Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Firmin Mallet,

plaignant,

et

Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers,

intimée,

et

VIA Rail Canada inc.,

employeur.

Dossier du Conseil : 29467-C

Référence neutre : 2014 CCRI 730

Le 16 juin 2014

 

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de Me Richard Brabander et M. Daniel Charbonneau, Membres. Une audience a eu lieu les 18, 19 et 20 mars et le 14 avril 2014.

Ont comparu

Me Brian F.P. Murphy, Me Candace Salmon et M. Tom Barron, pour M. Firmin Mallet;

Me Anthony F. Dale, pour la Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers;

Me William Hlibchuk, pour VIA Rail Canada inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I. Introduction

[1] Le 11 juin 2012, le Conseil a reçu une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) de la part du procureur de M. Firmin Mallet. M. Mallet travaille pour VIA Rail Canada inc. (VIA), mais il s’est absenté du travail pendant plusieurs années pour des raisons de santé.

[2] La Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers (la FCCET) est l’agent négociateur officiellement accrédité. Unifor, issu de la fusion récente du Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada) et du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, a informé le Conseil qu’il procède actuellement à la mise à jour de ses nombreuses ordonnances d’accréditation auprès du Conseil.

[3] Aux fins de la présente affaire, et pour éviter toute confusion, l’agent négociateur sera désigné comme le syndicat dans les présents motifs de décision.

[4] M. Mallet allègue que le syndicat a enfreint le Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) en ne donnant pas suite à une offre de médiation qui devait lui permettre de retourner au travail. Dans sa plainte, il conteste aussi la décision du syndicat de ne pas présenter de grief concernant la prise de mesures d’adaptation.

[5] Le syndicat allègue qu’il a représenté M. Mallet chaque fois que celui‑ci lui a demandé de l’aide. En outre, le syndicat souligne que la médiation n’a pas eu lieu parce que l’autre employé concerné a refusé d’y participer. Cela s’est produit lorsque l’autre employé a appris que M. Mallet avait communiqué avec la police à propos de certaines questions.

[6] Dans les premières observations qu’il a formulées en réponse à la plainte, le syndicat a allégué qu’il n’aurait pas eu gain de cause si un arbitre avait été saisi du grief de M. Mallet. À l’audience, le syndicat a soutenu que le grief était prématuré.

[7] VIA allègue que, en déposant la plainte en question, M. Mallet cherchait à éviter le délai imposé par le Code de manière à pouvoir contester certains événements survenus précédemment, à l’extérieur du délai. Le syndicat a lui aussi soulevé des questions liées au délai de dépôt de la plainte.

[8] Le Conseil conclut que le syndicat a agi de manière arbitraire à l’égard des droits reconnus à M. Mallet par la convention collective et ordonne, entre autres choses, le renvoi à l’arbitrage de son grief concernant la prise de mesures d’adaptation.

[9] Voici les motifs à l’appui des conclusions du Conseil.

II. Faits

[10] Le contexte de la situation de M. Mallet couvre plusieurs années. M. Mallet n’a pas travaillé pour VIA depuis février 2010. À la date où les parties ont présenté leur plaidoirie finale, soit le 14 avril 2014, M. Mallet n’était toujours pas retourné à son lieu de travail, même s’il en avait manifesté l’intérêt à maintes reprises (voir ci‑après).

[11] Les prestations d’invalidité que touchait M. Mallet ont pris fin vers le mois de novembre 2013. Il n’a plus de revenus depuis.

[12] Compte tenu de la durée de la période pendant laquelle M. Mallet a été absent du travail, le syndicat et VIA ont tous les deux soulevé certaines objections concernant le délai de dépôt de la plainte. Le Conseil a examiné les actes de procédure des parties et, dans sa lettre datée du 1er novembre 2013, a décrit l’orientation qu’il donnerait à son audience à Halifax.

Le Conseil tiendra une audience ciblée pour examiner la demande de M. Mallet datée du 30 mars 2012, visant la présentation d’un grief en son nom par le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA‑Canada) (TCA), et la décision subséquente du TCA de ne pas présenter de grief.

Le Conseil a fixé les dates de l’audience pour instruire cette affaire aux 18, 19 et 20 mars 2014, et celle-ci aura lieu à Halifax (Nouvelle‑Écosse), à l’hôtel Delta Halifax situé au 1990, rue Barrington.

La portée d’une plainte fondée sur l’article 37 est liée aux droits reconnus à M. Mallet par la convention collective. Par conséquent, au cours de l’audience, aucun événement ne sera examiné dans le détail aux termes des politiques internes de VIA Rail Canada inc. (VIA) ou du TCA, sauf peut‑être à des fins de mise en contexte.


 

Le TCA et VIA pourront débattre de la question concernant le délai de dépôt de la plainte, mais cette question sera traitée conjointement avec le bien‑fondé de la plainte déposée en vertu de l’article 37. Le Conseil a conclu qu’il ne sera pas en mesure de statuer sur les arguments concernant le délai de dépôt de la plainte sans d’abord entendre les témoignages.

(traduction)

[13] M. Mallet a commencé à travailler comme employé à temps partiel pour VIA en mai 1998. En 2007, il est devenu employé à temps plein.

[14] En janvier 2010, M. Mallet a déposé une plainte dans laquelle il alléguait qu’il avait fait l’objet de harcèlement et de discrimination au travail (pièce 5). Le syndicat l’a aidé à résoudre la situation, mais M. Mallet a finalement refusé de signer l’entente qui lui était proposée.

[15] En mai 2011, M. Mallet a déposé une plainte de harcèlement sexuel auprès de VIA (pièce 6).

[16] VIA a fait enquête sur la deuxième plainte conformément à sa politique interne sur le harcèlement (pièce 3; onglet 3). Pendant l’audience, les parties ont fait référence au contenu de divers entretiens tenus dans le cadre de cette procédure (pièce 3; onglet 4).

[17] Le 6 septembre 2011, VIA a informé M. Mallet du fait qu’elle n’était pas en mesure d’établir le bien‑fondé des allégations qu’il avait formulées dans sa plainte. VIA a aussi offert les services d’un médiateur indépendant :

La présente fait suite à votre plainte datée du 24 novembre 2010, que VIA a reçue le 12 mai 2011, dans laquelle vous alléguiez avoir fait l’objet de harcèlement sexuel de la part de xxx il y a environ un an et demi.

En raison de la gravité de ces allégations et conformément à la politique sur le harcèlement, nous nous sommes entretenus officiellement avec vous, de même qu’avec xxx. Nous avons aussi pris connaissance des déclarations de collègues.

Je tiens à vous informer que, après avoir examiné les faits et les déclarations recueillies, il nous a été impossible d’établir le bien‑fondé des allégations que vous avez formulées dans votre plainte.

Sachez que la direction continuera de voir à ce que le code de conduite et la politique sur le harcèlement soient respectés en milieu de travail.

Afin de faciliter votre retour au travail et de tenter de résoudre votre différend avec xxx, la société est disposée à fournir les services d’un médiateur indépendant. Reposant sur l’expertise d’un médiateur, cette procédure permet aux parties à un différend de formuler des ententes qui contribuent à solidifier la résolution. Nous serions heureux que vous acceptiez de participer à une procédure de médiation. La confidentialité de cette procédure garantit le respect de votre vie privée durant et après la médiation.

xxx sera aussi informé de nos conclusions et du fait que tout autre acte de harcèlement, d’intimidation ou de représailles sera considéré comme une inconduite et ne sera pas toléré.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[18] Après avoir été informé des conclusions de VIA, M. Mallet n’a pas demandé que le syndicat présente un grief à propos de ses allégations de harcèlement sexuel.

[19] Vers le mois de novembre 2011, M. Mallet a retenu les services de Barron T Labour Relations (BTLR). Dans une lettre datée du 16 janvier 2012, BTLR a demandé à VIA d’amorcer la procédure de médiation indépendante qu’elle avait proposée dans sa lettre du 6 septembre 2011 pour permettre à M. Mallet de retourner au travail :

La présente fait suite à votre lettre du 6 septembre 2011 adressée à Firmin Mallet concernant la plainte de harcèlement sexuel qu’il a déposée. Je vous confirme que les services de Baron T Labour Relations ont été retenus relativement à cette plainte. M. Mallet nous a demandé de l’accompagner dans sa démarche et de prendre part au processus de résolution dans cette affaire.

Comme vous le savez, M. Mallet reçoit des soins psychiatriques depuis qu’il a déposé officiellement sa plainte, et selon ce que nous comprenons en lisant votre lettre, la société est disposée à fournir les services d’un médiateur indépendant. J’aimerais que vous m’appeliez pour que nous discutions de la mise en oeuvre de cette procédure en vue de favoriser la résolution de la plainte de M. Mallet et de l’aider à retourner au travail.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[20] Dans sa réponse datée du 17 janvier 2012, VIA a informé BTLR qu’elle devait traiter directement avec le syndicat pour les affaires touchant les membres de l’unité de négociation. VIA a envoyé une copie de sa réponse à deux représentants de la section locale du syndicat :

La présente fait suite à la lettre que vous avez envoyée par télécopieur et que nous avons reçue le 16 janvier 2012.

M. Mallet est un employé syndiqué représenté par le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA) pour ce qui est des questions touchant la rémunération, les heures de travail et d’autres conditions de travail.

Par conséquent, reconnaissant que le TCA est l’unique agent négociateur de M. Mallet, VIA Rail Canada inc. ne peut négocier directement avec M. Mallet ou avec vous à l’égard de ces questions.

(traduction)

[21] Le 2 février 2012, BTLR a écrit au président national du syndicat à propos de la situation de M. Mallet (pièce 1; onglet 3; page 93). Dans cette lettre, BTLR a demandé au syndicat de donner suite à l’offre de médiation de VIA. BTLR a aussi demandé au syndicat de faire enquête sur la situation aux termes de sa propre politique interne sur le harcèlement. Cette politique fait partie des statuts du syndicat :

Je vous prierais de demander à un représentant du personnel de s’occuper immédiatement de ce dossier, notamment en confirmant la validité de l’offre de VIA pour ce qui est des services d’un médiateur indépendant. Il est essentiel que vous compreniez que, compte tenu des faits tels que nous les comprenons, et compte tenu des éléments de preuve qui ont été présentés, confrère Mallet a besoin de l’aide de mon entreprise de même que d’une représentation adéquate de la part du syndicat pour régler cette affaire. Vous devez aussi comprendre que, à notre avis, cette affaire peut être réglée au moyen de discussions franches et ouvertes et d’un examen des faits, qui aideront confrère Mallet à reprendre confiance dans la représentation de son syndicat. Je crois que l’orientation suivante serait appropriée :

1. Amener VIA à participer à une intervention menée par une tierce partie, comme elle l’a proposé (voir la lettre ci‑jointe).

