150] P. Lemay a témoigné qu’elle ne connaissait pas l’article 326 de la LRTFP que A. Raven a interprété comme si il signifiait que les droits conférés aux employés de contester en vertu de la LRTFP remplacent les droits d’intenter une action en justice.

 

Article 236 Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d'emploi remplace ses droits d'action en justice relativement aux faits - actions ou omissions - à l'origine du différend.

 

  • [151] P. Lemay a déclaré qu’elle ne connaissait pas les dispositions de la nouvelle LEFP qui confèrent le pouvoir de nomination au niveau le plus bas possible d’une organisation par délégation.

 

  • [152] P. Lemay a témoigné que les entrepreneurs n’ont pas accès aux politiques sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor parce que ce ne sont pas des employés.

 

TÉMOIGNAGE DE LESLEY HULSE

 

  • [153] Lesley Hulse a témoigné qu’elle est analyste principale des politiques à la Direction des politiques sur la gestion des cadres supérieurs de l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada (AGRHFPC). Elle a déclaré que ses fonctions et ses responsabilités principales concernent les politiques qui régissent la gestion du groupe de la direction (EX). Elle a ajouté qu’elle est à la fonction publique depuis 32 ans et qu’elle occupe son poste actuel depuis quatre ans.

 

  • [154] L. Hulse a témoigné que les conditions d’emploi des employés du groupe de la direction à RHDCC sont présentées au Conseil du Trésor pour approbation. L. Hulse a fait référence à un document du Conseil du Trésor intitulé Conditions d’emploi pour le groupe de la direction qui est actuellement en vigueur.

 

  • [155] L. Hulse a déclaré que les cadres peuvent contester les conditions d’emploi prévues par la politique du Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

  • [156] L. Hulse a témoigné que l’approbation du Conseil du Trésor serait nécessaire si quelqu’un de RHDCC, dont le ministre, voulait isoler un employé de la catégorie EX et abaisser ou modifier les conditions d’emploi actuelles de cette personne. L. Hulse a ajouté qu’il y a environ 4 000 employés de la catégorie EX et qu’elle pouvait difficilement imaginer le Conseil du Trésor modifier les conditions d’emploi d’une personne, mais qu’il pouvait le faire.

 

  • [157] L. Hulse a fait référence à la section « Énoncé de politique » de la politique et a déclaré que les conditions d’emploi sont limitées aux éléments considérés comme de rétribution non salariale et ne s’appliquent donc pas à la pension de retraite, par exemple. L. Hulse a témoigné que la Loi sur la pension de la fonction publique s’applique aux cadres si les conditions liées à la pension sont prévues par la loi.

 

  • [158] L. Hulse a témoigné que la politique expose les conditions d’emploi de base sur les congés et d’autres questions connexes.

 

  • [159] L. Hulse a témoigné au sujet d’un document du Conseil du Trésor intitulé Groupe de la direction et certains groupes et niveaux exclus ou non représentés. Elle a déclaré que le document est paru l’année dernière et qu’il communique les nouveaux taux de rémunération du groupe de la direction qui s’appliquent de manière universelle en date du 1er avril 2006.

 

  • [160] L. Hulse a ensuite fait référence à un autre document du Conseil du Trésor intitulé Politique sur l’administration des traitements pour le Groupe de la direction qui est actuellement en vigueur. L. Hulse a témoigné que ce document précise comment déterminer le salaire d’un cadre nouvellement nommé à un poste. Le document spécifie comment déterminer le salaire dans l’échelle salariale et comment établir la rémunération au rendement dans un poste par intérim.

 

  • [161] L. Hulse a décrit le processus de classification qui fait l’objet du document. Elle a déclaré que les postes sont cotés par points suivant une norme de classification aux termes du plan d’évaluation des postes de direction, qui est une version du plan Hay. L. Hulse a confirmé que le niveau EX est basé sur une accumulation de points.

 

  • [162] L. Hulse a déclaré que si le gouvernement devait décider d’éliminer un poste de EX en particulier, le titulaire choisirait de rester au gouvernement et de chercher un autre poste ou de quitter le gouvernement avec une certaine compensation salariale plutôt qu’une période de travail supplémentaire et diverses autres dépenses. L. Hulse a confirmé qu’ils ne pourraient pas supplanter un autre titulaire de poste EX existant.

 

  • [163] En ce qui concerne la question des promotions, L. Hulse a témoigné qu’il y a des concours relativement à des postes de EX, mais elle n’était pas certaine si un titulaire de poste de EX déclaré excédentaire pourrait revendiquer le poste.

 

  • [164] L. Hulse a convenu que la nouvelle LEFP réduit la portée des appels de telle sorte que les conditions d’emploi qui touchent les heures de travail, y compris l’heure quotidienne de début et de fin et les vacances sont fixées par l’administrateur général.

 

  • [165] L. Hulse a témoigné que la rémunération au rendement ne peut être portée en arbitrage si le EX est insatisfait de ce qu’il obtient.

 

ARGUMENTS DES APPELANTES

 

  • [166] Le 31 août 2005, l’appelante, Katie Bartakovic, inspectrice des douanes à l’Agence des services frontaliers du Canada travaillant au pont Rainbow à Niagara Falls, en Ontario, a invoqué son droit de refuser un travail non sécuritaire en vertu de l’article 128 de la partie II du Code canadien du travail après avoir reçu avis que deux personnes armées et dangereuses pourraient tenter de traverser la frontière à son lieu de travail. Le 1er septembre 2005, K. Bartakovic a interjeté appel de la décision rendue par l’agent de santé et de sécurité selon laquelle il n’existait pas de danger pour elle devant un agent d’appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code. Le paragraphe 129(7) est ainsi rédigé :

 

129(7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin — appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[Je souligne.]

 

  • [167] La Customs Excise Union/Douanes Accise (« CEUDA ») est une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (« AFPC »), une organisation d’employés au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et l’agent négociateur accrédité des employés inclus dans diverses unités de négociation sous le régime de la partie II du Code (santé et sécurité). À ce titre, l’AFPC est l’agent négociateur accrédité de l’appelante, Katie Bartakovic, et d’autres employés du Conseil du Trésor qui exercent des fonctions pour l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») et, sur cette base, l’AFPC est devenue partie à l’appel interjeté par K. Bartakovic.

 

  • [168] A. Raven a fait valoir que le mécanisme décisionnel qui est la fonction principale du Bureau d’appel doit garantir une audience équitable conformément aux principes de justice naturelle, tant en common law qu’en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

  • [169] Les appelantes, K. Bartakovic et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, ont contesté l’indépendance institutionnelle de l’agent d’appel au moyen d’une objection préliminaire en l’instance. L’agent d’appel qui présidait a convenu de statuer sur l’objection préliminaire avant d’examiner la cause sur le fond.

 

  • [170] K. Bartakovic et l’AFPC ont affirmé qu’il s’agit de déterminer, dans cette affaire, si le Bureau d’appel, tel qu’il a été constitué en vertu du Code et tel qu’il est structuré et tel qu’il fonctionne dans les faits, respecte les critères d’indépendance institutionnelle applicables aux tribunaux administratifs. K. Bartakovic et l’AFPC soutenaient en outre que le critère consiste à établir si une personne raisonnable et bien informée croit qu’il existe un niveau d’indépendance judiciaire suffisant pour s’assurer que les droits et les intérêts des intervenants sont déterminés conformément à leur droit à une justice fondamentale.

 

  • [171] A. Raven a déclaré que J. Bennie, agent national de sécurité pour l’AFPC, a présenté l’historique législatif de la partie II actuelle du Code. A. Raven a déclaré que le directeur du Bureau d’appel, M. Pierre Rousseau, a également témoigné au sujet de la structure et du fonctionnement du BCA, y compris les questions qui touchent à sécurité de la charge, la sécurité financière et l’autonomie administrative des agents d’appel.

 

  • [172] A. Raven a déclaré que de l’avis des appelantes, la preuve établit que le BCA ne satisfait pas aux exigences de la justice naturelle et le Bureau d’appel doit mettre fin à cette audience jusqu’à ce que les garanties fondamentales exigées soient mises en place. A. Raven a ajouté que toute référence au Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail dans l’argumentation écrite des appelantes inclut les agents d’appel individuels tel qu’ils sont désignés par le ministre aux termes de l’article 145.1 du Code canadien du travail (le Code).

 

  • [173] A. Raven a fait valoir que la partie II du Code canadien du travail énonce les dispositions législatives qui régissent les normes relatives à la santé et la sécurité au travail et qu’il est impossible de se soustraire aux obligations prévues par la législation fédérale. A. Raven a ajouté que la loi sur la santé et la sécurité au travail constitue une loi remédiatrice importante en matière de bien-être public qui doit être interprétée de manière promouvoir ses fins générales.

 

  • [174] A. Raven a fait référence aux propos du juge en chef Lamer, de la Cour suprême du Canada, qui a déclaré dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui,[1995] 1 R.C.S. 3, au par.104, que l'indépendance institutionnelle vise à faire en sorte qu'un tribunal soit doté d'une structure juridique qui permette que ses membres soient, dans une mesure raisonnable, indépendants des personnes auxquelles ils doivent leur nomination. A. Raven a également fait mention des propos du juge Noel, de la Cour fédérale, qui a déclaré dans Bourbonnais c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 529 au par. 45, que :

 

Le principe de l'indépendance judiciaire existe pour assurer une démarcation claire et précise entre l'exécutif et le judiciaire. On veut s'assurer que tant sur le plan personnel qu'institutionnel, il y a une indépendance réelle ainsi qu'une apparence nette d'indépendance démontrant à la personne raisonnable et renseignée que l'exécutif ne peut avoir aucune influence directe ou indirecte tant sur le juge que le tribunal comme institution.

 

  • [175] A. Raven a soutenu que le droit à une audience équitable conformément aux principes de justice fondamentale qui s’appliquent à la décision d’un tribunal établi par une loi relativement à des droits ou des obligations est confirmée par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. A. Raven a déclaré que la décision récente de la Cour suprême du Canada dans Matsqui, supra, aux par. 79-80, confirmait que l’indépendance juridictionnelle dans le contexte des tribunaux administratifs est un principe fondamental de justice naturelle.

 

  • [176] A. Raven a déclaré que la Cour suprême du Canada, dans Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781 [5] , aux par. 20-22 et dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S.884 [6] au par. 22, a confirmé que la garantie d’indépendance institutionnelle au sein d’un tribunal d’arbitrage ne constitue pas un droit constitutionnel, mais une protection accordée par la common law. A. Raven a fait observer que bien que le gouvernement puisse déroger aux exigences de l’indépendance institutionnelle au moyen de directives législatives claires, si la loi est silencieuse ou ambiguё à cet égard, les tribunaux concluront que le Parlement souhaitait que le processus judiciaire se conforme aux principes de justice naturelle.

 

  • [177] A. Raven a fait valoir que le Code ne dit mot des normes législatives et des garanties d’indépendance, telles qu’elles sont parfois énoncées expressément dans la loi habilitante des tribunaux quasi judiciaires. En outre, elles ne peuvent être interprétées comme si elles signifiaient que le législateur souhaitait que le mécanisme d’appel concernant les questions de santé et de sécurité au travail ne comporte pas le degré d’indépendance approprié.

 

  • [178] A. Raven a cité R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673 [7] , arrêt dans lequel la Cour suprême du Canada a noté que le critère d’indépendance en contexte judiciaire est celui de la crainte raisonnable de partialité, tel qu’il est adapté aux exigences de l’indépendance. Ce critère était énoncé dans les motifs dissidents du juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394 : « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique… »

 

  • [179] A. Raven a fait référence à : Valente, supra, à la p. 685; Bell, supra, aux par. 17-19 et 25; Matsqui, supra, au par. 67; et S.C.F.P. c. Ontario [2003] CSC 29 [8] , au par. 99 et a déclaré que, bien que l’indépendance institutionnelle et l’impartialité soient des composantes de la règle contre la partialité visant à maintenir la confiance du public à l’égard de l’obligation d’équité des organismes administratifs et de leurs procédures décisionnelles, ce sont néanmoins des valeurs et des exigences séparées et distinctes. Il a noté que bien que les critères juridiques sont fondés sur le critère de crainte raisonnable de partialité, les exigences de l’indépendance et de l’impartialité ne sont pas identiques. L’impartialité a trait à l’état d’esprit ou à l’attitude de chacun des décideurs par rapport aux questions et aux parties dans une affaire en particulier (l’indépendance de pensée).

 

  • [180] A. Raven soutenait que dans Matsqui, supra, la Cour suprême du Canada a confirmé que le critère de l’indépendance judiciaire énoncé dans Valente, supra, s’applique aux tribunaux administratifs tandis que le tribunal judiciaire fonctionne comme un organe décisionnel qui règle des différends et statue sur les droits des parties. A. Raven a déclaré que trois conditions sont essentielles à l’indépendance institutionnelle des tribunaux administratifs. Ce sont : l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative. A. Raven soutenait qu’un tribunal administratif ne peut garantir aux parties qui sont devant lui un processus équitable si sa structure ou sa pratique présentent des lacunes du point de vue de l’une ou l’autre de ces trois exigences et que l’indépendance doit être à la fois réelle et apparente.

 

  • [181] A Raven a ajouté que dans le cadre de l’évaluation de ces facteurs, la Cour suprême du Canada (Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] CSC 9 [9] au par. 32; Hewat v. Ontario [1998], 37 O.R. (3d) 161 (C.A. de l’Ont.) (QL), au par. 21 et Valente, supra, à la p.689c) a déclaré qu’il ne suffit pas que le juge, dans les faits, soit indépendant et impartial; la justice fondamentale exige également que le juge semble indépendant et impartial. Cela découle du fait que l’indépendance judiciaire comporte deux facettes : l’indépendance réelle et l’indépendance apparente.

 

  • [182] A. Raven a en outre fait observer que la mesure dans laquelle les trois conditions essentielles de l’indépendance institutionnelle varient selon les tribunaux est fonction de leur situation particulière. Il a noté que le juge en chef Lamer a déclaré dans Matsqui, supra, que :

 

[85] Les principes posés dans l'arrêt Valente doivent être considérés à la lumière de la nature des tribunaux d'appel eux‑mêmes, des intérêts en jeu et des autres signes indicatifs de l'indépendance, afin de déterminer si une personne sensée et raisonnable qui considérerait dans son ensemble la procédure prévue dans les règlements d'évaluation aurait une crainte raisonnable de partialité pour le motif que les membres des tribunaux d'appel ne sont pas indépendants.

 

  • [183] A. Raven a mentionné Bell, supra, aux par. 21 et 23-24; McKenzie v. British Columbia (Minister of Public Safety and Solicitor General), [2006] B.C.J. No. 2061 (C.S. de la C.-B.) (QL) [10] , au par. 67; et le Rapport Sossin [11] , supra, aux p. 6-7, et a fait valoir que les tribunaux administratifs, qui ont pour objet principal d’élaborer ou de superviser la mise en œuvre de certaines politiques gouvernementales, s’apparentent au secteur exécutif du gouvernement, et peuvent donc offrir peu sur le plan des garanties procédurales. A. Raven a toutefois soutenu que les tribunaux administratifs, qu jouent surtout un rôle décisionnel et dont les pouvoirs et la procédure sont de nature judiciaire, se rapprochent davantage de l’extrémité judiciaire du spectre. Il prétendait que ces tribunaux sont soumis à des exigences plus rigoureuses d’équité procédurale, et notamment à des exigences plus marquées d’indépendance.

 

  • [184] A. Raven a soutenu que dans le cadre de l’instruction d’appels de décisions rendues par des agents de santé et sécurité, le Bureau canadien d’appel fonctionne pratiquement de la même façon qu’un tribunal. Les agents d’appel tranchent des différends entre des parties qui ont des intérêts opposés dans le contexte d’un régime législatif, soit la partie II du Code canadien du travail. En plus de posséder tous les pouvoirs des agents de santé et sécurité, les agents d’appel ont des pouvoirs qui s’apparentent à ceux d’un juge, notamment les pouvoirs d’assigner à témoigner et de contraindre des témoins à être présents, de faire prêter serment, et de décider de la procédure aux termes de laquelle les parties devront présenter la preuve et leurs arguments à l’agent d’appel. En outre, les agents d’appel entendent les témoignages dans le contexte de procédures judiciaires au cours desquelles les parties sont souvent représentées par un avocat. Les agents d’appel sont appelés à tirer des conclusions de fait et à appliquer les dispositions du Code à ces faits pour rendre leurs décisions, accompagnées de motifs, par écrit.

 

  • [185] A. Raven a ajouté que McKenzie, supra, au paragraphe 70 et Matsqui, supra, au par. 84, établissent qu’une application plus rigoureuse des principes de l’arrêt Valente est peut-être également justifiée dans les cas où les décisions d’un tribunal administratif pourraient avoir des répercussions sérieuses sur les droits ou les intérêts fondamentaux d’une partie, comme le droit à la sécurité de la personne. A. Raven a souligné que la Cour, dans McKenzie, supra, a statué qu’un arbitre dans le domaine de la location résidentielle se trouvait nettement à l’extrémité la plus marquée du spectre de l’indépendance, notamment en raison de la grande importance des questions touchant la location de locaux résidentiels aux parties présentes devant le tribunal.

 

  • [186] A. Raven a fait valoir que les décisions du Bureau canadien d’appel sont finales, sous la seule réserve du contrôle judiciaire de la Cour fédérale, effectué en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, le contrôle judiciaire une audience de novo, et à ce titre, les conclusions de fait de l’agent d’appel sont finales, sous réserve de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale. Comme le BCA est un tribunal administratif spécialisé, les tribunaux judiciaires se montrent hésitants à intervenir dans les décisions rendues par le BCA. Dans Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Procureur général du Canada [12] , la Cour d’appel fédérale a statué que les agents d’appel devraient se voir accorder le plus grand respect du point de vue de la norme de contrôle de leurs décisions.

 

  • [187] A. Raven a soutenu que la sécurité de la personne constitue un droit fondamental qui est inscrit dans l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). A. Raven a déclaré que la Cour suprême du Canada a statué dans Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46, au par. 72, que lorsqu’une mesures gouvernementale donne lieu à une audience dans laquelle les intérêts protégés par l’article 7 sont en cause, l’État est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir une audience équitable qui soit conforme aux principes de justice fondamentale.

 

  • [188] A. Raven a ajouté que dans Mohammad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [13] , la Cour d’appel fédérale a examiné toute une gamme de faits et de circonstances concernant l’indépendance institutionnelle des arbitres en matière d’immigration. Il a déclaré qu’ils comprennent la chaîne de commandement du ministre à l’arbitre concerné, l’orientation juridique, le suivi, l’inamovibilité, l’unité de négociation collective, les ententes de transfert, et l’inscription au rôle des causes.

 

  • [189] A. Raven a fait mention de l’affaire Currie v. Alberta (Edmonton Remand Centre) [14] , dans laquelle la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta s’est penchée sur l’indépendance et l’impartialité des tribunaux disciplinaires de la prison. Il a souligné que le juge Marceau a résumé la jurisprudence sur la preuve de pratique sous la forme des propositions suivantes :

 

1) pour déterminer si un tribunal satisfait aux critères d’indépendance et d’impartialité, la Cour devrait tenir compte du contexte historique; [et]

2) pour déterminer si les membres du tribunal sont nommés de manière à satisfaire aux critères d’indépendance et d’impartialité, une Cour peut considérer de quelle façon le processus de nomination fonctionne dans les faits.

 

  • [190] A. Raven a déclaré qu’avant l’entrée en vigueur de la loi C-12, le paragraphe 129(5) du Code conférait aux employés le droit d’exiger des agents de sécurité qu’ils renvoient les décisions d’« absence de danger » au Conseil canadien des relations de travail (« CCRT », remplacé par le Conseil canadien des relations industrielles, le « CCRI ») ou, dans le cas des employés de la fonction publique fédérale, à la Commission des relations de travail dans la Fonction publique (remplacée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique) à des fins d’enquête, conformément au paragraphe 130(1) du Code. En vertu du paragraphe 146(1) du Code, les instructions produites par les agents de sécurité pouvaient être revues par un agent régional de sécurité (« ARS ») sur demande de la partie lésée. Il n’existait pas d’autre droit d’appel d’une décision d’un ARS.

 

  • [191] A. Raven a noté que J. Bennie a témoigné qu’il a participé au Comité d’examen législatif, constitué en 1993 pour étudier la partie II du Code. D’après J. Bennie, il a ensuite siégé comme représentant syndical au Sous-comité d’examen législatif formé en 1994 pour étudier les propositions d’amendement faites par les syndicats, les organisations d’employeurs et DRHC sur les révisions de la partie II présentées au Comité d’examen législatif. Le Sous-comité d’examen législatif était un organisme tripartite, constitué de représentants des employeurs, des syndicats et de RHDCC. D’après le mandat du Sous-comité, les éléments ayant fait l’objet d’un consensus ne devaient pas être réexaminés à l’étape du Comité d’examen législatif sauf si des préoccupations importantes avaient été omises par le Sous-comité d’examen législatif, pourvu que le sous-ministre adjoint (SMA) principal soit d’accord.

 

  • [192] A. Raven a déclaré que J. Bennie a témoigné que le Sous-comité d’examen législatif a examiné une proposition des représentants syndicaux selon laquelle les parties devraient avoir accès à un deuxième palier chargé d’un examen qui serait effectué par conseil fédéral de santé et sécurité tripartite après l’examen d’une instruction produite par un agent régional de sécurité. L’audience par un conseil tripartite serait menée par un tribunal constitué de trois membres, dont un président impartial, un représentant des syndicats et un représentant de l’employeur. À cette fin, les employeurs et les syndicats établiraient chacun une liste de membres à temps partiel possibles du conseil et les nommeraient à leur gré. Cette proposition avait pour but de fournir [traduction] « une opinion extérieure à l’organisme de réglementation pour assurer l’équité ». Plus précisément, les représentants des syndicats se préoccupaient du fait que les ARS constituent le dernier palier d’examen, parce que les ARS sont des employés du Programme du travail de DRHC.

 

  • [193] A. Raven a souligné le témoignage de J. Bennie selon lequel le Sous-comité a dégagé un consensus sur les changements recommandés au mécanisme d’appel en date du 16 mars 1995, ce qui appuyait une structure d’appel à deux paliers. Les instructions et les décisions seraient renvoyées à un agent d’appel pour examen par voie sommaire. Les tribunaux administratifs, constitués sous les auspices du CCRT, représenteraient le deuxième palier d’examen. Le Sous-comité d’examen législatif a présenté son rapport final au Comité d’examen législatif en avril 1995.

 

  • [194] A. Raven a soutenu que J. Bennie a témoigné que le 15 juin 1995, James Lahey, SMA du Programme du travail, a informé le Comité d’examen législatif d’un processus de changement résultant d’un « examen de programme », une initiative gouvernementale qui exigeait des réductions considérables de personnel et de budget pour le Programme du travail.

 

  • [195] Après cette annonce, Doug Malanka, chef de projet de l’examen de la partie II du Code pour DRHC, a exposé la préférence de DRHC pour une approche à palier unique d’examen final des questions de santé et de sécurité. Dans le cadre de ce régime, l’accès à un deuxième palier d’appel devant les conseils a été éliminé. Les agents d’appel rendraient des décisions définitives pour tous les examens de décisions et d’instructions, le contrôle judiciaire par la Cour fédérale constituant la seule réserve à cet égard.

 

  • [196] En faisant référence au témoignage de J. Bennie, A. Raven a mentionné que les membres du Comité d’examen législatif ont été ultérieurement informés des changements requis dans le cadre de l’examen de programme et a indiqué que DRHC doit réduire ses coûts généraux. A. Raven a ajouté que ce qui préoccupait DRHC dans la proposition du Sous-comité d’examen législatif, c’était « la longueur et le nombre accrus des appels » et le « coût des examens effectués par le tribunal ». M. Bennie a témoigné que les représentants des syndicats s’opposaient à la proposition, parce qu’elle allait à l’encontre de leurs objectifs et qu’elle était incompatible avec les recommandations consensuelles du Sous-comité et, de façon plus générale, avec le processus établi pour le Comité.

 

  • [197] A. Raven a fait référence au témoignage de J. Bennie selon lequel David Head a présenté une version révisée des propositions faites par DRHC au Comité d’examen législatif. DRHC a réitéré sa préférence pour un processus d’examen à palier unique et a proposé que la fonction d’agent d’appel relève désormais du CCRT (ou du conseil qui lui a succédé).

 

  • [198] A. Raven s’est remémoré que J. Bennie a témoigné que les représentants syndicaux ont répliqué en présentant un document de principe proposant un mécanisme tripartite d’appel à palier unique sous l’égide du CCRT.

 

  • [199] A. Raven a noté le témoignage de J. Bennie selon lequel le projet de loi C‑12 a été adopté en troisième lecture le 31 mai 2000 et selon lequel le Congrès du travail du Canada a présenté un mémoire au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie appuyant l’adoption du projet de loi, mais recommandant que le Sénat remplace « CCRI » par « agent d’appel » dans les articles 145.(1) à 146.5 du Code, et que soit rétabli le régime à deux paliers par l’intégration d’un stade initial d’examen par l’ARS avant tout appel devant le CCRI.

 

  • [200] A. Raven a déclaré que d’après le témoignage de J. Bennie, ce sont lui-même et Hassan Yussuf, du Congrès du travail du Canada, qui ont soulevé des préoccupations au sujet de cette proposition devant le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales lors de sa discussion du projet de loi C-12, qui comprenait les propositions de modifications à la partie II du Code. J. Bennie a témoigné que Warren Edmondson, SMA du Programme du travail, a ultérieurement déclaré que les propositions redéfiniraient tout simplement le rôle de l’agent régional de sécurité actuel en le renommant « agent d’appel », mais qu’ils exerceraient la même fonction de nature quasi judiciaire. J. Bennie a noté que DRHC a partiellement rejeté le mécanisme d’appel à deux paliers parce qu’il ne conviendrait pas qu’un tribunal quasi judiciaire, le CCRI, révise le travail de l’agent d’appel, un autre tribunal quasi judiciaire.

 

  • [201] A. Raven a fait valoir que le mode de nomination et les conditions d’emploi des agents d’appel sont fonction de leur situation d’emploi. Tandis que certains agents d’appel sont des employés nommés pour une période indéterminée en vertu de la LEFP, d’autres sont des entrepreneurs indépendants, et certains sont des employés occasionnels nommés pour une période déterminée.

 

  • [202] A. Raven a fait observer que les agents d’appel nommés pour une période indéterminée sont des employés à temps plein de la fonction publique dont les nominations sont régies par la procédure énoncée dans la LEFP. A. Raven a cependant déclaré que les agents d’appel nommés pour une durée indéterminée sont exclus de l’unité de négociation des PM-06, ce qui signifie que leurs conditions d’emploi sont fixées par la politique du Conseil du Trésor suivant la prérogative de l’employeur, conformément au pouvoir que lui confère la Loi sur la gestion des finances publiques. A. Raven a conclu que les agents d’appel peuvent être mutés d’un poste à un autre par le directeur du Bureau d’appel ou par l’administrateur général en vertu de la partie 3 de la LEFP.

 

  • [203] A. Raven a en outre noté que les agents d’appel nommés pour une durée indéterminée ont accès à un mécanisme de règlement des griefs portant sur les différends qui découlent de leurs conditions d’emploi, comme le traitement qu’ils peuvent recevoir d’après leur façon de s’acquitter de leurs fonctions. Toutefois, A. Raven a souligné que les employés exclus doivent accepter le caractère définitif de la décision relative à leurs grief prise par le sous-ministre de RHDCC, car ils n’ont pas accès à un arbitre tiers indépendant devant la CRTFP. A. Raven a ajouté que l’article 236 de la LRTFP prévoit que les droits de recours par voie de grief remplacent tous ses droits d’action en justice. A. Raven a soutenu que dans ce régime, les droits de présenter un grief des agents d’appel nommés pour une durée indéterminée prennent fin avec la décision du sous-ministre, qui supervise également les agents de santé et sécurité dont les décisions doivent être révisées par les agents d’appel. A. Raven a déclaré que les appelantes font valoir que ces droits de recours restreints représentent des mesures de protection inadéquates des conditions d’emploi des agents d’appel nommés pour une durée indéterminée.

 

  • [204] A. Raven a souligné les éléments de preuve selon lesquels environ la moitié des agents d’appel du BCA sont employés à contrat pour une durée d’au plus un an. Les agents d’appel à contrat sont recrutés à même une liste de candidats élaborée conjointement par le directeur et le SMA du Programme du travail, sans évaluation de leurs qualifications par un jury de sélection. A. Raven a déclaré que rien ne garantit que les contrats seront renouvelés au cours des années ultérieures, car les décisions concernant les dépenses prévues dans le budget des dépenses B sont tributaires de l’approbation du SMA.

