Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA Canada),

requérant,

et


United Airlines, inc.; Continental Airlines, inc.; et United Continental Holdings, inc.,

employeurs,

et


Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale,

agent négociateur.

Dossier du Conseil : 29315-C

Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale,

requérante,

et


United Airlines, inc.; Continental Airlines, inc.; et United Continental Holdings, inc.,

employeurs,

et


Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA Canada),

agent négociateur.

Dossier du Conseil : 29375-C

Référence neutre : 2013 CCRI 671

Le 24 janvier 2013

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice président, ainsi que de M. John Bowman et Me Robert Monette, Membres.

Procureurs inscrits au dossier
Me Anthony F. Dale, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA Canada);
Me Sean FitzPatrick, pour l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale;
Me Douglas G. Gilbert, pour United Airlines, inc.; Continental Airlines, inc.; et United Continental Holdings, inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Robert Monette, Membre.

I – Nature des demandes

[1] La présente affaire résulte de deux demandes présentées au Conseil relativement à la fusion de deux compagnies aériennes : Continental Airlines, inc. (Continental) et United Airlines, inc. (United). La première demande (dossier du Conseil no 29315-C) a été présentée le 9 mars 2012 par le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA Canada) (le TCA), en vue d’obtenir une déclaration selon laquelle il y a eu vente d’entreprise au sens du paragraphe 44(2) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code), ainsi qu’une révision des unités de négociation actuelles à Toronto aux termes des articles 45 et 18.1 du Code. Le TCA est accrédité pour représenter un groupe d’employés qui travaillent pour United à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto.

[2] La deuxième demande (dossier du Conseil no 29375-C) a été présentée par l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (l’AIMTA) le 13 avril 2012. Cette demande, qui visait également l’obtention d’une déclaration de vente d’entreprise, se distinguait cependant de celle du TCA en ce sens que l’AIMTA demandait au Conseil de procéder à la révision et à la fusion des unités de négociation existantes chez United et Continental à Toronto, Calgary et Vancouver, afin d’établir une seule unité de négociation nationale pour l’entreprise fusionnée. L’AIMTA est accréditée pour représenter une unité d’employés qui travaillent pour Continental à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto, une unité d’employés qui travaillent pour United à l’aéroport international de Vancouver, ainsi que des unités distinctes d’employés de United et de Continental à l’aéroport international de Calgary.

[3] à la demande des parties, le Conseil a réuni les deux demandes, conformément à l’article 20 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.

II – Contexte

[4] En octobre 2010, Continental Airlines, inc. a fusionné avec United Airlines, inc. Les deux entreprises ont par la suite intégré leurs activités et elles sont maintenant exploitées comme une seule compagnie aérienne.

[5] L’AIMTA et le TCA sont accrédités chez United ou Continental pour représenter principalement les préposés au service à la clientèle aux aéroports de Vancouver, de Calgary et de Toronto. L’accréditation de l’AIMTA à Vancouver vise notamment des employés qui exécutent des travaux de manutention des bagages, ce qui n’est pas le cas pour les unités de négociation de Calgary et de Toronto. L’accréditation de l’AIMTA chez United à Vancouver remonte à 1973. L’unité du TCA chez United à Toronto a été accréditée en 1990. L’unité de négociation de l’AIMTA chez United à Calgary a été accréditée en 2000. Les unités de négociation de l’AIMTA chez Continental à Toronto et à Calgary ont toutes deux été accréditées en 2010.

[6] La syndicalisation et l’accréditation de l’ensemble des unités se sont faites selon la structure d’une unité de négociation par aéroport. Plusieurs conventions collectives ont été négociées avec succès pour les différents aéroports sans qu’il y ait d’arrêts de travail. Au moins quelques unes des négociations les plus récentes, comme celles relatives aux conventions collectives de Continental à Calgary et à Toronto, ont eu lieu après la fusion des entreprises.