2. Demander au bureau national du TCA de faire enquête sur la situation.

En terminant, permettez‑nous d’insister pour que confrère Mallet ait accès à une personne-ressource pour l’aider au cours de ce processus. J’espère recevoir une réponse de votre part compte tenu de la gravité de la situation.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[22] Le 25 février 2012, M. Mallet (sur du papier à lettres portant l’en‑tête de BTLR) a écrit à M. Les Holloway, directeur régional du syndicat, pour savoir qui, au sein du syndicat, amorcerait la procédure de médiation :

Je vous demande de me dire qui, au sein du TCA, mon agent négociateur, amorcera cette procédure. À ce jour, je n’ai reçu aucune nouvelle ni du TCA ni de VIA Rail concernant ma décision d’accepter l’offre de l’entreprise.

Je veux retourner au travail, et je dois le faire dans un milieu exempt de harcèlement sexuel. J’aimerais que vous m’appeliez pour que nous discutions de la mise en oeuvre de cette procédure, qui m’aidera à régler la situation et à retourner au travail.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[23] Dans une lettre datée du 29 février 2012, M. Holloway a invité M. Mallet à communiquer avec le représentant régional du syndicat, M. Lou Walsh, à propos de la procédure de médiation (pièce 2; onglet 3).

[24] Le 5 mars 2012, M. Mallet a écrit directement à VIA pour lui parler une fois de plus de la médiation, mais il a pris soin d’envoyer une copie de son message à MM. Holloway et Walsh, du syndicat :

M. Jason Carney vous a écrit en mon nom pour vous demander d’amorcer cette procédure, et vous lui avez répondu le 16 janvier 2012 que TCA‑Canada était l’agent négociateur accrédité et que vous ne traiteriez qu’avec lui. Comme plus de deux semaines se sont écoulées depuis, je vous demande ce qui suit :

1) L’offre que vous avez faite le 6 septembre 2011 s’adressait à moi et non au syndicat (TCA‑Canada); je vous demande donc de me fournir le nom d’un médiateur indépendant pour que j’en prenne connaissance et que j’approuve votre choix.

2) J’examinerai votre suggestion et, s’il y a lieu, je vous proposerai le nom d’un médiateur; ce qu’il importe de comprendre ici, c’est que j’ai fait clairement part de mon intention de participer au processus, comme vous l’a dit M. Carney, parce que je souhaite retourner au travail dans un milieu sûr où je ne ferai pas l’objet de harcèlement.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[25] Le 30 mars 2012, M. Mallet a écrit à M. Walsh et lui a demandé deux choses : 1) donner suite à l’offre de médiation auprès de VIA; et 2) présenter à VIA un grief concernant la prise de mesures d’adaptation :

En ma qualité de membre du TCA, je vous demande de faire deux choses afin que débute la procédure que VIA m’a offerte :

1. Demander à VIA à quel moment elle prévoit amorcer la procédure de médiation indépendante et à quel moment elle prévoit me faire part de sa suggestion quant au médiateur qui en sera chargé.

2. Présenter en mon nom le grief ci‑joint à VIA.

(traduction)

[26] Dans le grief qu’il a demandé au syndicat de présenter en son nom, M. Mallet alléguait que VIA n’avait pris aucune mesure d’adaptation à son endroit :

À Louis Walsh

Je demande au syndicat de présenter à VIA un grief pour contester une violation de la convention collective parce que l’entreprise refuse de prendre des mesures d’adaptation raisonnables pour moi, Firmin Mallet, dans un lieu de travail exempt de harcèlement et que, en raison de cette violation découlant du refus de prendre des mesures d’adaptation, j’ai subi des pertes de salaire et d’avantages sociaux et j’ai perdu le droit de travailler chez VIA. J’allègue que la conduite de l’entreprise est injuste et enfreint la convention collective et l’article 7 de la loi sur les droits de la personne. Je demande à l’employeur une indemnisation pour toutes les pertes de salaire et d’avantages sociaux que j’ai subies depuis le jour où j’ai demandé la mise en oeuvre de l’entente proposée sur la médiation indépendante.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[27] Dans son témoignage, M. Walsh a indiqué qu’il a reçu la lettre de M. Mallet le 3 avril 2012, à 11 h 55. Il a immédiatement téléphoné à M. Mallet et lui a demandé certains renseignements. Le courriel de suivi de M. Walsh, envoyé le même jour à 15 h 11, résumait les renseignements qu’il avait demandés (pièce 1; onglet 3; page 99) :

Comme nous en avons discuté au téléphone aujourd’hui, voici les questions que je vous ai posées :

1- VIA a‑t‑elle répondu à votre lettre datée du 5 mars 2012 adressée à Sheila Duffy, gestionnaire principale?

2- En ce qui a trait à votre demande de grief que vous avez jointe à la lettre datée du 30 mars 2012, que nous avons reçue aujourd’hui :

À quelle date exactement souhaitez‑vous que la période d’indemnisation débute?

Pour ce qui est de la date à laquelle vous avez « demandé la mise en oeuvre de l’entente proposée », s’agit‑il :

du 6 septembre 2011, date de la réponse de VIA et de son offre de conciliation par une tierce partie?

du 16 janvier 2012, date de la télécopie envoyée par Jason Carney à VIA (dont je n’ai ni de copie ni de détails) à laquelle une réponse a été envoyée le 17 janvier 2012?

OU d’une autre date?

Durant notre conversation téléphonique, vous n’avez pas pu répondre à la question 1. Pour ce qui est de la question 2, vous n’étiez pas certain de l’échéancier relatif à l’indemnisation et aux avantages sociaux.

Comme vous l’avez indiqué, vous allez communiquer avec M. Carney pour obtenir des précisions.

Je vous saurais gré de me transmettre tout document, comme la télécopie susmentionnée.

(traduction)

[28] M. Walsh a aussi rédigé une note pour lui‑même (pièce 2, page 21) le 3 avril 2012 à 12 h 35 à propos de sa conversation avec M. Mallet :

1) Quand VIA a‑t‑elle répondu à votre lettre du 5 mars 2012?

- Pas à sa connaissance.

En ce qui a trait à votre demande de grief pour perte de salaire et d’avantages sociaux, quelle est la date exacte que vous aviez l’intention d’utiliser pour le moment auquel vous avez « demandé la mise en oeuvre de l’entente proposée »?

- Il n’était pas certain; je vais envoyer une demande par courriel pour obtenir des précisions.

Il ne veut qu’aucun employé de VIA connaisse son adresse.

(traduction)

[29] Deux jours plus tard, le 5 avril 2012, M. Walsh a rédigé une autre note pour lui‑même à propos d’une discussion qu’il avait eue à 11 h 40 avec VIA concernant la demande de médiation de M. Mallet (pièce 2; page 25) :

Sheila (illisible) Firmin

Appeler le PAE pour prévoir la médiation

A‑t‑il demandé des mesures d’adaptation?

Il ne voulait pas travailler pour [xxx]

On lui a proposé d’être transféré dans un poste de préposé à l’inventaire

Son dernier jour de travail était en février 2010

Choix de postes depuis

GW – Où peut‑il travailler pour ne pas être avec [xxx]

Sheila communiquera avec Firmin, réponse à la lettre du 5 mars 2012 et information concernant la séance de médiation

(traduction)

[30] Dans son témoignage principal, M. Walsh a décrit cet appel téléphonique avec VIA. Ils ont discuté de mesures d’adaptation et de la demande de M. Mallet de ne pas travailler avec l’autre employé qui était visé par sa plainte de harcèlement. VIA a indiqué qu’elle communiquerait avec le « PAE » (traduction) pour prévoir la médiation.

[31] M. Walsh a parlé à VIA du point de vue exprimé par M. Mallet en 2011 concernant le fait de travailler à son lieu de travail. Dans le cadre d’une discussion tenue durant l’enquête menée en juillet 2011 concernant la plainte de harcèlement sexuel de M. Mallet, il aurait été question d’un poste de préposé à l’inventaire.

[32] En 2011, M. Mallet a exprimé des préoccupations à l’égard du fait de devoir travailler dans le même lieu de travail que l’autre employé.

[33] M. Walsh a aussi discuté avec VIA du désir de la Great‑West, compagnie d’assurance‑vie (GW), qui versait des prestations d’invalidité à M. Mallet, de voir M. Mallet retourner au travail. GW avait apparemment demandé à quel autre endroit M. Mallet pouvait être transféré de manière à ce qu’il n’ait plus de contact avec l’autre employé.

[34] M. Walsh n’a pas discuté avec M. Mallet ou ses représentants du contenu de sa conversation téléphonique avec VIA. M. Walsh n’a jamais demandé de renseignements médicaux à M. Mallet.

[35] Le 5 avril 2012 à 14 h 10, M. Mallet a répondu à la demande de renseignements que M. Walsh lui avait transmise par écrit (pièce 1; page 101) :

Louis Walsh, la présente fait suite à votre demande de renseignements concernant mon grief. Le syndicat a reçu une copie conforme de la réponse de Mme Duffy à la lettre que Jason lui avait envoyée à ma demande pour mettre en oeuvre le processus de médiation que VIA m’avait offert. Le syndicat en a été informé le 2 et le 25 février 2012. Je vous demande de demander l’indemnisation pour pertes de salaire à compter du 26 janvier 2012, date de la lettre de M. Carney. VIA n’a pas répondu à la lettre du 5 mars 2012. L’offre de médiation de VIA remonte au 6 septembre 2011, et vous le savez puisqu’elle a été envoyée en copie conforme à Heather Grant. Vous trouverez ci‑joint la lettre de M. Carney.

