Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier no : 2004-14

Décision no : OHSTC-09-023

 

 

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

Air Canada
appelante

 

 

et

 

 

Le Syndicat canadien de la fonction publique, élément Air Canada

intimé

et

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BSTC)
intervenant

 

________________

Le 18 juin 2009

 

 

 

La présente affaire a été tranchée par l’agent d’appel Pierre Guénette.


Pour l’appelante

Maryse Tremblay, avocate

 

Pour l’intimé

Beth Symes, avocate

Pour l’intervenant
Louise Béchamp, avocate


I. L’APPEL

  • [1] Cet appel, daté du 9 mars 2004, a été interjeté par la société Air Canada,, en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), à l’encontre d’une instruction donnée par l’agente de santé et de sécurité (l’ASS) Marie-Anyk Côté le 13 février 2004.

  • [2] Le 13 octobre 2004, l’appelante a présenté au Tribunal une demande de suspension de l’instruction jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue dans l’appel. Le 5 novembre 2004, par téléconférence, cette demande a été entendue par l’agent d’appel soussigné qui a accordé la suspension dans une décision écrite datée du 6 janvier 2005.

  • [3] L’instruction de l’appel s’est produite à Montréal, au Québec, les 11 et 12 juillet 2005, du 24 au 26 octobre 2005, le 1er, les 13 et 14 et les 21 et 22 février 2006, les 11 et 12 avril 2006, les 8 et 9 février 2007, les 19 et 20, 23 et 24, et 26, 27 et 28 avril 2007, les 27 et 28 novembre 2007 et le 11 décembre 2007.

  • [4] À un moment donné au cours de l’instance, Maryse Tremblay (M. Tremblay), avocate d’Air Canada, a demandé que la portée du présent appel soit clarifiée.

  • [5] Les deux parties ont présenté leurs arguments sur la question. M. Tremblay a fait valoir que l’appel doit être limité aux deux points relevés dans l’instruction de l’ASS Côté donnée à Air Canada. D’après l’avocate, le deuxième point de cette instruction renvoyait seulement au rapport sur la sécurité aérienne [1] (« RSA ») déposé par le pilote du vol AC 875. Toutefois, Beth Symes (B. Symes), avocate du SCFP, a souligné qu’une lettre envoyée par l’ASS Côté au comité de santé et sécurité au travail de Montréal (comité local de YUL) le 13 février 2004 semblait indiquer que l’instruction renvoyait à davantage que le seul RSA, et que la portée de l’appel était plus large que ce que prétendait Air Canada.

  • [6] Après avoir étudié soigneusement les arguments des parties sur la question, le 7 septembre 2006, j’ai rendu une décision confirmant que l’appel touchait seulement les deux points mentionnés dans l’instruction de l’ASS Côté à Air Canada, à savoir : l’obligation de l’employeur de faire enquête et l’accès par le comité local de YUL aux documents de l’employeur.

  • [7] En conséquence de cette décision, et lors d’une conférence téléphonique tenue le 12 septembre 2006 à la demande de l’avocate d’Air Canada, j’ai précisé que le deuxième point de l’instruction de l’ASS Côté comprenait des documents du Bureau de la sécurité des transports du Canada (le « BSTC »), à savoir le projet de rapport du BSTC sur les événements et les observations d’Air Canada sur ce rapport.

  • [8] À ce moment-là, le BSTC a demandé l’autorisation d’intervenir en l’instance et le 8 février 2007, j’ai accordé au BSTC qualité pour intervenir de manière limitée.

  • [9] Dans des arguments additionnels formulés dans une lettre en date du 17 février 2009, l’avocate d’Air Canada a porté à mon attention une affaire de la Cour fédérale du Canada [2] dans laquelle le juge Barnes déclarait : « dans les cas où un employé présente une plainte suivant l’article 127.1 du Code, il faut que le processus de règlement interne des plaintes soit achevé avant que l’employé, ou le syndicat pour le compte de l’employé, puisse demander qu’un agent de santé et de sécurité mène une enquête. Toutefois, cela ne veut pas dire que seul l’article 127.1 du Code comporte le pouvoir pour un agent de santé et de sécurité d’entreprendre une enquête. » Air Canada a fait valoir que ce jugement s’applique dans la présente affaire à [traduction] « toutes les questions soulevées et les redressements demandés par le SCFP qui ne concernent pas les deux points traités [dans l’instruction de l’ASS Côté] parce que ces questions n’ont pas été traitées dans le cadre du mécanisme interne de règlement des plaintes décrit à l’art. 127.1 [je souligne] [3] . »

  • [10] L’intimé a obtenu la possibilité de répondre aux prétentions de l’appelante, ce qu’il a fait dans une lettre en date du 20 mars 2009, après quoi l’appelante lui a répondu dans une lettre en date du 14 avril 2009. Ayant examiné les arguments des deux parties relativement à la pertinence de la preuve présentée par l’avocate d’Air Canada, je confirme, comme je le mentionnais précédemment, que ma compétence dans cette affaire se limite aux deux points mentionnés dans l’instruction de l’ASS Côté. Compte tenu du fait que la décision de la Cour fédérale porte sur des questions qui ne s’inscrivent pas dans la portée du présent appel, je n’aurai pas à traiter de cette question dans mes motifs.


    II.CONTEXTE

  • [11] Le 14 juin 2002, la queue d’un Airbus 330-343 [4] d’Air Canada a frappé la piste lors du décollage de l’Aéroport de Francfort en Allemagne, ce qui a amené le pilote commandant de bord [5] à retourner à cet aéroport. Pendant la descente, l’angle de l’avion a augmenté jusqu’à 26,7 degrés. Les pilotes sont parvenus à faire atterrir l’avion plein d’essence sans incident.

  • [12] On n’a signalé aucune blessure de membres du personnel après les événements du vol AC 875 [6] et par conséquent, aucun « rapport de blessure » ni « rapport de vol – blessure/Imaladie/incident » n’a été rempli par des employés.

 

  • [13] Les pilotes ont rapporté les événements du vol AC 875 à un représentant d’Air Canada à l’Aéroport de Francfort, et cette personne a informé le répartiteur en chef d’Air Canada au Canada, qui a quant à lui avisé le département de la sécurité en vol d’Air Canada.

  • [14] Par conséquent, plusieurs parties chez Air Canada ont été informées des événements du vol AC 875, y compris le Centre des communications, où le message a été distribué aux représentants de l’employeur et des employés du comité local de YUL.

  • [15] Après les événements du vol AC 875, le commandant de bord a rempli un RSA et l’a envoyé au département de la sécurité en vol d’Air Canada conformément à la politique sur les rapports d’Air Canada.

  • [16] Pendant le décollage et l’atterrissage du vol AC 875, l’agente de bord d’Air Canada
    Elizabeth Niles (E. Niles) occupait le siège d’observation dans le poste de pilotage
    [7] à la demande du commandant de bord.

  • [17] Vers la période de ces événements (mars 2002), Air Canada avait produit une mise à jour de la procédure de sécurité qui modifiait la politique de l’employeur en ce qui concerne l’utilisation du siège d’observation dans le poste de pilotage par les agents de bord. Au moment de cette mise à jour, l’employeur décidait que les pilotes ne désigneraient plus un agent de bord pour occuper ce siège.

  • [18] E. Niles est retournée à sa base de Montréal le 15 juin 2002. Elle éprouvait certaines craintes à l’idée de recommencer à voler en raison des événements survenus lors du vol AC 875, mais elle n’a pas fait part de ces événements à son gestionnaire lorsqu’elle est revenue de Francfort. Au cours des semaines suivantes, elle s’est déclarée malade, parce qu’elle craignait de retourner à bord d’un aéronef et se sentait déprimée de la situation. Elle a néanmoins recommencé à voler en juillet 2002 et a fait tous les vols à son horaire. Elle a également fait certains vols en août. C’est alors que Mme Niles a déclaré son état de santé à un superviseur qui l’a renvoyée vers un médecin d’Air Canada. En conséquence de cette consultation médicale, elle a été renvoyée à un psychothérapeute pour recevoir des soins pour son stress consécutif à un traumatisme.

  • [19] C’est en août 2002 qu’elle a parlé pour la première fois de son état de santé découlant des événements du vol AC 875 au coprésident du comité local de YUL.

  • [20] Le 12 septembre 2002, E. Niles a déposé un rapport de traumatisme auprès de son superviseur.

  • [21] Air Canada a élaboré un manuel sur la sécurité de la direction et des employés (Corporate and Employee Safety Manual) traitant des accidents ou des incidents impliquant des employés. D’après le chapitre 9 concernant les enquêtes sur les accidents et les incidents (Accident/Incident Investigation) :

[traduction] La société a pour politique de faire rapport et de faire enquête sur tous les accidents/incidents qui entraînent ou (qui) peuvent entraîner des traumatismes aux employés, des dommages à l’équipement, aux installations et à l’aéronef, y compris un contact imprévu avec l’aéronef. (…)

L’enquête sur un accident ou un incident doit être effectuée à l’aide du formulaire de rapport d’enquête sur un accident (Accident Investigation Report Form ACF 32-6B) dans les délais indiqués dans la procédure d’enquête sur les accidents/incidents. Le formulaire de rapport d’enquête sur un accident susmentionné doit accompagner le rapport d’enquête sur l’accident (Accident Investigation Report). Les deux formulaires, qui sont disponibles sur Aeronet, doivent être remplis pour tous les types d’accident (dommages à l’aéronef, dommages à l’équipement et à l’installation et lésions corporelles). (…)

La direction et les employés doivent acquérir une compréhension de ce qui est survenu, de la façon dont cela s’est produit, des personnes impliquées, des conséquences et de ce qui doit être fait pour éviter que cela se reproduise.

Pour en arriver à ce résultat, une enquête sur l’accident/l’incident doit être effectuée par les personnes qualifiées pour le faire. L’enquête a pour but de déterminer la cause profonde et les facteurs qui ont contribué à l’accident/l’incident au moyen d’une approche systémique qui vise à répondre aux questions suivantes concernant un accident/incident : QUOI? POURQUOI? QUI? QUAND? OÙ? Et surtout COMMENT? (…)

Les employés doivent faire rapport à leur superviseur immédiat de tous les accidents et incidents qui ont causé ou qui auraient pu causer des blessures ou des dommages.

La direction doit faire enquête et faire rapport sur tous les accidents, maladies professionnelles et autres événements dangereux, conformément à la politique et à la réglementation applicable de la société.

Les enquêtes et les rapports sur les accidents et les incidents relèvent des cadres hiérarchiques.

Un employé qui est membre du comité de santé et de sécurité au travail prendra part à l’enquête sur tous les accidents/incidents (comme l’indique le mandat local).

  • [22] Le rôle du comité de santé et de sécurité au travail en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail est indiqué dans le manuel sur la sécurité de la direction et des employés (Corporate and Employee Safety Manual) d’Air Canada :

 

[traduction] Le comité local de santé et de sécurité au travail :

participe à toutes les enquêtes, études et inspections en matière de santé et de sécurité des employés, et fait appel, en cas de besoin, au concours de personnes professionnellement ou techniquement qualifiées pour le conseiller.

  • [23] Le même manuel décrit le processus d’enquête qui doit être suivi chez Air Canada, y compris la participation du comité de santé et de sécurité au travail :

 

[traduction] Décide qui mènera l’enquête, quelles ressources peuvent être nécessaires, et qui révisera les conclusions de l’équipe.

Les points suivants doivent être considérés pour décider qui prendra part à une enquête :

- Les enquêtes et les rapports sur les accidents et les incidents relèvent des cadres hiérarchiques.
- Un employé qui est membre du comité de santé et de sécurité au travail prendra part à l’enquête sur tous les accidents/incidents de S1
[8] & S2 [9] (comme l’indique le mandat local).

(Je souligne.)

  • [24] Le rapport de traumatisme rempli par E. Niles a été revu par le comité local de YUL à sa réunion mensuelle de septembre 2002. Le comité local de YUL a décidé de prendre part à l’enquête visant à déterminer pourquoi le traumatisme de E. Niles s’est produit et s’il a été causé par les événements du vol AC 875. Dans le cadre de l’enquête du comité local de YUL, Patrick Botter (P. Botter) [10] a demandé au capitaine Curtis (le directeur de la sécurité aérienne chez Air Canada) d’avoir accès aux rapports sur les événements du vol AC 875. Dans sa réponse, le capitaine Curtis a informé P. Botter de l’existence de deux rapports :

    - le projet de rapport d’enquête du BSTC,
    et
    - le RSA.

  • [25] Le capitaine Curtis a informé P. Botter qu’un projet de rapport du BSTC n’est pas un document public et que le RSA ne pouvait être communiqué à moins que l’employé concerné y consente ou que la loi l’exige. Par conséquent, le capitain Curtis a refusé de donner au comité local de YUL l’accès à ces rapports.

  • [26] Après ce refus, P. Botter a proposé que les membres du comité local de YUL présentent à l’employeur une liste de questions pour obtenir de l’aide dans le cadre de leur enquête. Toutefois, les employés membres du comité se sont dits en désaccord avec P. Botter et ont décidé de déposer une plainte auprès d’un agent en santé et sécurité de Transports Canada le 26 février 2003.

  • [27] L’ASS Côté a été affectée à l’enquête sur la plainte soumise par le coprésident des employés du comité local de YUL.

  • [28] L’ASS Côté a été assignée à témoigner par le Tribunal pour expliquer son enquête sur la plainte et les motifs pour lesquels elle a donné une instruction à Air Canada. Les deux parties ont eu l’occasion de contre-interroger le témoin à l’audience.

  • [29] Je retiens ce qui suit du témoignage de l’ASS Côté à l’audience.

