Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

 

 

 

 

 

Date :

2015-11-25

 

Dossier :

2014-41

 

 

 

 

Entre :

 

 

4186397 Canada inc., faisant affaire sous le nom de TFI Transport 7 L.P.
(Canadian Freightways Limited), appelante

 

 

 

Indexé sous : Canadian Freightways Limited

 

 

Affaire :

Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction émise par une agente de santé et de sécurité.

 

Décision :

L’instruction est confirmée.

 

Décision rendue par :

M. Olivier Bellavigna-Ladoux, agent d’appel

 

Langue de la décision :

Anglais

 

Pour l’appelante :

M. Tim Christensen, directeur, Sécurité et conformité

 

Référence :

2015 TSSTC 22


MOTIFS DE DÉCISION

 

  • [1] La présente affaire concerne un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail(ci-après le « Code ») par 4186397 CANADA INC., faisant affaire sous le nom de TFI Transport 7 L.P. (ci-après dénommée « Canadian Freightways », l’« appelante » ou l’« employeur »), d’une instruction émise le 22 août 2014 par Mme Melissa Morden, agente de santé et de sécurité (ci-après dénommée l’« agente de SST »).

 

Contexte

 

  • [2] Le 10 juin 2014, l’agente de SST Morden et sa collègue, l’agente de SST Betty Ryan, ont effectué une inspection dans le lieu de travail exploité par Canadian Freightways dans la ville de Victoria (Colombie-Britannique).

 

  • [3] Pendant sa visite d’inspection, l’agente de SST Morden a noté que les deux (2) chariots élévateurs à fourches en cours d’utilisation n’étaient pas munis d’avertisseurs sonores de marche arrière. Les représentants de Canadian Freightways l’ont informée qu’ils avaient enlevé les avertisseurs sonores de marche arrière à la demande des employés qui étaient indisposés par le bruit que les avertisseurs émettaient. L’agente de SST Morden a constaté également que des membres du public ainsi que d’autres employés entraient dans l’aire du quai de transbordement où les chariots élévateurs à fourches étaient en cours d’utilisation.

 

  • [4] Estimant que le retrait des avertisseurs sonores de marche arrière enfreignait le Code et le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail ( ci-après le « RCSST »), l’agente de SST Morden a envoyé à l’appelante un formulaire de promesse de conformité volontaire (PCV) et lui a accordé un (1) mois pour donner suite au constat d’infraction établi.

 

  • [5] Après avoir été informée de l’intention de l’employeur de ne pas corriger la situation et de ne pas se conformer à la PCV, l’agente de SST Morden a décidé d’émettre une instruction à l’appelante constatant une contravention à l’alinéa 125(1)k) du Code et à l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST.

 

  • [6] L’instruction se lit comme suit :

 

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 10 juin 2014, l’agente de santé et de sécurité soussignée a effectué une inspection dans le lieu de travail exploité par 4186397 CANADA INC., faisant affaire sous le nom de TFI Transport 7 L.P., un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, ledit lieu de travail étant situé au 2952 Ed Nixon Terrace, Victoria (Colombie-Britannique) V9B 0B2 et parfois appelé « Canadian Freightways Limited ».

 

Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II, a été enfreinte :

 

Contravention 1

 

Alinéa 125(1)k) de la partie II du Code canadien du travail (partie II), alinéa 14.16(1)b) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST).

 

L’employeur a omis de s’assurer que les chariots élévateurs à fourches sont munis d’un klaxon ou autre avertisseur sonore du même genre qui fonctionne automatiquement lorsque le chariot fait marche arrière.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) du Code canadien du travail, partie II, de mettre fin à la contravention au plus tard le 8 septembre 2014.

 

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) du Code canadien du travail, partie II, dans les délais précisés par l’agente de santé et de sécurité, de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

 

Émise à Vancouver (C.-B.) le 22e jour d’août 2014.

 

[Signée]

Melissa Morden

Agente de santé et de sécurité

[…]

 

À : 4186397 CANADA INC., faisant affaire sous le nom de TFI Transport 7 L.P.

2952 Ed Nixon Terrace

Victoria (Colombie-Britannique)

V9B 0B2

 

  • [7] Le 3 septembre 2014, M. Tim Christensen, directeur, Sécurité et conformité, a déposé un avis d’appel de l’instruction au nom de l’employeur. L’avis d’appel était accompagné d’une demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction jusqu’à la conclusion définitive de l’appel.

