Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Association internationale des débardeurs, section locale 1657,

requérante,

et

Association des employeurs maritimes; Avant Garde Sécurité inc.,

employeurs,

et

Terminal Termont inc.; Union des agents de sécurité du Québec-Syndicat des Métallos, section locale 8922,

parties intéressées.

Dossier du Conseil : 29149-C

Référence neutre : 2014 CCRI 728

Le 5 juin 2014

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragraphe 14(3) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code). Des audiences ont eu lieu du 2 au 4 avril 2013; les 12, 19 et 20 septembre 2013; et les 3 et 4 octobre 2013.

Ont comparu
Mes Ronald A. Pink, c.r., et Jill Houlihan, pour l’Association internationale des débardeurs, section locale 1657;
Mes Patrick Galizia et Anaïs Lacroix, pour l’Association des employeurs maritimes et Terminal Termont inc.;
M. Jean René Beaucage, pour Avant-Garde Sécurité inc. (au dossier);
Me Pierre Lalonde, pour l’Union des agents de sécurité du Québec-Syndicat des Métallos, section locale 8922.

I. Introduction

[1] Une accréditation par région géographique visant les vérificateurs au port de Montréal (le port) peut elle s’appliquer à certaines activités d’une entreprise de gardiens de sécurité?

[2] Cette question a soulevé deux enjeux complexes. Premièrement, est-ce qu’une partie des activités de l’entreprise de sécurité relève de la compétence fédérale? Dans l’affirmative, cette entreprise est elle véritablement active dans le secteur du débardage aux fins de l’accréditation par région géographique accordée par le Conseil?

[3] La présente affaire découle d’un changement technologique survenu chez Terminal Termont inc. (Termont), une entreprise qui mène des activités de débardage et de manutention de conteneurs à un terminal du port. L’Association des employeurs maritimes (AEM) est le représentant patronal de Termont et d’autres employeurs assujettis à l’accréditation par région géographique applicable au port.

[4] L’Association internationale des débardeurs, section locale 1657 (AID), et l’AEM ont négocié une série de conventions collectives pour l’unité de négociation.

[5] Avant-Garde Sécurité inc. (AG) fournit actuellement des services de gardiens de sécurité à Termont. AG a déposé une réponse écrite à la demande de l’AID, mais a par la suite décidé de ne pas participer à l’audience du Conseil. L’AEM a présenté des éléments de preuve et une argumentation au nom de Termont et, indirectement, d’AG.

[6] L’Union des agents de sécurité du Québec-Syndicat des Métallos, section locale 8922 (Syndicat des Métallos), est accréditée à l’échelle provinciale pour représenter tous les gardiens de sécurité d’AG. Les conditions de travail de ces gardiens sont régies par le Décret sur les agents de sécurité, R.R.Q., 1981, c. D-2, r.1, du Québec (le Décret). La Loi sur les décrets de convention collective, L.R.Q., c. D-2, permet au gouvernement provincial d’émettre un décret pour étendre le champ d’application d’une convention collective dans un secteur en particulier à l’ensemble des employés et des employeurs de ce même secteur. C’est ce que le Décret a permis de faire pour les gardiens de sécurité au Québec.

[7] Dans la présente affaire, le Syndicat des Métallos a présenté des actes de procédures complets par écrit et a assisté à l’audience. Après avoir assisté aux témoignages, il a décidé de ne pas présenter d’argumentation finale ni de se présenter à cette étape de l’audience.

[8] Le changement technologique survenu chez Termont comprenait la mise en place de caméras à haute définition aux portes d’entrée et de sortie de ses installations. Englobant le lecteur optique de caractères (OCR), cette technologie permet de voir sur ordinateur certains renseignements affichés sur les conteneurs et les véhicules.

[9] La demande de l’AID portait initialement sur les activités menées à la porte de sortie et sur la procédure relative aux conteneurs vides qui quittent les installations de Termont, mais la portée de cette demande a par la suite été élargie.

[10] Le Conseil a donc entendu des témoignages concernant aussi bien les conteneurs pleins que les conteneurs vides à la porte de sortie des installations de Termont, de même que les changements technologiques que Termont avait apportés à la porte d’entrée.

[11] Au cours des premières journées de l’audience du Conseil, en avril 2013, l’AEM s’est opposée à ce que la portée de la demande de l’AID soit élargie.

[12] Le Conseil a permis à l’AID de présenter des éléments de preuve sur des questions touchant aussi bien la porte de sortie que la porte d’entrée. Dans sa lettre datée du 18 avril 2013, le Conseil a accordé plus de temps à l’AEM pour lui permettre de formuler d’autres observations à propos des portes de sortie et d’entrée. L’audience n’a repris que le 12 septembre 2013.

[13] Au cours de l’argumentation finale, l’AID a limité son argumentation aux activités menées à la porte de sortie par les gardiens d’AG relativement aux conteneurs pleins et vides. Il en sera de même pour les présents motifs de décision.

[14] Dans les premiers jours qui ont suivi le changement technologique, l’AID a présenté des griefs dans lesquels elle alléguait que les gardiens d’AG effectuaient du travail visé par la convention collective des vérificateurs. Cependant, selon les modalités d’une lettre d’entente conclue par la suite, tous les griefs sauf un ont été réglés, ou sont arrivés à expiration, pendant le déroulement de la procédure du Conseil.

[15] Le Conseil a conclu qu’une partie des activités d’AG relève de la compétence fédérale. L’AID a aussi convaincu le Conseil qu’AG était véritablement active dans le secteur du débardage, une activité qui l’assujettit à l’accréditation par région géographique applicable au port.

[16] Il appartiendra à un arbitre de griefs de se prononcer sur les conséquences liées à la convention collective qui découleront des conclusions du Conseil, le cas échéant.

[17] Voici les motifs de la décision du Conseil.

II. Contexte

A. Les parties

[18] Le Conseil a initialement accrédité l’AID en 1964 pour qu’elle représente les vérificateurs et les tonneliers au port, bien que seules les activités de vérification soient en cause en l’espèce. La description actuelle de l’unité de négociation représentée par l’AID est la suivante :

tous les employés de tous les employeurs travaillant à la vérification ou à la réparation des cargaisons océaniques dans le territoire du Port de Montréal tel que ce territoire est présentement décrit à l’Annexe II de la Loi sur la Société canadienne des ports, L.R.C. 1985, c. C-9, à l’exclusion des autres employés déjà représentés par un agent négociateur.

(caractères gras dans l’original)

[19] Certaines des fonctions qu’englobe le travail de « vérification » ont été décrites dans les conventions collectives conclues entre l’AEM et l’AID. Une de ces conventions collectives, qui a expiré le 31 décembre 2008 (pièce 2; onglet 1), comprenait les paragraphes 1.05 et 1.09 reproduits ci dessous :

1.05 Aucune autre personne, sauf celles incluses dans l’unité de négociation, n’aura droit d’accomplir les travaux qui relèvent de ladite unité de négociation, sauf dans les cas prévus à l’article 1.08.

1.09 Tous les vérificateurs, vérificateurs-en-chef, tonneliers, hommes de plancher et arrimeurs doivent être membres de l’Association Internationale des Débardeurs, Section locale 1657 sauf s’ils exercent une fonction de l’employeur.

Les parties signataires de la présente convention collective conviennent que, lorsque l’employeur juge à propos de faire effectuer une vérification de la cargaison, celle-ci devra être effectuée par des membres du Local 1657.

Les fonctions et responsabilités principales des vérificateurs sont les suivantes :

  • Toute vérification relative à la réception et à la livraison de la cargaison, des bagages et conteneurs et le chargement et le déchargement de tous les navires.
  • Toute vérification relative aux conteneurs qui sont traités avec des ordinateurs portables ou des unités de radio fréquence installées sur les grues portiques.
  • Tout marquage à la peinture ainsi que le marquage au pochoir (stencil), l’étiquetage des bagages, le bouclage (strapping) de la cargaison dans les hangars ou sur les quais, doivent être effectués par les tonneliers, membres de la Section locale 1657. Ceci ne comprend pas l’arrimage dans les conteneurs, le bouclage des « mafis », ou le « pre-slung ».
  • Tout dénombrement, séparation et marquage de la cargaison.
  • Toute vérification pour dommages de conteneurs vides/remplis.
  • Toute vérification du remplissage ou du vidage de conteneurs.
  • Toute mise à jour des conteneurs sur le terminal.

(caractères gras ajoutés)

[20] Dans la convention collective subséquente conclue entre les parties, qui a expiré le 31 décembre 2012 (pièce 2; onglet 2), deux autres points ont été ajoutés à la liste non exhaustive des fonctions liées au travail de vérification décrites au paragraphe 1.09 :

  • Apposer des sceaux sur les conteneurs et tenir un registre des cargaisons scellées se trouvant à l’intérieur des limites du terminal, à l’exception des conteneurs qui sont sous le contrôle des douanes.
  • Vérifier et apposer des étiquettes de mise en garde à l’intérieur des limites du terminal.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[21] Comme le paragraphe 1.09 de la convention collective ne contient pas expressément de liste exhaustive des fonctions liées à la vérification, l’AID a affirmé que le Conseil devait examiner d’autres documents afin de comprendre toute l’étendue des fonctions exercées par ses membres dans ce domaine aux fins de l’accréditation par région géographique.

