Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, partie II,

des instructions données par un agent de sécurité

 

 

 

No de décision 95-009

 

 

Demandeur : R.J. Lajoie

Chef de quart, Service de sécurité

Division des eaux lourdes

Ontario Hydro, Tiverton (Ontario)

 

Mis en cause : R.D. Fortner, agent de sécurité no 2855

Bureau régional de London

Développement des ressources humaines Canada

 

 

Devant : Bertrand Southière

Agent régional de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

 

Audition tenue le 14 juin 1995, à Kincardine (Ontario). Étaient présents :

-George Evans, directeur de l'exploitation, Division des eaux lourdes, Ontario Hydro;

-Jerry Orsztynowicz, Syndicat des travailleurs des centrales, coprésident, Comité conjoint de la santé et sécurité;

-Steve Robinson, Ontario Hydro, coprésident, Comité conjoint de la santé et sécurité;

-R.J. Lajoie, Chef de quart, Service de sécurité, Division des eaux lourdes;

-R. Fortner, Agent de sécurité, Bureau régional de London, DRHC;

-Ted Tomayer, Directeur régional p.i., Bureau régional de London, DRHC.

 

 


Contexte

 

Le 26 janvier 1995, R.D. Fortner, un agent de sécurité du Bureau régional London, Développement des ressources humaines Canada, a inspecté l'usine d'eau lourde de Bruce, également connue sous le nom de Division des eaux lourdes, centrale nucléaire de Bruce, Ontario Hydro, à Tiverton (Ontario). Au terme de son inspection, il a donné les instructions suivantes :

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II — SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTIONS DONNÉES À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU

PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 26 janvier 1995, l'agent de sécurité soussigné a inspecté les lieux de travail utilisés par Ontario Hydro, centrale nucléaire de Bruce, étant un employeur régi par le Code canadien du travail, partie II, à Tiverton (Ontario), lesdits lieux de travail étant connus sous le nom de Division des eaux lourdes.

 

L'agent de sécurité soussigné est d'avis qu'il y a contravention aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail :

 

Alinéa 125j) du Code canadien du travail, partie II, paragraphe 12.7(2) du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail (RCHST) et sous-section 6.1.4 de la norme Z94.4-M1982 de la CSA — Choix, entretien et utilisation des appareils respiratoires, datée de mai 1982 (la dernière modification date de septembre 1984).

 

«Les respirateurs autonomes ne doivent pas être modifiés pour recevoir un appareil de réanimation et ne devraient pas être utilisés à des fins de réanimation.»

 

Il vous est donc ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de mettre immédiatement fin à la contravention.

 

 

 


Fait à London (Ontario), le 2 février 1995.

 

R.D. Fortner

Agent de sécurité

No 2855

 

Le 14 février 1995, Ontario Hydro a demandé la révision de ces instructions.

 

L'eau lourde («oxyde de deutérium») est extraite de l'eau du lac Huron suivant un procédé de concentration en plusieurs étapes. Les premières étapes du procédé font intervenir du sulfure d'hydrogène à des pressions et températures telles qu'à chaque étape, la concentration d'eau lourde quadruple presque, passant de 150 ppm environ au départ dans l'eau du lac à une valeur finale de 20 %. Ce concentré est ensuite transformé par distillation en eau lourde de grande pureté.

 

Le sulfure d'hydrogène est un produit chimique dangereux et l'American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) a établi pour ce composé une TLV‑TWA de 10 ppm et une TLV‑STEL de 15 ppm. Le sulfure d'hydrogène est recirculé en continu, avec des pertes minimes dans l'environnement; toutefois, le site en recèle 980 tonnes. Il se produit des fuites dans des endroits comme les appareils et joints de robinetterie, et c'est pourquoi les travailleurs de l'usine portent sur eux une trousse d'évacuation qui comporte un respirateur avec embout buccal, un pince-nez et une petite bouteille contenant une réserve d'air comprimé de 7 minutes, ce qui donne assez de temps pour fuir une aire contaminée. La trousse contient aussi des lunettes pour protéger les yeux.

