Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

 

Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, Partie II, des instructions données par l'agent de sécurité

 

 

 

Décision no 95-006

 

Requérants : Vancouver Wharves Ltd.

Vancouver (C.-B.)

Représentée par R. Alan Francis, avocat

 

et

 

James Edward (Ted) Mannion

Manoeuvre

Représenté par Richard Tattersall

Syndicat international des débardeurs et

magasiniers, section locale 500

 

 

 

Mis-en-cause : Andrew Chan

Agent de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

 

 

Devant : Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

Développement des ressources humaines Canada

 

 

 

 

Une audience verbale a eu lieu à Vancouver (C.-B.) le 15 mars 1995. On a indiqué à l'audience que des décisions distinctes pourraient être rendues à l'égard de chaque série d'instructions données en l'espèce. Cependant, j'ai décidé de rendre une seule décision pour les deux séries d'instructions parce qu'elles ont été données dans les mêmes circonstances.


2

Les faits

 

Les événements qui ont donné lieu aux instructions, celles à l'intention de Vancouver Wharves Ltd. et celles à l'intention de M. Ted Mannion, débardeur, sont décrits dans le rapport narratif de l'agent de sécurité. L'agent de sécurité Andrew Chan a donné ces instructions à la suite d'une enquête sur un accident grave qui s'est produit sur le quai à Vancouver le 28 juin 1994. Ce jour-là, M. Ron Kitchen, le contremaître responsable des activités de chargement de pulpe sur un chaland, a été frappé par un chariot élévateur et a subi des blessures mortelles.

 

Un chariot élévateur endommagé a été sorti d'un chaland par une grue mobile et, sous la surveillance de M. Kitchen, placé sur le quai entre le chaland et le chariot élévateur de remplacement. M. Kitchen a commencé à enlever les manilles qui entravaient le chariot élévateur endommagé afin de pouvoir les placer sur le nouveau chariot élévateur. Entre-temps, M. Ted Mannion a marché jusqu'au nouveau chariot. Il a déclaré que M. Kitchen lui avait ordonné de déplacer le chariot élévateur de remplacement pour l'amener entre le chariot endommagé et le chaland afin de permettre à la grue de le transporter dans le chaland. Comme il marchait près du chariot endommagé, M. Mannion a remarqué que M. Kitchen enlevait les manilles du chariot endommagé du côté du chaland, soit du côté directement opposé à l'arrière du chariot de remplacement. M. Mannion s'est dirigé vers le chariot de remplacement certain que M. Kitchen était suffisamment loin du véhicule.

 

M. Mannion est monté dans le chariot élévateur de remplacement, il a regardé autour et il a commencé à reculer. Selon une déclaration qu'il a faite au cours de l'enquête sur l'accident, il ne pouvait conduire qu'en marche arrière parce qu'il n'avait pas suffisamment de place pour faire passer le chariot élévateur entre une pile de sel, de vieux matériaux et une grosse boîte, entreposés sur le quai et lui bloquant le chemin. Par conséquent, il a décidé de reculer en faisant le tour du chariot endommagé pour amener le chariot de remplacement entre le chaland et le chariot endommagé. Comme il reculait, le chariot de remplacement a frappé M. Kitchen et l'a écrasé entre le coin du chariot endommagé et le chariot de remplacement.

 

En réponse à l'allégation de M. Mannion portant que le chariot élévateur de remplacement avait fait une embardée lorsqu'il l'avait mis en marche, une équipe d'enquête a procédé à l'inspection mécanique du chariot élévateur de remplacement et a jugé qu'il fonctionnait normalement. La conclusion de l'enquête menée par l'employeur a été que la «cause directe de l'accident a été une erreur du conducteur - il (M. Mannion) ne s'est pas assuré que la zone située en arrière du véhicule était dégagée».

 

L'agent de sécurité a mené sa propre enquête sur l'affaire. Il a mentionné dans son rapport que l'accident mortel avait été causé par la négligence tant de l'employeur que de l'employé. La conséquence directe de cette conclusion a été qu'il a donné deux séries d'instructions.