[22] Par exemple, à la page 8 des « critères de sélection » (traduction) établis par l’AID et l’AEM (pièce 1; onglet 6), on trouve une description des « fonctions et tâches » (traduction) d’un vérificateur :

VÉRIFICATEUR

Fonctions et tâches

Suivant les directives de la direction, le vérificateur est l’employé qui, en situation d’importation ou d’exportation de cargaisons (conteneur, général), reçoit et livre les cargaisons, consigne les dommages et dirige les déplacements des cargaisons dans le terminal, de leur entrée jusqu’à leur chargement à bord des navires, et du déchargement des navires jusqu’à la sortie du terminal. Le vérificateur est la personne chargée de faire l’inventaire de toutes les cargaisons se trouvant dans la cour et de donner des directives aux débardeurs quant à la façon de les répartir, de les disposer et de les déplacer à l’intérieur du terminal et vers tous les transporteurs (navire, train, camion, etc.).

(traduction; caractères gras dans l’original)

[23] Selon les éléments de preuve, il s’agissait là d’une définition générale des activités de vérification pour l’ensemble du port, plutôt que d’une définition précise du travail de vérification effectué par Termont uniquement.

[24] L’AID a aussi renvoyé à la page 44 des « critères de sélection » (traduction), où sont décrites les fonctions d’un vérificateur en poste à la porte de sortie :

• Porte de sortie :

Consigner le numéro du sceau et le numéro d’immatriculation de la remorque sur le reçu d’échange et le signer.

Vérifier que le numéro du conteneur, le nom de l’entreprise de camionnage, la date, la signature du chauffeur et les étiquettes de mise en garde correspondent aux renseignements figurant sur le reçu d’échange.

Inscrire toute remarque concernant les dommages observés dans la section du reçu d’échange prévue à cette fin. (Les dommages importants et les sceaux brisés doivent être signalés au bureau.)

Inscrire le numéro des conteneurs vides sur le reçu d’échange.

Après la vérification, séparer les copies du reçu d’échange selon la demande particulière de chaque terminal (camionneur, gardien, vérificateur, original).

(traduction)

[25] Le « reçu d’échange » mentionné ci dessus correspond à un document intitulé « Reçu de livraison et échange » (TIR selon les procédures écrites de Termont).

[26] L’AEM a prévenu le Conseil que les « critères de sélection » (traduction), qui ne faisaient pas partie de la convention collective, s’appliquaient de façon générale aux employeurs du port et ne visaient pas expressément Termont. Les éléments de preuve ont confirmé que les fonctions du vérificateur à la porte de sortie, telles qu’elles sont décrites dans les « critères de sélection », ne correspondaient pas à la nouvelle procédure de Termont en vigueur à la porte de sortie de ses installations depuis le changement technologique.

[27] AG est une entreprise de gardiens de sécurité. Elle a repris le contrat relatif aux services de sécurité chez Termont en 2010 (pièce 2; onglet 19). Les états financiers et les registres horaires des employés d’AG (pièces 8 et 9) font l’objet d’une ordonnance de confidentialité. Il suffit de savoir qu’AG offre des services à de nombreux clients.

[28] AG fournit des gardiens à d’autres employeurs du port, ainsi qu’à d’autres organisations au Québec.

[29] AG, qui emploie plus de 400 personnes, fournit 20 employés à Termont, dont 13 travaillent à temps plein à raison de 40 heures par semaine. Les employés à temps plein qui sont affectés en permanence au contrat de Termont peuvent faire un plus grand nombre d’heures en travaillant pour d’autres clients d’AG s’ils le souhaitent et si AG en a besoin.

[30] AG fournit principalement des services de contrôle d’accès à Termont. Toutefois, ses employés effectuent aussi des patrouilles et assurent la sécurité du périmètre.

[31] Les gardiens brevetés d’AG doivent détenir une certification ISPS ainsi qu’un « R2 », décrit à l’audience comme une carte bleue. Le contrat d’AG demande aussi que ses gardiens suivent une formation de 16 heures liée expressément à Termont (pièce 2; onglet 19).

B. Chronologie des événements

1. Mai 2004

[32] En mai 2004, aux termes du Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004-144, dont la dernière modification remonte au 15 décembre 2008 (pièce 3; onglet 31) (le RSTM), de nouvelles obligations ont été imposées à Termont et à d’autres employeurs du secteur. De façon générale, le RSTM prévoit un cadre permettant de détecter les menaces à la sécurité et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les incidents en matière de sécurité pouvant toucher les navires et les installations maritimes. Le Conseil a entendu de nombreux témoignages à propos du type d’obligations liées à la sécurité qui ont été imposées aux termes du RSTM.

2. Juin 2010

[33] Dans une lettre datée du 21 juin 2010, l’AEM a avisé l’AID, au nom de Termont, qu’un changement technologique serait apporté aux portes d’entrée et de sortie (pièce 2; onglet 3) :

OBJET : PARAGRAPHE 22.04 CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE – PORTES DU TERMINAL DE TERMONT

Monsieur Mulcahy,

La présente a pour but de vous informer que la procédure en vigueur aux portes du terminal de Termont sera modifiée à compter de novembre 2010. Conformément à la convention collective, une réunion aura lieu la semaine suivant la réception de cette lettre pour discuter des changements prévus.

(traduction)

[34] Le 29 juin 2010, l’AID et l’AEM se sont rencontrées pour discuter du changement technologique. L’AEM a décrit le changement technologique et les répercussions qu’il aurait sur les membres de l’AID.

3. Octobre 2010

[35] Dans une lettre datée du 12 octobre 2010 (pièce 2; onglet 4), l’AID a demandé une réponse écrite à certaines questions qu’elle se posait concernant le changement technologique proposé. Le 22 octobre 2010, l’AEM a fourni une réponse de deux pages aux sept questions posées par l’AID (pièce 2; onglet 5).

4. Février 2011

[36] Le 17 février 2011, les parties se sont de nouveau rencontrées pour discuter du changement technologique.

[37] Le 25 février 2011, l’AEM a envoyé à l’AID le procès verbal (pièce 3; onglet 27) de leur réunion du 17 février 2011. Le procès verbal était rédigé en français.

[38] Le 28 février 2011, l’AID (pièce 13) a demandé une traduction du procès verbal, notamment en raison du fait que la réunion avait eu lieu presque entièrement en anglais et que l’AID voulait que le procès verbal rende exactement compte de ce qui avait été dit à propos des gardiens de sécurité dont les fonctions ne devaient pas empiéter sur le travail des vérificateurs :

La raison pour laquelle nous aimerions avoir une version anglaise tient au fait que la réunion a eu lieu en anglais et que la version que vous nous avez fournie porte quelque peu à confusion. Par exemple, nous ne croyons pas que R. Carre ait dit exactement que les gardiens de sécurité n’empiéteraient pas sur le domaine de compétence de la section locale 1657.

Au quatrième paragraphe, vous indiquez aussi que M. Dubreuil confirme que le travail de vérification qu’il effectue aujourd’hui reviendra maintenant aux gardiens de sécurité parce que la vérification des dommages n’existera plus? Soyons très clairs : les gardiens de sécurité n’ont jamais vérifié si les conteneurs étaient endommagés ou si des passagers clandestins, des marchandises de contrebande ou d’autres choses s’y trouvaient. Même aujourd’hui, ils ne font que vérifier le numéro du conteneur après – et j’insiste sur le mot « après » – que le vérificateur a fait son travail.

(traduction; caractères gras dans l’original; caractères gras et italiques ajoutés)

5. Avril 2011

[39] Dans un avis daté du 14 avril 2011 (pièce 2; onglet 6), Termont a informé quatre vérificateurs représentés par l’AID, qui détenaient le statut de « vérificateur permanent », que leurs postes seraient abolis le 23 avril 2011. Les « vérificateurs permanents » ne sont pas affectés quotidiennement pour effectuer du travail de vérification, mais travaillent plutôt en permanence pour Termont.

[40] L’AID a présenté plusieurs griefs concernant le changement technologique, dont certains portaient expressément sur le travail exécuté par les gardiens de sécurité.

[41] Le 18 avril 2011, l’AID a présenté un grief (pièce 2; onglet 7) dans lequel elle alléguait que les gardiens de sécurité effectueraient le travail des vérificateurs :

… Selon l’information dont il dispose en date du présent grief, le syndicat croit que des employés qui ne sont pas membres de la section locale 1657 effectueront la totalité ou une partie de notre travail. Des gardiens de sécurité ont été embauchés pour effectuer ce que les vérificateurs font depuis plus de 25 ans. La décision d’abolir les postes de vérificateurs ne vise qu’à les remplacer par des gardiens de sécurité. Il s’agit clairement d’une violation de la convention collective en vigueur et, par conséquent, nous demandons que toutes les sommes d’argent perdues soient remboursées aux membres dont le nom figure ci dessous, au syndicat et à toutes les personnes qui seront touchées par cette nouvelle technologie.

(traduction; caractères gras ajoutés)

6. Mai 2011

[42] Le 12 mai 2011, l’AID a présenté le grief no 09 11 (pièce 2; onglet 9), dans lequel elle alléguait que la vérification des conteneurs pour déceler les dommages n’était pas effectuée par des vérificateurs :

Le mardi 10 mai, j’ai appris que Transports Canada avait changé d’avis concernant le bris des sceaux et l’ouverture des conteneurs ailleurs qu’à la porte des terminaux (voir l’avis précédent de février 2011). Cette question a été examinée en février parce que la section locale n’acceptait pas que les chauffeurs de camion ouvrent les conteneurs à l’intérieur du terminal pour vérifier s’ils avaient été endommagés. Après la décision de Transports en février, la section locale a cru que le problème avait été réglé puisque les chauffeurs de camion devaient ouvrir les conteneurs à la porte et que les vérificateurs vérifiaient à ce moment si des dommages avaient été causés.