Firmin Mallet

(traduction)

[36] Outre cela, M. Walsh n’a joué aucun autre rôle dans la demande de médiation de M. Mallet. Sa collègue du syndicat, Mme Heather Grant, qui avait participé à l’enquête sur la plainte de harcèlement initiale, s’est occupée de l’offre de médiation de VIA.

[37] Dans son témoignage principal, M. Walsh a expliqué pourquoi il a décidé de ne pas présenter de grief. Il a témoigné que M. Mallet n’était pas prêt à retourner au travail. Il a indiqué qu’il examinerait de nouveau la situation lorsque M. Mallet serait en mesure de retourner au travail. À son avis, le grief de M. Mallet était prématuré.

[38] M. Walsh a témoigné que le grief de M. Mallet avait trait à la prise de mesures d’adaptation raisonnables et qu’il attendait que M. Mallet lui dise qu’il était en mesure de retourner au travail.

[39] M. Walsh a affirmé que, après le dépôt de sa plainte auprès du Conseil, M. Mallet n’a jamais demandé d’autre forme d’aide du syndicat.

[40] M. Walsh, qui a parlé dans son témoignage de sa formation liée au traitement des griefs, a indiqué que le protocole normalisé consistait à prendre des notes sur les conversations tenues et les mesures prises.

[41] M. Walsh a affirmé qu’il a décidé le 5 avril 2012 de ne pas présenter le grief de M. Mallet. Il a dit qu’il avait laissé un message en ce sens sur la boîte vocale de M. Mallet, un message que M. Mallet nie avoir reçu. M. Walsh n’a pas envoyé de lettre de confirmation pour expliquer les raisons justifiant la décision du syndicat de ne pas présenter le grief. Il n’a rien noté à son dossier concernant cet appel ou le contenu du message qu’il affirme avoir laissé.

[42] En contre‑interrogatoire, M. Walsh a confirmé qu’il n’avait jamais informé M. Mallet de ses droits d’interjeter appel de la décision du syndicat.

[43] En contre‑interrogatoire, M. Walsh a indiqué que M. Mallet aurait pu présenter son grief lui‑même. Cependant, il a souligné que le syndicat recommandait généralement aux employés de ne pas le faire.

[44] À l’audience, Mme Heather Grant, secrétaire‑trésorière (Conseil national) – qui a pris part au dossier de médiation, mais qui n’a joué aucun rôle dans la demande de grief –, a aussi affirmé que le grief de M. Mallet était prématuré. Elle travaillait dans le même bureau que M. Walsh. Comme il ne s’agissait pas de son dossier, Mme Grant n’a pris aucune note.

[45] Mme Grant a témoigné que M. Mallet touchait des prestations d’invalidité de longue durée parce qu’il était totalement invalide. Elle a indiqué que M. Mallet ne l’avait jamais informée du fait qu’il n’était plus invalide. Le syndicat ne disposait d’aucun renseignement médical concernant M. Mallet. Dans le cadre de discussions tenues en juillet 2011, Mme Grant a compris que M. Mallet aurait pu obtenir un poste sans lien hiérarchique avec l’autre employé, mais ils travailleraient encore au même lieu de travail.

[46] Mme Grant a aussi décrit de quelle façon l’éventualité d’une enquête criminelle a refroidi l’intérêt de l’autre employé de prendre part à la médiation en mai 2012. Mme Grant a aussi indiqué que M. Mallet avait le droit de présenter lui‑même un grief.

[47] En contre‑interrogatoire, Mme Grant a témoigné que le grief de M. Mallet était une demande de mesures d’adaptation raisonnables. Selon le témoignage de celle‑ci, le processus d’adaptation n’allait débuter que si M. Mallet présentait un certificat médical indiquant qu’il pouvait retourner au travail. Cependant, étant donné que M. Mallet n’a fourni aucun certificat médical concernant son aptitude au travail, Mme Grant a indiqué qu’aucune mesure d’adaptation n’a pu être envisagée.

[48] Mme Grant est d’avis qu’il ne lui appartenait pas de se renseigner sur les limitations de M. Mallet. Comme elle l’a précisé dans son témoignage : « Je ne demande pas de renseignements médicaux. » (traduction). Elle ne savait pas si M. Walsh avait demandé à M. Mallet de lui fournir des renseignements médicaux.

[49] Selon Mme Grant, le plus important pour M. Mallet était d’avoir accès à la médiation pour régler ses problèmes.

[50] Le ou vers le 5 avril 2012, M. Mallet a écrit à son représentant de BTLR pour l’informer que VIA avait communiqué avec lui au sujet de la médiation proposée (pièce 2; page 27) :

Sheila Duffy m’a appelé après que je vous ai parlé. Elle m’a demandé si je voulais retourner au travail et à quel moment je serais prêt à y retourner. J’ai dit que je voulais retourner au travail lorsque ce problème serait réglé, selon ce que le médecin a écrit dans son rapport.

Elle a dit ensuite que nous allions prévoir une rencontre avec un médiateur, avec le PAE. Je lui ai dit que j’étais d’accord, et je lui ai demandé de m’envoyer une lettre pour confirmer; elle a accepté et a dit qu’elle allait répondre à ma lettre. Puis j’ai dit : « D’accord. »

Firmin

(traduction)

[51] On ne sait pas exactement à quel moment le syndicat a reçu une copie de cet échange de courriels entre M. Mallet et VIA. Le syndicat l’a inclus dans les documents qu’il a présentés à l’audience.

[52] M. Mallet a écrit de nouveau à VIA le 10 avril 2012 au sujet de la médiation :

À la suite de votre conversation téléphonique du 5 avril 2012 concernant la procédure de médiation indépendante proposée par VIA, je comprends que nous avons discuté et convenu des points suivants :

Vous m’avez demandé si je voulais retourner au travail, et je vous ai répondu que j’étais prêt à retourner au travail selon les conditions établies par mon médecin, c’est­à­dire que la question du harcèlement doit avoir été réglée ou que le harceleur doit avoir été retiré du lieu de travail. Vous m’avez dit que vous organiseriez une séance de médiation, et je vous ai dit que je voulais avoir par écrit toute orientation proposée par VIA.

Ai-je raison de croire que le médiateur sera une personne indépendante, chargée de me donner l’occasion de travailler dans un milieu exempt de harcèlement, et que je prendrai part au processus décisionnel afin de désigner cette personne? Comme vous le savez, le syndicat est l’agent négociateur accrédité, mais cette offre de médiation m’a été adressée à moi, et non à lui. À votre avis, quel rôle le syndicat jouera‑t‑il dans le processus? J’attends avec impatience des nouvelles de votre part par écrit.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[53] M. Mallet n’a pas fait parvenir de copie de cette lettre au syndicat, bien qu’elle figure également dans le recueil de documents produit par ce dernier.

[54] Le Conseil ne conclut pas que le syndicat a eu connaissance des communications échangées entre M. Mallet et VIA le 5 et le 10 avril 2012 au moment où celles-ci ont été envoyées. Le syndicat a à l’évidence obtenu des copies de ces communications par la suite et il les a incluses dans son recueil de documents.

[55] Le syndicat a fait des démarches auprès de VIA relativement à la médiation. Au bout du compte, la médiation n’a pas eu lieu. L’autre employé concerné a refusé d’y participer après avoir appris que M. Mallet avait communiqué avec la police au sujet de l’affaire.

[56] Le syndicat avait informé l’autre employé que, s’il y avait des accusations en instance au criminel, la médiation pourrait ne pas être dans son intérêt, comme le confirme le courriel que le syndicat a envoyé à VIA le 17 mai 2012 :

Sheila,

J’ai parlé à xxx aujourd’hui et il est impatient que les séances de médiation prévues aient lieu.

Il y a cependant un problème : Fermin [sic] a déposé des accusations au criminel contre xxx.

J’ai avisé xxx que, tant que des accusations au criminel seront en instance, la participation à une médiation pourrait ne pas être dans son intérêt.

Nous vous ferons savoir quand les accusations seront traitées.

(traduction)

[57] Le 11 juin 2012, le Conseil a reçu la plainte de M. Mallet.

[58] Dans sa réponse du 15 août 2012 à la plainte écrite de M. Mallet, le syndicat a soutenu que le grief de celui-ci – qui, selon le syndicat, visait à contester les conclusions de VIA du 6 septembre 2011 relatives à la plainte en matière de harcèlement sexuel – avait été présenté à l’extérieur du délai prescrit. Dans ses observations présentées au Conseil, le syndicat avançait également, en ce qui concerne la question des mesures d’adaptation, qu’un arbitre aurait conclu que VIA avait présenté des offres de mesures d’adaptation raisonnables :

20) Le 30 mars 2012, le syndicat a bien reçu une demande du plaignant visant à ce qu’un grief soit présenté. C’était la première fois que le plaignant formulait une telle demande depuis le début du processus. Le syndicat s’est penché sur cette demande.

La première chose à prendre en considération était de se demander si nous pouvions présenter à un arbitre les mêmes éléments de preuve et documents, ou invoquer leur absence, et nous attendre à une conclusion différente de celle qui avait été tirée dans la décision du 6 septembre 2011. La réponse à cette question était « non ». Il fallait également prendre en considération la question des délais. Manifestement, la Société pourrait avancer que la cause du grief remonte à 2007 ou, subsidiairement, au 21 janvier 2010 ou, au plus tard, au 6 septembre 2011. D’une manière ou d’une autre, les délais ne seraient pas respectés. Le syndicat a également pris en considération les offres de prendre des mesures d’adaptation que la Société avait présentées pour le plaignant. Le syndicat estime qu’un arbitre conclurait que ces offres de mesures d’adaptation étaient raisonnables. Le syndicat était également préoccupé par la question du chevauchement de procédures.