  • [30] Au cours de son enquête, elle a rencontré les membres du comité local de YUL et des gestionnaires. Elle a conclu que la méthode d’enquête de l’employeur sur la situation dangereuse qui a entraîné la blessure invalidante de E. Niles était très restrictive. Elle a par conséquent conclu que l’employeur n’a pas mené une enquête appropriée aux termes du Code et du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs).

  • [31] L’ASS Côté a conclu l’enquête sur la plainte en statuant que l’employeur n’avait pas mené d’enquête en matière de santé et de sécurité et que le comité local de YUL s’est fait refuser par l’employeur l’accès à des données et des rapports de santé et sécurité concernant les événements du vol AC 875. Par conséquent, l’ASS Côté a donné une instruction à Air Canada le 13 février 2004 :

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

L’agente de santé et sécurité soussignée a procédé à une enquête à la suite d’une plainte au sujet d’un incident qui s’est produit dans le lieu de travail exploité par Air Canada, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, sur le vol AC 875, le 14 juin 2002.

Ladite agente de santé et sécurité est d’avis qu’il y a infraction aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail :

Alinéa 125.(1)c).

« L’employeur est tenu […]

c) selon les modalités réglementaires, d’enquêter sur tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques dont il a connaissance, de les enregistrer et de les signaler aux autorités désignées par les règlements. »

Paragraphe 135.(9).

« Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, a accès sans restriction aux rapports, études et analyses de l’État et de l’employeur sur la santé et la sécurité des employés, ou aux parties de ces documents concernant la santé et la sécurité des employés, l’accès aux dossiers médicaux étant toutefois subordonné au consentement de l’intéressé. »

Dans le cadre de l’enquête sur la plainte, l’agente de santé et de sécurité a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’enquêtes sur la santé et la sécurité menées par l’employeur et que le comité local du YUL n’a pas obtenu l’accès, aux fins d’enquête, à l’information et aux rapports de santé et sécurité liés à l’incident qui s’est produit sur le vol AC 875, le 14 juin 2002.

 

Par conséquent, il vous EST ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

 

Il vous est EN OUTRE ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145 (1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, d’ici le 15 mars 2004, les mesures nécessaires pour mettre fin à toute contravention et faire en sorte qu’une telle situation ne se produise plus.

 

Fait à Montréal, ce 13e jour de février 2004.

 

Marie-Anyk Côté

Agente de santé et de sécurité

  • [32] Le 13 février 2004, l’ASS Côté a écrit à Suzanne St-Jean (S. St-Jean), agente en santé et sécurité qui est coprésidente du comité local de YUL, pour informer ledit comité des résultats de son enquête. Elle mentionne en outre dans sa lettre :

 

[traduction] […] Il est urgent qu’Air Canada révise sa politique intitulée Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité pour se conformer à la partie II du Code canadien du travail, afin de s’assurer que les comités locaux aient un accès complet aux renseignements sur la santé et la sécurité des employés qui sont contenus dans l’ensemble des rapports, des études et des tests.

 

Elle a ensuite repris l’instruction donnée à l’employeur ce même jour :

[traduction] […] D’après l’enquête menée, y compris l’examen de la documentation reçue, Transports Canada est d’avis qu’Air Canada enfreint l’alinéa 125)(1)c) de la partie II du Code canadien du travail en ne faisant pas d’enquête en matière de santé et de sécurité sur l’incident en question et enfreint le paragraphe 135(9) en refusant au comité local l’accès à certains rapports expressément demandés ou à des parties de ces rapports qui portent sur la santé et la sécurité des employés d’Air Canada.

 

Elle conclut la lettre en ajoutant les éléments suivants :

[traduction] Par les présentes, Transports Canada donne instruction à Air Canada, en date d’aujourd’hui, de :

(1) mettre fin sans délai aux infractions mentionnées ci-dessus et dans l’Instruction ci-jointe;
(2) mettre en place une structure de santé et de sécurité qui assure l’observation de la partie II du Code canadien du travail, en particulier en ce qui a trait à la nécessité que le comité local effectue des enquêtes à la suite d’un incident et/ou d’un accident;
(3) transmettre à l’agente de santé et sécurité soussignée de la documentation sur la façon dont la structure de santé et sécurit révisée d’Air Canada répond au deuxième élément mentionné ci-dessus.


III. QUESTIONS EN LITIGE

  • [33] Les questions qu’il faut trancher dans la présente affaire sont celles de savoir si l’ASS Côté avait raison de conclure qu’Air Canada a enfreint :

    1- l’alinéa 125(1)c) du Code concernant l’obligation de l’employeur de faire enquête sur des situations comportant des risques, et
    2- le paragraphe 135(9) du Code sur l’obligation de l’employeur de donner au comité local l’accès à certains rapports, études et tests du gouvernement et de l’employeur ou à des parties de ceux-ci qui portent sur la santé et la sécurité des employés.


    IV. RÉSUMÉ DE LA PREUVE

    a) Preuve soumise par l’appelante

  • [34] L’appelante a convoqué cinq témoins et a soumis 84 documents.

    Obligation de l’employeur de faire enquête

  • [35] Je retiens ce qui suit des témoins de l’appelante et j’aborderai d’abord le premier point de l’instruction.

  • [36] Joseph Donato (J. Donato) a témoigné que le 14 juin 2002, il était gestionnaire de service des opérations du département de service en vol d’Air Canada.

  • [37] Il a déclaré qu’après avoir été informé de l’accident, il a tenté en vain de contacter l’agent de bord responsable du vol AC 875. Il est parvenu à contacter l’agent de bord possédant le plus d’ancienneté, qui a déclaré qu’aucun membre du personnel de cabine ni aucun passager n’ont été blessés pendant le décollage et l’atterrissage.

  • [38] Outre le témoignage de M. Donato, P. Botter a témoigné qu’à titre de coprésident pour l’employeur du comité local de YUL, il a été informé de la blessure invalidante de E. Niles pendant la réunion mensuelle du comité de janvier 2003. Il a ajouté qu’une fois que l’employeur avait été informé de la blessure subie par E. Niles, ils ont demandé le rapport de vol à l’agent de bord responsable, rapport qui n’a jamais été fait par cette personne. P. Botter a déclaré que le comité local de YUL s’est adressé à tous les membres de l’équipage pour obtenir des déclarations écrites. Le comité a reçu trois déclarations.

  • [39] M. Botter a déclaré que dans le cadre de l’enquête du comité local de YUL, il a demandé des documents à l’employeur.

  • [40] P. Botter a déclaré à la fin de son interrogatoire principal que le rôle du comité local de YUL consistait à déterminer les raisons de la blessure de E. Niles à la suite des événements du vol AC 875.

  • [41] Le deuxième point de l’instruction portait sur l’accès par le comité local de YUL aux rapports de l’employeur.

    Accès par le comité local de YUL aux documents de l’employeur

  • [42] En ce qui concerne le deuxième point de l’instruction, j’ai retenu ce qui suit des témoins présentés par l’appelante.

  • [43] P. Botter a témoigné que c’est à titre de coprésident pour l’employeur du comité local de YUL qu’il a présenté une demande écrite au capitaine Curtis en vue d’obtenir des renseignements sur le vol AC 875. La demande avait pour but d’obtenir pour le comité local de YUL un accès aux rapports concernant les événements du vol AC 875 afin que le comité local de YUL puisse mener son enquête et connaître les raisons de la présence de E. Niles dans le poste de pilotage pendant le décollage et l’atterrissage, le 14 juin 2002.

  • [44] P. Botter a déclaré que le capitaine Curtis a répondu en faisant référence à une enquête interne en cours, dans le cadre de laquelle aucun rapport n’avait encore été produit. Il a également mentionné un projet de rapport d’enquête dressé par le BSTC, au sujet duquel il avait été demandé à Air Canada de formuler des commentaires. Il a ajouté que ce projet de rapport ne pourrait pas être utilisé à d’autres fins. Le capitaine Curtis a également fait mention d’un RSA qui a été produit par le pilote et il a précisé que pour qu’un RSA soit divulgué, au moins l’une des conditions suivantes doit être remplie :

    - l’obtention de l’autorisation de l’auteur,
    - une exigence de la loi.

  • [45] Le capitaine Curtis a informé M. Botter du protocole à suivre pour demander l’autorisation du pilote. Il a ajouté avoir été informé que depuis l’accident, les deux pilotes ont pris leur retraite.

  • [46] P. Botter a ajouté que compte tenu des réponses obtenues de la direction, il a suggéré aux membres du comité local de YUL de soumettre une liste de questions à l’employeur, afin d’obtenir des renseignements provenant du RSA. Il a ajouté que le coprésident pour les employés du comité local de YUL était en désaccord avec cette façon de faire et qu’il a été décidé de déposer une plainte auprès de Transports Canada malgré le fait que P. Botter n’avait pas autorisé ladite approche.

  • [47] M. Botter a témoigné qu’au cours des jours qui ont suivi le dépôt de la plainte à Transports Canada, il a demandé des rapports écrits à l’équipage de bord au sujet des événements du vol AC 875. Il a reçu trois rapports des agents de bord.

  • [48] En contre-interrogatoire, P. Botter a déclaré que les membres du comité local de YUL n’avaient pas pris part à l’enquête interne menée par l’employeur. Il a ajouté que la direction n’a jamais fourni de rapport d’enquête interne.

  • [49] Il a expliqué qu’à titre de coprésident pour l’employeur du comité local de YUL, il n’était pas en position de déposer une plainte contre l’employeur qu’il représente.

  • [50] En réinterrogatoire, M. Botter a déclaré que le comité local de YUL a entrepris sa propre enquête en septembre 2002, après avoir été informé de la blessure à E. Niles. Le comité local de YUL cherchait le rapport d’incident et des rapports écrits de l’équipage de bord.

  • [51] Pendant son interrogatoire principal, le capitaine Curtis a expliqué qu’après les événements du vol AC 875, une enquête interne a été menée par le département de la sécurité aérienne. Cette information a été fournie à P. Botter. Le capitaine Curtis a ajouté que l’enquête interne avait trait à la sécurité aérienne.

  • [52] Le capitaine Curtis a déclaré qu’Air Canada avait élaboré une Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité en 2003 en remplacement de la Ligne de conduite en matière d’immunité d’Air Canada. Il a ajouté que la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité avait pour but de donner aux employés une occasion de faire rapport sans gêne des dangers et des événements qui pourraient mettre en péril la santé, la sécurité et les biens d’Air Canada, de ses employés et de ses clients. La Ligne de conduite se lit en partie comme suit :


- Confidentialité

Ni l’identité ni l’information permettant d’établir l’identité d’un employé qui signale un danger ou une situation dangereuse à une personne chargée de la sécurité ne seront divulguées, à moins que l’employé y consente ou que la loi l’exige.

- Aucune mesure disciplinaire

La Société ne prendra aucune mesure disciplinaire ni n’exercera de représailles contre un employé qui signale un danger ou une situation pouvant compromettre la sécurité.

Cette ligne de conduite ne s’applique pas aux actes illégaux, aux fautes lourdes ou aux infractions volontaires.

  • [53] De plus, Air Canada a élaboré un document intitulé Air Safety Reports Immunity Policy (ligne de conduite en matière d’immunité des rapports sur la sécurité aérienne) qui fait partie du Flight Operations Manual (manuel sur les opérations de vol) :

 

[traduction] La sécurité des opérations aériennes est l’engagement principal d’Air Canada. Afin d’assurer le respect de cet engagement, il est impératif que rien n’entrave les rapports sur tous les incidents et situations qui compromettent la sécurité de nos opérations.

Chaque employé doit accepter la responsabilité de communiquer toute information qui peut menacer l’intégrité de notre sécurité en vol. Les employés doivent être assurés que cette communication ne leur entraînera jamais de représailles, ce qui pourrait permettre la circulation opportune et sans gêne de l’information.

Tous les employés sont informés qu’Air Canada ne prendra pas de mesures disciplinaires à l’encontre d’un employé qui divulgue un incident ou une situation touchant la sécurité aérienne. Cette ligne de conduite ne peut s’appliquer à des infractions criminelles, internationales ou à des textes réglementaires.

Air Canada a élaboré des rapports sur la sécurité aérienne devant être utilisés par les équipages de bord et par d’autres employés pour faire rapport de renseignements sur la sécurité en vol. Ces rapports sont conçus pour protéger l’identité de l’employé qui fournit des renseignements. Ces formulaires sont facilement accessibles dans votre secteur de travail.

Nous demandons instamment à tous les employés d’avoir recours à ce programme pour aider Air Canada à demeurer un chef de file pour ce qui est d’offrir à nos clients et employés le niveau le plus élevé de sécurité en vol.

  • [54] Le capitaine Curtis a noté que les deux éléments de la ligne de conduite sont la confidentialité quant à l’identité de l’employé qui rapporte un danger ou un incident ainsi que l’absence de mesure disciplinaire à l’encontre de l’employé qui fait effectivement le rapport.

  • [55] Le capitaine Curtis a témoigné qu’un RSA est un compte rendu personnel d’un incident qui est effectué par un équipage de bord. Il fournit des données factuelles sur le vol ainsi qu’un résumé de l’événement (ce qui s’est produit et pour quels motifs) :

 

[traduction] Les pilotes d’Air Canada font rapport des dangers ou des incidents dans les RSA. À moins que les pilotes auteurs de rapport n’y consentent ou que la loi l’exige, seuls les données factuelles anonymisées qui se trouvent dans leurs RSA seront utilisées pour promouvoir la sécurité aérienne.

Les RSA sont les compte-rendus personnels des pilotes sur les incidents en matière de sécurité aérienne et les dangers ainsi que sur les mesures qu’ils prennent pour les régler.

  • [56] D’après le capitaine Curtis, le département de la sécurité aérienne reçoit en moyenne 3 000 RSA par année.

