Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Teresa Heitzmann,

plaignante,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intimé,

et

Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 30317-C

Référence neutre : 2014 CCRI 737

Le 25 juillet 2014

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de MGraham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. André Lecavalier et Norman Rivard, Membres.

Représentants des parties au dossier

Mme Teresa Heitzmann, en son propre nom

M. Ken Mooney, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;

Me Muriel Henry, pour la Société canadienne des postes.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente affaire sans tenir d’audience.

I. Nature de la plainte

[1] Le 2 avril 2014, le Conseil a reçu une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) de la part de Mme Teresa Heitzmann, dans laquelle elle allègue que son agent négociateur, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP), a enfreint l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[2] Mme Heitzmann, qui a travaillé pour la Société canadienne des postes (la SCP) jusqu’à son congédiement le 19 avril 2013, allègue que le STTP a agi de manière arbitraire et discriminatoire de nombreuses façons, notamment en ne l’informant pas de la date prévue pour l’audience d’arbitrage de son grief, en décidant unilatéralement de régler son grief et en lui demandant de fournir une preuve médicale.

[3] Le STTP, par l’entremise de son représentant M. Ken Mooney, qui a joué un rôle actif dans la représentation de Mme Heitzmann, a fourni une réponse détaillée aux allégations de Mme Heitzmann.

[4] La réponse du STTP comprenait une chronologie complète des événements et était accompagnée de la documentation qui avait été échangée entre M. Mooney et Mme Heitzmann. Le STTP a fait valoir que ce volumineux dossier montrait non seulement que les allégations de Mme Heitzmann étaient sans fondement, mais aussi que le syndicat avait déployé beaucoup d’efforts pour l’aider après qu’elle eut été congédiée.

[5] La réplique présentée par Mme Heitzmann était constituée de plusieurs courriels contenant différents commentaires; il y était en outre annexés un grand nombre de documents.

[6] Le Conseil conclut que le STTP a déployé des efforts considérables et soutenus pour aider Mme Heitzmann. Cependant, en raison du refus persistant de celle-ci de répondre aux demandes légitimes de renseignements du syndicat, entre autres choses, le STTP n’a finalement eu d’autre choix que de retirer son grief de congédiement.

[7] Les présents motifs expliquent la décision du Conseil.

II. Faits

[8] La plainte de Mme Heitzmann faisait référence à ce que le Conseil décrira comme trois catégories de griefs.

A. Griefs réglés automatiquement

[9] Mme Heitzmann a présenté de nombreux griefs en vertu de la convention collective conclue entre le STTP et la SCP. Selon les renseignements figurant sur la page couverture de sa plainte, elle en aurait présenté 13.

[10] Le STTP a fait valoir que ces 13 griefs, qui avaient trait à des mesures disciplinaires, ont été réglés aux termes d’une disposition de la convention collective selon laquelle tout grief non réglé portant sur des questions purement théoriques est mis en suspens. Ces griefs portaient sur des mesures disciplinaires, mais l’employée n’a pas subi de pertes financières.

[11] L’article 9.106 de la convention collective conclue entre la SCP et le STTP a trait à ce genre de situations :

Dans le cadre d’un effort visant à écarter de la procédure d’arbitrage régulière des questions qui pourraient n’être que purement théoriques, les parties conviennent de mettre en suspens tout grief non réglé lorsque les mesures disciplinaires imposées l’ont été sans que l’employée ou l’employé n’ait à subir de pertes financières, par exemple dans le cas d’une réprimande ou d’une suspension non appliquée.

Ces griefs demeurent en suspens jusqu’à ce que l’une ou l’autre des parties désire s’appuyer sur l’existence ou l’absence de ces mesures disciplinaires dans une autre affaire pertinente ou au plus tard après une période de douze (12) mois de la date du fait reproché. À l’expiration de ladite période de douze (12) mois, le grief est réputé avoir été réglé.

[12] La réplique de Mme Heitzmann comprenait un courriel daté du 15 avril 2014 qu’elle s’est envoyé à elle‑même et qui portait en partie sur cette question :

Je pense aussi que j’ai été congédiée en raison de ce que contenait mon dossier personnel. Je n’ai aucune raison de croire que le syndicat a retiré mes griefs de mon dossier personnel avant que Harb me congédie. Le syndicat n’a pas dit à quelle date il les avait retirés, et on ne m’a jamais informée de leur retrait avant mars 2013.

(traduction)

[13] Mme Heitzmann n’a formulé aucun autre commentaire à propos des 13 griefs. La SCP est d’accord avec le STTP pour ce qui est de l’état de ces griefs.

B. Grief concernant un paiement versé en trop

[14] Le Conseil comprend, d’après la plainte de Mme Heitzmann, que celle‑ci devait, semble-t-il, un certain montant d’argent à la SCP en raison de prestations de maladie qui lui auraient été versées en trop.

[15] Selon la plainte de Mme Heitzmann, le STTP aurait réglé le grief dans lequel elle contestait ce présumé paiement en trop. Elle a indiqué ce qui suit à la page 4 de sa plainte :

Le syndicat n’a pas fait enquête sur les raisons de ce paiement en trop. Le syndicat a réglé le grief de façon arbitraire pour permettre à une agence de recouvrement de me harceler.

(traduction)

[16] Mme Heitzmann a formulé d’autres commentaires à ce sujet à la page 9 de sa plainte :

C’est compliqué, mais j’ai présenté des griefs, j’ai communiqué avec les gestionnaires des RH, etc., pour leur parler de la question des congés de maladie. Après mon congédiement, Postes Canada a envoyé une facture à une agence de recouvrement, dont le personnel a communiqué avec moi. J’ai dit à l’agence de recouvrement que le syndicat et Postes Canada devaient régler le grief, parce que je NE dois PAS ce montant. J’ai reçu le grief réglé le 30 décembre. Il a été totalement réglé de façon arbitraire afin de permettre à l’agence de recouvrement de me harceler. Au fait, j’ai déposé une plainte relative aux droits de la personne, et des lettres connexes ont été envoyées à Postes Canada et au syndicat.

(traduction)

[17] Dans sa réplique, Mme Heitzmann a ajouté le commentaire suivant à propos de ce grief concernant l’argent qu’elle devait rembourser :

C’est en décembre 2009 qu’a commencé l’affaire du remboursement que Postes Canada prétend que je lui dois, lorsqu’elle cherchait à recouvrer un montant sur mon chèque. J’ai fourni l’information du site Web au Conseil. Malgré le fait que le syndicat prétende que le paiement en trop a été versé alors que je ne travaillais plus pour Postes Canada, je cherche à obtenir des renseignements sur cette question depuis 2010. Le dossier n’a pas été réglé, et je ne crois pas qu’il le sera.

(traduction)

[18] À la page 3 de sa réponse, le STTP a contesté les allégations de Mme Heitzmann :

Au moment de la rédaction du présent document, il n’y a qu’un grief non réglé pour le compte de la plaignante. Dans ses observations, la plaignante fait mention de ce grief, qui a trait à un paiement en trop que Postes Canada a cherché à recouvrer après son congédiement. Le grief a été présenté à Postes Canada le 13 septembre 2013, après le congédiement de la plaignante. Il a été renvoyé à l’arbitrage, dont la date d’audience sera fixée conformément à la pratique habituelle. Contrairement aux allégations de la plaignante, le grief n’a pas été réglé, et le syndicat ne règle jamais de griefs de façon arbitraire pour permettre à des agences de recouvrement de harceler ses membres.

(traduction; italique dans l’original)

[19] La SCP est d’accord avec le STTP, qui affirme que le grief relatif au montant à rembourser n’a pas été réglé.

C. Grief de congédiement

[20] L’élément central de la plainte de Mme Heitzmann a trait à la décision définitive du STTP de retirer son grief de congédiement. Les deux parties ont présenté de nombreux documents à l’appui de leur position respective. Le congédiement de Mme Heitzmann est survenu parce qu’elle aurait refusé de fournir des renseignements médicaux à l’appui d’une demande qu’elle avait présentée afin d’obtenir un poste adapté à ses besoins. Après avoir demandé à maintes reprises à la plaignante de fournir ces renseignements médicaux à son gestionnaire des cas d’invalidité, la SCP l’a congédiée.

1. Allégations de Mme Heitzmann

[21] Mme Heitzmann a formulé plusieurs allégations pour contester la façon dont le STTP a représenté ses intérêts. La principale allégation a trait à la demande de renseignements médicaux du STTP. Celui-ci estimait que ces renseignements étaient essentiels à la défense du dossier de la plaignante; Mme Heitzmann était d’avis que ces renseignements étaient à la fois confidentiels et non pertinents.