 


Vancouver Wharves a reçu des instructions (voir l'ANNEXE A) en vertu du paragraphe 145(1) de la Partie II du Code canadien du travail (le Code) parce qu'"il n'y a pas de méthode de travail sécuritaire pour le chargement et le déchargement des chariots élévateurs à l'aide d'une grue mobile relativement à l'exploitation d'un chaland à pulpe".

 

M. Mannion a, lui, reçu des instructions (voir l'ANNEXE B) en vertu de la même disposition du Code pour "Défaut de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de ses compagnons de travail ou de toute autre personne au moment de conduire un chariot élévateur le 28 juin 1994 chez Vancouver Wharves Ltd.".

 

Vancouver Wharves Ltd. et le Syndicat international des débardeurs et magasiniers, section locale 500 (SIDM) en ont, respectivement, appelé des instructions.

 

Arguments de l'employeur

 

L'exposé détaillé de Vancouver Wharves Ltd. figure au dossier. En ce qui concerne les instructions (ANNEXE A) qui ont été données à Vancouver Wharves Ltd., M. Francis a soulevé les points suivants.

 

Premièrement, l'agent de sécurité avait promis aux représentants de la société que la Vancouver Wharves Ltd. ne recevrait pas d'instructions relativement aux méthodes utilisées pour sortir les chariots du chaland pourvu que la société adopte une procédure à cet égard. M. Francis a expliqué que la société avait établi cette procédure et l'avait publiée le 21 septembre 1994. Sur ce fondement seulement, M. Francis est d'avis que M. Chan aurait dû tenir promesse et ne pas donner d'instructions, et que la Société avait le droit de s'attendre que l'agent de sécurité respecte son engagement.

 

Deuxièmement, M. Francis a expliqué que l'agent de sécurité avait commis une erreur lorsqu'il a conclu que la Vancouver Wharves violait l'alinéa 125q) du Code ainsi que l'alinéa 14.23(1)c) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (RCSST). M. Mannion avait reçu une vaste formation sur l'utilisation sécuritaire et adéquate du matériel mobile et, par conséquent, Vancouver Wharves Ltd. s'était entièrement conformé aux exigences du Code et du Règlement CSST.

 

Les deux autres points suivants ont été discutés avec M. Francis :

 

(i) la question de savoir si c'était le Règlement CSST ou le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelle (navires) (Règlement HSP(N)) qui s'appliquait en l'espèce en vertu de l'alinéa 1.3c) du RHSP(N) qui rend ce règlement applicable à l'égard

 

«c) des employés travaillant au chargement ou au déchargement des navires.»

 

(ii) la question de savoir si la présence d'un signaleur était nécessaire dans les circonstances de l'affaire.

 

En ce qui concerne l'application du Règlement HSP(N) plutôt que du Règlement CSST dans cette situation, M. Francis a dit ce qui suit :


L'alinéa 1.3c) du RHSP(N) prévoit son application à l'égard «des employés travaillant au chargement ou au déchargement des navires». L'alinéa 1.4c) du RCSST prévoit que ce règlement ne s'applique pas aux employés «travaillant à bord de navires». Il est donc évident que seul le RHSP(N) s'applique aux employés travaillant à bord de navires. Il est moins évident de déterminer si le RHSP(N) s'applique de façon exclusive aux employés qui s'occupent du chargement ou du déchargement des navires puisque cette activité n'est pas expressément exclue du champ d'application du RCSST.

 

D'après les discussions qu'il a eues avec la Garde côtière, notre client croit comprendre que le RHSP(N) s'applique sur les quais seulement à l'intérieur du rayon d'action de la bôme. Dans le cas de chaland comme celui dont il est ici question, il n'y a pas de bôme ou de gréement. Par conséquent, il croit qu'en pratique, c'est le RCSST, et non le RHSP(N), qui s'applique au genre d'activités visées en l'espèce.

 

Pour ce qui est des obligations du signaleur, M. Francis a affirmé que

 

M. Kitchen était signaleur seulement pour ce qui est du fonctionnement de la grue qui a servi à sortir le chariot endommagé du chaland pour le déposer sur le quai. Au moment de l'accident, la grue ne fonctionnait pas.

