Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II

SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

Révision, aux termes de l'article 146 de la partie II du

Code canadien du travail,

d'une instruction donnée par un agent de sécurité

 

Décision no 93-103

 

Demandeur:Arnone Transport Limited

Thunder Bay (Ontario)

Représenté par: M. Len Arnone,

président

 

Partie intéressée:Comité de sécurité et de santé

Arnone Transport Limited

Thunder Bay (Ontario)

Représenté par: Mme Diane Cooper,

coprésidente

 

Mis en cause:M. Ted Leindecker

Agent de sécurité

Travail Canada

 

Devant:M. Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

Travail Canada

 

Une visite des lieux de travail, qui font l'objet de l'instruction dans le cas qui nous intéresse, a été effectuée le 5 octobre 1993, en présence des parties en cause. Les circonstances qui ont mené à la présentation de l'instruction ont également fait l'objet d'une audience non officielle.

 

Contexte

 

Dans le rapport sommaire préparé sur cette affaire, l'agent de sécurité a expliqué que, le 13 août 1993, il s'est rendu à la compagnie Arnone Transport Limited pour effectuer une inspection de suivi. Un ancien employé de la compagnie s'était plaint de plusieurs choses, entre autres du fait qu'un poste d'entretien n'était pas muni d'un dispositif de protection; plusieurs cônes oranges et rouges en faisaient office. L'agent de sécurité a donc porté une attention particulière à ces aspects.

 

Pendant l'inspection, il a en effet remarqué qu'il n'y avait pas de dispositif de protection autour du poste d'entretien et qu'il y avait une dénivellation évidente entre le plancher du garage et celui du poste. Il a également constaté qu'il n'y avait aucun camion ni aucun autre véhicule au-dessus du poste. Il a fait savoir à M. Cooper, chef du parc d'Arnone Transport Limited, que les cônes oranges et rouges ne constituaient pas un dispositif de sécurité acceptable pour protéger les employés.

 

On nous a dit qu'il y avait déjà eu un garde-fou mais étant donné que c'était compliqué de le retirer et de le remettre en place chaque fois qu'un camion entrait ou sortait, on a décidé de l'ôter. En mesurant la profondeur du poste, l'agent de sécurité a constaté que la dénivellation avait entre 0,5 et 4,0 cm de moins que le niveau minimal prévu au paragraphe 2.4(2) de la Partie II (Sécurité des bâtiments) du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail (le Règlement), soit 1,2 mètre.

 

Le 17 août 1993, l'agent de sécurité s'est rendu à nouveau sur les lieux et a présenté à la compagnie Arnone Transport Limited une instruction en vertu des alinéas 145(2)a) et b) de la partie II du Code canadien du travail (le Code). Cette instruction se lit en partie comme suit [traduction] :

 

«Ledit agent de sécurité estime que l'ouverture dans le plancher qui tient lieu de poste d'entretien dans le garage constitue un danger pour un employé au travail,

c'est-à-dire :

 

Le poste d'entretien dans le garage n'est pas muni d'un dispositif de sécurité. Il n'y a aucun garde-fou, de sorte que les employés du garage risquent en tout temps de tomber dans le poste et de se blesser.

 

En conséquence, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, conformément à l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre immédiatement des mesures propres à parer au danger, et de protéger toute personne contre ce danger.

 

Il vous est en outre ORDONNÉ, conformément à l'alinéa 145(2)b) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser d'utiliser le poste d'entretien visé dans l'avis no 5599, lequel a été affiché conformément au paragraphe 145(3), tant que les mesures ordonnées n'auront pas été prises.

 

Fait à Thunder Bay le 17 août 1993.»

 

Le 19 août 1993, l'agent de sécurité s'est rendu à nouveau sur les lieux et a constaté que l'employeur avait pris les mesures ordonnées; il a donc retiré l'avis de danger. Un garde-fou et une rampe intermédiaire avaient été installés.