 

Dans certaines parties de l'usine où des fuites sont plus probables, des mesures de sécurité spéciales sont en vigueur. Dans ces endroits, appelés «aires de jumelage», les employés doivent travailler par groupes de deux ou trois. En outre, des postes «Packalarm» sont prévus tous les quelque 50 pieds; chacun comporte un respirateur autonome (RA) Scott Air-Pak, modèle IIa, auquel est relié un module de réanimation. Les postes Packalarm sont aussi reliés à un centre de contrôle. Si un travailleur exposé à du sulfure d'hydrogène dans une aire de jumelage s'évanouit, son compagnon de jumelage doit immédiatement endosser sa trousse d'évacuation, puis se rendre au premier poste Packalarm. Là, il sonnera l'alarme, endossera le Scott Air-Pak et rejoindra son compagnon. Au moyen du module de réanimation, il tentera de réanimer la victime en attendant l'équipe de sauvetage. Cette dernière arrivera normalement sur les lieux dans les 4 minutes suivant le déclenchement de l'alarme.


Le module de réanimation été ajouté au RA Scott Air-Pak, modèle IIa, à la demande d'Ontario Hydro, par la Safety Supply Canada Ltd., distributeur canadien des produits Scott. Cet ensemble RA/réanimateur est utilisé dans cette usine depuis 23 ans et je me suis laissé dire qu'il est aussi en usage dans les usines d'eau lourde de Glace Bay et de Port Hawkesbury depuis 10 et 15 ans respectivement. Pendant ces 23 années, 17 personnes ont pu être réanimées, après exposition à du sulfure d'hydrogène, grâce à ce matériel, sans subir d'effets néfastes.

 

Discussion

 

Dans ses instructions données en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, l'agent de sécurité R.D. Fortner a renvoyé au paragraphe 12.7(2) du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail et à la sous-section 6.1.4 de la norme Z94.4-M1982 de la CSA (la dernière modification date de septembre 1984). Le libellé de ces dispositions est le suivant :

 

-RCHST :

12.7(2) Le choix, l'utilisation, l'entretien et l'ajustement du dispositif de protection des voies respiratoires visé au paragraphe (1) doivent être conformes à la norme Z94.4-M1982 de l'ACNOR intitulée, Choix, entretien et utilisation des appareils respiratoires, publiée dans sa version française en mars 1983, (la dernière modification date de septembre 1984) et publiée dans sa version anglaise en mai 1982 (la dernière modification date de septembre 1984), à l'exception des articles 6.1.5, 10.3.3.1.2 et 10.3.3.4.2c).

 

-norme Z94.4-M1982 de la CSA :

6.1.4 Les respirateurs autonomes ne doivent pas être modifiés pour recevoir un appareil de réanimation et ne devraient pas être utilisés à des fins de réanimation.

Le RA utilisé par Ontario Hydro ne répond pas aux exigences de la norme de la CSA. Dans une lettre datée du 27 février 1992 adressée à M. Alfred Downie, coprésident du Comité conjoint de santé et sécurité au travail, Ontario Hydro, M. W.P. Williams, de Safety Supply Canada Ltd, aurait ajouté : «C'est à la demande d'Ontario Hydro qu'une douille d'appareil de réanimation a été fixée. À cette époque, on a souligné qu'un tel équipement annulerait l'approbation du Bureau of Mines (le RCHST et la norme de la CSA n'existaient à ce moment-là). Quoi qu'il en soit, la fixation d'un appareil de

 


réanimation à un respirateur autonome enfreint effectivement le RCHST et n'est pas recommandé par la norme Z94.4 M-1982 de la CSA.»