Étant donné que le ministère des Transports a changé d’avis, la semaine du 9 mai, des employés qui ne sont pas membres de la section locale 1657 (des chauffeurs de camion) ouvrent les conteneurs vides au terminal de Termont pour vérifier s’ils ont été endommagés; il s’agit clairement d’une violation de la convention collective en vigueur. Nous demandons que, dans la section où il n’y a pas de vérificateur, deux vérificateurs, rémunérés au taux applicable à la section locale, soient présents à chaque quart de travail (8 h et 16 h) au cours duquel un conteneur est ouvert par un chauffeur de camion pour vérifier les dommages.

Nous vous prions de considérer la présente comme un grief permanent jusqu’à ce que le problème soit réglé, et nous demandons que ce problème soit renvoyé immédiatement à l’arbitrage en vue d’un règlement.

(traduction; caractères gras dans l’original; caractères gras et italiques ajoutés)

[43] Après la négociation d’une lettre d’entente (voir ci après), et avant que le Conseil n’entame ses audiences, seul ce grief (no 09 11) entre l’AID et l’AEM demeurait actif.

7. Juin 2011

[44] Le 29 juin 2011, l’AID a présenté un grief (pièce 2; onglet 10) pour contester le fait que des gardiens de sécurité et des chauffeurs de camion vérifiaient si les conteneurs avaient été endommagés, une fonction réservée aux vérificateurs selon la convention collective :

Le 28 juin 2011, dans les installations de Termont, pendant le quart de travail de 8 h à 16 h, des gardiens de sécurité et des chauffeurs de camion qui ne sont pas membres de l’unité de négociation vérifiaient, à la porte, si des conteneurs vides avaient été endommagés et ont utilisé le nouveau système opérationnel. Le transporteur était JAF #5130 PLAQUE Ra 3618T. Les conteneurs suivants ont été vérifiés : Fsc 7766888 Msc 1198514 et 3071025.

Il s’agit clairement d’une violation de la convention collective et, par conséquent, nous demandons que deux vérificateurs soient rémunérés au taux applicable à la section locale pour une période de 8 heures.

(traduction; caractères gras ajoutés)

8. Août 2011

[45] Le 11 août 2011, l’AID a présenté un grief (pièce 2; onglet 11) pour contester le fait que des gardiens de sécurité à la porte de sortie vérifiaient des conteneurs :

Le 10 août 2011, à la porte de sortie du terminal de Termont, pendant le quart de travail de 6 h à 16 h, des employés qui ne sont pas membres de la section locale 1657 exécutaient des fonctions de vérificateur en vérifiant des conteneurs. Des gardiens de sécurité vérifient les conteneurs et, lorsqu’un problème survient en raison de la nouvelle porte automatisée, ils en informent le bureau. Ce travail a toujours été accompli par les anciens vérificateurs et continue de l’être.

Il s’agit là d’un mépris flagrant à l’égard de nos emplois, et nous demandons que trois vérificateurs soient rémunérés au taux applicable et que le présent grief soit considéré comme un grief permanent. Nous demandons aussi qu’il soit renvoyé immédiatement à l’arbitrage par l’entremise de la procédure « accélérée ».

(traduction; caractères gras ajoutés)

9. Septembre 2011

[46] Le 26 septembre 2011, l’AID a présenté un grief (pièce 2; onglet 12) pour contester le fait qu’un gardien avait signalé un conteneur endommagé à un superviseur de Termont :

Le lundi 26 septembre 2011, pendant le quart de travail de 6 h à 16 h, au terminal de Termont, un employé qui n’est pas membre de la section locale 1657 (gardien de sécurité Raphael) a utilisé la radio pour contacter le superviseur Jacques et l’informer que le conteneur FSCU 613 8233 avait été endommagé et avait été rapporté au terminal. La même chose s’est produite lorsque le gardien a utilisé la radio pour signaler que la porte d’un conteneur plein (tghu 1814605) ne fermait plus en raison d’une poignée endommagée.

Il s’agit clairement d’une violation de la convention collective et, par conséquent, nous demandons que deux vérificateurs soient rémunérés au taux applicable à la section locale.

(traduction; caractères gras ajoutés)

10. Décembre 2011

[47] Le 2 décembre 2011, le Conseil a reçu la présente demande fondée sur l’article 18 dans laquelle l’AID demande au Conseil « d’ajouter l’intimée, Avant Garde Sécurité, à la liste des entrepreneurs en débardage au port de Montréal visés par l’ordonnance d’accréditation de la requérante » (traduction). Le Conseil a d’abord rendu certaines décisions procédurales pour trancher des questions découlant des actes de procédure. Malgré une tentative d’entamer les audiences en septembre 2012, l’affaire n’a pu finalement débuter qu’en avril 2013.

11. Décembre 2012

[48] Le 3 décembre 2012, au moment où les parties ont conclu une nouvelle convention collective, l’AID et l’AEM ont négocié une lettre d’entente (pièce 3; onglet 20) concernant plusieurs griefs non réglés, y compris ceux qui ont été décrits plus haut. Certains griefs ont été réglés, un est resté en suspens, et l’AID avait 90 jours pour renvoyer quatre (4) griefs en particulier à l’arbitrage. Tous les autres griefs en suspens ont été considérés comme retirés.

[49] Compte tenu de la lettre d’entente, le seul grief qui est resté en suspens est celui du 12 mai 2011 (no 09 11), décrit ci dessus (employés qui ne sont pas des vérificateurs et qui vérifient si des conteneurs vides sont endommagés). Tous les autres griefs ont été réglés ou abandonnés, selon les modalités de la lettre d’entente.

[50] Compte tenu des divers règlements décrits dans la lettre d’entente, dont certains prévoyaient des paiements pour les membres de l’AID, l’AID a remis une décharge complète et définitive à l’AEM.

C. La porte de sortie : Avant et après le changement technologique

[51] Le Conseil a entendu de nombreux témoignages à propos des activités menées par les vérificateurs, les gardiens et les chauffeurs à la porte de sortie.

[52] Les témoins ont fourni des preuves décrivant les fonctions qu’ils exercent aussi bien avant qu’après la mise en oeuvre complète du changement technologique. La planification du changement technologique a débuté en 2009, mais la nouvelle technologie n’a été entièrement fonctionnelle qu’en 2012. Pendant une certaine période en 2011, le nouveau et l’ancien systèmes ont été utilisés en parallèle.

[53] L’AEM a affirmé que, grâce à la technologie de la OCR, les chauffeurs n’avaient plus à sortir de leurs véhicules. Par conséquent, les camions pouvaient désormais entrer dans les installations de Termont et en sortir beaucoup plus rapidement.

[54] Toujours selon la preuve de l’AEM, le système informatisé a permis de réduire les risques d’erreurs humaines, que ces erreurs soient involontaires ou non. Ce système a aidé Termont à s’acquitter de ses obligations en matière de sécurité, notamment celles qui sont prévues par le RSTM.

[55] Les parties ont souvent fait référence au TIR (pièce 4). L’AEM a décrit comment un vérificateur utilisait le TIR, avant le changement technologique, lorsqu’il vérifiait les conteneurs à la porte de sortie. Par contre, après le changement technologique, Termont a cessé d’utiliser des vérificateurs à la porte de sortie. Il n’y avait plus de TIR en papier à remplir selon la nouvelle procédure de sortie.

[56] Le Conseil a entendu plusieurs témoignages au sujet des activités de vérification aux installations de Termont.

[57] Le président de la section locale de l’AID, M. Albert Batten, a témoigné au sujet de son expérience de longue date comme vérificateur chez Termont. M. Christian Parent, agent de santé et de sécurité pour l’AID, a lui aussi présenté un témoignage concernant son expérience de longue date à titre de vérificateur. M. Parent avait beaucoup moins d’expérience liée précisément à la vérification chez Termont que M. Batten.

[58] Les principaux témoins de l’AEM ont été M. Julien Dubreuil, directeur de projet chez Termont, et M. Stephen Chyzenski, directeur de la sécurité chez Termont. L’AEM a aussi fait comparaître le président d’AG, M. Yvon Lalonde.

[59] L’AEM a contesté la pertinence du témoignage de M. Rick Robinson, qui comptait des décennies d’expérience comme vérificateur au port de Halifax, mais qui n’avait jamais travaillé à Montréal. Le Conseil n’a pas conclu que le témoignage général de M. Robinson à propos de la vérification devait être exclu – mais il ne s’est pas non plus fondé sur les éléments de preuve concernant la vérification à Halifax pour rendre la présente décision. Pour le Conseil, les éléments de preuve essentiels avaient trait à ce qui se passait réellement dans les installations de Termont.

[60] Les principaux témoins des parties ont décrit les fonctions des vérificateurs à la porte de sortie, aussi bien avant qu’après le changement technologique. Leurs témoignages ne concordaient pas toujours, mais le Conseil a conclu qu’ils avaient tous fait preuve de franchise et d’honnêteté.

1. Avant le changement technologique (jusqu’à 2011)

a. La porte de sortie

i. Les vérificateurs

[61] Les fonctions des vérificateurs, dont certaines sont énumérées au paragraphe 1.09 de la convention collective (voir ci dessus), différaient, selon que le conteneur était plein ou vide.

i.i Conteneur plein

[62] Le vérificateur vérifiait les renseignements figurant sur le TIR. Ces renseignements comprenaient : i) le numéro et le type de conteneur; ii) l’emplacement du conteneur; iii) le numéro du sceau; iv) le reçu du quai; v) le transporteur; vi) le numéro de la plaque d’immatriculation du camion; et vii) la compagnie maritime.