 

En outre, a fait remarquer M. Francis après avoir admis qu'il n'y avait pas de différences sensibles entre les dispositions pertinentes des deux règlements, la présence d'un signaleur n'est exigée par ni l'un ni l'autre de ces règlements parce que M. Mannion avait «une vue claire et dégagée de la zone où il conduisait le matériel».

 

Arguments de l'employé

 

Au sujet des instructions (ANNEXE B) données à M. Mannion et à sa défense, M. Tattersall a expliqué qu'«après avoir donné instruction à M. Mannion de déplacer le no 708 (le chariot de remplacement), M. Kitchen s'est ensuite lui-même placé dans une position précaire entre les machines. C'est ce qu'on appelle généralement «se placer dans la boucle», une pratique que nous évitons tous à tout prix au travail».

 

M. Tattersall a soulevé un certain nombre de questions intéressantes dans son exposé concernant les allées et venues de M. Kitchen au moment de l'accident et les raisons pour lesquelles il se trouvait au point de contact entre les deux chariots. Cependant, il n'y a pas de réponse à ces questions puisque seule la victime, M. Kitchen, aurait pu y répondre.

 

M. Tattersall a également mentionné que «le travail a été fait à la hâte et, de toute évidence, on a simplifié quelque peu les procédures puisque ce n'était pas M. Kitchen, le contremaître, qui aurait dû défaire les manilles du no 703 (le chariot endommagé), mais un des débardeurs.»

 

 


DÉCISION

À L'ÉGARD DES INSTRUCTIONS DONNÉES À L'EMPLOYEUR (ANNEXE A)

Il faut dans cette affaire répondre à un certain nombre de questions. Cependant, je ne crois pas qu'il serait indiqué que je réponde à la plainte de Vancouver Wharves Ltd. portant que l'agent de sécurité n'a pas respecté l'engagement qu'il avait pris de ne pas donner d'instructions à l'employeur. Il ne s'agit pas d'un point à régler dans le contexte d'une révision des instructions.

 

Voici les questions auxquelles il faut répondre :

 

1. Quel est le règlement qui s'applique : le RCSST ou le RHSP(N)?

 

2. Qui applique la loi au-delà du «rayon d'action de la bôme du navire»?

 

3. Y a-t-il eu violation de la disposition sur la formation du conducteur?

 

4. Dans quelle mesure l'employeur a-t-il contrevenu au Code?

 

1. Quel est le règlement qui s'applique : le RCSST ou le RHSP(N)?

 

Comme M. Francis a admis qu'il n'y avait pas de différences sensibles entre les dispositions pertinentes des deux règlements, et je souscris à cette déclaration dans la mesure où elle s'applique à la violation décelée par l'agent de sécurité, la réponse à cette question ne causera pas de préjudice à l'employeur.

 

L'analyse sommaire de M. Francis à ce sujet est, selon moi, exacte. Le RCSST ne s'applique pas à bord de navires. En vertu de l'article concernant son champ d'application, le RHSP(N) s'applique aux employés travaillant à bord de certains navires et au chargement ou au déchargement des navires. Par conséquent, le RHSP(N) s'applique de façon exclusive à bord des navires, y compris les chalands.

 

Comme il est uniquement précisé que le RCSST ne s'applique pas aux employés travaillant à bord de navires et non, explicitement, aux employés travaillant sur les quais, il est raisonnable de conclure que le RCSST s'applique sur les quais.

 


Cependant, si le RHSP(N) s'applique précisément aux employés travaillant au chargement ou au déchargement de navires, il est raisonnable de conclure que toutes les activités directement liées au chargement ou déchargement de navires sont aussi visées par ce règlement. On pourrait certainement prétendre que la plupart, sinon la totalité, des activités exercées sur un quai sont directement liées au chargement ou au déchargement de navires. Il est tentant de conclure automatiquement que le RHSP(N) s'applique sur les quais à tous les employés qui exercent des activités liées au chargement ou au déchargement de navires. Cette conclusion ne serait pas déraisonnable si on omettait de tenir compte du fait que le RHSP(N) est précisément conçu pour s'appliquer à bord des navires. Un coup d'oeil rapide sur les dispositions du RHSP(N) m'a convaincu que, bien qu'en théorie elles semblent s'appliquer sur les quais à cause de l'article sur son champ d'application, en réalité, elles s'appliquent presque exclusivement à bord des navires puisque que tout ce que renferme ce règlement traite d'une façon ou d'une autre des navires. À mon avis, l'objectif poursuivi au moment de l'établissement de ce règlement, était qu'il s'applique au travail à bord des navires tandis que le RCSST s'appliquerait à l'extérieur des navires.