  • [57] Il a affirmé qu’un RSA est un compte-rendu personnel d’un incident ou d’un danger rempli par l’équipage de bord (surtout par les pilotes) sur une base non obligatoire. Le RSA renferme :


- des données factuelles sur le vol;
- un sommaire de l’événement;
- un compte-rendu personnel de ce qui s’est produit et pourquoi;
- leurs suggestions spécialisées pour empêcher que l’incident se répète.

  • [58] Le capitaine Curtis a précisé que les pilotes peuvent faire rapport de tous les types d’incidents en vol dans le RSA, tandis que certaines catégories d’incidents en vol doivent être rapportés, en vertu de la loi, par écrit ou oralement.

  • [59] Le capitaine Curtis a témoigné qu’une fois qu’un RSA est réalisé, il est envoyé au département de la sécurité aérienne aux fins suivantes :

    - environ 85 % de l’information va dans une banque de données sans qu’il n’y ait d’enquête spécifique;
    - pour promouvoir la sensibilisation à la sécurité auprès des pilotes d’Air Canada;
    - pour faire l’objet d’une discussion avec le gestionnaire pertinent (notamment celui des divisions de la maintenance, des autorités aériennes et des vols) en ce qui concerne les questions de sécurité;
    - pour étudier des questions de sécurité avec des fabricants et des associations du domaine de l’aviation;
    - pour utiliser certains des renseignements afin d’améliorer le programme de formation en vol d’Air Canada;
    - pour partager de l’information sur les questions de sécurité avec l’Association du transport aérien (AITA).

  • [60] D’après le capitaine Curtis, le fait de fournir des RSA à d’autres organisations permettrait d’abaisser considérablement la déclaration de dangers pour la sécurité aérienne et a un impact dévastateur sur la culture fragile de production de rapports d’Air Canada.

  • [61] Le capitaine Curtis a mentionné qu’un RSA avait été déposé relativement aux événements du vol AC 875 et qu’il en a étudié le contenu. Selon lui, le RSA ne mentionnait ni la présence d’un agent de bord dans le poste de pilotage ni un problème de santé et sécurité touchant les événements survenus au cours du vol AC 875.

  • [62] Le capitaine Curtis a témoigné qu’après la demande écrite de P. Botter, il l’a informé qu’aux termes de la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité d’Air Canada, il n’était pas libre de divulguer le RSA au comité local de YUL sans avoir le consentement de l’auteur ou à moins que la loi comporte une disposition à cet effet.

  • [63] En contre-interrogatoire, le capitaine Curtis a déclaré qu’il n’y a ni entente ni protocole d’entente entre Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada (APAC) sur la production de RSA.

  • [64] Il a ajouté qu’il est obligatoire de signaler les incidents en vol qui s’inscrivent dans une catégorie donnée; toutefois, la production d’un RSA est toujours facultative, parce que le programme est volontaire.

  • [65] Kent Wilson (K. Wilson), président de l’Association des pilotes d’Air Canada (APAC) et capitaine d’un Airbus A340 d’Air Canada, a témoigné à l’audience.

  • [66] Il a précisé que l’APAC représente 3 000 pilotes d’Air Canada.

  • [67] Selon lui, les RSA comportent deux aspects fondamentaux :

    - l’immunité;
    - la confidentialité.

  • [68] K. Wilson a ensuite expliqué que l’aspect de l’immunité revêt de l’importance pour protéger les pilotes de la rétribution. En ce qui a trait à la confidentialité, K. Wilson a affirmé qu’il importe de protéger l’identité de l’auteur du RSA et que sans cette garantie, il pourrait être injustement porté atteinte à la réputation d’un pilote.

  • [69] Il a expliqué que les RSA sont souvent utilisés lorsque surviennent des incidents en vol. D’après lui, ils constituent un bon outil de production de déclarations écrites.

  • [70] K. Wilson a ajouté qu’il est nécessaire de disposer d’une culture de production de rapports pour empêcher d’autres incidents en vol. Toutefois, si l’aspect de la confidentialité est absent, la culture de production de rapports se révélera un échec.

  • [71] De l’avis de K. Wilson, un manquement à la confidentialité des RSA signifierait la fin du régime de production des rapports. La qualité et la quantité des RSA seraient amoindries, ce qui aurait des répercussions majeures sur le régime de gestion de la sécurité chez Air Canada.

  • [72] K. Wilson a formulé des réserves quant à la divulgation du RSA au comité local de YUL et quant aux répercussions que celle-ci pourrait avoir sur la sécurité aérienne chez Air Canada du fait de la réduction du nombre et de la qualité des RSA.

  • [73] Il a déclaré en contre-interrogatoire qu’il ne craint pas que des membres d’un comité local fournissent aux médias de l’information trouvée dans un RSA.

  • [74] Il a également précisé que dans le cas de l’accès aux RSA par des experts autres que des experts de la sécurité aérienne [11] , certains détails techniques fournis par les pilotes pourraient être mal interprétés.


Accès du comité local de YUL aux documents du BST

  • [75] Le capitaine Curtis a témoigné que le BST a mené une enquête sur les événements du vol AC 875 et que Air Canada a été désignée partie examinatrice par le BST dans le cadre du processus de consultation. Le capitaine Curtis a expliqué que le département de la sécurité aérienne est le point de contact avec le BST et les aidera au cours d’une enquête du BST. Pendant une enquête, le BST tentera d’obtenir tous les manuels des opérations.

  • [76] Le capitaine Curtis a expliqué le processus de consultation du BST dans ce cas :

    - Le BST a envoyé un projet de rapport d’enquête à Air Canada (département de la sécurité aérienne) pour obtenir des représentations;
    - Air Canada a examiné le projet de rapport d’enquête en se concentrant sur les points suivants : a) la présence d’erreurs et/ou d’omissions;
    b) les questions/problèmes liés à la sécurité aérienne;
    c) l’exactitude du contenu.
    - le BST a reçu les représentations de Air Canada et, lorsqu’il y avait entente, des modifications étaient apportées au rapport d’enquête;
    - la version modifiée du rapport d’enquête a été renvoyée à Air Canada pour obtenir des représentations additionnelles et une réponse;
    - à la fin du processus de consultation, le BST a fait paraître la version finale du
    rapport d’enquête, qui est devenue publique le 29 avril 2003.

  • [77] Le capitaine Curtis a précisé que toute la correspondance entre les parties demeurait confidentielle. Par conséquent, ni Air Canada ni le BST n’étaient autorisés à divulguer l’un ou l’autre des volets aux autres parties.

    b) Preuve soumise par l’intimé

  • [78] L’intimé a convoqué cinq témoins et a soumis 93 documents.

    Obligation de l’employeur de faire enquête

  • [79] Je retiens ce qui suit des témoins de l’intimé qui ont abordé le premier point, à savoir l’instruction.

  • [80] E. Niles a confirmé qu’à titre d’agente de bord, elle était affectée au vol AC 875 de Francfort, en Allemagne, à Toronto, au Canada, le 14 juin 2002.

  • [81] L’agent de bord responsable lui a demandé d’occuper le siège d’observation dans le poste de pilotage au décollage, à la demande du commandant de bord, malgré un feuillet sur la sécurité d’Air Canada qui indiquait que le pilote ne désignerait plus un agent de bord pour occuper le siège d’observation dans le poste de pilotage. Elle a ajouté qu’elle s’est conformée à la demande du commandant de bord, parce qu’il représentait l’autorité à bord de l’aéronef.

  • [82] E. Niles a expliqué qu’après le décollage, le commandant de bord a été informé du contact entre la queue de l’appareil et le sol par le contrôleur aérien et par un agent de bord qui était assis à l’arrière de l’aéronef. Elle a décrit l’ambiance dans le poste de pilotage; elle sentait que les pilotes étaient très nerveux. Elle se sentait très nerveuse et ne se sentait pas en sécurité. Elle était très inquiète lorsqu’elle a quitté le poste de pilotage; elle pleurait et elle avait de la difficulté à parler aux employés à bord. E. Niles a ajouté qu’avant l’atterrissage, le commandant de bord lui a demandé de revenir dans le poste de pilotage. Pendant la descente, l’avion s’autocabrait, en quelque sorte, et elle a entendu des sonneries de mise en garde et des avertisseurs. Elle croyait que l’avion s’écraserait. Finalement, l’avion a atterri de manière sécuritaire et sans encombre.

  • [83] E. Niles a témoigné que lorsqu’elle a quitté le poste de pilotage, elle a informé l’agent de bord responsable que c’était le pire incident qu’elle avait vécu au cours de sa carrière d’agente de bord. Elle ne se rendait pas compte de toute la mesure dans laquelle elle serait affectée par la suite.

  • [84] E. Niles a affirmé qu’au cours des semaines suivantes, elle ne s’est pas présentée au travail pour certains postes parce qu’elle éprouvait de l’anxiété à voler. En août 2002, elle a informé un superviseur qu’elle était trop anxieuse pour voler et elle a pris congé pour le mois. Elle a ensuite consulté le médecin de l’employeur à la demande d’un superviseur. Le médecin a conclu qu’elle souffrait de stress post-traumatique et l’a renvoyée à un psychothérapeute.

  • [85] E. Niles a témoigné qu’à la fin d’août 2002, elle a rencontré les membres du comité local de YUL et le 12 septembre 2002, elle a rempli le rapport d’accident/de blessure pour agents de bord d’Air Canada. Elle a ajouté que l’employeur n’a pas assuré de suivi auprès d’elle après qu’elle ait déclaré sa blessure invalidante.

  • [86] Elle a indiqué dans le sommaire de sa déposition que le secrétaire du coprésident pour l’employeur du comité local de YUL l’a informée que le comité local de YUL faisait enquête sur les événements survenus dans le cadre du vol AC 875 et on lui a demandé de préparer une déposition au sujet de ce qui s’est produit. E. Niles a témoigné qu’après qu’elle a envoyé sa déposition au comité local de YUL, l’employeur et le département de la sécurité aérienne n’ont jamais fait de suivi auprès d’elle au sujet des événements du vol AC 875.

  • [87] En contre-interrogatoire, Mme Niles a déclaré qu’elle n’avait pas informé l’employeur de sa blessure malgré le fait qu’elle savait qu’elle devait faire rapport de tout incident à l’employeur. En outre, elle a expliqué qu’en juin 2002, elle n’avait pas rempli de rapport d’accident/de blessure pour agents de bord d’Air Canada parce qu’elle pensait qu’elle serait correcte.

  • [88] John Bessett (J. Bessett), l’agent de bord responsable du vol AC 875, a témoigné à l’audience.

  • [89] J. Bessett a dit qu’il avait l’intention de remplir un rapport d’incident sur les événements, mais que le commandant de bord lui avait dit qu’il remplirait tous les rapports. Il a ajouté que le seul rapport qu’il a dressé a été fait à la demande du coprésident pour les employés du comité local de YUL.

  • [90] J. Bessett a témoigné qu’aucun représentant de l’employeur ne lui a demandé de commentaires au sujet du vol AC 875.

  • [91] S. St-Jean, membre employée du comité local de YUL en 2002, était également témoin à l’audience.

  • [92] S. St-Jean a déclaré que du point de vue de la santé et de la sécurité au travail, les événements du vol AC 875 devaient faire l’objet d’une enquête. Toutefois, l’employeur n’a jamais discuté des événements du vol AC 875 avec les membres du comité local de YUL.

  • [93] S. St-Jean a témoigné qu’il incombait au comité local de YUL de faire enquête conjointement avec l’employeur au sujet des événements du vol AC 875.

  • [94] S. St-Jean a déclaré que pour obtenir la séquence des événements qui faciliterait la compréhension de ce qui s’est produit le 14 juin 2002, une plainte conjointe (gestionnaires/employés) a été faite à Transports Canada afin d’obtenir tous les documents sur les événements du vol AC 875. Elle a ajouté que sans ces documents, le comité local de YUL n’était pas en position de poursuivre l’enquête.

  • [95] S. St-Jean a conclu son témoignage en affirmant que le comité local de YUL n’avait pas été contacté par le département de la sécurité aérienne ou par un représentant du BST.

    Accès par le comité local de YUL aux documents de l’employeur

  • [96] S. St-Jean a témoigné que malgré les efforts déployés par P.Botter, toutes les demandes faites à Air Canada pour obtenir des documents sont demeurées vaines.

  • [97] À l’interrogatoire principal, elle a témoigné que le comité local de YUL demandait l’intervention d’un agent de santé et sécurité de Transports Canada pour obtenir de l’employeur tous les documents concernant les événements du vol AC 875. Elle a ajouté que tous les documents étaient nécessaires pour établir une séquence d’événements et qu’elle comprend ce qui s’est produit le 14 juin 2002.

  • [98] D’après S. St-Jean, le refus de l’employeur de divulguer les documents au comité local de YUL a eu un impact sur leur enquête.

  • [99] France Pelletier (F. Pelletier) a témoigné à l’audience en sa capacité de présidente du volet santé et sécurité de la composante Air Canada de la Division des services aériens du Syndicat canadien de la fonction publique et de coprésidente des employés au Comité de santé et de sécurité des services aériens de Air Canada pour le personnel de cabine employé par Air Canada.

  • [100] Elle a déclaré que le Syndicat n’a pas le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des pilotes.

  • [101] F. Pelletier a expliqué que le comité local de YUL est lié par une obligation de confidentialité à l’égard de certains rapports qu’il reçoit, ce qui pourrait comprendre les RSA. En d’autres termes, tout rapport confidentiel obtenu par le comité local de YUL ne peut être divulgué à d’autres parties.

    Accès par le comité local de YUL aux documents du BSTC

  • [102] L’intimé n’a présenté aucun témoignage sur l’accès par le comité local de YUL aux documents du BSTC.


