Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

CODE CANADIEN DU TRAVAIL Decision: 92-009

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision, en vertu de l'article 146 de la Partie II

du Code canadien du travail,

d'une instruction émise par un agent de sécurité

 

Requérant :Chemins de fer nationaux du Canada

Dépôt MacMillan, Concord (Ontario)

Représenté par : M. Bernie Mahoney

Agent des systèmes de transport

 

Partie intéressée :Travailleurs unis des transports (UTU) - Canada

Représenté par : M. Timothy S. Secord

Directeur national suppléant, législation

 

Mis en cause :M. W. J. Behun

Agent de sécurité

Transport Canada - Groupe de surface (Région de l'Ontario)

 

Devant :M. Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

Travail Canada

 

Une audience a eu lieu le 11 juin 1992 à Toronto (Ontario).

 

Historique

 

 

Les circonstances qui ont entraîné la mort d'un employé du CN le 20 novembre 1991 au dépôt MacMillan ont été étudiées par un agent de Transport Canada, M. W. J. Behun, également nommé agent de sécurité en vertu de la Partie II du Code canadien du travail. M. J. L. Dafoe, chef des opérations et superviseur de M. Behun, a préparé un rapport sommaire sur les circonstances de l'accident. M. Behun est à l'heure actuelle à la retraite.

 

Dans le rapport sommaire, il est dit que lorsque M. Behun est arrivé sur le lieu de l'accident «le corps et le wagon avaient déjà été enlevés. M. Behun détermina que l'accident avait été provoqué par une porte encastrée du wagon CN 411385 qui était tombée sur l'employé. L'employé avait observé que les portes des deux côtés du wagon étaient endommagées. Il signala ce fait au chef du triage et il fut décidé que le wagon pouvait être déplacé en toute sécurité jusqu'à un endroit où un wagonnier pourrait l'examiner. Pendant l'acheminement du wagon, la porte ouest du wagon heurta un wagon-citerne sur une voie adjacente. L'employé demanda par radio au conducteur de la locomotive d'arrêter la manoeuvre. Pendant que la manoeuvre était en train d'être arrêtée, on entendit l'employé dire à la radio «Oh, Oh», ce que les autres membres de l'équipage interprétèrent comme un cri d'alarme. L'autre préposé au dépôt se rendit sur place et lança un appel pour obtenir de l'aide et une ambulance. La porte encastrée avait frappé l'employé en tombant du wagon...

 

Une inspection du wagon 411385 a indiqué que le chargement de celui-ci consistait de rouleaux de papier-journal, qui avaient bougé. Ce faisant, ils endommagèrent la porte et la poussèrent vers l'extérieur jusqu'au moment où elle forma une saillie prononcée et accrocha la main courante du wagon-citerne se trouvant sur la voie adjacente. La porte glissa alors dans sa rainure jusqu'à la fin de sa course et finit par tomber. Personne n'a vu où se trouvait l'employé pendant la manoeuvre, mais selon toute logique il aurait dû se tenir au bout du dernier wagon (CN 411385) sur l'échelle latérale du côté est du wagon, soit du côté opposé de celui où la porte est tombée. Au bruit que fit la porte désencastrée en raclant la main courante du wagon-citerne, l'employé appela par radio le conducteur de la locomotive pour qu'il arrête la manoeuvre. Pendant l'arrêt de la manoeuvre, on pense que l'employé fit le tour en passant derrière le train pour voir ce qui se passait. Du fait qu'elle était en contact avec le wagon-citerne, la porte ouest du wagon CN 411385 était tirée vers le nord. Au moment où l'employé traversa, la porte parvint au bout de sa course, puis tomba sur lui avant qu'il n'ait pu l'éviter».

 

A la fin de son enquête sur l'accident, l'agent de sécurité,

M. Behun, conclut qu'un employé du dépôt MacMillan courait un danger dans le cadre de son travail. Selon lui, le danger était le suivant : «(...) un wagon couvert doté de portes encastrées était en mouvement alors que ses portes n'étaient ni fermées ni verrouillées». Ordre fut donné à l'employeur de «prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger quiconque contre ce danger, c'est-à-dire de s'assurer qu'un inspecteur de wagons autorisé inspecte avant la manoeuvre les wagons couverts ayant des portes encastrées qui ne sont ni fermées ni verrouillées».