 

Par conséquent, aux fins de la présente affaire, j'ai conclu que le RHSP(N) s'appliquait uniquement à compter du moment où le débardeur quittait le quai pour se rendre à bord du navire. Le RCSST par contre s'applique sur les quais. Je sais très bien qu'on pourrait soutenir le contraire, mais aucun argument de ce genre ne m'a été soumis en l'espèce. Néanmoins, le plus tôt la situation sera éclaircie, le mieux ce sera.

 

2. Qui applique la loi au-delà du «rayon d'action de la bôme du navire»?

 

La question de savoir qui est chargé d'appliquer les dispositions des divers règlements n'a pas de graves conséquences en l'espèce puisque le Code ne fait pas la distinction entre les différents agents de sécurité. Un agent de sécurité de la Garde côtière canadienne ou de Développement des ressources humaines Canada est un agent de sécurité en vertu du Code. Les dispositions administratives adoptées grâces à des ententes mutuelles entre ces deux organisations n'influent pas, du point de vue juridique, sur l'application des deux règlements. Tout agent de sécurité peut appliquer ces règlements en tout temps.

 

J'ai le sentiment que la restriction sur le champ d'application mentionnée par la Garde côtière canadienne, c'est-à-dire que le RHSP(N) ne s'applique que dans le rayon d'action de la bôme d'un navire, est un concept qui provient du Règlement sur l'outillage de chargement adopté en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. À mon avis, cette restriction visant le champ d'application n'est valide en vertu de cette loi qu'aux fins d'appliquer le Règlement sur l'outillage de chargement. Cependant, avec le temps, les agents de sécurité des deux organisations ont élargi ce concept de manière à ce qu'il s'applique à toutes les dispositions des deux autres règlements. En réalité, il aurait dû être restreint aux exclusions précises figurant à l'article 12.2 de la Partie XII (Manutention et entreposage des matériaux) du RHSP(N) et à l'alinéa 14.2b) de la Partie XIV (Manutention et entreposage des matériaux) du RCSST afin de laisser libre le domaine de la manutention de matériel, dans les cas où de l'outillage de chargement est utilisé, pour que le Règlement sur l'outillage de chargement s'applique.

 

Comme la grue ne fonctionnait pas au moment de l'accident et que l'utilisation d'outillage de chargement n'est pas visé en l'espèce, la Partie XIV du RCSST s'applique et tout agent de sécurité dûment nommé peut en faire observer les dispositions.

 

 

 


3. Y a-t-il eu violation de la disposition sur la formation du conducteur?

 

 

À cette question, ma réponse est que l'employeur n'a pas violé l'alinéa 14.23(1)c) du RCSST de la manière mentionnée dans les instructions.

 

Cette disposition traite précisément de la formation du conducteur, et l'employeur a démontré de façon très satisfaisante que M. Mannion avait bénéficié d'une vaste formation professionnelle sur la conduite du matériel de manutention. M. Mannion était un conducteur accrédité et qualifié qui respectait les exigences en matière de formation. Je suis certain que Vancouver Wharves a assumé ses responsabilités dans ce domaine en s'assurant que M. Mannion reçoive la formation complète nécessaire sur l'utilisation adéquate et sécuritaire du matériel.

 

4. Dans quelle mesure l'employeur a-t-il contrevenu au Code?

 

L'employeur a expliqué pourquoi il n'avait pas fourni les services d'un signaleur. Après des hésitations, j'accepte l'argument de M. Francis portant que la présence d'un signaleur n'était pas nécessaire dans ce cas, principalement parce que la question n'a rien à voir avec l'intention des instructions. L'agent de sécurité n'a pas traité de l'exigence de la présence d'un signaleur pour l'utilisation de matériel de manutention, et je ne devrais pas présumer de ses intentions sur cette question. Il était convaincu qu'un signaleur était présent pour l'utilisation de la grue et que cette mesure respectait les exigences du Règlement. Je ne m'attarderai pas davantage sur ce point.