    V. RÉSUMÉ DE L’ARGUMENTATION

    a) Arguments de l’appelante

    Obligation de l’employeur de faire enquête


  • [103] M. Tremblay, avocate représentant Air Canada, a fait valoir que l’employeur a été informé de la situation faisant suite aux événements du vol AC 875 survenus le 14 juin 2002 par J. Donato, gestionnaire de service des opérations du département de service en vol d’Air Canada [12] .Dans le cadre de ses fonctions à la suite d’un accident d’avion, J. Donato a contacté D. Bergeron, un agent de bord qui faisait partie de l’équipage de bord. J. Donato a alors été informé des événements et a obtenu une confirmation que l’équipage de bord n’a pas été blessé. Après cette conversation, J. Donato a informé plusieurs représentants d’Air Canada et le coprésident pour l’employeur du comité de la politique en matière de santé et sécurité.

  • [104] Elle a souligné qu’il incombe aux agents de bord de rapporter tous les incidents ou accidents impliquant l’avion, les passagers et les membres de l’équipage au commandant de bord et à la direction. Cette obligation est prévue dans le document intitulé Safety and Emergency Procedures Manual for Flight Attendants (manuel des procédures de sécurité et d’urgence pour les agents de bord). De plus, l’employeur exige que toute blessure à un agent de bord soit rapportée dans un rapport de blessure/d’accident à un agent de bord dans les 24 heures suivant la fin du cycle de travail. En outre, l’agent de bord responsable doit faire rapport d’un incident de vive voix à l’employeur dans les 24 heures suivant le cycle de travail, et un Rapport de vol – Traumatisme/Maladie/Incident (rapport de traumatisme) doit être présenté à l’employeur.

  • [105] L’avocate soumet que les membres du comité local de YUL se sont penchés sur les événements du vol AC 875 à leur réunion mensuelle de juin 2002. Elle ajoute que le comité local de YUL n’a pas poursuivi l’affaire plus avant parce qu’aucun rapport de traumatisme n’avait été soumis concernant les événements du vol AC 875.

  • [106] L’agent de bord responsable du vol AC 875 n’a jamais rapporté l’accident à la direction, comme l’exige l’employeur.

  • [107] E. Niles n’a pas informé l’équipage de bord de son anxiété et n’a pas rapporté les événements du vol AC 875 à son gestionnaire à la fin de son poste de travail, comme l’exigeait l’employeur.

  • [108] L’avocate a fait valoir que E. Niles a omis d’informer un superviseur de la raison de ses absences en congé en quelques occasions entre la mi-juin et la mi-août 2002. De plus, l’avocate a maintenu que le seul rapport soumis par E. Niles était le rapport de traumatisme présenté le 12 septembre 2002, soit quelques semaines après qu’elle ait consulté un médecin d’Air Canada et un psychothérapeute.

  • [109] La blessure invalidante de E. Niles n’a pas été rapportée à la direction avant le 12 septembre 2002. Par conséquent, il n’existait pas d’obligation de mener une enquête sur les situations dangereuses pendant cette période.

  • [110] L’employeur a entrepris une enquête en matière de santé et sécurité dès qu’il a été informé par l’employée de sa blessure invalidante découlant des événements du vol AC 875. L’employeur a ensuite nommé P. Botter comme personne qualifiée chargée de mener l’enquête. Toutefois, il a été reconnu que l’employeur n’a pas désigné clairement P. Botter comme personne qualifiée.

  • [111] P. Botter a demandé des documents à la direction. Cependant, à l’époque, l’enquête n’avait pas été effectuée.

  • [112] Par conséquent, l’avocate soutenait que l’ASS Côté avait conclu à tort que l’employeur n’avait pas fait enquête sur la blessure invalidante de E. Niles et qu’elle a donc commis une erreur dans son instruction à Air Canada.

  • [113] L’avocate a fait valoir que l’employeur a eu connaissance de la blessure de E. Niles seulement lorsqu’elle a présenté un rapport de traumatisme le 12 septembre 2002. L’employeur n’a donc pas enfreint son obligation de faire enquête sur la situation dangereuse qui touchait E. Niles dans le cadre de son travail sur le vol AC 875, le 14 juin 2002.

  • [114] En ce qui concerne la participation du comité de santé et de sécurité au travail à une enquête sur un accident, l’avocate a soutenu que l’alinéa 125.1c) du Code et l’alinéa 9.3b) du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) établissent clairement qu’il incombe à l’employeur de mener une enquête sur une situation dangereuse et de nommer une personne compétente pour réaliser l’enquête. En ce qui concerne le comité de santé et de sécurité au travail, sa responsabilité consiste à prendre part à l’enquête sur la situation dangereuse de l’employeur.

  • [115] L’avocate a soutenu que l’employeur n’a jamais refusé au comité local de YUL la possibilité de prendre part à l’enquête de l’employeur sur la situation dangereuse de E. Niles. Elle a ajouté que le comité de santé et de sécurité au travail fait enquête sur la plupart des situations dangereuses.

  • [116] M. Tremblay a conclu de la façon suivante son argumentation sur le premier point de l’instruction :

 

[traduction] En conclusion, Air Canada reconnaît ce qui suit en ce qui a trait à l’enquête sur le vol 875 :

- Elle n’a pas identifié clairement M. Patrick Botter comme personne qualifiée nommée pour exécuter l’enquête sur la situation dangereuse liée au vol 875.

- Elle n’a pas complété son enquête sur la situation dangereuse liée au vol
875. À partir de la suspension par le Comité de sa participation jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant la plainte de M. Roy, Air Canada reconnaît que la personne qualifiée qu’elle a nommé aurait dû demeurer en poste et terminer l’enquête conformément à l’obligation de l’employeur prévue à l’alinéa 125.(1)c) du Code.

Accès par le comité local de YUL aux documents

  • [117] L’avocate a fait valoir que le RSA fait partie de la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité d’Air Canada (LCRS) et a souligné les éléments suivants :

    - L’objectif est énoncé ainsi dans la Ligne de conduite : « La sécurité est la principale priorité d’Air Canada. Afin d’assurer le respect de cet engagement, il est impératif que rien n’entrave les rapports sur les dangers et les situations qui peuvent compromettre la santé ou la sécurité des employés et clients d’Air Canada ou encore sa propriété.

    - Le RSA [traduction] « améliore la sécurité par la production volontaire de rapports d’incidents ou de situations liées à la sécurité pour éviter des accidents. »

    - Les employés qui font rapport d’incidents ou de situations qui compromettent la sécurité des opérations d’Air Canada ne feront l’objet d’aucune mesure disciplinaire, sauf dans les cas d’actes illégaux, de fautes lourdes ou d’infractions volontaires.

    - La confidentialité de l’identité de l’employé qui signale un danger ou une situation dangereuse sera maintenue, à moins que l’employé consente à la divulgation ou que la loi l’exige.

    - Le RSA est un outil utilisé par les employés pour signaler des incidents ou des situations dangereuses.

  • [118] Les RSA sont dressés par les pilotes sur une base volontaire. L’employeur incite les pilotes à se servir de ce rapport pour améliorer la sécurité aérienne.

  • [119] En ce qui concerne la ligne de conduite sur la divulgation des RSA, l’avocate Tremblay prétend :

 

[traduction] Conformément à la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité, les RSA ne sont pas divulgués à qui que ce soit qui ne fait pas partie du département de la sécurité aérienne d’Air Canada à qui le RSA s’adresse, à moins que l’employé y consente ou que la loi l’exige. »

  • [120] Les pilotes d’Air Canada se sentent confiants de signaler des facteurs humains qui ont pu contribuer à un incident ou à une situation en raison des mesures établies de protection de la confidentialité.

  • [121] Il a été soutenu que :

 

[traduction] « Les pilotes d’Air Canada considéreraient la divulgation forcée d’un RSA comme une infraction grave à leur vie privée et comme un manquement à l’engagement d’Air Canada en matière de confidentialité. De fait, il a été établi que si les pilotes qui soumettent des RSA craignent que les renseignements qu’ils contiennent les exposent au jugement de leurs pairs, les embarrassent et (ou) nuisent à leur réputation professionnelle, ils cesseront de faire rapport de renseignements essentiels sur la sécurité dans des RSA. »

  • [122] Il a été soutenu que :

 

[traduction] « […] les RSA aident le secteur du transport aérien à déterminer la cause d’un accident d’avion ou d’un accident possible, et parfois une erreur de pilotage, et aident à trouver des méthodes pour éviter des incidents similaires dans l’avenir. »

  • [123] L’avocate a soutenu que l’ASS Côté a commis une erreur dans son instruction en interprétant mal les exigences relatives à l’accès qui se trouvent au paragraphe 135(9) du Code.

  • [124] Elle faisait valoir que le RSA n’est pas un rapport de l’employeur car [traduction] « […] les RSA sont dressés par les pilotes sur une base entièrement volontaire. Ce n’est pas un rapport qui doit être produit par Air Canada ou dressé au nom d’Air Canada. »

  • [125] Elle a ajouté qu’en vertu du paragraphe 135(9) du Code, un RSA est inapplicable. En conséquence, l’employeur n’est pas tenu de donner accès au comité local.

  • [126] Le RSA n’est pas un rapport gouvernemental parce qu’il n’existe aucune obligation légale de présenter ce genre de rapport et que le gouvernement n’y a pas accès.

  • [127] Si je concluais que les RSA sont visés par le paragraphe 135(9) du Code, M. Tremblay a soutenu que ce rapport [traduction] « […] pourra être diffusé sans être protégé par les mesures de confidentialité prévues par la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité et sans aucune protection contre la divulgation. » Par conséquent, les pilotes ne feraient pas rapport des incidents ou des erreurs à l’employeur, sauf en ce qui a trait aux catégories d’incidents dont le signalement est exigé par l’employeur ou la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Résultat, Air Canada perdrait des renseignements précieux.

  • [128] Contrairement à la position défendue par l’intimé, l’avocate Tremblay s’est dite d’avis que le comité local de YUL disposait d’autres moyens pour obtenir les renseignements pertinents sur les événements du vol AC 875, à savoir :

    - au moyen du rapport d’incident qui est habituellement rempli par l’agent de bord responsable; toutefois, dans le présent cas, cela n’a pas été fait;
    - en présentant une liste de questions sur le contenu du RSA;
    - en demandant d’interviewer les pilotes qui ont pris part au vol AC 875.

  • [129] Elle a fait valoir que même si je conclus que le RSA est un rapport de l’employeur, le RSA déposé par les pilotes relativement aux événements ne relie pas, dans le présent cas, la santé et la sécurité des agents de bord au vol AC 875.

  • [130] Bref, elle a soutenu ce qui suit :

[traduction] « Air Canada soutient que la divulgation forcée des RSA nuirait considérablement à la culture de présentation de rapport chez Air Canada, ce qui ferait diminuer la quantité et la qualité de précieux renseignements sur la sécurité aérienne reçus des pilotes d’Air Canada. Si les pilotes perdent confiance en la capacité d’Air Canada de garantir la confidentialité, Air Canada perdra accès à une source de renseignements précieuse. Des accidents peuvent survenir simplement parce que les pilotes qui auraient pu les empêcher en partageant de l’information refuseront de le faire par crainte de représailles ou d’humiliation. »

  • [131] M. Tremblay a conclu en déclarant qu’un RSA n’est pas un rapport de l’employeur au sens où l’entend le paragraphe 135(9) du Code. Elle a ajouté que subsidiairement, les renseignements qui se trouvent dans le RSA portant sur les événements du vol AC 875 ne se rapportent pas à la santé et à la sécurité au travail et que sa divulgation au comité local de YUL :

 

[traduction] [...] minerait gravement la confidentialité nécessaire pour maintenir et rehausser une culture de rapport qui est essentielle pour améliorer la sécurité aérienne, ce qui assure en définitive la sécurité des passagers et des employés.

Accès du comité local de YUL aux documents du BSTC

  • [132] L’avocate a fait valoir que les documents suivants qui étaient demandés par l’intimé sont confidentiels et (ou) privilégiés et que Air Canada n’est pas tenue de les divulguer au comité local de YUL :

    1- le projet de rapport du BSTC sur l’incident du 14 juin 2002 survenu à Francfort,
    2- les observations écrites faites par Air Canada sur ledit rapport,
    3- les commentaires écrits du BSTC sur les observations d’Air Canada.

  • [133] Air Canada s’est opposée à la divulgation de ces documents du BSTC en invoquant la confidentialité prévue dans la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (Loi sur le BCEATST).

  • [134] L’avocate a fait valoir qu’Air Canada a reçu le projet de rapport du BSTC avec une lettre d’accompagnement qui précisait : [traduction] « Ne pas publier – Le contenu de ce rapport ne doit pas être rendu public sans autorisation écrite du Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports ».

  • [135] Le paragraphe 24.(3) de la Loi sur le BCEATST précise le statut confidentiel d’un projet de rapport :

 

24. (3) Il est interdit de communiquer ou laisser communiquer le projet de rapport, d’en faire usage ou d’en permettre l’utilisation, à des fins autres que la prise de mesures correctives ou à des fins non strictement nécessaires à l’étude du projet ou à la présentation d’observations à son sujet.

  • [136] De plus, l’avocate a fait valoir que le paragraphe 135.(9) du Code ne permet pas au comité local de YUL d’obtenir ces documents, car ce sont des communications confidentielles entre Air Canada et le BSTC. En ce qui concerne le projet de rapport du BSTC, il a été allégué qu’il représente une étape préliminaire dans le processus de préparation d’un rapport final public sur ses conclusions liées à l’enquête et qu’il ne pourrait pas être considéré comme un rapport gouvernemental à publier en vertu du Code.

  • [137] Il a en outre été allégué que tous les rapports finaux du BSTC sont des documents publics et que le comité local y a par conséquent accès. Dans le cas qui nous occupe, le rapport final du BSTC sur l’incident de Francfort était à la disposition du comité local de YUL.