 

Décision

 

En l'espèce, la question à trancher est de savoir si l'instruction donnée au Chemins de fer nationaux du Canada est justifiée dans les circonstances. Selon moi, elle l'est et devrait faire l'objet d'une confirmation pour les raisons suivantes.

 

Les parties qui ont procédé à l'enquête, ainsi que les circonstances entourant l'accident, m'ont convaincu que lorsqu'on découvre qu'un wagon couvert doté de portes encastrées, pour ne citer que ce genre de porte, a des portes qui ne sont ni fermées ni verrouillées pour une raison inconnue, la situation constitue un danger, tel que le définit le Code. En fait, le danger est latent et le reste jusqu'à ce que la situation soit rectifiée. Chaque fois qu'un employé ou quiconque se trouve à proximité d'une porte non verrouillée, on court un risque inacceptable de voir un accident grave se produire si le wagon est déplacé sans que des mesures spéciales soient prises le cas échéant pour pallier le danger.

 

L'employeur soutient qu'il est possible de déplacer en toute sécurité le wagon couvert jusqu'à une autre voie où du personnel qualifié peut le cas échéant l'inspecter et le réparer. La manoeuvre ne peut durer que peu de temps si on déplace le wagon sur une voie adjacente, ou prendre plus longtemps si le wagon doit franchir très lentement une distance allant jusqu'à un mille. Pour protéger les employés travaillant dans les wagons, les Chemins de fer nationaux du Canada (CN) ont demandé après l'accident à ces derniers «lorsqu'ils sont à bord d'un groupe de wagons où ils savent ou soupçonnent qu'un glissement de chargement s'est produit dans un wagon de se tenir dans un wagon (au moins un) précédant ce dernier, dans le sens de la marche du train». Cette déclaration ne porte que sur les wagons dans lesquels le chargement a glissé, alors que l'agent de sécurité est concerné par tous les wagons où on a découvert des portes qui ne sont ni fermées ni verrouillées. De plus, les directives du CN visent la protection des employés travaillant dans les wagons, et non celle de toute personne se trouvant sur le chemin d'un train en marche comptant un wagon défectueux, comme il l'est indiqué dans l'instruction.

 

Si l'employeur ne remet pas en question la décision de l'agent de sécurité quant au fait qu'un danger existe lorsqu'on découvre que des wagons couverts sont dotés de portes qui ne sont ni fermées ni verrouillées, il a suggéré de formuler différemment l'instruction de façon à «permettre le déplacement de ce genre de wagons sur une voie adjacente pour que le personnel du service de l'équipement puisse les inspecter en détail et les réparer. On ne procéderait à cette manoeuvre qu'une fois prises toutes les mesures de précaution citées ci-dessus». L'instruction revue et corrigée par l'employeur se lit comme suit :

 

«En vertu de l'article 145, paragraphe (2) (a), ORDONNE PAR LA PRÉSENTE audit employeur de prendre immédiatement des mesures au dépôt MacMillan pour protéger quiconque contre le danger et de s'assurer que les wagons couverts ayant des portes encastrées qui ne sont ni fermées ni verrouillées seront inspectés par une « personne qualifiée et que toutes les précautions seront prises, y compris déplacer le wagon pour qu'il soit inspecté plus à fond et subisse les réparations nécessaires, avant de déplacer les trains ou de les changer de voie».

 

Dans son instruction, l'agent de sécurité vise à ce que du personnel spécialisé (ex : un inspecteur de wagons autorisé) inspecte le wagon défectueux avant la manoeuvre pour évaluer les dommages et déterminer si le wagon peut être le cas échéant déplacé en toute sécurité jusqu'à une autre voie pour être réparé. L'instruction que l'employeur a rectifiée et qu'il propose vise à permettre l'acheminement «en toute sécurité» dudit wagon pour qu'une personne qualifiée en fasse une inspection préliminaire (ex : un membre de l'équipage, peut-être en coopération avec le chef du triage) avant qu'un inspecteur de wagons autorisé procède à une inspection plus approfondie pour évaluer les dommages et exiger, le cas échéant, que le wagon soit réparé.