 

Les instructions données par l'agent de sécurité visaient à régler un problème de sécurité sur le quai lorsqu'un chariot élévateur de remplacement devait être placé à un certain endroit pour être ensuite transporté à bord du chaland. Selon moi, le problème a été la façon dont les matériaux, les marchandises et l'équipement étaient entreposés dans la zone de travail. La tâche qui consistait à déplacer le matériel de manutention, c'est-à-dire le chariot élévateur de remplacement, ne pouvait pas être, et n'a pas été, effectuée en toute sécurité à cause des conditions dangereuses dans lesquelles M. Mannion devait travailler. Les commentaires de M. Tattersall selon lesquels «le travail a été fait à la hâte et on a simplifié quelque peu les procédures...» sont très révélateurs à cet égard.

 

À mon avis, Vancouver Wharves Ltd. a commis l'erreur de laisser la zone où M. Mannion travaillait devenir si encombrée qu'il était impossible de manoeuvrer en sécurité le chariot élévateur de remplacement. Par exemple, les faits suivants ont été établis à ma satisfaction :

 

1. M. Mannion ne pouvait avancer le chariot élévateur de remplacement parce qu'il n'avait pas suffisamment d'espace pour le faire passer entre une pile de sel, de vieux matériaux et une grosse boîte entreposés sur le quai et bloquant son passage ou pour les contourner;

 

2. en conséquence, M. Mannion a dû reculer le chariot;

 


3. en marche arrière, il devait contourner le chariot élévateur endommagé et stationner le chariot de remplacement entre le chaland et le chariot endommagé;

 

4. des angles morts lorsqu'on manoeuvre ces chariots élévateurs en marche arrière exigent du conducteur qu'il se place dans une position anormale pour repérer et éviter les obstacles;

 

5. le chariot élévateur endommagé a été placé par la grue, sous la surveillance de M. Kitchen, à un endroit où il bloquait le passage de M. Mannion;

 

6. lorsque M. Kitchen, le superviseur du site, a ordonné à M. Mannion de conduire le chariot élévateur de remplacement à un endroit précis d'où la grue devait le transporter, il savait dans quelles conditions ce déplacement devrait s'effectuer.

 

Selon moi, à cause du désordre qui régnait sur le quai, M. Mannion ne travaillait pas dans des conditions qui représentaient un cadre de travail sécuritaire. En laissant des produits et des matériaux entreposés sur le quai, en stationnant le chariot élévateur de remplacement près de ces produits et matériaux et en plaçant le chariot endommagé de manière à vraiment bloquer le chariot de remplacement tout en sachant qu'il fallait le déplacer, l'employeur a contrevenu à l'alinéa 14.49(2)c) du RCSST.

 

C'est, à mon avis, la nature de la violation de l'employeur en l'espèce. Je crois que cette conclusion est conforme à l'intention des instructions. Ces dernières devraient donc être modifiées afin de tenir compte de cette situation.

 

Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, JE MODIFIE PAR LES PRÉSENTES les instructions données le 29 septembre 1994 en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, par l'agent de sécurité Andrew Chan à Vancouver Wharves en remplaçant les troisième et quatrième paragraphes des instructions, suivant immédiatement les mots «Partie II» par les deux paragraphes suivants :

 

 

«L'alinéa 125p) du Code canadien du travail, Partie II et l'alinéa 14.49(2)c) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

Des matériaux, des produits ou des choses ne peuvent pas être entreposés ou placés sur les quais d'une manière qui empêche de conduire en toute sécurité le matériel de manutention comme un chariot élévateur à fourche.»


DÉCISION

À L'ÉGARD DES INSTRUCTIONS DONNÉES À L'EMPLOYÉ (ANNEXE B)

 

L'agent de sécurité a donné des instructions à M. Mannion parce que, à son avis, celui-ci avait omis de prendre les mesures nécessaires lorsqu'il a conduit sa machine en marche arrière. M. Mannion savait que M. Kitchen était en train d'enlever les manilles du chariot élévateur endommagé, et c'est à lui qu'incombait la responsabilité de voir où se trouvait M. Kitchen ou tout autre employé travaillant dans le secteur avant de manoeuvrer. Il lui fallait s'assurer que la voie était libre. L'agent de sécurité a expliqué ceci :

 

En outre, en examinant la distance entre les deux machines et la position des roues directrices du 708 (chariot élévateur de remplacement), on peut voir que le mouvement continu du 708 amènera ce dernier en contact avec le 703 (le chariot élévateur endommagé).

