Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

 

Référence :

Société canadienne des postes et Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2012 TSSTC 43

 

 

 

 

Date :

2012-11-28

 

No. dossier :

2012-62

 

Rendue à :

Ottawa

Entre :

 

 

Société canadienne des postes, demanderesse

et

 

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, défendeur

 

 

 

 

Affaire :

Demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction

 

Décision :

La suspension de la mise en œuvre de l’instruction n’est pas accordée

 

Décision rendue par :

M. Michael Wiwchar, agent d’appel

 

Langue de la décision :

Anglais

 

Pour la demanderesse :

Me Stephen Bird, avocat, Bird Richard

 

Pour le défendeur :

Me David Bloom, avocat, Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre and Cornish LLP


MOTIFS DE LA DÉCISION

 

  • [1] Le 28 septembre 2012, la Société canadienne des postes (SCP) a interjeté appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) d’une instruction donnée par Mme Amy Campbell, agente de santé et de sécurité (AG. SS) du Programme de travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) le 21 septembre 2012. Le 11 octobre 2012, la demanderesse a déposé une demande de suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction, conformément au paragraphe 146(2) du Code.

 

Contexte

 

  • [2] Le 11 septembre 2012, l’AG. SS Campbell a visité le lieu de travail exploité par la SCP situé au 688, rue Brant, à Burlington (Ontario), aux fins de mener une enquête sur une plainte. Durant cette visite, elle était accompagnée par le plaignant, un membre employé du comité, le président local du syndicat, le surintendant par intérim, un membre employeur du comité, le directeur de santé et de sécurité de la SCP et un conseiller à la santé et à la sécurité de la SCP.

 

  • [3] Après avoir mené son enquête, l’AG. SS a émis une instruction à la SCP le 21 septembre 2012. L’instruction se lit comme suit [traduction] :

 

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 11 septembre 2012, l’agente de santé et de sécurité soussignée a mené une enquête sur une plainte dans le lieu de travail exploité par la SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, au 688, rue Brant, Burlington (Ontario), L7R 2H0, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de Postes Canada – Burlington.

 

Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II, a été violée.

 

No. /N° : 1

 

Alinéa 125(1)z.12) – Code canadien du travail, partie II

 

Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève, de veiller à ce que le comité local ou le représentant inspecte chaque mois tout ou partie du lieu de travail, de façon que celui-ci soit inspecté au complet au moins une fois par année.

 

L’employeur a omis de s’assurer que le comité local de santé et de sécurité inspecte chaque mois tout ou partie du lieu de travail, de façon que chaque partie du lieu de travail soit inspectée au moins une fois par année. L’activité d’inspection actuelle du lieu de travail par le comité local de santé et de sécurité est limitée à l’immeuble situé au 688, rue Brant, Burlington (Ontario).

 

No. /N° : 2

 

Alinéa 135(7)e) – Code canadien du travail, partie II

 

Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, participe à toutes les enquêtes, études et inspections en matière de santé et de sécurité des employés, et fait appel, en cas de besoin, au concours de personnes professionnellement ou techniquement qualifiées pour le conseiller.

 

Dans le cadre de la Gestion nationale des postes de facteurs, le programme d’inspection de l’employeur exige des superviseurs qu’ils effectuent des inspections des tâches des factrices et facteurs appelées « Activités en cours d’itinéraire et observations sur le travail sécuritaire ». L’employeur refuse de permettre au comité local de santé et de sécurité toute participation à cette activité d’inspection qui a trait à la santé et la sécurité des employés en milieu de travail.

 

No. /N° : 3

 

Alinéa 125(1)z.11) – Code canadien du travail, partie II

 

Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève, de fournir au comité d’orientation, ainsi qu’au comité local ou au représentant, copie de tout rapport sur les risques dans le lieu de travail, notamment sur leur appréciation.

 

Dans le cadre du programme d’inspection des activités en cours d’itinéraire et observations sur le travail sécuritaire de la Gestion nationale des postes de facteurs, l’employeur remplit un formulaire de rapport après chaque « observation sur le travail sécuritaire ». L’employeur a fait défaut de fournir les dossiers d’inspection produits par ces inspections des activités en cours d’itinéraire au comité de santé et de sécurité, tel que requis. L’employeur a également fait défaut de fournir des Rapports – problème de livraison du courrier, qui indique les risques pour la santé et la sécurité signalés au comité de santé et de sécurité par les employés.

No/N° : 4

 

Alinéa 125(1)z.19) – Code canadien du travail, partie II

 

Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève, de consulter le comité local ou le représentant pour la mise en œuvre et le contrôle d’application des programmes élaborés en consultation avec le comité d’orientation.

