Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

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Tribunal de santé et sécurité au travail Canada

 

 

 

 

 

Date :

2015-11-13

 

Dossier :

2013-28

 

 

 

 

Entre :

 

Robert Thibeault, Appelant

 

et

 

Société canadienne des postes, Intimée

 

 

 

Indexé sous : Thibeault c. Société canadienne des postes

 

 

Affaire :

Appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail à l’encontre d’une décision rendue par un agent de santé et de sécurité.

 

Décision :

La décision d’absence de danger est confirmée.

 

Décision rendue par :

M. Jean Arteau, Agent d’appel

 

Langue de la décision :

Français

 

Pour l’appelant :

Lui-même

 

Pour l’intimée :

L’intimé n’a pas participé à l’appel

 

Référence :

2015 TSSTC 21


MOTIFS DE DÉCISION

 

  • [1] La présente décision concerne un appel déposé par M. Robert Thibeault (l’appelant) en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (« le Code ») à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue par l’Agent de santé et sécurité (l’agent de SST) Javier Vicente Izquierdo le 28 mars 2013.

 

Contexte

 

  • [2] Le 26 mars 2013, M. Robert Thibeault, facteur à la Société canadienne des postes

(ci-après « Postes Canada » ou « l’employeur ») a exercé son droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code en alléguant que le fait de monter l’escalier qui n’est pas équipé de rampes pour livrer le courrier au domicile sis au 762, rue Chardonnay, à Sherbrooke (Québec) constitue un danger pour sa santé et sa sécurité.

 

  • [3] L’adresse en question se trouve dans un quartier montagneux, comportant plusieurs pentes abruptes. Dans ce secteur, les facteurs ne portent pas de sacs sur l’épaule. Il y a un palier de repos au sommet des marches visées par ce refus de travailler. La série de marches suivante est dotée d’une rampe et jouxte la structure du bâtiment où le courrier devait être livré.

 

  • [4] Dans la même journée, l’agent de SST Izquierdo a effectué une enquête en vertu de l’article 129 du Code. Étaient présents durant l’enquête réalisée par l’agent de SST, M. Guillaume Basque Bouvier (qui représentait le Comité Local de Santé et Sécurité au travail (CLSST)), Mme Sylvie Ouellette (partie patronale, co-présidente du CLSST), M. Denis Boulanger (facteur; était présent avec le consentement de l’appelant et de l’agent de SST), M. Claude Lepage (facteur, partie syndicale, co-président du CLSST), et Mme Johanne Ringuette (factrice, membre du CLSST et vice-président du chapitre local du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes).

 

  • [5] Lors de son enquête, l’agent de SST a constaté que l’appelant avait refusé de travailler avant de quitter le dépôt pour aller livrer le courrier, que les marches en question n’étaient pas obstruées lors du jour de refus, que le temps était sec et ensoleillé et que le mercure indiquait environ -2 degrés Celsius. Il a de plus noté que les marches à l’origine de ce refus n’ont pas d’attache directe avec le bâtiment principal et que plusieurs autres propriétés dans les environs comportent des aménagements extérieurs au moyen de roches naturelles, de béton ou d’autres matériaux qui permettent de traverser la distance entre le trottoir et l’escalier principal qui mènent à l’entrée d’une propriété.

 

  • [6] L’agent de SST Izquierdo a rendu la décision suivante le 26 avril 2013 :

 

Considérant tous les éléments disponibles, j’arrive à la conclusion que M. Thibeault est en mesure d’effectuer la livraison du courrier au 762 rue Chardonnay à Sherbrooke de manière sécuritaire et sans danger. Si toutefois, des éléments climatiques venaient perturber les conditions de livraison idéales et créeraient un danger temporaire, M. Thibeault pourrait alors suivre la procédure établie par l’employeur.

 

  • [7] M. Thibeault a interjeté appel à l’encontre de la décision d’absence de danger de l’agent de SST le 18 avril 2013. L’employeur a choisi de ne pas participer à l’appel. Une audience téléphonique a eu lieu entre moi-même et M. Thibeault le 1er octobre 2014.

