Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier no : 2008-34

Décision no : OHSTC-09-024

 

 

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

Seair Seaplanes Ltd.

Appelante

 

 

et

 

 

Parv Bhangal

Intimé

 

_______________________

Le 22 juin 2009

 

 

 

La présente affaire a été tranchée par l’agent d’appel Michael Wiwchar.

 

 

Pour l’appelante

Sean Taylor, avocat

 

Pour l’intimé

Parv Bhangal, représentant local en santé et sécurité au travail


APPEL

[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), au sujet d’un point énoncé dans une instruction donnée par l’agent de santé et sécurité (l’ASS) Lance Labby, le 5 novembre 2008, en vertu du paragraphe 145(1) du Code et en application du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement). Il y a eu une audience à Richmond, en Colombie-Britannique, le 30 avril 2009.

CONTEXTE

[2] Les circonstances qui entourent cette affaire touchent un quai flottant exploité par la Seair Seaplanes Ltd., l’employeur, qui se trouve sur la rive du fleuve Fraser du côté sud de l’aéroport de Vancouver. Le quai appartient à l’Administration de l'aéroport international de Vancouver et l’employeur exploite des vols à partir de cet endroit depuis 1980.

[3] Plus précisément, le quai se trouve à la base d’une rampe montée sur rail qui relie le quai à la rive. Le quai est construit en bois, en bon état, a environ 21 pieds de largeur sur à peu près 275 pieds de longueur et se trouve à fleur d’eau. Des pneus sont installés sur les côtés du périmètre extérieur et tiennent lieu de pare-chocs contre lesquels l’hydravion est accoté lorsqu’il est amarré. Une surface antidérapante de 3 pieds de largeur, installée en février 2009, descend le long d’un côté de la surface du périmètre extérieur du quai. Le périmètre extérieur de la surface est également muni d’un rail dissymétrique d’environ 1 pied de hauteur et est conçu pour amarrer l’hydravion au quai.

[4] L’ASS Labby a témoigné que l’orientation et la question du danger de noyade ont émané d’une inspection menée le 19 juin 2008, inspection au cours de laquelle il a observé les pilotes et le personnel et les ouvriers de quai qui travaillent au quai sans vêtements de flottaison individuels, c’est-à-dire sans gilets de sauvetage ou dispositifs flottants. Il a rédigé des contraventions sur une « Promesse de conformité volontaire » et celle-ci a été signée par un représentant de l’employeur. Il y est déclaré que l’employeur prendrait des mesures correctrices pour assurer la conformité.

[5] L’ASS a reçu une lettre datée du 11 juillet 2008 de M. Terry Hiebert, gestionnaire des opérations et représentant de l’employeur, qui indique que les ouvriers de quai se serviraient des gilets de sauvetage fournis par l’employeur lorsqu’ils seraient sur le quai.

[6] L’ASS est retourné sur le lieu de travail le 14 octobre 2008 pour effectuer le suivi de son inspection précédente. Il a remarqué que seuls les ouvriers de quai portaient des gilets de sauvetage, mais il n’a pas vu de pilotes accomplissant des tâches sur le quai à ce moment-là. Il a vu seulement des pilotes en train de retourner à l’hydravion. Son rapport mentionnait qu’il avait été informé que des pilotes accomplissent rarement des tâches sur le quai flottant. De même, aucune preuve n’a été soumise à l’audience sur l’identité des pilotes et sur le moment précis de ces travaux par les pilotes. L’ASS Labby est retourné sur le lieu de travail le 5 novembre 2008 pour donner l’instruction qui portait sur six points et qui est maintenant en appel.

