Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Dossier no : 2008-21

 

Décision de suspension

Décision no : OHSTC-09-022(S)

 

 

 

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

Gendarmerie royale du Canada (GRC)

appelante/demanderesse

 

 

et

 

 

Sgt Scott Warren

intimé

 

________________________________

Le 26 mai 2009

 

 

 

Cette décision fait suite à une demande de suspension d’une instruction entendue par Michael Wiwchar, agent d’appel.

 

 

Pour l’appelante

M. Neil McGraw, avocat de l’employeur, la GRC

 

Pour l’intimé

Sgt Scott Warren, Île de Vancouver, représentant des relations avec les employés


INTRODUCTION

  • [1] Cette affaire concerne une demande de suspension d’une instruction présentée en vertu du paragraphe 146(2) de la partie II du Code canadien du travail (le Code). Une instruction a été donnée à la GRC (l’employeur) conformément au paragraphe 145(1) du Code par l’agent de santé et sécurité (l’ASS) Martin Davey le 11 juillet 2008 au sujet d’un lieu de travail exploité par la GRC. L’instruction est jointe à l’« Appendice A ».

  • [2] Le 6 mai 2009, dans le cadre de l’instruction de cet appel,
    M. McGraw, a demandé, au nom de l’appelant, une suspension de ladite instruction.

  • [3] Le 8 août 2008, M. Harvey Newman, en remplacement de
    M. Richard Fader qui était alors en vacances, a demandé une suspension provisoire de un mois parce qu’il n’était pas prêt à présenter ses arguments complets à l’appui de la suspension. Mon collègue, l’agent d’appel Pierre Guénette, a rejeté cette demande dans une décision rendue le 8 août 2008, ses motifs ayant été déposés le 27 août 2008.

  • [4] J’ai décidé de recevoir une deuxième demande de suspension de l’instruction de l’ASS Davey même si s’il est très inhabituel que le Tribunal le fasse. Je serai saisi de cette demande parce que la décision de M. Guénette mentionne que M. Newman n’a pas présenté des arguments complets et parce que M. McGraw a fait valoir que d’autres événements internationaux surviendront.

  • [5] Chaque partie m’a fourni des observations écrites que j’ai examiné avec soin.

  • [6] Les parties ont présenté des arguments fondés sur le critère en trois volets formulé dans l’arrêt Metropolitan Stores Ltd. [1] de la Cour suprême du Canada . Les trois éléments du critère sont : a) la question sérieuse à juger, b) la question du préjudice irréparable et c) la prépondérance des inconvénients. Le Tribunal a ajouté un quatrième critère pour mieux assurer la réalisation de l’objectif primordial du Code qui consiste à protéger la santé et la sécurité des employés; d) les mesures prises par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité des employés.

  • [7] Je traiterai des arguments des parties au sujet du critère ci-dessus et je me pencherai sur les éléments qui m’ont été présentés par les parties dans leurs observations.

 

 

ANALYSE DES OBSERVATIONS

 

A) LA QUESTION SÉRIEUSE À JUGER

 

  • [8] Les deux parties ont fait valoir que la question à juger est sérieuse et je suis d’accord avec elles.

  • [9] M. McGraw fait valoir, au nom de l’appelante, que bien que la technique de la recherche en demi-collier, qui est utilisée par les plongeurs pour inspecter des coques de bateaux et de navires, fait l’objet d’une utilisation dans des circonstances très restreintes, elle sera néanmoins requise pour s’acquitter des responsabilités de la GRC en matière de sécurité aux Olympiques de 2010 à Vancouver ainsi qu’à d’autres événements internationaux à venir en juin 2009 et au cours de l’été 2010.

  • [10] Il ajoute que la GRC devra inspecter les coques de navires en ces endroits pour veiller à ce que l’objectif de sécurité soit atteint, c’est-à-dire qu’elle devra effectuer une inspection appropriée et complète de la coque. Bien que la technique en question soit utilisée de manière très limitée, la GRC, voire le public, subiraient un préjudice irréparable du fait de l’interdiction complète de cette méthode dans le contexte des événements susmentionnés.

  • [11] L’appelante est d’avis que la technique de la recherche en demi-collier est la technique la plus sûre pour effectuer une recherche complète dans un navire, selon sa taille et sa forme, si les risques et les dangers sont couverts comme il se doit et bien atténués.

  • [12] M. McGraw conclut en déclarant qu’il incombe à l’employeur de protéger les personnes au sens où l’entendent la Loi sur la GRC et se règlements d’application.