[63] Le TIR comportait un espace dans lequel il fallait indiquer l’endroit sur le conteneur où des dommages avaient été décelés. Le TIR contenait certains des renseignements ci dessus lorsque le vérificateur recevait le formulaire imprimé. Le vérificateur ajoutait d’autres renseignements manuellement, comme le numéro du sceau du conteneur.

[64] Les conteneurs pleins munis d’un sceau n’étaient jamais ouverts ni inspectés. Le sceau permettait plutôt de s’assurer qu’aucune altération n’avait eu lieu durant le transport du conteneur.

i.ii Conteneurs vides

[65] Le vérificateur vérifiait aussi certains renseignements figurant sur le TIR lorsque des conteneurs vides quittaient le terminal de Termont. Il n’était pas nécessaire de consigner un numéro de sceau, puisque le conteneur était vide. Tout sceau apposé sur un conteneur vide serait brisé.

[66] Le vérificateur faisait souvent une inspection rigoureuse des dommages, surtout pour les conteneurs qui devaient servir au transport de cargaisons sèches, comme du papier. Le chauffeur ouvrait le conteneur. Les témoignages différaient quant à la question de savoir si c’était le vérificateur ou le chauffeur qui, dans les faits, entrait dans le conteneur. Une fois les portes fermées, la personne qui se trouvait dans le conteneur pouvait vérifier si la paroi était percée en remarquant si de la lumière pénétrait à l’intérieur.

[67] Les témoignages différaient quant à la question de savoir si les gardiens de sécurité effectuaient une vérification pour s’assurer que le conteneur était vide. MM. Batten et Parent ont tous les deux affirmé que les gardiens de sécurité ne sortaient jamais de leur guérite pour regarder à l’intérieur des conteneurs.

[68] Pour leur part, MM. Dubreuil et Chyzenski ont témoigné que les gardiens avaient notamment la responsabilité de vérifier si les conteneurs étaient vraiment vides et qu’aucun passager clandestin et aucune marchandise de contrebande ne s’y trouvaient.

[69] Selon M. Dubreuil, si une boîte vide ou un morceau de bois se trouvait à l’intérieur du conteneur, le vérificateur n’en faisait pas de cas. M. Batten a quant à lui nié que la sortie d’un conteneur vide dans lequel se trouvait quelque chose ait pu être autorisée par un vérificateur. Selon M. Batten, le conteneur devait être vide; même des déchets ne pouvaient s’y trouver.

ii. Les gardiens

[70] À la porte de sortie, les gardiens étaient chargés de vérifier l’identité du chauffeur et l’immatriculation du véhicule, ainsi que de s’assurer qu’aucune personne non autorisée ne se trouvait dans la cabine du chauffeur.

[71] Le manuel des procédures de Termont (pièce 2; onglet 15) faisait état des fonctions des gardiens de sécurité, dont plusieurs avaient trait à la vérification de renseignements figurant sur un écran d’ordinateur. Certains de ces renseignements correspondaient aux renseignements inscrits sur le TIR :

PROCÉDURES POUR LES GARDIENS DE SÉCURITÉ

SORTIE DES CAMIONS

C’est la responsabilité de l’agent de sécurité en devoir au poste de sortie des camions de s’assurer que :

c) À l’arrivée d’un camion à la barrière, l’agent en devoir doit sélectionner l’option « FIND BY PLATE » et inscrire le numéro de plaque d’immatriculation du camion qui se trouve devant lui dans les champs prévus et cliquer sur « OK ». Toute l’information concernant ce camion doit s’afficher sur l'’écran, incluant le numéro de transaction, la plaque d’immatriculation, le numéro du conteneur, la date et le nom de la compagnie de transport.

d) Tous les chauffeurs/camions, sortant du terminal avec un conteneur soit plein ou vide, devront présenter les copies de l’annexe C et l’annexe D de leurs interchanges au gardien en devoir.

e) Le gardien assigne au poste de vérification des documents, doit vérifier le (les) numéro (s) de transaction (s), le (les) numéro (s) du (des) conteneur (s) ou le numéro d’immatriculation du camion dans l’ordinateur situé à la guérite de l’agent de sécurité a la sortie.

f) Que toute l’information qui se trouve sur le moniteur de l’ordinateur correspond EXACTEMENT à toutes les coordonnées que le gardien possède devant lui, incluant :

  1. Le numéro de la transaction
  2. Le numéro du conteneur
  3. Le numéro de la plaque d’immatriculation des camions

g) En tout temps, la première vérification doit être le numéro de transaction du jour.

h) Le gardien devra s’assurer que le numéro du conteneur et la plaque d’immatriculation du camion, correspondent exactement avec les informations qui se trouve sur l’écran de l’ordinateur ainsi que sur la transaction (TIR).

i) Que l’annexe D est retournée au chauffeur et que l’annexe C est sauvegardée par le gardien.

j) En tout temps, lorsqu’on ne peut pas identifier les copies du chauffeur et les données sur l’ordinateur.

(sic)

(caractères gras dans l’original; caractères gras et italiques ajoutés)

[72] Dans son témoignage, M. Batten a indiqué que plusieurs fonctions des gardiens comprenaient la vérification de renseignements que le vérificateur avait déjà vérifiés.

[73] MM. Dubreuil et Chyzenski ont tous les deux témoigné que les gardiens de sécurité d’AG s’assuraient qu’aucun passager clandestin et aucune marchandise de contrebande ne se trouvaient dans les conteneurs vides. Cette fonction faisait partie de leur formation. M. Parent a confirmé qu’il n’avait jamais suivi de formation liée à la recherche de marchandise de contrebande.

[74] Dans son témoignage, M. Parent a fait part de ce qu’il avait récemment observé au terminal 52 du port, où Termont conservait ses conteneurs vides excédentaires. Au terminal 52, les gardiens et les vérificateurs faisaient leur travail selon la procédure en vigueur avant 2011, puisqu’aucun changement technologique n’a été apporté à cet endroit.

[75] Selon M. Parent, un chauffeur obtenait un TIR auprès d’un commis au terminal 52 avant de quitter les lieux avec un conteneur vide. Le chauffeur remettait le TIR au vérificateur, qui vérifiait notamment le numéro du conteneur. Le vérificateur brisait le sceau apposé sur le conteneur, le cas échéant, et vérifiait l’intérieur. Si tout lui semblait en ordre, le vérificateur remettait le TIR au chauffeur.

[76] À la porte, le gardien vérifiait l’identité du chauffeur et ouvrait la porte. Le gardien ne vérifiait pas si le conteneur avait été endommagé, puisque, selon la convention collective, cette fonction relevait expressément des vérificateurs.

2. Après le changement technologique (à partir de 2011)

[77] Le changement technologique a entraîné une diminution du nombre de vérificateurs, de gardiens et de commis travaillant pour Termont. Si certains vérificateurs travaillaient toujours à la porte d’entrée, Termont n’avait plus du tout recours à leurs services à la porte de sortie.

a. La porte de sortie

i. Les vérificateurs

[78] Dans le cadre du changement technologique effectué, Termont a décidé de ne plus inspecter les conteneurs pour vérifier s’ils ont été endommagés, une tâche auparavant réservée aux vérificateurs. Des griefs avaient été présentés à propos de cette question (voir ci dessus). Cependant, si un chauffeur remarquait qu’un conteneur avait été endommagé, Termont faisait alors appel à un vérificateur pour qu’il effectue le travail de vérification requis.

[79] Selon l’AEM, la technologie de OCR permettait désormais d’effectuer toutes les fonctions qui relevaient auparavant des vérificateurs.

ii. Les gardiens

[80] Les fonctions des gardiens ont été modifiées après le changement technologique, ici aussi selon que les conteneurs étaient pleins ou vides.

[81] L’AID a fait référence au manuel des procédures de Termont (pièce 2; onglet 16) pour démontrer que les gardiens, plutôt que le système de OCR, effectuaient divers types d’activités de vérification :

Termont

Terminal de Montréal

Procédure d’opération standard Term-002

PROCÉDURES POUR LA SORTIE DE CAMIONS DU TERMINAL

SORTIE PRINCIPALE DECAMION (TERMINAL)

L’agent de sécurité en service à la cabine de contrôle à l’entrée/sortie de camion/conteneur doit s’assurer :

a) Qu’au début de leur quart de travail, l’ordinateur a été activé et est prêt pour l’ouverture du terminal.

b) Qu’à l’arrivée d’un camion à une voie de sortie, le conducteur doit introduire le coupon généré par ordinateur, qu’il a reçu à l’étape 1, situé à la section 74.

c) Le conducteur doit également glisser sa carte d’accès du port qui relie ses informations électroniquement avec le numéro de cueillette du système informatique de Termont. Au même moment, le système de lecteur optique de caractères (OCR) validera que les numéros du conteneur soient les mêmes sur trois côtés du conteneur et effectuera un processus de jumelage sur les informations du bordereau d’expédition trouvé dans le système informatique.

d) Caméras haute définition « CCTV » dans les voies de sortie, fera une photographie de la plaque d’immatriculation de la cabine du camion et capturera le visage du conducteur ainsi que l’arrière du conteneur, y compris les présélections de la caméra pour la visualisation des sceaux de sécurité du conteneur et l’intérieur des conteneurs vides.

e) Simultanément, une caméra à l’arrière du camion examinera les loquets des portes de conteneurs et exposera le placement du sceau de sécurité.

f) Dans le cas d’un conteneur vide, le conducteur devra ouvrir les portes du conteneur pour inspection. Cette inspection sera également effectuée à distance par voie de caméras « CCTV ».

j) Dans le cas d’un conteneur vide, le garde de sécurité doit garantir qu’il n’y a ni contrebande ni passagers clandestins situés dans le conteneur.

k) Après que tous les critères de sortie ont été respectés étant l’identification exacte du conducteur, le sceau de sécurité est visuellement intact et dans le cas d’un contenant vide, il est confirmé à être vide de marchandises ou de personnes et que tous les critères opérationnels ont été respectés, le garde de sécurité peut alors ouvrir la barrière et le camion sera en mesure de procéder.