[22] Mme Heitzmann allègue que le STTP a agi de manière arbitraire, notamment parce qu’il n’a pas communiqué avec elle, parce qu’il lui a « tendu un piège » (traduction) en lui donnant une fausse date pour l’audience d’arbitrage et parce qu’il lui a volé ses dossiers médicaux :

Le syndicat a déformé les faits. Il m’a demandé des renseignements concernant mon congédiement qu’il n’aurait pas dû me demander. Il ne m’a pas fait part d’une date satisfaisante pour l’audience d’arbitrage. Il a volé mes dossiers médicaux après les avoir obtenus en me tendant un piège avec une fausse date d’arbitrage.

(traduction)

[23] Dans sa plainte, Mme Heitzmann a aussi formulé des commentaires concernant son refus persistant de communiquer les renseignements médicaux confidentiels que le STTP continuait de lui demander :

Je ne peux pas communiquer de renseignements confidentiels de la Sun Life. Le syndicat devrait le savoir et cesser de me demander ces renseignements. De toute façon, ils sont sans intérêt dans le dossier.

(traduction)

[24] Dans sa plainte, Mme Heitzmann a fourni d’autres renseignements à propos de ses allégations concernant deux dates pour l’audience d’arbitrage :

Une date avait été fixée pour l’audience d’arbitrage de mon grief de congédiement. Je n’étais pas au courant de la date fixée étant donné qu’aucune réunion n’avait eu lieu avec Ken et que personne ne m’avait téléphoné pour discuter des détails. Il semblerait qu’un courriel m’ait été envoyé mais, comme j’étais à l’extérieur de la ville, je n’ai pas vérifié mes courriels. J’ai appris que Ken s’était présenté sans moi à l’arbitrage. Je fais remarquer que le message d’accueil de la boîte vocale de Ken disait qu’il était en vacances pour sept semaines. Je n’ai réussi à le joindre par téléphone qu’après la date prévue pour l’audience d’arbitrage. Une autre date a été fixée, et on m’a remis une liste de directives. Parmi ces directives, je devais répondre aux questions concernant ma demande de prestations confidentielle à la Sun Life. J’ai répondu que ma demande de prestations était confidentielle puisque j’ai dû signer une entente à cet égard. Je l’ai mentionné à quelques reprises, et il a insisté sur le fait que ces renseignements étaient essentiels en vue de la nouvelle audience d’arbitrage prévue pour le 12 novembre 2013. La deuxième demande de Ken était que je lui permette de communiquer avec mon médecin.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[25] Mme Heitzmann a aussi allégué que le fait qu’elle était en vacances l’avait empêché de respecter les échéances du STTP :

L’audience d’arbitrage était prévue pour le  26 novembre 2013. Je suis revenue à Vancouver le 12 novembre 2013. Il a annulé l’audience d’arbitrage prévue pour le 14 novembre 2013. Je n’ai jamais eu l’occasion de parler à mon médecin à propos du consentement parce que Ken a annulé l’arbitrage avant que je puisse le faire. Ken a demandé deux copies de mes dossiers médicaux confidentiels de la Great‑West. J’ai accepté; les documents demandés étaient à son bureau le 12 novembre 2013. L’audience d’arbitrage a été annulée parce que je n’avais pas respecté les directives. Je suis ensuite allée récupérer mes dossiers médicaux personnels, et Ken m’a dit qu’il n’appellerait pas Postes Canada en ma présence pour que je puisse les récupérer. Puis il m’a dit : « Si tu veux récupérer tes dossiers médicaux, bonne chance : c’est Postes Canada qui les a. »

(traduction; caractères gras ajoutés)

[26] Mme Heitzmann a joint à sa réplique de nombreux documents, dont bon nombre semblaient porter sur le bien-fondé des questions antérieures liées à son invalidité. Mme Heitzmann est aussi revenue sur les renseignements médicaux qui, selon ses allégations, étaient confidentiels :

Il s’agit ici de mauvaise foi. J’ai informé le syndicat que ma médiation était confidentielle, comme l’exige la Sun Life; c’est l’entente que nous avons conclue. J’aimerais que le syndicat tourne la page sur mon dossier de la Sun Life et qu’il ne s’en serve pas contre moi.

(traduction)

[27] Dans sa réplique, Mme Heitzmann a formulé d’autres commentaires à propos de la demande de renseignements médicaux du STTP :

En outre, le syndicat savait que je n’étais pas à l’aise. Le syndicat était au courant de tous mes griefs et problèmes, et il n’a jamais cessé d’insister pour obtenir mes renseignements médicaux, sans examiner mon dossier afin de trouver des solutions de rechange…

Je ne crois pas que le fait de fournir des renseignements médicaux supplémentaires me permettrait de retourner au travail. Je crois que le problème tient au fait que j’ai fourni beaucoup trop de renseignements personnels à mon sujet. Je ne crois pas non plus que tout ce qu’obtient la Great‑West est confidentiel, si Postes Canada peut manipuler le système et faire en sorte que les employés soient congédiés, pour ensuite les menacer de les rétablir dans leur poste seulement après avoir vu le dossier de la Great‑West. Dans mon cas, Postes Canada a volé mes renseignements médicaux avec l’aide du syndicat, même si l’arbitre a dit que les renseignements médicaux devaient être détruits et utilisés aux fins de l’arbitrage uniquement.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[28] La réplique de Mme Heitzmann permet aussi de penser qu’elle ne connaissait pas la date de son audience d’arbitrage :

En ce qui concerne la réponse du syndicat selon laquelle on m’a donné suffisamment de temps. Le 4 octobre, je reçois un courriel de Ken qui n’est pas exact; il dit que je ne me suis pas présentée au travail. En fait, j’ai essayé de me présenter au travail, mais on me l’a interdit parce que je devais obtenir l’autorisation de la Great‑West. Ken est ensuite en vacances jusqu’au 23 octobre. Je suis aussi en vacances, à l’extérieur de la Colombie‑Britannique. Personne ne m’informe qu’une date a été fixée pour l’audience d’arbitrage. Si j’avais su, il ne fait aucun doute que je me serais organisée pour y être. Ken m’envoie un courriel le 25 octobre pour me dire que l’audience d’arbitrage aura lieu le 29 octobre. Je prends mes courriels le 29 octobre après avoir été malade, et je suis choquée d’apprendre qu’il s’est présenté à l’audience sans moi. Je reçois d’autres demandes relativement aux renseignements de la Sun Life. Je lui dis que ces renseignements sont confidentiels et qu’ils n’ont même rien à voir avec le dossier, à mon avis. Je reçois ensuite des demandes contradictoires. Je lis les nouvelles directives de l’arbitre et je m’y conforme. L’arbitre précise que, SI j’étais malade, je devais présenter un billet de médecin à l’audience d’arbitrage. Elle utilise le mot « SI » à plusieurs reprises. Ken essaie encore de m’intimider pour que j’obtienne ces billets de médecin. J’allais dire à l’arbitre que je n’avais aucune idée de la date de l’audience d’arbitrage. Le syndicat savait que j’étais à l’extérieur parce qu’il m’avait appelée après la date qui avait été fixée pour l’audience et que j’avais laissé un message pour dire que j’étais à l’extérieur jusqu’au 1er novembre. Pourtant, ils sont allés de l’avant et ont fixé la date de l’audience d’arbitrage sans moi.

(traduction; caractères gras ajoutés)

2. Position du STTP

[29] Dans sa réponse, le STTP a allégué que Mme Heitzmann avait initialement refusé à plusieurs reprises de coopérer avec la SCP, qui s’efforçait de répondre à ses besoins. Cela a mené à son congédiement. Le STTP a souligné que, de façon similaire, Mme Heitzmann avait refusé de coopérer avec lui alors qu’il essayait de traiter son grief. C’est en raison de ce refus persistant de coopérer que le STTP a finalement décidé de retirer le grief.

[30] Le Conseil résumera ci‑après la chronologie des événements que le STTP lui a présentée et qu’il a étayée par plusieurs pièces justificatives réunies dans un dossier relié intitulé « Documents du syndicat » (traduction).

a. Chronologie des événements présentée par le STTP

Fin de 2010

[31] La Sun Life a accepté la demande de prestations d’invalidité de Mme Heitzmann.

Février 2012

[32] La Sun Life a mis fin aux prestations d’invalidité parce que Mme Heitzmann ne se serait pas conformée au programme de réadaptation. Cette situation a donné lieu plus tard à une poursuite, dont le STTP n’avait pas de détails précis.

Novembre 2012

[33] Mme Heitzmann a demandé à la SCP de lui permettre de retourner au travail dans un poste adapté à ses besoins et a fourni un billet de médecin.

Décembre 2012

[34] Par l’entremise de la Great-West, son fournisseur de services de gestion des cas d’invalidité, la SCP a demandé à Mme Heitzmann de faire remplir un questionnaire médical par son médecin. Bien que le questionnaire ait été rempli, Mme Heitzmann n’a pas fourni certaines notes cliniques et certains rapports de spécialistes qui lui avaient été demandés. L’employeur n’allait pas examiner la possibilité qu’elle retourne au travail tant qu’il n’aurait pas reçu ces renseignements.