 

Arguments de l'employeur

 

M. Arnone prétend que l'agent de sécurité a fait une erreur, car il a fondé son instruction sur les exigences de la partie 9 du Code national du bâtiment de 1985 (CNB de 1985). Dans le résumé qu'il a rédigé sur cette affaire et également dans une lettre qu'il avait envoyée à M. Arnone, l'agent de sécurité mentionnait que, selon lui, il y avait infraction aux dispositions suivantes :

 

Articles 122.1 et 124 et alinéas 125 a), b), p) et u) de la

partie II du Code canadien du travail, article 2.1 du

Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail et

articles 9.8.8.1 et 9.8.8.3 du Code national du bâtiment.

 

Selon M. Arnone, ces dispositions, et plus précisément les articles du CNB de 1985, ne s'appliquent pas au cas qui nous occupe, mais bien aux garages de stationnement à rampes.

 

À plusieurs reprises pendant l'audience, M. Arnone a souligné qu'il était d'accord sur le fait qu'il fallait mettre des dispositifs de sécurité pour empêcher les gens de tomber dans le poste d'entretien. Il a également précisé qu'il partageait l'avis de l'agent de sécurité et qu'il était dangereux de ne pas mettre de dispositif de protection autour du poste pendant les heures de fermeture, c'est-à-dire selon son interprétation, en dehors des heures d'ouverture et pendant les fins de semaine et les jours fériés. Ainsi, pendant les heures dites de fermeture, le poste serait bloqué par une barrière ou alors un camion serait stationné au-dessus.

 

M. Arnone pensait également qu'il était inconcevable de devoir remettre le garde-fou en place toutes les fois qu'un camion sortait. Selon l'agent de sécurité, le fait de stationner un camion au-dessus du poste ou le fait de demander à quelqu'un de surveiller le poste lorsqu'un camion sort seraient des mesures de sécurité acceptables; M. Arnone en convient avec lui. Ces mesures satisferaient d'ailleurs aux exigences de l'instruction.

 

Décision

 

Il ne s'agit pas ici de déterminer si l'instruction est justifiée ou non. Les parties en cause admettent volontiers qu'il y a un danger lorsque le poste d'entretien n'est pas muni d'un dispositif de sécurité. Par conséquent, l'instruction est fondamentalement valable.

 

Il s'agit plutôt de déterminer si l'employeur est obligé de mettre un garde-fou, étant donné que l'agent de sécurité a expliqué qu'il s'était appuyé sur une disposition du Code national du bâtiment de 1985 (CNB 1985). Pourrait-on se conformer à l'instruction d'une autre façon et satisfaire quand même aux exigences de la législation? Selon l'agent de sécurité, c'est possible, et je suis d'accord sur cette conclusion. Toutefois, c'est dans le raisonnement qui nous mène à cette conclusion que nous sommes en désaccord.

 

Le poste d'entretien est une ouverture dans le plancher. Or, il est expressément question de ce genre d'ouverture au paragraphe 2.4(2) du Règlement, qui se lit comme suit :

 

 

«2.4(2) Lorsqu'un employé a accès à une ouverture dans le mur

et que la dénivellation est de plus de 1,2 m, ou à une

ouverture dans le plancher, l'ouverture dans le plancher ou

l'ouverture dans le mur doit être munie de garde-fous ou

couverte de matériaux pouvant recevoir toutes les charges qui

peuvent y être appliquées.»

 

L'agent de sécurité a expliqué que l'instruction était fondée sur le CNB de 1985, car, en mesurant la profondeur du poste de graissage, il a constaté que la dénivellation avait de 0,5 à 4,0 cm de moins que le niveau minimal prévu au paragraphe 2.4(2) du Règlement, à savoir 1,2 m. Cet écart exclurait de l'application du Règlement l'ouverture dans le plancher du garage de la compagnie Arnone Transport Limited. L'agent de sécurité en est donc arrivé à la conclusion qu'il devait appliquer les dispositions du CNB de 1985 pour résoudre le problème. Je ne suis pas d'accord sur cette interprétation.

 

Au paragraphe 2.4(1) du Règlement, on définit l'expression «ouverture dans le plancher» comme suit :

 

«ouverture dans le plancher : ouverture, dans un plancher, une plate-forme, la chaussée ou une cour, dont la plus petite dimension est d'au moins 300 mm.»