 

En faisant défaut de fournir le document Activités en cours d’itinéraire et observations sur le travail sécuritaire de la Gestion nationale des postes de facteurs, classés « confidentiel », ainsi que les rapports désignés au point 3 ci-dessus, l’employeur a omis de consulter le comité local de santé et de sécurité, tel que requis, sur la mise en œuvre et la surveillance du programme d’inspection des activités en cours d’itinéraire et observations sur le travail sécuritaire de la Gestion nationale des postes de facteurs.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 7 novembre 2012.

 

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, dans les délais précisés par l’agent de santé et sécurité, de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

 

Émise à Burlington, ce 21 septembre 2012.

 

 

Amy Campbell

Agente de santé et de sécurité

Numéro de certificat : ON3052

 

  • [4] Le 28 septembre 2012, l’avocat de la demanderesse a interjeté appel de l’instruction émise par l’AG. SS Campbell devant le Tribunal, et le 11 octobre 2012, l’avocat a déposé une demande de suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction. En raison de la gravité et de la complexité de la question, la demanderesse sollicitait dans la même lettre que la demande de fasse l’objet d’une audition viva voce et qu’elle soit inscrite au rôle suivant le processus accéléré. En outre, l’avocat de la demanderesse a demandé que l’AG. SS Campbell soit convoquée à l’audience de la demande de suspension pour qu’elle produise des documents supplémentaires en plus de ses notes d’enquête. Le 17 octobre 2012, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a confirmé son intention d’agir à titre de défendeur dans la présente affaire et qu’il allait être représenté par un avocat.

 

  • [5] Dans une lettre adressée au Tribunal le 18 octobre 2012, l’avocat de la demanderesse a fait savoir que la demanderesse était disposée à se présenter à l’audience concernant la demande de suspension le soir ou les fins de semaine, au besoin, pour accélérer l’affaire, étant donné que la date de conformité de l’instruction approchait. Le même jour, le Tribunal a proposé aux deux parties les dates du 22 au 24 octobre pour tenir une audition viva voce et a indiqué que l’agent d’appel qui avait été initialement nommé pour entendre la demande de suspension serait à l’étranger après ces dates jusqu’à la semaine du 19 novembre. L’avocat de la demanderesse a répondu qu’il ne pouvait pas être libre du 22 au 24 octobre. L’avocat du défendeur a ensuite informé la demanderesse et le Tribunal qu’il ne pouvait pas être libre pour une audition orale avant la nouvelle année.

 

  • [6] Le 5 novembre 2012, l’avocat de la demanderesse a demandé que l’agent d’appel convoque une téléconférence pour se prononcer sur la demande de suspension. En outre, étant donné que la demanderesse n’avait que deux jours avant que l’instruction n’entre en vigueur, l’avocat de la demanderesse a demandé au Tribunal d’accorder une suspension provisoire de la mise en œuvre de l’instruction faisant l’objet de l’appel jusqu’à ce que la demande de suspension puisse être entendue.

 

  • [7] Dans le but d’accélérer la procédure et de donner aux parties l’occasion de présenter leurs arguments avant que l’instruction n’entre en vigueur, l’affaire m’a été confiée. Une audition pour la demande de suspension a eu lieu en conséquence le 7 novembre 2012. Étant donné que le temps est un élément important des questions soulevées dans la présente affaire, j’ai décidé d’entendre cette demande de suspension par téléconférence, une pratique à laquelle les agents d’appel ont recours dans la plupart des cas et qui s’est révélée très efficace. Parmi les personnes présentes lors de la téléconférence, on trouvait Me Bird, l’avocat de la demanderesse, Me Bloom, avocat du défendeur, et l’AG. SS Campbell, qui était présente pour une partie de l’appel.

 

  • [8] Ma décision sur cette question a été rendue et communiquée aux deux parties le 8 novembre 2012, et celles-ci ont été informées que les motifs de ma décision suivraient peu de temps après.

 

Analyse

 

  • [9] Le pouvoir d’un agent d’appel d’accorder une suspension découle du paragraphe 146(2), qui se lit comme suit :

 

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

 

  • [10] Pour statuer sur la présente demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction, j’ai appliqué le test en trois volets ci‑dessous qui a été envoyé aux parties avant l’audition :

 

  • 1) Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;

 

  • 2) Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;

 

  • 3) Le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

 

  • [11] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la demanderesse sollicite la suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction du 21 septembre 2012. Bien que certains arguments présentés lors de la téléconférence se rapportent à un point en particulier, je me pencherai dans l’analyse suivante sur les arguments soulevés pour les deux points, dans l’ordre où ils m’ont été présentés par les parties durant la téléconférence.