[7] Les conditions d’emploi varient selon les conventions collectives en vigueur. Il y a des différences importantes entre les conventions collectives de Toronto et celles de Vancouver et de Calgary. Lors des plus récentes rondes de négociations entre l’AIMTA et l’employeur à Calgary et à Vancouver, les parties ont convenu d’établir une liste d’ancienneté unique regroupant les membres de chacune des unités de négociation, et elles se sont entendues sur une mobilité accrue des employés entre les unités de négociation de Calgary et de Vancouver. Auparavant, les employés des unités de négociation n’étaient pas transférés d’un aéroport à l’autre.

[8] Dans une décision lettre antérieure (2012 CCRI LD 2854), datée du 1er août 2012, le Conseil a accueilli les demandes de vente d’entreprise et a convenu qu’il était nécessaire de réviser la structure actuelle des unités de négociation. Le Conseil a alors donné aux parties la possibilité de s’entendre et de proposer une structure d’unités de négociation, comme l’exige l’alinéa 18.1(2)a) du Code.

[9] Les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur la question de la structure des unités de négociation. À la demande du Conseil, les parties ont présenté des observations supplémentaires. La position des parties est résumée ci après.

III – Position des parties

A – Le TCA

[10] Le procureur du TCA a soutenu que les deux unités de négociation existantes à Toronto devraient être fusionnées en une seule unité, et qu’un scrutin de représentation devrait être ordonné afin de déterminer quel syndicat, entre le TCA et l’AIMTA, représenterait les employés de l’unité fusionnée. Le TCA a fait observer que toutes les parties reconnaissaient que les deux unités de Toronto devaient être regroupées, et que la seule question en litige était celle de savoir si les unités de Calgary et de Vancouver devaient également faire partie de l’unité fusionnée.

[11] Le TCA ne s’est pas prononcé sur la structure des unités de négociation à Vancouver et à Calgary, à part préciser qu’un éventuel regroupement des unités de Calgary et de Vancouver ne devrait pas inclure l’unité de négociation de Toronto. Le TCA a déclaré qu’il est « peu probable » (traduction) que les employés de United/Continental à Toronto et les employés de cette même entreprise à Calgary et à Vancouver partagent une quelconque communauté d’intérêts.

[12] En outre, le TCA a souligné que, malgré les arguments de l’AIMTA voulant qu’une seule unité de négociation nationale soit requise, l’AIMTA était parvenue à conclure de nouvelles conventions collectives pour ses membres travaillant à Vancouver et à Calgary alors qu’était toujours en place la structure prévoyant une unité de négociation par aéroport. Cela démontre que la structure actuelle d’une unité de négociation par aéroport est toujours viable, et que le Conseil ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il faut abandonner ce modèle pour passer à une structure comportant une unité de négociation nationale, comme le demande l’AIMTA.

B – L’AIMTA

[13] Le procureur de l’AIMTA fait valoir que le critère à appliquer, lorsque la révision des unités de négociation est demandée par suite d’une vente d’entreprise, est différent du critère qui s’applique dans le cadre d’une demande de révision présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) du Code. Dans le cas d’une demande fondée sur le paragraphe 18.1(1), la partie qui demande une modification de la structure des unités de négociation doit démontrer que les unités existantes ne sont plus habiles à négocier collectivement. La révision d’unités de négociation par suite d’une déclaration fondée sur l’article 45 est quant à elle assujettie à un « critère moins exigeant » (traduction).

[14] L’AIMTA soutient en outre que les employés des unités de négociation des trois aéroports exécutent un travail similaire et que l’employeur souhaite négocier des conditions de travail communes pour tous ses employés partout au pays. Cela signifie qu’il existe une communauté d’intérêts entre tous les employés des différents aéroports, et que l’on servirait cette communauté d’intérêts en les regroupant tous au sein d’une même unité de négociation et en procédant à une ronde de négociation unique pour eux tous.

[15] L’AIMTA soutient que ses conventions collectives visant les employés de Calgary et de Vancouver contiennent des dispositions interunités portant sur la sécurité d’emploi et la mobilité des employés, ce qui démontre que ces groupes partagent une communauté d’intérêts malgré le fait qu’ils travaillent dans des aéroports différents. L’AIMTA a également fait valoir qu’il serait plus efficace, sur le plan administratif, de n’avoir qu’une seule unité de négociation, au lieu de plusieurs unités.