 

Question en litige

 

  • [8] La question à trancher dans cette affaire est de savoir si l’appelant était exposé à un danger au sens du Code au moment où il a exercé son droit de refuser de travailler.

 

Observations de l’appelant

 

  • [9] M. Thibeault soutient que l’employeur a contrevenu à sa propre directive, laquelle prévoit que les propriétaires de bâtiments doivent installer une rampe lorsque l’escalier compte plus de trois contremarches au-dessus de niveau du terrain. Cette directive [1] se lit ainsi :

4 Le propriétaire de la résidence ou de l’immeuble doit s’assurer que :

  • une rampe est installée lorsque l’escalier compte plus de trois contremarches au-dessus du niveau du terrain;

  • les codes du bâtiment de la localité ou de la municipalité sont respectés;

  • les marches sont exemptes d’obstacles ou de dangers comme, par exemple, un amas de mousse, de débris, des rampes ou des marches instables ou brisées.

 

  • [10] Il affirme que tous les facteurs connaissent cette directive et que la violation d’une telle directive visant à protéger les facteurs constitue en soi un danger. De plus, il avance que la hauteur de l’escalier doit être mesurée en fonction du niveau de la rue, peu importe que cet escalier ait été construit ou non de manière à être adapté à la topographie des lieux.

 

  • [11] Au soutien de sa position, M. Thibeault cite un Rapport de condition dangereuse produit par Postes Canada en 2012 pour cette même adresse dans lequel il est indiqué qu’il n’était pas nécessaire de doter l’escalier d’une rampe étant donné que sa hauteur par rapport au sol était inférieure à 60 centimètres. D’après M. Thibeault, cette conclusion va à l’encontre de la directive citée plus haut.

 

  • [12] M. Thibeault ajoute, de plus, que, de façon générale, il n’empruntait pas l’escalier en face de 762 Chardonnay en faisant un léger détour.

 

Analyse

 

  • [13] Avant de débuter mon analyse, j’aimerais tout d’abord faire quelques précisions. L’agent de SST a utilisé le terme « rampe » dans son rapport d’enquête et notes, et M. Thibeault a utilisé ce même terme dans ses documents et lors son témoignage. Or, dans le langage technique, la rampe est un garde-corps ayant dans le haut une main courante. Donc le terme rampe inclut le garde-corps et la main courante.

 

  • [14] Le paragraphe 122(1) du Code définit le mot « danger » comme suit :

 

« danger » Situation, tâche ou risque-existant ou éventuel-susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade-même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats-, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou sur le système reproducteur.

 

  • [15] La Cour fédérale dans Verville c. Service Correctionnel du Canada, 2004 FC 767 a déterminé que pour conclure à l’existence d’un danger :

 

  • Il doit y avoir un risque, une situation ou une tâche susceptible de causer des blessures à un employé ou de le rendre malade, même si les effets ne sont pas immédiats, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

 

  • La définition n’exige pas que le « danger » cause une blessure chaque fois que le risque, la situation ou la tâche se produit. L'expression « susceptible de causer » dans la version française indique que la situation, la tâche ou le risque pourrait causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement chaque fois.

 

  • Il n’est pas nécessaire d’établir avec précision à quel moment le risque, la situation ou la tâche surviendra, mais seulement que l’on constate dans quelles circonstances le risque, la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, et qu’il soit établi que de telles circonstances se produiront à l’avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

 

  • [16] En l’espèce, la question à trancher est de savoir si l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le fait de monter les six marches se trouvant à l’extérieur du 762, rue Chardonnay à Sherbrooke puisse faire subir une blessure à M. Thibeault.