 

  • [205] A. Raven a rappelé que le directeur a témoigné qu’il ne renouvellerait pas le contrat d’un agent d’appel qui ne se conforme pas à la procédure du tribunal ou qui prend des décisions dénuées de logique ou qui ne respectent pas les principes de justice naturelle. A. Raven a déclaré qu’aucune preuve n’indiquait que les agents d’appel à contrat suivent une formation sur la procédure du tribunal ou les principes juridiques. A. Raven a souligné la preuve selon laquelle les agents d’appel à contrat ne sont pas invités à participer aux réunions au cours desquelles les agents d’appel nommés pour une durée indéterminée discutent de la procédure d’instruction et de l’impact des jugements récents de la Cour fédérale en raison de considérations financières. A. Raven a soutenu que l’exclusion des agents d’appel à contrat de la reconnaissance à titre d’employés du Conseil du Trésor leur bloque l’accès aux politiques et aux mécanismes qui s’offrent aux employés de la fonction publique nommés pour une période indéterminée, et qui jouent un rôle primordial leur assurant qu’ils sont traités équitablement du point de vue de leurs conditions d’emploi.

 

  • [206] A. Raven a en outre soutenu que les agents d’appel à contrat ne bénéficient pas d’une inamovibilité adéquate. A. Raven a soutenu que l’absence d’examen de leurs qualifications, le manque de formation et l’exclusion de réunions cruciales sur les politiques et procédures du BCA font en sorte que les agents d’appel à contrat sont vulnérables à des erreurs qui, en plus d’affecter les droits et les intérêts des parties qui comparaissent devant eux, pourraient marquer la fin de leur charge d’agents d’appel. A. Raven a ajouté qu’il n’existe manifestement pas d’accès à un règlement par une tierce partie de décisions de ne pas offrir un nouveau contrat à un agent d’appel à contrat.

 

  • [207] A. Raven a finalement prétendu que les agents d’appel ayant obtenu une nomination à un poste occasionnel ont une inamovibilité moindre que leurs collègues nommés à contrat. A. Raven a soutenu que d’après la preuve, un seul agent d’appel ayant obtenu une nomination à un poste occasionnel a bénéficié d’au moins sept nominations consécutives pour des périodes déterminées, d’une durée allant de huit jours à six mois, réparties sur une période de moins de trois ans. A. Raven a prétendu que l’on ne peut affirmer que les agents d’appel dont l’emploi est fonction de nominations consécutives d’une durée très variable, et parfois extrêmement courte, bénéficient de l’inamovibilité requise pour s’acquitter de leurs fonctions avec un degré d’indépendance adéquat.

 

  • [208] A. Raven a soutenu que bien que les tribunaux administratifs constitués exclusivement de fonctionnaires nommés pour une période indéterminée et ayant un accès complet aux protections accordées par la LEFP ainsi qu’à une procédure de grief ont été présumés bénéficier d’une inamovibilité suffisante pour garantir leur indépendance, telle n’est pas la réalité opérationnelle au Bureau canadien d’appel. A. Raven a souligné que seulement trois des sept agents d’appel profitent des protections et de la sécurité accordées aux employés pour une période indéterminée, tandis que les quatre autres agents d’appel ont des restreintes et des périodes d’emploi qui peuvent être très courtes. En outre, les fonds pour les postes d’agents d’appel à contrat et occasionnels ne sont pas sous le contrôle du directeur et sont tributaires de l’approbation du SMA sur une base annuelle.

 

  • [209] A. Raven a déclaré que, compte tenu de l’ensemble de la preuve, les appelantes font valoir que la réalité opérationnelle du Bureau canadien d’appel est que les agents d’appel ne bénéficient pas du degré d’inamovibilité nécessaire pour un tribunal pour lequel un niveau d’indépendance élevé est requis.

 

  • [210] A. Raven a soutenu que les membres du tribunal doivent également avoir une sécurité de rémunération. A. Raven a fait valoir que les conditions d’emploi devraient être établies par la loi et non être sujettes à une ingérence arbitraire qui pourrait affecter leur indépendance. A. Raven a fait observer que toutes les conditions d’emploi des agents d’appel exclus, y compris les taux de rémunération et les autres avantages, sont établies par le Conseil du Trésor, et donc ne relèvent pas du Bureau canadien d’appel.

 

  • [211] A. Raven a mentionné le témoignage de P. Lemay, selon lequel les conditions d’emploi des employés de la fonction publique qui sont exclus relèvent de la prérogative du Conseil du Trésor, à titre d’employeur, conformément au pouvoir qui lui est conféré par les articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. A. Raven a soutenu qu’il est clair que le Conseil du Trésor, à titre d’employeur des agents d’appel exclus, conserve le pouvoir discrétionnaire de modifier leurs conditions d’emploi. A. Raven prétendait que le fait qu’il soit peu probable que le Conseil du Trésor le fasse n’apaise pas les préoccupations en matière d’indépendance institutionnelle auxquelles cette entente donne lieu. A. Raven a cité le juge en chef Lamer qui écrivait, dans Matsqui, supra :

 

[…] L'indépendance institutionnelle vise à faire en sorte qu'un tribunal soit doté d'une structure juridique qui permette que ses membres soient, dans une mesure raisonnable, indépendants des personnes auxquelles ils doivent leur nomination. Or, mon collègue le juge Sopinka semble estimer que les bandes appelantes peuvent exercer d'une manière qui comble les lacunes fondamentales des règlements administratifs le pouvoir discrétionnaire que ces règlements leur confèrent relativement aux questions financières et à la durée des fonctions. Avec égards, il est toujours possible d'exercer un pouvoir discrétionnaire d'une manière conforme à la justice naturelle. Le problème réside dans le pouvoir discrétionnaire lui‑même, puisque la raison d'être de la doctrine de l'indépendance institutionnelle consiste précisément à faire en sorte que la question de l'indépendance d'un tribunal ne soit pas laissée au pouvoir discrétionnaire de ceux qui en nomment les membres. […] L'indépendance institutionnelle et le pouvoir discrétionnaire de prévoir cette indépendance (ou de ne pas la prévoir) sont deux choses bien distinctes. L'indépendance qui repose sur un pouvoir discrétionnaire n'est qu'illusoire.

 

  • [212] A. Raven a déclaré que, compte tenu de la prérogative et du pouvoir discrétionnaire du Conseil du Trésor en ce qui concerne les conditions d’emploi des agents d’appel exclus, les appelantes soutiennent que les agents d’appel exclus n’ont pas la sécurité de rémunération exigée en vertu du deuxième critère de l’arrêt Valente, supra. A. Raven a soutenu que c’est particulièrement le cas étant donné que les agents d’appel qui possèdent un droit de déposer des griefs en vertu de la LRTFP ne peuvent soumettre leurs griefs à la Commission des relations de travail dans la fonction publique et doivent accepter la décision de l’administrateur général du ministère comme finale et exécutoire. A. Raven a ajouté que l’application de l’article 236 de la LRTFP ne donne pas non plus accès aux tribunaux à des fins de recours dans ce domaine.

 

  • [213] A. Raven a fait valoir que, pour les mêmes motifs qui sous-tendent la nécessité de la sécurité de la rémunération, les finances du Bureau d’appel en tant qu’institution doivent être assez indépendantes de l’influence gouvernementale pour que les exigences et les limites du budget n’affectent pas la façon dont le tribunal dirige ses instances ou rend ses décisions.

 

  • [214] A. Raven a mentionné que le directeur du Bureau d’appel relève du SMA, Programme du travail, et travaille sous son étroite supervision, pour toute une gamme de questions, de la production de rapports annuels et de propositions budgétaires aux rapports statistiques mensuels et aux demandes de congé personnel. A. Raven a également mentionné que P. Rousseau a témoigné qu’il se considère comme un « paravent » entre le SMA et les agents d’appel. A. Raven s’est dit inquiet du fait que P. Rousseau fait rapport aux agents d’appel de ce dont on discute à pratiquement toutes les réunions qu’il a avec le SMA. A. Raven a soutenu que la nature et la portée de l’information transmise entre le SMA et les agents d’appel par l’intermédiaire du directeur demeurent floues parce qu’aucun compte-rendu de ces réunions n’est préparé.

 

  • [215] A. Raven a déclaré que, compte tenu de ces rapports hiérarchiques exhaustifs entre le directeur et le SMA et du rôle manifeste de M. Rousseau comme agent de transmission des renseignements aux agents d’appel ou provenant de ceux-ci, les appelantes font valoir que la réalité opérationnelle révèle que les exigences de l’indépendance administrative ne sont pas respectées en ce qui a trait aux opérations du Bureau d’appel.

 

  • [216] A. Raven a fait remarquer que le directeur possède le pouvoir de combler des vacances de postes existants au BCA, mais que la création et la dotation de nouveaux postes nécessitent l’approbation du SMA. A. Raven a soutenu qu’il est clair, dans ce domaine, que le BCA ne conserve ni n’exerce de contrôle sur sa propre administration. A. Raven a rappelé que le directeur a témoigné qu’il doit présenter une demande formelle au SMA pour obtenir du personnel additionnel s’il croit que la charge de travail du BCA nécessite la création d’un nouveau poste à durée indéterminée. A. Raven a soutenu que le directeur a relevé de nombreux cas pour lesquels ses demandes de dotation au BCA ne se sont pas concrétisées ou ont fait l’objet de modifications ou de réductions considérables de la part du SMA, dont : de vains efforts pour faire exclure un poste d’agent d’appel de l’unité de négociation, le financement de postes additionnels d’agents d’appel à contrat, et la classification du nouveau poste de conseiller technique. A. Raven a fait remarquer que le directeur doit faire rapport de la situation au SMA et attendre son approbation en vue de la création d’un nouveau poste et du financement pour doter le poste même lorsque le Bureau d’appel est en sous-dotation au point où il parvient tout juste à inscrire les appels reçus.

 

  • [217] A. Raven a fait valoir que le Bureau d’appel n’exerce pas de contrôle sur les décisions administratives qui ont une incidence directe et immédiate sur l’exercice de ses fonctions décisionnelles.

 

  • [218] A. Raven a soutenu que le directeur n’a qu’un pouvoir partiel sur le budget du Bureau d’appel, y compris le financement du recrutement d’agents d’appel à contrat. A. Raven prétendait que malgré le témoignage de M. Rousseau selon lequel le SMA autorise généralement ses propositions, le directeur a relevé plusieurs cas de propositions importantes ayant été rejetées ou considérablement réduites. A. Raven a fait remarquer la preuve selon laquelle le SMA a récemment réduit de moitié le budget du directeur consacré aux agents d’appel à contrat. A. Raven a également fait remarquer qu’il est établi que la formation des agents d’appel a dû être retardée pour des motifs de compressions budgétaires.

 

  • [219] A. Raven a soutenu qu’il est également significatif que le budget du Bureau canadien d’appel ne soit traité que comme celui d’un autre « groupe » au sein du Programme du travail. A. Raven a fait remarquer l’existence d’éléments de preuve selon lesquelles les données financières concernant l’administration du Bureau d’appel sont partagées dans l’ensemble du Programme du travail et selon lesquelles les finances des autres sections ont des répercussions directes sur les décisions en matière de budget. A. Raven a fait valoir que cela établit que le financement du BCA n’est pas établi indépendamment de celui des autres secteurs du Programme du travail.

 

  • [220] A. Raven a fait référence au témoignage du directeur, qui a déclaré que [traduction] « [a]ctuellement, nous ne respectons pas la règle relative à l’apparence de partialité et à titre de tribunal administratif, nous devons nous assurer que nous faisons tout ce qui est nécessaire pour observer cette règle. » A. Raven soutenait que la preuve indique que le SMA a demandé la relocalisation de DRHC et que le personnel de DRHC a ensuite dû attendre son approbation avant de déménager. A. Raven a fait valoir que cette situation illustre l’incapacité du Bureau d’appel de fonctionner indépendamment de l’exécutif du gouvernement soit, dans le présent cas, DRHC.

 

  • [221] A. Raven a prétendu que compte tenu de ces restrictions, le BCA n’est indépendant ni du point de vue de la structure ni du point de vue des opérations par rapport au Programme du travail de RHDCC dans l’exercice de ses fonctions d’arbitre. A. Raven a en outre soutenu que compte tenu de ce qui précède, le Bureau canadien d’appel ne satisfait pas aux exigences de l’indépendance institutionnelle énoncées dans l’arrêt Valente, supra, notamment à la lumière de la norme élevée d’indépendance exigée par la nature du tribunal et par la nature des intérêts en jeu.

 

  • [222] A. Raven a déclaré que les tribunaux judiciaires ont statué que la preuve de la pratique d’un tribunal constitue l’un des facteurs à prendre en compte pour déterminer si l’on est en présence du degré d’indépendance nécessaire pour éviter la crainte raisonnable de partialité. A. Raven a soutenu que des preuves importantes qui remettent en question l’indépendance et l’impartialité ont été présentées au cours du présent appel et que celles-ci ont donné lieu à une crainte de partialité véritable.

 

  • [223] A. Raven a déclaré que le présent appel était initialement assigné à l’agent d’appel Richard Lafrance. A. Raven a fait remarquer l’existence de la preuve selon laquelle, malgré le fait que M. Lafrance a signé récemment le Code de déontologie des agents d’appel qui prévoit expressément que les agents d’appel doivent refuser d’instruire une affaire s’ils sont en présence d’un conflit d’intérêts réel ou possible, M. Lafrance ne s’est pas récusé ni n’a informé les parties de sa participation antérieure à l’équipe de révision du Code de DRHC qui s’est occupée des révisions de la partie II du Code sur le mécanisme d’appel, et ce même après avoir entendu une journée complète de témoignages sur cette question.

 

  • [224] A. Raven a également constaté dans la preuve que P. Rousseau a témoigné ultérieurement qu’il était au courant de la participation de M. Lafrance à l’équipe de révision du Code lorsqu’il a été affecté à l’affaire. A. Raven a fait remarquer le témoignage de P. Rousseau selon lequel la participation antérieure de M. Lafrance n’a pas fait naître de crainte raisonnable de partialité, même si son défaut d’informer les parties de sa participation antérieure était incompatible avec le Code de déontologie et même s’il était inapproprié qu’il instruise l’appel.

 

  • [225] A. Raven a mentionné la preuve établissant que R. Lafrance a ultérieurement observé en train d’étudier un ensemble de notes avocat-client ayant été laissées sur la table d’un avocat à la fin de la première journée d’instruction. A. Raven a déclaré que, lorsque les parties ont soulevé la question et ont demandé que M. Lafrance se récuse, il a d’abord soutenu qu’il n’était pas nécessaire de le faire, car il n’avait que nettoyé la salle d’audience.

 

  • [226] A. Raven a constaté que P. Rousseau a réagi à ces événements en conseillant aux agents d’appel de ne pas se préoccuper du nettoyage des salles d’audience. En faisant référence au témoignage de P. Rousseau, A. Raven a dit qu’il estimait que l’incident constituait un « coup bas » et que les avocats des appelantes avaient « planifier d’écarter M. Lafrance ». A. Raven a ajouté que P. Rousseau a déclaré : [traduction] « si vous désirez jouer le jeu de cette façon, nous ferons de même ».

 

  • [227] A. Raven a soutenu que c’est la raison pour laquelle le directeur a demandé la qualité d’intervenant dans la présente audience, même s’il a reconnu que le fait de comparaître à titre de partie devant l’un de ses subalternes pourrait placer l’agent d’appel dans une position très délicate.

 

  • [228] A. Raven a fait valoir que la Cour suprême du Canada a statué dans l’arrêtSCFP, supra, au paragraphe 189, que « l’exigence d’indépendance […] vise à établir un écran de protection favorisant la prise de décisions impartiales. »A. Raven a fait valoir que les exemples qui précèdent du comportement du BCA sont révélateurs d’un parti pris et d’un manque d’impartialité découlant de l’absence de garanties adéquates d’indépendance institutionnelle. A. Raven a soutenu que, dans les cas où les tribunaux administratifs prennent des décisions de nature quasi judiciaire au sujet des droits fondamentaux individuels en l’absence des garanties requises de l’indépendance institutionnelle, dont l’inamovibilité, la sécurité de la rémunération et l’indépendance financière, ainsi que de l’indépendance administrative, ils deviennent vulnérables au parti pris et à la partialité.

 

  • [229] A. Raven a fait valoir que, même sur la base d’une norme de décision manifestement déraisonnable, la Cour fédérale a souvent jugé opportun d’intervenir dans des décisions du Bureau canadien d’appel en matière de contrôle judiciaire. A. Raven a fait observer que la Cour fédérale a relevé de graves erreurs commises par des agents d’appel, à savoir : invoquer des dispositions non pertinentes pour déplacer à tort le fardeau de la preuve; tirer des conclusions de fait sans tenir compte de la preuve; omettre de tenir compte de la preuve pertinente; et ne pas donner aux parties l’occasion de présenter leurs arguments.

 

  • [230] A. Raven a noté la preuve selon laquelle malgré le sérieux des conclusions de la Cour fédérale, le directeur a eu pour pratique de recommander au ministre de désigner des personnes qui sont qualifiées dans les domaines de la santé et de la sécurité, mais qui ne possèdent ni la formation ni l’expérience juridiques décrites comme des activités clés dans leur description de travail. A. Raven a fait valoir que la preuve établit clairement que le directeur ne s’est pas efforcé d’obtenir des conseils juridiques sur les répercussions juridiques de ces décisions, de donner de la formation aux agents d’appel, ou de s’assurer qu’ils avaient accès à de l’aide de spécialistes sur des questions de droit. De fait, la création du Bureau d’appel national était elle-même le produit d’une incompréhension de la procédure devant la Cour fédérale.

 

  • [231] A. Raven prétendait que sans normes adéquates d’indépendance institutionnelle, et compte tenu de la structure et de la pratique du BCA telle qu’elle est considérée dans la preuve, les parties qui se présentent devant le Bureau d’appel ne peuvent avoir confiance ni dans le processus ni dans le résultat de leurs appels en matière de santé et de sécurité. De fait, les exemples cités précédemment appuient le point de vue selon lequel les parties qui comparaissent devant le Bureau d’appel sont susceptibles d’avoir une crainte raisonnable de partialité, car leurs droits à l’équité procédurale et à la justice naturelle peuvent être niés en raison des problèmes structurels et opérationnels du Bureau canadien d’appel.

 

  • [232] A. Raven a fait valoir que l’appelante, Mme Bartakovic, et ses collègues de travail ont le droit d’avoir confiance que leurs appels en matière de santé et de sécurité seront tranchés d’une manière qui soit conforme aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. A. Raven a fait valoir qu’en raison de la nature des intérêts en jeu, le mécanisme d’appel prévu par la partie II du Code canadien du travail doit satisfaire à une norme élevée d’indépendance institutionnelle. Par conséquent, le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail doit afficher un degré élevé d’inamovibilité, de sécurité financière et d’indépendance administrative dans sa réalité opérationnelle.

 

  • [233] A. Raven a soutenu qu’aucun membre du public qui connaît la preuve soumise dans le cadre de la présente audience croirait que le mécanisme d’appel, tel qu’il est appliqué par le Bureau canadien d’appel, est assez indépendant du gouvernement pour garantir que les droits de l’appelante seront entendus de façon équitable et indépendante.

 

  • [234] A. Raven a déclaré que pour les motifs qui précèdent, les appelantes demandent respectueusement que cette audience prenne fin jusqu’à ce que les garanties fondamentales d’indépendance institutionnelle du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail qui sont exigées soient mises en place.

 

ARGUMENT DE L’INTIMÉ

 

  • [235] R. Fader a soutenu que l’article 145.1 du Code canadien du travail (le Code) (L.R.C), 1985, ch. L-2, tel qu’il a été modifié) confère au ministre du Travail le vaste pouvoir discrétionnaire de désigner des personnes comme agents d’appel. Il a prétendu que ce pouvoir conféré a préséance sur les principes de common law qui exigent l’indépendance institutionnelle par rapport à l’exécutif. R. Fader prétendait qu’à la lumière de l’orientation claire adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique [2001] CSC 52 [15] , aux par. 20-22, la volonté du Parlement a préséance sur la common law et que par conséquent, la position des appelantes au sujet de l’indépendance institutionnelle est sans fondement.

 

  • [236] R. Fader a également soutenu que si l’intention du législateur devait ne pas prévaloir, l’argument des appelantes voulant que le degré d’indépendance institutionnelle requis d’un agent d’appel est celui de l’indépendance judiciaire ne tient pas compte de l’évolution du droit dans ce domaine.

 

  • [237] R. Fader a mentionné l’ouvrage de David Jones et Anne de Villars intitulé Principles of Administrative Law, 4e éd. (Toronto: 2004 Carswell), à la p. 400, et a constaté que les auteurs ont déclaré [traduction] « ce type de raisonnement constitue un autre exemple de l’écart de la Cour suprême du Canada par rapport au point de vue constaté dans Régie des permis d’alcool [16] selon lequel dans les affaires de partialité institutionnelle, il suffit de soulever la simple possibilité qu’une crainte raisonnable de partialité puisse être démontrée dans un nombre considérable d’affaires. » R. Fader a également mentionné la déclaration suivante des auteurs : « […] les tribunaux judiciaires sont plus hésitants à connaître d’arguments de partialité institutionnelle qui sont excessivement abstraits qu’ils ne l’auraient été il y a quelques années. »

 

  • [238] R. Fader a soutenu que dans Sam Lévy & Associés Inc. c. Canada [2006] C.A.F. 2005 [17] , la Cour fédérale a récemment statué sur les principes d’indépendance institutionnelle et d’impartialité dans une affaire portant sur des décisions rendues par des agents d’examen des risques avant renvoi en vertu de la Loi sur l’immigration. R. Fader a constaté que l’affaire traitait des circonstances dans lesquelles les principes de la Charte trouvaient application et dans lesquelles la « fonction d’arbitrage » a été exercée par des fonctionnaires au sein d’un ministère.

 

  • [239] R. Fader a fait valoir que dans Lévy, supra, la Cour fédérale a confirmé que même dans les cas dans lesquels la Charte trouve application, l’indépendance et l’impartialité ne devraient pas être considérées en se fondant sur l’opinion d’une personne « de nature scrupuleuse ou tatillonne», mais la norme de la «crainte raisonnable de partialité» ou la perception selon laquelle le manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité doivent être « substantielles ».

 

  • [240] R. Fader a souligné qu’en décidant qu’il y avait absence d’indépendance institutionnelle, le juge Gibson a rejeté la preuve « empirique » présentée par le demandeur. Il s’est concentré sur le fonctionnement du Bureau des agents d’examen des risques avant renvoi et était convaincu qu’un système en place au sein de ce bureau offrait les paravents nécessaires entre les personnes chargées de la fonction d’arbitrage et celles dont les fonctions étaient directement liées à l’exécution de la loi et au renvoi.

 

  • [241] R. Fader soutenait que peu importe le degré d’indépendance institutionnelle appliqué, il est clair que la structure du Bureau de l’agent d’appel garantit un degré élevé d’indépendance institutionnelle par rapport à l’exécutif et un degré élevé d’impartialité institutionnelle.

 

  • [242] R. Fader soutenait en outre qu’il est bien établi dans Régie, supra, que l’indépendance institutionnelle et l’impartialité sont des composantes des règles d’ équité procédurale de la common law.

 

  • [243] R. Fader a constaté que les appelantes ont soulevé un certain nombre d’arguments de nature constitutionnelle, mais a prétendu que la common law est le point de départ de l’analyse.

 

  • [244] R. Fader a déclaré que les règles d’équité procédurale auxquelles nous nous intéressons en l’espèce sont l’indépendance institutionnelle et l’impartialité. R. Fader a fait référence à Ocean Port, supra, aux par. 20-22 et a soutenu que comme dans le cas de toutes les règles de common law, les règles d’équité procédurale s’appliquent sous réserve de la loi.

 

  • [245] R. Fader a déclaré que la common law est du droit jurisprudentiel ou du droit qui tire son autorité de décisions judiciaires plutôt que de textes législatifs.

 

  • [246] Faisant référence à Ocean Port, supra, M. Fader a fait valoir que corollairement à la suprématie du Parlement, la common law doit céder le pas à une orientation législative claire. R. Fader a soutenu que la Cour suprême a établi dans le par. 20 de Ocean Port, supra, qu’il appartient au Parlement de déterminer la nature de la relation du tribunal avec l’exécutif (c.-à-d. le degré d’indépendance institutionnelle):

 

(20) Cette conclusion est, à mon avis, inéluctable. Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de contraintes constitutionnelles, le degré d’indépendance requis d’un décideur ou d’un tribunal administratif est déterminé par sa loi habilitante. C’est la législature ou le Parlement qui détermine le degré d’indépendance requis des membres d’un tribunal administratif.

 

  • [247] R. Fader a soutenu que la loi a préséance sur la common law dans la mesure où elle prévoit la relation entre le décideur administratif et l’exécutif.R. Fader a déclaré que les principes de common law s’appliquent lorsque la loi est silencieuse.

 

  • [248] R. Fader prétendait qu’il importe de noter que le Code n’est pas silencieux au sujet du degré d’indépendance institutionnelle requis des agents d’appel. R. Fader a soutenu que le législateur s’est remémoré cette question et a conféré au ministre du Travail le vaste pouvoir discrétionnaire de désigner des agents d’appel. Il souligne que l’article 122 du Code définit comme suit l’« agent d’appel » :

 

« agent d’appel » Personne désignée à ce titre en vertu de l’article 145.1.

 

  • [249] R. Fader a mentionné que l’article 145.1 du Code confère au ministre du Travail le vaste pouvoir discrétionnaire de désigner des agents d’appel. L’article 145.1 est ainsi rédigé :

 

145.1 (1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie.

 

  • [250] R. Fader a souligné que la loi permet de désigner toute personne qui est qualifiée et a prétendu qu’il importe que le législateur ait utilisé le mot « désigner » plutôt que « nommer ».

 

  • [251] R. Fader prétendait que compte tenu de l’historique législatif, l’intention du législateur est claire. Il a soutenu qu’il entendait avoir recours à des employés du ministère, qui seraient déjà nommés comme fonctionnaires en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »).

 

  • [252] R. Fader a noté que la Cour suprême du Canada a donné son aval au recours à l’historique législatif pour interpréter les dispositions législatives dans Castillo c. Castillo [2005] CSC 83 [18] aux par. 22-25, et plus précisément dans SCFP au par. 54, arrêt dans lequel il est déclaré que « [l]’historique d’une loi, y compris des extraits du dossier législatif, est admissible en preuve en raison de sa pertinence quant au contexte et à l’objet de cette loi. »

 

  • [253] R. Fader a fait valoir que la Cour a également établi que « des débats parlementaires et d’autres documents semblables » sont la source privilégiée de cet historique.

 

  • [254] R. Fader a fait valoir que l’ensemble du témoignage de Jeff Bennie portait surtout sur la période entre 1993 et 1997. R. Fader a cependant noté qu’alors que M. Bennie témoignait, le projet de loi C-97 est mort au Feuilleton en 1998, année au cours de laquelle des élections ont été convoquées. R. Fader a soutenu que le témoignage de M. Bennie comportait peu de preuves de ce qui s’est passé après les élections outre le fait qu’il y avait un nouveau ministre du Travail.

 

  • [255] R. Fader a soutenu que la meilleure preuve de l’intention du législateur en ce qui touche l’article 145.1 du Code réside dans les audiences du comité qui ont mené aux modifications apportées en l’an 2000.

 

  • [256] R. Fader a fait référence à la pièce 1, onglet 22, à la page 11 et a souligné le fait que lors de la réunion du Comité permanent tenue le 11 mai 2000, Warren Edmondson (SMA, Travail), s’exprimant au nom du ministre au sujet des propositions de modifications au Code, a indiqué que les agents d’appel sont des fonctionnaires et sont nommés en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. R. Fader a fait référence à la pièce 1, onglet 22, à la page 13 et a mentionné que M. Edmondson a indiqué que la fonction demeurerait au ministère.

 

  • [257] R. Fader a fait mention de la pièce 1, onglet 23, à la page 20 et a déclaré qu’il est clair que tout au long du processus législatif, l’intention du législateur était que les agents d’appel soient des employés du ministère.R. Fader a renvoyé à la pièce 1, onglet 24, à la p. 2, au par. 2 et a déclaré que cet argument est confirmé dans la correspondance envoyée par le Congrès du travail du Canada au Comité sénatorial permanent, dans laquelle il se plaignait que le gouvernement a rejeté cette procédure en faveur d’un appel unique devant un agent d’appel de DRHC.

 

  • [258] R. Fader a soutenu que l’intention du législateur est claire; les agents d’appel devaient être des employés du ministère qui s’acquittent de la fonction d’arbitrage qui leur est attribuée en vertu de la partie II du Code.

 

  • [259] R. Fader a en outre fait valoir que l’utilisation du mot « désigner » à l’article 145.1 du Code est conforme à l’objectif du législateur qui consiste à permettre au ministre de choisir dans le groupe des candidats ceux qui sont les plus qualifiés et expérimentés, soit les employés de RHDCC, qui sont déjà nommés en vertu de la LEFP.

 

  • [260] R. Fader a déclaré que le Code ne crée pas de tribunal d’employeur distinct. Il a ajouté que si tel était le cas, la loi prévoirait une telle entité comme elle l’a fait, par exemple, pour la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. R. Fader a prétendu que le législateur n’entendait manifestement pas créer ce type de tribunal d’employeur distinct comme le disent les appelantes.