 

Décision

 

Les instructions données en vertu du paragraphe 145(1) du Code et les dispositions précises du règlement et de la norme auxquelles elles renvoient sont indiquées en bonne et due forme. Toutes les parties conviennent que le RA contrevenait à la norme de la CSA et, partant, au règlement qui y renvoie. Le libellé du règlement ne laisse aucune marge de jeu et ne prévoit aucun respect des droits acquis. Par conséquent, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES les instructions données le 2 février 1995 par l'agent de sécurité R.D. Fortner à Ontario Hydro, centrale nucléaire de Bruce, Division des eaux lourdes.

 

Observations

 

Les RA modifiés par fixation d'un appareil de réanimation sont en usage à cette usine depuis 23 ans. Ils ont également été utilisés auparavant à l'usine d'eau lourde de Glace Bay, durant 10 ans, et à l'usine d'eau lourde de Port Hawkesbury, durant 15 ans. Sur les 23 années où ils ont été utilisés à cette usine, 17 personnes intoxiquées par le sulfure d'hydrogène ont été réanimées sans subir d'effets néfastes.

 

Au fil du temps, Ontario Hydro a mis sur pied, maintenu et amélioré à l'intention de ces employés un programme de formation qui a porté le taux de succès des opérations de sauvetage des personnes intoxiquées par le sulfure d'hydrogène à 100 %. Ce programme de formation inclut des cours mensuels de perfectionnement du jumelage. Je tiens à féliciter l'employeur pour son dévouement à la sécurité de ses employés.

 

À l'audition, les délégués syndicaux ont présenté des observations selon lesquelles ils veulent conserver le système actuel. Une solution de rechange à la modification des RA consiste à utiliser un RA non modifié et un appareil de réanimation autonome. Néanmoins, le poids et le volume d'un tel équipement pourraient nuire dans certaines situations.

 


Il a été démontré que le RA modifié constitue un appareil personnel de protection et de sauvetage satisfaisant. Mais, le libellé du règlement est très précis et ne me laisse aucun choix.

 

 

Décision rendue le 11 juillet 1995.

 

 

 

 

Bertrand Southière

Agent régional de sécurité

 


SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

 

 

No de décision 95-009

 

Demandeur : R.J. Lajoie

Chef de quart, Service de sécurité

Division des eaux lourdes

Ontario Hydro, Tiverton (Ontario)

 

TERMES-CLÉS :

 

Sulfure d'hydrogène; eau lourde; Ontario Hydro; respirateur autonome; appareil de réanimation;

 

DISPOSITIONS :

 

Code : 125j)

Règlement : 12.7(2)

 

SOMMAIRE :

 

Au terme de son inspection de la Division des eaux lourdes de la centrale nucléaire de Bruce, à Tiverton (Ontario), un agent de sécurité a donné des instructions selon lesquelles les respirateurs autonomes (RA) auxquels a été fixée une douille pour recevoir un appareil de réanimation contrevenaient aux dispositions citées du Code canadien du travail et du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail. Il existe environ 150 postes de sauvetage d'urgence (poste «Packalarm») dispersés dans les secteurs les plus dangereux de la centrale. Chacun de ces postes comporte une alarme qui est reliée à une salle de commande centrale ainsi qu'un RA modifié. Dans ces secteurs de l'usine, les employés travaillent en groupes de deux ou trois individus portant chacun un appareil d'évacuation. Si un employé s'intoxique par le sulfure d'hydrogène, son compagnon de travail met son appareil d'évacuation, se rend au poste de sauvetage d'urgence, déclenche l'alarme, met son RA, retourne à son compagnon de travail et essaie de le réanimer avec l'appareil de réanimation affixé jusqu'à ce que l'équipe de sauvetage arrive.

 

Ontario Hydro a demandé la révision des instructions, soutenant que les RA modifiés sont utilisés depuis 23 ans et ont permis, à 17 reprises, de sauver la vie — sans séquelle permanente aucune — à des personnes. L'agent régional de sécurité a rejeté la demande de révision et confirmé les instructions pour le motif que le libellé du règlement ne permet aucune marge de jeu ni ne prévoit le respect des droits acquis.

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