 

  • [17] Après avoir examiné attentivement les observations présentées par M. Thibeault ainsi que le rapport d’enquête de l’agent de SST Izquierdo, je conclus que la première étape de l’analyse de danger n’est pas remplie. Pour les raisons qui suivent, je ne suis pas d’avis qu’il y avait cette journée-là un risque ou une situation ou que la performance des tâches de M. Thibault pouvait lui causer des blessures.

 

  • [18] Tout d’abord, le travail régulier de M. Thibeault consiste à livrer du courrier, ce qui implique qu’il doit être en mesure de marcher sur de longues distances, monter et descendre des escaliers pour se rendre aux boîtes aux lettres. Au moment où il a exercé son droit de refus, rien n’indique que M. Thibeault avait une condition personnelle l’empêchant d’exécuter son travail et nécessitant une mesure d’adaptation. M. Thibeault avait effectué des livraisons de courrier à cette adresse depuis quelques mois avant le 26 mars 2013.

 

  • [19] De plus, je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances, l’absence de main courante à elle seule peut constituer une condition ou un risque qui pourrait raisonnablement causer des blessures à un employé. Une main courante installée dans un escalier sert à éviter une chute et rien n’indique qu’il y avait cette journée-là une possibilité raisonnable que M. Thibeault puisse subir une chute du à des obstacles ou la présence de neige ou de glace dans l’escalier à l’adresse en question.

 

  • [20] Effectivement, la preuve révèle que lors de la journée du refus, le temps était sec et ensoleillé, le mercure indiquait environ -2 degrés Celsius et qu’il n’y avait pas présence d’obstacles sur l’escalier qui aurait pu obstruer le passage vers la boîte aux lettres. Si tel était le cas, M. Thibeault aurait pu suivre la politique l’employeur intitulée « Dangers et obstacles à la livraison » qui permet à tout employé de ne pas procéder à livraison du courrier dans de telles circonstances.

 

  • [21] À la lumière de ce qui précède, je conclus qu’il n’y avait aucun danger pour M. Thibeault d’effectuer la livraison du courrier à l’adresse en question. Je suis d’accord et trouve important de réitérer les commentaires de l’agent de SST Izquierdo à l’effet que si des changements climatiques ou tout autre changement affectaient les conditions de livraison en créant un risque de chute, M. Thibeault pourrait se prévaloir de son droit de ne pas procéder à la livraison du courrier à cette adresse tel que prévu par les procédures de l’employeur.

 

  • [22] Ayant conclu à l’absence de danger, j’aimerais tout de même offrir un commentaire quant à la position de l’agent de SST Izquierdo à l’effet que l’escalier en question fait partie de l’aménagement extérieur et qu’à ce titre il n’est pas couvert par le code national du bâtiment. Cette question est distincte de la question sur laquelle je devais me pencher pour résoudre ce dossier mais j’estime tout de même important d’offrir mon point de vue. Ma lecture du code et des guides d’application [2] et mon expérience professionnelle en génie de la santé et sécurité au travail m’amènent à penser que les mêmes normes de protection devraient s’appliquer à un escalier, qu’il soit intérieur ou extérieur, fermé par des murs ou ouvert sur les côtés puisqu’il est utilisé par les mêmes personnes ayant les mêmes aptitudes.

 

Décision

 

  • [23] Pour tous les motifs susmentionnés, je confirme la décision d’absence de danger rendue par l’agent de SST Izquierdo le 28 mars 2013.

 

 

 

Jean Arteau

Agent d’appel



[1] SMS [Système du manuel de la société] - 1202.00 - Modes de livraison et points de transfert - 2014-09-22 - 3.2.1 Exigences concernant le réceptacle à courrier pour la livraison à domicile et SMS - 1202.03 - Attribution d’un mode de livraison aux nouveaux points de remise - 2011-11-24 - 2.1.4 Exigences concernant le réceptacle à courrier pour la livraison à domicile.

 

[2] Par exemple : SCHL Société canadienne d’hypothèques et de logement « Construction de maison à ossature de bois - Canada ». SCHL 61199 NH17-3/2005F

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