21) En avril 2011, M. Walsh a avisé le plaignant du rejet de sa demande du 30 mars 2012 visant à ce qu’un grief soit présenté.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[59] M. Mallet avait également déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), ce qui avait initialement amené le Conseil à différer l’instruction de l’affaire. Toutefois, le Conseil a appris ultérieurement que la CCDP avait clos son dossier en août 2012, car le plaignant ne l’avait pas rappelée :

Je suis désolé d’avoir raté votre appel, mais j’étais déjà au téléphone. Pour donner suite à votre dernier message vocal, laissé le 18 janvier 2013 et qui concernait la demande de modification de la plainte, de telle sorte que le syndicat y soit ajouté comme intimé, je vous renvoie au courriel du 22 juin 2012 que vous a fait parvenir ma collègue Marie-Josée Frenette. Dans ce courriel, celle‑ci accusait réception de votre lettre et vous informait que votre client devrait déposer une plainte distincte contre le TCA, car il est impossible d’ajouter un intimé à une plainte existante. Elle vous a également avisé que votre lettre avait été transmise à un analyste, qui devait communiquer avec vous au cours des semaines suivantes pour une discussion plus approfondie.

Selon nos dossiers, l’analyste a tenté de vous joindre les 24 et 30 juillet 2012 et il vous a laissé des messages vocaux à ces deux occasions. Étant donné que vous ne l’avez pas rappelé, l’analyste a fermé le dossier le 1er août 2012. Selon nos dossiers, vous n’avez pas communiqué avec nous au sujet de cette nouvelle plainte jusqu’à ce que vous nous laissiez un message vocal le 18 janvier 2013.

Je constate qu’un manquement au devoir de représentation juste est allégué dans la plainte contre le syndicat. Le Conseil canadien des relations industrielles serait le mieux placé pour examiner de telles allégations.

(traduction)

[60] Après avoir reçu ces renseignements, le Conseil a entrepris l’examen de la plainte de M. Mallet, qu’il avait jusque-là reporté.

III. Questions en litige

[61] Les faits en l’espèce soulèvent les questions suivantes :

A.    Quelle est la portée d’une plainte de manquement au DRJ?

B.     La plainte de M. Mallet a-t-elle été déposée dans le délai prescrit?

C.     Le syndicat s’est-il acquitté du devoir de représentation juste auquel il est tenu à l’égard de M. Mallet en vertu de l’article 37 du Code?

[62] Nous examinerons chacune de ces questions dans l’ordre où elles figurent ci‑dessus.

IV. Analyse et décision

A. Quelle est la portée d’une plainte de manquement au DRJ?

[63] La plainte de M. Mallet fait référence aux statuts du syndicat et à la politique en matière de harcèlement qui y figure :

Il est allégué que l’intimé a agi de manière arbitraire en refusant d’exercer sa compétence et de s’acquitter de ses responsabilités consistant à aider son membre et à s’acquitter de l’obligation à laquelle il est tenu envers ses membres aux termes de ses statuts eu égard aux enquêtes sur les conduites discriminatoires en milieu de travail.

Le syndicat, TCA-Canada, a adopté dans ses statuts une politique selon laquelle tous les lieux de travail qui relèvent de sa compétence doivent être exempts de harcèlement, et le syndicat a adopté une politique, équitable envers tous, selon laquelle un représentant du syndicat doit être nommé pour faire enquête sur toute allégation de harcèlement en milieu de travail. Cette politique a été conçue pour s’appliquer à toutes les formes de harcèlement. Je suis un homosexuel qui a été victime de circonstances extraordinaires de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle survenues dans mon milieu de travail. J’ai remis une copie d’un document exposant les problèmes de harcèlement aux représentants de ma section locale du syndicat et, pour une raison ou une autre, ceux‑ci ont décidé de ne pas appliquer la politique du TCA. Cette politique est jointe à la présente à titre de référence pour le Conseil. Elle exige qu’une enquête soit menée relativement aux circonstances essentielles des actes discriminatoires et qu’un rapport, assorti de recommandations, soit rédigé et transmis au président national afin que des mesures soient prises en conformité avec les exigences que prévoient les statuts du syndicat.

(traduction; caractères gras ajoutés; pages 4 et 10 de la plainte)

[64] Il a parfois semblé y avoir de la confusion dans certains des actes de procédure, et lors de l’audience, en ce qui concerne la compétence du Conseil. Le Conseil avait tenté de décrire la portée de l’audience dans sa lettre susmentionnée du 1er novembre 2013. À l’audience, des éléments de preuve concernant les statuts du syndicat ont mené à des objections quant à leur pertinence.

[65] Il est énoncé explicitement à l’article 37 que le devoir de représentation juste prévu au Code s’applique aux droits reconnus à un employé par la convention collective :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

(caractères gras ajoutés)

[66] Excepté dans certains cas très précis prévus à l’article 95 du Code, le Conseil n’est pas l’instance devant laquelle doivent être contestées des allégations selon lesquelles un syndicat pourrait avoir dérogé à ses politiques internes : voir, par exemple, Thibeault, 2014 CCRI 711. Les statuts d’un syndicat sont évidemment distincts de toute convention collective que le syndicat peut négocier avec un employeur.

[67] Le Conseil rejette l’argument de M. Mallet selon lequel le syndicat a enfreint l’article 37 du Code en ne menant aucune enquête sur le harcèlement conformément à ses statuts. Toute question relative à ce manquement allégué excède la portée d’une plainte de manquement au DRJ.

B. La plainte de M. Mallet a-t-elle été déposée dans le délai prescrit?

[68] Les paragraphes 97(1) et (2) du Code établissent un délai de 90 jours pour le dépôt d’une plainte :

97. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), toute personne ou organisation peut adresser au Conseil, par écrit, une plainte reprochant :

a) soit à un employeur, à quiconque agit pour le compte de celui-ci, à un syndicat, à quiconque agit pour le compte de celui-ci ou à un employé d’avoir manqué ou contrevenu aux paragraphes 24(4) ou 34(6), aux articles 37, 47.3, 50, 69, 87.5 ou 87.6, au paragraphe 87.7(2) ou aux articles 94 ou 95;

b) soit à une personne d’avoir contrevenu à l’article 96.

(2) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.

(caractères gras ajoutés)

[69] Aux termes de l’alinéa 16m.1) du Code, le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de proroger les délais prescrits pour entamer une procédure :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

m.1) proroger les délais fixés par la présente partie pour la présentation d’une demande;

[70] VIA a soutenu que M. Mallet ne faisait plus confiance au syndicat depuis bien avant les événements de 2012. Elle a souligné que M. Mallet n’avait jamais porté en appel les conclusions de VIA du 6 septembre 2011 relatives à la plainte en matière de harcèlement. M. Mallet n’avait pas non plus présenté de grief concernant ses allégations de harcèlement sexuel.

[71] VIA a avancé que M. Mallet avait utilisé BTLR pour créer une preuve de refus récent afin de donner une seconde vie à une plainte qui aurait autrement été présentée à l’extérieur du délai prescrit; Bélair, 2010 CCRI 510. VIA a soutenu que le Conseil ne devrait pas être utilisé pour débattre de nouveau la question du harcèlement sexuel.

[72] VIA a également avancé que M. Mallet n’avait jamais demandé de mesures d’adaptation. Son grief de mars 2012, dans lequel il affirmait que VIA n’avait pris aucune mesure d’adaptation à son endroit, était donc dépourvu de fondement.

[73] Le syndicat a soutenu que BTLR apporte son aide à M. Mallet depuis novembre 2011. À son avis, le délai de 90 jours prévu au paragraphe 97(2) a commencé à courir à ce moment-là. La plainte déposée ultérieurement, en juin 2012, ne peut donc servir à contester des événements survenus en 2010 et en 2011.

[74] M. Mallet a pour sa part soutenu que sa plainte de juin 2012 découle d’événements survenus au cours de la période allant de janvier à mai 2012.

[75] Le Conseil a cité ci-dessus un extrait de sa lettre du 1er novembre 2013 concernant la portée de son audience. Dans cette lettre, le Conseil faisait référence à la demande que M. Mallet avait présentée au syndicat le 30 mars 2012 :

Le Conseil tiendra une audience ciblée pour examiner la demande de M. Mallet datée du 30 mars 2012, visant la présentation d’un grief en son nom par le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA‑Canada) (TCA), et la décision subséquente du TCA de ne pas présenter de grief.

(traduction)

[76] Les positions divergentes des parties quant aux objections concernant le délai de dépôt de la plainte donnent à penser qu’une certaine confusion a peut-être entouré la demande précise que M. Mallet avait adressée au syndicat dans son grief de mars 2012.

[77] Si, dans son grief, M. Mallet avait demandé au syndicat de contester les conclusions de VIA tirées en septembre 2011 selon lesquelles il n’y avait pas eu de harcèlement sexuel, VIA et le syndicat auraient pu alors présenter un argument convaincant quant au délai de dépôt de la plainte. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique que telle était l’intention de M. Mallet. Au cours de la période pertinente, le syndicat n’a pas non plus demandé à M. Mallet si telle était son intention.

[78] À l’audience, le Conseil a insisté sur le fait qu’il n’était pas l’instance à qui il revenait d’établir le bien-fondé de la plainte en matière de harcèlement sexuel de M. Mallet, ou de se prononcer sur la conduite du syndicat au cours de la période de 2010 à 2011. Bien que les parties aient présenté des éléments de preuve concernant ces événements afin de présenter le contexte, il serait normalement jugé que des événements remontant à 2010 et 2011 sont survenus en dehors du délai prescrit dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ déposée en juin 2012.

[79] Si M. Mallet avait demandé au syndicat de présenter un grief pour contester les conclusions tirées par VIA au sujet des allégations de harcèlement sexuel lorsqu’il a fait appel à BTLR pour la première fois à l’automne 2011, un refus de présenter le grief aurait alors pu se révéler pertinent en ce qui a trait à la recevabilité d’une plainte de manquement au DRJ.

[80] Toutefois, dans la documentation qu’elle a fait parvenir à VIA en janvier 2012, BTLR demandait seulement des renseignements au sujet de la médiation proposée par VIA. Il ne ressort pas de cette documentation que M. Mallet a jamais demandé au syndicat de présenter un grief pour contester les conclusions tirées par VIA relativement à sa plainte en matière de harcèlement sexuel. Les notes de M. Walsh ne donnent pas non plus à penser que tel était l’objectif du grief de M. Mallet.

[81] De la confusion a peut-être résulté de la demande présentée par M. Mallet afin que le syndicat procède à une enquête conformément à ses statuts. Mais cette question n’a rien à voir avec la convention collective ni avec le grief de M. Mallet.