(sic)

(caractères gras ajoutés)

[82] En cas de non-correspondance entre l’information décodée par le système de OCR et celle du système informatique de Termont, un avertissement était envoyé à l’ordinateur d’un commis de Termont, apparemment sans qu’un gardien intervienne ou le sache.

[83] M. Chyzenski a témoigné que, si le système de OCR fonctionnait bien, les renseignements relatifs au conteneur s’affichaient alors à l’écran du gardien aux fins de vérification. Une photo du chauffeur apparaissait aussi à côté de l’image en temps réel captée par l’une des caméras de la porte de sortie.

[84] À l’aide d’une caméra à haute définition, le gardien s’assurait aussi que tout conteneur plein était muni d’un sceau. Si le conteneur n’était muni d’aucun sceau, le gardien avertissait Termont, qui faisait appel à un vérificateur. Selon M. Dubreuil, Termont disposait déjà des renseignements relatifs au sceau, puisque l’expéditeur les lui avait fournis.

[85] Termont avait décidé de ne plus vérifier les numéros de sceau, mais de vérifier uniquement si un sceau était présent. M. Dubreuil a confirmé dans son témoignage que l’une des fonctions des gardiens était de s’assurer que le bon conteneur passait la porte de sortie des installations de Termont.

[86] M. Dubreuil a témoigné que, à environ cinq reprises, un gardien avait porté des dommages à l’attention de Termont. Termont avait informé le gardien qu’il ne lui incombait pas de vérifier si les conteneurs étaient endommagés. Cette conduite n’a pas été observée de nouveau.

[87] Lorsque les conteneurs étaient vides, le gardien devait s’acquitter de fonctions supplémentaires. Le chauffeur sortait de son camion et ouvrait le conteneur vide. Le gardien utilisait alors une caméra pour vérifier l’intérieur du conteneur et s’assurer qu’aucun passager clandestin et aucune marchandise de contrebande ne s’y trouvaient.

[88] Selon M. Dubreuil, le gardien effectuait auparavant ce travail en regardant à l’intérieur du conteneur depuis sa guérite, ou en sortant de sa guérite pour mieux voir, au besoin. Comme il a été mentionné, M. Batten a témoigné que les gardiens ne sortaient jamais de leur guérite et que les vérificateurs avaient toujours effectué ce travail.

III. Les dispositions pertinentes du Code

[89] L’article 18 du Code confère au Conseil un pouvoir de révision :

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[90] Ce pouvoir permet notamment au Conseil de revoir ses ordonnances d’accréditation (Société en commandite transport de valeurs Garda, 2010 CCRI 503), y compris les accréditations par région géographique, et de réexaminer ses décisions récentes (Buckmire, 2013 CCRI 700).

[91] Dans sa demande, l’AID a demandé au Conseil de réviser son accréditation par région géographique en vigueur et de confirmer qu’elle s’appliquait à AG. Le paragraphe 34(1) du Code établit un régime d’accréditation par région géographique propre au secteur du débardage :

34. (1) Le Conseil peut décider que les employés de plusieurs employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement et, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, accréditer un syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité, dans le cas des employés qui travaillent :

a) dans le secteur du débardage;

b) dans les secteurs d’activité et régions désignés par règlement du gouverneur en conseil sur sa recommandation.

[92] Selon le Code, les ordonnances d’accréditation ne s’appliquent habituellement qu’à un seul employeur. Cependant, si deux ou plusieurs employeurs sont véritablement actifs dans le secteur du débardage, l’article 34 permet alors au Conseil de conclure que leurs employés constituent une unité habile à négocier collectivement et d’accréditer un syndicat à titre d’agent négociateur de cette unité.

[93] Dans Halifax Grain Elevator Limited (1989), 76 di 157 (CCRT no 725) (Halifax Grain 725), le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), a décrit ce régime unique, une description qui demeure tout à fait vraie aujourd’hui :

L’article 34 du Code (autrefois article 132) est unique en ce sens qu’il confère au Conseil le pouvoir extraordinaire de réunir, en vue des négociations collectives, des entreprises fédérales indépendantes et non liées. L’article 34 s’applique uniquement au secteur du débardage et, bien que le Conseil soit autorisé à recommander l’application de l’article 34 à d’autres secteurs, il ne l’a jamais fait.

(page 163)

[94] Termont est l’un des employeurs assujettis à l’accréditation par région géographique accordée par le Conseil pour le port. Selon l’AID, AG est elle aussi assujettie à cette accréditation par région géographique en raison de certaines activités qu’elle mène pour Termont.

IV. Accréditation par région géographique : Les principes juridiques

[95] En général, on s’entend sur les principes juridiques qui régissent l’article 34 du Code. C’est leur application qui suscite le débat.

[96] Dans Reference Re : Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] S.C.R. 529 (l’Affaire des débardeurs), la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que le chargement et le déchargement des navires, compte tenu de leur lien étroit avec le transport maritime, relevaient de la compétence constitutionnelle du Parlement dans certaines situations.

[97] Selon l’Affaire des débardeurs, précitée, le débardage englobe aussi l’entreposage et la vérification des cargaisons, ainsi que des tâches auxiliaires de bureau. C’est la raison pour laquelle le Conseil avait compétence pour accréditer une unité de négociation qui comprenait des vérificateurs.

[98] Dans Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23 (Tessier), la CSC s’est penchée sur la façon dont elle avait appliqué l’Affaire des débardeurs, précitée, étant donné que cette décision de 1955 était fondée sur plusieurs séries de motifs :

[28] Le paragraphe 92(10) concerne le pouvoir de légiférer sur les travaux et entreprises de transport maritime, un pouvoir qui, comme on l’a vu, s’étend aux conditions de travail de ceux qui y sont employés. Cette disposition s’articule tout entière autour de la portée territoriale des activités visées. Ainsi, le principe qui s’est établi au sujet des relations de travail en contexte de transport maritime est que la compétence dépend de la portée territoriale de l’activité en cause. Puisque le débardage n’est pas en soi une activité transfrontière de transport, il n’est pas assujetti à la réglementation fédérale par application directe des paragraphes 92(10)a) ou b) : Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, par. 43 et 61. Par conséquent, la réglementation fédérale en matière de travail ne s’appliquera aux travaux ou entreprises de débardage que si ceux‑ci font partie intégrante d’une entreprise fédérale d’une façon qui justifie qu’ils relèvent exceptionnellement de la compétence fédérale.

[29] C’est ainsi que la Cour a interprété l’Affaire des débardeurs. Comme je l’ai mentionné, les huit juges qui, dans cet arrêt, ont conclu à l’assujettissement de l’entreprise de transport maritime de Toronto à la réglementation fédérale en matière de travail ont rédigé des motifs distincts exposant des raisonnements différents, de sorte qu’il est difficile d’en dégager une possible assise unificatrice.

(caractères gras ajoutés)

[99] La CSC a confirmé que la compétence fédérale s’applique aux activités de débardage seulement si celles ci forment une partie intégrante du transport maritime extraprovincial :

[34] Telle qu’elle a été interprétée au fil des ans, l’Affaire des débardeurs établit donc que le débardage n’est pas une activité qui fait directement tomber une entreprise sous un chef de compétence fédérale, à tout le moins pour ce qui est des relations de travail. La réglementation fédérale des relations de travail des débardeurs ne sera justifiée que si le débardage forme une partie intégrante du transport maritime extraprovincial envisagé aux al. 92(10)a) et b). Ce résultat est compatible avec la conception que nous avons exposée précédemment du partage des pouvoirs opéré par le par. 91(10) ainsi que par le par. 92(10) et ses exceptions en matière de transport maritime.

(caractères gras ajoutés)

[100] Il ressort de décisions rendues dans d’autres causes que les activités menées sur un quai ne relèvent pas nécessairement toutes de la compétence fédérale.

[101] Cette distinction a été expliquée dans une affaire importante : Cargill Grain Co., division Gagnon et Boucher c. Assoc. internationale des débardeurs, local 1739, [1983] A.C.F. no 948 (QL) (Cargill). Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale (CAF), a conclu, dans trois séries de motifs distinctes, que Cargill, qui assurait la manutention de son propre grain sur le quai après son déchargement, ne menait pas d’activités de débardage.

[102] Le juge Pratte a souligné que la compétence du Conseil était nécessairement tributaire d’un lien entre Cargill et le transport maritime. Comme les employés de Cargill ne déchargeaient aucun navire (l’équipage du navire avait déjà déchargé le grain de Cargill), ce lien n’existait pas :

[11] En vertu de la Constitution aussi bien que du Code canadien du travail, le Conseil ne pouvait avoir compétence à l’égard des employés de la requérante que si ceux-ci étaient employés dans le cadre d’une entreprise fédérale. L’entreprise de commerce de grain que la requérante exploite à Québec est une entreprise purement locale. La seule entreprise fédérale à laquelle puisse se rattacher le travail des employés de la requérante est l’entreprise de transport maritime qui amène le grain de la requérante depuis les Grands Lacs jusqu’à Québec. Pour que le Conseil ait compétence à l’égard des employés de la requérante, il faudrait donc que ceux-ci soient employés dans le cadre de cette entreprise fédérale de transport maritime.