 

  • [261] R. Fader prétendait que cette affaire est quasi identique à la décision de la Cour suprême du Canada dans SCFP, supra. Il s’agit d’une affaire dans laquelle le syndicat contestait la nomination par le ministre du Travail de l’Ontario de juges à la retraite comme arbitres en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux (LACTH).

 

  • [262] R. Fader a souligné qu’il est intéressant de constater que le libellé du paragraphe 6(5) de cette loi est presque identique à celui de l’article 145.1 du Code.

 

  • [263] R. Fader a en outre souligné que la Cour suprême a mentionné : « Le ministre était tenu, en droit, d’exercer son pouvoir de désignation d’une manière conforme aux fins et aux objets de la loi qui lui conférait ce pouvoir. » [19]

 

  • [264] R. Fader a déclaré que la Cour suprême, en réponse à l’argument du syndicat selon lequel les juges à la retraite ne présentaient pas la preuve traditionnelle de l’indépendance judiciaire : « Cependant, comme je l’expliquais plus haut, la Cour ne peut pas substituer un autre tribunal administratif à celui conçu par le législateur » [20] . R. Fader prétendait que la Cour suprême a encore une fois indiqué que c’est l’intention du législateur qui prévaut.

 

  • [265] R. Fader a fait valoir que ce qui importe du point de vue de la présente affaire, c’est le libellé qui confère au ministre du Travail de l’Ontario un vaste pouvoir discrétionnaire dans SCFP est presque le même que le libellé de l’article 145.1 du Code.

 

  • [266] R. Fader a soutenu que si l’on se dissocie des prétentions constitutionnelles des appelantes, nous sommes liés par l’intention du législateur très claire dans l’article 145.1 du Code, qui permet au ministre du Travail de désigner des agents d’appel qui sont des employés du ministère.

 

  • [267] R. Fader a conclu que l’article 145.1 du Code, comme le paragraphe 6(5) de la Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux, permet de désigner des décideurs au gré du ministre. Il a également conclu que compte tenu de l’historique législatif, l’intention claire était que l’on continue à avoir recours à des employés du ministère pour accomplir les fonctions d’arbitrage aux termes de la partie II du Code.

 

  • [268] R. Fader a fait valoir qu’il n’est pas loisible aux appelantes, en invoquant un argument d’équité procédurale, de remplacer le tribunal administratif par les décideurs prévus par la loi adoptée par le législateur. Il a soutenu que l’intention du législateur est claire, que ce que les appelantes font valoir est incompatible avec cette intention et que par conséquent, cette motion préliminaire devrait être rejetée.

 

  • [269] Subsidiairement, R. Fader a fait valoir que la première question à traiter dans l’analyse de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés est celle de savoir si les dispositions de l’article 7 trouvent application.

 

  • [270] R. Fader a mentionné que l’article 7 de la Charte est ainsi rédigé :

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

  • [271] R. Fader a fait mention du paragraphe 26 dans Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba [21] , [1991] 2 R.C.S. 869, selon lequel :

 

26. Il convient tout d'abord de rappeler la méthode appropriée pour analyser une disposition législative qui, affirme‑t‑on, viole l'art. 7 de la Charte. Le juge La Forest a dit dans l'arrêt R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, à la p. 401:

 

L'analyse de l'art. 7 de la Charte se fait en deux temps. Pour que l'article puisse entrer en jeu, il faut constater d'abord qu'il a été porté atteinte au droit "à la vie, à la liberté et à la sécurité [d'une] personne" et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale [22] .

 

  • [272] R. Fader a fait valoir que la Cour suprême du Canada, dans Ocean Port, a créé une présomption contre l’application de la Charte aux décisions de décideurs administratifs :

 

Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la Charte relatives à l’indépendance, ce n’est généralement pas le cas. Ainsi le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif donné est fonction de l’intention du législateur et, en l’absence de contraintes constitutionnelles, il convient de respecter ce choix [23] .

 

  • [273] R. Fader a soutenu qu’il est également bien établi que la Charte ne garantit pas les droits de propriété ou un droit à l’emploi [24] .

 

  • [274] R. Fader a prétendu qu’en corollaire, la Charte ne trouve pas application dans les cas où l’intérêt fondamental en jeu est celui de l’emploi.

 

  • [275] R. Fader a soutenu que contrairement aux véritables causes sur l’article 7, un employé exerce le contrôle ultime sur son choix de demeurer au service d’un employeur. C’est ce choix qui distingue l’argument des appelantes d’affaires de droit criminel ou d’immigration. Dans ces derniers cas, les parties touchées n’ont pas le libre choix de se soustraire au prétendu préjudice [25] .

 

  • [276] R. Fader a prétendu que bien que les employés profitent des protections étendues qui sont consenties par la législation sur la santé et la sécurité au travail, le droit de conserver son emploi n’est pas visé par les protections de l’article 7 de la Charte [26] .

 

  • [277] R. Fader a également fait valoir que si l’article 7 trouve application, il n’a pas pour effet d’élever le degré d’indépendance institutionnelle à celui de l’indépendance judiciaire [27] .

 

  • [278] R. Fader a prétendu que l’analyse de l’indépendance institutionnelle continue d’être appliquée avec souplesse aux décideurs administratifs même lorsque la Charte s’applique [28] .

 

  • [279] R. Fader a souligné que comme l’indiquait récemment la Cour fédérale, et comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale, si l’article 7 trouvait application et si la question de l’indépendance institutionnelle était soumise à la Cour :

 

[…] J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada [29] .

 

  • [280] R. Fader a prétendu qu’il est également bien établi [30] que même dans les cas dans lesquels l’article 7 de la Charte trouve application, les tribunaux judiciaires ne se pencheront pas exclusivement sur les critères de l’indépendance judiciaire (Valente, supra, note 7)), mais examineront également la « réalité opérationnelle » du décideur administratif et auront besoin d’éléments de preuve « substantiels » indiquant une absence d’indépendance institutionnelle et d’impartialité.

 

  • [281] R. Fader a fait valoir qu’en termes simples, l’article 7 de la Charte n’étaye pas la proposition avancée par les appelantes. Quoi qu’il en soit, même si l’article 7 s’applique et si l’on conclut qu’il y a eu violation de la justice fondamentale, l’intimé soutient que l’article 145.1 qui confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire constitue une limite raisonnable prescrite par la loi au sens de l’article premier de la Charte [31] .

 

  • [282] R. Fader a admis que la Déclaration des droits [32] , à titre de loi fédérale, s’applique à la présente analyse de l’indépendance institutionnelle [33] .

 

  • [283] R. Fader a soutenu que la question qui se pose est la suivante : quel est l’impact de l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits? R. Fader a prétendu qu’en garantissant le droit à la « justice fondamentale », l’alinéa 2e) n’empêche pas le législateur de déterminer le lien entre un décideur législatif et l’exécutif.

 

  • [284] R. Fader a fait mention de l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits, qui est ainsi rédigé :

 

2. Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme

 

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

 

  • [285] R. Fader a souligné que malgré le fait qu’elle ait été adoptée en 1960, la Déclaration des droits a fait l’objet de très peu de jurisprudence. Il a prétendu qu’il ressort d’une interprétation franche de la Déclaration des droits qu’elle n’entendait pas faire ce qu’avancent les appelantes. Il existe un principe de base dans le domaine de l’interprétation législative selon lequel des termes différents d’une loi doivent se voir attribuer un sens différent.

 

  • [286] R. Fader a avancé qu’en adoptant la Déclaration des droits, le législateur aurait eu recours au même libellé dans les alinéas 2e) et 2f) s’il avait eu l’intention de se limiter en ce qui a trait à la structure et au lien de tous les tribunaux administratifs au regard de l’analyse de l’indépendance institutionnelle et de l’impartialité. L’alinéa 2f) est ainsi rédigé :

 

f) privant une personne accusée d’un acte criminel du droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie en conformité de la loi, après une audition impartiale et publique de sa cause par un tribunal indépendant et non préjugé, ou la privant sans juste cause du droit à un cautionnement raisonnable;

  • [287] R. Fader a conclu qu’en vertu de l’alinéa 2f), quiconque est accusé d’une infraction doit pouvoir bénéficier d’un tribunal indépendant et impartial.

 

  • [288] R. Fader a souligné que le libellé n’est pas le même dans le cas des décisions administratives qui ne comportent pas de mise en accusation à la suite d’une infraction criminelle.

 

  • [289] R. Fader a soutenu que l’intention manifeste qui est énoncée à l’alinéa 2e) consistait à donner aux personnes les protections accordées par la justice fondamentale, mais à accorder au législateur la souplesse de déterminer la structure et le lien de ces décideurs administratifs avec l’exécutif.

 

  • [290] R. Fader a souligné que l’arrêt Régie, supra, qu’invoquent les appelantes, se fonde sur l’article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. R. Fader a soutenu que l’article 23 ne ressemble pas à l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits, mais reflète plutôt l’alinéa 2f).

 

  • [291] R. Fader a fait valoir que la Cour suprême du Canada, dans ses observations récentes sur l’article 23 dans Ocean Port, supra, critique cette analyse. La Cour a noté :

 

Sur ce point, la Cour d’appel semble s’être estimée liée par les normes d’indépendance exposées dans Régie, sans tenir compte du fait que les exigences d’indépendance dans Régie résultaient de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, une loi à caractère quasi constitutionnel. L’article 23 de la Charte québécoise consacre le droit de toute personne, « en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé » […]. Aucune garantie d’indépendance équivalente ne limite l’action de la législature de la Colombie-Britannique [34] .

 

  • [292] R. Fader a soutenu que, de même, il n’existe pas dans l’alinéa 2e) de garantie équivalente d’indépendance qui limite le législateur. Une telle limite s’applique seulement aux affaires dans lesquelles une personne est accusée d’une infraction criminelle.

 

  • [293] R. Fader a fait valoir que si l’intention avait été de contraindre le législateur à offrir un tribunal indépendant et impartial pour toutes les questions visées par l’alinéa 2e), la Déclaration aurait utilisé un libellé identique à celui de l’alinéa 2f). R. Fader a conclu que comme ce n’était pas le cas, la Déclaration permet au législateur de structurer le lien entre le décideur et l’exécutif tout en garantissant les autres protections accordées par la garantie de justice naturelle.

 

  • [294] R. Fader a soutenu qu’en conséquence, la Déclaration des droits ne modifie pas le principe établi dans Ocean Port, supra, et que la motion des appelantes devrait être rejetée en raison du vaste pouvoir discrétionnaire accordé au ministre du Travail dans l’article 145.1 du Code.

 

  • [295] R. Fader a fait valoir, subsidiairement, que si l’alinéa 2e) supplante le principe exposé dans Ocean Port, supra, il n’a pas pour impact d’élever le degré d’indépendance institutionnelle requis à celui de l’indépendance judiciaire [35] .

 

  • [296] R. Fader a prétendu que l’analyse de l’indépendance institutionnelle continue d’être appliquée avec souplesse aux décideurs administratifs même dans les cas où les dispositions constitutionnelles (ou quasi constitutionnelles) trouvent application [36] .

 

  • [297] R. Fader a souligné que comme l’a indiqué récemment la Cour fédérale et comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale dans Say [37] , si les protections de l’article 7 de la Charte trouvaient application et si la question de l’indépendance institutionnelle était soumise à la Cour :

 

[…] J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada [38] .

 

  • [298] R. Fader a fait valoir qu’il est également bien établi [39] que même dans les cas où les principes constitutionnels (ou quasi constitutionnels) [traduction] « […] trouvent application, les tribunaux ne se pencheront pas exclusivement sur les critères applicables à l’indépendance judiciaire (les critères de l’arrêt Valente - infra), mais également sur la « réalité opérationnelle » du décideur administratif et exigeront des preuves « substantielles » indiquant un manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité [40] . »

 

  • [299] R. Fader a conclu qu’en clair, l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits n’appuie pas la proposition avancée par les appelantes.

 

  • [300] En ce qui concerne les principes constitutionnels non écrits, R. Fader soutenait qu’il est bien établi que ces principes ne s’appliquent pas à l’analyse de l’indépendance institutionnelle et de l’impartialité des décideurs administratifs.

 

  • [301] R. Fader a constaté que la Cour suprême du Canada, dans Ocean Port, supra, a fait observer assez clairement que les principes constitutionnels non écrits qui s’appliquent à la prise de décisions judiciaires ne s’étendent pas à la prise de décisions administratives [41] .

 

  • [302] R. Fader a déclaré qu’il importe en outre de noter que les agents d’appel instruisent des appels de conclusions d’absence de danger (paragraphe 129(7)) et des appels d’instructions produites par des agents de santé et de sécurité (section 146). Il a également souligné que les agents d’appel n’ont aucun rôle à jouer dans les poursuites pour infractions au Code (articles 148 à 154) ni n’instruisent de plaintes de représailles (articles 133 et 147).

 

  • [303] R. Fader a soutenu que l’agent d’appel joue un rôle important, mais restreint en vertu de la partie II du Code. Il a soutenu que ni les appels prévus au paragraphe 129(7) ni ceux qui sont prévus par l’article 146 ne constituent la façon privilégiée de promouvoir un milieu de travail sain et sûr [42] . Les agents d’appel ne font que réviser les décisions des agents de santé et de sécurité.

 

  • [304] R. Fader a fait valoir que, malgré la position des appelantes selon laquelle les appels sont essentiellement des « procès », le Code prévoit que les appels doivent être tranchés « sans délai [sous forme d’une] enquête sommaire » (article 146.1). Il a fait observer que le Code permet également à un agent d’appel de « recevoir […] tous témoignages et renseignements qu’il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice », « fixer lui-même sa procédure », et de « trancher toute affaire ou question sans tenir d’audience » (article 146.2).

 

  • [305] R. Fader a soutenu qu’il importe également de garder à l’esprit que les décisions des agents d’appel peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur la Cour fédérale [43] .

 

  • [306] R. Fader a fait valoir que même si l’intention du législateur n’a pas préséance, en raison de l’application des principes constitutionnels, la proposition des appelantes selon laquelle le degré d’indépendance institutionnelle requis est semblable à l’indépendance judiciaire n’est pas fondée.

 

  • [307] R. Fader a fait valoir que, même dans les cas où l’article 7 de la Charte trouve application et où la fonction d’arbitrage est exercée par des fonctionnaires dans le cadre d’un ministère, il faut respecter la façon dont le gouvernement établit le lien entre le décideur légal et l’exécutif [44] .

 

  • [308] R. Fader prétendait que ce n’est pas une preuve empirique qui est nécessaire pour étayer une conclusion d’absence d’ indépendance institutionnelle, mais plutôt la preuve réelle que le fonctionnement du Bureau de l’agent d’appel ne comporte pas suffisamment de paravents en place pour garantir l’indépendance des agents d’appel dans le cadre de l’exécution de leur fonction juridictionnelle [45] .

 

  • [309] R. Fader a fait mention de l’ouvrage Principles of Administrative Law qui mentionne [traduction] « ce type de raisonnement constitue un autre exemple de l’écart de la Cour suprême du Canada par rapport au point de vue constaté dans Régie [46] selon lequel dans les affaires de partialité institutionnelle, il suffit de soulever la simple possibilité qu’une crainte raisonnable de partialité puisse être démontrée dans un nombre considérable d’affaires. » Les auteurs déclarent : « […] les tribunaux judiciaires sont plus hésitants à connaître d’arguments de partialité institutionnelle qui sont excessivement abstraits qu’ils ne l’auraient été il y a quelques années [47] . »

 

  • [310] R. Fader a soutenu que même si le principe de Ocean Port ne s’applique pas, en raison de l’application des principes constitutionnels, le degré d’indépendance institutionnelle proposé par les appelantes est incompatible avec la jurisprudence dans le domaine.

 

  • [311] R. Fader a également fait valoir que peu importe le degré d’indépendance institutionnelle requise, aucune personne raisonnable qui étudierait la preuve conclurait à un manque d’indépendance institutionnelle au Bureau de l’agent d’appel.

 

  • [312] R. Fader soutenait que bien que la Cour fédérale a établi clairement que l’analyse de l’indépendance institutionnelle devrait être souple et ne pas se limiter à une application stricte des critères de l’arrêt Valente [48] , l’analyse des ces trois critères révélera que même à la lumière de cette norme élevée, les protections sont respectées.

 

  • [313] R. Fader a souligné que la Cour fédérale a constaté que ce qui importe dans les questions d’indépendance institutionnelle n’est pas une analyse individuelle. Il faut plutôt se concentrer sur le bureau ou le tribunal pris globalement et sur la question de savoir si la « majeure partie » de la fonction juridictionnelle est exécutée par des personnes ayant une garantie d’indépendance suffisante [49] .

 

  • [314] R. Fader s’est remémoré le témoignage de Pierre Rousseau (directeur du Bureau de l’agent d’appel) selon lequel l’essentiel ou la majeure partie de la fonction juridictionnelle des agents d’appel est exécutée par des employés à temps plein de RHDCC recrutés pour une période indéterminée [50] .

 

  • [315] R. Fader a soutenu qu’en conséquence, l’analyse se concentrera sur les agents d’appel qui sont des employés à temps plein pour une période indéterminée.

 

  • [316] R. Fader a prétendu qu’il est bien établi qu’« […] [i]l y a lieu de faire preuve d'une certaine souplesse à l'endroit des tribunaux administratifs […] pour appliquer les trois critères suivants de l’arrêt Valente [51] .

 

  • [317] R. Fader a déclaré que l’inamovibilité renvoie aux conditions de nomination d’un décideur. Il a soutenu que les agents d’appel ont toutes les protections accordées en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques [52] . Plus précisément, un agent d’appel peut faire l’objet seulement d’une mesure disciplinaire, d’une rétrogradation ou d’un licenciement « motivé ».

 

  • [318] Il importe de rappeler le témoignage de Pierre Rousseau, dans lequel il mentionnait qu’aucun agent d’appel n’a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, d’une rétrogradation ou d’un licenciement.

 

  • [319] R. Fader soutenait que toute tentative en vue de sanctionner, de rétrograder ou de licencier un agent d’appel, directement ou sous forme de mesure administrative déguisée, peut faire l’objet d’un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et un agent d’appel peut faire entendre un tel grief par un tiers indépendant [53] . Il prétendait également que si un agent d’appel est licencié, suspendu ou rétrogradé afin que cette mesure exerce une influence sur sa prise de décisions, il bénéfice de la protection complète que représente l’arbitrage par un tiers.

 

  • [320] R. Fader a constaté que d’après le témoignage de Pierrette Lemay, les conditions des agents d’appel sont établies dans la politique de l’employeur (la Politique sur les conditions d’emploi) [54] . Il a déclaré que cette politique est adoptée par le Conseil du Trésor et qu’une décision du Conseil du Trésor serait nécessaire pour modifier la politique en question. R. Fader a soutenu que ni le directeur du Bureau de l’agent d’appel ni quiconque de RHDCC possède le pouvoir de modifier les conditions d’emploi des agents d’appel.

 

  • [321] R. Fader a déclaré que la Politique sur les conditions d’emploi intègre l’essentiel des conditions négociées dans la convention collective des PM (Services des programmes et administratifs). Il a soutenu qu’en conséquence de l’intégration des conditions de cette convention collective, les agents d’appel bénéficient de la protection complète de la Directive sur le réaménagement des effectifs, [55] qui donne aux employés des protections en situation de réaménagement de l’effectif (comme la rationalisation).

 

  • [322] R. Fader a souligné que les agents d’appel sont des employés nommés en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et sont désignés comme agents d’appel en vertu de l’article 145.1 du Code. R. Fader soutenait que l’inamovibilité signifie une permanence à titre d’employé et il est clair que les agents d’appel ont une garantie à titre d’employés recrutés pour une période indéterminée.

 

  • [323] Subsidiairement, R. Fader prétendait que si l’inamovibilité signifie la sécurité au niveau du poste des agents d’appel « désignés » par le ministre, il existe une protection contre l’influence indue. Il a également fait observer que la désignation comme agent d’appel est d’une durée indéterminée [56] .

 

  • [324] R. Fader a fait valoir que la loi établit clairement que le pouvoir de retirer une telle désignation doit être exercé de façon « conforme aux fins et aux objets de la loi » [57] . Il a soutenu qu’une telle décision serait sujette à un contrôle judiciaire et ne résisterait pas à l’examen si la décision était prise pour un motif arbitraire ou inapproprié [58] .

 

  • [325] R. Fader a déclaré qu’il importe de se souvenir du témoignage de P. Rousseau selon lequel aucun agent d’appel ne s’est fait retirer cette désignation ni n’a été affecté à des fonctions différentes.

 

  • [326] R. Fader soutenait par conséquent que les agents d’appel ont une plus grande inamovibilité que la plupart des tribunaux d’employeur distincts :

 

  • les agents d’appel sont nommés à temps plein et non à temps partiel;

 

  • les agents d’appel sont nommés pour une période indéterminée et non à court terme, soit de 2 à 5 ans [59] ;

 

  • les agents d’appel ne peuvent être congédiés, suspendus ou faire l’objet de mesures disciplinaires sans motif;

 

  • les agents d’appel ne peuvent être destitués comme agents d’appel, sauf en conformité avec l’esprit et la lettre du Code, c’est-à-dire que le ministre ne peut les destituer arbitrairement ou pour des motifs inappropriés [60] .

 

  • [327] R. Fader prétendait que les agents d’appel bénéficient de l’inamovibilité ultime en tant qu’employés à temps plein pour une durée indéterminée.

 

  • [328] R. Fader a déclaré que la sécurité financière constitue une garantie que la rémunération financière ne sera pas utilisée comme outil de contrôle du décideur dans le cadre de l’exécution de sa fonction juridictionnelle. Il a soutenu que la preuve établit clairement qu’à titre d’employés du groupe PM (Administration de programme), les agents d’appel font partie d’un groupe plus grand de PM exclus [61] qui profitent essentiellement des mêmes conditions d’emploi que celles qui ont été négociées pour les PM non exclus, c’est-à-dire ceux qui sont visés par la convention collective des PM.

 

  • [329] R. Fader a fait mention du témoignage de Pierrette Lemay dans lequel elle affirmait que les conditions d’emploi des agents d’appel sont énoncées dans la Politique sur les conditions d’emploi, qui, pour la plupart, intègrent les dispositions de la convention collective des PM. Cela comprend des éléments comme les taux de rémunération et les crédits de congé annuel. Si un agent d’appel vit un conflit au sujet de ces conditions d’emploi, il peut déposer un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [62] et faire réviser la décision de dernier palier du processus de règlement des griefs à l’étape du contrôle judiciaire [63] .

 

  • [330] R. Fader a conclu qu’il est clair que les agents d’appel ont une sécurité financière. Toute modification de leurs conditions d’emploi nécessiterait une décision du Conseil du Trésor. Lorsque Pierrette Lemay a été interrogée au sujet de la possibilité que le Conseil du Trésor isole un agent d’appel en particulier pour lui imposer un traitement différent, elle a affirmé qu’une telle proposition était « ridicule ». Elle a ajouté qu’il faut garder à l’esprit que la politique du Conseil du Trésor s’applique à tous les employés exclus. R. Fader prétendait qu’aucune personne raisonnable ne conclurait que le Conseil du Trésor réduirait les conditions d’un groupe d’employés aussi grand (1 536 employés dans le seul groupe des PM) [64] simplement pour influencer la prise de décisions d’une poignée d’agents d’appel.

 

  • [331] R. Fader a ajouté que les pensions des agents d’appel sont prévues dans la Loi sur la pension de la fonction publique [65] . Il a soutenu que les modifications à la pension d’un agent d’appel nécessiteraient une modification à la loi.

 

  • [332] R. Fader a par conséquent conclu qu’il est clair, au vu de la preuve, que les agents d’appel profitent de ce qu’il y a de mieux en fait de sécurité financière.

 

  • [333] R. Fader a déclaré que le contrôle administratif fait référence à la liberté par rapport à l’influence externe en ce qui concerne les questions d’administration qui touchent directement la fonction décisionnelle, comme l’attribution de causes. Il a soutenu que la preuve établit sans l’ombre d’un doute que des contrôles visant à contrer l’influence externe sont en place. Comme l’a constaté Pierre Rousseau :

 

  • Les agents d’appel n’ont pas de contact direct, en dehors de l’audience comme telle, avec : (a) les agents de santé et de sécurité (dont les décisions sont examinées), (b) toute personne de l’extérieur du Bureau de l’agent d’appel à RHDCC ou au gouvernement, et (c) les parties à l’appel elles-mêmes.

 

  • Le directeur du Bureau fait office de paravent pour les agents d’appel afin que leur prise de décision ne subisse pas d’influence indue.

 

  • Le Bureau de l’agent d’appel assigne des causes et prend desarrangements pour réserver des salles d’audience de manière très collégiale et ouverte, sans contribution de l’extérieur. Le directeur a le dernier mot relativement à l’assignation de causes.

 

  • Les agents d’appel ne partagent pas leurs ressources administratives avec le reste de RHDCC.

 

  • Les agents d’appel ne partagent pas les services juridiques avec le reste de RHDCC.

 

  • [334] R. Fader soutenait qu’aucun élément du dossier n’établit qu’il existe une influence externe dans le contrôle administratif du Bureau de l’agent d’appel. Il prétendait qu’aucune personne raisonnable conclurait que les agents d’appel ne sont pas protégés de l’influence externe en ce qui touche les questions d’administration qui se rapportent directement à la fonction décisionnelle.

 

  • [335] R. Fader a soutenu que dans le cadre de l’approche moderne de l’indépendance institutionnelle, la jurisprudence établit clairement que la preuve qui étaye l’argument de l’indépendance institutionnelle doit être substantielle. Il prétendait que « la jurisprudence est également claire que l’analyse n’est pas limitée à une application rigide des critères de l’arrêt Valente (plus haut) ». Il a en outre prétendu que « [l]es tribunaux examineront également la « réalité opérationnelle » du tribunal ou du décideur en cause [66] . »

 

  • [336] R. Fader a soutenu que dans Say, supra, la Cour fédérale s’est penchée non seulement sur les critères de l’arrêt Valente, mais également sur les facteurs suivants pour décider que la preuve empirique du demandeur était bien moins que « substantielle » :

 

  • la formation;

 

  • les efforts déployés pour maintenir la perception et la réalité de l’indépendance et de l’impartialité dans la prise de décisions;

 

  • la séparation dans la supervision entre les décideurs et ceux et celles dont les décisions ont été revues;

 

  • l’existence de paravents autour des décideurs [67] .

 

  • [337] R. Fader a fait valoir que Say, supra, étaye la proposition selon laquelle les fonctionnaires ayant une fonction essentiellement juridictionnelle peuvent, même si les protections de la Charte trouvent application, exercer ce rôle au sein d’un ministère dans la mesure où il existe au sein de leur bureau une structure qui garantit l’indépendance de leur processus décisionnel [68] .

 

  • [338] R. Fader a fait mention de l’ouvrage Principles of Administrative Law qui mentionne [traduction] « ce type de raisonnement constitue un autre exemple de l’écart de la Cour suprême du Canada par rapport au point de vue constaté dans Régie selon lequel dans les affaires de partialité institutionnelle, il suffit de soulever la simple possibilité qu’une crainte raisonnable de partialité puisse être démontrée dans un nombre considérable d’affaires. » Les auteurs déclarent : « […] les tribunaux judiciaires sont plus hésitants à connaître d’arguments de partialité institutionnelle qui sont excessivement abstraits qu’ils ne l’auraient été il y a quelques années [69] . »

 

  • [339] R. Fader a souligné que dans Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1996] A.C.S. no 95, la Cour suprême du Canada a fait observer qu’elle souscrit à la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique [70] . La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a indiqué qu’il importe de se pencher sur la « pratique réelle » d’un tribunal pour régler la question de l’indépendance institutionnelle [71] .

 

  • [340] R. Fader a soutenu que la Cour n’était manifestement pas intéressée par des propositions hypothétiques ou spéculatives, mais recherchait une véritable preuve d’intrusion dans le processus décisionnel [72] . Il a prétendu que la Cour a analysé la pratique antérieure du tribunal et a conclu qu’une telle intrusion n’existait pas. Par conséquent, la Cour a conclu que l’indépendance institutionnelle était suffisante.

 

  • [341] R. Fader a déclaré que l’une des affaires citée avec approbation par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique était Mohammad, supra, qui a conclu à l’application des protections de l’article 7 de la Charte. R. Fader a souligné que dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a noté :

 

Examinons tout d'abord la structure et l'organisation de la Commission: d'après la preuve, je conclus que même si les agents chargés de présenter les cas et les arbitres sont tous des fonctionnaires relevant du même ministre, ils travaillent dans des divisions distinctes de la Commission. Les agents chargés de présenter les cas ne jouent pas un rôle de surveillance à l'égard des arbitres. Ils ne relèvent pas des mêmes supérieurs et ce n'est qu'au sommet de l'organigramme que leurs hiérarchies respectives se rejoignent.