[7] L’employeur interjette appel seulement du point 3 de ladite instruction qui est ainsi rédigé :

[traduction]

No : 3
Alinéa 125.(1)l) de la partie II du Code canadien du travail, paragraphe 12.11(1) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

Lorsque, dans le lieu de travail, il y a risque de noyade, l’employeur doit fournir à toute personne (à tous les employés, dont les pilotes) à qui il permet l’accès au lieu de travail :

- un gilet de sauvetage ou un dispositif flottant conforme à l’une des normes suivantes : la norme CAN2-65.7-M80 de l’Office des normes générales du Canada (ONGC) intitulée « Gilets de sauvetage à matériau insubmersible », publiée en avril 1980; la norme (F) 65-GP-11 de l’Office des normes générales du Canada (ONGC) intitulée « Norme : Vêtements de flottaison individuels », publiée en octobre 1972.

[8] Dans une lettre en date du 17 novembre 2008, M. Hiebert a répondu à l’ASS en ce qui concerne le point no 3 de l’instruction en déclarant que tous les employés qui sont tenus de travailler sur le quai reçoivent un vêtement de flottaison individuel approuvé. Il a également déclaré que les pilotes ne font que passer sur le quai pour prendre un hydravion.

[9] L’ASS n’a pas décrit la condition ou l’activité dangereuse précise dans son instruction. Toutefois, dans son témoignage, il a identifié le risque de noyade comme un risque qui pourrait toucher des personnes telles que des employés, à savoir les ouvriers de quai et les pilotes. À son avis, le fait de marcher sur le quai équivaut à s’exposer à un risque de noyade et s’inscrit, selon ses termes, dans « le libellé du Code ». Comme les ouvriers de quai portent effectivement des gilets de sauvetage en tout temps lorsqu’ils sont sur le quai, son instruction s’adressait aux pilotes et s’appliquait plus spécifiquement aux pilotes qui se dirigeaient vers l’hydravion. Il a également témoigné que l’instruction excluait les passagers.

[10] Au moment de ses inspections, l’ASS a demandé des renseignements à l’employeur au sujet de la façon dont le danger et le risque de noyade ont été cernés et évalués, mais il ne les a pas obtenu. Son enquête sur la détermination du potentiel et de la probabilité que ce danger soit préjudiciable aux employés s’est terminée sans autre demande au sujet de la question. De fait, le point no 2 de ladite instruction énonçait que l’employeur ne disposait pas d’un programme de prévention des dangers pour faire face à tous les dangers associés aux opérations des employés sur les quais. L’un des éléments de ce programme de prévention des dangers consiste à identifier les dangers et à évaluer le risque tel qu’il est énoncé dans le Règlement cité relativement à ce point.

[11] Lorsque l’ASS a été questionné par l’avocat de l’appelante au sujet du danger de noyade que courent les pilotes et les ouvriers de quai, il a déclaré que le risque augmente au fur et à mesure que les employés se rapprochent de l’eau qui se trouve à proximité du bord du quai. Lorsqu’il a été de nouveau interrogé concernant la probabilité pour un employé d’être exposé au danger lorsqu’il se trouve au milieu du quai, il a déclaré que la probabilité globale de tomber dans l’eau est, selon ses dires, « très, très basse » et diminue.

[12] Néanmoins, l’ASS a soutenu que son expérience lui a révélé qu’un événement imprévu peut survenir, comme une chute. Il a expliqué que même au milieu du quai, il est possible qu’une personne trébuche, chute et, d’une manière ou d’une autre, s’approche du bord du quai, évite le rail dissymétrique et tombe dans l’eau. Il a reconnu qu’il y a, comme il le dit, « très très peu de chances » que cela survienne.

[13] L’ASS a déclaré pendant son témoignage que si l’employeur effectue l’évaluation d’un danger et l’analyse du risque avec la participation des employés et qu’il est établi, en conclusion, que des gilets de sauvetage ne sont pas nécessaires pour les pilotes pendant qu’ils se dirigent vers l’hydravion, il accepterait, dans ces circonstances, cette conclusion.

QUESTION

[14] La question soulevée dans le cadre du présent appel consiste à déterminer si l’ASS Labby a commis une erreur en concluant à une infraction à l’alinéa 125(1)l) du Code et à l’alinéa 12.11(1)a) du Règlement.