Janvier 2013

[35] Le médecin de Mme Heitzmann a rempli un autre questionnaire portant sur les restrictions médicales imposées à la plaignante, mais Mme Heitzmann a refusé de communiquer les renseignements médicaux que lui avait demandés la Great‑West.

Le 18 février 2013

[36] La Great-West a conclu qu’elle n’avait pas suffisamment de renseignements médicaux pour appuyer la demande de retour au travail de Mme Heitzmann.

Le 27 février 2013

[37] Puisque Mme Heitzmann refusait de communiquer les renseignements médicaux demandés, la SCP l’a prévenue qu’elle serait peut‑être tenue de lui imposer des mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’au congédiement.

Le 1er mars 2013

[38] Mme Heitzmann a informé la Great-West qu’elle ne lui fournirait pas les renseignements médicaux demandés.

Le 19 mars 2013

[39] La SCP a écrit à Mme Heitzmann pour lui demander de fournir les renseignements médicaux demandés à la Great‑West.

Le 4 avril 2013

[40] La SCP a donné à Mme Heitzmann une dernière chance de fournir les renseignements médicaux à la Great‑West, à défaut de quoi elle la congédierait. Mme Heitzmann n’est jamais allée chercher cette lettre recommandée, qui a par la suite été retournée à la SCP.


 

Le 5 avril 2013

[41] Mme Heitzmann a écrit à la SCP à propos des lettres recommandées que celle‑ci lui envoyait :

HARB, je vous prierais d’arrêter d’envoyer des lettres recommandées à mon adresse… Dites‑lui d’arrêter de me menacer de congédiement; il y a des limites à la quantité de commentaires négatifs qu’une personne veut entendre au cours de sa vie.

(traduction)

Le 12 avril 2013

[42] La SCP a envoyé une lettre recommandée à Mme Heitzmann. Dans cette lettre, il était indiqué que le congédiement de la plaignante avait été recommandé. La lettre a par la suite été retournée, après que Mme Heitzmann eut refusé d’aller la chercher.

Le 19 avril 2013

[43] La SCP a envoyé une lettre de congédiement à Mme Heitzmann. Mme Heitzmann n’est allée chercher la lettre que plusieurs semaines plus tard, après que le STTP le lui eut demandé.

Le 25 avril 2013

[44] Mme Heitzmann est parvenue à une entente avec la Sun Life pour régler la poursuite intentée. Il n’est pas nécessaire d’indiquer le montant de ce règlement dans les présents motifs.

Le 1er mai 2013

[45] Mme Heitzmann a rencontré M. Mooney pour la première fois pour lui poser des questions sur sa situation d’emploi. Mme Heitzmann a dit à M. Mooney qu’elle savait que la SCP lui avait envoyé des lettres par courrier recommandé, mais qu’elle n’était pas allée les chercher, en partie en raison de sa poursuite contre la Sun Life. En vue de son enquête, le STTP a demandé à Mme Heitzmann de remplir un formulaire pour lui permettre d’obtenir ses renseignements médicaux.

[46] Le STTP a aussi demandé à Mme Heitzmann d’aller chercher la lettre recommandée de la SCP. Cette lettre précisait que Mme Heitzmann avait été congédiée pour avoir refusé de fournir certains renseignements médicaux à la Great‑West, bien qu’on le lui ait demandé à plusieurs reprises.

Le 8 mai 2013

[47] Le STTP a présenté un grief contestant le congédiement de Mme Heitzmann.

Le 31 mai 2013

[48] Le STTP a contesté l’allégation de Mme Heitzmann selon laquelle il n’a jamais demandé le dossier médical de la plaignante à la Great‑West. Le syndicat a affirmé qu’il avait présenté une demande à la Great‑West par télécopieur le 31 mai 2013.

Juillet 2013

[49] Mme Heitzmann, qui avait reçu le dossier médical de la Great‑West, l’a transmis au STTP.

Le 14 août 2013

[50] M. Mooney a parlé à la SCP. La SCP était disposée à négocier un règlement éventuel du grief si Mme Heitzmann fournissait les renseignements médicaux que la SCP lui avait demandés au départ.

Le 15 août 2013

[51] Dans un courriel, M. Mooney a présenté à Mme Heitzmann une analyse détaillée de son dossier, exposant les questions découlant de son grief. Il a indiqué notamment que le STTP aurait besoin de son autorisation pour obtenir d’autres renseignements médicaux de son médecin. Ces renseignements devraient aussi être fournis à la Great‑West.

[52] M. Mooney a également exprimé ses inquiétudes quant à la façon dont un arbitre percevrait le refus de Mme Heitzmann d’ouvrir ou d’accepter les lettres de la SCP. Une telle conduite risquerait de donner foi aux arguments de la SCP contre la plaignante :

Il importe de maintenir un équilibre entre le droit des employés à la vie privée et le droit d’un employeur de s’assurer qu’un employé est apte au travail. Après avoir examiné le dossier de la Great‑West, je crois qu’un arbitre pourrait vraisemblablement reconnaître que les préoccupations de la Great‑West concernant votre capacité de retourner au travail en toute sécurité étaient fondées. Comme vous êtes absente du travail depuis 2009, je crois qu’un arbitre serait préoccupé par le fait que vous avez refusé de fournir les dossiers et les notes cliniques ainsi que les rapports de spécialistes demandés, empêchant ainsi la Great‑West de prendre une décision éclairée concernant votre capacité de retourner au travail en toute sécurité.

Comme nous en avons discuté au téléphone, je crois qu’un arbitre serait aussi préoccupé par votre refus d’ouvrir ou d’accepter les lettres de Postes Canada. Dans ces lettres, on vous demandait de nouveau de fournir les renseignements médicaux demandés initialement dans le questionnaire de la Great‑West daté du 14 février 2013 et dans le message vocal subséquent du 1er mars 2013. D’un point de vue objectif, je crois que la preuve confirmerait que vous saviez qu’on vous demandait de fournir ces renseignements médicaux, mais que vous aviez choisi de ne pas le faire. Autrement dit, je crois que Postes Canada est en mesure de démontrer qu’elle avait un motif valable de congédiement.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[53] M. Mooney a aussi décrit les paramètres d’un règlement éventuel dont il avait discuté la veille avec la SCP.

[54] Mme Heitzmann a répondu le jour même en envoyant deux courriels. Dans le premier, elle indiquait qu’elle ne communiquerait aucun autre renseignement médical. Dans le deuxième, elle précisait que ses « représentants » (traduction) examineraient la situation :

Les formulaires de la Great-West n’ont jamais fait mention du travail à bord d’un camion de cinq tonnes. Est‑ce que cela signifie que je vais enfin recevoir de la formation pour faire ce travail, après avoir été ignorée par Postes Canada pendant quatre ans et avoir été victime de discrimination pour des motifs non médicaux? Qu’en est‑il de l’argent que, selon l’employeur, je lui dois, alors que je ne lui dois rien? Qu’en est‑il de tous mes autres problèmes en milieu de travail et de tous les mensonges que l’employeur a racontés? Je veux retourner au travail, mais comment y arriver avec toutes ces conneries? Je ne produirai aucun autre billet de médecin en raison de ce que j’ai vécu avec Postes Canada, la Manuvie, la Sun Life et la Commission des accidents du travail. Personne n’écoute les médecins, et ces entreprises abusent complètement du système médical. SI l’arbitre était au courant de tous les problèmes qui sont survenus, je suis certaine qu’il serait de mon côté. Je veux retourner au travail. Mais je ne veux pas qu’on m’enlève mon droit de postuler, mon droit de recevoir des soins médicaux au moment qui me convient et mon droit de préserver de façon raisonnable la confidentialité de mes renseignements médicaux. Et, non, je ne peux pas faire le travail régulier de livreur de service postal comme avant, et je ne peux pas non plus travailler à l’intérieur. Mais avisez‑moi quand on pourra me laisser postuler pour conduire un camion de cinq tonnes, parce que j’ai déjà fourni une note à ce sujet à Noël l’an dernier.

Une partie de ce dossier doit être réglée. Je ne suis pas une marionnette. Je vais demander à mes représentants d’examiner TOUT ÇA et de rédiger une lettre détaillée à propos des problèmes qu’ils perçoivent. Il y en a beaucoup. Des problèmes que je n’ai pas demandés. Je suis allée chez le médecin tellement de fois pour faire remplir des formulaires; il faut mettre fin à ce cirque. Je ne fais pas des chirurgies. Je conduis un camion.

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 16 août 2013

[55] Dans un courriel, Mme Heitzmann a réitéré son refus de fournir d’autres renseignements médicaux. Plus tard au cours du mois, Mme Heitzmann a demandé que son dossier de la Great‑West lui soit retourné. Elle est allée le chercher par la suite.