[16] L’AIMTA a reconnu que la structure actuelle des unités de négociation avait permis de conclure des conventions collectives sans qu’il y ait d’arrêts de travail, mais elle a soutenu que cela représentait une « norme minimale » (traduction). Elle a ajouté qu’une structure comportant une unité de négociation nationale donnerait à tous les employés la chance de participer de façon appréciable aux négociations collectives, compte tenu d’une étroite communauté d’intérêts avec les employés des autres aéroports.

C – United et Continental

[17] Le procureur de l’employeur soutient que la structure actuelle qui prévoit une unité de négociation par aéroport est toujours viable, et que l’AIMTA n’a pas présenté d’éléments de preuve qui justifieraient le remplacement de cette structure par une structure comportant une seule unité de négociation nationale. L’employeur ajoute que, lorsqu’une partie souhaite imposer la mise en place d’une structure d’unité de négociation nationale – comme l’AIMTA cherche à le faire en l’espèce –, il doit être démontré que les unités existantes ne sont plus habiles à négocier collectivement.

[18] L’employeur soutient que le système d’accréditation d’une unité par aéroport qui est actuellement en place a prouvé son efficacité depuis de nombreuses années, puisque la première unité a été accréditée en 1973. De nombreuses rondes de négociations ont été menées à terme sans qu’il y ait d’arrêts de travail. L’employeur soutient également que l’AIMTA a été en mesure de négocier une mobilité accrue entre les unités de Vancouver et de Calgary ainsi qu’une entente interunités sur l’ancienneté pour les employés des aéroports de ces deux villes, et ce, même si les employés de chacun de ces aéroports sont visés par des conventions collectives distinctes.

[19] L’employeur soutient qu’il existe des différences importantes entre les conventions collectives existantes, en particulier entre celle régissant l’unité de Toronto et celles régissant les unités de l’Ouest du Canada. Il a souligné que ces différences, qui datent de nombreuses années et qui s’expliquent par des conditions du marché distinctes, ne pourraient pas être maintenues telles quelles si le Conseil ordonnait qu’il n’y ait qu’une seule unité de négociation nationale et une seule convention collective.

[20] L’employeur soutient que la structure actuelle d’une unité par aéroport devrait être conservée et que toute modification éventuelle aux unités de négociation existantes ordonnée par le Conseil devrait viser exclusivement à régler le « chevauchement » (traduction) entre les unités du TCA et de l’AIMTA à Toronto.

IV – Dispositions applicables du Code

[21] Conformément aux articles 18.1 et 45 du Code, qui sont reproduits ci après, le Conseil a le pouvoir de réviser la structure existante des unités de négociation lorsqu’il conclut qu’il y a eu vente d’entreprise, comme c’est le cas en l’espèce :

18.1(1) Sur demande de l’employeur ou d’un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

(2) Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation :

a) il donne aux parties la possibilité de s’entendre, dans le délai qu’il juge raisonnable, sur la détermination des unités de négociation et le règlement des questions liées à la révision;

b) il peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées pour mettre en œuvre l’entente.

(3) Si le Conseil est d’avis que l’entente conclue par les parties ne permet pas d’établir des unités habiles à négocier collectivement ou si certaines questions ne sont pas réglées avant l’expiration du délai qu’il juge raisonnable, il lui appartient de trancher toute question en suspens et de rendre les ordonnances qu’il estime indiquées dans les circonstances.

(4) Pour l’application du paragraphe (3), le Conseil peut :

a) déterminer quel syndicat sera l’agent négociateur des employés de chacune des unités de négociation définies à l’issue de la révision;

b) modifier l’ordonnance d’accréditation ou la description d’une unité de négociation dans une convention collective;

c) si plusieurs conventions collectives s’appliquent aux employés d’une unité de négociation, déterminer laquelle reste en vigueur;

d) apporter les modifications qu’il estime nécessaires aux dispositions de la convention collective qui portent sur la date d’expiration ou les droits d’ancienneté ou à toute autre disposition de même nature;

e) si les conditions visées aux alinéas 89(1)a) à d) ont été remplies à l’égard de certains des employés d’une unité de négociation, décider quelles conditions de travail leur sont applicables jusqu’à ce que l’unité devienne régie par une convention collective ou jusqu’à ce que les conditions visées à ces alinéas soient remplies à l’égard de l’unité;

f) autoriser l’une des parties à une convention collective à donner à l’autre partie un avis de négociation collective.