 

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que frivole ou vexatoire?

 

  • [12] Lors de la téléconférence, j’ai indiqué aux parties qu’à partir de mon évaluation initiale de la présente cause, j’étais d’avis que la question qui devait être tranchée était en fait sérieuse. En dépit d’une objection formulée par le défendeur, faisant valoir que l’appel est fondé sur une question d’interprétation du Code et que le demandeur doit apporter la preuve des raisons pour lesquelles cette question en est une qui est sérieuse à trancher, j’ai conclu que je suis convaincu que les exigences du premier critère ont été satisfaites.

 

La demanderesse subirait-elle un préjudice important si l’instruction n’est pas suspendue?

 

  • [13] La demanderesse a commencé par déclarer qu’il y a 74 itinéraires de facteurs dans la région de Burlington, qui consiste en 38 000 points de remise dans une zone qui couvre environ 30 km2, comme l’indique la carte fournie par la demanderesse avant la tenue de la téléconférence. Il y a également aussi des factrices et facteurs ruraux qui travaillent à partir de cette installation. Dans les limites de ces points de remise, il y a quelques installations qui ne sont pas contrôlées par l’employeur ou par un individu, comme les centres commerciaux, les tours de bureaux et les immeubles d’habitation avec livraison à domicile.

 

  • [14] La demanderesse a fait valoir que, parce que l’instruction s’applique au comité local de santé et de sécurité, elle s’applique aux itinéraires qui comprennent des factrices et facteurs. Elle a indiqué qu’il y a 16 factrices et facteurs ruraux, qui desservent 8 604 points de remise et collectivement, ils parcourent environ 540 km par jour. Le travail de jour des factrices et facteurs est mesuré et ils font l’objet d’une étude de mouvements pendant huit heures, dont six heures sont consacrées à la livraison du courrier à pied. Cependant, elle a ajouté que dans le cadre du système de mesure des itinéraires de facteurs, les factrices et facteurs n’obtiennent de crédit que pour se rendre à un certain pourcentage de maisons pour un jour donné, car il se peut qu’il n’y ait pas de courrier pour chacune des maisons chaque jour.

 

  • [15] La demanderesse a fait valoir que le pourcentage de couverture à Burlington est de 75,4 %. Par conséquent, six heures de marche en ligne droite ne couvriraient pas l’ensemble de l’itinéraire, si le comité local de santé et de sécurité locale devait le parcourir à pied. En outre, si les factrices et facteurs parcourent l’itinéraire à pied, ils ne se mettent pas à regarder quoi que ce soit et ne cherchent pas non plus à analyser quoi que ce soit. La demanderesse a soutenu que si l’on devait multiplier les six heures par itinéraire par le nombre d’itinéraires, soit 74 au total, il faudrait 444 heures pour couvrir tous les itinéraires par une simple marche. En outre, à 100 % de couverture, il faudrait 555 heures, soit près d’un quart d’une année, juste pour effectuer le parcours sans porter une attention particulière à ce qui se passe autour. La demanderesse a ajouté que pour obtenir un chiffre plus réaliste, il faudrait appliquer un multiple en ce qui concerne le temps, si le comité local de santé et de sécurité devait mener un quelconque type d’enquête ou évaluer quoi que ce soit de façon précise. Selon la demanderesse, ce multiple se situerait quelque part entre deux et peut-être dix fois, car cela peut prendre d’une à deux minutes pour regarder quelque chose, alors qu’un facteur aurait un pas normal sans s’arrêter.

 

  • [16] En ce qui concerne les 16 factrices et facteurs ruraux, la demanderesse a soutenu qu’ils circulent à peu près partout dans l’îlot de 30 km2 couvert par l’instruction. Le lieu de travail de ces factrices et facteurs ruraux est leur véhicule. Selon la demanderesse, chacun des itinéraires et chaque point de remise est un lieu de travail selon la définition de l’AG. SS Campbell; par conséquent, les factrices et facteurs ruraux ne pourraient pas parcourir la route à 80 km/h, s’ils doivent mener une inspection. La demanderesse a ajouté que si l’on doit donner un tant soit peu de crédibilité à la définition de l’AG. SS Campbell, il faudrait inspecter chaque itinéraire à Burlington qu’une factrice ou un facteur rural parcourt.