 

En ce qui a trait aux contrôles, on a démontré qu'ils portaient essentiellement sur la façon dont les enquêtes sont menées. De plus, le témoignage de l'ancien arbitre M. Scott, précité, est clair et sans équivoque: lorsqu'il était arbitre, il avait toujours l'impression que la décision finale lui appartenait à lui seul. Il a également ajouté qu'il ne se sentait pas tenu de suivre les directives de ses supérieurs. Je crois qu'il convient de présumer, en l'absence la preuve contraire, que les autres arbitres sont également conscients de leurs responsabilité à titre d'officiers d'un tribunal quasi judiciaire.

 

Quant à la question de la sécurité d'emploi, les arbitres sont protégés en vertu de l'article 31 de la Loi de l'emploi sur la Fonction publique, comme tous les autres fonctionnaires. De plus, ils bénéficient d'un processus de grief à trois paliers.

 

Quant à l'habitude de nommer des arbitres de façon intérimaire à d'autres postes, je ne vois pas comment cette pratique pourrait en soi entraîner une crainte raisonnable de manque d'indépendance. Encore une fois, cet argument n'est aucunement étayé par la preuve. Il ne tient pas compte du serment d'allégeance fait par tous les arbitres. Il ne tient pas compte non plus de la preuve incontestée présentée par M. Scott, selon laquelle les décisions qu'il rendait ne dépendaient aucunement d'instructions venues d'ailleurs […] » [73]

 

  • [342] R. Fader a déclaré que la Cour d’appel fédérale a ajouté dans la même décision :

 

Je crois qu'il est évident que les circonstances de l'espèce sont tout à fait différentes de celles de l'affaire MacBain. Dans MacBain, le poursuivant nommait le juge. Ce n'est certainement pas le cas des arbitres en vertu de la Loi sur l'immigration. Comme je l'ai déjà souligné, les arbitres sont des actionnaires à temps plein dont l'emploi est régi par les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et de la Loi sur l'immigration. Ils sont tout à fait à l'écart de la Direction de l'exécution de la loi de la Commission qui n'exerce aucun contrôle de surveillance sur leur travail. De même, la Direction de l'exécution de La loi n'exerce aucune influence ni contrôle à l'égard de l'attribution des dossiers aux arbitres. Cette tâche est remplie de façon rationnelle par la Direction de l'arbitrage. En somme, j'estime que les faits, les circonstances et l'esprit de la loi en cause dans l'affaire MacBain sont si différents de l'espèce que le raisonnement appliqué par la Cour est tout à fait inutile en l'occurrence [74] .

 

  • [343] R. Fader a prétendu que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Mohammad est cohérente avec les motifs adoptés plus récemment dans la décision Say. Il a soutenu que l’élément clé, c’est que la Cour d’appel fédérale se penchera sur le fonctionnement réel d’un tribunal ou d’un décideur et qu’en l’absence de preuve substantielle à l’effet contraire, il ne présumera pas qu’il y a absence d’indépendance institutionnelle.

 

  • [344] R. Fader a soutenu que si l’on se penche sur la réalité opérationnelle du Bureau de l’agent d’appel, outre les critères de l’arrêt Valente mentionnés précédemment, les éléments qui suivent ressortent clairement :

 

  • Il n’y a pas la moindre preuve qui laisse croire à une influence externe sur les décisions des agents d’appel. Le directeur a témoigné qu’il ne s’est jamais senti contraint d’influencer le processus décisionnel. Il a témoigné qu’il n’a jamais ressenti de pression de qui que ce soit au gouvernement pour le faire. Il a témoigné qu’il n’a jamais entendu de plaintes d’agents d’appel selon lesquelles ils ont subi de telles pressions.

 

  • Le directeur a témoigné que s’il apprenait que quelqu’un tentait d’exercer une influence sur le processus décisionnel de ses agents d’appel, il dirait à cette personne de se retirer du processus, même s’il s’agissait du sous-ministre ou du ministre.

 

  • Il n’existe pas la moindre preuve que les agents d’appel subissent des contraintes dans le cadre de leur prise de décisions; il est clair qu’ils prennent leurs décisions seuls.

 

  • Il est clair que le directeur du Bureau de l’agent d’appel [75] s’est effectivement constitué comme paravent pour les agents d’appel :

 

(a) Le Bureau des agents d’appel a déménagé de l’administration centrale de RHDCC pour demeurer isolé du reste du ministère [76] .

 

(b) Le directeur a éliminé la communication (outre l’instruction des appels comme telle) entre les agents d’appel et RHDCC, les agents de sécurité et les parties [77] .

 

(c) Le directeur a élaboré un Code de déontologie obligatoire pour les agents d’appel qui comprend un serment professionnel [78] qui souligne l’importance de l’indépendance et de l’impartialité. Le Code se lit en partie comme suit : [79]

 

Les agents d’appel doivent participer à l’adoption, au maintien et à l’application de normes de déontologie très élevées et agir de façon à promouvoir et à protéger leur intégrité et leur indépendance.

 

Les décisions doivent être indépendantes, impartiales et objectives, et être rendues sans tenir compte d’intérêts partisans ou spéciaux et sans craindre la critique.

 

De même, le directeur est chargé des relations avec le gouvernement. Toute demande de renseignements présentée par les députés, les ministres et le personnel politique sur toute question relative aux travaux des agents d’appel devrait être transmise au directeur.

 

Je reconnais que j’ai lu ce Code de déontologie des agents d’appel et j’affirme solennellement que je le respecterai [80] .

 

(d) Le directeur a institué un climat au sein du Bureau qui met l’accent sur le fait que les agents d’appel sont indépendants et impartiaux dans le processus décisionnel. Il a témoigné qu’il ne s’ingère pas dans le processus d’appel. Il a affirmé que son rôle consiste à fournir des ressources aux agents d’appel, mais qu’il ne s’interpose pas dans leur processus décisionnel. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de la supervision, il a mentionné qu’ils ne sont pas supervisés relativement à leur processus décisionnel; il a déclaré que « c’est leur décision ».

 

(e) Le directeur a établi un Guide de pratique pour l’instruction des appels qui, comme le Code de déontologie, souligne l’importance de l’indépendance et de l’impartialité [81] .

 

  • Des preuves établissent clairement que les agents d’appel sont des spécialistes de la santé et de la sécurité au travail. Jeff Bennie l’a admis et Pierre Rousseau l’a confirmé.

 

  • Les agents d’appel reçoivent une formation initiale importante lorsqu’ils entrent en fonctions [82] , suivie d’une formation en cours d’emploi d’une durée de deux ans donnée par un agent d’appel chevronné, avait qu’ils assument la responsabilité d’instruire des causes par eux-mêmes. Le directeur a également témoigné que la formation est disponible de façon continue au besoin et que cette question est abordée pour chaque agent d’appel dans son évaluation de rendement annuelle [83] .

 

  • La preuve établit clairement que les fonctions des agents d’appel ne chevauchent pas celles des agents de sécurité ou de quiconque de l’extérieur du Bureau de l’agent d’appel. C’est un principe élémentaire de droit que le chevauchement des fonctions par un organisme n’enfreint pas les règles d’équité procédurale dans la mesure où les mêmes personnes ne participent pas aux diverses étapes du processus [84] .

 

  • Les agents d’appel s’acquittent exclusivement de leur fonction juridictionnelle. D’autres fonctions, même temporaires, ne leur sont pas attribuées.

 

  • Les agents d’appel ne participent pas aux appels avant les audiences elles-mêmes.

 

  • Les agents d’appel ne partagent pas de services juridiques avec les autres membres du personnel du ministère. Si des services juridiques sont nécessaires, le directeur retient les services d’avocats du secteur privé après s’être assuré qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts.

 

  • Les agents d’appel ne partagent pas de services administratifs avec les autres membres du personnel du ministère.

 

  • Il n’y a pas de chevauchement dans la supervision des agents d’appel et des agents de santé et de sécurité dont les premiers révisent les décisions en appel. Le seul lien qui existe du point des rapports hiérarchiques se trouve aux niveaux plus élevés de l’organisation, c’est-à-dire au niveau du SMA.

 

  • Le directeur du Bureau d’appel a considérablement accru les ressources du Bureau [85] .

 

  • [345] R. Fader a soutenu que sur la base de ce qui précède, une personne raisonnable ne conclurait pas à un manque d’indépendance institutionnelle des agents d’appel nommés en vertu de l’article 145.1 du Code.

 

  • [346] R. Fader a fait valoir que dans la mesure où elles se rapportent à la question de l’impartialité institutionnelle, les décisions de la ligne de Ocean Port, supra, ne s’appliquent pas, car l’intention du législateur consiste à fournir un processus décisionnel tout à fait impartial, et rien de moins.

 

  • [347] R. Fader a soutenu que c’est cependant la question suivante qui se pose : la preuve établit-elle un fondement raisonnable pour conclure que les employés de RHDCC, en tant que groupe, ne seraient pas impartiaux? À cet égard, il s’est remémoré que le critère de l’impartialité institutionnelle est le suivant :

 

[...] si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique pourrait éprouver une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas [86] .

 

  • [348] R. Fader a prétendu qu’il importe de souligner que les préoccupations relatives à l’impartialité dans le cadre d’un argument sur l’impartialité institutionnelle doivent s’appliquer à une catégorie de décideurs. Il a mentionné que la Cour suprême du Canada a déclaré dans SCFP, supra :

 

Il n’y a aucun « motif sérieux » […] de penser que des juges de cour supérieure retraités, qui bénéficient d’une pension du gouvernement fédéral, se plieraient à la volonté du ministre provincial ou rendraient des décisions destinées à plaire aux employeurs afin d’améliorer leurs chances de désignation future. Il est indubitable que, dans le passé, il y eu des juges enclins à privilégier les employeurs et aussi des juges enclins à privilégier les travailleurs et travailleuses, mais je ne crois pas qu’une personne raisonnable et bien renseignée reprocherait à toute la catégorie des juges présentement retraités d’avoir un parti pris contre les travailleurs et les travailleuses [87] .

 

  • [349] R. Fader a soutenu que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été indiqués précédemment, les appelantes n’ont pas établi de fondement pour la proposition selon laquelle le Bureau de l’agent d’appel ne présente pas d’impartialité institutionnelle.

 

  • [350] R. Fader a soutenu qu’aucune preuve ne laisse croire que les agents d’appel, en tant que groupe, ne seraient pas impartiaux dans leur prise de décisions.

 

  • [351] R. Fader a prétendu que l’argument selon lequel les agents d’appel ne possèdent pas d’indépendance institutionnelle ou manquent d’impartialité institutionnelle est sans fondement.

 

  • [352] Par conséquent, R. Fader a demandé que l’objection soit rejetée.

 

ARGUMENTS DES APPELANTES EN RÉPLIQUE

 

  • [353] M. Raven a fait référence à Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, par. 20-22, et à Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 1 R.C.S. 539, au par.117, et a convenu que les principes de justice naturelle de la common law, y compris les exigences de l’indépendance institutionnelle, doivent céder le pas face à une orientation législative claire et sans équivoque. Il a toutefois prétendu que la disposition du Code qui confère au ministre le pouvoir de désigner des agents d’appel n’exprime pas clairement et sans équivoque l’intention du législateur de limiter l’indépendance institutionnelle du processus de santé et sécurité au travail énoncée dans la partie II du Code canadien du travail.

 

  • [354] A. Raven soutenait que tel qu’il est établi dans Castillo, supra, au par. 26, qui cite Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux  c. S.E.E.F.P.O., section locale 324,[2003] 2 R.C.S. 157, au par. 39 et Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 à la page 1077 ainsi que Ocean Port, supra, au par. 21, en l’absence de dispositions législatives claires à l’effet contraire, « le législateur n’est pas censé, à défaut de disposition claire au contraire, avoir l’intention de modifier les règles de droit commun préexistantes ». Plus précisément, les tribunaux ne devraient pas « présumer à la légère » que les législateurs entendent adopter une procédure qui va à l’encontre des principes fondamentaux de justice naturelle. Les tribunaux concluront plutôt que le législateur souhaitait que le processus du tribunal se conforme à la justice naturelle sauf exclusion prévue par une disposition législative expresse.

 

  • [355] A. Raven prétendait que dans le contexte de l’indépendance institutionnelle et de l’impartialité, la Cour suprême du Canada, dans Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 1 R.C.S. 539 [S.C.F.P.], supra, aux par. 99 et 121 a conclu que « on présume que l’intention du législateur était que le décideur légal respecte les principes et les contraintes du droit administratif » A. Raven a fait observer que le juge Binnie a déclaré que :

 

Dans les cas […] où des tribunaux administratifs sont constitués pour régler des « différends » entre des parties, il est particulièrement important d’exiger un langage législatif clair et non équivoque pour conclure que le législateur a voulu écarter, soit expressément, soit par déduction nécessaire, l’exigence d’impartialité.

 

  • [356] A. Raven a soutenu que les arguments de l’intimé au sujet de l’historique législatif de la partie II du Code n’illustrent pas avec exactitude les efforts continus des représentants des syndicats et de la direction déployés dans le but de faire en sorte qu’un mécanisme d’appel tout à fait indépendant serait inclus dans les modifications qui ont fini par être adoptées en 2000. A. Raven a souligné que bien que le projet de loi C-97 soit mort au Feuilleton en 1997, les amendements ont été présentés de nouveau plus tard dans le projet de loi C-12 et les représentants des syndicats ont poursuivi leurs activités devant le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales et le Comité sénatorial permanent sur les affaires sociales, les sciences et la technologie.

 

  • [357] A. Raven a prétendu que la simple observation que le Bureau canadien d’appel ne s’apparente pas à des tribunaux constitués en vertu d’autres lois ne peut appuyer une hypothèse selon laquelle le législateur entendait exclure les principes de justice naturelle en ce qui touche la partie II du Code canadien du travail. A. Raven a soutenu qu’on peut seulement conclure de l’article 145.1 du Code que le législateur entendait conférer au ministre le pouvoir de désigner des personnes qualifiées comme agents d’appel.

 

  • [358] A. Raven a déclaré que l’intimé invoque la décision de la Cour suprême du Canada dans S.C.F.P., supra, pour étayer l’affirmation selon laquelle le pouvoir de nommer les agents d’appel accordé en vertu de l’article 145.1 du Code exclut les principes de justice naturelle en ce qui a trait à l’indépendance institutionnelle.

 

  • [359] A. Raven a prétendu que S.C.F.P., supra, n’appuie pas la proposition selon laquelle un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi restreint l’indépendance exigée du tribunal administratif parce que la question en litige dans S.C.F.P., supra, consistait à déterminer si l’approche spécifique adoptée par le ministre pour effectuer des nominations en vertu de son pouvoir discrétionnaire a fait en sorte que les conseils d’arbitrage qui en ont résulté manquaient de l’indépendance institutionnelle et de l’impartialité requises.

 

  • [360] A. Raven a soutenu que la Cour n’a jamais suggéré que le pouvoir discrétionnaire conféré en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux (LACTH) limitait l’exigence selon laquelle les conseils d’arbitrage nommés en vertu de cette Loi doivent être des tribunaux administratifs indépendants et impartiaux. Loin de restreindre les droits des parties en common law en vertu de la LACTH, la décision rendue dans S.C.F.P., supra, aux paragraphes 183 et 184 avait pour effet de limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre prévu par le paragraphe 6(5) à l’égard des approches qui assureraient que le régime de nomination serait perçu comme neutre et crédible.

 

  • [361] A. Raven a affirmé avec insistance que la décision rendue dans S.C.F.P., supra, n’est pas « quasi identique » à la présente affaire pour un certain nombre de motifs. D’abord, l’article 145.1 du Code diffère considérablement du paragraphe 6(5) de la LACTH sur le plan de la nature précise du pouvoir du ministre. A. Raven a ajouté que les conseils d’arbitrage dont il est question dans S.C.F.P., supra, diffèrent considérablement du mécanisme d’appel prévu par la partie II du Code du point de vue de leur forme et de leur fonction. Il soutenait que pour ces motifs, la décision S.C.F.P., supra, n’appuie pas la position adoptée par l’intimé dans cette affaire.

 

  • [362] A. Raven a déclaré que le paragraphe 6(5) de la LACTH confère au ministre le pouvoir de nommer des conseils d’arbitrage. À l’opposé, l’article 145.1 du Code attribue au ministre du Travail le pouvoir de désigner des personnes qualifiées comme agents d’appel. A. Raven prétendait que cette distinction est importante parce que la première disposition accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de doter le conseil d’arbitrage. Toutefois, dans le dernier cas, le ministre désigne comme agents d’appel des personnes qui ont déjà été nommées à des postes d’agents d’appel à des fins d’emploi.

 

  • [363] A. Raven a fait valoir que l’intention du législateur consistait clairement à avoir recours à des employés du ministère déjà nommés agents d’appel en vertu de la LEFP, mais que la réalité opérationnelle va dans un sens différent. A. Raven a déclaré que moins de la moitié des agents d’appel désignés par le ministre sont des fonctionnaires nommés à des postes d’une durée indéterminée en vertu de la LEFP. La plupart des agents d’appel sont recrutés par le directeur, avec l’approbation du SMA, soit à titre d’employés occasionnels soit à contrat.

 

  • [364] A. Raven a également soutenu que la désignation ministérielle en vertu de l’article 145.1 du Code survient sur demande du SMA du Programme du travail, une fois qu’un poste d’agent d’appel pour une durée indéterminée, occasionnel ou à contrat a été doté. A. Raven prétendait que la désignation ministérielle en vertu de l’article 145.1 du Code constitue une simple formalité postérieure à la dotation du poste par le directeur et le SMA du Programme du travail.

 

  • [365] A. Raven a fait valoir que dans ces circonstances, la réalité opérationnelle de l’article 145.1 du Code confère au ministre beaucoup moins de pouvoir discrétionnaire que ce qui était accordé au ministre dans S.C.F.P., supra.

 

  • [366] A. Raven prétendait que la nature et la fonction du BCA diffèrent aussi beaucoup de celles des conseils d’arbitrage qui font l’objet du litige dans S.C.F.P., supra, au paragraphe 53. A. Raven soutenait que les conseils d’arbitrage spéciaux constitués en vertu de la LACTH s’occupent de l’arbitrage d’un différend, soit la détermination des conditions des convention collectives.

 

  • [367] A. Raven a déclaré que le juge Binnie a fait observer que tandis que l’arbitrage de grief est décisionnel, l’arbitrage de différend est « plus ou moins législatif ». A. Raven a déclaré que bien que les conseils d’arbitrage prévus par la LACTH n’attirent peut-être pas les protections procédurales à l’extrémité judiciaire du spectre décrit dans Bell, supra, aux paragraphes 21, 23 et 24, le mécanisme d’appel prévu par la partie II du Code canadien du travail permet de trancher des différends de façon judiciaire, ce qui attire les exigences de l’indépendance à l’extrémité supérieure du spectre décrit dans Bell.

 

  • [368] A. Raven a finalement déclaré que l’arrêt S.C.F.P., supra, traitait au paragraphe 190 d’un régime législatif d’établissement de conseils administratifs spéciaux. A. Raven prétendait que ces tribunaux, par nécessité, ne peuvent être sujets aux exigences standards de l’indépendance institutionnelle qui sont énoncées dans Valente, car par définition, ils sont constitués au cas par cas. A. Raven a déclaré que par conséquent, les exigences de l’inamovibilité et de l’indépendance financière sont complètement circonscrites par la nature même de ces tribunaux, tandis que l’indépendance administrative peut s’accompagner d’une certaine protection formelle.

 

  • [369] A. Raven a soutenu que c’est en raison de la nature spéciale du tribunal en question, et non du pouvoir discrétionnaire du ministre sur la nomination des membres du tribunal, que les facteurs de l’arrêt Valente étaient inapplicable à l’arrêt S.C.F.P., supra. A. Raven a déclaré que l’approche de la Cour dans S.C.F.P., supra, ne peut être appliquée à la présente affaire, car les agents d’appel ne sont pas désignés par le ministre au cas par cas. A. Raven a ajouté que quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’expression claire et sans équivoque de l’intention du législateur comme il est exigé pour exclure les principes de justice naturelle et écarter l’exigence de l’indépendance institutionnelle que prévoit la common law.

 

  • [370] A. Raven a déclaré que contrairement à ce que fait valoir l’intimé, le Code ne dit mot sur chacun des facteurs de l’arrêt Valente et l’historique législatif indique clairement que des responsables de DRHC ont délibérément omis d’inclure dans le Code des dispositions sur les questions liées à la structure administrative et à l’indépendance du processus d’appel en matière de santé et de sécurité. Compte tenu de ce fait, A. Raven a conclu que les dispositions de la partie II n’expriment pas clairement et sans équivoque l’intention du législateur d’exclure les principes de justice naturelle et d’écarter l’exigence d’indépendance institutionnelle de la common law.

 

  • [371] A. Raven a mentionné que l’intimé fait valoir que l’article 7 de la Charte ne trouve pas application lorsque les questions ayant trait à la santé et à la sécurité des employés sont tranchées par un tribunal administratif, parce que les travailleurs demeurent libres de quitter leur emploi s’ils estiment que leur santé et leur sécurité est menacée. A. Raven faisait valoir que cela reflète une vision appauvrie et inexacte de la Charte et de la jurisprudence sur les relations de travail en général et ne reconnaît pas l’objectif sous-jacent de la partie II du Code canadien du travail.

 

  • [372] A. Raven a déclaré que la Cour suprême du Canada a longtemps statué que divers aspects de l’emploi, y compris les questions liées à la santé et à la sécurité au travail, sont fondamentaux pour la dignité et la liberté personnelle des employés, suffisamment pour s’inscrire dans la protection accordée par la Constitution. A. Raven a fait référence à la déclaration du juge en chef Dickson dans Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alberta), [1987] 1 R.C.S. 313 aux pages 334-335 et 367-368 selon laquelle :

 

Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel. C’est pourquoi, les conditions dans lesquelles une personne travaille sont très importantes pour ce qui est de façonner l’ensemble des aspects psychologiques, émotionnels et physiques de sa dignité et du respect qu’elle a d’elle‑même.

 

  • [373] A. Raven a cité : Singh c. Canada, [ 1985] 1 R.C.S. 177, aux p. 201-202; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (.1.), [1999] 3 R.C.S. 46, au paragraphe 72; Chaoulli c. Québec (Procureur général), [1 R.C.S. 791, aux paragraphes 123-124, 132-134; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [ A.C.S. no 9 [aux paragraphes 18-19 et 32] et a fait valoir que les droits fondamentaux à la vie et à la sécurité de la personne prévus à l’article 7 de la Charte trouvent application à l’égard des intérêts qui sont en jeu dans les appels en matière de santé et de sécurité en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

 

  • [374] A. Raven soutenait qu’un degré d’indépendance élevé est requis lorsque les décisions d’un tribunal pourraient affecter sérieusement les droits ou les intérêts fondamentaux d’une partie, comme leurs droits à la vie et à la sécurité de la personne en vertu de l’article 7 de la Charte. De fait, la Cour suprême du Canada a statué dans Matsqui [88] que « lorsqueles décisions du tribunal ont une incidence sur le droit d'une partie à la sécurité de sa personne […] une application plus stricte des principes énoncés dans l'arrêt Valente peut se justifier. » Par conséquent, A. Raven a fait valoir que l’application de l’article 7 en conformité avec les intérêts en jeu dans les appels en matière de santé et de sécurité en vertu de la partie II du Code canadien du travail rapprochera la norme requise d’indépendance institutionnelle du BCA de l’extrémité supérieure du spectre décrite dans Bell.

 

  • [375] A. Raven a déclaré que l’affirmation de l’intimé selon laquelle le droit à une audience équitable garantie par l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits n’était pas censée inclure le droit à l’indépendance et à l’impartialité n’est étayée par aucune décision de jurisprudence. A. Raven a soutenu que malgré la distinction faite par l’intimé entre les alinéas 2e) et 2f) de la Déclaration des droits, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada établit que le droit à une audience équitable conformément aux principes de justice fondamentale accordé par l’alinéa 2e) inclut effectivement une garantie d’indépendance et d’impartialité.

 

  • [376] A. Raven a ajouté que la Cour suprême du Canada a statué à l’unanimité, dans Bell, que l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits s’applique à un tribunal administratif constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. A. Raven a fait valoir que la Cour a jugé, dans Bell, supra, au paragraphe 28, que le contenu des « principes de justice fondamentale » garantis en vertu de l’alinéa 2e) est « établi par référence aux principes de justice naturelle de la common law » et a accepté que les garanties d’indépendance et d’impartialité prévues par l’alinéa 2e) ne différeraient pas des exigences d’équité procédurale de la common law.

 

  • [377] A. Raven a soutenu qu’il est bien établi en droit que la « justice fondamentale » inclut le concept d’audience équitable devant un décideur indépendant et impartial. Dans Charkaoui (supra), le juge en chef McLachlin a déclaré que « [i]l ne suffit pas que ce juge soit indépendant et impartial en réalité; la justice fondamentale exige en effet qu’il le soit aussi en apparence. » Dans Pearlman (supra), un arrêt qui portait spécifiquement sur l’impartialité, le juge Iacobucci a statué qu’« en droit administratif, les principes de justice fondamentale englobent les règles de la justice naturelle qui, de leur côté, exigent que les membres du tribunal soient impartiaux et objectifs ».

 

  • [378] A. Raven a fait valoir que compte tenu de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui affirme clairement que la justice fondamentale inclut le concept d’une audience équitable devant un décideur indépendant et impartial, les appelantes soutiennent que l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits doit être interprété de manière à inclure l’exigence de l’indépendance institutionnelle.

 

  • [379] A. Raven a invoqué l’argument additionnel suivant à l’appui de l’affirmation des appelantes selon lequel le processus d’appel en vertu de la partie II du Code canadien du travail doit satisfaire à la norme d’indépendance élevée qui est décrite dans Bell.

 

  • [380] A. Raven a déclaré que la position de l’intimé selon laquelle le processus d’appel en vertu de la partie II du Code est la façon privilégiée de promouvoir la santé et la sécurité en milieu de travail n’a pas de répercussions sur la norme à laquelle doit satisfaire le processus décisionnel sur les appels en matière de santé et sécurité au travail. A. Raven a plutôt fait valoir que les questions qui ne peuvent être réglées entre les parties de la manière « privilégiée » doivent faire l’objet d’un processus décisionnel qui assure le degré élevée d’indépendance et d’impartialité nécessaire pour maintenir la confiance du public dans le régime de santé et sécurité au travail de la partie II du Code canadien du travail.

 

  • [381] A. Raven a soutenu que les agents d’appel procèdent à des examens de novo des questions de santé et de sécurité (Martin c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 637 (C.A.F) au paragraphe 28) et que leurs décisions sont protégées par de fortes clauses restrictives, à savoir les articles 146.3 et 146.4 du Code. A. Raven a soutenu que ces deux faits appuient une norme d’indépendance à l’extrémité judiciaire (élevée) du spectre qui est décrite dans Bell (supra).

 

  • [382] A. Ravena fait valoir que, bien que les tribunaux judiciaires doivent se reporter à une orientation législative claire pour évaluer le degré d’indépendance requis du tribunal en question, aucune autorité ne justifie l’affirmation selon laquelle il faut faire de même relativement à la façon dont le gouvernement établit le lien entre le décideur législatif et l’exécutif.

 

  • [383] A. Raven a fait valoir qu’aucune autorité n’appuie l’affirmation de l’intimé selon laquelle les tribunaux judiciaires exigeront une preuve « substantielle » indiquant un manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité.

 

  • [384] A. Raven a déclaré qu’il n’existe pas d’exigence selon laquelle les contestations de l’indépendance institutionnelle doivent être appuyées par des preuves que le tribunal administratif ne possède pas de paravents suffisants pour exercer de façon indépendante sa fonction judiciaire. A. Raven soutenait que la Cour fédérale, dans Say [89] , a statué que « le critère applicable ne consiste pas en une preuve concrète de partialité institutionnelle ou d'absence d'indépendance ou d'impartialité. » Comme l'a déjà indiqué A. Raven, « le critère applicable est plutôt celui de la perception d'un observateur raisonnablement informé ».

 

  • [385] A. Raven a également fait valoir que, quoi qu’il en soit, la seule preuve d’un « paravent » entre les agents d’appel et le SMA du Programme du travail était le témoignage de M. Rousseau selon lequel il lui incombe en tant que directeur de tenir lieu d’un tel paravent. Toutefois, dans les faits, l’ampleur de cette séparation est minime. A. Raven a souligné que le directeur a témoigné qu’il informe les agents d’appel de l’objet des discussions pratiquement à chacune de ses réunions avec le SMA.

 

  • [386] Enfin, A. Raven a déclaré que peu importe que la tendance constatée par l’intimé soit appuyée par la jurisprudence, elle n’est pas pertinente en l’espèce, car la preuve concernant la structure et la réalité opérationnelle du BCA va bien au-delà de ce qui est « excessivement abstrait ». A. Raven a soutenu que les appelantes ont relevé de nombreux cas de parti pris découlant d’un manque d’indépendance institutionnelle accordée aux agents d’appel.

 

  • [387] En ce qui concerne les éléments de l’indépendance institutionnelle précisés dans Valente [90] , A. Raven a fait référence à Say [91] et à Blake (supra), au paragraphe 103, et a fait valoir que de la thèse selon laquelle l’analyse de l’indépendance institutionnelle d’un tribunal administratif à la lumière des critères de l’arrêt Valente devrait être axée sur l’indépendance dont bénéficient la « vaste majorité » des décideurs est sans fondement.