 

  • [8] Initialement, le Syndicat canadien des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 378 (ci-après dénommé « COPE Local 378 »), un syndicat représentant les employés de Canadian Freightways, avait exprimé son intention de prendre part aux procédures d’appel, mais s’est plus tard retiré des procédures, avant le début de l’audience.

 

  • [9] Une conférence téléphonique a eu lieu le 18 septembre 2014, au cours de laquelle j’ai entendu les observations des parties concernant cette demande de suspension.

 

  • [10] J’ai informé l’appelante et le représentant du COPE Local 378 de ma décision de rejeter la demande de suspension le jour suivant. Les motifs écrits à l’appui de ma décision ( Canadian Freightways Limitedc. Le Syndicat canadien des employées et employés professionnels et de bureau, 2014 TSSTC 20) ont été communiqués aux parties le 6 octobre 2014.

 

  • [11] Une audience a été tenue par vidéoconférence le 1er juin 2015.

 

  • [12] Après avoir entendu les observations de l’appelante, j’ai décidé de communiquer oralement ma décision de rejeter l’appel et de confirmer l’instruction émise par l’agente de SST Morden. Voici les motifs à l’appui de ma décision.

 

Question en litige

 

  • [13] La question à laquelle je dois répondre dans le présent appel consiste à déterminer si l’instruction de l’agente de SST Morden à l’employeur constatant des infractions à l’alinéa 125(1)k) du Code et à l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST est bien fondée.

 

Observations de l’appelante

 

  • [14] M. Christensen, représentant de l’employeur, a convoqué deux (2) personnes à témoigner à l’audience au nom de l’appelante. Le premier témoin était M. Jose Lecinana, opérateur de chariots élévateurs à fourches et représentant du comité mixte de santé et de sécurité à Victoria (Colombie-Britannique). Le deuxième témoin était M. David Dyck, opérateur de chariots élévateurs à fourches, formateur et représentant du comité mixte de santé et de sécurité à Victoria (Colombie-Britannique).

 

  • [15] M. Lecinana a expliqué que l’environnement de travail dans l’établissement de Victoria est très petit, comportant tout juste dix-neuf (19) portes (quais de livraison), situées de chaque côté de l’entrepôt, soit huit (8) d’un côté et onze (11) de l’autre. Les déplacements et les activités des chariots élévateurs à fourches surviennent principalement le matin, période au cours de laquelle il travaille généralement seul à la préparation des livraisons de marchandises. En début de matinée, seuls des chauffeurs de camion se déplacent dans l’aire du quai de transbordement. M. Lecinana a déclaré que, à titre de mesure de sécurité, il utilise généralement le klaxon de son chariot élévateur à fourches au moment d’entrer et de sortir des semi-remorques, lorsqu’il sait que d’autres employés sont présents dans l’entrepôt.

 

  • [16] M. Lecinana a en outre indiqué qu’il utilise une technique lui permettant de percevoir tout ce qui se passe autour de lui afin de toujours être en mesure d’évaluer son environnement lorsqu’il effectue une manœuvre de marche arrière avec son chariot élévateur à fourches. Selon M. Lecinana, les avertisseurs sonores de marche arrière sur les chariots élévateurs à fourches utilisés à l’établissement de Victoria ne sont pas efficaces, en raison du fait qu’avec le temps, le son qu’ils émettent devient un « bruit blanc » que nul ne peut entendre. Pour cette raison, les employés ne souhaitent pas que leurs chariots élévateurs à fourches soient munis d’avertisseurs sonores de marche arrière automatiques. De plus, M. Lecinana a confirmé qu’il n’était jamais survenu de collision avec un piéton dans l’établissement et que le public présent sur les lieux pour ramasser des colis ne pénétrait pas dans l’aire du quai de transbordement.

 

  • [17] M. Dyck a affirmé que la formation relative au mode de fonctionnement des chariots élévateurs à fourches donnée par l’employeur est très approfondie et complète. À l’appui de cette affirmation, M. Dyck a décrit le contenu d’une présentation PowerPoint de 84 pages et d’une vidéo utilisées pendant la formation des opérateurs de chariots élévateurs à fourches, où plusieurs sujets sont abordés, y compris la certification relative à la conduite de chariots élévateurs à fourches, l’arrimage du chargement, l’évaluation des dangers et la sécurité des piétons.