ARGUMENTS DES PARTIES

L’appelante

[15] M. Taylor, avocat de l’appelante, a subdivisé son argumentation en 3 parties de la façon suivante :

1) Le quai n’est pas un lieu de travail.

2) Tout danger de noyade allégué se situe dans des limites sûres.

3) Il y a un danger pour les pilotes à utiliser des gilets de sauvetage.

[16] À l’audience, l’appelante a présenté 7 pièces et a convoqué 5 témoins.

1) Le quai n’est pas un lieu de travail.

[17] L’appelante fait valoir que la définition donnée par le Code d’un lieu de travail désigne tout endroit où un employé effectue un travail pour l’employeur et que dans le cas des vols réguliers, les pilotes n’utilisent le quai que comme moyen de se diriger vers leur lieu de travail, qui est l’hydravion. Toutes les tâches des pilotes comme charger la marchandise, aider les passagers, faire voler l’hydravion dans ce lieu de travail se déroulent dans l’hydravion et non sur le quai.

[18] Lorsque les pilotes accomplissent des tâches sur le quai, comme faire le plein d’essence ou laver l’hydravion, ils portent des gilets de sauvetage. Toutefois, l’appelante fait valoir que lorsque les pilotes n’accomplissent pas de tâches sur le quai, celui-ci cesse d’être un lieu de travail pour les pilotes en vertu du Code.

[19] M. Terry Hiebert a témoigné qu’outre ses fonctions de gestion, il est également pilote et que de ce point de vue, il estime qu’il est au travail lorsqu’il est dans l’hydravion, mais qu’il ne l’est pas lorsqu’il se dirige vers l’appareil, ce qui représente une marche de moins d’une minute. Il a déclaré qu’il arrive rarement que les pilotes lavent l’hydravion et accomplissent des tâches sur le quai. Toutefois, lorsqu’ils exécutent ces tâches, ils portent des gilets de sauvetage et il reconnaît que ces tâches sont considérées comme du travail. De plus, il a déclaré que les pilotes aident le personnel du quai à charger les bagages, mais que cette tâche est accomplie à partir de l’hydravion et qu’ils n’accomplissent pas de tâches de chargement à partir du quai.

[20] M. Douglas Dzuss est pilote depuis 1988 et vole pour l’employeur depuis 1993. Il a témoigné que son travail se déroule dans l’hydravion et qu’il utilise le quai flottant seulement pour accéder à l’appareil. Il effectue rarement du travail sur le quai lui-même, mais il lui est arrivé de laver l’hydravion, auquel cas il accepte le port d’un gilet de sauvetage. Pour les pilotes, la pratique consiste à escorter les passagers sur la rampe et jusqu’au quai, à marcher dans le milieu, puis à les aider à monter dans l’hydravion. À son avis, il n’est pas nécessaire de s’écarter de cette pratique et il n’existe donc pas de risque de noyade.

[21] M. Shawn Evans est le chef pilote chez Tofino Airlines et il a témoigné que son hydravion utilise le même quai que Seair Seaplanes Ltd. Il a déclaré que la pratique utilisée pour approcher l’hydravion du sol consiste à passer de la rampe au quai flottant et de marcher au centre. Il a affirmé qu’il n’existe jamais de motifs de s’approcher des bords du quai et qu’il n’y a donc pas de risque de noyade.

[22] M. Parv Bhangal est un employé de Seair Seaplanes Ltd. Il occupe le poste de superviseur de quai et agit comme représentant local en santé et sécurité pour les employés. Son rôle de représentant a débuté en octobre 2008, soit après la visite de l’ASS Labby. Depuis, il a été actif dans l’élaboration et la mise en œuvre de nombreux aspects du programme de santé et sécurité sur le lieu de travail. M. Bhangal a présenté des éléments de preuve au sujet de la description de fonctions et des fonctions du personnel œuvrant sur le quai, des procédures d’urgence, du matériel de sécurité, de la formation et des procédures générales de stationnement exécutées par les employés. Il a déclaré que tout le personnel de quai, dont lui-même, porte des gilets de sauvetage en tout temps pendant qu’il est sur le quai pour accomplir des tâches.