[82] Les demandes présentées par M. Mallet à compter de janvier 2012 concernaient la médiation que VIA avait proposée. M. Mallet avait également demandé au syndicat de présenter un grief, alléguant que VIA « refus[ait] de prévoir et de prendre des mesures d’adaptation raisonnables pour [lui] » (traduction). Ces demandes présentées en 2012 n’ayant mené à aucune solution acceptable pour M. Mallet, celui-ci a décidé de déposer une plainte de manquement au DRJ en juin 2012.

[83] Compte tenu de cette chronologie claire, le Conseil conclut que la question du délai de dépôt de la plainte est sans incidence sur la plainte déposée en juin 2012 par M. Mallet.

[84] Le Conseil examinera donc le processus que le syndicat a suivi après avoir reçu les demandes d’aide que lui a présentées M. Mallet en 2012.

C. Le syndicat s’est-il acquitté du devoir de représentation juste auquel il est tenu à l’égard de M. Mallet en vertu de l’article 37 du Code?

1. Les principes du DRJ

[85] Les principes qui régissent le devoir de représentation juste sont assez bien connus.

[86] Dans McRaeJackson, 2004 CCRI 290, le Conseil a décrit les quatre éléments qu’il examine pour évaluer le processus suivi par un syndicat :

[37] Par conséquent, le Conseil juge normalement que le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste s’il a : a) fait enquête sur le grief et obtenu tous les détails relatifs à l’affaire, y compris la version de l’employé, b) déterminé si le grief était fondé, c) tiré des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief et d) informé l’employé des raisons de sa décision de ne pas donner suite au grief ou de ne pas le renvoyer à l’arbitrage.

(c’est nous qui soulignons)

[87] Le Conseil ne siège pas en appel des décisions prises par un syndicat. Il examine plutôt le processus qu’un syndicat a suivi au cours de la période pertinente afin d’évaluer s’il y a eu violation de l’article 37. Dans Singh, 2012 CCRI 639 (Singh 639), le Conseil a expliqué l’importance d’examiner ce que les représentants syndicaux ont effectivement fait au cours de la période pertinente, et non ce qu’ils auraient pu faire :

[81] Étant donné que le Conseil se concentre sur le processus que suit le syndicat, plutôt que sur le bien-fondé de sa décision, une enquête liée à l’article 37 se limite aux mesures concrètes que le syndicat a prises pour décider de ne pas renvoyer une affaire à l’arbitrage. Le Conseil a fait le commentaire suivant sur la portée de son analyse dans la décision Cheema, 2008 CCRI 414 (Cheema 414) :

[12] Le rôle du Conseil, dans le contexte d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste, est d’examiner la manière dont le syndicat a traité le grief de l’employé (voir Vergel Bugay, 1999 CCRI 45). L’objet d’une plainte fondée sur l’article 37 n’est pas d’en appeler de la décision du syndicat de ne pas renvoyer un grief à l’arbitrage ou d’évaluer le bien-fondé d’un grief, mais de faire en sorte que le Conseil se penche sur la façon dont le syndicat a traité le grief (voir John Presseault, 2001 CCRI 138).

[82] L’audience du Conseil n’est pas l’instance appropriée pour un syndicat de démontrer que, s’il avait examiné l’affaire plus à fond, sa conclusion initiale serait quand même correcte.

[83] Le Conseil a soulevé ce point à plusieurs reprises au cours de l’audience en raison de doutes concernant la pertinence de certaines questions posées.

[84] En l’espèce, le Conseil s’intéressait précisément à ce que les Teamsters avaient fait, principalement par l’intermédiaire de M. Randall, pour finir par conclure, le 15 mars 2010, de ne pas procéder à l’arbitrage. Une audience relative à un manquement au DRJ n’est pas le moment où le syndicat peut procéder à une nouvelle enquête sur l’affaire, dans le cadre d’un contre-interrogatoire mené par un avocat très habile, en vue de justifier le bien-fondé de sa conclusion initiale.

[85] Le fait de permettre à un syndicat de mener une seconde fois son enquête lors d’une audience relative à un manquement au DRJ comporte deux problèmes. Premièrement, on perd de vue le fait que le Conseil est tenu de se concentrer sur le processus qui a été concrètement suivi; deuxièmement, cela incite le Conseil à examiner le bien-fondé de la décision du syndicat. Cela n’est pas le rôle du Conseil. Ce dernier respectera les décisions que prend un syndicat sur ces questions, à la condition que le processus qu’il a suivi réponde aux normes qu’impose l’article 37 du Code.

[86] Le Conseil a tranché la présente affaire en se fondant sur ce que les Teamsters ont concrètement fait au moment d’évaluer le dossier de M. Singh. Il n’est pas convaincu que des mesures qui auraient pu être prises, mais qui ne l’ont pas été, ont une pertinence quelconque à l’égard de son analyse.

(caractères gras ajoutés)

[88] Dans Pepper, 2009 CCRI 453 (Pepper 453), le Conseil s’est penché sur des allégations selon lesquelles un syndicat n’avait pas donné suite à une demande de mesures d’adaptation :

[37] Compte tenu de son examen de la preuve en l’espèce, le Conseil estime devoir se pencher sur deux aspects de la conduite du syndicat : le fait que le syndicat n’a fait aucun effort pour obtenir une preuve médicale concrète, hormis un résumé fait de vive voix par la représentante de l’employeur, bien qu’il s’agisse d’une affaire de mesures d’adaptation où la preuve médicale était certes cruciale; le fait que le syndicat n’a aucunement tenté de discuter de l’affaire avec l’employée s’estimant lésée avant de décider de retirer le grief.

(caractères gras ajoutés)

[89] Dans Pepper 453, précitée, le Conseil a conclu que le syndicat avait enfreint le Code parce qu’il n’avait pas discuté de l’affaire avec l’employée s’estimant lésée et qu’il n’avait pas cherché à obtenir tous les renseignements médicaux pertinents :

[41] Compte tenu des faits en l’espèce, le Conseil conclut que le syndicat a causé un préjudice à la plaignante en ne discutant pas du grief avec elle et en n’essayant pas d’obtenir tous les renseignements médicaux pertinents avant de retirer le grief. Le syndicat n’a pas communiqué avec la plaignante pour obtenir la preuve médicale qui lui aurait permis de contester la décision de l’employeur de retirer la plaignante du programme de tâches modifiées ou au moins pour obtenir la version des faits de la plaignante avant de décider de retirer le grief. La conduite du syndicat en l’espèce constitue de la négligence grave qui ne cadre pas avec le devoir de représentation juste du syndicat, lequel doit faire l’objet d’un examen plus attentif dans les affaires où il est question de mesures d’adaptation.

[42] Par conséquent, le Conseil conclut que le syndicat a agi de manière arbitraire lorsqu’il a décidé de retirer le grief de la plaignante sans avoir essayé de communiquer avec celle-ci pour obtenir la preuve médicale nécessaire afin d’évaluer adéquatement son grief.

(caractères gras ajoutés)

[90] Dans Gough, 2010 CCRI 534 (Gough 534), le Conseil a examiné le processus suivi par un syndicat qui venait en aide à un membre de l’unité de négociation dans un dossier de mesures d’adaptation. Le Conseil a jugé que le processus suivi par le syndicat et l’aide qu’il avait apportée permettaient de conclure que le syndicat n’avait pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire :

[39] Après avoir entendu toute la preuve, y compris celle au sujet des efforts déployés par le syndicat et l’employeur, à partir de 2004, pour encourager le plaignant à retourner au travail, ainsi que celle portant sur les mesures d’adaptations offertes au plaignant, nous ne décelons aucune preuve que le syndicat a agi de manière arbitraire ou discriminatoire dans la présente affaire. En fait, le syndicat a offert conseils et assistance au plaignant tout au long du processus. Il l’a conseillé relativement à la preuve médicale requise, s’est présenté aux rencontres avec l’employeur concernant le retour au travail, a convaincu l’employeur de retirer ses demandes de retour au travail qu’il avait formulées au plaignant et a défendu la position du plaignant auprès de l’employeur. Il est manifeste qu’au cours de la période précédant le congédiement du plaignant, l’intérêt principal de ce dernier n’était pas de retourner au travail, mais qu’il canalisait plutôt ses énergies à presser l’employeur de faire enquête sur sa plainte antérieure de harcèlement. Comme l’a noté l’arbitre Picher dans sa décision de mai 2005, le plaignant était « accroché au passé » (pièce 3, onglet 3; traduction). Nous distinguerons donc la présente affaire de celles dans Barbara Pepper et Grace Bingley, précitées, auxquelles on a fait référence plus haut, dans lesquelles les plaignantes tentaient activement d’obtenir des mesures d’adaptation au travail. Finalement, le plaignant est retourné avec succès au travail en novembre 2005, dans les mêmes conditions que l’employeur lui avait offertes en juillet 2004. Cela donne à penser que le plaignant aurait peut-être été apte à retourner au travail bien avant cette date et ainsi atténuer les pertes financières qu’il a subies en raison de ses gestes. Le Conseil rejette donc sans peine cet aspect de la plainte portée contre le syndicat.

(caractères gras ajoutés)

[91] Dans Gough 534, précitée, le Conseil a également expliqué pourquoi le syndicat pouvait prendre une décision réfléchie en se fondant seulement sur une partie des renseignements médicaux pertinents :

[41] M. Neale a déclaré dans son témoignage qu’il n’était pas en possession des rapports d’expert de Dr Spinner au moment où il a pris la décision de retirer le grief. Cependant, il avait le billet médical daté du 10 juin 2003 de Dr Lenart, qui rendait un diagnostic et dans lequel ce dernier envoyait le plaignant consulter Dr Spinner. M. Neale a aussi attesté qu’il avait discuté régulièrement de la question du dossier du plaignant avec M. Penner et qu’il avait eu une longue rencontre avec le plaignant le 16 octobre 2003, au cours de laquelle tous les aspects du grief de ce dernier avaient fait l’objet de discussions. La preuve démontre sans équivoque que, même si M. Neale n’a peut-être pas lu tous les rapports médicaux, il avait connaissance de l’état de santé du plaignant et du fait que le plaignant attribuait ce problème au harcèlement de la part du directeur du terminal. La présente affaire est donc différente de celle décrite dans Barbara Pepper, précitée, où le représentant du syndicat qui a décidé de retirer le grief n’a eu pratiquement aucun contact avec la plaignante avant de prendre sa décision. La preuve donne à penser que le représentant du syndicat, M. Neale, disposait de suffisamment de renseignements pour prendre une décision réfléchie relativement au grief. On doit aussi mentionner que, pour la période pertinente en question, l’issue du grief faisant l’objet de discussions n’aurait pas été influencée par les rapports médicaux. La question dont l’arbitre aurait été saisi aurait été celle de savoir si le directeur en question avait harcelé ou non le plaignant. Il ne s’agissait pas d’une question d’ordre médical.