  • [13] Le Sgt Warren soutient, au nom de l’intimé, qu’il existe d’autres techniques qui atténuent l’incapacité d’exécuter une recherche, ce qui fait que les objectifs en matière de sécurité sont atteints, et que le mandat peut être rempli au moyen d’autres techniques et d’équipement que les employés sont formés à utiliser. Les autres options qu’il mentionne comprennent le recours à de l’air et à des caméras alimentés en surface.

  • [14] Le Sgt Warren déclare que la technique de la recherche en demi-collier ne peut jamais constituer la technique de recherche la plus sûre, sauf si certains aspects de la technique sont définis dans la politique. Il prétend que la technique de la recherche en demi-collier n’était pas destinée aux gros navires et que l’employeur entend utiliser la technique pour effectuer des recherches dans des navires de la taille de navires de croisière, que la politique définit à tort comme des navires de taille moyenne.

  • [15] L’intimé soutient en outre qu’en réponse à l’exigence d’utiliser la technique dans le cadre d’une visite internationale à venir en juin 2009, rien n’indique qu’un navire prendra part à cet événement.

  • [16] Le juge Shore, de la Cour fédérale, a récemment [2] confirmé une décision [3] de la Cour d’appel fédérale selon laquelle il incombe au demandeur d’établir, au moyen de preuves claires et convaincantes d’un préjudice irréparable, que la mesure de redressement extraordinaire que représente une suspension est justifiée. Le préjudice irréparable doit constituer davantage qu’une série de possibilités et ne peut reposer tout simplement sur des assertions et de la spéculation. Compte tenu des observations qui m’ont été présentées relativement à cet élément, l’appelante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir que l’employeur, dans le cadre de la réalisation de son mandat, subira un préjudice irréparable si je n’accorde pas la suspension de l’instruction de l’ASS Davey.

  • [17] Puisque je tire mon pouvoir du Code, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de manière à permettre la réalisation de son objet, c.-à-d. la protection de la santé et de la sécurité des employés.

  • [18] Cette technique est utilisée dans des circonstances très limitées et pour autant que je sache, l’employeur peut remplacer cette technique par une autre méthode plus sûre ou prendre d’autres mesures plus sûres jusqu’à la fin de l’instruction et jusqu’à ce que je rende ma décision. De plus, je crois que de cette façon, la GRC pourra s’acquitter de son mandat et de son objectif tout en prenant en considération la santé et la sécurité des employés et de l’ensemble des personnes, dont le public et les dignitaires.

  • [19] En ce qui a trait à la réaction aux événements à venir de juin 2009 et de l’été 2010, il a été allégué que d’autres techniques et mesures sûres permettraient de faire face aux circonstances encore inconnues de ces événements.

  • [20] Le critère d’une suspension est conjonctif. Il n’est donc pas nécessaire de traiter des autres éléments que sont la prépondérance des inconvénients et les mesures prises par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité des employés, car j’ai statué qu’il n’existe pas de préjudice irréparable.

  • [21] En outre, les deux parties ont inclus dans leurs observations des éléments de preuve produits au cours des premiers jours de l’instruction tirés de la déposition des témoins. Comme les parties présenteront d’autres éléments de preuve constitués de la déposition de témoins à l’appui de leurs positions respectives sur cette question très technique, il m’est très difficile à ce stade de me prononcer sur la question de savoir si la santé et la sécurité des employés est protégée sans entendre toute l’affaire.

  • [22] Mon collègue, M. Guénette, au paragraphe 22 de ses motifs écrits en date du 27 août 2008, indiquait ce qui suit :

  • [23] Ayant pris connaissance d’observations approfondies, j’en viens à la même conclusion que mon collègue.

  • [24] Pour les motifs énoncés précédemment, la demande de l’appelante de faire suspendre l’instruction est rejetée et l’employeur devra s’efforcer d’observer l’instruction.


B) LA QUESTION DU PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[22] À mon avis, l’équipe de plongée subirait un plus grand préjudice si j’accordais une suspension provisoire. J’estime que l’employeur a disposé d’assez de temps pour corriger la procédure de plongée de recherche établie par l’ASS Davey pendant son enquête. De plus, je crois que l’employeur ne subira pas un plus grand préjudice si je n’accorde pas la suspension parce que ses employés pourraient continuer à s’acquitter de leurs fonctions de plongée en ayant recours à d’autres techniques de recherche sûres.

DÉCISION

 

 

 

 

 

_____________________________

Michael Wiwchar

Agent d’appel

 



[1] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, dossier 19609

[2] Petrovych c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 110

[3] Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427

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