Le 27 août 2013

[56] Mme Heitzmann s’est de nouveau opposée à la communication de renseignements médicaux, et elle a fait observer que d’autres personnes à la SCP – dont le nom n’a pas été mentionné – n’avaient pas été obligées de fournir de tels renseignements avant de pouvoir retourner au travail :

Alors... les personnes qui demandent des mesures d’adaptation vont‑elles devoir prouver qu’elles en ont réellement besoin en présentant un nombre illimité de billets de médecin et faire face à la critique et à un désaccord éventuel? Ou est‑ce qu’elles passent à travers le système sans avoir à se soucier de la Great‑West… Eh bien! Je croyais que nous étions tous censés être traités également. Je ne suis pas différente de ces personnes qui demandent des mesures d’adaptation… Refusez‑leur les mesures d’adaptation et la formation qu’elles demandent comme vous me les avez refusées. Pas selon vos dires. Allez‑vous leur demander de fournir des billets de médecin et les menacer de congédiement elles aussi? Il me semblerait juste qu’elles doivent prouver leur invalidité en présentant des billets de médecin… N’est-ce pas que j’ai raison? Et si elles n’ont pas à le faire, alors moi non plus. Je n’aime pas la façon dont j’ai été induite en erreur. Je veux retourner au travail, reprendre mon emploi et garder mes problèmes médicaux confidentiels… Contournez tout le système. J’étais exactement dans la même situation… Savez-vous ce que j’ai vécu? J’espère que vous le savez…

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 26 septembre 2013

[57] L’arbitre Joan Gordon a fixé la date de l’audience d’arbitrage de Mme Heitzmann au 29 octobre 2013. Peu après, la SCP a demandé qu’on lui fournisse le dossier de la Great‑West, de même que tout autre renseignement médical sur lequel le STTP s’appuierait à l’audience. Le STTP n’a pu donner suite à ces demandes parce que Mme Heitzmann persistait à refuser de donner son consentement.

Le 2 octobre 2013

[58] Compte tenu de la position de Mme Heitzmann concernant ses renseignements médicaux, le STTP a décidé de mettre par écrit toutes les communications qu’il lui envoyait. Le STTP a avisé Mme Heitzmann qu’il aurait peu de chances d’obtenir gain de cause à l’arbitrage si elle ne lui communiquait pas les renseignements médicaux demandés :

Pour les raisons que j’ai exposées dans mon courriel précédent, je crois que Postes Canada est en mesure de démontrer qu’elle avait un motif valable de congédiement. La question qui s’ensuit est de savoir si votre congédiement était justifié compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire. À ce moment‑ci, je crains qu’il n’y ait aucune circonstance atténuante. Vous ne vous êtes pas présentée au travail, vous n’avez pas ouvert les lettres qui vous ont été envoyées et vous n’y avez pas répondu, et vous n’avez pas fourni les renseignements médicaux supplémentaires qui vous ont été demandés à plusieurs reprises. Vous avez aussi refusé de consentir à la communication des renseignements médicaux que demandait la Great‑West alors que celle‑ci était à évaluer la possibilité que vous retourniez au travail. À la lumière de ces facteurs, il est peu probable que le syndicat ait gain de cause à l’arbitrage.

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 3 octobre 2013

[59] Mme Heitzmann a envoyé un courriel à M. Mooney pour lui dire qu’elle n’était pas d’accord avec lui et qu’elle refusait toujours de produire les renseignements médicaux demandés.

Le 4 octobre 2013

[60] Le STTP a de nouveau avisé Mme Heitzmann qu’il avait besoin de sa coopération en vue de l’arbitrage ou de la négociation d’un règlement. Cette coopération supposait de fournir à la SCP les renseignements médicaux demandés :

Je ne tiens pas à me répéter, mais nous allons avoir besoin de votre coopération et de votre entière participation si nous décidons d’aller de l’avant. Que ce soit pour l’arbitrage ou pour des discussions relatives à un règlement, nous devrons fournir à Postes Canada une copie de votre dossier de la Great‑West. Ce type de communication est obligatoire. Il faudra aussi fournir à Postes Canada une copie des dossiers cliniques et des billets de médecin qui ont trait aussi bien à votre absence qu’à vos limitations. Il n’y a aucun moyen de vous soustraire à cette exigence. Que cela vous plaise ou non, Postes Canada a le droit de recourir aux services d’un tiers fournisseur pour la gestion des cas d’invalidité.

De votre propre initiative, vous êtes venue récupérer votre dossier de la Great‑West à notre bureau. Et vous avez indiqué que vous n’étiez pas disposée à communiquer les billets de votre médecin. Cela nous place dans une situation difficile.

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 5 octobre 2013

[61] Mme Heitzmann a de nouveau refusé de fournir ses renseignements médicaux et a contesté la stratégie et les conseils du STTP :

J’ai lu l’information publiée sur le site Web du STTP concernant les mesures d’adaptation. Les personnes faisant l’objet de mesures d’adaptation sont traitées également et peuvent postuler au même titre que les travailleurs réguliers. Puis, ce sont les membres de la direction et du syndicat qui déterminent quelles sont les limitations, et non pas la Great‑West. C’est ce programme qui m’intéresse, et non pas celui que vous proposez. Je ne sais pas pourquoi vous agissez ainsi, mais vous avez tort. Vous me dites maintenant que mes renseignements médicaux doivent être transmis à Postes Canada; vous vous moquez de moi, Ken. Je ne crois pas que je doive faire cela. Je crois que vous devez vous concentrer davantage sur les problèmes en cause plutôt que d’en créer d’autres. Les problèmes sont décrits dans mes griefs, et j’en ai fait part au syndicat. Je n’accepte pas votre message ni vos conseils. Je n’ai rien signé concernant les lettres recommandées et je ne les ai pas ouvertes… Comme je n’ai jamais rien signé, je ne les ai jamais reçues. Je les ai signées uniquement parce que vous m’avez conseillé de le faire pour savoir où étaient les cartes « DLC », puis je les ai prises pour que vous puissiez en prendre connaissance. Je m’occupais de la demande que j’avais présentée à la Sun Life. Je n’ai rien signé relativement aux lettres recommandées, je ne les ai pas lues et je ne les ai pas eues en ma possession avant mon congédiement. En fait, je n’ai su que j’étais congédiée que deux semaines plus tard, grâce à un courriel envoyé par le service auquel j’avais demandé d’être transférée. Veuillez ne présumer de rien ni d’aucune situation. J’ai l’impression que vous cherchez à m’attaquer. Mes griefs doivent être réglés. Comme l’a dit Harb : « J’ai examiné son dossier personnel et j’ai décidé de la congédier. » Mon dossier personnel contenait des problèmes et des accusations de la Société à l’égard desquels mon syndicat n’a rien fait. Faites preuve de solidarité, Ken. Je vous prie d’essayer de trouver une meilleure solution, Ken. Vous m’offensez avec vos manigances.

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 23 octobre 2013

[62] Le STTP a envoyé deux courriels à Mme Heitzmann à propos de l’audience d’arbitrage prévue pour le 29 octobre 2013. Selon le dossier, il est difficile d’établir clairement si le STTP avait déjà informé Mme Heitzmann de la date exacte de l’audience d’arbitrage, que l’arbitre avait confirmée près d’un mois plus tôt, soit le 26 septembre 2013 (voir ci-dessus).

[63] Dans ses courriels, le STTP a dit à Mme Heitzmann qu’il avait besoin de son consentement pour obtenir ses renseignements médicaux et de sa coopération. Elle avait jusqu’au 25 octobre 2013 pour donner suite à la demande du syndicat, à défaut de quoi le STTP retirerait son grief :

Sans votre participation et votre collaboration actives, je ne pourrai pas vous aider.

Veuillez nous confirmer que vous êtes disposée à i) communiquer le dossier de la Great‑West en vue de l’audience d’arbitrage et ii) fournir les autorisations demandées au plus tard le vendredi 25 octobre 2013. Autrement, nous n’aurons d’autre choix que de retirer le grief.

(traduction)

[64] Dans une réponse envoyée par courriel le 23 octobre 2013, Mme Heitzmann a informé M. Mooney qu’elle ne pouvait pas assister à l’audience d’arbitrage prévue pour le 29 octobre 2013 :

Objet : Congédiement – Audience d’arbitrage, le 29 octobre 2013

Je ne pourrai pas assister à l’audience d’arbitrage le 29 octobre. Je pourrais envisager comme date le 29 novembre. Je ne peux accepter les conseils du syndicat en raison de ce que j’ai vécu. Je suis vraiment désolée.

(traduction)

Le 25 octobre 2013

[65] Comme Mme Heitzmann ne pouvait pas assister à l’audience d’arbitrage, le STTP a présenté une demande d’ajournement à l’arbitre. Après avoir refusé, l’arbitre a signifié à Mme Heitzmann une assignation à comparaître ainsi qu’une ordonnance de communication relativement aux renseignements médicaux.