  • [138] Il a également été soutenu que les observations d’Air Canada sur le projet de rapport du BSTC sont privilégiées ce que soutiennent le paragraphe 24.(4.1) et les suivants de la Loi sur le BCEATST :

 

(4.1) Les observations sont protégées, à l’exception de celles présentées par tout ministre responsable d’un ministère directement intéressé par les conclusions du Bureau. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou d’une autorisation écrite de l’auteur des observations, il est interdit à toute personne, notamment à celle qui y a accès au titre du présent article, de sciemment les communiquer ou les laisser communiquer.

(4.2) Le Bureau peut utiliser les observations comme il l’estime nécessaire dans l’intérêt de la sécurité des transports.


(4.3) Si la demande lui en est faite par un coroner enquêtant relativement à des circonstances à l’égard desquelles des observations ont été présentées au Bureau, celui-ci est tenu de les mettre à la disposition du coroner.

(4.4) Dans aucune procédure judiciaire, disciplinaire ou autre, il ne peut être fait usage des observations présentées au Bureau; le coroner peut toutefois les utiliser pour son enquête.

  • [139] Dans la présente affaire, l’avocate a fait valoir que les observations privilégiées qui ont été formulées par Air Canada au sujet du projet de rapport du BSTC ne pouvaient être communiquées à qui que ce soit.

  • [140] L’avocate a également fait valoir que s’il y a allégation de conflit entre des lois différentes et que l’une d’elles doit prévaloir sur les dispositions de l’autre, une telle précision serait explicite dans la loi elle-même, ce qui n’est pas le cas du Code, car il se rapporte à la nature privilégiée du projet de rapport du BSTC. Si le législateur avait eu l’intention de faire prévaloir le paragraphe 135(9) du Code sur le privilège conféré par la Loi sur le BST, il l’aurait mentionné. Par conséquent, les dispositions de fond de la partie II du Code, qui servent à déterminer la portée de l’application de la loi, ne les font pas prévaloir sur toute autre loi fédérale.

  • [141] En ce qui concerne les commentaires du BSTC sur les observations formulées par Air Canada, il a été allégué que malgré l’inexistence d’une disposition à cet effet dans la Loi sur le BCEATST, ces communications sont également privilégiées et confidentielles et ne devraient pas être divulguées à d’autres parties. Il y a eu un renvoi à une décision rendue par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans Chernetz v. Eagle Copters Ltd. [13] , affaire dans laquelle il a été statué que le privilège s’étend également aux communications entre le BSTC et l’examinateur désigné sur ses observations.

  • [142] L’avocate a fait valoir que l’intimé n’a pas présenté de jurisprudence pour soutenir sa position parce qu’il n’existe pas de telle jurisprudence.

  • [143] En conclusion, M. Tremblay a demandé à l’agent d’appel de rejeter la demande de divulgation des trois documents mentionnés au paragraphe 132 présentée par l’intimé.

    b) Arguments de l’intimé

    Obligation de l’employeur de faire enquête

  • [144] B. Symes, avocate du SCFP, a soutenu que l’employeur n’a jamais informé le comité local de YUL de l’identité de la personne qualifiée qui a été nommée pour faire enquête sur la blessure invalidante subie par E. Niles, en violation de l’article 9.3 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) (Règlement de l’aviation).

  • [145] Elle a fait valoir que P. Botter n’a pas mené l’enquête exigée par la loi pour l’employeur, qu’il faisait enquête pour le compte du comité local de YUL, et non au nom de l’employeur. Les courriels échangés par P. Botter et certains gestionnaires d’Air Canada viennent appuyer cette conclusion.

  • [146] Elle a en outre fait valoir que P. Botter n’était pas une personne qualifiée pour faire enquête sur l’accident, au sens où l’entend le Règlement de l’aviation.

  • [147] En ce qui a trait aux enquêtes, il a été allégué que P. Botter ne pouvait être à la fois représentant de l’employeur et représentant du comité local de YUL, malgré qu’il était coprésident pour l’employeur du comité local de YUL.

  • [148] En ce qui concerne ce que serait une enquête efficace, B. Symes a fait référence à une décision de l’agent régional de sécurité [14] Cadieux dans Halterm Ltd et Halifax International Longshoring Assn. [15] , affaire dans laquelle il a statué qu’une enquête efficace sur l’accident devrait comprendre les mesures suivantes : chercher, rechercher, examiner de façon systématique, poser des questions et interroger.

  • [149] Par conséquent, elle a fait valoir que l’employeur n’a pas mené une enquête appropriée parce que les faits établissent que seulement une partie des mesures énumérées dans le paragraphe précédent ont été exécutées.

  • [150] L’employeur a omis d’entreprendre l’enquête après les événements du vol AC 875 et n’a pas bien vérifié auprès des employés pour déterminer si les événements leur ont occasionné des blessures.

  • [151] B. Symes a également soulevé la question de la participation du comité local de YUL à l’enquête de l’employeur sur les situations dangereuses.

  • [152] Elle a fait valoir qu’un comité de santé et de sécurité au travail joue un rôle essentiel dans le fonctionnement efficace du régime de responsabilité interne de l’employeur et que ce rôle repose sur le droit fondamental des employés de participer aux questions de santé et de sécurité en milieu de travail. Pour appuyer la position de l’intimé sur cette question, B. Symes a fait référence à la décision dans Bunge du Canada [16] dans laquelle l’agent d’appel Serge Cadieux a déclaré que :

 

« la […] réunion spéciale du comité [...] qui a été tenue suite à l’incident [...] constitue l’essence même du régime de responsabilité interne intégré à la loi qui prévoit, entre autres, le droit des employés de participer à identifier et à résoudre les problèmes liés à leur lieu de travail. »

  • [153] D’après l’avocate, un comité de santé et de sécurité au travail doit prendre une part active dans une enquête et participer à la recherche des faits sur l’accident en interviewant des témoins et d’autres personnes et en prenant part à tous les autres aspects de l’enquête, ce qui ne consiste pas simplement à revoir les résultats d’une enquête menée par l’employeur.

  • [154] L’avocate a soutenu que le comité local de YUL était incapable de compléter son enquête sur la situation dangereuse en raison du refus de l’employeur de divulguer tous les documents liés aux événements du vol AC 875.

    Accès par le comité local de YUL aux documents

  • [155] D’après l’avocate, l’employeur n’a pas fourni les documents qui avaient été demandés par P. Botter.

  • [156] Elle a soutenu que le Code, et plus particulièrement l’alinéa 125(1)z.18) et les paragraphes 135(8) et 135(9), confèrent au comité local un vaste droit d’accès aux renseignements sur la santé et la sécurité de l’employeur, y compris l’accès aux RSA.

  • [157] Plus précisément, en ce qui a trait au RSA, il a été soutenu que :

    - il est obligatoire chez Air Canada,
    - il fait partie de la ligne de conduite sur les rapports de l’employeur,
    - c’est l’outil officiel qui permet de rapporter les incidents d’après le Air Canada Flight
    Operations Manual (manuel des opérations de vol d’Air Canada) qui précise que c’est un « rapport de l’employeur »,
    - c’est un fait qu’un RSA peut contenir des renseignements liés à la santé et à la sécurité et l’employeur ne possède pas le pouvoir discrétionnaire de prendre une telle décision.

  • [158] L’avocate a fait valoir qu’un RSA, dans la présente affaire, a trait à la santé et à la sécurité des employés parce qu’il touche plusieurs incidents qui avaient un impact sur la santé et la sécurité de tout l’équipage de bord et qu’il est lié à une blessure invalidante subie par un agent de bord.

  • [159] D’après l’avocate, la proposition d’Air Canada de donner au comité local de YUL l’accès à seulement quelques parties du RSA demandées par le comité local de YUL est contraire au Code.

  • [160] Aux fins du paragraphe 135(9) du Code, un RSA est un rapport de l’employeur qui porte sur la santé et la sécurité des employés, étant donné que l’employeur demande à ses pilotes d’utiliser le RSA pour faire rapport des incidents suivants :

    - un aéronef incapable de voler
    - un incendie ou une explosion à bord
    - une urgence déclarée
    - l’évacuation d’un aéronef
    - des membres de l’équipage ou des passagers très malades, blessés ou inaptes
    - des passagers violents ou armés.

  • [161] L’avocate a précisé la position de l’intimé selon laquelle même si un rapport est complété par un employé, ça demeure un rapport de l’employeur. Pour étayer cette position, il a été fait mention de la décision rendue par l’agent régional de sécurité D. Malanka dans Chemin de fer St-Laurent et Hudson, Réseau CP Rail, triage Agincourt et TCA Canada [17] dans laquelle ce dernier a statué que tout renseignement soumis par un employé qui est recueilli par l’employeur doit être considéré comme un rapport de l’employeur.

  • [162] En vertu du Code, les employés doivent faire rapport de certaines situations à l’employeur et ces rapports ne sont pas considérés comme des rapports de l’employé.

  • [163] D’après B. Symes, les RSA contiennent des renseignements sur la santé et la sécurité :

 

[traduction] […] Une fois que le Comité a établi qu’un RSA est nécessaire pour déterminer un danger, l’employeur doit fournir le RSA au Comité, et le Code ne donne pas à l’employeur le pouvoir discrétionnaire de refuser cette demande sur la base de son propre point de vue de la pertinence du rapport pour la santé et la sécurité et pour l’enquête sur la situation dangereuse.

  • [164] Elle faisait valoir que le RSA dressé par le pilote à la suite des événements du vol AC 875 porte nettement sur la santé et la sécurité des employés, car une blessure a été subie par une agente de bord d’Air Canada et tout l’équipage de bord a subi des répercussions. Ce RSA renferme des renseignements importants sur ce qui s’est produit et sur les raisons des événements du 14 juin 2002.

  • [165] En ce qui concerne la nature confidentielle d’un RSA, elle a soutenu qu’un comité de santé et de sécurité au travail fait partie du nombre restreint d’organisations qui devraient avoir accès au contenu d’un RSA, en raison de leurs besoins et de leur droit de savoir. Les membres d’un comité de santé et de sécurité au travail sont formés pour ne pas divulguer de renseignements confidentiels à l’extérieur du Comité. Il a été allégué que la divulgation du RSA à un comité de santé et de sécurité au travail ne mettrait pas en péril l’aspect de la confidentialité du système de rapport de l’employeur parce que le document serait utilisé uniquement à des fins de santé et de sécurité et que sa confidentialité serait maintenue.

  • [166] Il a été soutenu que le comité local de YUL devrait avoir accès à tout le RSA pour accomplir complètement son mandat d’enquête.

  • [167] En ce qui concerne la question de l’accès à d’autres renseignements de l’employeur, il a été soutenu que c’était pertinent en l’espèce, parce que les renseignements recueillis par certains départements d’Air Canada étaient nécessaires aux fins de l’enquête menée par le comité local de YUL. Le refus par Air Canada de partager ces renseignements avec le comité local de YUL enfreignait donc le Code.

    Accès du comité local de YUL aux documents du BSTC

  • [168] D’après l’avocate, en vertu des paragraphes 135(8) et (9) du Code, le comité local de YUL a le droit d’avoir accès aux trois documents du BSTC énumérés au paragraphe 132.

  • [169] Le comité local de YUL avait le droit d’examiner le projet de rapport du BSTC pour se conformer à ses fonctions prévues par le Code, c’est-à-dire empêcher les accidents et les incidents des employés en temps opportun. Par conséquent, le comité local de YUL ne devrait pas avoir à attendre près de quatre mois avant d’obtenir un accès au rapport d’enquête du BSTC.

  • [170] Elle a fait valoir que le projet de rapport d’enquête du BSTC est un « rapport du gouvernement ». Pour étayer cet argument, il a été fait mention du paragraphe 11(1) de la Loi sur le BCEATST qui prévoit que le BSTC :

 

Le Bureau est […] mandataire de Sa Majesté et ce n’est qu’à ce titre qu’il peut exercer les attributions que lui confère la présente loi.

Par conséquent, d’après l’avocate, on peut tirer la conclusion qu’un rapport rédigé par le BSTC est un rapport de Sa Majesté qui constitue un « rapport du gouvernement ».

  • [171] B. Symes a fait valoir que la Loi sur le BCEATST n’interdit pas à Air Canada, à titre d’examinateur, de divulguer les documents du BSTC [18] au comité local de YUL aux fins de prendre des mesures correctrices. Le paragraphe 24.(3) de cette Loi prévoit que :

 

Il est interdit de communiquer ou laisser communiquer le projet de rapport, d’en faire usage ou d’en permettre l’utilisation, à des fins autres que la prise de mesures correctives ou à des fins non strictement nécessaires à l’étude du projet ou à la présentation d’observations à son sujet.

  • [172] Pour étayer cet argument, Mme Symes a renvoyé à la décision de l’agent d’appel Malanka dans Canadian Pacific Railway Co v. Woollard [19] , qui établit la proposition selon laquelle :

 

[traduction] L’objet de la partie II du Code est réparateur. Les comités sur les lignes de conduite et les comités locaux sont des outils essentiels pour atteindre ledit objectif. Par définition, les travaux de ces comités sont préventifs et réparateurs.

  • [173] Elle a soutenu qu’en situation de conflit entre les obligations de divulgation d’Air Canada en vertu du Code et en vertu de la Loi sur le BCEATST, le Code devrait prévaloir.

  • [174] De plus, l’accès au projet de rapport du BSTC aiderait le comité local de YUL à mener son enquête plus tôt et à formuler des recommandations pertinentes à l’employeur.

  • [175] L’avocate Symes a conclu son argumentation en affirmant que la jurisprudence citée par Air Canada et le BSTC n’est pas pertinente en l’espèce.

    c) Arguments de l’intervenant

  • [176] Louise Béchamp, avocate du BSTC, a présenté ses arguments écrits au nom du BSTC.