[12] Les employés de la requérante dont il s’agit ici ne déchargent pas les navires : ce sont des membres de l’équipage du navire qui effectuent ce travail. Les employés de la requérante font fonctionner et entretiennent des appareils qui transportent les grains dans les silos (après qu’ils ont été déchargés et amenés jusqu’aux installations de la requérante) et qui les acheminent ensuite jusqu’aux camions des clients de la requérante. Lorsque ces employés exécutent ce travail, le transport maritime a pris fin puisque la marchandise est rendue à destination et est en la possession de son destinataire. À cause de cela, le travail de ces employés ne me paraît pas être relié au transport, mais, plutôt, au commerce de grain que la requérante exploite à Québec.

(caractères gras ajoutés)

[103] Le juge Marceau a conclu que le CCRT avait commis une erreur en concluant que le travail effectué sur le quai par les employés de Cargill constituait du débardage. Ce travail n’était pas nécessaire pour terminer le transport maritime du grain :

[26] Avec respect, je conteste la validité de ce raisonnement. L’erreur qu’il contient à mon avis est de traiter comme générale une situation qui ne se vérifie que dans des hypothèses concrètes définies. Parce que des opérations de tri, de manutention et d’entreposage de marchandises peuvent être partie incidente du transport par mer, il n’en résulte pas que toutes les opérations de tri, de manutention et d’entreposage de marchandises, même sur un quai, le soient nécessairement. À mon sens, des opérations de cette nature sont partie incidente du débardage, et comme telles rattachées au transport lui-même, lorsqu’elles sont nécessaires justement pour compléter l’opération de transport et assurer la livraison de la marchandise à son destinataire. L’arrêt Stevedoring, tel que je le comprends, ne dit rien de plus.

(caractères gras ajoutés)

[104] Le juge Hugesson a reconnu que toutes les activités de manutention et d’entreposage sur un quai ne sont pas nécessairement du débardage. Les employés de Cargill s’occupaient de marchandises appartenant à Cargill, qui avaient déjà été déchargées.

[36] À mon sens, selon le sens ordinaire du mot, le débardage (longshoring) est essentiellement l’opération de chargement et de déchargement des navires… Dans certains cas, comme incident à cette opération principale, il peut comprendre également la manutention et l’entreposage sur le quai des marchandises ainsi chargées ou déchargées. Cela, toutefois, ne veut sûrement pas dire que toute opération de manutention ou d’entreposage sur le quai est nécessairement du débardage, surtout quand de telles opérations sont exécutées comme incidents à d’autres activités qui n’ont rien à voir avec le chargement ou déchargement des navires.

[37] Dans le cas présent, le déchargement des navires est effectué par le personnel du bord. Une fois reçu sur le quai, le grain est arrivé à destination et son propriétaire, la requérante, en prend charge pour les fins de son commerce de fournisseur de grains de provende. Les employés de la requérante qui voient à la manutention et à l’entreposage du grain sur le quai ne font que recevoir la marchandise déjà déchargée. Et même cette partie de leur travail ne représente qu’une infime proportion de leur temps. (Entre le 1er juin 1981 et le 12 mai 1982, cinq navires sont arrivés au terminal de la requérante; or, le déchargement d’un navire prend en moyenne trente heures.) Ils ne travaillent donc pas dans le secteur du débardage et ne sont pas visés par l’article 132 du Code.

(caractères gras ajoutés)

[105] Dans la décision Halifax Offshore Terminal Services Limited et autres (1987), 71 di 157 (CCRT no 651) (Halifax Offshore), le CCRT a appliqué le raisonnement de la CAF dans Cargill, précité, lorsqu’il a conclu que des entreprises n’oeuvrant pas dans le secteur du transport maritime ne faisaient pas partie du secteur du débardage, même si elles chargeaient et déchargeaient des produits devant faire l’objet d’une vérification dans un port :

Ces déclarations de la Cour d’appel fédérale montrent clairement que la manutention et l’entreposage des marchandises sur un quai ne constitue pas nécessairement du débardage au sens de l’article 132 du Code. Étant donné que le chargement et le déchargement de navires ne relèvent de la compétence fédérale que dans la mesure où ils font partie intégrante du transport maritime, les tâches de vérification accomplies par les employés visés par le syndicat des vérificateurs doivent être directement liées au chargement et au déchargement de navires impliqués dans le secteur du transport maritime…

(pages 171−172; caractères gras ajoutés)

[106] Dans Halifax Offshore, précitée, le Conseil a conclu que certains des employés en cause ne faisaient pas du travail de vérification dans le contexte plus vaste du transport maritime.

[107] Le CCRT a ajouté ce qui suit à propos du lien requis avec le transport maritime dans Association des employeurs maritimes et autres (1991), 84 di 161 (CCRT no 857) lorsqu’il a exclu d’une accréditation par région géographique les employeurs qui transportaient leurs propres marchandises.

Il faut bien comprendre que, en parlant du « secteur du débardage » dans le port de Hamilton, le Conseil n’a nullement l’intention d’englober dans son ordonnance d’accréditation des employeurs qui ne s’occupent pas de débardage, mais qui expédient ou reçoivent des produits pour leur propre compte dans des navires qui sont chargés ou déchargés par leurs propres employés. Le Conseil veut simplement que l’ordonnance d’accréditation s’applique dans le port de Hamilton aux entreprises qui passent des contrats de chargement ou de déchargement de navires pour d’autres, moyennant rémunération…

(page 168)

[108] Dans plusieurs affaires, le Conseil a dû établir si les activités d’un employeur dans un port constituaient ou non du débardage. De toute évidence, cette question touche rarement, voire jamais, des entreprises de débardage bien établies. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un employeur d’un secteur différent qui, selon les allégations, aurait mené des activités de débardage visées par une accréditation par région géographique. Le Conseil doit souvent déterminer si un employeur a étendu certaines de ses activités au secteur du débardage.

[109] En l’espèce, il est allégué qu’un sous traitant comme AG, qui fournit des services de sécurité – ce que personne ne conteste –, prête également son concours aux activités de débardage de Termont.

[110] Dans M&M Manufacturing Limited (1997), 104 di 45 (CCRT no 1203) (M&M Manufacturing), le Conseil a appliqué l’accréditation par région géographique à un employeur qui avait fourni des services de débardage à une seule occasion :

En chargeant et en déchargeant la citerne en question, M&M a, pour l’application de l’article 34 du Code, effectué du travail de débardage. Voir Halifax Grain Elevator Limited, précitée. Dans la région du port de Halifax, tout chargement ou déchargement de marchandises faisant intervenir des navires commerciaux, même si lesdites marchandises appartiennent au destinataire ou sont utilisées par celui-ci dans ses activités, constitue du débardage et doit être effectué conformément aux dispositions de l’ordonnance d’accréditation du Conseil dans cette région.

Bien que le travail exécuté par M&M puisse être considéré comme accidentel et occasionnel, ce n’est pas quelque chose qu’il faut permettre. Fermer les yeux sur cet écart ne ferait qu’encourager d’autres à agir de la même façon sur une base régulière, ce qui nuirait au mouvement des marchandises dans le port. Cela minerait le régime de négociation collective au port, provoquerait de l’agitation ouvrière et ferait échec à la raison d’être de l’article 34.

(page 51; caractères gras ajoutés)

[111] Dans Association des employeurs maritimes, 2011 CCRI 581 (AEM 581), le Conseil s’est penché sur la question de savoir si le travail d’un employeur constituait du débardage. L’employeur, Waterford, une entreprise spécialisée dans la production d’agrégats, effectuait plusieurs tâches pour un client, notamment i) le déplacement de produits de la réserve; ii) le chargement de ces produits sur une trémie; et iii) leur chargement à bord des navires au moyen d’un convoyeur.

[112] Le Conseil a conclu que cette partie des activités de Waterford constituait du débardage aux fins de l’accréditation par région géographique applicable au port de Hamilton :

[30] Par conséquent, le Conseil conclut que lorsque Waterford effectue pour US Steel Canada des travaux qui consistent à déplacer les produits de la réserve à la trémie et à les transporter sur des navires au moyen du convoyeur, Waterford mène des activités de débardage au port de Hamilton et elle est alors assujettie à la convention collective conclue par l’AEM et la section locale 1654 de l’AID. Compte tenu de cette conclusion, le Conseil est d’avis que Waterford enfreint l’ordonnance du Conseil datée du 9 novembre 2009. Le Conseil ordonne donc à Waterford de se conformer à cette ordonnance sur-le-champ.

[113] La plupart des affaires fondées sur l’article 34 ont trait au chargement ou au déchargement direct de navires. La présente affaire est plus complexe. À la différence d’une situation dans laquelle personne ne contesterait le fait qu’un navire a été chargé ou déchargé, les parties en l’espèce ne s’entendent pas sur la question de savoir si des activités de vérification ont eu lieu ou non à la porte de sortie qu’utilisent les conteneurs qui quittent les installations Termont.

V. Position des parties

A. L’AID

[114] L’AID a présenté son argumentation finale en trois parties.

1. Les gardiens de sécurité d’AG faisaient-ils du travail de vérification à la porte de sortie?

[115] L’AID a souligné que, compte tenu de l’importance que revêt la notion de vérification dans la présente affaire, c’est au Conseil qu’il incombe de trancher la question plutôt qu’à un arbitre de griefs. À certains moments au cours de l’audience, le Conseil a dit aux parties que les éléments de preuve fournis en l’espèce s’apparentaient beaucoup à ceux qui seraient pertinents dans le cadre d’un grief concernant le travail d’une unité de négociation.