Le 29 octobre 2013

[66] Bien que le STTP ait fait suivre à Mme Heitzmann l’ordonnance de communication et l’assignation de l’arbitre, Mme Heitzmann ne s’est pas présentée à l’audience d’arbitrage. Le STTP et la SCP ont demandé l’ajournement de vive voix.

[67] En revenant à son bureau, M. Mooney a constaté que Mme Heitzmann lui avait laissé un message vocal l’informant qu’elle n’était pas en Colombie‑Britannique et qu’elle avait été malade la semaine précédente. M. Mooney a envoyé un courriel à Mme Heitzmann pour l’informer de ce qui s’était produit devant l’arbitre.

[68] M. Mooney a aussi reçu un appel d’une certaine Mme Gileno, qui laissait entendre qu’elle allait « prendre en charge l’affaire » (traduction). M. Mooney lui a dit qu’elle n’avait pas l’autorisation du STTP pour intervenir de quelque façon que ce soit et lui a demandé d’encourager Mme Heitzmann à coopérer avec le STTP.

Le 31 octobre 2013

[69] L’arbitre Gordon a accueilli la demande d’ajournement du STTP, à la condition que Mme Heitzmann communique son dossier de la Great‑West et justifie son absence au premier jour de l’audience d’arbitrage en produisant un certificat médical.

Le 4 novembre 2013

[70] M. Mooney a informé Mme Heitzmann par courriel des conditions de l’arbitre Gordon et de la prochaine date de l’audience d’arbitrage, soit le 26 novembre 2013. Il lui a répété que le STTP avait besoin de son autorisation pour obtenir les renseignements médicaux demandés.

Le 6 novembre 2013

[71] Le STTP a envoyé un autre courriel à Mme Heitzmann pour lui rappeler qu’il avait besoin de son autorisation et l’informer du fait que la jurisprudence arbitrale appuyait l’imposition de mesures disciplinaires par la SCP.

[72] Mme Heitzmann a répondu le jour même par courriel, a contesté la stratégie du STTP et a de nouveau refusé de donner son autorisation relativement aux renseignements médicaux :

J’estime qu’il est à la fois injuste et inutile de me demander de fournir tous ces renseignements. Ce qui m’inquiète, c’est que de faux renseignements ont été donnés à l’arbitre concernant mon congédiement. Je m’inquiète aussi du fait qu’on cherche à me piéger pour me faire perdre, de sorte que mon syndicat n’ait pas à traiter mes griefs antérieurs. J’ai l’impression que, jusqu’à présent, on fait fausse route et qu’on se dirige droit vers un mur. Je n’ai rien fait de mal. Je ne vous autoriserai pas à communiquer avec mon médecin pour lui poser des questions auxquelles je peux répondre moi‑même. Si je ne retrouve pas mon emploi, ce sera injuste. Vous ne m’aidez pas, Ken. Je pense que vous le savez déjà. J’ai rencontré une femme qui est avocate d’entreprise; elle n’a jamais vu de cas où des gens congédiés ou réintégrés dans leur poste devaient fournir des billets de médecin. Elle s’appuie sur les notes du médecin et sur ce que dit le médecin à propos du travail qu’une personne peut faire. J’ai fait part de mes limitations. J’envisage la possibilité d’envoyer mon dossier de la Great‑West et de déposer plutôt des plaintes relatives aux droits de la personne et contre le syndicat. Je n’adhère aucunement à votre position à cet égard.

(traduction; caractères gras ajoutés)

Le 12 novembre 2013

[73] Pour faire suite à l’ordonnance de l’arbitre Gordon, Mme Heitzmann a laissé certains extraits de son dossier de la Great-West au bureau du STTP. Mme Heitzmann n’a pas autorisé le STTP à communiquer avec son médecin pour obtenir les autres renseignements médicaux dont l’arbitre avait ordonné la communication. Le STTP a transmis à la SCP ce que Mme Heitzmann lui avait communiqué.

[74] Le STTP a de nouveau communiqué avec Mme Heitzmann pour lui demander son autorisation, mais celle‑ci ne lui a pas répondu.

Le 13 novembre 2013

[75] Le STTP a obtenu un avis de son conseiller juridique, selon lequel il était irréaliste de penser avoir gain de cause compte tenu du manque de coopération de la part de Mme Heitzmann.

Le 14 novembre 2013

[76] Le STTP a informé Mme Heitzmann qu’il avait retiré son grief.

Le 4 février 2014

[77] Mme Heitzmann a déposé sa plainte de manquement au DRJ auprès du Conseil.

III. Devoir de représentation juste (DRJ)

A. Article 37 du Code

[78] L’article 37 du Code établit le devoir auquel un syndicat est tenu envers les membres de son unité de négociation :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[79] Le libellé de l’article 37 décrit l’intention du Parlement. Par exemple, le devoir auquel est tenu le syndicat est lié aux droits reconnus à un employé par la convention collective. Comme il est indiqué dans Mallet, 2014 CCRI 730 (Mallet 730), ce devoir ne s’applique pas aux affaires qui ne relèvent pas de la convention collective, comme celles qui ont trait aux statuts d’un syndicat :

[66] Excepté dans certains cas très précis prévus à l’article 95 du Code, le Conseil n’est pas l’instance devant laquelle doivent être contestées des allégations selon lesquelles un syndicat pourrait avoir dérogé à ses politiques internes : voir, par exemple, Thibeault, 2014 CCRI 711. Les statuts d’un syndicat sont évidemment distincts de toute convention collective que le syndicat peut négocier avec un employeur.

[80] De façon similaire, l’intention du Parlement n’était pas que le Conseil siège en appel des décisions d’un syndicat et porte un jugement sur la qualité ou le caractère raisonnable de sa représentation. Au contraire, l’article 37 précise clairement qu’il y a violation du Code uniquement lorsque la conduite d’un syndicat répond au critère exigeant pour être considérée comme « arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi ».

[81] Comme il est indiqué dans Singh, 2012 CCRI 639, le Conseil examine les mesures concrètes que les représentants d’un syndicat ont prises durant la période où ils ont représenté un plaignant :

[81] Étant donné que le Conseil se concentre sur le processus que suit le syndicat, plutôt que sur le bien-fondé de sa décision, une enquête liée à l’article 37 se limite aux mesures concrètes que le syndicat a prises pour décider de ne pas renvoyer une affaire à l’arbitrage. Le Conseil a fait le commentaire suivant sur la portée de son analyse dans la décision Cheema, 2008 CCRI 414 (Cheema 414) :

[12] Le rôle du Conseil, dans le contexte d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste, est d’examiner la manière dont le syndicat a traité le grief de l’employé (voir Vergel Bugay, 1999 CCRI 45). L’objet d’une plainte fondée sur l’article 37 n’est pas d’en appeler de la décision du syndicat de ne pas renvoyer un grief à l’arbitrage ou d’évaluer le bien-fondé d’un grief, mais de faire en sorte que le Conseil se penche sur la façon dont le syndicat a traité le grief (voir John Presseault, 2001 CCRI 138).

[82] L’audience du Conseil n’est pas l’instance appropriée pour un syndicat de démontrer que, s’il avait examiné l’affaire plus à fond, sa conclusion initiale serait quand même correcte.

[82] Dans une plainte de manquement au DRJ, c’est au plaignant qu’incombe le fardeau de la preuve : Scott, 2014 CCRI 710, aux paragraphes 97 à 102. Si le paragraphe 98(4) renverse le fardeau de la preuve dans certaines plaintes de pratique déloyale de travail déposées contre un employeur aux termes du paragraphe 94(3) du Code, ce n’est pas le cas dans les affaires de manquement au DRJ :

98.(4) Dans toute plainte faisant état d’une violation, par l’employeur ou une personne agissant pour son compte, du paragraphe 94(3), la présentation même d’une plainte écrite constitue une preuve de la violation; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(caractères gras ajoutés)

[83] Le Conseil n’a pas l’obligation de tenir une audience dans chaque affaire :

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience.

[84] Le Conseil reçoit de nombreuses plaintes de manquement au DRJ. Il a préparé un formulaire de plainte facultatif ainsi qu’une circulaire d’information pour expliquer aux plaignants en quoi consiste le devoir prévu à l’article 37.

[85] Malgré cela, un assez grand nombre de plaintes de manquement au DRJ visent à contester des affaires qui ne relèvent généralement pas du rôle que le Parlement a conféré au Conseil en vertu de l’article 37 du Code.

[86] Par exemple, un employé peut ne pas être d’accord avec l’interprétation que son syndicat donne à la convention collective. Dans la plupart des cas, comme dans la décision Mallette, 2012 CCRI 645, ce type de divergence d’opinions ne répond pas au critère prévu à l’article 37 :

[24] Dans sa plainte, M. Mallette a contesté l’interprétation de la convention collective. Il n’y avait aucune preuve que le TCA a pris sa position en s’appuyant sur des facteurs arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi. Les faits invoqués indiquent que le TCA avait à trancher une question relative à l’ancienneté impliquant plusieurs membres de l’unité.