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l’article 44, le Conseil peut, sur demande de l’employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

V – Analyse et décision

[22] L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance des observations des parties et des documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher l’affaire sans tenir d’audience.

[23] Comme les parties l’ont fait valoir, il ne s’agit pas d’une demande de révision de la structure des unités de négociation fondée sur l’article 18.1 du Code. La révision par le Conseil de la structure actuelle des unités de négociation en l’espèce découle directement de sa conclusion selon laquelle il y a eu vente d’entreprise en vertu de l’article 44 du Code. Il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil que, dans le cadre d’une révision d’unités de négociation qui fait suite à une déclaration de vente d’entreprise, le Conseil peut modifier la structure existante des unités de négociation sans qu’il ait été établi que ces unités ne sont plus habiles à négocier collectivement. Dans Viterra inc., 2009 CCRI 465, le Conseil a décrit ainsi les différences qui existent entre les deux types de révision d’unités de négociation :

[9] L’article 18.1 du Code établit la procédure à suivre pour réviser la structure d’unités de négociation. Le syndicat ou l’employeur peut demander en tout temps au Conseil de réviser la structure d’unités de négociation en vertu du paragraphe 18.1(1). Cependant, pour obtenir une révision, le requérant doit d’abord convaincre le Conseil que les unités de négociation existantes « ne sont plus habiles à négocier collectivement » (voir Expertech Bâtisseur de réseaux Inc., 2002 CCRI 182, au paragraphe 108).

[10] Le critère est moins exigeant lorsque la demande suit une déclaration d’employeur unique fondée sur l’article 35 ou une déclaration de vente d’entreprise fondée sur l’article 44. Le Conseil peut intervenir et procéder à une révision sans que l’une ou l’autre des parties ait démontré que les unités de négociation existantes ne sont plus habiles à négocier collectivement (voir Expertech Bâtisseur de réseaux Inc., précitée, au paragraphe 109).

[24] Dans Viterra inc., précitée, le Conseil a décrit les facteurs qu’il prend en considération lorsqu’il révise des unités de négociation par suite d’une déclaration de vente d’entreprise, citant un extrait d’une décision qu’il avait rendue antérieurement dans BCT.TELUS et autres, 2000 CCRI 73 :

[17] Le Conseil a élaboré des critères et des principes bien établis dont il tient compte lorsqu’il doit déterminer si une unité est habile à négocier collectivement ou lorsqu’il doit réviser et restructurer des unités de négociation existantes. À cet égard, il tient compte d’un certain nombre de facteurs et évalue le poids à leur accorder, notamment la communauté d’intérêts, la viabilité de l’unité, les désirs des employés, la pratique ou le modèle du secteur; les antécédents de la négociation collective avec l’employeur, la structure organisationnelle de l’employeur et la préférence générale du Conseil pour des unités de négociation plus larges pour des raisons telles que l’efficacité administrative et la commodité des négociations, la mobilité latérale des employés, la similitude des conditions d’emploi et la stabilité industrielle (voir AirBC Limited (1990), 81 di 1; 13 CLRBR (2d) 276; et 90 CLLC 16,035 (CCRT no 797), et Société canadienne des postes (1988), 73 di 66; et 19 CLRBR (NS) 129 (CCRT no 675)). La méthodologie du Conseil est bien décrite dans Chemin de fer Quebec North Shore & Labrador (1992), 90 di 110; et 93 CLLC 16,020 (CCRT no 978), dont voici un extrait :

Les critères de détermination de l’habileté à négocier d’une unité de négociation tiennent compte à la fois des intérêts des employés et de ceux de leur employeur. Sans prétendre en faire une liste exhaustive, soulignons entre autres la communauté d’intérêts entre les employés, le mode d’organisation et d’administration de l’entreprise, l’histoire des négociations collectives chez l’employeur et dans le secteur d’activité visé, l’interchangeabilité des employés et la recherche de la paix industrielle. Les critères pourront avoir un poids différent selon les cas d’espèce notamment selon qu’il s’agisse d’une demande d’accréditation ou d’une demande de révision. En effet, dans le premier cas, le Conseil doit permettre aux employés d’accéder à la négociation collective. Dans l’autre, il doit étudier la structure de négociation existante afin de rendre plus efficaces les mécanismes de négociation et d’application des conventions collectives. Cependant, il doit toujours tenter d’équilibrer des intérêts souvent divergents pour déterminer des unités de négociation viables en vue d’assurer des négociations efficaces et des relations de travail les plus harmonieuses possibles.