[116] L’AID a reconnu que des employeurs comme Termont devaient apporter des changements technologiques à leurs procédures afin de demeurer rentables. Elle a cependant insisté sur le fait que, si la technologie n’a que modifié la façon dont le travail de vérification était effectué, alors ce sont les vérificateurs, et personne d’autre, qui devraient exécuter ces fonctions renouvelées. L’AID a reconnu la possibilité qu’une partie du travail des vérificateurs puisse être perdue en raison de l’automatisation, mais elle ne reconnaît pas que cette perte puisse se faire au profit de travailleurs qui ne sont pas membres de l’unité de négociation.

[117] L’AID a affirmé que la jurisprudence ne fournissait aucune précision concernant la notion de vérification, contrairement à la notion de débardage.

[118] Elle a donc avancé qu’il fallait se fonder sur diverses sources pour bien comprendre la notion de vérification, à savoir :

  1. les parties, telles qu’elles décrivent la notion de la vérification dans la convention collective (pièce 2; onglet 2, au paragraphe 1.09);
  2. les pratiques des parties;
  3. une comparaison des façons de faire avant et après le changement technologique.

[119] L’AID a pressé le Conseil de conclure que la vérification devait être analysée en fonction d’un continuum. Comme l’indiquent les « critères de sélection » (traduction) établis par l’AEM et l’AID (voir ci dessus), les vérificateurs jouaient un rôle continu, de l’entrée d’un conteneur dans le terminal jusqu’à son chargement sur un navire. Ils jouaient aussi un rôle continu, du déchargement d’un conteneur d’un navire jusqu’à son départ du terminal de Termont par la porte de sortie.

[120] Tout au long de ce continuum, les vérificateurs protégeaient l’intégrité de la cargaison des expéditeurs. Leur travail portait principalement sur les biens des expéditeurs.

[121] Par contre, l’AID a affirmé que les gardiens de sécurité cherchaient principalement à protéger Termont et ses installations. Lorsque tous les vérificateurs ont été mis à pied, à la porte de sortie, le continuum a été brisé. C’était de deux choses l’une : soit la vérification n’était plus requise, soit quelqu’un d’autre effectuait ce travail essentiel.

[122] L’AID a fait observer que le paragraphe 1.09 de la convention collective donnait certaines indications sur la notion de vérification, mais que celles ci n’étaient pas exhaustives.

[123] L’AID a aussi invoqué le TIR (pièce 4) comme document historique contenant le type de renseignements que les vérificateurs étaient appelés à vérifier à la fin du continuum, notamment les renseignements suivants :

  1. le numéro du conteneur;
  2. l’emplacement du conteneur;
  3. le numéro du sceau;
  4. l’état du conteneur (y compris les dommages);
  5. si les conteneurs étaient pleins ou vides;
  6. le nom du transporteur.

[124] L’exercice de vérification avait pour objet de garantir que tout conteneur, qu’il soit plein ou vide, quittait la propriété de Termont de façon appropriée. De l’avis de l’AID, le travail des vérificateurs garantissait que les biens ne quittaient jamais les installations de Termont sans autorisation. Ces tâches étaient essentielles pour prévenir la fraude à l’égard des biens des expéditeurs.

[125] Lorsqu’un conteneur était plein, la vérification du sceau par le vérificateur permettait de garantir que le bon conteneur quittait les installations de Termont. Lorsqu’un conteneur était vide, le vérificateur regardait à l’intérieur pour s’assurer de son état après que le chauffeur eut ouvert les portes. Si tout lui semblait en ordre, le vérificateur donnait le TIR au chauffeur, qui le remettait à son tour au gardien de sécurité pour une autre vérification.

[126] De l’avis de l’AID, les gardiens de sécurité qui travaillaient pour Termont protégeaient la propriété de Termont, plutôt que celle de l’expéditeur. Le rôle des gardiens s’était accru à la suite de l’adoption du RSTM et des importantes obligations en matière de sécurité qui en découlaient. L’AID a examiné dans le détail les obligations prévues par le RSTM et a affirmé que les gardiens de sécurité veillaient à ce que Termont les respecte. L’accent était mis sur les installations et la sécurité plutôt que sur les biens des expéditeurs.

[127] À titre d’exemple, l’AID a indiqué que, selon l’alinéa 335d) du RSTM, les sceau peuvent être vérifiés à l’entrée de la cargaison ou à son lieu d’entreposage, mais qu’il n’y a aucune précision sur une obligation de procéder à une vérification à la porte de sortie.

[128] L’AID a comparé ce qui se passait à la porte de sortie avant et après le changement technologique, que ce soit à l’égard des conteneurs vides ou pleins, pour affirmer que les gardiens d’AG faisaient du travail de vérification. Lorsque les gardiens ont commencé à exercer des fonctions qui allaient au delà de la protection de la propriété de Termont et qu’ils ont commencé à vérifier les biens des expéditeurs, AG est devenue assujettie à la compétence du Conseil et à l’accréditation par région géographique.

[129] En outre, aux termes de l’ancienne procédure relative à la porte de sortie (pièce 2; onglet 15), le gardien devait notamment s’assurer que le vérificateur avait terminé ses tâches avant qu’un conteneur puisse quitter les lieux. Cette « vérification du vérificateur » (traduction) visait à garantir qu’un vérificateur ne facilitait pas la sortie d’une cargaison non autorisée. Ce système de contrôle a été supprimé à la suite du changement technologique.

[130] L’AID a affirmé que, après le changement technologique, les gardiens faisaient du travail de vérification traditionnel à la porte de sortie de plusieurs façons, notamment :

  1. en vérifiant si un conteneur plein était muni d’un sceau – une fonction fondamentale du continuum dont les vérificateurs étaient responsables;
  2. en inspectant l’intérieur des conteneurs vides au moyen d’une caméra – une fonction que seuls les vérificateurs effectuaient auparavant, que ce soit pour détecter la présence de passagers clandestins, de marchandise de contrebande ou d’autres choses;
  3. en communiquant directement avec le chauffeur du véhicule, au besoin;
  4. en vérifiant d’autres renseignements sur un écran d’ordinateur – lesquels correspondaient à certains des renseignements qu’un vérificateur vérifiait auparavant sur le TIR imprimé.

[131] L’AID a contesté l’allégation de l’AEM selon laquelle le système informatique et la technologie de OCR avaient remplacé toutes les tâches des vérificateurs. Les gardiens vérifiaient sur leur écran les renseignements que les vérificateurs vérifiaient auparavant. La procédure de travail avait changé, mais elle englobait toujours des tâches de vérification essentielles.

[132] Les gardiens vérifiaient si les conteneurs qui quittaient les installations de Termont étaient vides. Auparavant, les vérificateurs vérifiaient les conteneurs vides, avec l’aide du chauffeur. Cela permettait de s’assurer qu’aucune marchandise appartenant aux expéditeurs ne quittait discrètement les installations de Termont à l’intérieur d’un conteneur vide.

[133] L’AID a attiré l’attention sur la procédure en vigueur au terminal 52, qui reposait encore sur le système utilisé avant 2011, pour confirmer que la vérification des conteneurs vides était effectuée uniquement par des vérificateurs, plutôt que par des gardiens.

[134] L’AID a résumé sa position sur ce point de la façon suivante : Pourquoi un gardien doit il encore s’assurer que tout est correct, si le système de OCR fait effectivement le travail des vérificateurs?

2. AG est-elle une entreprise fédérale?

[135] L’AID a affirmé que la décision rendue récemment par la CSC dans Tessier, précité, ne s’appliquait pas en l’espèce. À son avis, la question à trancher dans l’arrêt Tessier, précité, était de savoir si le travail de débardage occasionnel pouvait justifier de soumettre l’ensemble d’une entreprise à la compétence fédérale.

[136] Par contre, dans le cas d’AG, il s’agissait de déterminer si les activités qu’elle menait pour Termont étaient vitales et essentielles à l’entreprise fédérale de Termont. Les fonctions d’AG, qui sont loin d’être banales, étaient vitales compte tenu des obligations dont Termont devait s’acquitter aux termes du RSTM.

[137] En outre, l’AID a souligné que c’était toujours la même unité d’employés d’AG qui travaillait pour Termont; ces employés ne passaient pas d’une sphère de compétence à l’autre comme les employés dans Tessier, précité. Les 20 gardiens d’AG (13 à temps plein; 7 à temps partiel) constituaient une unité distincte d’employés spécialement formés pour Termont.

[138] L’AID a invoqué diverses décisions selon lesquelles des services de gardiens de sécurité pouvaient relever en partie de la compétence fédérale, selon les faits propres à chaque affaire. Par exemple, dans Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada, 2011 CAF 302 (Garda), la CAF a conclu que les services de sécurité fournis à un centre de prévention de l’immigration, qui assurait la détention d’étrangers arrêtés en vertu d’une loi fédérale, relevaient de la compétence fédérale.

[139] L’AID a aussi attiré l’attention sur de nombreuses décisions du Conseil, dans lesquelles celui ci avait accrédité des entreprises de gardiens de sécurité parce que leurs services étaient vitaux et essentiels à une entreprise fédérale.

3. AG est-elle véritablement active dans le secteur du débardage?

[140] L’AID a insisté sur le fait que même un seul épisode au cours duquel un employeur mène des activités de débardage peut suffire à l’assujettir à une accréditation par région géographique : M&M Manufacturing, précitée. Si Termont voulait qu’un travail de vérification soit effectué à la porte de sortie, AG devait alors recourir aux services d’un vérificateur visé par la convention collective conclue entre l’AID et l’AEM. Dès qu’AG a commencé à faire du travail de vérification à la porte de sortie, elle était tenue d’utiliser les membres de l’AID.