[25] Le règlement de ce litige, au moyen d’une explication détaillée au sujet de l’application de la convention collective dans le cas de M. Mallette, ne représente que le travail quotidien d’un agent négociateur. Le Conseil ne tranche pas un débat portant sur l’interprétation « correcte » de la convention collective, y compris une divergence d’opinions sur la question de savoir quelle convention collective devrait s’appliquer à la situation.

[26] Dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ, le Conseil détermine plutôt si la plainte établit une cause prima facie que l’agent négociateur, en prenant une décision quelconque, a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. La plainte de M. Mallette ne satisfait pas à cette exigence.

[27] Pour ces motifs, le Conseil rejette la plainte de M. Mallette puisqu’elle n’établit pas de cause prima facie de violation du Code.

[87] En raison du nombre élevé de plaintes de manquement au DRJ, le Conseil a aussi adopté une analyse de l’existence d’une cause prima facie. Selon cette analyse, un banc du Conseil examine une plainte afin de décider si elle établit une cause prima facie d’une violation du Code : voir Browne, 2012 CCRI 648.

[88] Bien que, initialement, le syndicat n’a pas à répondre à une plainte de manquement au DRJ avant que le Conseil ait terminé son analyse de l’existence d’une cause prima facie, il a un rôle important à jouer si le Conseil demande une réponse. Cette réponse risque d’être sa seule occasion de fournir au Conseil des explications pour démontrer qu’il n’a pas manqué au devoir auquel il est tenu en vertu du Code. Le Conseil s’est prononcé sur l’importance de la réponse du syndicat à une plainte de manquement au DRJ dans Mallet 730, précitée, aux paragraphes 113 à 117.

[89] En l’espèce, compte tenu des allégations initiales de Mme Heitzmann (voir ci‑dessus), le Conseil a demandé au STTP de lui fournir une réponse. M. Mooney, au nom du STTP, a présenté un examen détaillé des nombreuses mesures qu’il a prises pour représenter les intérêts de Mme Heitzmann, aussi bien au cours de la période ayant précédé l’arbitrage que durant la première audience d’arbitrage.

[90] M. Mooney a inclus dans sa réponse des copies de ses nombreuses communications écrites avec Mme Heitzmann au cours de la période où il l’a représentée.

[91] Le Conseil examine le processus suivi par le syndicat dans le cadre de sa représentation du plaignant. Dans McRaeJackson, 2004 CCRI 290, le Conseil a résumé les diverses étapes du processus qu’il était susceptible d’examiner :

[37] Par conséquent, le Conseil juge normalement que le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste s’il a : a) fait enquête sur le grief et obtenu tous les détails relatifs à l’affaire, y compris la version de l’employé, b) déterminé si le grief était fondé, c) tiré des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief et d) informé l’employé des raisons de sa décision de ne pas donner suite au grief ou de ne pas le renvoyer à l’arbitrage.

[92] Dans Lamolinaire, 2009 CCRI 463, le Conseil a formulé les commentaires suivants concernant les obligations du syndicat, ainsi que celles d’un employé membre de l’unité de négociation qui doit aider son syndicat à le représenter :

[36] Étant donné qu’un membre d’une unité de négociation n’a pas généralement le droit absolu de faire porter son grief à l’arbitrage, le Conseil doit examiner, inter alia, les questions suivantes à propos de l’enquête menée par un syndicat :

1. L’enquête du syndicat constituait-elle une enquête superficielle ou approfondie?

2. Le syndicat a-t-il obtenu suffisamment de renseignements pour en arriver à une décision avisée?

3. Y avait-il des conflits des personnalités ou d’autres mauvaises relations qui auraient influencé la validité de la décision du syndicat?

[37] En ce qui a trait au devoir de représentation juste, un syndicat a certaines obligations envers ses membres. Toutefois, les membres ont aussi leurs propres obligations. Un plaignant doit aider son syndicat dans l’exercice de ses fonctions. Si le syndicat est en train d’enquêter sur une affaire, il est important que le plaignant lui fournisse le plus de renseignements possible afin d’assurer que la décision ultime sera une décision avisée.

[93] C’est en tenant compte de la jurisprudence susmentionnée que le Conseil examinera la plainte de Mme Heitzmann.

IV. Analyse et décision

[94] Le Conseil divisera son analyse selon les différentes catégories qu’il a utilisées pour décrire les griefs de Mme Heitzmann.

A. Griefs réglés automatiquement

[95] Mme Heitzmann avait le fardeau de démontrer que la conduite du STTP répondait au critère pour être considérée comme arbitraire ou discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi.

[96] Mme Heitzmann a fait référence de façon générale à 13 griefs qu’elle avait présentés. Le STTP a dressé une liste de 13 griefs, précisant que ceux-ci avaient été traités aux termes d’une disposition particulière de la convention collective. Selon cette disposition, certains griefs ayant trait à des mesures disciplinaires, qui ne supposaient aucune perte financière, étaient traités comme des griefs purement théoriques après un certain temps.

[97] La SCP a approuvé la description que le STTP avait faite de ces griefs.

[98] Dans sa réplique, Mme Heitzmann a tenté de faire valoir le bien‑fondé de diverses questions liées à son emploi. Elle n’a pas convaincu le Conseil que, en se fondant sur une disposition de la convention collective conçue expressément pour ce type de grief, le STTP a répondu au critère établi à l’article 37 du Code.

[99] Mme Heitzmann a soutenu que la SCP s’était en quelque sorte fondée sur ces griefs pour la congédier, mais la SCP a décrit ses motifs dans sa lettre de congédiement. Par ailleurs, la disposition de la convention collective aurait probablement protégé Mme Heitzmann si la SCP avait tenté de se fonder sur ces griefs pour la congédier. Selon les éléments de preuve, la plaignante a été congédiée parce qu’elle a refusé de fournir des renseignements médicaux à la Great‑West. Dans sa lettre de congédiement, la SCP n’a jamais fait état d’un incident déterminant pour justifier le congédiement.

B. Grief concernant un paiement versé en trop

[100] Le Conseil comprend que la SCP et Mme Heitzmann ne s’entendent pas sur la question d’un paiement versé en trop relativement à un congé de maladie que la plaignante a pris.

[101] Mme Heitzmann a allégué que le STTP avait réglé ce grief relatif aux demandes de remboursement sans faire enquête. Mme Heitzmann a aussi allégué que le STTP avait agi de la sorte dans le but de permettre à une agence de recouvrement de la harceler.

[102] Le STTP a informé le Conseil que, le 13 septembre 2013, soit plusieurs mois après le congédiement de Mme Heitzmann, il avait présenté un grief concernant la question du remboursement. Ce grief n’a pas été réglé et serait renvoyé à l’arbitrage, selon la procédure habituelle.

[103] Le STTP s’est vivement opposé à l’« allégation saugrenue » (traduction) selon laquelle il réglerait des « griefs de façon arbitraire pour permettre à des agences de recouvrement de harceler ses membres » (traduction).

[104] Dans sa réplique, Mme Heitzmann a fait valoir que la période visée par ce remboursement avait débuté en 2009 environ, plutôt qu’au moment de son congédiement.

[105] Mme Heitzmann n’a pas convaincu le Conseil que la présumée conduite du STTP a répondu au critère pour être considérée comme arbitraire ou discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi. Mme Heitzmann n’a fourni aucun élément de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle le STTP avait effectivement réglé ce grief. Elle n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve démontrant que le STTP avait des intentions malveillantes lorsqu’il a pris ces mesures.

[106] Vu l’absence d’éléments de preuve de la part de Mme Heitzmann pour contester l’état du grief relatif au paiement en trop, le Conseil est convaincu que, au moment où l’étape de présentation des actes de procédure en l’espèce a pris fin, le grief était toujours en instance dans le cadre de la procédure d’arbitrage de la SCP et du STTP.

[107] Dans sa courte réponse, la SCP s’est dite d’accord avec le STTP sur le fait que ce grief était encore en instance.

C. Grief de congédiement

[108] L’objet principal de la plainte de Mme Heitzmann a trait à la décision du STTP de retirer son grief de congédiement. Il incombait donc à Mme Heitzmann de démontrer que les mesures prises par le STTP répondaient au critère relatif à une conduite arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi.

[109] En se fondant sur les faits décrits ci‑dessus, le Conseil est convaincu que le STTP, par l’entremise de son représentant M. Mooney, a fait preuve de beaucoup de patience, a fourni des conseils judicieux à Mme Heitzmann et lui a donné toutes les occasions possibles de corriger la situation.