  • [177] Conformément au paragraphe 24(1) de la Loi sur le BCEATST, le BSTC a dressé un projet de rapport confidentiel (projet de rapport) après son enquête sur l’incident de Francfort. Le projet de rapport a été envoyé à Air Canada en sa qualité d’examinateur désigné. Le projet de rapport a pour objet de veiller à ce que l’équité, l’exactitude, la confidentialité, les obligations légales et les engagements internationaux soient dûment respectés et pris en compte par le BSTC. Air Canada a eu l’occasion de contester, de rectifier ou de contredire les renseignements qu’elle croyait incorrects ou injustement préjudiciables à ses intérêts. Air Canada a fait des observations au BSTC à cet égard. LeBSTC a publié son rapport final le 29 avril 2003.

  • [178] L’avocate a fait valoir qu’en vertu de la Loi sur le BSTC, ces documents sont confidentiels et privilégiés. Par conséquent, le BSTC s’oppose à leur production et à leur divulgation.

  • [179] L’avocate a ajouté [traduction] « que le privilège rattaché aux observations faites en vertu de la Loi revêt une importance cruciale en ce sens qu’il assure sa capacité de s’acquitter de son rôle et de promouvoir la sécurité dans les transports ».

  • [180] L’avocate a conclu en affirmant que j’excéderai ma compétence si j’ordonne la divulgation de ces documents du BSTC au comité local de YUL.


    **********

    VI. ANALYSE

  • [181] Ce qu’il faut trancher en l’espèce consiste à déterminer si Air Canada enfreint :

    • l’alinéa 125(1)c) du Code relativement à l’obligation de l’employeur de faire enquête sur des situations dangereuses,

 

  • le paragraphe 135(9) du Code sur le droit du comité local d’avoir accès aux rapports, études et analyses de l’État et de l’employeur sur la santé et la sécurité des employés, ou aux parties de ces documents concernant la santé et la sécurité des employés.

    Obligation de l’employeur de faire enquête

[182] L’objet de l’alinéa 125(1)c) du Code, interprété de concert avec l’énoncé de l’objet de l’article 122.1 de la loi, consiste à prévenir la survenance ou la répétition d’un accident ou d’un incident qui pourrait blesser un employé. L’article 122.1 est ainsi rédigé :

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[183] Plus précisément, le Code indique à l’alinéa 125.(1)c) que :

 

125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

c) de la manière réglementaire, d’enquêter sur tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques dont il a connaissance, de les enregistrer et de les signaler aux autorités désignées par les règlements.

[184] L’alinéa 125.(1)c) du Code renvoie à l’expression « désignées par les règlements ». Le paragraphe 122.(1) du Code définit le terme « règlement » :

 

« règlement» Règlement pris par le gouverneur en conseil ou disposition déterminée en conformité avec des règles prévues par un règlement pris par le gouverneur en conseil.

[185] En l’espèce, c’est le Règlement sur l’aviation qui est le règlement applicable :

 

1.3 Le présent règlement s’applique à l’égard des employés travaillant à bord des aéronefs en service et à l’égard des personnes à qui l’employeur en permet l’accès.

[186] Dans la présente affaire, E. Niles était une employée au service d’un aéronef d’Air Canada alors qu’il était en opération à Francfort, en Allemagne.

[187] Les obligations de l’employeur relativement aux enquêtes sont énoncées aux articles 9.3 et 9.6 du Règlement sur l’aviation :

 

9.3 L’employeur qui prend connaissance d’une situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, qui touche un employé pendant qu’il travaille à bord d’un aéronef doit dès que possible :

a) prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la situation comportant des risques ne se reproduise;

b) nommer une personne qualifiée pour mener une enquête sur la situation comportant des risques;

c) aviser le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe, de la situation comportant des risques et du nom de la personne qualifiée nommée pour faire enquête.

9.6 (1) L’employeur doit envoyer sans délai au comité de sécurité et de santé ou au représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe, un rapport écrit de l’enquête visée à l’article 9.3 si cette enquête révèle que la situation comportant des risques a entraîné l’une des conséquences suivantes :

a) une blessure invalidante chez un employé;

b) l’évanouissement d’un employé;

c) la nécessité de recourir à des mesures de sauvetage ou de réanimation ou à d’autres mesures d’urgence semblables;

d) un incendie ou une explosion.

(2) L’employeur doit soumettre un exemplaire du rapport visé au paragraphe (1) à l’agent régional de sécurité au bureau régional, dans les 14 jours après qu’il a pris connaissance de la situation comportant des risques.

(3) Le rapport visé au paragraphe (1) doit être établi en la forme prévue à l’annexe I de la présente partie et contenir les renseignements qui y sont indiqués.

[188] L’obligation fondamentale de l’employeur aux termes de cette disposition consiste à faire enquête sans délai sur les accidents, les maladies professionnelles ou autres situations comportant des risques qui touchent l’un ou l’autre de ses employés. De plus, l’employeur est tenu de respecter une procédure interne complète afin de mener une enquête exhaustive.

[189] La survenance d’un accident qui touche un employé constitue un élément incontesté de la présente affaire, tout comme les répercussions de ces événements sur la santé de E. Niles.

[190] L’employeur a tout de suite été informé de l’accident à l’aéroport de Francfort le 14 juin 2002. Toutefois, il est crucial de déterminer quand l’employeur a eu connaissance des effets de cet événement sur E. Niles.

[191] On m’a présenté de nombreux éléments de preuve sur cette question et je conclus, d’après les éléments qui précèdent, que l’employeur a appris l’existence de la blessure invalidante à E. Niles le 12 septembre 2002, après qu’elle ait rempli le rapport d’accident/de traumatisme des agents de bord d’Air Canada.

[192] Par conséquent, ce sont les mesures prises par l’employeur après cette date qui seront analysées :

- Air Canada a-t-elle nommé une personne qualifiée pour effectuer l’enquête?
- Air Canada a-t-elle mené une enquête complète?

[193] Ni le Code ni le Règlement sur l’aviation décrit ce qu’est une enquête. Toutefois, le Règlement sur l’aviation prévoit la présentation du rapport et indique que l’employeur doit en envoyer une copie au comité de santé et de sécurité au travail ou au représentant en santé et sécurité sans délai. De plus, l’employeur doit soumettre une copie du rapport d’enquête à un agent de santé et sécurité [20] dans les 14 jours.

[194] D’après les éléments de preuve qui m’ont été présentés, il n’a pas été satisfait aux obligations énoncées à l’article 9.6 du Règlement sur l’aviation, car aucun rapport présenté de la manière réglementaire n’a été envoyé à un agent de santé et sécurité ou au comité local de YUL. En outre, l’employeur n’a même pas suivi sa propre procédure interne relativement aux enquêtes sur les accidents et les incidents.

[195] Sans égard à l’obligation de l’employeur de respecter l’article 9.3 du Règlement sur l’aviation, il existait une obligation d’envoyer le rapport dans les 14 jours à un agent de santé et sécurité et sans délai au comité local de YUL. Il est clair que cette obligation n’a pas été remplie. Par conséquent, l’employeur enfreint le Règlement sur l’aviation et en conséquence l’alinéa 125(1)c) du Code.

[196] Le Air Canada Corporate and Employee Safety Manual (manuel sur la sécurité des employés d’Air Canada) comprend un chapitre complet sur les enquêtes relatives aux accidents et aux incidents. Ce chapitre décrit les différentes étapes à suivre en ce qui concerne les enquêtes qui portent sur un accident ou un incident.

[197] L’introduction de ce chapitre est ainsi rédigée :

 

[traduction] Tous les accidents et incidents perturbent les opérations et peuvent causer des blessures aux employés.

La direction et les employés doivent acquérir une compréhension de ce qui est survenu, de la façon dont cela s’est produit, des personnes impliquées, des conséquences et de ce qui doit être fait pour éviter que cela se reproduise.

Pour en arriver à ce résultat, une enquête sur l’accident/l’incident doit être effectuée par les personnes qualifiées pour le faire.
(…)

[198] Dans le même chapitre, le mot [traduction] « enquête » a été défini comme suit :

 

[traduction] Une recherche systématique, qui a recours à un processus défini, basé sur l’observation, des demandes de renseignements, des énoncés et de l’analyse pour obtenir des renseignements et vérifier des faits liés à des événements avant la prise de mesures pour empêcher qu’ils se reproduisent.

[199] D’après le processus applicable aux accidents et incidents d’Air Canada, c’est le gestionnaire de première ligne qui est responsable de l’enquête et la participation du comité de santé et de sécurité au travail est essentielle.

[200] L’avocate d’Air Canada a fait valoir que l’employeur a entrepris une enquête, mais que pour des motifs non indiqués par l’appelante, l’enquête n’a jamais été achevée.

[201] L’appelante n’a pas produit de preuves selon lesquelles l’employeur a suivi le processus d’enquête décrit dans le Air Canada Corporate and Employee Safety Manual (manuel sur la sécurité des employés d’Air Canada).

[202] Contrairement aux arguments de l’appelante, la preuve qui m’a été soumise n’établissait pas que l’employeur avait nommé P. Botter à titre de personne qualifiée pour procéder à l’enquête sur une situation dangereuse. La preuve établit que P. Botter a demandé des renseignements sur ce vol en particulier afin que le comité local de YUL puisse mener son enquête. C’est en sa capacité de coprésident pour l’employeur du comité local de YUL qu’il a présenté cette demande au directeur de la sécurité aérienne d’Air Canada.

[203] Je crois comprendre de la preuve qui m’a été soumise que, contrairement à ce que prétend l’appelante, la seule enquête en matière de santé et de sécurité a été entreprise par le comité local de YUL relativement aux incidents du vol AC 875 survenus le 14 juin 2002. Malheureusement, l’enquête a pris fin lorsque le coprésident pour les employés du comité local de YUL a déposé une plainte auprès de Transports Canada. Dans son argumentation, l’appelante reconnaissait que :

 

[traduction]

- Elle n’identifiait pas M. Patrick Botter comme personne qualifiée nommée pour exécuter l’enquête sur la situation dangereuse liée au vol 875.

- Elle n’a pas achevé son enquête sur la situation dangereuse liée au vol 875. Une fois que le
Comité a suspendu sa participation en attendant la décision au sujet de la plainte de M. Roy, Air Canada a reconnu que la personne qualifiée qui avait été nommée aurait dû poursuivre ses travaux et terminer l’enquête afin de respecter l’obligation de l’employeur prévue à l’alinéa 125(1)c) du Code.


[204] Cet argument de l’appelante reconnaît qu’Air Canada n’a pas attribué à P. Botter le rôle de personne qualifiée chargée de faire enquête sur la situation dangereuse qui a eu des répercussions sur la santé de E. Niles. C’est de sa propre initiative que le comité local de YUL a entrepris une enquête sur la situation dangereuse et que P. Botter a pris part à l’enquête.

[205] Pour tous les motifs mentionnés précédemment, je conclus qu’Air Canada n’a pas fait enquête sur la situation dangereuse qui a mené à la blessure de E. Niles. Par conséquent, l’employeur enfreignait le Code. Cette conclusion confirme les conclusions de l’ASS Côté.

[206] En conséquence, sur la base du pouvoir que me confère l’alinéa 146.1(1)a) du Code, je modifierai le premier point de l’instruction donnée par l’ASS Côté en date du 13 février 2004, de manière à faire spécifiquement référence au Règlement sur l’aviation.

[207] Ayant tiré une conclusion sur l’obligation de l’employeur de faire enquête sur les situations dangereuses, j’aimerais clarifier le rôle du comité local dans les enquêtes sur les situations dangereuses.

[208] L’obligation principale du comité local consiste à donner des conseils et à formuler des recommandations à l’employeur sur les questions de santé et de sécurité au travail. Dans la mesure où les enquêtes sont concernées, le comité local peut prendre une part active dans l’enquête de l’employeur. Toutefois, si l’employeur ne mène pas d’enquête, je crois que le comité local ne devrait pas assumer le rôle d’enquête.

[209] L’intimé a mentionné plusieurs fois que le comité local de YUL faisait enquête sur la situation dangereuse de E. Niles, ce qui n’est pas prévu dans le Code et le Règlement sur l’aviation. Il incombe uniquement à l’employeur de mener une enquête complète sur une situation dangereuse, enquête à laquelle participe activement le comité local.

[210] Par conséquent, je recommande fortement que l’employeur et le comité local de YUL clarifient cette question immédiatement afin qu’ils respectent les conditions du Code et le Air Canada Corporate and Employee Safety Manual (manuel sur la sécurité des employés d’Air Canada) pour ce qui est des enquêtes sur les accidents et les incidents.

Accès du comité local de YUL aux documents

[211] Passons maintenant à l’examen du deuxième élément de l’instruction de l’ASS Côté, à savoir l’infraction d’Air Canada au paragraphe 135(9) du Code.

[212] En vertu du Code, le comité local possède un droit d’accès à tous les rapports du gouvernement et de l’employeur. Plus précisément, le paragraphe 135(9) est ainsi rédigé :

 

135. (9) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, a accès sans restriction aux rapports, études et analyses de l’État et de l’employeur sur la santé et la sécurité des employés, ou aux parties de ces documents concernant la santé et la sécurité des employés, l’accès aux dossiers médicaux étant toutefois subordonné au consentement de l’intéressé.

[213] Dans le cadre de son enquête sur la plainte, l’ASS Côté a conclu que [traduction] « le comité local de YUL n’a pas obtenu l’accès, aux fins d’enquête, à l’information et aux rapports de santé et de sécurité liés à l’incident qui s’est produit sur le vol AC 875 ». Elle a donc donné instruction à Air Canada de mettre fin à l’infraction et de prendre des mesures pour veiller à ce que l’infraction ne se reproduise pas. Air Canada interjette appel de cette instruction.