 

  • [17] La demanderesse fait valoir qu’il faudra au moins deux membres du comité de santé et de sécurité pour couvrir les routes, puisqu’il s’agit d’une tâche bipartite. En tenant compte du fait que cette tâche pourrait prendre au moins un quart de l’année pour couvrir tous les itinéraires, le temps qui y serait consacré par le comité équivaudrait à environ la moitié d’une année. En outre, l’instruction s’appliquera également aux superviseurs qui parcourront les itinéraires pour mener les inspections. Les superviseurs font partie d’un autre syndicat qui dispose d’un comité de santé et de sécurité distinct. La demanderesse a prétendu qu’une inspection serait également nécessaire auprès d’eux. Par conséquent, à Burlington seulement, l’employeur devra inspecter tous les itinéraires de facteurs et chaque parcours de factrices et facteurs ruraux deux fois, si chaque point de remise potentiel est considéré comme un lieu de travail. L’inspection d’une seule station pourrait prendre jusqu’à plus de la moitié d’une année à temps plein de leur travail.

 

  • [18] Selon la demanderesse, si une suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction n’est pas accordée, le préjudice qu’elle subira entraînera des dépenses importantes engagées relativement aux inspections requises à Burlington. Il a été indiqué que ces dépenses sont difficiles à quantifier, car il n’est pas possible de savoir combien de temps un membre du comité resterait à un endroit en particulier pour faire une évaluation. Quand j’ai demandé à l’avocat de la demanderesse si les dépenses constituaient le salaire engagé, il a répondu par l’affirmative, ajoutant que cela prendrait au moins deux personnes pour effectuer les inspections. L’avocat a également ajouté qu’il est difficile de savoir ce qui doit être inspecté, que ce soit les routes ou les trottoirs, car chaque endroit est un lieu de travail selon l’AG. SS Campbell. Par conséquent, n’importe quel endroit en dehors des quatre murs de l’installation est un lieu de travail, aussi longtemps que le temps du travailleur est rémunéré. On a prétendu qu’une telle exigence aurait des effets dévastateurs sur la capacité du comité d’effectuer tout autre travail.

 

  • [19] Quant au défendeur, l’avocat a soutenu que pour le point 1, le préjudice allégué par la demanderesse semble se rapporter à la quantité de temps qui pourrait être nécessaire pour se conformer à l’instruction. Il a ajouté qu’il semblerait que l’argument de la demanderesse est essentiellement qu’il y aurait une allocation de temps dont les coûts sont substantiels. Selon le défendeur, l’objet de l’instruction est le fait que l’activité d’inspection actuelle se limite à un seul endroit, où seul un faible pourcentage du travail a effectivement lieu. L’avocat du défendeur a ajouté qu’il ne peut pas répondre aux précisions qui ont été soumises par la demanderesse en ce qui concerne le temps réel qui serait nécessaire.

 

  • [20] En ce qui concerne le point 2, le défendeur a fait valoir que la portée de la participation du comité de santé et de sécurité est déterminée par le comité lui-même. Par conséquent, il est possible que le comité décide qu’un seul membre est tenu d’inspecter les lieux de travail qui sont couverts par le point 1. Il a souligné que la demanderesse a suggéré que deux membres du comité inspectent chaque emplacement dans le lieu de travail et il doit être reconnu que cela pourrait se produire sur une année entière. Il a fait valoir que le temps et les coûts à cette étape-ci sont incertains, et il existe un élément de spéculation à l’égard de ce qui serait réellement nécessaire.

 

  • [21] Le défendeur a renvoyé à une décision de la Cour fédérale présentée par la demanderesse, Société canadienne des postes c. Canada (Procureur général) [1] (affaire Pollard), où la Cour fait une analyse quant à l’application du critère créé par la Cour suprême du Canada pour les demandes de suspension de la mise en œuvre d’une instruction dans l’arrêt RJR – MacDonald [2] . La Cour fédérale a déclaré dans la décision Pollard que la partie sollicitant la suspension d’une procédure doit présenter une preuve claire et convaincante du préjudice irréparable. Les cours ont régulièrement jugé qu’un préjudice qui n’est que conjectural, ou qui n’est prouvé qu’indirectement, ne suffit pas. Le défendeur a soutenu que, dans le cas présent, il y a un élément de spéculation quant au temps et aux coûts qui seraient nécessaires. Le défendeur a souligné que le Tribunal a déclaré que le coût n’est pas en soi un préjudice important ou irréparable, et dans le cas présent, on se retrouve avec le témoignage de la demanderesse selon lequel il lui faudrait consacrer beaucoup de temps et de ressources pour se conformer à l’instruction. Par conséquent, le défendeur a fait valoir que la demanderesse n’a pas satisfait à l’exigence normale d’une preuve claire et convaincante du préjudice irréparable ou important.