 

  • [18] M. Dyck a également expliqué que les activités menées à l’établissement de Victoria sont différentes de celles ayant cours à l’établissement de Burnaby, qui est nettement plus imposant puisqu’il consiste en un entrepôt de 60 quais de livraison. Dans l’entrepôt de plus petite taille de Victoria, M. Dyck ne perçoit aucun avantage à munir les chariots élévateurs à fourches d’avertisseurs sonores de marche arrière automatiques. À son avis, il n’existe aucun danger réel à utiliser des chariots élévateurs à fourches qui ne sont pas munis d’un avertisseur sonore de marche arrière automatique si l’opérateur du chariot élévateur à fourches est pleinement conscient de ce qui se passe autour de lui en tout temps et utilise fréquemment son klaxon lorsqu’il effectue une manœuvre de marche arrière. M. Dyck a en outre précisé que les opérateurs de chariots élévateurs à fourches sont formés pour maintenir une vitesse aussi basse que possible lors de manœuvres de marche arrière. Il a également souligné que tous les chariots élévateurs à fourches sont munis de stroboscopes (ambres ou rouges) et sont ainsi bien visibles pour les piétons.

 

  • [19] L’appelante a fait valoir que les mesures de contrôle et de réduction des dangers pour les piétons que l’employeur a mises en place sont très efficaces puisqu’aucune blessure découlant d’une collision avec un chariot élévateur à fourches n’est survenue dans le lieu de travail. L’appelante a signalé que Canadian Freightways offre un programme de formation très complet concernant le mode de fonctionnement des chariots élévateurs à fourches et a introduit des politiques et des procédures visant à protéger ses employés contre les dangers cernés dans l’inventaire des tâches et l’analyse du risque professionnel réalisés pour tous les postes exigeant un accès à l’aire du quai de transbordement

 

  • [20] L’appelante estime que le paragraphe 14.16(2) du RCSST s’applique davantage à la situation prévalant au sein de l’entrepôt de Victoria. Selon l’appelante, ce paragraphe permet l’utilisation de méthodes d’avertissement des piétons par un employeur autres que l’utilisation d’un avertisseur sonore de marche arrière. L’appelante est d’avis que les avertisseurs sonores de marche arrière ne fournissent pas un avertissement suffisant. L’appelante estime que les pratiques en vigueur de Canadian Freightways répondent à une norme beaucoup plus élevée que les exigences minimales prévues dans la partie II du Code et le RCSST.

 

  • [21] L’appelante soutient qu’étant donné la petite taille de l’entrepôt de Victoria (120 pieds de long par 60 pieds de large) et le fait que cet entrepôt est bien éclairé et fréquenté par un faible nombre de piétons, les mesures instaurées, telles que l’usage du klaxon et les stroboscopes, qui servent de dispositif visuel d’avertissement, en plus des opérateurs de chariots élévateurs à fourches qui sont pleinement conscients de ce qui se passe autour d’eux en tout temps, sont beaucoup plus efficaces que le recours aux avertisseurs sonores de marche arrière qui, comme les témoignages des employés l’ont établi, crée un « bruit blanc ».

 

Analyse

 

  • [22] La question à laquelle je dois répondre pour statuer sur le présent appel consiste à déterminer si l’employeur a contrevenu à l’alinéa 125(1)k) du Code et à l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST.

 

  • [23] L’alinéa 125(1)k) du Code énonce ce qui suit :

 

(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

 

[…]

 

k) de veiller à ce que les véhicules et l’équipement mobile que ses employés utilisent pour leur travail soient conformes aux normes réglementaires;

 

  • [24] Les normes réglementaires sont prévues à l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST qui se lit comme suit :

(1) L’appareil de manutention motorisé qui est utilisé dans une aire occupée par des employés et qui se déplace :

 

[…]

 

b) en marche arrière doit, sous réserve du paragraphe 14.51(1), être muni d’un klaxon ou autre avertisseur sonore du même genre qui fonctionne automatiquement durant le déplacement en marche arrière.