(caractères gras ajoutés)

[92] Le Conseil tiendra compte de ces principes dans son analyse du processus suivi par le syndicat dans l’affaire de M. Mallet.

2. L’argument du syndicat à l’appui de la représentation fournie à M. Mallet

[93] Le syndicat a soutenu que les éléments de preuve démontraient qu’il s’était penché sur les demandes de M. Mallet et qu’il en était arrivé à une décision réfléchie. Il a souligné que M. Walsh et Mme Grant n’avaient manifesté aucune animosité à l’endroit de M. Mallet. En fait, chacun d’eux était déjà venu en aide à M. Mallet dans le passé, relativement à différentes questions.

[94] Le syndicat n’a pas contesté qu’il savait que M. Mallet était en congé d’ILD pour des raisons médicales, mais il a souligné qu’il ne connaissait pas les détails de la situation, car M. Mallet ne lui avait jamais communiqué les renseignements médicaux qu’il avait présentés à l’audience. En outre, le syndicat a soutenu que M. Mallet demandait seulement un milieu de travail exempt de harcèlement dans son grief; aucune mesure d’adaptation n’était demandée pour une incapacité mentale ou physique.

[95] Le syndicat a établi une distinction entre la présente affaire et la décision rendue par le Conseil dans Pepper 453, précitée, affirmant que l’affaire de M. Mallet n’est pas une affaire d’invalidité.

[96] Le syndicat a fait observer que la conduite de M. Mallet avait fait en sorte qu’il avait été difficile de le représenter, par exemple en raison des tentatives qu’il avait faites, par l’intermédiaire de ses conseillers, pour traiter directement avec VIA. En janvier 2012, VIA avait informé M. Mallet qu’il devait traiter avec le syndicat. Le syndicat avait alors écrit à M. Mallet, le 29 février 2012, et lui avait dit de communiquer avec M. Walsh pour obtenir de l’aide.

[97] En dépit de cette lettre, M. Mallet a à nouveau écrit directement à VIA en mars 2012 et a avancé qu’elle devait traiter directement avec lui.

[98] M. Walsh a quant à lui communiqué avec M. Mallet le jour même qu’il a reçu la demande concernant la médiation et la présentation d’un grief. M. Walsh a parlé à M. Mallet et a pris en considération les renseignements que M. Mallet lui a ensuite envoyés par courriel. Il a également discuté de la situation de M. Mallet avec VIA.

[99] Mme Grant a, de la même façon, traité avec M. Mallet de bonne foi lorsqu’elle a tenté de fixer l’heure et la date de la médiation. Son objectif était de faire en sorte que M. Mallet retourne au travail.

[100] Le syndicat a soutenu que M. Walsh et Mme Grant avaient tous deux conclu que le grief était prématuré. Ils avaient conclu que la situation de M. Mallet serait finalement résolue grâce à la médiation.

3. Les actes de M. Mallet

[101] Le Conseil est d’accord avec le syndicat quant au fait que certains actes de M. Mallet ont rendu sa représentation difficile. Toutefois, quelques actes inconsidérés ne suffisaient pas pour que le syndicat soit dispensé du devoir auquel il est tenu en vertu du Code.

[102] Par exemple, au lieu d’écrire d’abord au syndicat pour qu’il apporte son aide à M. Mallet, les conseillers de celui-ci ont contourné le syndicat et ont écrit directement à VIA. En janvier 2012, VIA a informé M. Mallet qu’il devait traiter avec l’agent négociateur accrédité. Il n’est guère surprenant qu’un employeur syndiqué adopte cette position.

[103] Malgré cette position claire, et en dépit de la lettre du 29 février 2012 dans laquelle le syndicat indiquait à M. Mallet avec quel représentant syndical il devait communiquer pour qu’il soit donné suite à ses dossiers, M. Mallet a encore une fois décidé d’écrire directement à VIA le 5 mars 2012.

[104] Bien qu’ils aient sans doute été importuns et de peu d’utilité, les actes de M. Mallet sont sans incidence sur la conclusion finale du Conseil. Le syndicat avait tout de même reçu une demande d’aide de la part d’un employé invalide qui était en arrêt de travail depuis plusieurs années pour des raisons médicales. Le Conseil doit examiner de quelle manière le syndicat a traité cette demande.

4. La décision du syndicat concernant la médiation

[105] Le fait que la médiation n’a pas eu lieu signifie-t-il que le syndicat a enfreint le Code?

[106] M. Mallet n’a pas convaincu le Conseil que le syndicat a agi de façon répréhensible lorsqu’il a mis fin à ses démarches relatives à la médiation après que l’autre employé eut refusé d’y participer. La médiation se fondait sur un consentement mutuel; rien n’indiquait que le syndicat pouvait obliger le collègue de M. Mallet à y participer.

[107] Le Conseil estime qu’il n’est pas surprenant que l’autre employé ait refusé de participer à la médiation après qu’il eut été avancé qu’une enquête criminelle avait lieu. Si la plainte de M. Mallet concernait simplement le fait que la médiation n’avait pas eu lieu, le processus suivi par le syndicat à cet égard satisferait à la norme qu’impose l’article 37.

[108] Toutefois, M. Mallet – qui avait demandé à maintes reprises au syndicat de l’aider à retourner au travail – a convaincu le Conseil que le syndicat a agi de manière arbitraire lorsqu’il a décidé de ne pas présenter son grief concernant la prise de mesures d’adaptation.

5. Le syndicat a-t-il obtenu des précisions sur ce que M. Mallet attendait de son grief?

[109] Le syndicat doit savoir quel est l’objet d’un grief, ou demander des précisions s’il a des doutes à ce sujet, afin de pouvoir le traiter comme il se doit. En l’espèce, le Conseil a de la difficulté à concilier les positions apparemment contradictoires du syndicat en ce qui concerne l’objet du grief de M. Mallet.

[110] Le syndicat a adopté deux positions dans sa réponse du 15 août 2012 à la plainte de manquement au DRJ de M. Mallet, à savoir : i) qu’un arbitre serait d’accord avec les conclusions tirées par VIA le 6 septembre 2011 relativement aux allégations de harcèlement sexuel, et ii) que VIA s’était déjà acquittée de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de M. Mallet.

[111] Il est opportun de rappeler ici la position du syndicat, telle que celui‑ci l’a décrite dans la réponse officielle qu’il a donnée à la plainte de M. Mallet :

20) Le 30 mars 2012, le syndicat a bien reçu une demande du plaignant visant à ce qu’un grief soit présenté. C’était la première fois que le plaignant formulait une telle demande depuis le début du processus. Le syndicat s’est penché sur cette demande.

La première chose à prendre en considération était de se demander si nous pouvions présenter à un arbitre les mêmes éléments de preuve et documents, ou invoquer leur absence, et nous attendre à une conclusion différente de celle qui avait été tirée dans la décision du 6 septembre 2011. La réponse à cette question était « non ». Il fallait également prendre en considération la question des délais. Manifestement, la Société pourrait avancer que la cause du grief remonte à 2007 ou, subsidiairement, au 21 janvier 2010 ou, au plus tard, au 6 septembre 2011. D’une manière ou d’une autre, les délais ne seraient pas respectés. Le syndicat a également pris en considération les offres de prendre des mesures d’adaptation que la Société avait présentées pour le plaignant. Le syndicat estime qu’un arbitre conclurait que ces offres de mesures d’adaptation étaient raisonnables. Le syndicat était également préoccupé par la question du chevauchement de procédures.

21) En avril 2011, M. Walsh a avisé le plaignant du rejet de sa demande du 30 mars 2012 visant à ce qu’un grief soit présenté.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[112] Le syndicat a également avancé, dans la réponse qu’il a donnée à la plainte en août 2012, qu’il avait examiné les tentatives faites par VIA pour prendre des mesures d’adaptation et qu’il avait conclu qu’un arbitre rendrait une décision défavorable au plaignant. Cette affirmation est intéressante compte tenu du fait que VIA a soutenu, à l’appui de son objection concernant le délai de dépôt de la plainte, que M. Mallet n’avait jamais demandé de mesures d’adaptation et que, par conséquent, son grief était dépourvu de fondement. Au bout du compte, s’il y a là une contradiction entre les points de vue de VIA et du syndicat, cette contradiction concerne cependant le grief aux termes de la convention collective, et non la présente plainte de manquement au DRJ.

[113] Pourquoi le Conseil accorde-t-il une telle importance à la réponse que le syndicat a donnée à la plainte écrite de M. Mallet? Dans les affaires de manquement au DRJ, le Conseil procède tout d’abord à une analyse de l’existence d’une cause prima facie. Si un plaignant n’établit pas l’existence d’une cause prima facie, alors le Conseil ne demande pas au syndicat de répondre à la plainte de manquement au DRJ. Il rejette plutôt la plainte.

[114] Dans Reid, 2013 CCRI 693, le Conseil a souligné l’importance des actes de procédure du plaignant ainsi que de celles du syndicat intimé, si celui‑ci est appelé à répondre à une plainte de manquement au DRJ :

[32] Comme il a été mentionné ci-dessus, le Conseil est pleinement conscient du fait que Mme Reid, comme nombre de parties au litige se représentant elles-mêmes, ne connaît peut-être pas bien le Code. Cela dit, c’est tout de même au plaignant qu’il incombe, au bout du compte, d’examiner ses propres documents, y compris les documents censés être pertinents, et de rédiger une plainte conformément au Règlement. Le plaignant ne s’acquitte pas de cette obligation en présentant des centaines de pages de documents et en demandant implicitement au Conseil de les examiner et de décider, s’il y a lieu, des éléments qui devraient faire partie d’une plainte.