 

Au premier abord, la proposition de l'employeur semble tout à fait raisonnable. En analysant toutefois l'instruction que l'employeur a rectifiée, on se rend compte qu'en fait celui-ci demande la permission de déplacer un train ou une partie d'un train jusqu'à une autre voie après que des membres «qualifiés» de l'équipage en ont rapidement déterminé l'état. Selon cette méthode, l'employeur ferait ensuite acheminer le train ou son élément défectueux jusqu'à une voie adjacente pour qu'une personne spécialisée (ex : un inspecteur des wagons autorisé) l'inspecte de façon plus détaillée. Manifestement, l'objectif de la dernière inspection serait de déterminer le véritable état du wagon défectueux, de décider s'il doit être réparé avant la manoeuvre ou du moins s'il faut prendre des mesures provisoires pour l'acheminer en toute sécurité jusqu'à un atelier de réparation. Cette dernière inspection serait par conséquent effectuée après les faits. Selon moi, cette proposition est inacceptable et doit être rejetée pour des raisons évidentes.

 

De façon regrettable, je pense que la position de l'employeur dans cette affaire est dictée par des considérations de convenance et d'ordre économique, aux dépends de la sécurité de l'employé. De plus, la proposition du CN est en directe contradiction avec l'Ordonnance N° R-37253 «Normes minimales de sécurité et d'inspection des wagons marchandises» et l'enfreint. Celle-ci stipule au paragraphe 10 (1) :

 

«10. (1) La compagnie ne doit mettre ni maintenir en service un wagon marchandises qui a eu des défectuosités dangereuses décrites dans la Partie II de la présente Ordonnance...»

 

Les défectuosités mentionnées ci-dessus sont décrites ainsi au paragraphe 22 (2) de l'Ordonnance :

 

«22. (2) La compagnie ne doit pas mettre ni maintenir en service les wagons des types suivants comportant l'un des défauts mentionnés ci-après :

 

(d)un wagon couvert dont

 

(iv)les portes encastrées ne sont pas fermées et verrouillées avant que le wagon ne circule, ou...

 

Toutefois, d'après l'Ordonnance, ledit wagon peut être acheminé en toute sécurité si la compagnie respecte les exigences du paragraphe 10 (2) qui stipule :

 

«10. (2)Nonobstant les exigences du paragraphe (1), un wagon marchandises dont une pièce est défectueuse peut être acheminé jusqu'à un autre endroit en vue d'être réparé, à la condition que la compagnie s'assure

 

(a)qu'un inspecteur de wagons autorisé décide que le wagon peut être acheminé sans danger et détermine sa vitesse maximale et les autres restrictions nécessaires;

 

Je conclus de ce qui précède qu'aux endroits où des inspecteurs de wagons autorisés sont disponibles, appelés points pour l'inspection en cours de route au paragraphe 5 (1) (b) de l'Ordonnance, il incombe aux seuls inspecteurs mentionnés ci-dessus et non à l'équipage du train d'évaluer et de déterminer l'état du wagon marchandises ayant une défectuosité. De surcroît, c'est à ces inspecteurs qu'échoit la responsabilité d'acheminer en toute sécurité le wagon. Dans le cadre de cette responsabilité, les inspecteurs doivent tenir compte de la sécurité de tous les employés travaillant sur les voies au dépôt MacMillan, y compris les équipes au sol et les autres employés, et non les employés travaillant à bord du train seulement.

 

Je suis convaincu que, si CN avait respecté les propres ordonnances de l'industrie, cet accident mortel aurait pu être évité et l'aurait probablement été. Comme l'agent de sécurité qui m'a précédé, je suis d'accord avec les exigences de l'Ordonnance R-37253 à propos de l'acheminement des wagons dont les portes ne sont ni fermées ni verrouillées.

 

Il est évident que si on s'aperçoit que le train a une défectuosité sur la voie principale, à une grande distance de l'endroit désigné, le bon sens dicterait d'envisager et de prendre d'autres mesures de sécurité. Toutefois, le dépôt MacMillan est un endroit d'inspection désigné où des inspecteurs de wagons autorisés sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'instruction de l'agent de sécurité ne s'applique qu'à cet endroit. A mon avis, sa décision est justifiée puisque le dépôt MacMillan est le seul endroit où il a mené une enquête.

 

Le même raisonnement s'applique à d'autres types de portes qui seraient défectueuses. Il faudra qu'un agent de sécurité effectue une enquête sur ces situations avant d'émettre une instruction qui s'applique à ces autres types de portes.

 

Pour tous les motifs précités, je confirme par la présente l'instruction émise le 24 mars 1992 par l'agent de sécurité

W. J. Behun aux Chemins de fer nationaux du Canada.

 

Décision rendue à Ottawa ce 3e jour de juillet 1992.

 

 

 

 

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.