[23] M. Bhangal a déclaré que les pilotes effectuent rarement des tâches d’ouvrier de quai telles que l’approvisionnement en essence ou le lavage de l’hydravion et que lorsqu’ils le font, ils portent des gilets de sauvetage. À son avis, ils devraient toujours le faire pour exécuter ce genre de travail.

2) Tout danger de noyade allégué se situe dans des limites sûres.

[24] M. Taylor soutient que l’utilisation de matériel de protection pour les pilotes, comme, dans le présent cas, des gilets de sauvetage, n’est nécessaire que lorsqu’il n’est pas raisonnablement réalisable d’éliminer ou de contrôler un danger pour la santé ou la sécurité dans un lieu de travail dans des limites sûres, tel qu’il est prévu dans le Règlement. Par conséquent, si le danger peut être contrôlé dans des limites sûres, il n’est pas nécessaire d’utiliser du matériel de protection, et cette option constitue donc un dernier recours.

[25] M. Bhangal a témoigné que les pilotes sont toujours accompagnés par un ouvrier de quai lors de tous les départs et toutes les arrivées d’un hydravion, ce qui est connu comme le « système de jumelage » de la société. Il ne croit pas qu’un type quelconque de dispositif de flottaison soit nécessaire pour les pilotes parce qu’ils ne font rien d’autre que de se rendre à pied jusqu’à l’hydravion et qu’en ce faisant, ils ne courent aucun risque de noyade. Il n’a jamais été abordé par des pilotes au sujet du danger de noyade ou des gilets de sauvetage fournis aux pilotes. Il n’a jamais reçu de plainte d’un passager sur le danger de noyade ni ne s’est fait demander de protection contre ce danger par un passager. Il a déclaré que les pilotes se rendent à pied à l’hydravion comme le font les passagers et que le risque est équivalent dans chaque cas.

[26] M. Banghal a témoigné qu’il a été chargé d’installer un nouveau recouvrement antidérapant sur la surface du quai comme le recouvrement existant qui est installé le long du périmètre du quai. Le nouveau recouvrement, qui devra être utilisé comme allée, mesurera 5 pieds de largeur et sera bientôt installé de façon sécuritaire au centre du quai, d’est en ouest, ce qui fera diminuer encore davantage le risque de noyade. En outre, on prévoit installer d’autre revêtement sur une largeur de 3 pieds le long du périmètre opposé au quai de la même façon que pour le revêtement existant. Les passagers et les pilotes recevront instruction d’utiliser l’allée désignée lorsqu’ils se rendront à l’hydravion en provenance du quai.

[27] M. James Molloy, vice-président de la sécurité aérienne générale chez Harbour Air Ltd., a témoigné que sa société exploite un quai flottant similaire qui se trouve à environ 100 mètres du quai dans cette affaire. M. Molloy a déclaré que sa société a procédé à une analyse de risque formelle conformément au Règlement relativement aux uniformes et vêtements de sécurité du personnel de quai et des pilotes afin de se pencher sur les dangers rattachés à leurs fonctions sur le quai. Il estime que leurs pilotes, dont le nombre total est de 33, ne sont pas exposés à un danger de noyade lorsqu’ils passent de la rampe à l’hydravion par le quai. Il affirme que le risque est minime et que l’avantage du port d’un gilet de sauvetage par un pilote dans cette situation serait surpassé par le préjudice possible, compte tenu des autres dangers qui peuvent survenir en raison du port du gilet.