 

Il n'est pas spécifié au paragraphe 2.4(2) du Règlement que la dénivellation, dans le cas d'une ouverture dans le plancher, doit être de plus de 1,2 m. Selon moi, cette exigence s'applique seulement à une ouverture dans le mur. Cette disposition s'appliquerait à toute ouverture dans le plancher, sauf celles énumérées au paragraphe 2.4(4) du Règlement, pourvu que l'ouverture soit d'au moins 300 mm. Ainsi, le poste d'entretien d'Arnone Transport Limited entre dans cette catégorie d'ouvertures et est, par conséquent, soumis à l'application de l'article 2.4 du Règlement.

 

Le CBN de 1985, qui traite des dispositifs de sécurité en général, est une norme du bâtiment qui est incorporée par renvoi dans le Règlement. Le CNB de 1985 est moins précis que la disposition du Règlement concernant les ouvertures dans le plancher. Aux fins d'interprétation, la norme plus précise l'emporte sur la norme moins précise. Ainsi, c'est le Règlement et non le CNB de 1985 qui s'applique dans le cas qui nous intéresse.

 

Le paragraphe 2.4(2) du Règlement donne aussi les moyens à prendre pour se conformer à la loi. Il y est précisé que l'ouverture dans le plancher «doit être munie de garde-fous ou couverte de matériaux pouvant recevoir toutes les charges qui peuvent y être appliquées.»

Il est donc évident que, si Arnone Transport Limited décide de ne pas installer de garde-fous, la compagnie peut toujours choisir l'autre option étant donné l'utilisation de la conjonction «ou», c'est-à-dire couvrir l'ouverture «de matériaux pouvant recevoir toutes les charges qui peuvent y être appliquées». De plus, les matériaux utilisés doivent être «fixés aux pièces de charpente et supportés par elles», tel que spécifié au paragraphe 2.4(3) du Règlement.

 

De toute évidence, les mesures à prendre pour se conformer à l'article 2.4 du Règlement peuvent causer beaucoup de dérangement dans des lieux de travail comme le garage d'Arnone Transport Limited. D'ailleurs, c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles certaines lois provinciales excluent les postes d'entretien du champ d'application de ces exigences réglementaires.

Par exemple, le paragraphe 2.4(2) du Règlement ne précise pas quand exactement les contrevenants doivent se conformer aux exigences. Je laisse donc à l'agent de sécurité le soin de déterminer, après en avoir discuté avec les représentants d'Arnone Transport Limited et les membres du comité de sécurité et de santé, les mesures qui doivent être prises pendant les courtes périodes où les véhicules entrent et sortent du garage. Lorsque le poste d'entretien n'est pas utilisé pour de plus longues périodes pendant la journée, il faut adopter l'une ou l'autre des mesures de sécurité mentionnées au paragraphe 2.4(2) du Règlement.

 

Il faudrait que les représentants d'Arnone Transport Limited comprennent bien que le Code et le Règlement s'appliquent lorsque les employés travaillent ou sont censés être au travail. Les situations en dehors des heures de travail, pendant les fins de semaine et les jours fériés, où les employés ne sont habituellement pas là, ne sont pas prévues par le Code. Malgré tout, la compagnie Arnone Transport Limited pourrait, à titre de responsable, vouloir couvrir l'ouverture même pendant ces périodes pour éviter que des accidents ne se produisent.

 

Afin qu'il soit bien clair que l'article 2.4 du Règlement s'applique au poste d'entretien d'Arnone Transport Limited et qu'il soit fait état des diverses options pour se conformer à la loi, je modifie donc l'instruction donnée en remplaçant le paragraphe suivant, à savoir

«Le poste d'entretien dans le garage n'est pas muni d'un dispositif de sécurité. Il n'y a aucun garde-fou, de sorte que les employés du garage risquent en tout temps de tomber dans le poste et de se blesser»,

 

par les deux paragraphes que voici :

 

«Le poste d'entretien dans le garage n'est pas muni d'un dispositif de sécurité. L'ouverture n'est pas munie de garde-fous ni couverte de matériaux pouvant recevoir toutes les charges qui peuvent y être appliquées, de sorte que les employés qui travaillent dans le garage risquent en tout temps de tomber et de se blesser.

 

Alinéas 125 a), b) et p) du Code canadien du travail, partie II, et article 2.4 du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail.»

 

Décision rendue le 9 novembre 1993.

 

 

 

L'agent régional de sécurité,

Serge Cadieux

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