[110] Pour des raisons que seule Mme Heitzmann connaît – par exemple, elle a peut‑être suivi les conseils d’autres personnes dont elle n’a pas fait mention –, elle a persisté à refuser d’aider M. Mooney, ce qui a pratiquement garanti que le STTP ne serait pas en mesure d’avoir gain de cause à l’arbitrage.

[111] Quels sont les éléments de preuve qui ont convaincu le Conseil que le STTP s’est acquitté du devoir auquel il est tenu en vertu du Code? Il y a de nombreux exemples.

1. Refus de Mme Heitzmann de coopérer avec le STTP qui cherchait à l’aider

[112] Il n’est pas étonnant que la preuve médicale concernant les limitations d’ordre médical de Mme Heitzmann revêtait une très grande importance pour l’arbitrage de sa cause ayant trait à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Mme Heitzmann elle-même était à l’origine de toute la procédure, puisqu’elle avait demandé de retourner au travail dans un poste adapté à ses besoins.

[113] Pour une raison ou une autre, Mme Heitzmann s’est opposée à la communication de certains renseignements médicaux à l’appui de sa demande de mesures d’adaptation. C’est ce qui a finalement amené la SCP à la congédier et le STTP à présenter un grief en son nom.

[114] Pendant la période qui a précédé l’arbitrage, Mme Heitzmann a persisté à refuser de produire la totalité de ses renseignements médicaux, malgré la multitude de demandes formulées à cet égard par le STTP. M. Mooney n’a pas simplement demandé ces renseignements hors contexte sans expliquer pourquoi il en avait besoin. Au contraire, dans plusieurs communications écrites, il a expliqué à Mme Heitzmann pourquoi ces renseignements étaient essentiels pour la défense de sa cause.

[115] Par exemple, dans son courriel daté du 15 août 2013 (voir ci‑dessus), M. Mooney a clairement informé Mme Heitzmann de ses inquiétudes quant à la façon dont un arbitre percevrait son refus de fournir des éléments de preuve médicaux à l’appui. Il l’a prévenue que son refus initial de fournir des renseignements médicaux pertinents pouvait donner à la SCP un motif valable de la congédier.

[116] M. Mooney a donné des conseils similaires à Mme Heitzmann dans ses courriels datés du 2 et du 4 octobre 2013.

[117] Mme Heitzmann a contesté ces conseils judicieux, et elle a manqué de respect à l’égard des efforts soutenus que déployait M. Mooney pour l’aider. Le courriel de Mme Heitzmann daté du 5 octobre 2013 illustre le type de réactions auxquelles M. Mooney a dû faire face tout au long de son travail de représentation :

Je ne sais pas pourquoi vous agissez ainsi, mais vous avez tort. Vous me dites maintenant que mes renseignements médicaux doivent être transmis à Postes Canada; vous vous moquez de moi, Ken. Je ne crois pas que je doive faire cela. Je crois que vous devez vous concentrer davantage sur les problèmes en cause plutôt que d’en créer d’autres… Je n’accepte pas votre message ni vos conseils. Je n’ai rien signé concernant les lettres recommandées et je ne les ai pas ouvertes… Comme je n’ai jamais rien signé, je ne les ai jamais reçues. Je les ai signées uniquement parce que vous m’avez conseillé de le faire pour savoir où étaient les cartes « DLC », puis je les ai prises pour que vous puissiez en prendre connaissance… Je vous prie d’essayer de trouver une meilleure solution, Ken. Vous m’offensez avec vos manigances.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[118] L’extrait ci‑dessus souligne aussi le fait que Mme Heitzmann semblait croire qu’en refusant d’ouvrir les lettres recommandées, elle améliorerait sa défense. C’est du moins ce qui semble être son raisonnement lorsqu’elle dit au STTP qu’elle a ouvert la ou les lettres recommandées uniquement parce qu’il le lui avait demandé.

[119] Il ne fait aucun doute que Mme Heitzmann était au courant de l’existence des lettres recommandées, compte tenu de ce qu’elle a écrit dans son courriel daté du 5 avril 2013, adressé à la SCP :

HARB, je vous prierais d’arrêter d’envoyer des lettres recommandées à mon adresse… Dites‑lui d’arrêter de me menacer de congédiement; il y a des limites à la quantité de commentaires négatifs qu’une personne veut entendre au cours de sa vie.

(traduction)

[120] Mme Heitzmann a aussi allégué qu’elle n’avait pas été informée de la date de l’audience d’arbitrage du 29 octobre 2013 (voir ci‑après).

2. Communications entre le STTP et Mme Heitzmann

[121] Mme Heitzmann a fait valoir que le STTP n’avait pas communiqué avec elle comme il aurait dû le faire; elle a aussi allégué que le syndicat avait déformé les faits, qu’il avait volé ses dossiers médicaux et qu’il lui avait « tendu un piège » (traduction) en lui proposant une fausse date pour l’audience d’arbitrage.

[122] D’après le volumineux dossier que M. Mooney a joint à la réponse détaillée du STTP, il est évident que ces graves allégations n’avaient aucune valeur probante.

a. Date de l’audience d’arbitrage

[123] Mme Heitzmann a soutenu que le STTP ne l’avait jamais informée de la première date fixée pour l’audience d’arbitrage. Elle a en outre avancé qu’elle n’avait ouvert les courriels du STTP qu’après la date de l’audience :

Une date avait été fixée pour l’audience d’arbitrage de mon grief de congédiement. Je n’étais pas au courant de la date fixée étant donné qu’aucune réunion n’avait eu lieu avec Ken et que personne ne m’avait téléphoné pour discuter des détails. Il semblerait qu’un courriel m’ait été envoyé mais, comme j’étais à l’extérieur de la ville, je n’ai pas vérifié mes courriels. J’ai appris que Ken s’était présenté sans moi à l’arbitrage.

Ken est ensuite en vacances jusqu’au 23 octobre. Je suis aussi en vacances, à l’extérieur de la Colombie‑Britannique. Personne ne m’informe qu’une date a été fixée pour l’audience d’arbitrage. Si j’avais su, il ne fait aucun doute que je me serais organisée pour y être. Ken m’envoie un courriel le 25 octobre pour me dire que l’audience d’arbitrage aura lieu le 29 octobre. Je prends mes courriels le 29 octobre après avoir été malade, et je suis choquée d’apprendre qu’il s’est présenté à l’audience sans moi.

(traduction; pages 5 et 7 de la plainte; caractères gras ajoutés)

[124] Rien dans le dossier ne permet de savoir si le STTP avait fait part de la date exacte de l’audience d’arbitrage à Mme Heitzmann avant qu’il envoie son courriel daté du 23 octobre 2013, mais il ne fait aucun doute qu’elle était au courant à ce moment‑là.

[125] Mme Heitzmann a ensuite répondu à M. Mooney dans un courriel daté du 25 octobre 2013 qu’elle ne pourrait pas assister à l’audience d’arbitrage :

Objet : Congédiement – Audience d’arbitrage, le 29 octobre 2013

Je ne pourrai pas assister à l’audience d’arbitrage le 29 octobre. Je pourrais envisager comme date le 29 novembre. Je ne peux accepter les conseils du syndicat en raison de ce que j’ai vécu. Je suis vraiment désolée.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[126] Après avoir reçu la réponse de Mme Heitzmann, M. Mooney a demandé un ajournement. Même en ignorant le courriel envoyé par Mme Heitzmann le 25 octobre 2013, on peut se demander pourquoi le STTP aurait demandé un ajournement si la plaignante n’avait jamais été informée de la date de l’audience d’arbitrage au préalable.

[127] L’arbitre Gordon a rejeté la demande d’ajournement, puis il a signifié à Mme Heitzmann une assignation à comparaître et lui a ordonné de produire ses renseignements médicaux à l’audience d’arbitrage.

[128] Dans un scénario qui n’est pas sans rappeler le refus de Mme Heitzmann d’ouvrir les lettres recommandées de la SCP, Mme Heitzmann a allégué qu’elle n’était pas au courant de la date de l’audience d’arbitrage parce qu’elle était à l’extérieur de la Colombie‑Britannique et qu’elle avait été malade. Le jour de l’audience, une certaine Mme Gileno avait communiqué avec M. Mooney pour lui dire qu’elle prendrait en charge l’affaire au nom de Mme Heitzmann.