[28] Les éléments de preuve produits par M. Hiebert révèlent que l’employeur a exploité de 10 à 15 vols quotidiens aux installations du quai depuis 1980 et qu’au cours de ces 29 ans, personne n’est tombé du quai. Tous les témoins ont énoncé le même fait sur la base de leurs souvenirs personnels. Il a également déclaré que les pilotes sont accompagnés à l’hydravion par le personnel de quai et que les membres du personnel de quai portent toujours un gilet de sauvetage et ont suivi une formation en procédures d’urgence.

[29] Les témoins ont affirmé que ce quai est sûr, que sa structure est solide, qu’il est bien entretenu et que des matériaux ne sont jamais entreposés sur le quai pour des motifs de sécurité aérienne liés à des objets étrangers et à des débris, ainsi qu’au danger de trébucher qui pourrait exister pour les personnes sur le quai.

[30] Par l’entremise du témoignage de M. Banghal, l’employeur soutient que des procédures d’urgence sont en place advenant que quelqu’un chute dans l’eau. De plus, le risque est également atténué du fait de la présence de matériel de sauvetage d’urgence sur le quai, comme des anneaux de protection, des câbles et des échelles.


3)
Il y a un danger pour les pilotes à utiliser des gilets de sauvetage

[31] L’appelante soutient que l’utilisation de gilets de sauvetage par les pilotes alors qu’ils sont sur le quai entraînera davantage de dangers que ceux que cette mesure vise à éliminer. Cela irait à l’encontre des exigences du Règlement en ce sens que tout le matériel de protection ne doit pas, en soi, créer un danger.

[32] Les pilotes ont présenté des éléments de preuve selon lesquels l’utilisation de gilets de sauvetage donnera lieu à de nombreux dangers nouveaux, comme l’accrochage sur des contrôles internes et externes, ce qui limite les mouvement du pilote dans l’hydravion, des difficultés d’entreposage, des dommages possibles à des objets étrangers si le gilet de sauvetage est laissé sur le quai, des problèmes concernant la conformité excessive et ses risques et problèmes connexes liés à des distractions des pilotes et des ouvriers de quai pendant les procédures de décollage.

L’intimé

[33] M. Bhangal est l’intimé dans cette affaire et il n’a convoqué aucun témoin ni n’a produit de pièces.

[34] M. Bhangal a contre-interrogé des témoins et a pris part à l’audience. Toutefois, comme il a déposé comme témoin pour l’appelante, je tiendrai compte de son témoignage en ce qui touche la question et je ne répéterai pas séparément sa position.


ANALYSE

[35] Tel qu’il est énoncé précédemment au paragraphe 14, je dois décider si l’ASS Labby a commis une erreur en concluant qu’il y a eu infraction à l’alinéa 125.(1)l) du Code et à l’alinéa 12.11(1)a) du Règlement.

[36] L’alinéa 125.(1)l) du Code est ainsi rédigé :

125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

l) de fournir le matériel, l’équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires à toute personne à qui il permet l’accès du lieu de travail; […]

[37] Les dispositifs de sécurité dont il est question à l’alinéa 125(1)l) sont stipulés comme suit à l’alinéa 12.11(1)a) :

12.11 (1) Lorsque, dans le lieu de travail, il y a risque de noyade, l’employeur doit fournir à toute personne à qui il permet l’accès au lieu de travail :

a)
soit un gilet de sauvetage ou un dispositif flottant conforme à l’une des normes suivantes :

i) la norme CAN2-65.7-M80 de l’Office des normes générales du Canada (ONGC) intitulée Gilets de sauvetage à matériau insubmersible, publiée en avril 1980,
ii) la norme (F)65-GP-11 de l’Office des normes générales du Canada (ONGC) intitulée Norme : Vêtements de flottaison individuels, publiée en octobre 1972; […]

[38] Par conséquent, pour trancher cette question, je devrai répondre aux questions suivantes :

a) Le quai est-il un lieu de travail?

b) Existe-t-il un risque de noyade pour les pilotes qui sont en tansit vers l’hydravion?

a) Le quai est-il un lieu de travail?