(pages 123-124; et 14,147-14,148)

[25] Dans Viterra inc., précitée, l’employeur demandait que sept unités de négociation différentes, réparties dans trois provinces, soient fusionnées en une seule unité de négociation. Bien que le Conseil ait accepté de fusionner certaines de ces unités de négociation, il n’a pas accepté de toutes les regrouper en une seule unité. Lorsqu’il a rendu sa décision, le Conseil a souligné ce qui suit :

[45] Cependant, le fait qu’un employeur ait légitimement décidé de se restructurer ne signifie pas que ses unités de négociation doivent être modifiées afin de tenir compte de la nouvelle structure organisationnelle. Au contraire, la structure des unités de négociation est un fait que l’employeur doit prendre en considération lorsqu’il se restructure. Il peut se structurer en une entreprise indivisible, mais il doit tout de même continuer de travailler avec la structure d’unités de négociation existante, à moins qu’il ne parvienne à convaincre le Conseil de la modifier.

[26] Le critère qui s’applique lorsqu’une partie demande une modification de la structure existante des unités de négociation est manifestement moins exigeant lorsque cette demande est présentée par suite d’une vente d’entreprise que lorsqu’il s’agit d’une demande de révision présentée en vertu de l’article 18.1. Il incombe néanmoins à la partie qui demande une modification par suite d’une vente d’entreprise de convaincre le Conseil, au moyen des critères établis dans BCT.TELUS et autres, précitée, qu’un changement à la structure existante est nécessaire pour améliorer et rendre plus efficaces les relations du travail.

[27] Dans une décision plus récente du Conseil, G4S Solutions de sécurité (Canada) ltée, 2012 CCRI 625, le Conseil devait déterminer quelle était ou quelles étaient les unités de négociation habiles à négocier collectivement dans le cadre de diverses demandes d’accréditation visant les agents de contrôle travaillant dans des aéroports. Les unités de négociation concernées avaient initialement été syndiquées selon la structure d’une unité par aéroport. L’employeur, qui avait depuis peu obtenu le contrat concernant la prestation des services de contrôle de sécurité préembarquement, cherchait toutefois à faire regrouper les diverses accréditations en une seule, laquelle aurait visé toute la région du Pacifique (Colombie Britannique et Yukon). Après avoir passé en revue des facteurs comme la communauté d’intérêts, la structure organisationnelle de l’employeur et la viabilité des unités existantes, le Conseil a décidé de maintenir la structure d’accréditation existante d’une unité par aéroport. Dans sa décision, le Conseil a fait observer ce qui suit :

[59] De nombreux employeurs relevant de la compétence fédérale, plus particulièrement ceux qui oeuvrent dans le secteur du transport, exploitent leur entreprise à plusieurs endroits et ont tout de même des unités de négociation accréditées sur une base locale. L’allégation voulant que de telles unités puissent compromettre la stabilité industrielle n’est tout simplement pas étayée par des éléments de preuve factuels. Lorsqu’il concilie le droit constitutionnel des employés à la liberté d’association et à l’accès aux négociations collectives prévu par la loi avec des éléments liés à la structure organisationnelle d’un employeur, le Conseil est d’avis que l’employeur doive parfois tolérer un certain degré d’inconvénients de nature administrative, si cela est nécessaire pour donner effet au droit des employés de choisir l’agent négociateur de leur choix.