[129] Le Conseil est en mesure d’évaluer la crédibilité dans les affaires de manquement au DRJ sans tenir d’audience : Nadeau c. Métallurgistes Unis d’Amérique, 2009 CAF 100. Il a été démontré à la satisfaction du Conseil, compte tenu du dossier convaincant que le STTP a joint à sa réponse, que Mme Heitzmann était au courant de la date de l’audience d’arbitrage du 29 octobre 2013.

b. Allégation de Mme Heitzmann selon laquelle le STTP a arbitrairement annulé la deuxième date de son audience d’arbitrage

[130] Mme Heitzmann a affirmé que M. Mooney avait annulé la deuxième date de son audience d’arbitrage alors qu’elle essayait de se conformer à l’ordonnance de l’arbitre Gordon :

L’audience d’arbitrage était prévue pour le  26 novembre 2013. Je suis revenue à Vancouver le 12 novembre 2013. Il a annulé l’audience d’arbitrage prévue pour le 14 novembre 2013. Je n’ai jamais eu l’occasion de parler à mon médecin à propos du consentement parce que Ken a annulé l’arbitrage avant que je puisse le faire. Ken a demandé deux copies de mes dossiers médicaux confidentiels de la Great‑West.

(traduction; page 7 de la plainte; caractères gras ajoutés)

[131] Ici non plus, le volumineux dossier de l’affaire n’appuie pas le souvenir que Mme Heitzmann conserve des événements.

[132] Après que M. Mooney eut informé Mme Heitzmann des conditions de l’arbitre Gordon pour maintenir la deuxième date de l’audience d’arbitrage, Mme Heitzmann a de nouveau refusé de donner son consentement. Elle a aussi confirmé qu’elle n’acceptait pas les conseils de M. Mooney :

J’estime qu’il est à la fois injuste et inutile de me demander de fournir tous ces renseignements… Je ne vous autoriserai pas à communiquer avec mon médecin pour lui poser des questions auxquelles je peux répondre moi‑même... Je n’adhère aucunement à votre position à cet égard.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[133] Bien que Mme Heitzmann ait plus tard fourni au STTP certains extraits du dossier de la Great‑West, elle n’a pas donné son consentement concernant les autres documents médicaux. Elle n’a pas non plus répondu à la demande du STTP datée du 12 novembre 2013 relativement à ce consentement.

[134] Malgré l’ordonnance de l’arbitre Gordon, Mme Heitzmann a informé clairement le STTP, comme elle l’avait fait à plusieurs reprises auparavant, qu’elle ne donnerait pas son consentement. Certains renseignements de la Great‑West ont semblé parvenir au bureau du STTP, mais Mme Heitzmann n’a jamais informé le STTP du fait qu’elle avait complètement changé d’avis sur la question du consentement. Le STTP était tout à fait en droit de se fonder sur la position de longue date de Mme Heitzmann lorsqu’il s’est penché sur la question de savoir s’il devait aller en arbitrage.

[135] L’affirmation de Mme Heitzmann selon laquelle le STTP a retiré son grief juste au moment où elle était sur le point de se conformer à l’ordonnance de l’arbitre Gordon semble, au mieux, mensongère.

c. Communication claire des motifs invoqués pour ne pas aller en arbitrage

[136] Dans Scott 710, précitée, les plaignants ont dû déposer une plainte auprès du Conseil pour connaître les motifs pour lesquels leurs griefs de congédiement n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage :

[137] L’AIMTA a qualifié de « ténues » (traduction) les raisons exposées dans ses lettres du 7 septembre 2011, mais le Conseil estime qu’elle n’a aucunement expliqué aux plaignants pourquoi ils ne pouvaient pas contester leur congédiement devant un arbitre. Cette décision non motivée du syndicat a suivi de près la réintégration des trois autres employées congédiées, survenue seulement quelques semaines auparavant.

[138] L’AIMTA a également décidé de ne pas répondre à la longue lettre de demande envoyée par le procureur des plaignants en novembre 2011, ratant ainsi une seconde occasion de s’expliquer.

[139] Un tel refus de fournir des raisons soulève la question préoccupante de savoir si des membres de longue date d’un syndicat doivent déposer une plainte auprès du Conseil pour connaître, même sans trop de détails, les raisons précises pour lesquelles leur grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage. Le Conseil ne sous-entend pas qu’un syndicat doit fournir des motifs écrits semblables à ceux des tribunaux, mais il doit fournir une certaine explication concrète. Cela est particulièrement vrai en l’espèce, étant donné que les quatre plaignants comptaient au total plus de 60 ans de service à United.

[137] La situation est tout le contraire en l’espèce. Le STTP a informé Mme Heitzmann à de nombreuses reprises que sa cause ne serait pas renvoyée à l’arbitrage à moins qu’elle coopère avec le syndicat, qui cherchait à l’aider.

[138] Par exemple, dans son courriel daté du 4 octobre 2013, M. Mooney a indiqué qu’il n’irait pas en arbitrage si Mme Heitzmann ne coopérait pas :

Je ne tiens pas à me répéter, mais nous allons avoir besoin de votre coopération et de votre entière participation si nous décidons d’aller de l’avant. Que ce soit pour l’arbitrage ou pour des discussions relatives à un règlement, nous devrons fournir à Postes Canada une copie de votre dossier de la Great‑West. Ce type de communication est obligatoire.

(traduction)

[139] Le STTP a résumé les raisons pour lesquelles il n’irait pas en arbitrage dans le courriel qu’il a envoyé à Mme Heitzmann le 13 novembre 2013 :

Comme je vous l’ai mentionné précédemment par courriel, le syndicat aurait besoin de votre participation et de votre coopération actives pour pouvoir évaluer votre dossier et préparer votre défense. Je vous ai demandé à plusieurs reprises de m’autoriser à communiquer avec votre médecin et à obtenir les renseignements médicaux nécessaires pour évaluer votre dossier et préparer votre défense. Je vous ai dit à plusieurs reprises que nous ne serions pas en mesure de vous aider sans une participation et une collaboration actives de votre part. Le 23 octobre 2013, je vous ai dit précisément que nous n’aurions d’autre choix que de retirer le grief si vous ne vouliez toujours pas fournir l’autorisation demandée. À ce jour, vous n’avez toujours pas donné votre autorisation malgré les diverses demandes que je vous ai faites.

Après avoir pris connaissance d’un avis juridique que nous avons nous‑mêmes demandé, nous sommes d’avis que nous n’avons aucune chance raisonnable d’avoir gain de cause à l’arbitrage compte tenu des renseignements qui nous ont été fournis.

Pour faire suite à mon courriel précédent daté du 23 octobre 2013, veuillez prendre note que le grief susmentionné sera dès lors retiré.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[140] Le STTP a prévenu Mme Heitzmann à de nombreuses reprises que son manque de coopération nuirait à sa cause. Vu l’intransigeance persistante de Mme Heitzmann, le STTP n’a pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’il a décidé de retirer son grief de congédiement.

V. Conclusion

[141] Comme il est indiqué dans la jurisprudence du Conseil, précitée, le Conseil examine le processus qu’a suivi le syndicat pendant la période pertinente. Autrement dit, il s’intéresse aux mesures que le syndicat a prises pour représenter les intérêts d’un membre.

[142] En l’espèce, M. Mooney a toujours cherché à aider Mme Heitzmann.

[143] Le processus suivi par le STTP montre que celui‑ci a très bien compris les raisons pour lesquelles la SCP avait congédié Mme Heitzmann. Le STTP a cherché à obtenir le consentement de Mme Heitzmann pour avoir accès à des renseignements médicaux qui devaient l’aider à défendre un grief dans lequel la plaignante alléguait qu’aucune mesure d’adaptation n’avait été prise à son endroit.

[144] Le refus intentionnel de Mme Heitzmann d’aller chercher les lettres recommandées de la SCP ou d’autoriser le gestionnaire des cas d’invalidité de la SCP à examiner certains renseignements médicaux a nui aux arguments juridiques du STTP.

[145] À de maintes reprises, le STTP a informé Mme Heitzmann des difficultés juridiques que comportait sa cause et des mesures qu’elle pouvait prendre pour améliorer sa situation. Mme Heitzmann a refusé de suivre ces conseils. Ce refus, entre autres choses, a aussi empêché le STTP d’amorcer des discussions en vue d’un règlement à l’égard desquelles la SCP avait manifesté une certaine ouverture.

[146] L’absence de coopération de la part de Mme Heitzmann en ce qui a trait aux efforts déployés par le STTP a notamment été observée dans le fait qu’elle a négligé sciemment de se présenter à la première date prévue pour l’audience d’arbitrage. Selon la documentation écrite faisant état des communications entre M. Mooney et Mme Heitzmann, celle‑ci était au courant de cette date d’arbitrage.

[147] Même après le premier fiasco devant un arbitre du travail chevronné, le STTP a continué de tenter de représenter les intérêts de Mme Heitzmann. Cependant, Mme Heitzmann a persisté à refuser de coopérer.

[148] Au bout du compte, après avoir examiné la situation avec son conseiller juridique, le STTP a décidé de retirer le grief de Mme Heitzmann. Il a par la suite fait part des motifs de sa décision à Mme Heitzmann par courriel.

[149] Le Conseil ne constate aucune conduite arbitraire ou discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi dans le processus qu’a suivi le STTP tout au long de cette affaire.

[150] En conséquence, la plainte de manquement au DRJ est rejetée.

[151] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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