[39] Le paragraphe 122(1) du Code définit un lieu de travail comme suit :

« lieu de travail » Tout lieu où l’employé exécute un travail pour le compte de son employeur.

[40] Le quai est utilisé par l’employeur pour exercer ses activités et fait partie intégrante de ses activités parce que l’hydravion doit y être amarré lors des arrivées et des départs, les employés accomplissent des tâches essentielles qui sont cruciales pour le fonctionnement sur le quai et enfin, c’est le seul accès menant à l’hydravion et la seule sortie de l’hydravion; c’est le lien menant au bureau de l’employeur et c’est la base de ses opérations qui ont lieu sur la terre ferme.

[41] On peut faire valoir que ce lieu de travail n’appartient pas à l’employeur, mais je conclus néanmoins que les activités exercées sur le quai sont contrôlées par l’employeur. L’appelante exploite le quai pour le compte des propriétaires et utilise le quai pour ses propres activités depuis 1980.

[42] Les pilotes en transit de la rive à l’hydravion, les pilotes qui travaillent sur le quai et les ouvriers de quai qui travaillent sur le quai exerçent tous des activités qui sont sous le contrôle de l’employeur au lieu de travail.

[43] Je suis en désaccord avec l’argumentation de l’appelante selon laquelle Ie quai cesse d’être un lieu de travail pour les pilotes s’ils n’accomplissent pas de tâches matérielles. J’estime donc que le quai est un lieu de travail.

b) Existe-t-il un danger de se noyer pour les pilotes pendant qu’ils sont en transit vers l’hydravion?

[44] L’ASS a indiqué clairement dans son témoignage que « toute personne à qui l’employeur permet l’accès du lieu de travail », dans le contexte de son instruction, désignait [traduction] « tous les employés, dont les pilotes ». Il ne s’inquiète pas non plus au sujet des ouvriers de quai, parce qu’ils portent des gilets de sauvetage sur le quai en tout temps depuis juillet 2008, ni des passagers. Par conséquent, il a déclaré que la contravention alléguée s’applique seulement aux pilotes en transit entre l’hydravion et le quai parce que pendant cette période, ils sont exposés à un danger de noyade et doivent donc être munis d’un gilet de sauvetage.

[45] Ni le Code ni le Règlement ne définit expressément les termes « dangers » ou « risque ». Je citerai par conséquent les définitions de ces termes, qui proviennent d’une publication reconnue du secteur de la santé et de la sécurité [1] .

[traduction]

Dangers : Potentiel de préjudice. Les dangers incluent tous les aspects de la technologie et l’activité qui donne lieu au risque. Les dangers comprennent les caractéristiques des choses (l’équipement, la poussière) et les gestes ou l’inaction des gens.

Risque : Il s’agit d’une estimation de la probabilité d’un incident lié à un danger ou de l’exposition qui survient et de la gravité du préjudice ou du dommage qui pourrait résulter.

[46] Premièrement, je juge que d’après la preuve soumise dans cette affaire et dans le contexte des définitions qui précèdent, le potentiel de préjudice du danger de noyade est peu significatif. Deuxièmement, la probabilité que ce risque se concrétise est négligeable et la gravité du préjudice qui pourrait en résulter est également négligeable.

[47] Bien que l’employeur ne m’a pas présenté de preuve documentée du processus d’identification et d’évaluation du danger et de la méthode utilisée ou des résultats écrits de leur analyse, je suis convaincu à la suite de la déposition de témoins que la possibilité que ce danger occasionne un préjudice est très faible et que la probabilité et la gravité du risque est également faible. En outre, j’accorde une valeur probante au témoignage de M. Maloy parce qu’il a mené une analyse de risque formelle de l’état de son quai conformément au Règlement et parce que son quai est similaire et adjacent au quai exploité par Seair Seaplanes Ltd. M. Maloy a conclu que le risque est minime.