 

De toute évidence, M. Mannion a peut-être jeté un coup d'oeil autour pour s'assurer qu'il n'y avait personne sur son chemin, mais il n'a pas évalué la situation correctement, probablement parce que ce jour-là, lui et d'autres employés étaient pressés. Il y a eu collision des chariots élévateurs à fourche, et M. Kitchen a été écrasé entre les deux machines. Cette situation en elle-même constitue une preuve que M. Mannion a omis de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour éviter un accident. Bien que, dans des circonstances normales, une collision de cette nature n'aurait probablement pas entraîné de graves dommages aux machines et aurait probablement eu peu de conséquences pour qui que ce soit se trouvant dans le secteur, ce jour-là elle a entraîné un décès et les conséquences sont extrêmement graves.

 

Je ne peux pas croire que M. Mannion a été irresponsable au point de conduire le chariot élévateur de remplacement sans se soucier de la sécurité de M. Kitchen ou de tout autre employé travaillant dans le secteur. Néanmoins, bien que je n'aurais peut-être pas donné d'instructions à M. Mannion, je conviens avec l'agent de sécurité que M. Mannion doit assumer sa part de responsabilité dans cette affaire dans la mesure où il a omis de se conformer au Code.

 

Une fois qu'un employé bien formé prend le contrôle d'un véhicule à moteur, il doit assumer l'entière responsabilité de ses actes ou de ses fautes lorsqu'il fait fonctionner la machine. C'est le cas également pour toute personne qui conduit un véhicule à moteur, par exemple une automobile. En l'espèce, le conducteur avait la responsabilité de prendre les mesures nécessaires, au moment où il conduisait le matériel de manutention, pour s'assurer qu'il n'allait pas par ses agissements créer une situation dangereuse. Il avait la responsabilité de prendre le temps de s'assurer que la voie était libre et qu'il pouvait reculer sans risque. C'est d'autant plus nécessaire lorsque le matériel de manutention est conduit en marche arrière et encore plus lorsque le secteur est encombré et que des pressions sont exercées pour que le travail se fasse rapidement.

 


Il est regrettable que ces machines n'aient pas été équipées de dispositifs sonores qui avertissent les employés de la zone de travail et qui se déclenchent automatiquement lorsque la machine est conduite en marche arrière. M. Kitchen aurait pu avoir la vie sauve si le chariot élévateur conduit par M. Mannion avait été muni d'un tel dispositif d'avertissement automatique. Le règlement actuel exige uniquement que l'équipement mobile en soit muni. Je crois comprendre que le règlement est en voie d'être modifié de manière à régler ce problème.

 

Cependant, quelle que soit ma sympathie pour M. Mannion, je n'ai d'autre choix que d'appuyer l'agent de sécurité dans ce cas. M. Mannion «a omis de prendre les mesures nécessaires, violant ainsi l'alinéa 126(1)c) du Code Il a omis de s'assurer que la voie que devait emprunter le matériel de manutention qu'il conduisait ne mettrait pas M. Ron Kitchen en danger.

 

Pour tous les motifs mentionnés ci-dessus, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES les instructions données à M. James Edward (Ted) Mannion par l'agent de sécurité Andrew Chan le 6 octobre 1994 en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II.

 

 

Décisions rendues le 31 mai 1995.

 

 

 

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

 


ANNEXE A

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL,

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

 

INSTRUCTIONS À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 28 juin 1994, l'agent de sécurité soussigné a mené une enquête sur le lieu de travail exploité par Vancouver Wharves Ltd., un employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, sis au 1995, West First Street, Vancouver nord (C.-B.), V7P 1A8, ledit lieu de travail étant parfois appelé Vancouver Wharves Ltd.