[33] Dans un cas de manquement au DRJ, il serait injuste que le Conseil demande aux intimés de fournir des observations en réponse à des observations difficiles à suivre sans avoir effectué au préalable l’analyse essentielle de la preuve suffisante à première vue. L’un des objectifs de l’analyse de la preuve suffisante à première vue est d’éviter le gaspillage de ressources observé par le passé lorsque les intimés devaient répondre à toutes les plaintes de manquement au DRJ, peu importe les lacunes qu’elles pouvaient comporter.

[34] En contrepartie, les intimés doivent maintenant prendre le temps nécessaire pour répondre adéquatement lorsque le Conseil, après avoir conclu à l’existence d’une preuve suffisante à première vue, leur demande de formuler des observations.

(caractères gras ajoutés)

[115] Étant donné que le Conseil rejette la grande majorité des plaintes de manquement au DRJ en se fondant exclusivement sur les actes de procédures des parties, la réponse d’un syndicat est d’une grande importance.

[116] Le Conseil a de la difficulté à concilier l’explication qui figure dans la réponse que le syndicat a donnée le 15 août 2012 avec la position qu’il a adoptée ultérieurement à l’audience. En août 2012, le syndicat avait, entre autres choses, soutenu que le grief ne serait pas accueilli par un arbitre parce que VIA avait déjà offert à M. Mallet des mesures d’adaptation appropriées.

[117] À l’audience, le syndicat a soutenu que ce même grief était prématuré.

[118] Les notes manuscrites prises par M. Walsh le 5 avril 2012 indiquent qu’une discussion initiale a eu lieu avec VIA au sujet de la notion de mesures d’adaptation raisonnables. Lorsqu’il lui a été demandé, en contre-interrogatoire, quel était l’objet du grief de M. Mallet, M. Walsh a répondu : « L’élément fondamental, d’après ma compréhension, est la question des mesures d’adaptation raisonnables » (traduction).

[119] Pendant les deux jours qu’il a fallu au syndicat pour décider de ne pas présenter le grief de M. Mallet, il semble que personne n’ait jamais demandé à celui‑ci quel était exactement l’objet de son grief. Cela explique peut-être les positions divergentes qui ont été exposées au Conseil en ce qui a trait à la demande de M. Mallet, de même que les arguments avancés quant au délai de dépôt de la plainte.

6. Un syndicat doit-il demander une preuve médicale dans le cas d’un grief visant à obtenir des mesures d’adaptation?

[120] M. Mallet était absent du travail depuis février 2010. Le syndicat savait qu’il touchait des prestations d’ILD. Le syndicat a su dès 2012 que M. Mallet demandait à retourner travailler pour VIA. VIA avait fait parvenir à des représentants du syndicat une copie de sa lettre du 17 janvier 2012 adressée à BTLR.

[121] À l’audience, M. Mallet a déposé des éléments de preuve de nature médicale concernant son état de santé. Personne n’a contesté que le syndicat n’avait jamais demandé à M. Mallet de lui fournir une preuve médicale attestant son aptitude à retourner au travail. Le syndicat ne lui avait pas non plus posé de questions au sujet des limitations qui l’affectaient et qui pouvaient avoir une incidence sur sa demande de mesures d’adaptation.

[122] M. Walsh et Mme Grant ont tous deux témoigné qu’ils n’avaient demandé aucun renseignement médical à M. Mallet à l’appui de son grief. Selon ce que Mme Grant avait compris, M. Mallet devait d’abord présenter un billet du médecin indiquant qu’il était apte à travailler. Elle a témoigné qu’elle n’aurait pas demandé à obtenir de dossiers médicaux sans avoir d’abord reçu un billet.

[123] Le syndicat a soutenu que M. Mallet avait l’obligation de lui communiquer les renseignements médicaux pertinents, mais qu’il ne l’avait pas fait.

[124] Le Conseil est convaincu que le syndicat a agi de manière arbitraire lorsqu’il a pris une décision concernant le grief de M. Mallet sans d’abord lui avoir demandé ses renseignements médicaux et les avoir examinés : Pepper 453, précitée. M. Walsh a clairement discuté des questions relatives aux mesures d’adaptation avec VIA. Comme l’illustrent les décisions rendues par le Conseil dans Pepper 453, précitée, et dans Gough 534, précitée, la preuve médicale est un élément crucial pour l’évaluation d’un dossier de mesures d’adaptation.

[125] Le syndicat a fait valoir que le grief de M. Mallet portait exclusivement sur la résolution d’un problème interpersonnel lié au travail, et qu’il ne s’agissait donc pas d’un grief concernant la prise de mesures d’adaptation en conséquence d’une invalidité. Cet argument n’a pas convaincu le Conseil pour plusieurs motifs.

[126] Premièrement, comme on l’a déjà mentionné, le syndicat n’a jamais confirmé auprès de M. Mallet quel était l’objet de son grief. Le syndicat n’a pu orienter le Conseil vers aucun élément de preuve qui aurait confirmé que l’invalidité de M. Mallet, en raison de laquelle il avait touché des prestations d’ILD, n’avait rien à voir avec son grief.

[127] Deuxièmement, il semble difficile, quoique ce ne soit peut-être pas impossible, de concilier l’argument selon lequel le grief de M. Mallet n’avait rien à voir avec son invalidité, avec l’observation, présentée par le syndicat en août, selon laquelle VIA s’était déjà acquittée de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de M. Mallet.

[128] Troisièmement, même si une question d’ordre interpersonnel faisait partie des préoccupations de M. Mallet, cette question devait être prise en compte si elle avait elle aussi contribué à l’invalidité de M. Mallet et à son absence prolongée pour cause d’ILD. Le Conseil ne considère pas que ces deux questions sont distinctes et absolument étrangères l’une à l’autre. Un problème interpersonnel et une invalidité qui survient ultérieurement et empêche un employé de travailler ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs. Les éléments de preuve selon lesquels le syndicat avait envisagé cette possibilité étaient minces, si tant est qu’il y en eût.

[129] En bref, il n’appartient pas au Conseil d’établir si la preuve médicale de M. Mallet aurait renforcé son grief ou y aurait été préjudiciable. Toutefois, le fait que le syndicat n’a pas demandé cette preuve et ne l’a pas évaluée témoigne d’un degré d’indifférence qui soulève des préoccupations importantes.

7. L’examen du grief de M. Mallet par le syndicat

[130] M. Walsh a discuté de plusieurs questions avec VIA, notamment des mesures d’adaptation (mentionnées ci-dessus). Ses notes manuscrites du 5 avril 2012 (pièce 2; page 25) font référence à une discussion qui s’est déroulée en juillet 2011, pendant qu’avait lieu l’enquête en matière de harcèlement relative à un poste de préposé à l’inventaire. M. Walsh n’avait pas participé personnellement à cette discussion en 2011. Ses notes indiquaient également que la GW souhaitait voir M. Mallet retourner au travail.

[131] M. Walsh n’a jamais discuté des renseignements fournis par VIA avec M. Mallet. Un syndicat a généralement l’obligation de vérifier auprès du plaignant les renseignements fournis par un employeur. En l’espèce, il semble que le syndicat a décidé de ne pas donner suite au grief en se fondant en partie sur des renseignements obtenus au cours d’un seul entretien téléphonique avec VIA.

[132] Dans Singh 639, précitée, le Conseil a fait observer que le défaut d’obtenir l’opinion du plaignant sur des renseignements essentiels fournis par l’employeur peut constituer un manquement au DRJ :

[108] Il ressort des faits que M. Randall n’a pas montré à M. Singh les diverses déclarations signées dans lesquelles des allégations défavorables avaient été formulées à son égard. M. Randall n’a pas non plus rencontré toutes les personnes qui avaient signé les déclarations, mais il s’est quand même fié à ces dernières.

[109] M. Randall n’a pas montré à M. Singh le chèque de 350 $.

[110] De l’avis du Conseil, un commentaire de nature générale fait à M. Singh par téléphone sur des éléments de preuve préjudiciables, sans que soit divulgué le document proprement dit et sans que les auteurs soient identifiés, a empêché M. Singh de commenter en toute connaissance de cause les faits qui lui étaient reprochés.

[111] Le Conseil a été surpris de voir le peu de preuves documentaires que les Teamsters ont produites à l’audience à l’appui de leur enquête sur le congédiement d’un employé ayant 18 années de service. Les renseignements que les Teamsters ont fournis se composaient principalement de ce qui paraît être des lettres types.

[116] Les Teamsters ont aussi fait énormément confiance au rapport d’enquête de novembre 2009 d’UPS, mais sans jamais rencontrer M. Singh pour lui permettre d’examiner et de commenter le contenu précis de ce document.

[117] Comme il a été mentionné plus tôt, M. Singh aurait été la personne la mieux placée pour commenter les conclusions formulées dans le rapport d’UPS. Au lieu de cela, sans même rencontrer M. Singh pour lui montrer le document, M. Randall a qualifié le rapport d’enquête de « preuve exceptionnelle » à l’appui de sa conclusion.

(caractères gras ajoutés)

[133] Le syndicat a semblé concentrer principalement son attention sur la procédure de médiation au lieu de prendre en considération la demande formulée indépendamment par M. Mallet afin que le syndicat présente un grief concernant la prise de mesures d’adaptation. De l’avis du Conseil, le syndicat a agi de manière arbitraire en ne vérifiant pas ce que M. Mallet attendait de son grief et quels étaient les éléments de preuve existants à l’appui de sa demande.

[134] Le Conseil remarque qu’il a fallu deux jours au syndicat pour décider de ne pas présenter le grief de M. Mallet. M. Walsh a initialement reçu le grief le 3 avril 2012, et le syndicat a indiqué qu’il avait décidé de ne pas présenter le grief seulement deux jours plus tard, le 5 avril 2012. Bien qu’il soit vrai qu’un syndicat peut prendre une décision rapidement s’il a à sa disposition tous les renseignements pertinents, une décision hâtive fondée sur des faits partiels est une situation complètement différente.