[48] Je ne suis pas convaincu par le témoignage de l’ASS Labby que l’événement imprévu qu’il a décrit peut survenir et par conséquent qu’un pilote qui marche au centre du quai peut s’exposer à un danger de noyade.

[49] Par ailleurs, je suis d’accord avec l’appelante pour affirmer que sur la base de la preuve présentée, le risque qu’un pilote se noie parce qu’il est exposé à ce danger simplement en marchant au centre du quai pour se rendre à l’hydravion est, au mieux, négligeable.

[50] Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que le danger de noyade que courent les pilotes, en plus d’être négligeable, est contrôlé dans dans limites sûres, et ne nécessite donc pas de matériel de protection, ce qui est conforme à l’article 12.1 du Règlement qui est ainsi rédigé :

12.1 Toute personne à qui est permis l’accès au lieu de travail doit utiliser l’équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants :
a)
lorsqu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité;
b)
lorsque l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.

[51] L’ASS, les témoins et le représentant local en santé et sécurité conviennent qu’il existe un danger de noyade lorsque les employés travaillent à proximité du bord du quai. Je souscris à cette évaluation. Des gilets de sauvetage sont fournis aux employés dans cette situation parce qu’ils se trouvent tout près de l’eau et qu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir le danger de noyade.

[52] Encore une fois, lorsque les pilotes sont en transit vers leur hydravion, je ne suis pas influencé par le fait que le danger excède des limites sécuritaires. Je conclus que l’employeur a contrôlé le danger dans cette situation en mettant en œuvre un certain nombre de mesures.

[53] Voici une liste des mesures prises par l’employeur pour contrôler le danger de noyade afin de le ramener dans des limites sécuritaires :

  • Le quai a une structure solide et est en bon état.

  • Aucun matériau n’est entreposé sur le quai et le quai demeure propre, notamment son allée centrale.

  • Les pilotes et les passagers reçoivent comme instruction de marcher au centre du quai et sont accompagnés par des ouvriers de quai.

  • De l’équipement de sauvetage d’urgence est disponible sur le quai et les ouvriers de quai sont formés pour s’en servir.

  • Des procédures d’urgence sont en place en cas de chute dans l’eau.

  • Un revêtement antidérapant est installé le long d’un périmètre et doit être installé le long du périmètre opposé et plus particulièrement, un revêtement sera installé au centre du quai, ce qui procurera davantage de sécurité et indiquera mieux la voie à suivre.

  • Les pilotes qui ne sont pas en transit vers l’hydravion et qui exerçent des activités près du bord du quai portent des gilets de sauvetage.

[54] Enfin, l’ASS a conclu, certes avec de bonnes intentions et dans l’intérêt de la santé et de la sécurité, qu’il y avait contravention dans la situation concernée sur la base, selon ses termes, du « libellé du Code » avant de recevoir des renseignements concernant le danger de l’employeur ou, subsidiairement, en cherchant à connaître les faits de sa propre initiative. Le point no 2 de son instruction énonçait que l’employeur ne disposait pas d’un programme de prévention des dangers et par conséquent qu’une évaluation des dangers sur le lieu de travail n’avait jamais été formellement effectuée. Par conséquent, il était prématuré de sa part de demander de l’équipement de protection pour un danger que ni l’employeur ni l’ASS n’avaient identifié ou évalué comme un danger de noyade dans les circonstances. Il aurait été préférable d’attendre les résultats d’une évaluation des dangers et des risques plutôt que de décider qu’il existait un danger de noyade ubniquement d’après le libellé du Code et du Règlement.

DÉCISION

[55] Pour ces motifs, j’annule le point no 3 de l’instruction donnée le 5 novembre 2008 par l’ASS Labby à Seair Seaplanes Ltd.

 

 

__________________________

Michael Wiwchar
Agent d’appel



[1] National Safety Council, Accident Prevention Manual for Business and Industry, Engineering & Technology, 13e édition, pages 7 et 8.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.