 

L'agent de sécurité est d'avis qu'il y a eu violation des dispositions suivantes du Code canadien du travail, Partie II, et du RCSST :

 

L'alinéa 125q) du Code canadien du travail, Partie II et l'alinéa 14.23(1)c) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

Il n'y a pas de méthode de travail sécuritaire pour le chargement et le déchargement des chariots élévateurs à l'aide d'une grue mobile relativement à l'exploitation d'un chaland à pulpe.

 

Par conséquent, je vous ORDONNE PAR LES PRÉSENTES, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à la contravention d'ici le 31 octobre 1994.

 

Fait à Vancouver, le 29 septembre 1994.

 

 

Andrew Chan

Agent de sécurité

 

 

Dest. : M. Mike McClellan

Chef, Relations industrielles

Vancouver Wharves Ltd.


ANNEXE B

 

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTIONS À L'EMPLOYÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 28 juin 1994, l'agent de sécurité soussigné a mené une enquête sur le lieu de travail exploité par Vancouver Wharves Ltd., un employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, sis au 1995, West First Street, Vancouver nord (C.-B), V7P 1A8, ledit lieu de travail étant parfois appelé Vancouver Wharves Ltd.

 

L'agent de sécurité est d'avis qu'il y a eu violation de la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II :

 

L'alinéa 126(1)c) du Code canadien du travail, Partie II

 

Défaut de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de ses compagnons de travail ou de toute autre personne au moment de conduire un chariot élévateur le 28 juin 1994 chez Vancouver Wharves Ltd.

 

JE VOUS ORDONNE DONC PAR LES PRÉSENTES, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre immédiatement fin à la contravention sur réception des présentes instructions.

 

Fait à Vancouver, le 6 octobre 1994.

 

 

 

Andrew Chan

Agent de sécurité

 

Dest. : M. James Edward (Ted) Mannion


RÉSUMÉ DE LA DÉCISION D'UN AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no : 95-006

 

Requérants : Vancouver Wharves Ltd. et le Syndicat international des débardeurs et magasiniers

 

DISPOSITIONS :

 

Code : 145(1), 125p), 125q), 126(1)c)

Règlement CSST : 1.4c), 14.2b), 14.23(1)c), 14.49(2)c)

Règlement HSP(N) : 1.3c), 12.2, 12.22(1)b)

 

RÉSUMÉ

 

 

Un accident s'est produit au quai de Vancouver lorsque le contremaître responsable des opérations d'un chaland à pulpe a été mortellement blessé par un chariot élévateur. Un agent de sécurité a donné les instructions suivantes :

 

des instructions à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1) du Code pour violation de l'alinéa 125q) du Code et de l'alinéa 14.23(1)c) du Règlement CSST pour défaut d'appliquer une méthode de travail sécuritaire pour le chargement et le déchargement des chariots élévateurs;

 

des instructions à l'employé, aussi en vertu du paragraphe 145(1) du Code, pour violation de l'alinéa 126(1)c) du Code pour défaut de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la personne décédée.

 

Dans le premier cas, l'ARS a conclu que :

 

(i) les deux règlements, c'est-à-dire le RCSST et le RHSP(N), semblent s'appliquer sur les quais aux employés qui s'occupent du chargement et du déchargement des navires, mais, qu'en réalité, seul le Règlement CSST s'applique sur les quais. Par conséquent, l'ARS a conclu qu'en l'espèce, seul le RCSST s'appliquerait;

 

(ii) l'employeur n'a pas contrevenu à l'alinéa 14.23(1)c) du RCSST puisque cette disposition traite de la formation du conducteur et qu'il a été démontré que l'employé impliqué dans l'accident avait la formation voulue.


2

 

L'ARS a modifié les instructions données à l'employeur parce qu'il a jugé que celui-ci avait contrevenu à l'alinéa 14.49(2)c) du RCSST parce qu'il avait permis que le lieu de travail soit encombré au point qu'il était impossible d'utiliser le matériel de manutention de façon sécuritaire.

 

Dans le second cas, l'ARS a à contrecoeur convenu avec l'agent de sécurité que le conducteur du matériel de manutention doit avoir une parfaite maîtrise de l'équipement qu'il manoeuvre.

 

L'ARS a confirmé les instructions données à l'employé.

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