[28] Nous allons maintenant passer en revue les faits propres à la présente affaire en tenant compte des décisions antérieures du Conseil auxquelles il a été fait référence ci dessus. Les unités en cause ont initialement été syndiquées au motif que les employés travaillant dans un aéroport donné partageaient une communauté d’intérêts. L’AIMTA soutient que l’employeur souhaite négocier des conditions de travail communes – ce que l’employeur a nié – et que cela signifie qu’une unité regroupant les employés des trois aéroports donnerait lieu à de meilleures relations du travail et à des négociations collectives plus efficaces. En dépit de cette affirmation, les parties ont continué de négocier des conventions collectives avec succès après la fusion de Continental et de United, et ce, sans qu’il y ait d’arrêts de travail. Bien qu’il ne soit pas surprenant qu’un employeur (ou un syndicat) puisse chercher à négocier certaines conditions de travail communes lors de négociations collectives visant des unités de négociation différentes, rien n’indique clairement qu’il est nécessaire d’obliger les employés à faire partie d’une seule et unique unité de négociation pour améliorer les relations du travail. Rien n’empêche un syndicat ou un employeur de coordonner les négociations collectives qu’il mène au nom de différentes unités. En fait, il semble que c’est précisément ce que l’AIMTA a fait récemment lorsqu’elle a négocié des dispositions interunités sur l’ancienneté, qui s’appliquent concurremment à ses unités de négociation de Vancouver et de Calgary. Même si le Conseil acceptait l’affirmation de l’AIMTA selon laquelle l’employeur souhaite négocier des conditions de travail communes pour toutes les conventions collectives auxquelles il est partie à l’échelle du pays, l’AIMTA n’a pas convaincu le Conseil que la création d’une unité de négociation nationale – qui remplacerait les unités accréditées à chaque aéroport – est nécessaire pour obtenir ce résultat.

[29] En ce qui concerne la viabilité de la structure actuelle des unités de négociation, le Conseil conclut que la structure d’accréditation existante d’une unité par aéroport s’avère viable depuis de nombreuses années. Les parties en cause ont toujours réussi à conclure des conventions collectives sans qu’il y ait d’arrêts de travail. Bien que l’AIMTA ait qualifié cette situation de norme minimale » (traduction) pour l’évaluation de la viabilité des unités existantes, il s’agit de la norme que le Conseil prend habituellement en compte lorsqu’il examine les pratiques et les procédures de négociation collective des parties. Les antécédents en matière de négociation collective des parties en cause représentent, jusqu’à présent, un modèle de stabilité industrielle; il s’agit d’un facteur qui appuie le maintien de la structure d’accréditation existante d’une unité par aéroport. Le fait que des différences importantes subsistent entre les conventions collectives, selon la région concernée, et le fait que qu’il ne ressort guère de la preuve que les employés peuvent passer d’une unité de négociation à une autre jouent également en faveur du maintien de la structure actuelle des unités de négociation.

[30] En bref, le Conseil n’est pas convaincu qu’il y a lieu de modifier quoi que ce soit à la structure d’accréditation d’une unité par aéroport qui est actuellement en place. Les seuls changements qui seront apportés aux accréditations existantes sont ceux qui sont nécessaires compte tenu de la fusion de United et de Continental. Cela signifie que les deux accréditations à l’aéroport de Toronto et les deux accréditations à celui de Calgary seront fusionnées, puisqu’il y a maintenant un employeur unique. Le Conseil ordonne donc ce qui suit :

  1. Un scrutin de représentation opposant le TCA et l’AIMTA sera tenu pour déterminer quel syndicat représentera les employés de l’aéroport international Pearson de Toronto. Un agent du Conseil communiquera sous peu avec les parties pour discuter avec elles des questions logistiques liées à ce scrutin.
  2. Les deux certificats d’accréditation de l’AIMTA à Calgary seront fusionnés. Le Conseil constate que le libellé des deux certificats actuels est différent. Il est demandé aux parties de s’entendre sur le libellé du certificat d’accréditation et de communiquer au Conseil le libellé sur lequel elles se seront entendues dans les 10 jours suivant la date de la présente décision. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le libellé, chacune d’elle devra faire parvenir au Conseil le libellé qu’elle propose, l’intérieur du même délai de 10 jours, et le Conseil tranchera la question.
  3. Aucun changement ne sera apporté au certificat actuel de l’AIMTA visant les employés de Vancouver.

[31] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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