 

  • [388] A. Raven a déclaré que seulement trois des sept agents d’appel qui siègent actuellement sont des employés de RHDCC nommés pour une période indéterminée et que même si le directeur a témoigné que l’essentiel des appels sont instruits par des agents d’appel nommés pour une durée indéterminée, le fait est qu’un pourcentage substantiel des décisions rapportées du BCA de 2004 à ce jour ont été rendues par des agents d’appel occasionnels ou à contrat.

 

  • [389] A. Raven a soutenu qu’une analyse des critères de l’arrêt Valente qui tient uniquement compte de l’indépendance des trois agents d’appel nommés pour une durée indéterminée ne prend pas en compte la réalité opérationnelle du BCA. A. Raven a déclaré qu’une analyse minutieuse de l’indépendance institutionnelle du processus d’appel sous le régime de la partie II du Code canadien du travail doit tenir compte de la structure complète du Bureau canadien d’appel, c’est-à-dire des divers emplois et des autres circonstances qui se rapportent à tous les agents d’appel.

 

  • [390] A. Raven a déclaré que, compte tenu de ce qui précède, les appelantes invoquent l’application des critères de l’arrêt Valente, y compris le contexte historique et la preuve de pratique, aux paragraphes 168 à 214 des arguments écrits des appelantes.

 

  • [391] A. Raven a prétendu que la réalité opérationnelle du BCA est que les agents d’appel ne bénéficient pas d’une inamovibilité suffisante pour posséder le degré d’indépendance institutionnelle nécessaire. A. Raven déclare que seuls les agents d’appel nommés pour une durée indéterminée ont accès aux protections accordées en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques et à la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les agents d’appel employés à contrat ne sont pas considérés comme des employés du Conseil du Trésor, ce qui fait qu’ils n’ont accès à aucune des protections mentionnées par l’intimé.

 

  • [392] A. Raven a également mentionné que le directeur possède le pouvoir de déployer des agents d’appel dans d’autres emplois, car les agents d’appel nommés pour une durée indéterminée sont nommés pour occuper un emploi, et non un poste en particulier.

 

  • [393] A. Raven a prétendu qu’aucune preuve n’a été présentée relativement aux protections contre l’influence indue exercée sur le processus ministériel de désignation. A. Raven a déclaré que la preuve révèle seulement que les agents d’appel sont désignés par le ministre à la demande du SMA du Programme du travail.

 

  • [394] A. Raven a répété que quatre des sept agents d’appel qui siègent actuellement ne sont pas nommés à temps plein et sont recrutés sur la base d’une indemnité journalière ou à taux fixe. A. Raven a fait valoir que la preuve révèle que les agents d’appel à contrat et occasionnels sont nommés pour des périodes variant entre huit jours et un an. A. Raven a également souligné le fait que le directeur a témoigné qu’il ne renouvellerait pas le contrat d’un agent d’appel s’il estimait que celui-ci a rendu une décision « stupide ».

 

  • [395] A. Raven a fait valoir que les arguments de l’intimé sur la sécurité de la rémunération s’appliquent seulement aux agents d’appel qui sont des employés de RHDCC nommés pour une durée indéterminée en vertu de la LEFP. A. Raven a répété que comme plus de la moitié de l’effectif actuel des agents d’appel sont employés sur une base occasionnelle ou à contrat, ces agents d’appel ne sont pas considérés comme des employés du Conseil du Trésor. A. Raven soutenait que ces AA ne bénéficient ni des conditions d’emploi énoncées dans la politique du Conseil du Trésor, ni des avantages accordés par la Loi sur la pension de la fonction publique, ni de l’accès à un recours concernant les conditions de leur emploi en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

 

  • [396] A. Raven a également fait observer que le directeur, qui est le superviseur immédiat des agents d’appel, fait l’objet d’un pouvoir discrétionnaire substantiel de l’administrateur général, notamment en ce qui concerne la rémunération au rendement du directeur qui est basée en partie sur l’efficacité du BCA à statuer sur des appels.

 

  • [397] A. Raven a soutenu que la structure et le fonctionnement actuels du BCA ne satisfont pas aux critères de l’indépendance administrative pour de nombreux motifs, dont la nature de la relation du BCA avec le SMA du Programme du travail, et l’absence de « paravent » adéquat entre eux, les pratiques de dotation, le pouvoir applicable au budget du BCA, et les enjeux liés à la relocalisation physique du Bureau canadien d’appel.

 

  • [398] A. Raven a déclaré que le critère de l’indépendance institutionnelle reflète le principe selon lequel l’indépendance doit être à la fois réelle et apparente et qu’il faut se demander si un observateur éclairé éprouverait une crainte raisonnable de partialité dans un nombre substantiel de causes instruites par le tribunal en question.

 

  • [399] A. Raven a mentionné que l’intimé fait valoir un critère juridique de « preuve substantielle » d’un manque d’indépendance institutionnelle, et soutient qu’aucune preuve n’a été produite pour établir l’existence d’une influence externe ou de restrictions applicables aux décisions des agents d’appel. A. Raven a déclaré que l’intimé a formulé un critère juridique incorrect que n’appuie pas la jurisprudence et que l’intimé n’a pas reconnu des éléments de preuve importants concernant la structure et le fonctionnement du Bureau d’appel.

 

  • [400] A. Raven a mentionné l’extrait complet d’un texte cité par l’intimé. Voici la traduction de ce texte de Jones, supra, aux pages 399 et 400 :

 

En l’absence de preuves d’abus réel du pouvoir de la Commission d’émettre des directives, la Cour a conclu que la simple existence de la possibilité d’un abus constituait un fondement insuffisant pour qu’un observateur raisonnable puisse conclure à une probabilité réelle de partialité. Ce raisonnement représente un autre exemple d’écart de la Cour suprême du Canada par rapport à la vision exprimée dans Régie des permis d’alcool, selon laquelle dans les affaires de parti pris institutionnel, il suffit de soulever la simple possibilité qu’une crainte raisonnable de partialité puisse être démontrée dans un nombre substantiel de causes. Cela ne signifie pas qu’une partie qui allègue un parti pris institutionnel doit indiquer clairement l’existence du parti pris, mais cela laisse croire que les tribunaux sont plus hésitants à entendre des arguments de parti pris institutionnel qui sont excessivement abstraits qu’il y a quelques années.

 

  • [401] A. Raven a cité Say [92] , Bell [93] supra aux paragraphes 18 à 20 et Blake, supra, aux paragraphes 101 à 103 et a déclaré que la loi établit clairement qu’il n’est pas nécessaire de présenter une preuve de partialité réelle pour établir un manque d’indépendance institutionnelle, quoique tant le cadre législatif que les pratiques réelles du tribunal s’appliquent de façon pertinente à l’analyse.

 

  • [402] A. Raven a déclaré qu’une analyse adéquate doit se concentrer sur la question de savoir si la structure du tribunal le rend vulnérable à l’influence ou à l’ingérence qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité, plutôt qu’à des cas où de telles influences ont mis en péril l’indépendance du tribunal.

 

  • [403] À cet égard, A. Raven a soutenu que la preuve produite portait sur des cas d’influence et de contrainte et sur la vulnérabilité de la structure à cette influence et à cette contrainte. A. Raven a mentionné que la pratique du directeur qui consistait à transmettre l’information obtenue à ses réunions avec le SMA aux agents d’appel, la révision qu’il fait des projets de décision, et sa demande de qualité d’intervenant pour présenter des arguments à l’agent d’appel dans cette affaire donnent toutes lieu à une crainte raisonnable de partialité en raison de leur impact possiblement important sur l’indépendance d’esprit des agents d’appel.

 

  • [404] A. Raven a déclaré que les appelantes rappellent que l’application adéquate des principes juridiques sur l’indépendance institutionnelle établis par la Cour suprême du Canada mènent nécessairement à la conclusion que l’objection préliminaire des appelantes devrait être maintenue et que le redressement demandé au paragraphe 217 des arguments écrits des appelantes devrait par conséquent être accordé.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

  • [405] Les appelantes ont fait observer dans leurs arguments qu’il est question de l’expression « indépendance institutionnelle » dans Matsqui, supra, au paragraphe 62. Le juge Lamer cite le juge Le Dain, dans Valente, supra, qui établit une distinction entre les concepts d’indépendance et d’impartialité. Le juge Le Dain a précisé que les concepts d’indépendance et d’impartialité inscrits dans l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertésreprésentent des valeurs et des exigences liées, mais séparées et distinctes. Le juge Lamer a fait référence à la décision du juge Le Dain, qui a écrit :

 

Même s'il existe de toute évidence un rapport étroit entre l'indépendance et l'impartialité, ce sont néanmoins des valeurs ou exigences séparées et distinctes. L'impartialité désigne un état d'esprit ou une attitude du tribunal vis-à-vis des points en litige et des parties dans une instance donnée […]

 

Le terme "indépendant", à l'al. 11d), reflète ou renferme la valeur constitutionnelle traditionnelle qu'est l'indépendance judiciaire. Comme tel, il connote non seulement un état d'esprit ou une attitude dans l'exercice concret des fonctions judiciaires, mais aussi un statut, une relation avec autrui, particulièrement avec l'organe exécutif du gouvernement, qui repose sur des conditions ou garanties objectives.

 

  • [406] Les appelantes ont confirmé qu’elles contestent l’indépendance institutionnelle des agents d’appel et du Bureau d’appel.

 

  • [407] Le critère applicable qui sera utilisé en l’espèce a été formulé par la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice c. Office national de l’énergie [94] et appliqué par la Cour dans Valente [95] . Le juge de Grandpré, qui a rédigé la décision Committee for Justice, disait à la page 394 :

 

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique […] »

 

  • [408] Compte tenu de ce critère dans le contexte de la présente affaire, je dois décider si une personne raisonnable et sensée, qui s’est informée au sujet du régime législatif contenu dans le Code, en vertu duquel le ministre du Travail désigne les agents d’appel aux termes de l’article 145.1 aux fins du paragraphe 145.1(1) [nomination aux fins de la partie II], du paragraphe 146.1(1) [enquête sur les appels formés en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146] et de l’article 122.1 [objet de la partie II], conclurait vraisemblablement, ayant étudié la question en profondeur de façon réaliste et pratique dans un nombre substantiel de causes [96] , que les agents d’appel sont structurés dans la loi et fonctionnent dans les faits à un niveau d’indépendance institutionnelle qui satisfait aux normes juridiques applicables et assure une instruction équitable aux intéressés. Les dispositions susmentionnées sont ainsi rédigées :

 

145.1(1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie.

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

 

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

 

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

  • [409] Une question secondaire a trait à la thèse apparente des appelantes au paragraphe 4 de leurs arguments, selon lesquels le Bureau d’appel constitué par le ministère pour donner du soutien administratif aux agents d’appel et les agents d’appel eux-mêmes ne forment qu’un, de sorte que les exigences en matière d’indépendance institutionnelle s’appliquent également aux deux. Voici la teneur du paragraphe 4 :

 

[Traduction]

4. Aux fins de ces arguments écrits, toute mention du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail inclut les agents d’appel tels qu’ils sont désignés par le ministre en vertu de l’article 145.1 du Code canadien du travail (« le Code »).

 

  • [410] Les parties se sont dites d’avis que je devrais définitivement rendre une décision dans cette affaire, plutôt que simplement m’appuyer sur l’affaire renvoyée à la Cour fédérale à des fins de règlement. Il semblerait que les parties convenaient que ma décision pourrait être utile si l’affaire est effectivement renvoyée en Cour fédérale par l’une ou l’autre des parties.

 

  • [411] Pour le compte des appelantes, A. Raven a essentiellement contesté l’indépendance institutionnelle des agents d’appel et du Bureau d’appel pour les motifs suivants :

 

  • La preuve historique produite à l’audience établissait que les syndicats se préoccupaient de l’équité d’un mécanisme d’appel à palier unique qui comprenait un arbitre qui était un employé de DRHC, l’organisme de réglementation. Les syndicats alléguaient en outre que l’ARS arbitre devait observer les politiques opérationnelles et les lignes directrices en matière d’interprétation de DRHC qui interprétaient et appliquaient la législation pour les agents de santé et de sécurité.

 

  • La législation sur la santé et la sécurité au travail doit être interprétée de manière à promouvoir ses objectifs importants de bien-être public. Ainsi, le processus d’appel qui constitue la fonction principale du Bureau d’appel doit garantir une audience équitable conformément aux principes de justice naturelle, tant en common law qu’en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

  • Contrairement à la situation dans Ocean Port, supra, rien dans le Code ne laisse croire que l’intention du législateur était moindre qu’un degré élevé d’indépendance pour les agents d’appel. Dans ces circonstances, les appelantes soutiennent que les exigences en matière d’indépendance du Bureau canadien d’appel doivent se trouver à l’extrémité la plus relevée du spectre décrit dans Bell, supra.

 

  • Compte tenu de la nature des intérêts en jeu dans les affaires concernant la santé et la sécurité au travail en vertu de la partie II du Code canadien du travail, le droit fondamental à la sécurité de la personne prévu à l’article 7 de la Charte trouve application. Par conséquent, les appelantes soutiennent que le gouvernement du Canada est tenu de veiller à ce que les audiences devant les agents d’appel du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail soient conformes aux principes de justice fondamentale.

 

  • La Cour suprême du Canada a confirmé dans Matsqui, supra, que le critère de l’indépendance judiciaire, formulé dans l’arrêt Valente, supra, s’applique aux tribunaux administratifs lorsque les fonctions du tribunal sont celles d’un organisme d’arbitrage qui règle des différends et qui statue sur les droits des parties.

 

  • Le Bureau canadien d’appel ne satisfait pas aux trois éléments de l’indépendance institutionnelle énoncés dans l’arrêt Valente, supra, notamment à la lumière de la norme élevée d’indépendance exigée par la nature du tribunal administratif et par la nature des intérêts en jeu.

 

  • Compte tenu de la structure et de la pratique du BCA telles qu’elles sont constatées dans la preuve, les parties qui se présentent devant le Bureau d’appel ne peuvent avoir confiance ni dans le processus ni dans le résultat de leurs appels en santé et sécurité.

 

  • [412] Jeff Bennie, agent national de sécurité de l’AFPC, a témoigné au sujet du contexte législatif historique des dispositions actuelles de la partie II du Code concernant la désignation et les fonctions des agents d’appel.

 

  • [413] D’après le témoignage de Jeff Bennie, le ministère du Travail [97] a constitué un Comité d’examen législatif en 1994 pour recommander des amendements à la partie II du Code canadien du travail. Le Comité d’examen législatif était formé de représentants des syndicats et des employeurs de compétence fédérale et de représentants ministériels et était chargé de proposer des amendements consensuels que le ministre devait étudier.

 

  • [414] Le mandat du Comité d’examen législatif était tel qu’aucun élément ayant fait l’objet d’un consensus ne serait réexaminé au niveau du Comité si, entre autres conditions, le sous-ministre adjoint était d’accord avec ces éléments.

 

  • [415] Des représentants des syndicats ont proposé, au niveau du comité, que les parties aient accès à un palier d’appel additionnel à l’encontre d’une instruction après le palier de l’agent régional de sécurité. Ils ont déclaré que l’établissement d’un comité fédéral tripartite sur la santé et la sécurité chargé de donner [traduction] « un avis extérieur à l’organisme de réglementation assurerait l’équité » et représenterait une étape préalable à un renvoi en Cour fédérale.

 

  • [416] Le 15 juin 1995, James Lahey, SMA du Programme du travail, a informé le Comité d’examen législatif d’un changement dans le processus qui a résulté d’un « examen des programmes », une initiative gouvernementale qui exigeait des réductions de personnel et de budget considérables pour le Programme du travail. Le mandat du Sous-comité d’examen législatif confirme que les éléments ayant fait l’objet d’un consensus qui avaient été acceptés par le Sous-comité ne seraient pas modifiés par le Comité d’examen législatif sauf si des préoccupations importantes ont été omises au niveau du sous-comité et si le SMA principal du Programme du travail donnait son assentiment. [Je souligne].

 

  • [417] Jim Lahey a indiqué aux membres du Sous-comité d’examen législatif et aux membres du Comité que le Programme du travail de DRHC a dû réduire son budget de 10,3 millions de dollars et réduire ses postes équivalents temps plein de 100 d’ici la fin de 1997-1998 sur le budget de base de 64 millions de dollars et de 750 équivalents temps plein. Par conséquent, ce ne sont pas toutes les propositions ayant fait l’objet d’un consensus qui seraient recommandées au ministre du Travail.

 

  • [418] Le SMA Lahey a dit aux membres que les critères suivants orienteraient DRHC dans ses exercices de révision de programmes. Les critères devaient :

 

  • refléter l’évolution du rôle du gouvernement fédéral, la compression des dépenses, l’examen des programmes;

 

  • moderniser le Code : basé sur le rendement, moins normatif, reflet de la technologie actuelle;

 

  • rationaliser le Code : abaisser les coûts superflus pour toutes les parties, renforcer la responsabilité à l’interne, accroître l’efficacité administrative;

 

  • mousser les partenariats/l’harmonisation avec les autres administrations : fournir les pouvoirs de réglementation nécessaires pour faciliter l’harmonisation de la réglementation;

 

  • promouvoir la responsabilité en milieu de travail : responsabilité conjointe des partenaires en milieu de travail pour assurer le suivi des enjeux en matière de santé et sécurité au travail et faire face à ces questions;

 

  • établir un train de mesures de conformité et renforcer celles-ci.

 

  • [419] À l’opposé du point de vue exprimé par Jeff Bennie dans son témoignage, les critères susmentionnés établissent que la réduction de coût ne constituait ni un objectif principal ni un objectif isolé de l’examen des programmes de DRHC.

 

  • [420] De plus, Jeff Bennie a confirmé que les membres du Sous-comité d’examen législatif savaient qu’un examen des programmes avait lieu à DRHC et les membres prouvaient parfois certaines inquiétudes concernant l’impact possible sur leurs conventions. Aucune preuve n’établissait que le Sous-comité d’examen législatif a apaisé cette préoccupation et que le SMA Lahey traitait simplement le point 4.1 du mandat du Sous-comité d’examen législatif.

 

  • [421] DRHC a plus tard fait connaître sa préférence pour une approche à palier unique tenant lieu de palier final unique d’appel pour les questions de santé et de sécurité au travail. Cette approche à palier unique éliminait le deuxième palier d’appel représenté par le CCRI ou la CRTFP et conférait aux agents d’appel proposés le pouvoir de rendre des décisions finales après leur enquête sur les instructions et les décisions d’absence de danger des agents de santé et de sécurité, sous la seule réserve du contrôle judiciaire de la Cour fédérale.

 

  • [422] Le 12 juillet 1996, Nicole Senécal, SMA du Programme du travail, a informé les membres du Comité d’examen législatif qu’elle recommanderait un processus d’appel à palier unique. Elle a en outre informé les parties que le Code ne dirait mot du locus organisationnel des agents d’appel, car il s’agissait d’une question administrative dont le règlement devait attendre les décisions sur l’avenir du CCRI.

 

  • [423] RHDCC et le ministre du Travail ont choisi de modifier le Code suivant le plan d’action actuel du ministère pour permettre au ministre de désigner une personne comme agent d’appel. Les attributions de l’agent d’appel seraient également expliquées en détails dans le Code. Aux termes de cette option, le Code demeurerait silencieux au sujet du locus organisationnel des agents d’appel, cette décision demeurant de nature administrative.

 

  • [424] Un projet de loi visant à modifier le Code a été présenté à la Chambre par le ministre du Travail en 1997, mais est mort au Feuilleton quand la Chambre a prorogé en raison de la convocation d’élections. Il est significatif que le ministre et le ministère aient opté pour la même approche du processus de révision des appels dans le nouveau projet de loi C‑12 qui a par la suite été présenté.

 

  • [425] Le Congrès du travail du Canada a fait part de ses préoccupations au sujet de cette option à palier unique devant le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales qui revoit le projet de loi C-12 sur les propositions de modifications à la partie II du Code.

 

  • [426] Warren Edmondson, qui était devenu le SMA du Programme du travail, a ensuite témoigné devant le Comité permanent que les propositions avaient simplement pour but de redéfinir le rôle de l’agent régional de sécurité existant en modifiant la désignation de cette personne pour celle d’agent d’appel (AA) et que cette nouvelle désignation n’affecterait pas la fonction quasi judiciaire précédente de l’agent d’appel. Il a en outre déclaré que le ministère avait rejeté le processus d’appel à deux paliers en partie parce qu’il aurait été inapproprié pour un tribunal quasi judiciaire, le CCRI, de réviser les décisions d’un autre tribunal quasi judiciaire, l’agent d’appel.

 

  • [427] Après les modifications apportées à la partie II du Code, des représentants syndicaux ont réitéré au Comité d’examen législatif du ministère leurs préoccupations concernant le mécanisme d’appel assuré par les agents d’appel. Il y a eu une réunion le 13 septembre 2002 entre les porte-paroles des employés et de l’employeur et le SMA au sujet de cette question, mais aucune autre mesure n’a été rapportée en réaction à ces préoccupations.

 

  • [428] Je conclus que la preuve qui précède confirme que les SMA du Programme du travail qui se sont succédés, soit James Lahey, Nicole Senécal et Warren Edmondson, nommés au cours de la période de 1996 à 2000, alors que les modifications apportées à la partie II ont fait l’objet de discussions et ont été présentées au Parlement, ne souscrivaient pas à la proposition du Comité d’examen législatif sur la nécessité ou l’opportunité d’établir un palier additionnel d’appel devant un comité fédéral tripartite de santé et de sécurité, après l’examen initial d’une instruction par l’agent régional de sécurité.

 

  • [429] Jeff Bennie a témoigné que les syndicats ont continué de faire part à RHDCC de leur préférence d’un comité fédéral tripartite de santé et de sécurité après que les modifications de septembre 2000 aient été apportées au Code. Toutefois, il demeure qu’après plus de sept ans depuis l’adoption des modifications à la partie II, les préoccupations formulées par les syndicats selon lesquelles le Code n’offre pas de garanties d’équité n’ont pas persuadé les hauts fonctionnaires du Programme du travail de la nécessité de modifier le mécanisme de l’agent d’appel dans le Code de manière à ajouter un autre palier d’appel.

 

  • [430] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que la preuve historique communiquée par Jeff Bennie confirme que le législateur était bien au fait des préoccupations des syndicats au sujet de l’indépendance institutionnelle de la structure proposée pour le processus d’enquête de l’agent d’appel et a choisi, de manière éclairée et volontaire, de conserver le mécanisme d’appel à palier unique dans le cadre duquel des arbitres, appelés agents d’appel, reçoivent et traitent des appels d’instructions données et de décisions d’absence de danger rendues par des agents de santé et de sécurité.

 

  • [431] A. Raven a ensuite fait valoir au nom des appelantes que la fonction principale du Bureau d’appel doit garantir une instruction juste et indépendante conformément aux principes de justice naturelle, tant en common law qu’en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

  • [432] Pour l’essentiel, je ne suis pas en désaccord avec cette affirmation de M. Raven. Le paragraphe 146.1(1) du Code exige que les AA fassent enquête de façon sommaire sur les circonstances de la décision ou de l’instruction d’un agent de santé et de sécurité et sur leurs motifs. Le paragraphe 146.1(2) du Code exige que les AA rendent leurs décisions accompagnées de motifs par écrit. L’alinéa 146.2h) exige que les AA donnent aux parties l’occasion de présenter des preuves et des arguments et d’étudier les renseignements sur l’affaire. Les paragraphes 146.1(1) et (2) et l’alinéa 146.2h) sont ainsi rédigés :

 

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

 

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause; l’employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

 

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

 

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

 

  • [433] Sur la foi de ce qui précède, je suis d’avis qu’il ne fait aucun doute que les AA sont tenus de garantir une instruction équitable. L’élément avec lequel les tribunaux judiciaires se sont débattus, et dont je dois maintenant traiter, est le degré d’indépendance institutionnelle qui convient pour les AA.

 

  • [434] À cet égard, la Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 20 de l’arrêt Ocean Port, supra, qu’en l’absence de limites constitutionnelles, le degré d’indépendance exigé d’un décideur particulier du gouvernement ou d’un tribunal administratif est établi par sa loi habilitante. Compte tenu de ce fait, la loi doit être interprétée globalement pour déterminer le degré d’indépendance souhaité par le législateur. Le paragraphe 20 est ainsi rédigé :

 

20 Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de contraintes constitutionnelles, le degré d’indépendance requis d’un décideur ou d’un tribunal administratif est déterminé par sa loi habilitante. C’est la législature ou le Parlement qui détermine le degré d’indépendance requis des membres d’un tribunal administratif. Il faut interpréter la loi dans son ensemble pour déterminer le degré d’indépendance qu’a voulu assurer le législateur. [Je souligne.]

 

 

  • [435] La Cour suprême du Canada a ajouté au paragraphe 22 que le degré d’indépendance exigé des membres du tribunal peut être exclu au moyen d’une disposition législative expresse ou par déduction nécessaire. Le paragraphe 22 est ainsi rédigé :

 

22 Toutefois, comme pour tous les principes de justice naturelle, le degré d’indépendance requis des membres du tribunal administratif peut être écarté par les termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire. Voir de façon générale :  Innisfil (Municipalité du canton d’) c.  Municipalité du canton de Vespra, [1981] 2 R.C.S. 145; Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301; Ringrose c. College of Physicians and Surgeons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814; Kane c. Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105. En dernier ressort, c’est le Parlement ou la législature qui détermine la nature des relations entre le tribunal administratif et l’exécutif. Il n’est pas loisible à un tribunal judiciaire d’appliquer une règle de common law alors qu’il est en présence d’une directive législative claire. Les tribunaux judiciaires siégeant en révision de décisions administratives doivent se reporter à l’intention du législateur pour apprécier le degré d’indépendance requis du tribunal administratif en cause. [Je souligne.]

 

  • [436] Je constate que dans Ocean Port, supra, la Cour suprême du Canada a statué qu’il existe une différence fondamentale entre les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires. La Cour a fait observer que les tribunaux administratifs sont constitués expressément pour mettre en œuvre la politique gouvernementale et que par conséquent, il n’y a pas de distinction constitutionnelle entre les tribunaux judiciaires et l’exécutif. La Cour a en outre déclaré qu’il incombe au Parlement et au législateur d’établir la composition et l’organisation dont un tribunal administratif a besoin pour s’acquitter des attributions qui lui sont dévolues. Le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif est fonction de l’intention du législateur. Les paragraphes 23 et 24 de Ocean Port, supra, sont ainsi rédigés :

 

23 Ce principe traduit la distinction fondamentale entre tribunaux administratifs et tribunaux judiciaires. Du fait de leur compétence inhérente, les cours supérieures sont constitutionnellement tenues d’offrir des garanties objectives d’indépendance institutionnelle et individuelle. Le même impératif constitutionnel s’applique aux tribunaux provinciaux : Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3 (« Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale »). À l’origine, l’exigence de l’indépendance de la magistrature reposait sur la nécessité de marquer la séparation fondamentale entre les pouvoirs judiciaire et exécutif. Elle protégeait et protège toujours l’impartialité et l’image d’impartialité des juges en les gardant contre toute influence de l’extérieur, plus particulièrement celle de l’exécutif : Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56, p. 69; Régie, par. 61.

 

24 Par contre, les tribunaux administratifs ne sont pas constitutionnellement séparés de l’exécutif. Ils sont en fait créés précisément en vue de la mise en œuvre de la politique gouvernementale. Pour remplir cette fonction, ils peuvent être appelés à rendre des décisions quasi judiciaires. On peut considérer en ce sens qu’ils chevauchent la ligne de partage constitutionnelle entre l’exécutif et le judiciaire. Toutefois, vu que leur fonction première est d’appliquer des politiques, il appartient à bon droit au Parlement et aux législatures de déterminer la composition et l’organisation qui permettront aux tribunaux administratifs de s’acquitter des attributions qui leur sont dévolues. Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la Charte relatives à l’indépendance, ce n’est généralement pas le cas. Ainsi le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif donné est fonction de l’intention du législateur et, en l’absence de contraintes constitutionnelles, il convient de respecter ce choix.

 

  • [437] Voici un résumé du contenu de l’arrêt Ocean Port, supra, qui, à mon avis, s’applique de façon pertinente à l’affaire dont je suis saisi :

 

  • Il existe une distinction fondamentale entre tribunaux administratifs et tribunaux judiciaires. Les tribunaux administratifs sont créés précisément en vue de la mise en œuvre de la politique gouvernementale et par conséquent, ils ne sont pas constitutionnellement séparés de l’exécutif.

 

  • Il appartient à bon droit au Parlement et au législateur de déterminer la composition et l’organisation qui permettront aux tribunaux administratifs de s’acquitter des attributions qui leur sont dévolues. Le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif est fonction de l’intention du législateur.

 

  • Le degré d’indépendance requis d’un décideur ou d’un tribunal administratif est déterminé par sa loi habilitante.

 

  • Le degré d’indépendance requis des membres du tribunal administratif peut être écarté par les termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire. [Je souligne.]