[214] D’après la preuve produite à l’audience, je crois savoir que les renseignements et les rapports dont il est question dans l’instruction de l’ASS Côté se trouvent dans le RSA des pilotes et dans d’autres documents connexes de l’employeur ainsi que dans les documents connexes du BST. Je traiterai séparément de ces deux éléments, en commençant par le RSA et les autres documents connexes de l’employeur.

Accès par le comité local de YUL aux RSA

[215] L’un des droits conférés par le Code à un employé est le droit de savoir. En vertu de plusieurs dispositions du Code, les employés ont le droit d’obtenir des renseignements sur les dangers connus ou prévisibles dans le milieu de travail, et les renseignements, les directives, la formation et la supervision qui sont nécessaires pour protéger leur santé et leur sécurité. C’est par l’intermédiaire du comité local ou du représentant en santé et sécurité que les employés peuvent exercer leur droit d’accès aux rapports du gouvernement ou de l’employeur en ce qui concerne la santé et la sécurité des employés.

[216] La santé et la sécurité au travail sont ancrées dans la prévention des dangers au travail et sont essentiellement centrées sur ses procédures et ses pratiques. Dans le cas qui nous occupe, il importe que le comité local de YUL ait accès au RSA pour comprendre notamment pourquoi E. Niles s’est fait demander d’occuper le siège d’observation du poste de pilotage pendant le décollage et l’atterrissage de l’aéronef, car cette pratique pourrait avoir un impact sur sa santé et sa sécurité au cours des événements du vol AC 875. Le RSA était le seul rapport rédigé par un employé, qui était dans ce cas le commandant de bord. Du point de vue de la santé et de la sécurité au travail, les renseignements qui se trouvent dans le RSA pourraient se révéler très utiles pour le comité local de YUL.

[217] Les RSA font partie de la Ligne de conduite en matière de rapport sur la sécurité d’Air Canada (la Ligne de conduite). Ils ont été décrits comme des rapports personnels soumis volontairement par des employés, soit dans le présent cas les pilotes du vol AC 875, à la suite d’un incident ou d’une situation en matière de sécurité. Suivant la ligne de conduite, la confidentialité de l’auteur est préservée et le contenu n’est pas divulgué à moins que l’employé y consente ou que la loi l’exige.

[218] La Ligne de conduite prévoit également que le dépôt d’un RSA n’entraînera ni représailles ni mesures disciplinaires, à moins que l’incident ait été causé par des actes illégaux, des fautes lourdes ou des infactions volontaires. L’objectif d’Air Canada dans le cadre du maintien de cette ligne de conduite consiste à s’assurer de faire rapport d’un maximum d’incidents et, en définitive, de promouvoir la sécurité aérienne.

[219] Bien que la pratique qui consiste à déposer un RSA dans les cas d’incidents ou de situations touchant la sécurité ne soit pas obligatoire, elle a été largement adoptée par les employés d’Air Canada. De fait, les RSA représentent une grande partie de tous les rapports en matière de sécurité que reçoit Air Canada chaque année. Par exemple, de janvier 2003 à juin 2005, un total de presque 8 000 rapports d’incidents de sécurité ont été remplis, dont 6 500 sous forme de RSA.

[220] Le 21 février 2003, P. Botter a demandé, au nom du comité local de YUL, de recevoir tous les documents qui se rapportent aux événements du vol AC 875. Le même jour, Air Canada a répondu que l’accès au RSA déposé par les pilotes serait accordé seulement si les conditions énoncées dans la ligne de conduite d’Air Canada étaient respectées, c’est-à-dire si les pilotes y consentent ou si la loi l’exige.

[221] Air Canada soutenait en outre dans son argumentation que même si je devais conclure que cette clause précise de la ligne de conduite n’empêchait pas la divulgation du RSA, Air Canada n’était pas tenue de le divulguer, car le RSA n’est pas un « rapport de l’employeur » aux fins du paragraphe 135.(9) du Code. Je traiterai d’abord de ce point.

[222] Selon moi, les RSA font partie intégrante de la ligne de conduite en matière de rapport d’Air Canada sur les rapports de l’employeur. Le formulaire lui-même est fourni par Air Canada et affiche son logo. Les éléments qu’il doit comporter sont entièrement déterminés au préalable par Air Canada. En outre, même s’ils sont déposés sur une base volontaire, comme le prétend l’appelante, les RSA existent surtout au profit d’Air Canada. La preuve établit que c’est Air Canada qui a élaboré le document intitulé Air Safety Reports Immunity Policy (ligne de conduite en matière d’immunité des rapports d’Air Canada), qui inclut les RSA.

[223] Si l’on revient au premier point, le comité local de YUL soutient que la décision d’Air Canada de refuser l’accès aux RSA des pilotes va à l’encontre des obligations d’Air Canada prévues à l’alinéa 125.(1)z.18) et au paragraphe 135.(9) du Code :

 

125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

 

z.18) de fournir, dans les trente jours qui suivent une demande à cet effet ou dès que possible par la suite, les renseignements exigés soit par un comité d’orientation en vertu des paragraphes 134.1(5) ou (6), soit par un comité local en vertu des paragraphes 135(8) ou (9), soit par un représentant en vertu des paragraphes 136(6) ou (7);

 

135. (9) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, a accès sans restriction aux rapports, études et analyses de l’État et de l’employeur sur la santé et la sécurité des employés, ou aux parties de ces documents concernant la santé et la sécurité des employés, l’accès aux dossiers médicaux étant toutefois subordonné au consentement de l’intéressé.

[224] Un comité mixte de santé et de sécurité au travail a pour but d’améliorer les conditions de santé et de sécurité en milieu de travail en cernant les problèmes de santé et de sécurité possibles et en recommandant à l’employeur des mesures correctives pour éviter qu’un incident ou un accident ne se reproduise. C’est par l’intermédiaire d’un comité de santé et de sécurité au travail que les employés obtiennent le droit d’être informés des dangers connus ou prévisibles et de participer à l’identification et à la rectification des préoccupations en matière de santé et de sécurité au travail.

[225] L’alinéa 125.(1)z.18) et le paragraphe 135.(9) du Code établissent clairement l’obligation d’un employeur de fournir à un comité local, dans l’exercice de son mandat, tous les documents pertinents qui se rapportent à la santé et à la sécurité de ses employés. Ces dispositions ne mentionnent pas de circonstances précises dans lesquelles ces documents devraient être fournis. En l’espèce, il s’agit de déterminer si les politiques et pratiques de l’employeur peuvent annuler l’effet du droit du comité local prévu par la loi d’avoir accès à certains documents qui peuvent être pertinents pour l’exercice de leur mandat.

[226] Dans Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Bureau d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), [21] une décision de 2006, la Cour d’appel fédérale a traité d’une question similaire.

 

[227] Dans cette affaire, NAV CANADA s’est fait demander de divulguer des dossiers conformément à la Loi sur l’accès à l’information [la « Loi sur l’accès »], ce qu’elle a refusé de faire. Les dossiers renfermaient des communications concernant quatre situations aériennes qui faisaient l’objet d’une enquête du BSTC.

[228] Entre autres choses, NAV CANADA a fait valoir que l’exception qui se trouve énoncée à l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès s’appliquait. Cette exception confère un droit de refuser la communication de documents qui contiennent « des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers […] » [Je souligne.].

[229] Pour établir la confidentialité de ses communications, NAV CANADA s’est appuyée sur ses propres politiques et sur une pratique antérieure constante. Au dire du juge Desjardins, toutefois, « [l]e fait que les renseignements aient toujours été tenus confidentiels […] n’est au mieux qu’un facteur à prendre en compte pour savoir si les renseignements sont confidentiels aux fins de l’alinéa 20(1)b) [de la Loi sur l’accès] » [22] .

[230] NAV CANADA a également invoqué les dispositions sur la confidentialité des conventions collectives conclues avec ses syndicats pour soutenir qu’il existait une attente raisonnable de confidentialité dans les communications de la part des pilotes et des contrôleurs. Sur ce point, le juge Desjardins a conclu que :

 

« Ce facteur ne permet cependant pas de trancher la question du statut de tels renseignements au regard de la Loi sur l’accès à l’information : les parties aux conventions collectives ne sauraient, par le seul effet de ces conventions, se soustraire aux dispositions explicites de la Loi sur l’accès à l’information […]. De telles conventions pourraient tout au plus être prises en compte en fin d’analyse, au soutien des preuves objectives de confidentialité. » [23]

À mon avis, le raisonnement du juge Desjardins peut s’appliquer en l’espèce.

[231] L’objectif primordial de la partie II du Code est de s’assurer de la santé et de la sécurité de tous les employés. Ainsi, ses dispositions doivent prévaloir sur toute politique et pratiques des parties qui mettrait en péril la réalisation de cet objectif. Les lignes de conduite et la pratique antérieure d’Air Canada de même que son engagement envers les employés à garder les RSA confidentiels ne suffisent pas, comme tels, à soustraite les documents pertinents du champ d’application des dispositions expresses du Code.

[232] J’ai examiné attentivement les motifs invoqués par Air Canada pour préserver la confidentialité des RSA. Je conviens que les préoccupations exprimées par Air Canada au sujet d’une diminution possible du taux de rapport sont légitimes. Toutefois, je suis d’avis, pour les motifs susmentionnés, que les garanties offertes aux employés en matière de santé et de sécurité qui sont inscrites dans le Code ne peuvent pas s’effacer devant un contrat. J’estime que le maintien rigoureux de la confidentialité de tous ces rapports ne constitue pas la seule manière de réaliser l’objectif d’Air Canada d’améliorer la sécurité aérienne. Par exemple, un droit d’accès limité pour certains membres du comité de santé et de sécurité au travail pourrait être accordé uniquement à des fins d’enquête. Cela pourrait atténuer l’impact sur le taux de rapport des employés tout en assurant que les RSA sont utilisés exactement dans le but pour lequel ils ont été initialement créés, soit l’amélioration pour tous et toutes de la sécurité sur les vols d’Air Canada.

[233] En ce qui concerne les autres documents de l’employeur qui pourraient être liés aux événements du vol AC 875, l’appelante ne m’a pas convaincu, au vu de la preuve pertinente, que l’employeur a recueilli des documents écrits et électroniques aux fins de l’enquête de la Division de la sécurité aérienne.

[234] En l’absence de preuves établissant que l’employeur a en sa possession d’autres documents que les RSA et les documents du BSTC, je ne peux ordonner à Air Canada de donner accès au comité local de YUL à d’« autres » documents. Par ailleurs, si Air Canada possède d’autres documents liés aux événements du vol AC 875, notamment des documents qui n’ont pas été identifiés pendant l’audience, l’employeur devrait se conformer sur-le-champ à l’instruction de l’ASS Côté et les rendre accessibles au comité local de YUL.

[235] Pour ces motifs, je suis d’avis qu’Air Canada a enfreint le paragraphe 135(9) du Code. Par conséquent, le comité local de YUL a le droit d’obtenir le RSA déposé par les pilotes du vol AC 875 et tous les autres documents existants de l’employeur qui sont liés aux événements du vol AC 875, sous réserve de la condition susmentionnée qui consiste à limiter cet accès seulement à un ou deux membres du comité local de YUL désignés conjointement par les parties.

Accès du
comité local de YUL aux documents du BSTC

[236] Les deux parties et l’intervenant, le BSTC, ont présenté des arguments au sujet de la divulgation du matériel connexe du BSTC.

[237] Plus précisément, le SCFP (l’intimé) me demande de reconnaître qu’Air Canada aurait dû fournir au comité local de YUL le projet de rapport dressé par le BSTC conformément au paragraphe 24(2) de la Loi sur le BCEATST [24] , les observations d’Air Canada sur ledit projet de rapport et les commentaires du BSTC sur ces observations formulées en application de l’alinéa 24(4)d) de la Loi sur le BCEATST [les « trois documents »].

 

[238] Le BSTC fait valoir que les trois documents sont confidentiels et privilégiés en vertu de la Loi sur le BCEATST et qu’à ce titre, ils ne devraient pas être communiqués au comité local de YUL. En outre, le BSTC soutient que sans garantie de confidentialité, les intervenants touchés du secteur des transports hésiteraient à fournir l’information et les observations nécessaires pour déterminer les causes des accidents.

[239] Les arguments de l’appelante sont du même ordre. De plus, Air Canada souligne que la confidentialité des documents connexes du BSTC assure que personne n’utilisera les renseignements qu’elle fournit au BSTC contre ses propres intérêts.

[240] La demande du comité local de YUL en vue d’obtenir des documents concernant les événements du vol AC 875 a été présentée par P. Botter le 21 février 2003. Elle a été rejetée par Air Canada .

[241] À cette époque, Air Canada était déjà en possession du projet de rapport du BSTC et disposait de 30 jours, soit jusqu’au 3 mars 2003, pour le commenter. Le rapport final du BSTC a été publié le 29 avril 2003.

[242] Le libellé de l’article 24 de la Loi sur le BCEATST est clair : les projets de rapport et les observations à leur sujet sont privilégiés et confidentiels. Les personnes qui ont accès à ces documents ne peuvent les communiquer à qui que ce soit, à l’exception des personnes expressément mentionnées dans cette disposition.

[243] Voici le texte pertinent de l’article 24 :

 

24. (1) Au terme de son enquête, le Bureau fait rapport de ses conclusions et des manquements relevés à la sécurité; il publie le rapport, y compris les recommandations appropriées en découlant et portant sur la sécurité des transports.

 

(2) Avant la publication, le Bureau adresse le projet de son rapport sur ses conclusions et les manquements relevés à la sécurité, à titre confidentiel, à tout ministre ou toute autre personne qu’il estime directement intéressés par ses conclusions, le destinataire se voyant accorder la possibilité de lui présenter ses observations avant la rédaction du texte définitif.