[135] Le Conseil a conclu que, malgré ses bonnes intentions, M. Walsh n’a jamais informé M. Mallet qu’il ne présenterait pas le grief. Bien que M. Walsh ait pris des notes concernant d’autres conversations qu’il avait eues au début d’avril 2012, il n’en a pris aucune concernant le message téléphonique qu’il aurait laissé le 5 avril 2012 pour aviser M. Mallet que le syndicat ne présenterait pas son grief.

[136] M. Walsh a reconnu, en contre-interrogatoire, qu’il n’avait pas envoyé à M. Mallet de lettre qui aurait confirmé la décision du syndicat et qui en aurait expliqué les raisons. Il n’a pas non plus avisé M. Mallet qu’il pouvait porter en appel la décision du syndicat de ne pas présenter le grief.

[137] Même si M. Walsh avait laissé un message à M. Mallet, un syndicat est tenu de fournir des explications à un membre lorsqu’il décide de ne pas donner suite à un grief, comme le Conseil l’a récemment précisé dans Scott, 2014 CCRI 710 (Scott 710) :

[139] Un tel refus de fournir des raisons soulève la question préoccupante de savoir si des membres de longue date d’un syndicat doivent déposer une plainte auprès du Conseil pour connaître, même sans trop de détails, les raisons précises pour lesquelles leur grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage. Le Conseil ne sous-entend pas qu’un syndicat doit fournir des motifs écrits semblables à ceux des tribunaux, mais il doit fournir une certaine explication concrète. Cela est particulièrement vrai en l’espèce, étant donné que les quatre plaignants comptaient au total plus de 60 ans de service à United.

[140] Pour ce qui est de l’arbitrage en matière de relations du travail, un employeur doit fournir ses raisons au moment où il met fin à l’emploi d’un employé. Il ne peut habituellement pas modifier ces raisons ou en ajouter ultérieurement. Dans la même veine, le Conseil a indiqué, dans McRaeJackson 290, précitée, qu’un facteur essentiel dont il faut tenir compte est la présence ou l’absence de raisons justifiant la décision du syndicat de ne pas renvoyer une affaire à l’arbitrage.

[141] Il ne semble pas excessif d’exiger d’un syndicat qu’il explique à un employé, à la fin du processus qu’il a suivi, pourquoi son grief sera abandonné. Si, en ne communiquant rien de substantiel à un employé s’estimant lésé, le syndicat a pour but de se donner une plus grande marge de manoeuvre lors d’une audience future concernant un manquement au DRJ, cette stratégie peut s’avérer suspecte. Le Conseil examine ce qu’un syndicat a réellement fait, et non ce qu’il aurait pu faire : Singh 639, précitée.

(caractères gras ajoutés)

[138] En l’espèce, il n’a jamais été mentionné à M. Mallet, en avril 2012, que le syndicat avait décidé de ne pas présenter son grief concernant la prise de mesures d’adaptation. Il semble que M. Mallet n’a pris connaissance de ce fait qu’après avoir déposé une plainte auprès du Conseil.

8. La capacité de M. Mallet à présenter un grief

[139] Le syndicat a fait observer que M. Mallet aurait pu présenter son propre grief en vertu de la convention collective. Même si tel était le cas, ce droit n’exemptait pas le syndicat des obligations auxquelles il est tenu en vertu de l’article 37 du Code. Lorsque M. Mallet a demandé l’aide du syndicat pour des questions relatives à la convention collective, le devoir prévu au Code s’appliquait.

[140] La lettre de VIA du 17 janvier 2012, et les actions du syndicat lui-même, indiquaient clairement que M. Mallet et ses représentants n’avaient pas le statut nécessaire pour donner suite eux‑mêmes à ces affaires. M. Walsh a également témoigné que le syndicat préférait que les membres de l’unité de négociation ne présentent pas de griefs eux-mêmes.

[141] Le syndicat n’a pas non plus avisé M. Mallet qu’il pouvait présenter le grief lui-même.

[142] En conséquence, le Conseil n’a pas été convaincu que le syndicat était exempté de quelque façon que ce soit des obligations auxquelles il est tenu en vertu du Code parce que M. Mallet n’avait pas présenté lui-même le grief.

9. L’absence alléguée d’une demande d’aide de la part de M. Mallet

[143] Le syndicat a également avancé qu’il était demeuré disposé à aider M. Mallet, mais que celui-ci n’avait jamais présenté d’autres demandes pour qu’on lui vienne en aide. Il a plutôt déposé une plainte de manquement au DRJ.

[144] Le syndicat était parfaitement au courant du fait que M. Mallet était absent depuis longtemps pour cause d’invalidité. Il avait pris part très activement à la procédure antérieure entourant la plainte en matière de harcèlement sexuel en 2011, en rencontrant M. Mallet pour obtenir de l’information sur les faits et en participant à l’enquête menée par VIA.

[145] Le syndicat savait que M. Mallet avait mentionné à maintes reprises en 2012 qu’il souhaitait retourner au travail (voir, par exemple, ses lettres du 16 janvier, du 2 et du 25 février, et du 5 et du 30 mars).

[146] M. Mallet avait demandé directement au syndicat de lui apporter son aide dans le cadre de la médiation proposée et d’un grief concernant la prise de mesures d’adaptation. Le Conseil ne trouve pas convaincant l’argument du syndicat selon lequel M. Mallet n’aurait, d’une quelconque façon, jamais demandé d’aide. Après avoir avisé le syndicat clairement et à plusieurs reprises qu’il désirait retourner au travail, M. Mallet n’était plus tenu de continuer à demander de l’aide.

[147] Le Conseil constate aussi que le devoir de représentation juste est une obligation continue. Il ne prend pas fin au moment où un employé dépose une plainte de manquement au DRJ : Lamolinaire, 2009 CCRI 463, au paragraphe 51.

10. Résumé

[148] Le Conseil conclut que le syndicat a enfreint le Code.

[149] De l’avis du Conseil, le syndicat a concentré son attention sur la médiation et a procédé à un examen superficiel de la demande que M. Mallet avait formulée afin que soit présenté un grief concernant la prise de mesures d’adaptation. Le processus arbitraire suivi par le syndicat ne satisfaisait pas aux normes qu’impose le Code pour plusieurs raisons importantes, notamment les suivantes :

i)        À en juger par sa réponse du 15 août 2012, mise en parallèle avec la position qu’il a adoptée à l’audience, il semble que le syndicat ne comprenait pas clairement le grief de M. Mallet. Il était avancé, dans sa réponse d’août 2012, qu’un arbitre aurait rejeté le grief de M. Mallet sur le fond. À l’audience, le syndicat a soutenu que le même grief était prématuré;

ii)      Le syndicat n’a pas demandé et n’a pas examiné les renseignements médicaux pertinents après avoir reçu d’un employé invalide un grief concernant la prise de mesures d’adaptation raisonnables;

iii)    Le syndicat a discuté des mesures d’adaptation avec VIA, mais il n’a jamais parlé à M. Mallet pour obtenir son point de vue;

iv)    Le syndicat n’a jamais informé M. Mallet qu’il ne donnerait pas suite à son grief, après avoir examiné l’affaire du 3 au 5 avril 2012, et il ne lui a jamais expliqué pourquoi il avait pris cette décision.

[150] Considérés individuellement ou dans leur ensemble, ces facteurs soutiennent une conclusion selon laquelle le syndicat a contrevenu à l’article 37 du Code en agissant de manière arbitraire.

V. Mesures de redressement

[151] L’alinéa 99(1)b) et le paragraphe 99(2) confèrent au Conseil le pouvoir de prendre des mesures de redressement quand un syndicat a manqué à un devoir auquel il est tenu aux termes du Code :

99. (1) S’il décide qu’il y a eu violation des paragraphes 24(4) ou 34(6), des articles 37, 47.3, 50 ou 69, des paragraphes 87.5(1) ou (2), de l’article 87.6, du paragraphe 87.7(2) ou des articles 94, 95 ou 96, le Conseil peut, par ordonnance, enjoindre à la partie visée par la plainte de cesser de contrevenir à ces dispositions ou de s’y conformer et en outre :

b) dans le cas de l’article 37, enjoindre au syndicat d’exercer, au nom de l’employé, les droits et recours que, selon lui, il aurait dû exercer ou d’aider l’employé à les exercer lui-même dans les cas où il aurait dû le faire;

(2) Afin d’assurer la réalisation des objectifs de la présente partie, le Conseil peut rendre, en plus ou au lieu de toute ordonnance visée au paragraphe (1), une ordonnance qu’il est juste de rendre en l’occurrence et obligeant l’employeur ou le syndicat à prendre des mesures qui sont de nature à remédier ou à parer aux effets de la violation néfastes à la réalisation de ces objectifs.

[152] À moins que les trois parties puissent trouver elles-mêmes une solution qui convienne à chacune d’elles, le Conseil a décidé d’ordonner que soient prises les mesures de redressement suivantes, en conséquence de la conduite arbitraire du syndicat :

i)        Le syndicat remboursera à M. Mallet les frais juridiques raisonnables engagés dans le cadre de la présente plainte, suivant une entente, une taxation (montant révisé) ou une évaluation;

ii)      Le syndicat renverra à l’arbitrage le grief de M. Mallet concernant la prise de mesures d’adaptation raisonnables; par la présente, tout délai applicable aux termes de la convention collective est levé;

iii)    M. Mallet aura le droit de retenir les services de l’avocat de son choix pour la défense, devant un arbitre du travail, de son grief concernant la prise de mesures d’adaptation;

iv)    Le syndicat assumera les frais juridiques raisonnables liés à l’embauche de l’avocat choisi par M. Mallet, suivant une entente, une taxation (montant révisé) ou une évaluation;

v)      Le syndicat collaborera avec M. Mallet ou son avocat relativement à toute demande raisonnable d’information ou d’aide relative à l’arbitrage;

vi)    Conformément à Scott 710, précitée, si un arbitre accorde une indemnisation à M. Mallet, le syndicat acquittera alors les montants dus pour la période allant de la date à laquelle M. Mallet a déposé sa plainte (11 juin 2012) à la date de la présente décision. VIA sera responsable d’acquitter tout montant accordé pour toute autre période.

[153] Le Conseil demeure saisi de l’affaire pour trancher toute question découlant des mesures de redressement susmentionnées.

[154] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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