 

  • Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la Charte relatives à l’indépendance, ce n’est généralement pas le cas. Ainsi le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif donné est fonction de l’intention du législateur et, en l’absence de contraintes constitutionnelles, il convient de respecter ce choix [Je souligne.]

 

  • [438] A. Raven a déclaré que le Code ne comporte pas de dispositions législatives claires et sans équivoque qui écarte le degré d’indépendance institutionnelle applicable au mécanisme des agents d’appel. Il a souligné que la Cour suprême du Canada a établi clairement dans le paragraphe 21 de l’arrêt Ocean Port (supra) que les tribunaux judiciaires, confrontés à des lois muettes ou ambiguës, infèrent généralement que le Parlement ou la législature voulait que les procédures du tribunal administratif soient conformes aux principes de justice naturelle. La Cour a également déclaré que les tribunaux judiciaires hésiteront à présumer que les législateurs avaient l’intention d’édicter des procédures contraires aux principes de justice naturelle, mais que le degré précis d’indépendance requis dépendra « de l’ensemble des circonstances. La Cour a déclaré qu’il dépendra aussi, notamment, des termes de la loi en vertu de laquelle le tribunal administratif agit, de la nature de ses tâches et du type de décision qu’il est appelé à rendre. Le paragraphe 21 est ainsi rédigé :

 

21 Confrontés à des lois muettes ou ambiguës, les tribunaux judiciaires infèrent généralement que le Parlement ou la législature voulait que les procédures du tribunal administratif soient conformes aux principes de justice naturelle : Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495, p. 503; Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767, p. 783-784. En pareilles circonstances, les tribunaux administratifs peuvent être liés par l’exigence d’un décideur indépendant et impartial, un des principes fondamentaux de la justice naturelle : Matsqui, précité (le juge en chef Lamer et le juge Sopinka); Régie, précité, par. 39; Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1996] 3 R.C.S. 405. De fait, les tribunaux hésiteront à présumer que les législateurs avaient l’intention d’édicter des procédures contraires à ce principe, bien que le degré précis d’indépendance requis dépendra « de l’ensemble des circonstances, et notamment des termes de la loi en vertu de laquelle l’organisme agit, de la nature de la tâche qu’il accomplit et du type de décision qu’il est appelé à rendre » : Régie, par. 39.

 

  • [439] R. Fader a fait valoir que conformément à la décision de la Cour dans Ocean Port, supra, les principes de justice naturelle liés à l’indépendance institutionnelle sont écartés par déduction nécessaire des dispositions du Code concernant le processus de désignation des agents d’appel prévu au paragraphe 145.1(1).

 

  • [440] Comme en font foi les paragraphes 122(1) et 145.1(1) du Code actuel, lorsque la partie II du Code a été modifiée pour la dernière fois en septembre 2000, il me semble que le Parlement et le législateur ont nettement choisi de manière éclairée et volontaire de conserver le mécanisme d’appel à palier unique dans le cadre duquel les arbitres, appelés agents d’appel désignés par le ministre du Travail, reçoivent et traitent des appels d’instructions d’agents de santé et de sécurité et de décisions d’absence de danger de ces derniers plutôt que de constituer un tribunal administratif ou un conseil distinct. Les paragraphes 122(1) et 145.1(1) sont ainsi rédigés :

 

122.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

«agent d’appel » Personne désignée à ce titre en vertu de l’article 145.1.

[Je souligne.]

 

145.1(1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie.

 

  • [441] La seule exigence expresse du paragraphe 145.1(1) est que le ministre nomme comme agent d’appel une personne qui est compétente pour exercer les fonctions exigées. L’expression « personne compétente » n’est pas définie dans le Code. Toutefois, l’article 1.2 de la partie I du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) pris en application de la partie II du Code définit une personne qualifiée (dans le Code, personne compétente) comme une personne dont les connaissances, la formation et l’expérience la qualifient pour l’exécution d’une fonction donnée correctement et en toute sécurité. [Je souligne.] L’article 1.2 de la partie I du RCSST est ainsi rédigé :

 

« personne qualifiée » Employé dont les connaissances, la formation et l’expérience le qualifient pour l’exécution d’une fonction donnée correctement et en toute sécurité. [...]

 

  • [442] À mon avis, sans vouloir ajouter à la loi par règlement, on peut raisonnablement, par analogie, tirer une signification de cette définition dans le contexte de la désignation des agents d’appel au paragraphe 145.1(1) du Code. Quoi qu’il en soit, le Sous-comité d’examen législatif a convenu que la désignation des agents d’appel devrait être essentiellement orientée vers leur spécialisation technique dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

 

  • [443] Je constate que la désignation d’AA par le ministre du Travail ne comporte pas de limite de temps ni n’est faite à la discrétion du ministre. De plus, la désignation est faite aux fins de la partie II, comme le prévoit l’article 122.1 :

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

 

  • [444] Selon moi, le Parlement et le législateur ont exercé leur rôle et leurs attributions à bon droit en consultant les parties concernées et, malgré les préférences des syndicats concernant le mécanisme d’appel, ont bien exercé leur rôle et leurs attributions et ont décidé de conserver le mécanisme d’appel à palier unique qui a été en place pendant environ dix ans sans problèmes graves.

 

  • [445] Par conséquent, ce que je comprends de la décision de la décision de la Cour suprême du Canada dans Ocean Port, supra, c’est que la volonté du Parlement et du législateur relativement aux agents d’appel peut écarter les principes de justice naturelle liés à l’indépendance institutionnelle dans la mesure nécessaire pour prendre en compte la composition et l’organisation du tribunal administratif à palier unique qui a été constitué. Autrement dit, le tribunal administratif à palier unique qui a été constitué ne viole pas en principe les principes de justice naturelle liés à l’indépendance institutionnelle.

 

  • [446] Les appelantes faisaient également valoir que l’impact sur la sécurité personnelle des employés touchés exige que le mécanisme d’appel en matière d’arbitrage des questions de santé et de sécurité garantisse une instruction équitable, conformément aux principes de justice naturelle et à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, selon lequel :

 

2. Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme

 

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations; [.]

 

  • [447] R. Fader a reconnu qu’à titre de loi fédérale, la Déclaration canadienne des droits s’applique à la présente analyse de l’indépendance institutionnelle. Toutefois, il doutait que l’alinéa 2e) ait quelque impact que ce soit sur la question dont je suis saisi. Il a déclaré que l’alinéa 2e) n’empêche pas le Parlement de déterminer le lien entre un décideur législatif et l’exécutif pour garantir le droit à la « justice fondamentale », comme il en a été question précédemment.

 

  • [448] À cet égard, R. Fader a fait valoir que si le Parlement avait voulu faire en sorte que la Déclaration canadienne des droits se limite pour préciser la composition, l’organisation et la relation des tribunaux administratifs avec le législateur du point de vue de l’analyse de l’indépendance institutionnelle et de l’impartialité, il aurait utilisé les mêmes termes dans l’alinéa 2e) et dans l’alinéa 2f). L’alinéa 2f) exige qu’un tribunal soit indépendant et juste lorsqu’une personne est accusée d’une infraction criminelle. Il prévoit :

 

f) privant une personne accusée d’un acte criminel du droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie en conformité de la loi, après une audition impartiale et publique de sa cause par un tribunal indépendant et non préjugé, ou la privant sans juste cause du droit à un cautionnement raisonnable; [.]

 

  • [449] R. Fader a dit que le libellé des alinéas 2e) et f) de la Déclaration canadienne des droits diffère. Il a déclaré que l’alinéa 2e) avait pour but de donner à des personnes les protections accordées par la « justice fondamentale », mais de procurer au Parlement la souplesse requise pour déterminer l’organisation et la relation avec l’exécutif des décideurs administratifs non impliqués dans des infractions criminelles.

 

  • [450] R. Fader a fait valoir que l’arrêt Régie, supra, qu’invoquent les appelantes, repose sur l’article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il soutenait toutefois que l’article 23 diffère de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, mais reflète le contenu de l’alinéa 2f).

 

  • [451] R. Fader a fait référence aux observations récentes concernant l’article 23 de la Charte québécoise formulées par la Cour suprême du Canada dans Ocean Port, supra. La Cour a mentionné :

 

28 […] sans tenir compte du fait que les exigences d’indépendance dans Régie résultaient de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, une loi à caractère quasi constitutionnel. L’article 23 de la Charte québécoise consacre le droit de toute personne, « en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé » (je souligne). Aucune garantie d’indépendance équivalente ne limite l’action de la législature de la Colombie-Britannique.

 

  • [452] R. Fader a fait valoir, subsidiairement, que si l’alinéa 2e) écarte le principe formulé dans Ocean Port, supra, concernant la qualification du degré d’indépendance requis pour un tribunal administratif, il n’a pas comme impact d’élever le degré d’indépendance institutionnelle requis au niveau de celui de l’indépendance judiciaire. R. Fader a soutenu que l’indépendance institutionnelle continue à être appliquée avec souplesse aux décideurs administratifs, et ce même dans les cas où des dispositions constitutionnelles (ou quasi constitutionnelles) s’appliquent.

 

  • [453] R. Fader a déclaré qu’il était également établi dans les citations susmentionnées que même dans les cas où des principes constitutionnels (ou quasi constitutionnels) s’appliquent, les tribunaux judiciaires ne se pencheront pas exclusivement sur les critères de l’indépendance judiciaire (les critères de Valente - infra), mais également sur la « réalité opérationnelle » du décideur administratif. Ils exigeront en outre une preuve « substantielle » indiquant un manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité.

 

  • [454] A. Raven a répliqué que malgré ce qu’il a décrit comme nouvelle distinction de l’intimé entre les alinéas 2e) et 2f) de la Déclaration canadienne des droits, la Cour suprême du Canada a statué à l’unanimité, dans Bell, supra, que le contenu des « principes de justice fondamentale » garantis en vertu de l’alinéa 2()est « établi par référence aux principes de justice naturelle de la common law » et a accepté que les garanties d’indépendance et d’impartialité prévues par l’alinéa 2e) ne différeraient pas des exigences d’équité procédurale de la common law.

 

  • [455] D’après l’ouvrage de Jones et de Villars intitulé Principles of Administrative Law, (supra), les tribunaux judiciaires canadiens n’ont pas été préparés à accepter que les tribunaux administratifs qui s’acquittent de fonctions purement juridictionnelles soient l’équivalent de tribunaux judiciaires en ce qui concerne le degré d’indépendance. Les auteurs ont également déclaré que les décisions traitant du concept constitutionnel ou quasi constitutionnel de l’indépendance des tribunaux administratifs révèlent dans Bell Canada (supra) et dans Régie, supra, que même si les principes régissant l’indépendance judiciaire représentent le modèle des garanties de l’indépendance des tribunaux administratifs, ces garanties doivent être appliquées avec souplesse compte tenu des fonctions et des caractéristiques d’un tribunal administratif en particulier dans les cas où le tribunal administratif n’est pas un tribunal judiciaire, même si des pouvoirs de nature judiciaire lui sont dévolus.

 

  • [456] Ayant pris en compte les arguments, je souscris à l’opinion de R. Fader selon laquelle l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits ne modifie pas le principe formulé dans l’arrêt Ocean Port, supra, en l’espèce, compte tenu du vaste pouvoir discrétionnaire conféré au ministre du Travail dans l’article 145.1 du Code canadien du travail et de l’exigence selon laquelle les tribunaux judiciaires doivent demeurer flexibles.

 

  • [457] L’argument suivant des appelantes était que compte tenu de la nature des intérêts en jeu dans les questions relatives à la santé et à la sécurité au travail en vertu de la partie II du Code canadien du travail, le droit fondamental à la sécurité de la personne en vertu de l’article 7 de la Charte des droits et libertés trouve application.

 

  • [458] L’article 7 de la Charte des droits et libertés prévoit :

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

  • [459] A. Raven a fait valoir que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration [1995] 1 R.C.S. 177 aux pages 201-202 que l’article 7 de la Charte s’applique lorsqu’une loi gouvernementale ou l’application de celle-ci a pour effet de priver une personne de la vie, de la liberté ou de la sécurité. La garantie de sécurité de la personne, au sens large, englobe à la fois l’intégrité physique et l’intégrité psychologique de la personne.

 

  • [460] M. Raven a soutenu que lorsqu’ils instruisent des appels à l’encontre des décisions rendues par des agents de santé et de sécurité, les agents d’appel arbitrent des différends entre des parties qui ont des intérêts contradictoires dans le contexte d’un régime législatif, soit la partie II du Code canadien du travail. En outre, en plus d’être investis de tous les pouvoirs des agents de santé et de sécurité, les agents d’appel possèdent les pouvoirs judiciaires d’assigner des témoins et de les contraindre à comparaître, de faire prêter serment et de déterminer la procédure par laquelle les parties présentent des preuves et des arguments. Au surplus, les agents d’appel entendent les témoignages dans le contexte de procédures judiciaires dans le cadre desquelles les parties sont souvent représentées par un avocat. Les appelantes ont déclaré que les agents d’appel sont appelés à tirer des conclusions de fait et à appliquer les dispositions du Code à ces faits lorsqu’ils rendent ces décisions, qui doivent être par écrit et accompagnées de motifs.

 

  • [461] R. Fader a déclaré que pour que l’article 7 de la Charte puisse entrer en jeu, il faut constater d’abord qu’il a été porté atteinte au droit à la sécurité de la personne et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale. Il a mentionné que dans le paragraphe 26 de Pearlman, il est déclaré :

 

26. Il convient tout d'abord de rappeler la méthode appropriée pour analyser une disposition législative qui, affirme‑t‑on, viole l'art. 7 de la Charte. Le juge La Forest a dit dans l'arrêt R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, à la p. 401:

 

L'analyse de l'art. 7 de la Charte se fait en deux temps. Pour que l'article puisse entrer en jeu, il faut constater d'abord qu'il a été porté atteinte au droit "à la vie, à la liberté et à la sécurité [d'une] personne" et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale.

 

  • [462] R. Fader a fait valoir que la Cour suprême du Canada, au paragraphe 24 de Ocean Port ,supra, a créé une présomption contre l’application de la Charte aux décisions de décideurs administratifs:

 

Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la Charte relatives à l’indépendance, ce n’est généralement pas le cas. Ainsi le degré d’indépendance exigé d’un tribunal administratif donné est fonction de l’intention du législateur et, en l’absence de contraintes constitutionnelles, il convient de respecter ce choix.

 

  • [463] R. Fader a déclaré qu’il est également établi dans Mussani v. College of Physicians and Surgeons of Ontario, [2004] O.J. No. 5176 (C.A.) et dans Walker que la Charte ne garantit pas les droits de propriété ou un droit à l’emploi.

 

  • [464] R. Fader a déclaré en corollaire que la Charte n’entre pas en jeu dans les causes dans lesquelles l’intérêt fondamental qui est en jeu est celui de l’emploi. Il a déclaré que dans Blencoe, supra, il est établi que contrairement aux causes qui mettent vraiment en jeu l’article 7, un employé contrôle, en dernière analyse, son choix de demeurer au service d’un employeur.

 

  • [465] R. Fader a fait valoir que tel est le choix qui établit une distinction entre l’argument des appelantes et les affaires de droit criminel ou les affaires en matière d’immigration dans le cadre desquelles les personnes touchées ne peuvent exercer un libre choix pour se soustraire au prétendu préjudice. Il a cité Health Employers Assn. of British Columbia v. British Columbia Nurses’ Union, [2006] B.C.C.A.A.A. no 167; British Columbia Teachers’ Federation v. Vancouver School District no 39 2003 C.A. de la C.-B. 100, demande d’autorisation de pourvoi devant la CSC rejetée (2003) S.C.C.A no 156; et Vancouver School District No. 39 v. British Columbia Teachers’ Federation, [2001] B.C.C.A.A.A. no 208 en rapport avec cette question.

 

  • [466] R. Fader a ajouté que, bien que les employés profitent des vastes protections accordées par la législation sur la santé et la sécurité au travail, le droit de conserver son emploi ne met pas en cause les garanties de l’article 7 de la Charte. À cet égard, il a fait référence à l’article 193 et à l’alinéa 195.1(1)c) du Code criminel, ainsi qu’à (1990) S.C.J. no 52; Mussani, supra, et Walker.

 

  • [467] R. Fader a cité Ruffo, supra, et a déclaré, subsidiairement, que si l’article 7 trouve application, il n’a pas pour effet d’élever le niveau de l’indépendance institutionnelle à celui de l’indépendance judiciaire.

 

  • [468] A. Raven a répliqué que cette position, en plus de refléter une vision appauvrie et inexacte de la Charte et de la jurisprudence sur les relations de travail en général, ne reconnaît pas l’objectif sous-jacent de la partie II du Code canadien du travail en particulier. Il a déclaré que les appelantes sont perturbées qu’au vu de l’importance des objectifs en matière de santé et de sécurité qui sont intégrés à la partie II du Code, l’intimé laisse entendre que le recours adéquat dont les employés menacés par un milieu de travail non sécuritaire devraient se prévaloir serait de quitter leur emploi. À cet égard, il a cité Chaoulli c. Québec (Procureur généneral), [2005] 1 R.C.S. 791, aux paragraphes 123 et 124 et 132 à 134 et Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] A.C.S. no 9, aux paragraphes 18,19 et 32.

 

  • [469] Je dois toutefois souligner qu’en vertu du paragraphe 128.(2) du Code, un employé n’est pas autorisé à refuser de travailler lorsque le danger constitue une condition normale de son travail. Dans de telles circonstances, le seul recours dont il pourrait disposer serait de décider de continuer à occuper cet emploi ou non. Aussi appauvrie que puisse paraître la vision de R. Fader aux appelantes, elle n’est pas sans fondement. Le paragraphe 128(2) est ainsi rédigé :

 

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

 

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

 

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

 

  • [470] R. Fader a ajouté que dans Régie, supra, au paragraphe 39 et dans Pearlman, supra, aux paragraphes 31, 35 et 41, l’analyse de l’indépendance institutionnelle continue de s’appliquer avec souplesse aux décideurs administratifs même dans les cas où la Charte s’applique.

 

  • [471] R. Fader a fait référence au paragraphe 22 dans Say, supra, et a fait observer que la Cour fédérale, dont le jugement a été confirmé par la Cour d’appel fédérale, a déclaré que, lorsque l’article 7 trouve application et que la question de l’indépendance institutionnelle se retrouve devant la Cour, il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada.

 

  • [472] R. Fader a soutenu qu’il est également bien établi dans Say, supra, et dans Mohammed, supra, que même dans les cas où l’article 7 de la Charte trouve application, les tribunaux ne se pencheront pas exclusivement sur les critères applicables à l’indépendance judiciaire (les critères de l’arrêt Valente - infra), mais également sur la « réalité opérationnelle » du décideur administratif et exigeront des preuves « substantielles » indiquant un manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité.

 

  • [473] R. Fader a souligné que le Code prévoit à l’article 146.1 que les appels doivent être tranchés « sans délai [sous forme d’une] enquête sommaire ». En outre, l’article 146.2 permet à un agent d’appel de « fixer lui-même sa procédure » et de « trancher toute affaire ou question sans tenir d’audience ». En fait, cette disposition permet aux agents d’appel de mener une enquête au moyen d’observations écrites. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

 

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. […]

 

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

 

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

i) trancher toute affaire ou question sans tenir d’audience;

j) ordonner l’utilisation de modes de télécommunications permettant aux parties et à lui-même de communiquer les uns avec les autres simultanément.

 

  • [474] J’ajouterais que conformément à l’alinéa c) de cette même disposition, les AA qui instruisent des appels et statuent sur ceux-ci peuvent également recevoir tous témoignages, qu’ils soient admissibles ou non dans une cour de justice formelle ou traditionnelle. L’alinéa 146.2c) du Code est ainsi rédigé :

 

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

[…]

c) recevoir sous serment, par voie d’affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu’il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

 

  • [475] R. Fader a déclaré qu’il importe de garder à l’esprit que les décisions des agents d’appel peuvent néanmoins faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur la Cour fédérale. Il a mentionné que la Cour fédérale a déclaré, dans Say, supra, au paragraphe 22, ce qu’a confirmé la Cour d’appel fédérale en 2005 [98] , qu’il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada lorsque l’article 7 de la Charte trouve application et que la question de l’indépendance institutionnelle se retrouve devant la Cour. La Cour a déclaré :

 

[…] J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada.

 

  • [476] Après avoir étudié les arguments des deux parties, je partage le point de vue de R. Fader selon lequel l’article 7 de la Charte n’étaye pas la proposition avancée par les appelantes. Je partage également son point de vue selon lequel même dans les cas où l’article 7 de la Charte trouve application et où la fonction d’arbitrage est exercée par des fonctionnaires dans le cadre d’un ministère, et en vertu d’une loi, il faut respecter la façon dont le gouvernement établit le lien entre le décideur légal et l’exécutif.

 

  • [477] Pour statuer sur les trois autres motifs cités par les appelantes pour contester l’indépendance institutionnelle du processus d’examen des AA, je serai guidé par le paragraphe 22 de l’arrêt Say, supra. Cet arrêt n’invalide pas des précédents comme Valente, supra, Matsqui, supra, et d’autres, mais présente une interprétation contemporaine qui s’harmonise avec les réalités des tribunaux administratifs qui se consacrent à l’application des responsabilités du gouvernement du Canada. Le paragraphe 22 est ainsi rédigé :

 

22 Dans ce contexte, j'examinerai les allégations dont la Cour est saisie en ce qui concerne l'absence d'indépendance ou d'impartialité, ou la partialité institutionnelle, à la lumière du critère de la crainte raisonnable de partialité ou de l'absence d'indépendance ou d'impartialité, selon les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'extrait qui précède, et non pas du point de vue d'une « personne de nature scrupuleuse ou tatillonne » . Ces principes m'obligent à garder à l'esprit la nécessité du caractère « sérieux » des motifs fondant une crainte raisonnable de partialité ou une perception de manque d'indépendance et d'impartialité institutionnelles. J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada. [Je souligne.]

 

  • [478] Les appelantes ont déclaré que dans le paragraphe 83 de l’arrêt Matsqui, supra, la Cour suprême du Canada a confirmé que le critère de l’indépendance judiciaire établi dans l’arrêt Valente, supra, s’applique également aux tribunaux administratifs qui agissent comme organismes d’arbitrage qui règlent des différends et établissent les droits des parties. M. Raven a déclaré qu’un tribunal administratif ne peut garantir une instruction équitable si son organisation ou sa pratique ne respecte pas l’une des trois conditions essentielles de l’indépendance institutionnelle, à savoir l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative.

 

  • [479] Pour évaluer les éléments essentiels de l’indépendance institutionnelle des tribunaux, les parties ont commenté l’importance des facteurs qui suivent.

 

  • [480] M. Raven a fait valoir qu’il faut garder à l’esprit que l’indépendance doit être à la fois réelle et apparente, comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) [99] , supra, au paragraphe 32.

 

  • [481] A. Raven a fait référence à la position du juge Sopinka dans l’arrêt Matsqui, supra, et a déclaré que l’analyse des critères devrait reposer sur la connaissance de la réalité opérationnelle du tribunal administratif; si ce n’est pas le cas, la « personne sensée » hypothétique aux termes du droit administratif sera effectivement sensée, mais ne sera pas informée.

 

  • [482] M. Raven a soutenu que les tribunaux administratifs, qu jouent surtout un rôle décisionnel et dont les pouvoirs et la procédure sont de nature judiciaire, se rapprochent davantage de l’extrémité judiciaire du spectre. Il a déclaré que ces tribunaux administratifs sont soumis à des exigences plus rigoureuses d’équité procédurale, notamment à des exigences plus marquées en matière d’indépendance. À cet égard, il a fait référence à Bell (CSC), supra, aux paragraphes 21, 23 et 24; à McKenzie, supra, au paragraphe 67; et au rapport Sossin [100] , (supra) aux pages 6 et 7.

 

  • [483] En ce qui concerne la question de savoir si les agents d’appel jouent un rôle purement décisionnel, je constate que la Cour d’appel fédérale a confirmé, dans Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada et Procureur général du Canada [101] , que les enquêtes réalisées par des agents d’appel sont des enquêtes de novo et que, compte tenu du paragraphe 145.1(2) du Code, les agents d’appel possèdent, tel qu’il est établi par le paragraphe 145.1(2), les mêmes pouvoirs et responsabilités en matière d’enquête que les agents de santé et de sécurité, qui sont également désignés par le ministre sur la base des qualifications (voir le paragraphe 140(1). De plus, la Cour a confirmé que les agents d’appel sont habilités à donner des instructions pour toute infraction ou tout danger établi au cours de leur enquête qui se rapporte à la question qui leur est soumise. Le paragraphe 145.1(2) est ainsi rédigé :

 

145.1(2) Pour l’application des articles 146 à 146.5, l’agent d’appel est investi des mêmes attributions — notamment en matière d’immunité — que l’agent de santé et de sécurité.

 

  • [484] Bien que ce rôle d’enquête soit accessoire au rôle décisionnel des agents d’appel, il peut les mener à des échanges avec les parties qui ne surviennent pas habituellement dans le cadre d’une fonction purement décisionnelle.

 

  • [485] R.Fader a fait valoir qu’il faut, pour établir un manque d’indépendance institutionnelle, non pas des preuves empiriques, mais plutôt des preuves réelles selon lesquelles, du point de vue opérationnel, le Bureau d’appel n’est pas doté des paravents suffisants pour garantir l’indépendance des agents d’appel au niveau de l’exécution de leurs fonctions décisionnelles. Du point de vue opérationnel, ce que je retiens c’est que tous les aspects de son fonctionnement sont visés, et non seulement les contextes dans lesquels un agent statue sur une cause. R. Fader a cité Say, supra, au paragraphe 34 et, plus précisément, Bell, supra, au paragraphe 45, à cet égard.

 

  • [486] R. Fader a noté que l’orientation est axée sur le bureau ou le tribunal administratif dans son ensemble et sur la question de savoir si la « majeure partie » de la fonction décisionnelle est exercée par des personnes qui offrent une garantie suffisante d’indépendance et, en ce qui concerne l’indépendance institutionnelle, il importe de ne pas réaliser une analyse individuelle. À cet égard, il a de nouveau fait référence à la décision rendue par la Cour fédérale dans Say, supra, au paragraphe 35.

 

  • [487] R. Fader a mentionné que Jones et de Villars ont déclaré, dans leur ouvrage intitulé Principles of Administrative Law, à la p. 400 [traduction] « ce type de raisonnement constitue un autre exemple de l’écart de la Cour suprême du Canada par rapport au point de vue constaté dans Régie, supra, selon lequel dans les affaires de partialité institutionnelle, il suffit de soulever la simple possibilité qu’une crainte raisonnable de partialité puisse être démontrée dans un nombre considérable d’affaires. » R. Fader a également mentionné la déclaration suivante des auteurs : « […] les tribunaux judiciaires sont plus hésitants à connaître d’arguments de partialité institutionnelle qui sont excessivement abstraits qu’ils ne l’auraient été il y a quelques années. »

 

  • [488] Compte tenu des facteurs qui précèdent, l’évaluation qui suit porte sur les trois conditions essentielles de l’indépendance institutionnelle exigées par la Cour suprême du Canada pour des tribunaux administratifs comme les agents d’appel. Une évaluation distincte sera faite du Bureau d’appel lui-même.

 

L’INAMOVIBILITÉ DES AGENTS D’APPEL

 

  • [489] D’après l’arrêt Valente, supra, les éléments essentiels de l’inamovibilité sont qu’un juge soit amovible seulement pour un motif et que ce motif soit sujet à un examen indépendant et à une décision. La Cour a déclaré ce qui suit dans Valente, supra, en ce qui concerne les indices de l’inamovibilité :

 

L'inamovibilité, de par son importance traditionnelle, est la première des conditions essentielles de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'al. 11d) de la Charte. Les conditions essentielles de l'inamovibilité sont que le juge ne puisse être révoqué que pour un motif déterminé, et que ce motif fasse l'objet d'un examen indépendant et d'une décision selon une procédure qui offre au juge visé la possibilité pleine et entière de se faire entendre. L'essence de l'inamovibilité pour les fins de l'al. 11d), que ce soit jusqu'à l'âge de la retraite, pour une durée fixe, ou pour une charge ad hoc, est que la charge soit à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations. [Je souligne.]

 

  • [490] Les termes soulignés qui précèdent, à savoir pour une durée fixe; pour une charge ad hoc; discrétionnaire; arbitraire, sont, à mon avis, applicables également aux entrepreneurs et aux employés occasionnels. Il faut garder à l’esprit que même dans le cas des juges surnuméraires, des membres à temps partiel des tribunaux administratifs nommés par des décrets du gouverneur en conseil ou autrement, l’inamovibilité peut seulement être interprétée par rapport au type de nomination. L’inamovibilité s’applique seulement dans le contexte de la façon dont la nomination est formulée et ne garantit pas le renouvellement ou le maintien lorsque la durée du mandat, qui peut être liée à la tâche ou à la période, prend fin.

 

  • [491] Les appelantes convenaient qu’il était présumé que les tribunaux administratifs formés exclusivement de fonctionnaires nommés pour une durée indéterminée ayant un accès complet aux garanties offertes par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et à la procédure de règlement des griefs profitent d’une inamovibilité suffisante.