[Le soulignement est de moi]

 

  • [25] En l’espèce, la preuve établit que l’employeur a retiré les avertisseurs sonores de marche arrière automatiques des deux (2) chariots élévateurs à fourches utilisés à son entrepôt de Victoria à la demande des employés qui étaient indisposés par le bruit que ces avertisseurs émettaient. Compte tenu du fait que ces deux (2) chariots élévateurs à fourches se déplacent dans des aires où d’autres employés et membres du public sont présents, l’agente de SST Morden a conclu que l’employeur enfreignait l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST.

 

  • [26] Après avoir entendu les observations de l’employeur dans la présente affaire, je suis également d’avis que l’employeur enfreint l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST. Une simple lecture de cet alinéa révèle que tous les appareils de manutention motorisés qui sont utilisés dans une aire occupée par des employés et qui se déplacent en marche arrière doivent être munis d’un avertisseur sonore.

 

  • [27] L’employeur ne conteste pas la conclusion de l’agente de SST selon laquelle les chauffeurs de camion et d’autres employés entrent fréquemment dans l’aire où les deux (2) chariots élévateurs à fourches sont utilisés. En conséquence, conformément au RCSST, les deux (2) chariots élévateurs à fourches en cours d’utilisation dans cet établissement « doivent » être munis d’un avertisseur sonore automatique. À mon avis, la formulation utilisée dans le RCSST est tout à fait claire. Retirer les avertisseurs sonores de marche arrière sans les remplacer par un autre avertisseur sonore automatique du même genre contrevient ainsi à l’alinéa 14.16(1)b) du RCSST.

 

  • [28] Je vais maintenant examiner l’argument de l’appelante concernant l’application du paragraphe 14.16(2) du RCSST aux circonstances entourant l’entrepôt de Victoria. Ce paragraphe vise certaines situations où d’autres dispositifs ou méthodes d’avertissement visibles, audibles ou tactiles peuvent être utilisés pour émettre un avertissement :

 

14.16(2) Lorsque l’avertisseur visé au paragraphe (1) ne peut être entendu clairement eu égard au bruit de l’appareil de manutention motorisé et au bruit ambiant, qu’il n’avertit pas du danger assez tôt pour qu’on puisse l’éviter ou qu’il ne constitue pas par ailleurs un moyen d’avertissement suffisant, d’autres dispositifs ou moyens d’avertissement — visuels, sonores ou tactiles — doivent être utilisés pour que l’avertissement soit suffisant.

 

  • [29] L’employeur soutient en essence que l’utilisation de la lumière stroboscopique visuelle qui clignote automatiquement lorsque le chariot élévateur à fourches se déplace en marche arrière ainsi que des mesures de sécurité supplémentaires comme l’utilisation du klaxon et de la technique permettant au chauffeur de camion de percevoir tout ce qui se passe autour de lui sont plus efficaces que les avertisseurs de marche arrière qui ne créent qu’un « bruit blanc » selon les deux (2) opérateurs de chariots élévateurs à fourches qui ont témoigné à l’audience.

 

  • [30] Toutefois, selon moi, le fait que les opérateurs de chariots élévateurs à fourches considèrent le son produit par ces avertisseurs comme un « bruit blanc » ne justifie pas leur retrait puisqu’ils visent à fournir un avertissement à d’autres employés travaillant à proximité. Il m’apparaît important de souligner qu’un avertisseur sonore automatique sur un appareil de manutention vise à avertir d’autres employés qui peuvent être présents dans l’aire où cet appareil est utilisé que l’appareil se déplace en marche arrière.

 

  • [31] Je n’ai pas été convaincu par les observations de l’employeur qu’une des situations énumérées au paragraphe 14.16(2) du RCSST s’applique à l’entrepôt de Victoria. Plus particulièrement, il n’a pas été démontré que le son des avertisseurs de marche arrière ne peut pas être entendu clairement eu égard au bruit émis par un chariot élévateur à fourches en marche et au bruit ambiant; il ne m’a pas non plus été démontré que dans les circonstances de l’entrepôt de Victoria, l’utilisation d’avertisseurs sonores ne constitue pas un moyen d’avertissement suffisant. En conséquence, je conclus que le paragraphe 14.16(2) du RCSST ne s’applique pas à l’entrepôt de Victoria.

 

Décision

 

  • [32] Pour ces raisons, je rejette l’appel et confirme l’instruction émise le 22 août 2014 à Canadian Freightways par l’agente de SST Morden.

 

 

 

Olivier Bellavigna-Ladoux

Agent d’appel

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