 

  • [22] Selon le défendeur, la preuve présentée par la demanderesse que la conformité à l’instruction pourrait être très coûteuse ou prendre beaucoup de temps n’est pas d’une qualité suffisante ou d’une nature suffisamment précise pour satisfaire aux exigences qui sont normalement appliquées. Le défendeur a reconnu que si l’instruction est interprétée de façon très large par le comité de santé et de sécurité, il pourrait en résulter une certaine répartition du temps et des ressources, mais il n’y a aucune certitude quant à la façon dont l’instruction sera interprétée par le comité. Et à cette fin, le défendeur a soutenu que ce qui reste est la spéculation de la demanderesse relativement à la façon dont cela pourrait être interprété par le comité et la façon dont cette interprétation pourrait aggraver ou prolonger le temps et les ressources nécessaires.

 

  • [23] En réponse, la demanderesse a fait valoir, à l’égard de l’observation du défendeur selon laquelle le comité local de santé et de sécurité peut déterminer son propre niveau de participation, que le document de RHDCC soumis par la demanderesse intitulé « Participation du comité d’hygiène et de sécurité ou du représentant aux enquêtes et aux investigations – Partie II – Code canadien du travail, 935–1–IPG–004 » s’applique et doit être considéré en ce qui concerne le deuxième point de l’instruction et non le premier.

 

  • [24] En ce qui concerne la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Pollard précitée, la demanderesse a fait valoir que l’affaire concernait un itinéraire particulier où la SCP avait déjà apporté des modifications, alors que la présente affaire concerne un préjudice potentiel qui n’a pas encore eu lieu et pour lequel la SCP n’a pas apporté d’amélioration directe. Il a été ajouté que dans l’affaire qui nous intéresse, il est possible de savoir exactement ce en quoi consiste le préjudice potentiel, et on en connaît davantage que ce qui s’appliquait dans l’affaire Pollard. Il a été précisé qu’il est possible de formuler certaines théories, car nous savons combien de facteurs se trouvent dans l’installation et le temps qui doit être consacré.

 

  • [25] Après avoir examiné attentivement les arguments présentés par les deux parties, j’en suis venu à la conclusion que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice sérieux si une suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction n’est pas accordée.

 

  • [26] Bien que la demanderesse ait fait référence à un certain nombre de faits, tels que le temps requis pour enquêter chacun des points de remise et chaque itinéraire dans la région de Burlington, elle n’a pas été en mesure, à mon avis, de démontrer comment ces facteurs vont causer un préjudice important à l’employeur. Quand j’ai posé une question à ce sujet, la demanderesse a convenu que le préjudice allégué constitue essentiellement le temps et le salaire des employés délégués pour effectuer la tâche d’inspecter les itinéraires.

 

  • [27] Même si je reconnais que le respect de l’instruction jusqu’à ce que l’affaire soit réglée au fond peut potentiellement nécessiter que du temps et des ressources supplémentaires soient consacrés par l’employeur, la demanderesse ne m’a pas convaincu que cela équivaut à un préjudice important. Comme l’a mentionné le défendeur, les agents d’appel ont statué que l’allégation de préjudice ne peut être fondée principalement sur un préjudice de nature pécuniaire à moins que son importance puisse être clairement démontrée, ce que la demanderesse n’a pas fait.

 

  • [28] Les arguments présentés par la demanderesse étaient largement fondés sur l’hypothèse selon laquelle l’instruction de l’AG. SS Campbell comporte des exigences qui sont pratiquement impossibles à satisfaire. Je crois que la question de savoir si les exigences contenues dans l’instruction sont trop sévères est centrale à la résolution de la présente cause, et, par conséquent, elle sera mieux tranchée lorsque l’appel sera entendu au fond par un agent d’appel.

 

Quelles mesures seront mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise sur le lieu de travail si la suspension est accordée?

 

  • [29] Compte tenu de mon rejet du deuxième critère, je n’ai pas à considérer ce critère-ci.

 

Décision

 

  • [30] La demande de suspension de la mise en œuvre des points 1 et 2 de l’instruction émise par l’AG. SS Amy Campbell le 21 septembre 2012 est refusée.

 

 

 

 

Michael Wiwchar

Agent d’appel



[1] Société canadienne du Canada c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1011.

[2] RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311.

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