 

  • [492] Toutefois, les appelantes ont fait valoir qu’un seul AA est un employé pour une durée indéterminée qui est représenté tandis que les autres sont des employés exclus, et ne sont donc pas représentés par le syndicat. Les appelantes ont en outre fait valoir que les AA employés pour une durée indéterminée qui sont exclus de l’unité de négociation n’obtiennent pas la même protection en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique parce que leurs conditions d’emploi pourraient être modifiées de manière arbitraire par le Conseil du Trésor. Les appelantes ont déclaré que l’inamovibilité des AA exclus est diminuée parce que contrairement aux employés représentés, les employés exclus n’ont pas accès à un arbitre indépendant pour l’interprétation et l’application de la convention collective. Dans le cas où un employé exclu désire contester une disposition d’une politique du Conseil du Trésor qui reflète la convention collective, le dernier palier de grief des employés exclus est le sous-ministre, alors que les employés représentés ont le droit de saisir un arbitre indépendant de leurs griefs.

 

  • [493] Les appelantes mentionnent à juste titre que le sous-ministre est le dernier palier de grief dont peuvent bénéficier les employés exclus relativement aux questions qui ont trait à leurs conditions d’emploi. Toutefois, il faut établir une distinction entre les conditions de travail que l’on pourrait trouver dans une convention collective et le maintien d’une relation d’emploi. En vertu de l’alinéa 209.1b) de la LRTFP : « 209.1 Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur :b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire; […]»

 

  • [494] R. Fader a ajouté qu’en vertu du paragraphe 12(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, un agent d’appel peut faire l’objet seulement d’une mesure disciplinaire, d’une rétrogradation ou d’un licenciement « motivé ». R. Fader a ajouté que toute tentative de masquer une telle mesure en une mesure administrative peut être contestée, tel qu’il est indiqué précédemment, en vertu de la LRTFP et l’agent d’appel peut saisir un arbitre tiers de ce grief. De plus, rien ne prouve qu’un agent d’appel a déjà été congédié ou forcé de démissionner par le sous-ministre ou qu’il y a déjà eu une tentative ou un geste de cette nature.

 

  • [495] Les appelantes n’ont pas traité du fait que les agents d’appel se retrouvent fréquemment à statuer sur des appels impliquant des ministères fédéraux et le syndicat même qui les représenterait s’ils n’étaient pas des employés exclus, soit en l’espèce le syndicat des appelantes. Ce serait bien sûr indéfendable.

 

  • [496] En ce qui concerne l’inamovibilité, les appelantes ont également dit craindre qu’un agent d’appel puisse être forcé par le ministère d’éviter d’être muté dans un autre poste que son poste d’agent d’appel ou d’éviter de chercher une mutation plus favorable au sein du ministère. D’après la preuve présentée, aucun agent d’appel n’a été muté, volontairement ou non, pour quelque motif que ce soit à cet égard.

 

  • [497] Selon moi, ces soi-disant préoccupations se rangent dans la catégorie des simples spéculations ou hypothèses et ne reposent sur la moindre preuve. De fait, je crois que ces préoccupations hypothétiques découlent de la décision du législateur, prise lorsque le Code a été modifié en 2000, de permettre la désignation de n’importe quelle personne, et donc d’inclure les employés pour une durée indéterminée, comme agents d’appel, plutôt que de constituer un tribunal administratif distinct.

 

  • [498] En ce qui concerne l’allégation des appelantes selon laquelle la moitié des agents d’appel sont recrutés à contrat pour un maximum de un an ou dans le cadre d’un emploi occasionnel, P. Rousseau a témoigné que l’essentiel du travail d’arbitrage est effectué par les AA recrutés pour une durée indéterminée. De plus, les appelantes n’ont pas présenté de preuve selon laquelle un AA recruté à titre d’entrepreneur ou d’employé occasionnel est assuré de se faire attribuer des dossiers d’appel ou a le droit de l’exiger.

 

  • [499] R. Fader a fait valoir que le directeur du Bureau d’appel a témoigné que la majeure partie du travail d’arbitrage des agents d’appel est accomplie par des employés à temps plein de RHDCC pour une durée indéterminée (pièce E 45). Il croyait que par conséquent, l’analyse devrait porter essentiellement sur les agents d’appel qui sont des employés à temps plein pour une durée indéterminée. J’ai tendance à être d’accord avec lui, mais je traiterai néanmoins de la question des agents d’appel recrutés à titre occasionnel ou à contrat.

 

  • [500] Les appelantes ont déclaré que les agents d’appel recrutés à contrat manquent d’inamovibilité parce qu’ils ne sont pas protégés par les politiques et par les ressources dont profitent les employés nommés pour une durée indéterminée relativement à leurs conditions d’emploi. Par conséquent, ces agents d’appel à contrat pourraient ne pas se faire attribuer de causes si, de l’avis du directeur, ils rendent des décisions inadéquates.

 

  • [501] Toutefois, je rappelle la position de R. Fader (à laquelle je souscris) selon laquelle il a également été établi dans les citations susmentionnées que même dans les cas où les principes constitutionnels (ou quasi constitutionnels) trouvent application, les tribunaux judiciaires ne se pencheront pas exclusivement sur les critères applicables à l’indépendance judiciaire (critères de l’arrêt Valente - infra), mais également sur la « réalité opérationnelle » du décideur administratif et exigeront de plus une preuve « substantielle » indiquant un manque d’indépendance institutionnelle et d’impartialité.

 

  • [502] En guise d’analogie, les appelantes demandent ce que l’on doit faire des membres à temps partiel de tribunaux administratifs régis par différentes lois fédérales qui siègent au besoin et sont rémunérés à la pièce.

 

  • [503] Compte tenu du fait que la Cour suprême du Canada a confirmé dans S.C.F.P., supra, qu’en général, les arbitres recrutés à contrat ne posent pas problème sur le plan de l’inamovibilité, je ne vois pas comment cette question pourrait se révéler problématique dans le cas des agents d’appel recrutés à contrat.

 

  • [504] Les appelantes se sont également plaintes que l’argent utilisé pour recruter des agents d’appel occasionnels et à contrat n’est pas contrôlé par le directeur du Bureau d’appel et dépend de l’approbation annuelle du SMA.

 

  • [505] M. Raven affirme à juste titre que l’emploi occasionnel s’applique à une période fixe et peut être renouvelé sous réserve des restriction de la politique établies par la LEFP. Je me reporterai toutefois à S.C.F.P., supra, pour traiter de la question des nominations spéciales d’arbitres et de la capacité du ministre de prolonger la durée d’une nomination afin que l’arbitre finisse d’entendre une cause. La Cour suprême du Canada a conclu que le recours à des juges à la retraite comme présidents de conseils d’arbitrage ne violait pas le principe de l’indépendance. Elle a également conclu que le renouvellement de la nomination d’un membre de tribunal administratif pour une durée fixe afin de terminer une audience ne serait pas considéré comme une preuve d’absence d’indépendance institutionnelle.

 

  • [506] Il vaut la peine de souligner que le recours à des agents d’appel occasionnels et à contrat constitue une mesure récente et provisoire mise en œuvre dans le but d’éliminer l’arriéré actuel de dossiers soumis aux agents d’appel en vertu du Code. Il résulte en outre du fait que tous les employés nommés pour une durée indéterminée qui ont été désignés agents d’appel lorsque le Code a été modifié en septembre 2000 ont pris leur retraite au cours des années qui ont suivi, ce qui a laissé un vide qui devait être comblé adéquatement.

 

  • [507] Enfin, Pierre Rousseau a témoigné qu’en plus être le directeur du Bureau d’appel, il a également été désigné agent d’appel. Il a déclaré qu’il ne mène jamais d’enquêtes en vertu de l’article 146.1 et qu’il agit comme agent d’appel seulement pour délivrer des assignations dans le but de demander la présence de témoins ou la production de documents en l’absence de l’agent d’appel affecté à une cause. Je n’étais donc pas particulièrement préoccupé par le témoignage de Mme Hulse selon lequel le ministre du Travail bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire appréciable sur les conditions d’emploi du directeur, telles que les heures de travail, les congés annuels ou les congés spéciaux. Les faits opérationnels et pratiques qui, au dire des tribunaux, doivent être pris en compte pour étudier des questions d’indépendance institutionnelle sont que M. Rousseau n’agit pas comme agent d’appel aux fins de la conduite d’enquêtes en vertu de l’article 146.1 à la suite d’appels intentés en vertu de l’article 146 ou du paragraphe 129(7) de la partie II du Code.

 

  • [508] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu’une personne raisonnable, qui a étudié les faits et soupesé la question après avoir été informée des faits, conviendrait que les agents d’appel bénéficient d’une inamovibilité cohérente avec la « réalité opérationnelle » du tribunal administratif et sont en mesure de s’acquitter de leurs fonctions de manière tout à fait indépendante du ministre du Travail et du ministère. Tous les AA sont désignés par le ministre du Travail, mais le lien d’emploi, quelle que soit sa forme, ne relève pas de ce ministre.

 

LA SÉCURITÉ DE LA RÉMUNÉRATION DES AGENTS D’APPEL

 

  • [509] La Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Valente, supra, que le deuxième critère de l’indépendance judiciaire est la sécurité de la rémunération, ou sécurité financière. Il s’agit du droit à la sécurité financière, c’est-à-dire de la sécurité du salaire, de la pension et des autres modes de rémunération établis par la loi qui ne sont pas sujets aux ingérences arbitraires de l’exécutif d’une façon qui pourrait avoir des répercussions sur l’indépendance judiciaire. La Cour a déclaré :

 

La deuxième condition essentielle de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'al. 11d) de la Charte est la sécurité financière, c'est-à-dire un traitement ou autre rémunération assurés et, le cas échéant, une pension assurée. Cette sécurité consiste essentiellement en ce que le droit au traitement et à la pension soit prévu par la loi et ne soit pas sujet aux ingérences arbitraires de l'exécutif, d'une manière qui pourrait affecter l'indépendance judiciaire. Dans le cas de la pension, la distinction essentielle est entre un droit à une pension et une pension qui dépend du bon vouloir ou des bonnes grâces de l'exécutif.

 

  • [510] M. Raven a déclaré que les conditions d’emploi devraient être établies par la loi et ne pas être sujettes à une ingérence arbitraire qui pourrait affecter l’indépendance des agents d’appel. Il a également affirmé que les agents d’appel exclus ne possèdent pas la sécurité de rémunération exigée par le deuxième critère de l’arrêt Valente, supra.

 

  • [511] Il a déjà été déclaré qu’aux termes de la politique du Conseil du Trésor, les employés exclus bénéficient des mêmes conditions d’emploi que celles qui sont prévues dans la convention collective applicable aux employés syndiqués. Mme Lemay a déclaré que seuls les ministres qui font partie du Conseil du Trésor possèdent le pouvoir de modifier les conditions d’emploi des employés exclus qui sont énoncées dans la politique. Elle a également affirmé que le Conseil du Trésor a accordé des augmentations à des groupes d’employés, mais elle croyait qu’il était très improbable, voire ridicule, de suggérer qu’il modifierait les conditions d’emploi d’un groupe constitué de seulement quelques personnes.

 

  • [512] Mme Lemay a confirmé que les taux de rémunération applicables aux employés exclus sont ceux qui se trouvent dans la convention collective des PM. De plus, les employés exclus sont régis par la Loi sur la pension de la fonction publique et les conditions de leur retraite sont établies par la loi.

 

  • [513] Comme la désignation des AA n’est pas limitée aux fonctionnaires recrutés pour une durée indéterminée, l’inamovibilité des occasionnels est garantie par le fait qu’ils sont embauchés et nommés en vertu de la LEFP et que celle-ci leur confère le droit à une rémunération à un taux proportionnel à leur niveau et à leur classification à l’embauche, établi conformément à la même politique sur les conditions d’emploi, qu’ils siègent ou non. Dans le cas des agents recrutés à contrat, la sécurité financière équivaut à être rémunéré lorsqu’ils siègent, d’après les modalités de leur contrat. Il convient de se demander quelle est l’importance de la différence entre les AA recrutés comme employés occasionnels ou embauchés à contrat sur le plan de la rémunération.

 

  • [514] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu’une personne raisonnable, qui a étudié les faits et soupesé la question après avoir été informée des faits, conviendrait que les agents d’appel bénéficient du droit à la sécurité financière d’un salaire, d’une pension et d’autres modes de rémunération établis par la loi et que leur sécurité financière s’inscrit dans la « réalité opérationnelle » du tribunal administratif qui ne sont pas sujets aux ingérences arbitraires de l’exécutif d’une façon qui pourrait avoir des répercussions sur l’indépendance judiciaire.

 

L’INDÉPENDANCE INSTITUTIONNELLE DES AGENTS D’APPEL

 

  • [515] En ce qui concerne le troisième critère essentiel de l’indépendance institutionnelle, la Cour suprême du Canada a déclaré dans Valente, supra :

 

La troisième condition essentielle de l'indépendance judiciaire est l'indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont directement un effet sur l'exercice de ses fonctions judiciaires. Le contrôle des juges sur des questions comme l'assignation des juges aux causes, les séances de la cour et le rôle de la cour est considéré comme essentiel ou comme une exigence minimale de l'indépendance institutionnelle. Même si une plus grande autonomie ou indépendance administrative des tribunaux peut être souhaitable, elle ne saurait être considérée comme essentielle pour les fins de l'al. 11d) de la Charte. (Je souligne.)

 

  • [516] Le troisième élément de l’indépendance judiciaire m’amène carrément au point où je dois différencier les agents d’appel et le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail pour statuer sur la question en litige. M. Raven a établi clairement au paragraphe 4 des observations des appelantes qu’elles s’appliquaient également aux agents d’appel et au Bureau d’appel :

 

[Traduction]

4. Aux fins de ces arguments écrits, toute mention du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail inclut les agents d’appel tels qu’ils sont désignés par le ministre en vertu de l’article 145.1 du Code canadien du travail.

 

  • [517] Tel qu’il a été mentionné précédemment, quand la partie II du Code a été modifiée pour la dernière fois, en 2000, le Parlement et le législateur ont clairement choisi, en vertu des paragraphes 122(1) et 145.1(1), de désigner des agents d’appel plutôt que de constituer un tribunal administratif ou un conseil distincts. Dans les faits, la partie II du Code n’autorise pas l’établissement du bureau d’un tribunal administratif, encore moins s’il est distinct.

 

  • [518] Le témoignage de M. Rousseau a confirmé que le Bureau d’appel a été créé pour offrir du soutien administratif aux agents d’appel. La preuve révélait que le Bureau d’appel existe non seulement à des fins décisionnelles, mais également pour offrir du soutien administratif aux agents d’appel, qui sont les véritables détenteurs du pouvoir décisionnel.

 

  • [519] La preuve confirme la réalité législative selon laquelle les agents d’appel sont nommés à titre de décideurs aux fins de l’article 146.1 du Code et selon laquelle il incombe au ministère d’affecter du personnel ministériel au soutien administratif dont les agents d’appel doivent bénéficier. En outre, le Code ne renferme aucune obligation, pour les agents d’appel, de faire rapport à qui que ce soit au sujet de leur processus décisionnel.

 

  • [520] Le ministre du Travail et le ministère semblent comprendre tout à fait la nécessité d’assurer une audience équitable, en fait et en apparence, au-delà de la prérogative accordée expressément au ministre du Travail de désigner des agents d’appel plutôt que d’établir un tribunal administratif distinct. Le ministère a fourni au Bureau d’appel un directeur et du personnel à cette fin précise. Pour satisfaire à cette exigence selon laquelle le processus des agents d’appel doit non seulement être mais également sembler équitable, le ministère a comblé le besoin de déménager les agents d’appel et leur bureau administratif local, à savoir le Bureau d’appel, dans un emplacement distinct de celui du ministère.

 

  • [521] Les appelantes ont formulé certaines inquiétudes quant au fait que le directeur du Bureau d’appel relève du SMA du Programme du travail et travaille sous sa supervision. Elles ont fait observer que M. Rousseau relève du SMA pour une multitude de questions, des rapports et des propositions budgétaires fournis aux rapports statistiques mensuels et à la présentation de demandes de congé personnel pour lui-même, mais non pour les AA.

 

  • [522] En ce qui concerne le lien entre le ministre du Travail et les agents d’appel, d’après le témoignage non contesté de Pierre Rousseau, les agents d’appel ne communiquent avec aucun fonctionnaire du ministère, y compris les membres des services juridiques ministériels, agents de santé et de sécurité ou employés chargés des politiques, en dehors du lieu de l’audience. Il n’y avait aucune preuve d’une tentative du ministère d’exercer une influence indue sur les agents d’appel. Malgré le fait que le directeur a informé les agents d’appel de ses discussions avec le SMA sur le fonctionnement du Bureau d’appel, rien ne prouvait que le directeur et le SMA ont déjà abordé des dossiers d’appel en suspens ou en instance devant un agent d’appel ni qu’ils ont tenté d’influencer un agent d’appel. Au contraire, la preuve établissait que le directeur estimait que l’une de ses responsabilités principales consiste à s’assurer de l’existence d’un paravent entre le ministère et les agents d’appel.

 

  • [523] Les appelantes ont également dit craindre que le directeur ne puisse créer des postes à son propre gré. Elles ont fait mention d’un certain nombre d’occasions au cours desquelles des demandes de dotation n’ont pas été comblées ou ont été sujettes à des changements ou à des coupures. Elles ont également à des efforts demeurés vains de recrutement d’agents d’appel à contrat et de dotation d’un nouveau poste de conseiller technique. Néanmoins, les appelantes ne sont pas parvenues à fournir des preuves que l’une ou l’autre des demandes faites par le directeur ont été refusées dans le but d’exercer une influence indue sur les agents d’appel dans leur processus décisionnel.

 

  • [524] Les appelantes ont aussi dit craindre que le budget du Bureau d’appel provienne du budget même du ministère plutôt que d’un organisme indépendant. Les appelantes ont fait valoir qu’il s’agit d’une indication claire que le Bureau d’appel n’exerce pas assez de contrôle sur ses décisions administratives, ce qui a un effet direct et immédiat sur l’exercice de ses fonctions décisionnelles.

 

  • [525] L’entente semble constituer l’aboutissement logique de la décision du Parlement et du législateur de désigner des agents d’appel individuels plutôt que de créer un tribunal administratif distinct. C’est ce que je retiens de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ocean Port, supra, selon laquelle la volonté du Parlement et des assemblées législatives peut écarter les principes de justice naturelle de telle sorte que leur volonté relative à la composition et à l’organisation du tribunal administratif qu’ils créent doit être respectée ou prise en compte en fonction du niveau d’indépendance institutionnelle exigé pour les AA. En outre, on serait tenté de mentionner que les opérations et le fonctionnement de tout tribunal administratif, conseil, bureau ou autre, constitué en vertu de la loi ou par une mesure administrative, seront toujours liés d’une façon ou d’une autre au pouvoir discrétionnaire d’accorder des fonds du Parlement ou d’un ministère lui-même.

 

  • [526] Enfin, il n’existe pas la moindre preuve que le ministère a tiré profit de cette situation pour exercer une influence indue sur les agents d’appel dans le cadre de leur processus décisionnel ou a déjà agi de façon à nuire au fonctionnement approprié des AA individuellement ou en tant que groupe.

 

  • [527] Relativement à la question de l’autorisation budgétaire, les appelantes ont dit craindre que le directeur n’exerce qu’un pouvoir partiel sur le budget du Bureau d’appel. M. Rousseau a témoigné que le SMA approuve habituellement ses propositions. Cependant, les appelantes ont déclaré que des propositions importantes ont été refusées, comme ses propositions sur la formation des agents d’appel et sur le recrutement d’un conseiller juridique à contrat chargé de donner des avis juridiques aux agents d’appel.

 

  • [528] L’arrêt Valente, supra, établit que les critères de l'indépendance institutionnelle portent sur l’indépendance du tribunal administratif relativement aux questions administratives qui ont directement un effet sur l'exercice de ses fonctions judiciaires. En l’espèce, on ne m’a présenté aucune preuve que l’une ou l’autre des demandes faites par le directeur a été refusée par le ministère dans le but d’influencer indûment et directement les agents d’appel dans leur processus décisionnel.

 

  • [529] La Cour suprême du Canada a déclaré dans Valente, supra, que le contrôle des juges sur des questions comme l'assignation des juges aux causes, les séances de la cour et le rôle de la cour est considéré comme essentiel ou comme une exigence minimale de l'indépendance institutionnelle. La preuve qui m’a été soumise établit que le directeur du Bureau d’appel contrôle l’affectation des agents d’appel, les séances des agents d’appel et les listes du tribunal administratif et ne s’ingère ni ne s’implique dans le fonctionnement de chacun des dossiers et de chacune des audiences une fois que la cause a été attribuée à un AA.

 

  • [530] Dans Say, supra, la Cour fédérale a déclaré qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités gouvernementales. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette position. Plus précisément, la Cour fédérale a écrit au paragraphe 22 :

 

22. J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada.

 

  • [531] À mon avis, le dossier n’offre ni ne présente de preuve qui amènerait une personne raisonnable et sensée à conclure, en se posant elle-même la question et en prenant les renseignements nécessaires à ce sujet, après s’être demandée à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, que les agents d’appel et le Bureau d’appel manquent d’indépendance institutionnelle.

 

  • [532] Je dois maintenant me pencher sur la question de savoir si le directeur du Bureau d’appel peut ou non exercer une influence indue sur la décision d’un agent d’appel.

 

  • [533] À cet égard, les appelantes ont mentionné le présent appel comme preuve du manque d’indépendance dans la pratique. Elles ont déclaré que l’acceptation par l’agent d’appel Lafrance d’instruire la présente affaire malgré sa participation antérieure aux modifications apportées au Code alors qu’il était conseiller en matière de programmes auprès du ministère et l’erreur commise par M. Rousseau en affectant l’agent d’appel Lafrance à la présente affaire constituaient des preuves du manque d’indépendance judiciaire institutionnelle.

 

  • [534] Je conviens à tout le moins que l’agent d’appel pouvait avoir, en toute équité, l’obligation d’informer les parties de son implication antérieure à titre d’employé du ministère dans le cadre de la révision du Code. Les parties auraient alors pu être convaincues qu’en raison de son implication, il était acceptable (ou inacceptable) qu’il instruise l’affaire, compte tenu en particulier de la nature de l’implication et de l’écoulement du temps.

 

  • [535] Toutefois, je ne suis pas convaincu qu’une simple erreur de jugement de la part d’un agent d’appel suffirait à justifier qu’une personne raisonnable ayant eu connaissance des faits de l’affaire conclue à l’absence apparente d’indépendance. Au contraire, le témoignage de M. Rousseau selon lequel il n’aurait pas commis d’ingérence établit dans quelle mesure il est déterminé à veiller à ce que les agents d’appel soient indépendants du ministère et de lui-même à titre de directeur du Bureau d’appel.

 

  • [536] Il convient de rappeler que la participation de l’AA Lafrance à la révision du Code remonte à environ 10 ans. C’est peut-être pour cette raison que l’AA Lafrance n’a pas fait mention de sa participation à la révision du Code.

 

  • [537] En outre, la Cour fédérale a déclaré, dans Say, supra, qu’il importe de ne pas effectuer une analyse au cas par cas lorsque l’on se penche sur des questions d’indépendance institutionnelle. Il faut s’attarder à l’ensemble des AA et chercher à déterminer si la majeure partie de la fonction décisionnelle est exercée par des personnes qui présentent une garantie d’indépendance suffisante. C’est ce qu’a confirmé la Cour d’appel fédérale.

 

  • [538] Comme je l’ai affirmé plus tôt dans cette décision, je m’inspire du paragraphe 22 de Say, supra :

 

22 Dans ce contexte, j'examinerai les allégations dont la Cour est saisie en ce qui concerne l'absence d'indépendance ou d'impartialité, ou la partialité institutionnelle, à la lumière du critère de la crainte raisonnable de partialité ou de l'absence d'indépendance ou d'impartialité, selon les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'extrait qui précède, et non pas du point de vue d'une « personne de nature scrupuleuse ou tatillonne » . Ces principes m'obligent à garder à l'esprit la nécessité du caractère « sérieux » des motifs fondant une crainte raisonnable de partialité ou une perception de manque d'indépendance et d'impartialité institutionnelles. J'en suis d'autant plus convaincu en l'espèce qu'il convient d'accorder une grande déférence aux décisions du gouvernement concernant l'organisation appropriée des fonctionnaires chargés de l'administration du vaste éventail de responsabilités incombant au gouvernement du Canada. [Je souligne.]

 

  • [539] Selon ce que M. Raven a déclaré, M. Rousseau a témoigné qu’il a demandé qualité de tiers intervenant à l’instruction de cet appel parce que les appelantes avaient prévu écarter le retrait de l’agent d’appel Lafrance et il a dit au sujet des appelantes [traduction] « si vous désirez jouer le jeu de cette façon, nous ferons de même ». Il a ajouté que la Cour suprême du Canada a statué que « l’exigence d’indépendance […] vise à établir un écran de protection favorisant la prise de décisions impartiales. » Il a déclaré que les exemples qui précèdent de la conduite du directeur étaient révélateurs du parti pris et du manque d’impartialité découlant de l’absence de garanties adéquates de l’indépendance institutionnelle.

 

  • [540] Il semblerait que le directeur a demandé qualité d’intervenant et a fait ce choix de figure de style pour témoigner de la mesure dans laquelle il désire protéger l’indépendance institutionnelle et l’indépendance opérationnelle d’un agent d’appel.

 

  • [541] Quoi qu’il en soit, l’avocat de M. Rousseau a fait valoir dans son mémoire que le directeur demandait qualité d’intervenant à titre de directeur du Bureau d’appel pour s’assurer que tous les faits pertinents et les arguments juridiques seraient soumis au décideur et que l’organisation du Bureau d’appel serait préservée. En fait, M. Rousseau a témoigné que l’organisation actuelle du Bureau d’appel devrait être préservée, car son indépendance institutionnelle a bien été maintenue. Il convient toutefois de signaler que M. Rousseau a retiré sa demande visant à obtenir qualité d’intervenant avant le début de l’audience sur la présente objection préliminaire. De plus, M. Rousseau a témoigné à ladite audience non pas en qualité d’intervenant, mais plutôt comme témoin assigné à comparaître à la demande des appelantes.

 

  • [542] Enfin, M. Raven a fait observer que même à la lumière de la norme de la décision manifestement déraisonnable, la Cour fédérale a souvent jugé opportun d’intervenir dans des décisions d’agents d’appel soumises à un contrôle judiciaire. La Cour fédérale a relevé de graves erreurs commises par des agents d’appel, à savoir : invoquer des dispositions non pertinentes pour déplacer à tort le fardeau de la preuve; tirer des conclusions de fait sans tenir compte de la preuve; omettre de tenir compte de la preuve pertinente; et ne pas donner aux parties l’occasion de présenter leurs arguments. Il a déclaré que malgré le sérieux des conclusions de la Cour fédérale, le directeur a eu pour pratique de recommander au ministre de désigner comme agents d’appel des personnes qui sont qualifiées dans les domaines de la santé et de la sécurité, mais qui ne possèdent ni la formation ni l’expérience juridiques décrites comme des activités clés dans leur description de travail.

 

  • [543] P. Rousseau a témoigné qu’environ dix pour cent seulement des décisions des AA ont été annulées par la Cour fédérale et je n’estime pas qu’il s’agit d’une nombre d’affaires considérable compte tenu de la complexité technique des affaires entendues par les agents d’appel et du fait que les appelants se représentent encore eux-mêmes à l’occasion.

 

  • [544] M. Raven a déclaré que la preuve établit clairement que le directeur ne s’est pas efforcé d’obtenir des conseils juridiques sur les répercussions juridiques de ces décisions, de donner de la formation aux agents d’appel, ou de s’assurer qu’ils avaient accès à de l’aide de spécialistes sur des questions de droit.

 

  • [545] Toutefois, la preuve établit clairement que lorsque P. Rousseau a été nommé directeur du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail en 2004, l’un des AA venait de prendre sa retraite et les deux autres étaient sur le point de le faire. Par conséquent, il a dû se concentrer sur le recrutement d’AA de remplacement, sur l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de formation des AA, sur le recrutement et la formation de personnel de soutien et sur l’élaboration de politiques et de codes de déontologie. La preuve révèle que le BCA est en cours de mise en place et que P. Rousseau s’occupe de ce gente de questions. L’une des mesures qu’il a prises a été de recruter un avocat qui avait pris sa retraite récemment et un ancien AA pour une durée indéterminée pour conseiller et aider les AA dans leur perfectionnement. De plus, P. Rousseau a témoigné qu’il est en train de recruter un avocat qui sera chargé d’aider les AA.

 

  • [546] À mon avis, l’absence d’un BCA achevé au moment de sa nomination ne fait que confirmer que les AA ont de tout temps fonctionné de manière indépendante et s’attendent à continuer à le faire.

 

  • [547] Je conclus également à une certaine absence de légitimité des lacunes des agents d’appel et du Bureau d’appel qui sont alléguées par les appelantes, en ce sens que ces lacunes ne sont pas mises dans leur juste perspective statistique.