 

(3) Il est interdit de communiquer ou laisser communiquer le projet de rapport, d’en faire usage ou d’en permettre l’utilisation, à des fins autres que la prise de mesures correctives ou à des fins non strictement nécessaires à l’étude du projet ou à la présentation d’observations à son sujet.

 

(4) Les observations sont présentées de la manière que le Bureau estime indiquée; celui-ci est tenu, d’une part, de les consigner et de les prendre en considération avant de rédiger son rapport définitif, d’autre part, de notifier leurs auteurs de sa décision à cet égard.

(4.1) Les observations sont protégées, à l’exception de celles présentées par tout ministre responsable d’un ministère directement intéressé par les conclusions du Bureau. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou d’une autorisation écrite de l’auteur des observations, il est interdit à toute personne, notamment à celle qui y a accès au titre du présent article, de sciemment les communiquer ou les laisser communiquer. (Je souligne.)

 

[244] Comme l’a souligné le BSTC, [traduction] « la Loi sur le BCEATST a pour objet de favoriser le transport sécuritaire et efficace pour les résidents et les visiteurs canadiens » [25] . Pour favoriser l’atteinte de cet objectif, le législateur envisage de garder confidentiels les projets de rapport du BSTC et les observations qui y sont associées. Ainsi, les intervenants du secteur des transports peuvent transmettre en toute confiance et sans entrave des renseignements qui pourraient être précieux pour les enquêtes du BSTC.

[245] Dans le cas qui nous occupe, la Loi sur le BCEATST est la loi spécifique qui régit l’accès aux documents du BSTC en attendant la communication du rapport final. Par conséquent, ses dispositions doivent avoir préséance sur les dispositions du Code qui ont trait aux documents comme ceux dont il est question à l’alinéa 125.(1)z.18) et au paragraphe 135.(9). Elles sont de nature plutôt générale et peuvent aller à l’encontre des exigences de la Loi sur le BCEATST.

[246] Je constate que l’article 24 ne renvoie pas expressément à la confidentialité des commentaires que peut formuler le BSTC sur les observations qu’il reçoit. Toutefois, un examen attentif sur l’objet de cette disposition me convainc que ces commentaires devraient être assujettis à la même garantie de confidentialité qui est accordée aux projets de rapport et aux observations formulées à leur sujet.

[247] L’article 24 vise à protéger la confidentialité des documents qui sont utilisés par le BSTC dans le cadre de ses enquêtes et de la rédaction de rapports. La communication de commentaires du BSTC sur les observations qu’il reçoit poursuit le même objectif que la communication du projet de rapport et des observations des examinateurs désignés, à savoir la réalisation de recommandations sur la sécurité en matière de transport qui serait satisfaisante pour tous les intervenants touchés.

[248] Tel qu’il a été mentionné précédemment, la confidentialité de ces documents fait en sorte que ces intervenants partagent en toute confiance avec le BSTC les renseignements nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de son mandat. Comme les commentaires formulés par le BSTC sont susceptibles d’inclure le même genre de renseignements délicats que ceux qui se trouvent dans les projets de rapport et dans les observations formulées à leur sujet, ils devraient également demeurer confidentiels.

[249] Quoi qu’il en soit, je constate que le rapport final est maintenant public et accessible au comité. En conséquence, la question de l’accès par le comité au projet de rapport est maintenant théorique.

[250] En ce qui a trait aux observations formulées par Air Canada sur le projet de rapport et aux commentaires du BSTC sur ces observations, je n’ai reçu aucun élément de preuve qui laisse entendre que leur accès aiderait davantage le comité local de YUL à réaliser son mandat.

[251] Pour ces motifs, je suis d’avis que l’appelante ne pourrait être contrainte aux termes de l’alinéa 125.(1)z.18) et du paragraphe 135.(9) du Code à donner au comité local de YUL l’accès aux documents connexes du BSTC.

VII . DÉCISION

 

[252] Pour ces motifs, je modifie l’instruction donnée à Air Canada par l’ASS Marie-Anik Côté suivant l’appendice de la présente décision, de la façon suivante :

- en ajoutant le
Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) en ce qui concerne les obligations de l’employeur de faire enquête sur les situations dangereuses connues par l’employeur et par conséquent d’envoyer un rapport écrit au comité local de YUL, conformément aux articles 9.3 et 9.6,


- en précisant que le comité local de YUL doit avoir accès au RSA en ce qui touche les événements du vol AC 875 et que les trois documents du BSTC doivent être exclus.

 

[253] L’employeur est tenu de faire rapport à un agent de santé et sécurité des mesures prises pour se conformer à l’instruction dans les 10 jours suivant la réception de la présente décision.


 


__________________________
Pierre Guénette
Agent d’appel

APPENDICE


Dossier no : 2004-14

Décision no : OHSTC09-023

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA PARTIE II DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1))

 

Par suite d’un appel interjeté en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail, l’agent d’appel soussigné a, en conformité avec l’article 146.1, effectué l’examen d’une instruction formulée par Marie-Anyk Côté, agente de santé et sécurité, le 13 février 2004, après son enquête sur une plainte au sujet des incidents qui sont survenus dans le lieu ce travail exploité par Air Canada, qui est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, sur le vol AC 875, le 14 juin 2002.

À la suite de l’enquête effectuée par l’agent d’appel et sur la base des dépositions des témoins et des documents soumis par les deux parties et l’intervenant, l’agent d’appel soussigné est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail ont été enfreintes et que l’instruction est modifiée en conséquence :

1. Alinéa 125.(1)c) de la partie II du Code canadien du travail :

« […] l’employeur est tenu […]

c)
selon les modalités réglementaires, d’enquêter sur tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques dont il a connaissance, de les enregistrer et de les signaler aux autorités désignées par les règlements;

L’article 9.3 du
Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) prévoit que :

«
L’employeur qui prend connaissance d’une situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, qui touche un employé pendant qu’il travaille à bord d’un aéronef doit dès que possible :

a) prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la situation comportant des risques ne se reproduise;

b) nommer une personne qualifiée pour mener une enquête sur la situation comportant des risques;

c) aviser le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe, de la situation comportant des risques et du nom de la personne qualifiée nommée pour faire enquête. »


L’article 9.6 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) prévoit que :

 

« (1) L’employeur doit envoyer sans délai au comité de sécurité et de santé ou au représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe, un rapport écrit de l’enquête visée à l’article 9.3 si cette enquête révèle que la situation comportant des risques a entraîné l’une des conséquences suivantes :

a) une blessure invalidante chez un employé; […]

(2) L’employeur doit soumettre un exemplaire du rapport visé au paragraphe (1) à l’agent régional de sécurité au bureau régional, dans les 14 jours après qu’il a pris connaissance de la situation comportant des risques.

(3) Le rapport visé au paragraphe (1) doit être établi en la forme prévue à l’annexe I de la présente partie et contenir les renseignements qui y sont indiqués. »

Dans le cadre de l’audience, l’agent d’appel a établi qu’Air Canada n’a pas nommé une personne qualifiée pour effectuer une enquête sur la situation dangereuse qui s’est produite pendant le vol AC 875 le 14 juin 2002, à l’aéroport de Francfort et qu’en conséquence, l’employeur n’a pas avisé le comité de santé et de sécurité au travail de Montréal de la situation dangereuse et du nom de la personne qualifiée nomme pour faire enquête à cet égard. En outre, l’employeur n’a pas envoyé sans délai de rapport écrit au comité de santé et de sécurité au travail relativement à la situation dangereuse qui a entraîné une blessure invalidante à Elizabeth Niles, une employée d’Air Canada.

 

2. Le paragraphe 135.(8) de la partie II du Code canadien du travail prévoit que :

 

« Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, peut exiger de l’employeur les renseignements qu’il juge nécessaires afin de recenser les risques réels ou potentiels que peuvent présenter les matériaux, les méthodes de travail ou l’équipement qui y sont utilisés ou les tâches qui s’y accomplissent. »

Le paragraphe 135.(9) de la partie II du Code canadien du travail prévoit que :

 

« Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, a accès sans restriction aux rapports, études et analyses de l’État et de l’employeur sur la santé et la sécurité des employés, ou aux parties de ces documents concernant la santé et la sécurité des employés, l’accès aux dossiers médicaux étant toutefois subordonné au consentement de l’intéressé. »

 

L’agent d’appel établit que le comité de santé et de sécurité au travail de Montréal (YUL) s’est fait refusé l’accès à des renseignements et rapports sur la santé et la sécurité, dont le rapport sur la sécurité aérienne concernant les événements du vol AC 875 du 14 juin 2002.

Cette conclusion ne s’applique pas aux trois documents qui ont trait au Bureau de la sécurité des transports du Canada (BSTC), à savoir :

- le projet de rapport d’enquête du BSTC;
- les observations écrites d’Air Canada sur le projet de rapport d’enquête du BSTC;
- les commentaires écrits du BSTC sur les observations d’Air Canada.


Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, en vertu du paragraphe 145. (1) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard 10 jours à compter de la production de la décision er de vous assurer que la contravention ne se produise pas de nouveau.

 

Modifié à Ottawa le 18 juin 2009.

 



Pierre Guénette

Agent d’appel



 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT D’APPEL

 

 

Décision OHSTC-09-023

 

Appelante Air Canada

 

Intimé SCFP

 

Dispositions

 

Code canadien du travail 125, 126, 135 et 145

Mots-clés Blessure invalidante, situation dangereuse, enquête, personne qualifiée, comité de santé et de sécurité au travail, contact entre la queue de l’appareil et le sol, autocabrage, symptôme posttraumatique, RSA, instruction.

 

SOMMAIRE

 

Le 9 mars 2004, Air Canada a interjeté appel de l’instruction donnée par l’agente de santé et sécurité Marie-Anyk Côté le 13 février 2004. L’agente de santé et de sécurité a conclu qu’Air Canada a enfreint le Code en ne faisant pas enquête sur la situation dangereuse qui a entraîné une blessure invalidante à une agente de bord et qu’Air Canada n’a pas mis à la disposition du comité de santé et de sécurité au travail les documents et les rapports disponibles. L’agent d’appel a modifié l’instruction.

 

 



[1] Rapport sur la sécurité aérienne : Document utilisé par l’équipage de bord d’Air Canada pour déclarer les dangers et les événements qui touchent des lacunes en matière de sécurité et pourraient causer un accident ou un incident.

[2] SCFP, Composante d’Air Canada c. Air Canada [2009] CF 12

[3] Lettre de l’appelante en date du 17 février 2009.

[4] Vol prévu à l’horaire (AC 875) de Francfort, en Allemagne, à Montréal, au Québec, avec 253 passagers et 13 membres d’équipage à bord.

[5] D’après le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs), l’expression « commandant de bord » désigne « […] [l]e pilote responsable, à bord d’un aéronef, de l’utilisation et de la sécurité de l’aéronef.

[6] Événements du vol AC 875 : le 14 juin 2002, à l’Aéroport de Francfort, en Allemagne, la queue de l’avion a touché la piste au décollage; par conséquent, le pilote est retourné à l’aéroport. Pendant les opérations d’atterrissage, l’avion s’est retrouvé à angle de 26,7 degrés.

[7] Le siège d’observation dans le poste de pilotage se trouve à l’intérieur de la cabine de pilotage de l’aéronef.

[8] S1: désigne un décès ou une blessure invalidante qui entraîne la perte partielle ou totale de l’usage d’une partie du corps, des dommages à l’aéronef qui retardent l’utilisation prévue de plus de 24 heures ou un coût total de plus de 100 000 $, des dommages à l’équipement collectif qui retardent l’utilisation prévue de plus de une semaine ou un coût total de plus de 10 000 $.

[9] S2 : désigne une blessure invalidante qui entraîne une perte de temps d’au moins 14 jours pour une personne, des dommages à l’aéronef qui retardent l’utilisation prévue d’un maximum de 24 heures ou un coût total qui n’excède pas 100 000 $, des dommages à l’équipement collectif qui retardent l’utilisation prévue d’un maximum d’une semaine ou un coût total maximal de 10 000 $.

[10] Patrick Botter : De septembre 2002 à mai 2003, il était coprésident pour l’employeur du comité local de YUL, ainsi que gestionnaire, Sécurité, opérations et soutien de produit, Région est, de la Direction du service en vol.

[11] Kent Wilson a indiqué qu’un expert qui n’est pas spécialisé en sécurité aérienne est une personne qui n’est ni pilote ni membre d’un département de la sécurité aérienne.

[12] Le Service en vol est le département d’Air Canada chargé des agents de bord.

[13] Chernetz v. Eagle Copters Ltd, [2003] A.J. No. 521.

[14] Après les modifications de la partie II du Code canadien du travail, en 2000, la fonction de l’agent régional de sécurité a été abrogée et remplacée par celle d’agent d’appel.

[15] Halterm Ltd. et Halifax International Longshoring Assn., [1992], décision no 92-001.

[16] Bunge du Canada [1998] CLCRSOD no 2, décision 98-002

[17] Chemin de fer St-Laurent et Hudson, Réseau CP Rail, triage Agincourt et TCA Canada, [1997], CLCRSOD n17

[18] Projet de rapport d’enquête du BST, observations d’Air Canada sur le projet de rapport du BST, et réponse du BST à Air Canada

[19] Canadian Pacific Railway Co v. Woollard, supra

[20] L’article 9.6 du Règlement sur l’aviation reflète l’alinéa 15.8(2)b) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. Ce dernier a été modifié par la suite dans la révision de 2000 de la partie II du Code et le renvoi à l’agent régional de sécurité a été remplacé par un renvoi à l’agent de santé et de sécurité.

[21] [2006] A.C.F. no 704.

[22] Ibid, par 75.

[23] Ibid., par 76.

[24] L.C. 1989, ch. 3.

[25] Arguments du BST, paragraphe 26.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.