 

  • [548] Les arguments de M. Raven établissent l’essentiel de la tendance du directeur de recommander au ministre du Travail de désigner des personnes qui sont qualifiées dans des questions de santé et sécurité au travail mais qui ne possèdent pas de formation juridique. Il me semble que le fait de recommander ces personnes au ministre est conforme à l’article 145.1 du Code, qui précise que le ministre peut désigner une personne qualifiée aux fins du Code.

 

  • [549] De plus, quand les syndicats ont consulté DRHC au Sous-comité d’examen législatif et au Comité sur les modifications apportées au Code, la preuve établissait que les propositions des syndicats ne révèlent pas la volonté que les AA ou les membres du conseil tripartite de deuxième palier proposé possèdent une formation juridique. Toutefois, les syndicats ont insisté pour que l’on désigne des AA qui sont des spécialistes de la santé et de la sécurité au travail.

 

  • [550] Comme M. Fader l’a souligné, la position de M. Raven sur cette question ne tient pas compte du fait que les tribunaux judiciaires ont la responsabilité de superviser et de surveiller les décisions des tribunaux administratifs pour assurer l’équité, l’absence de partialité, et l’exactitude de l’interprétation de la loi et des faits. L’absence de formation juridique formelle des agents d’appel qui sont des spécialistes en santé et sécurité au travail ne constitue donc pas un vice fatal.

 

  • [551] Pour corroborer son allégation selon laquelle les agents d’appel et le Bureau d’appel manquent d’indépendance institutionnelle, il semble que M. Raven a choisi de se concentrer sur ce qu’il considère comme les lacunes de la part des agents d’appel et du Bureau d’appel. Toutefois, la preuve n’a pas établi que ces lacunes sont imputables uniquement à un manque d’indépendance institutionnelle.

 

  • [552] Comme l’a déclaré A. Raven au paragraphe 173 de son argumentation, les appelantes déclarent que le tribunal administratif qui est devenu le Bureau d’appel n’était pas censé être un palier final d’appel et cela s’inscrit dans les préoccupations sur lesquelles les appelantes font reposer leur objection. Le paragraphe 173 est ainsi rédigé :

 

[Traduction]

Le Sous-comité chargé d’obtenir un consensus sur le mécanisme d’appel projeté a finalement proposé une structure à deux paliers dans le cadre de laquelle l’agent d’appel procéderait d’abord à un examen sommaire. Il existerait un droit d’appel subséquent à un mécanisme d’arbitrage plus formel par le CCRT ou la CRTFP. Dans ce système, le tribunal administratif qui est devenu le BCA n’était pas censé être un palier d’appel final, notamment en raison des préoccupations qui constituent maintenant la base de l’objection des appelantes.

 

  • [553] Dans son mémoire, M. Fader a fait observer que les appelantes ne peuvent, en invoquant l’équité procédurale, remplacer les décideurs fournis par le législateur par le tribunal administratif dont ils souhaitent la disponibilité. Son affirmation selon laquelle les appelantes tentent, dans un contexte de plainte en matière d’équité procédurale, de remplacer le tribunal administratif prévu par le législateur par le tribunal administratif qu’ils souhaitent est défendable en l’espèce. Comme par le passé, les appelantes sont en mesure de soumettre leurs suggestions d’un mécanisme d’appel différent au ministre et de faire adopter leurs changements par l’intermédiaire du législateur.

 

  • [554] Malgré les préoccupations des syndicats à l’égard du mécanisme d’appel à palier unique réaffirmé par le Parlement et la législature lorsque le Code a été modifié en septembre 2000, je constate au passage que les syndicats ont proposé un tribunal fédéral tripartite qui nommerait des conseils formés de trois personnes constitués d’un président impartial et de membres à temps partiel tirés d’une liste de candidats soumis tant par les syndicats que par les associations d’employeurs pour instruire les appels. Bien que le modèle des syndicats aurait sûrement été développé davantage s’il avait été accepté, je vois mal comment le modèle qu’ils proposent améliore l’entente actuelle de tribunal administratif à palier unique du point de vue de l’apparence de partialité et d’indépendance, de l’inamovibilité, de la sécurité financière ou de l’indépendance administrative. Il ne fait qu’apaiser les préoccupations des syndicats selon lesquelles les AA sont des employés de DRHC et relèvent du même SMA que les inspecteurs.

 

  • [555] Pour conclure, je souscris à la position selon laquelle les agents d’appel désignés par le ministre du Travail en vertu du paragraphe 145.1(1) du Code canadien du travail, partie II, et la structure administrative connue sous le nom de Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail (rebaptisé récemment Tribunal de santé et sécurité au travail Canada) dans le cadre duquel ils œuvrent doivent demeurer et satisfaire à une norme ou à un degré élevé d’indépendance institutionnelle. Cependant, par degré plus élevé d’indépendance institutionnelle, je ne veux pas dire, comme le proposent les appelantes en l’espèce, un degré semblable à celui de la norme applicable aux tribunaux judiciaires traditionnels et décrit dans toute la présente décision comme l’indépendance judiciaire, même si les indices de l’indépendance (inamovibilité, sécurité financière et indépendance administrative) qui tiennent lieu de repères sont les mêmes. Si je devais tirer une conclusion à l’effet contraire, je considère que ni ce tribunal administratif ni tout autre tribunal administratif oeuvrant de la même façon dans des conditions comparables, peu importe sa composition, son organisation ou son fondement législatif, pourrait satisfaire un degré élevé d’indépendance institutionnelle comme celui que proposent les appelantes en l’espèce.

 

  • [556] Par conséquent, je conclus après mûre réflexion, que la structure légale et administrative des agents d’appel et leur fonctionnement dans la pratique à un degré élevé d’indépendance institutionnelle qui satisfont aux normes juridiques applicables telles qu’une personne raisonnable et sensée qui s’est informée du régime législatif en vertu duquel le ministre du Travail désigne des agents d’appel conformément à l’article 145.1 de la partie II du Code canadien du travail, aux fins de l’article 122.1 et des paragraphes 145.1(1) et 146.1(1) du Code, conclurait vraisemblablement, à titre de personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, dans un nombre substantiel d’affaires, que les agents d’appel qui font partie de la structure dans laquelle ils opèrent sont structurés légalement et fonctionnent dans les faits à un niveau d’indépendance institutionnelle qui satisfait aux normes juridiques applicables et assure une instruction équitable aux intervenants.

 


  • [557] L’objection est donc rejetée et cette affaire peut maintenant être entendue sur le fonds.

 

 

 

 

________________________

Pierre Guénette

Agent d’appel


Cette décision ayant été prise, j’ajoute à titre de remarques incidentes, et non comme partie de ma conclusion, que les précisions et les observations suivantes sont justifiées.

 

Parmi les nombreux arguments soulevés par les appelantes au sujet du fonctionnement et de l’organisation du Bureau canadien d’appel, la question des conseils juridiques indépendants offerts au Bureau canadien d’appel et aux agents d’appel a été mentionnée à de nombreuses reprises au cours de l’audience par les appelantes comme indication que le Bureau d’appel manque de l’élément manifestement nécessaire qu’est une organisation vraiment indépendante. Bien que la preuve établissait que des services de cabinets juridiques de l’extérieur pourraient être obtenus et ont effectivement été obtenus, et que plus récemment, un avocat chevronné a été recruté comme agent d’appel afin que son expérience soit utilisée pour guider et conseiller ou soutenir d’autres agents d’appel, les appelantes continuent de soutenir que l’absence d’un poste de conseiller juridique à l’interne révélait que le Bureau d’appel n’était pas assez indépendant.

 

Il s’est écoulé beaucoup de temps entre la dernière audience dans cette affaire et le prononcé de la présente décision et je crois qu’il importe de souligner, pour indiquer que le Bureau d’appel est une structure organisationnelle en évolution, qu’un conseiller juridique à l’interne indépendant et exclusif oeuvrant à temps plein sur une base permanente a depuis été recruté uniquement pour ses agents d’appel.

 

La preuve a confirmé qu’au moment de l’instruction de cette affaire, l’un des AA employé pour une durée indéterminée était représenté par le syndicat, contrairement aux autres AA employés pour une durée indéterminée, qui étaient exclus et non représentés par le syndicat. Cet AA est actuellement exclu.

 

De plus, les appelantes ont parlé à plusieurs reprises du lien hiérarchique du directeur et du sous-ministre adjoint du Programme du travail. Bien qu’il a été établi que le directeur relève du sous-ministre de RHDCC, il a également été prouvé que d’un point de vue fonctionnel, le directeur relève du sous-ministre adjoint du Programme du travail.

 

Avant le regroupement survenu en 1993 de ce qui était le ministère du Travail dans Développement des ressources humaines Canada (DRHC), ce que l’on appelle généralement à ce jour le Programme du travail aurait essentiellement été le ministère du Travail et bien que le regroupement a fait en sorte que tous les employés de l’ancien ministère du Travail sont devenus des employés de DRHC, la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (2005, ch.34) a maintenu l’existence des autorités distinctes et le rôle du ministre du Travail.

 

De plus, bien que le témoignage du directeur du Bureau d’appel établisse que le Bureau d’appel est indépendant du ministère du point de vue administratif, le critère le plus important consiste toujours à établir s’il peut exister une crainte de manque d’indépendance. La preuve confirme que tant le ministère que le directeur du Bureau d’appel sont conscients de cette nécessité et demeurent vigilants à cet égard. Malgré ce fait, et compte tenu des préoccupations des appelantes au sujet du lien hiérarchique du directeur avec le sous-ministre adjoint, la perception de l’indépendance administrative pourrait être encore améliorée si le directeur devait relever de quelqu’un au ministère qui n’est pas directement lié au Programme du travail ou impliqué dans celui-ci.

 

Enfin, au cours du témoignage du directeur qui a duré quelque cinq jours, à un certain moment marqué par ce que l’on peut seulement interpréter comme de la frustration ou de la fatigue, le directeur a formulé des commentaires sur le fait qu’un agent d’appel a dû se retirer de l’appel. Il a alors déclaré : [traduction] « si vous désirez jouer le jeu de cette façon, nous ferons de même » et parlé de [traduction] « […] coup bas ». Je dois assurer les parties que les agents d’appel ne partagent pas le sentiment exprimé ni n’y souscrivent et je puis seulement conclure que ces commentaires ont été formulés pendant une perte momentanée de sang froid à la barre des témoins.


LOIS CITÉES PAR LES APPELANTES

  1. Code canadien du travail, R.S.C., 1985, chap. L-2, dans ses nouveaux termes.
  2. Déclaration canadienne des droits, 1960, chap.44.
  3. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui est l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, chap.11.
  4. Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, chap. F-7, dans ses nouveaux termes.
  5. Loi sur la gestion des finances publiques, L.R., 1985, chap. F-11.
  6. Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, 2003, chap. 22.

JURISPRUDENCE CITÉE PAR LES APPELANTES

 

  1. Alex Couture Inc. v. Canada (Attorney General) [1991], 83 D.L.R. (4th) 577 (C.A. du Qué.) (QL); demande de pourvoi refusée, [1992] 2 R.C.S.
  2. Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] 1 R.C.S. 884.
  3. Bourbonnais c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 529.
  4. Canadian Freightways c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.J. no 552 (D.P.I.) (QL).
  5. Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3.
  6. Canadian Pacific Railway Co. c. Woollard, [2006] A.C.J. no 1673 (D.P.I.) (QL).
  7. Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539.
  8. Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791.
  9. Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] A.C.S. no 9.
  10. Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres [1978] 1 R.C.S. 369.
  11. Currie v. Alberta (Edmonton Remand Centre), [2006] A.J. no 1522 (C.B.R.A.) (QL).
  12. De Wolfe c. Canada (Service correctionnel) [2003] A.C.J. no 1475 (D.P.I.) (QL).
  13. Hewat v. Ontario [1998], 37 O.R. (3d) 161 (C.A. Ont.) (QL).
  14. Katz c. Vancouver Stock Exchange [1996], 128 D.L.R. (4th) 424 (C.A. C.-B.) (QL); conf. [1996] 3 R.C.S. 405.
  15. Martin c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 637 (C.A.F.).
  16. McKenzie v. British Columbia (Minister of Public Safety and Solicitor General), [2006] B.C.J. no 2061 (C.S. de la C.-B.) (QL).
  17. Mohammad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 363 (C.A.).
  18. Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46.
  19. Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781.
  20. Ontario (Ministry of Labour) v. Hamilton (City) [2002], 58 O.R. (3d) 37 (QL).
  21. R. c. Valente[1985] 2 R.C.S. 673.
  22. Singh c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 177.

 

LOIS CITÉES PAR L’INTIMÉ

  1. Déclaration canadienne des droits, 1960, chap. 44.

  2. Loi constitutionnelle de 1982, qui est l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, chap.11.

  3. Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, chap. 22, Part 3.

  4. Charte canadienne des droits et libertés, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada.

  5. Loi sur la gestion des finances publiques, L.R., 1985, chap. F-10, dans ses nouveaux termes.

  6. Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, chap. 22.

  7. Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, chap. F-7, dans ses nouveaux termes.

  8. Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. 1985, chap. P-36, dans ses nouveaux termes.

 

JURISPRUDENCE CITÉE PAR L’INTIMÉ

  1. 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] A.C.S. no 112.
  2. Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] CSC 36.
  3. Blencoe c. Colombie-Britannique (Commission des droits de la personne), [2000] A.C.S. no 43.
  4. British Columbia Teachers’ Federation v. Vancouver School District No. 39, [2003] B.C.J. No. 366; [2003] S.C.C.A. no 156 (CSC).
  5. Canada (P.G.) c. Penner, [1989] A.C.J. no 461 (C.A.).
  6. Canada (Procureur général) c. Assh, [2006] A.C.J. no 1656.
  7. Canada (T.P.S.G.C.) c. A.F.P.C., [1999] D.A.R.S. rendue en vertu du CCT no 18.
  8. Castillio c. Castillio 2005 CSC 83.
  9. S.C.F.P. c. Ontario 2003 CSC 29.
  10. Dhaliwal c. Conseil du Trésor (S.C.C.), 2004 CRTFP 109.
  11. Ferrussi & Giornofelice, 2007 CRTFP 1.
  12. Fletcher c. Canada (Conseil du Trésor) 2002 CAF 424.
  13. Gannon c. Canada (Conseil du Trésor) 2004 CAF 417.
  14. Health Employers Assn. of British Columbia v. British Columbia Nurses’ Union [2006] B.C.C.A.A.A. no 167
  15. Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1996] A.C.S. no 95; [1995] B.C.J. no 2018 (C.A.).
  16. Marshall c. Canada [2006] A.C.J. no 171
  17. Mohammad c. Canada, [1988] A.C.J. no 1141 (C.A.).
  18. Mussani v. College of Physicians and Surgeons of Ontario [2004] O.J. no 5176.
  19. Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique 2001 CSC 52.
  20. Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869.
  21. Peters c. Conseil du Trésor, 2007 CRTFP 7.
  22. Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), [2004] A.C.J. no 649.
  23. R. c. Oakes, [1986] A.C.S. no 7.
  24. R. c. Valente, [1985] A.C.S. no 77.
  25. Ruffo c. Conseil de la magistrature [1995] A.C.S. no 100.
  26. Sam Lévy & Associés Inc. c. Canada 2006 CAF 205.
  27. Say c. Canada, 2005 CF 739; 2005 CAF 422; [2006] S.C.C.A. no 49.
  28. Sheriff c. Canada (P.G.) 2006 CAF 139.
  29. Vancouver School District No. 39 v. British Columbia Teachers’ Federation [2001] B.C.C.A.A.A. no 208.
  30. Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11.
  31. Walker v. Prince Edward Island (P.E.I.C.A.)[1993] P.E.I.J. no 111.


[1] À la suite d’une décision rendue par le Conseil du Trésor le 6 février 2008, le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail a officiellement pris la désignation de Tribunal de santé et sécurité au travail Canada. Pour éviter tout malentendu compte tenu du fait que les parties à la présente affaire ont soumis des documents et ont fait valoir des arguments qui renvoient à l’ancien nom du Tribunal, j’ai choisi de garder l’ancien nom du Tribunal dans toute la présente décision.

[2] Développement des ressources humaines Canada est maintenant désigné sous le nom de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC).

[3] « syndicats » est un terme utilisé pour désigner les syndicats qui représentent les employés relevant de la compétence fédérale et visés par la partie II du CCT.

[4] Canada (Procureur général) c. Bonfa [1989] A.C.F. no 1062 [Bonfa]

[5] Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781 [Port].

[6] Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] 1 R.C.S. 884 [ Bell ]

[7] R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673 [Valente]

[8] S.C.F.P. c. Ontario [2003] CSC 29 [SCFP]

[9] Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] CSC 9

[10] McKenzie v. British Columbia (Minister of Public Safety and Solicitor General), [2006] B.C.J. no 2061 (C.S. de la C.-B.) (QL) [McKenzie]

[11] Lorne, Sossin, « The Independent Board and the Legislative Process », ( Toronto : University of Toronto , 2006)

[12] Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Procureur général du Canada [2005] CAF 155.

[13] Mohammad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1989]
2 C.F. 363 (C.A.) [p. 66-77] [Mohammad]

[14] Currie v. Alberta ( Edmonton Remand Centre)[2006] A.J. no 1522
(C.B.R.A.) (QL) à la p.14, par. 58.

[15] Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique [2001] CSC 52 [ Ocean Port ].

[16] 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie de permis d’alcool) [1996] A.C.S. no 112 [Régie].

[17] Sam Lévy & Associés Inc. c. Canada [2006] C.A.F. 2005 [Lévy].

[18] Castillo c. Castillo [2005] CSC 83 [Castillo].

[19] S.C.F.P. c. Ontario [2003] CSC 29, au par. 49. [SCFP]

[20] SCFP, supra, note 19, au par. 190.

[21] Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, (1991) A.C.S. no 66, [Pearlman].

[22] Pearlman, supra, note 20, au par. 26.

[23] Ocean Port , supra, note 14, au par. 24.

[24] Renvoir à l’article 193 et à l’alinéa 195.1(1)c) de Me Criminal Code, (1990) A.C.S. no 52; Mussani v. College of Physicians and Surgeons of Ontario, (2004) O.J. no 5176 ( C.A. ); et Walker v. Prince Edward Island , (1993) P.E.I.J. no 111 ( C.A. ), conf. 124 D.L.R. (4th)(127) (C.S.C.).

[25] Blenco c. Colombie-Britannique 2000 CSC 44.

[26] Health Employers Assn. 0f British Columbia v. British Columbia Nurses’ Union, [2006] B.C.C.A.A.A. no 167; British Columbia Teachers’ Federation v. Vancouver School District no 39 [2003] BCCA 100, demande d’autorisation de pourvoi devant la CSC refusée [2003] S.C.C.A no 156; et Vancouver School District no 39 v. British Columbia Teachers’ Federation, [2001] B.C.C.A.A.A. no 208.

[27] Ruffo c. Conseil de la magistrature, [1995] A.C.S. no 100. [Ruffo]

[28] Régie, supra, note 15, au par. 39; voir également en particulier Pearlman, supra, note 20, aux par. 31, 35 et 4l.

[29] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739, au par. 22; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens [2006] S.C.C.A. no 49

[30] Say, supra, note 28; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens [2006] S.C.C.A. no 49; Mohammad c. Canada , [1988] R.C.F. no 1141 ( C.A. )

[31] R. c. Oakes, [1986] A.C.S. no 7. et dans Walker v. Prince Edward Island, [1993] P.E.I.J. no 111 ( C.A. ), conf. 124 D.L.R. (4”) 127 (C.S.C.)

[32] Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44.

[33] MacBain, supra.

 

[34] Ocean Port, supra, note 20, au par. 28.

[35] Ruffo c. Conseil de la magistrature [1995] A.C.S. no 100.

[36] Régie, supra, note 47, aux par. 39 et 44-45; voir également en particulier Pearlman, supra, note 20, aux par. 31, 35 et 41; et Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] CSC 36, au par. 28.

[37] Say, supra, note 42.

[38] Say, supra, note 42, au par. 22; confirmé 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens [2006] S.C.C.A. no 49

[39] Say, supra, note 42; affirmed 2005 FCA 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens [2006] S.C.C.A. no 49; Mohammad c. Canada , [1988] R.C.F. no 1141 ( C.A. )

[40] E-47, au par. 57.

[41] Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique [2001] CSC 52, aux par. 29-33; voir également Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] CSC 36, par. 29-31.

[42] Fletcher c. Canada (Conseil du Trésor) 2002 CAF 424.

[43] Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, p. F-7, telle qu’elle a été modifiée, articles 18 et 18.1. En outre, voir expressément : Mohammad c. Canada , [1988] R.C.F. 1141 ( C.A. ), p. 19.

[44] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens (2006) S.C.C.A. no 49, par. 22.

[45] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens (2006) S.C.C.A. no 49, par. 34; de plus, voir expressément Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone [2003] CSC 36, par. 45.

[46] 2747-3147 Québec Inc. c. Régie des permis d”alcool, [1996)] A.C.S. no 112 [Régie].

[47] « Jones, David et de Villars, Arme, Principles of Administrative Law, 4e éd. (Toronto : 2004 Carswell, à la p. 400).

 

[48] R. c. Valente, [1985] A.C.S. no 77; voir aussi 2747-3174 Québec Inc. c. Régie des permis d”alcool du Québec, [1996] A.C.S. no 112, aux par. 61-62.

[49] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens (2006) S.C.C.A. no 49 au par. 35.

[50] Pièce E-45.

[51] 2747-3147 Québec Inc. c. Régie des permis d”alcool, [1996] A.C.S. no 112 au par. 62; voir aussi expressément : Katz v. Vancouver Stock Exchange, [1995] B.C.J. no 2018 ( C.A. ) au par. 24.

[52] Loi sur la gestion des finances publiques, L.R., ch. F‑10, telle qu’elle est modifiée, paragraphe 12(3)

[53] Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. [2003], pièce 22 aux articles 208 et 209. Voir expressément : Gannon c. Canada (Conseil du Trésor) [2004] CAF 424 au par. 27; Canada (P.G.) c. Penner, [1989] A.C.F. no 461 ( C.A. ) à la page 6; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (C.S.C.) [2004] CRTFP 109 aux par. 77,78, 93 et 94; et Peters c. Conseil du Trésor 2007 CRTFP 7.

[54] Pièce E-30 — Politique sur les conditions d’emploi.

[55] Pièce 31, page 103 de 176. Voir également les articles 57 et 65 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, partie 3. Tel qu’il est indiqué dans le témoignage de Pierre Rousseau, aucun appel n’a jamais été licencié.

[56] Pièce E-2, onglet E-Q, pages 161-162.

[57] SCFP c. Ontario 2003 CSC 29, par. 49.

[58] SCFP c. Ontario 2003 CSC 29, par.106-112.

[59] Voir aussi expressément l’article 22 de la LRTFP et l’article 89 de la LEFP.

[60] SCFP c. Ontario [2003] CSC 29 au paragraphe 49. L’appelante note au paragraphe 58 de son mémoire des faits et du droit que le directeur possède le pouvoir de muter des agents d’appel à divers postes. On laisse croire qu’il possède le pouvoir de le faire sans leur consentement. Cette suggestion est dénuée de fondement. Voir spécifiquement l’article 51 de la LEFP. Voir la pièce E-32.

[61] Voir la pièce E-32.

[62] Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C, 2003, ch. 22, partie 1, article 208. Voir aussi spécifiquement Vaughan c. Canada 2005 CSC 11.

[63] Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, telle qu’elle a été modifiée, articles 18 et 18.1. Contrairement à l’argument invoqué par l’appelante, il est clair pour la Cour fédérale que la disponibilité du contrôle judiciaire du dernier palier de la procédure de règlement des griefs « ne représente pas un recours illusoire » — voir spécifiquement : Marshall c. Canada 2006 CF 51, au par. 25; voir également : Canada (P.G.) c. Assh 2006 CAF 358.

[64] Pièce E-32.

[65] Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-36, telle qu’elle est modifiée.

 

[66] Sam Lévy & Associés Inc. c. Canada 2006 CAF 205 au paragraphe 20; et voir Sheriff c. Canada 2006 CAF 139.

[67] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens (2006) S.C.C.A. no 49 au par. 35; voir aussi expressément : CRTFP c. Canada 2004 CF 507.

[68] Say c. Canada (Solliciteur général) 2005 CF 739; conf. 2005 CAF 422; demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée avec dépens [2006] S.C.C.A. no 49 aux par. 38-42.

[69] Jones, David et de Villars, Anne, Principles of Administrative Law, 416 cd. ( Toronto : 2004 Carswell, p.400).

[70] Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1996] A.C.S. no 95; [1995] B.C.J no 2018 (C.A).

[71] Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1995] B.C.J. no 2018; conf. [1996] A.C.S. no 95, aux par. 24 et 25.

[72] Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1995] B.C.J. no 2018; conf. [1996] A.C.S. no 95, aux par. 34-36.

[73] Mohammad c. Canada , [1988] A.C.F. no 1141 ( C.A. ) à la page 19

[74] Mohammad c. Canada , [1988] A.C.F. no 1141 ( C.A. ) à la page 20.

 

[75] Pièce E-3, le directeur est une personne possédant plus de 35 ans d’expérience en santé et sécurité au travail. De fait, le directeur a été la première personne à tenir des audiences en vertu de la partie II du Code. Le directeur a également témoigné qu’il n’instruit plus de causes pour pouvoir se consacrer à temps plein aux exigences administratives de son rôle de directeur et qu’il dote un poste de conseiller technique pour pouvoir prendre encore plus ses distances et éviter les chevauchements dans le processus des appels.

[76] Pièce E-2, onglets I et J.

[77] Pièce E-2, onglet A, page 1 et onglet C, page 1.

[78] Il est bien établi qu’un serment professionnel est une preuve d’indépendance : 2747-3147 Québec Inc. c. Régie des permis d”alcool, [1996] A.C.S. no 112 au par. 62.

[79] Pièce E-2, onglet D-0, aux pages 129-132.

 

[80] Pièce E-2, onglet D-0, aux pages 129-132. Le directeur a témoigné que ce serment est obligatoire tant pour les agents d’appel à temps plein recrutés pour une durée indéterminée que pour les agents d’appel recrutés à contrat.

[81] Pièce E-26.

[82] Pièce E-27 (A)(B)(C).

[83] Pierre Rousseau a témoigné que les agents d’appel ne sont pas rémunérés au rendement et que l’évaluation a pour but d’établir quels sont les besoins en formation ou en perfectionnement.

[84] 2747-3174 Québec Inc. c. Régie des permis d’alcool, [1996] A.C.S. no 112 au par. 60; et voir Sam Lévy & Associés Inc. c. Canada [2006] CAF 205 au paragraphe 13; et Sheriff c. Canada 2006 CAF 139 aux par. 48 et 49.

[85] E-20 et E-45.

[86] SCFP c. Ontario [2003] CSC 29 au par.195.

[87] SCFP c. Ontario [2003] CSC 29 au par. 2; en outre, voir expressément : IPFPC c. Canada 2004 CF 507.

[88] Matsqui, supra, note 4.

[89] Say, supra, note, par. 34.

[90] Valente, supra, note,

[91] Say, supra, note, par. 34.

[92] Say, supra, note, au par. 34

[93] Bell , supra, note, aux par. 18-20

[94] Committee for Justice c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369

[95] La Cour suprême a confirmé dans Valente que le critère de l’indépendance institutionnelle aux fins de l’alinéa 11d) de la Charte devrait être le même que pour l’impartialité institutionnelle :

le critère de l'indépendance aux fins de l'al. 11d) de la Charte soit, comme dans le cas de l'impartialité, de savoir si le tribunal peut raisonnablement être perçu comme indépendant […]

[96] Le juge Gonthier a écrit au par. 44 de la décision 2447-3174 Quebec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919 que dans les affaires liées à la partialité institutionnelle, le critère de la crainte de partialité formulé dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie doit être présent dans un grand nombre de cas. Compte tenu de la confirmation dans Valente que le critère de la partialité institutionnelle est le même que pour l’indépendance institutionnelle, je conclus que la détermination de l’indépendance institutionnelle dans la présente affaire exige que la crainte de partialité soit présente dans un nombre substantiel de causes. Le paragraphe 44 est ainsi rédigé :

[44] À la suite notamment des arrêts Lippé, précité, et Ruffo c. Conseil de la magistrature, [1995] 4 R.C.S. 267, le critère applicable en matière d'impartialité institutionnelle est bien établi. Il ne fait pas de doute, en effet, que ce sont les considérations avancées par le juge de Grandpré dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394, qui gouvernent. La détermination de la partialité institutionnelle suppose qu'une personne bien renseignée, ayant étudié la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, éprouve une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas.

[97] Le ministère du Travail ne faisait pas encore partie de RHDCC.

[98] Say c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 422

[99] Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] 1 R.C.S. 350, 2007 CSC 9, en référence à l’arrêt Valente, à la page 689

[100] Rapport Sossin, parrainé par la Alberta Federation of Labour et publié en avril 2007.

[101] Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada et Procureur général du Canada, [2005] CAF 155.

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