[141] L’AID a aussi invoqué les décisions antérieures du Conseil qui soulignaient l’importance de protéger de l’érosion une accréditation par région géographique.

B. L’AEM

[142] L’AEM a contesté la description de l’AID selon laquelle les gardiens de sécurité d’AG ne faisaient que protéger la propriété de Termont, tandis que les vérificateurs protégeaient les biens des expéditeurs. L’AEM a invoqué diverses dispositions du RSTM pour démontrer que Termont est responsable des « marchandises » et des « cargaisons ». Elle a retenu les services de gardiens de sécurité pour s’acquitter de ces obligations juridiques.

[143] Selon L’AEM, le RSTM et la convention collective ont créé deux silos distincts, l’un pour le travail des vérificateurs et l’autre pour le travail des gardiens de sécurité. À son avis, si les gardiens de sécurité effectuaient du travail semblable à celui des vérificateurs, mais en conformité avec le RSTM, ce travail n’était alors pas visé par la convention collective.

[144] L’AEM a aussi souligné le fait que l’AID avait présenté plusieurs griefs à propos des mêmes questions, mais qu’ils avaient tous fait l’objet d’une lettre d’entente négociée, qui prévoyait le versement de sommes d’argent et était assortie d’une décharge.

[145] L’AEM a formulé des commentaires sur le rôle des gardiens de sécurité et des vérificateurs à la porte de sortie.

[146] Avant le changement technologique, lorsqu’un conteneur vide arrivait à la sortie, un vérificateur devait i) comparer les numéros figurant sur le conteneur avec les numéros inscrits sur le TIR; ii) inspecter le conteneur pour vérifier s’il avait été endommagé; et iii) ajouter des notes manuscrites au TIR.

[147] Si le conteneur était plein, un vérificateur devait i) inspecter l’extérieur du conteneur; et ii) prendre en note le numéro du sceau.

[148] Selon l’AEM, certains de ces renseignements étaient déjà imprimés sur le TIR de Termont lorsque le vérificateur le recevait, alors que d’autres renseignements devaient être ajoutés à la main par le vérificateur.

[149] Avant le changement technologique, un gardien de sécurité s’acquittait de fonctions connexes, que le conteneur fût vide ou plein. Il devait notamment vérifier i) l’identité du chauffeur; ii) le numéro de transaction; iii) le numéro du conteneur; iv) la plaque d’immatriculation du camion; et v) l’intérieur de la cabine du chauffeur pour s’assurer qu’aucune personne non autorisée ne s’y trouvait.

[150] Après le changement technologique, aucun vérificateur ne travaillait à la porte de sortie. Les gardiens de sécurité ont continué d’exercer en grande partie leurs mêmes fonctions.

[151] Toutefois, les gardiens ne vérifiaient pas si les conteneurs étaient endommagés puisque Termont avait décidé de ne plus fournir ce service aux expéditeurs.

[152] L’AEM a affirmé que le système de OCR de Termont remplissait toutes les fonctions exercées antérieurement par les vérificateurs à la porte de sortie. C’était le système de OCR, plutôt qu’un vérificateur, qui comparait les renseignements trouvés sur le conteneur avec les renseignements figurant dans le système informatique de Termont.

a. Les gardiens de sécurité d’AG ne faisaient pas de travail de vérification

[153] L’AEM a indiqué que l’AID avait accepté le changement technologique de Termont puisqu’elle ne s’y était jamais opposée en arbitrage. L’AID a par ailleurs reconnu que les gardiens d’AG faisaient le type de travail que les gardiens ont toujours fait à Termont. La vraie nature du problème tenait à la question de savoir si les gardiens faisaient du travail de vérification visé par la convention collective.

[154] Selon l’AEM, rien n’obligeait Termont à vérifier si les conteneurs avaient été endommagés. L’entreprise a décidé de ne plus le faire à la suite du changement technologique et a informé l’AID de cette décision. L’AEM a rappelé au Conseil que l’AID avait le fardeau de démontrer que les gardiens vérifiaient l’état des conteneurs. Les parties n’ont pas contesté le fait que le travail de vérification des dommages était confié exclusivement aux vérificateurs aux termes du paragraphe 1.09 de la convention collective.

[155] En outre, l’AEM a souligné que le changement technologique n’avait pas seulement entraîné une réduction du nombre de vérificateurs. La nouvelle technologie avait aussi donné lieu à une diminution du nombre de gardiens de sécurité et de commis.

[156] L’AEM a fait valoir que le travail de vérification peut être accompli par un ordinateur sans qu’il y ait violation de la convention collective. À cet égard, le système de OCR permettait dorénavant de confirmer des renseignements que les vérificateurs examinaient auparavant en personne à la porte de sortie.

[157] L’AEM a mis le Conseil en garde contre l’idée de se fonder sur les manuels de formation générale du port pour déterminer l’étendue des fonctions des vérificateurs. Les parties avaient établi de façon explicite au paragraphe 1.09 de la convention collective les principales tâches des vérificateurs. Les manuels de formation générale n’ont pas créé de nouvelles fonctions liées exclusivement à la vérification.

b. AG n’était pas un employeur relevant de la compétence fédérale

[158] Selon l’AEM, AG était une entreprise de gardiens de sécurité relevant de la compétence provinciale. Les gardiens travaillant pour Termont ne faisaient rien de particulièrement différent du travail de sécurité qu’ils faisaient pour d’autres types d’employeurs. Le fait qu’ils travaillaient physiquement au port ne les rendait ni vitaux ni essentiels à l’entreprise fédérale de Termont.

[159] À cet égard, la formation particulière qu’ils devaient suivre n’était pas vraiment différente de celle qui était requise pour travailler pour n’importe quel client. Par exemple, il fallait suivre une formation spéciale pour travailler pour une chaîne d’alimentation.

[160] L’AEM a aussi allégué que les gardiens ne travaillaient pas exclusivement comme une unité distincte à Termont. Au contraire, lorsqu’ils avaient fait les heures de travail qui leur avaient été attribuées, ils pouvaient travailler pour d’autres employeurs également, y compris des employeurs exploitant d’autres terminaux du port, ou pour des employeurs relevant de la compétence provinciale, comme des chaînes d’alimentation.

[161] En outre, le travail effectué par les gardiens à Termont comptait pour un faible pourcentage du chiffre d’affaires d’AG (pièce 8). L’AEM a souligné le contraste entre ce faible pourcentage et la proportion de 14 % du chiffre d’affaires générée par les activités de l’employeur liées au port dans Tessier, précité. La CSC avait néanmoins conclu que l’employeur, dans Tessier, précité, ne relevait pas de la compétence fédérale.

c. AG n’était pas véritablement active dans le secteur du débardage

[162] L’AEM a affirmé que, compte tenu de ses activités, AG ne remplissait pas le critère prévu à l’article 34, soit d’être « véritablement active » dans le secteur du débardage. AG était une entreprise de sécurité dont les activités n’avaient rien à voir avec le débardage. Il fallait porter une attention particulière aux activités principales de l’employeur, plutôt qu’à certaines fonctions auxiliaires que ses employés étaient susceptibles d’exercer.

[163] Selon l’AEM, la nature des activités d’AG montrait que l’entreprise n’était pas véritablement active dans le secteur du débardage, compte tenu de ce qui suit :

  1. elle comptait 408 employés à temps plein;
  2. elle comptait 62 employés à temps partiel;
  3. sa clientèle était vaste et variée;
  4. moins de 8 % de ses activités supposaient du travail dans le port;
  5. elle fournissait des services de sécurité dont Termont devait se doter aux termes du RSTM;
  6. les employés d’AG à Termont pouvaient travailler ailleurs.

[164] En résumé, l’AEM a dit qu’AG n’était qu’une entreprise fournissant des services de sécurité à Termont ainsi qu’à une foule d’autres entreprises. Ce n’était pas un employeur du secteur du débardage.

VI. Questions en litige

[165] La présente affaire soulève deux questions :

  1. Une partie des activités d’AG est-elle assujettie à la compétence fédérale? et
  2. Une partie des activités d’AG, est-elle véritablement active dans le secteur du débardage et visée par l’accréditation par région géographique?

VII. Analyse et décision

A. Une partie des activités d’AG est-elle assujettie à la compétence fédérale?

[166] L’AID a convaincu le Conseil qu’une partie des activités d’AG relève de la compétence fédérale.

[167] Les services particuliers qu’AG fournit à Termont, qui permettent à cette dernière de s’acquitter, entre autres choses, de ses obligations importantes aux termes du RSTM, permettent de réfuter la présomption selon laquelle cette partie des relations du travail d’AG demeure de compétence provinciale : NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45.

[168] AG n’est pas en soi une entreprise fédérale, mais les éléments de preuve ont démontré que les services de sécurité qu’elle fournit à Termont sont vitaux et essentiels à l’entreprise fédérale de cette dernière : Northern Telecom Limitée c. Travailleurs en communication du Canada et autres, [1980] 1 R.C.S. 115.

[169] Plusieurs éléments justifient cette conclusion.

[170] Le Conseil a entendu de nombreux arguments concernant l’applicabilité de la décision de la CSC dans Tessier, précité, à la présente affaire et, plus particulièrement, la question de savoir si les gardiens de sécurité d’AG formaient ou non une unité distincte d’employés.

[171] Tessier utilisait des grues pour effectuer des travaux de construction ou d’entretien industriel. Cependant, les activités de débardage généraient 14 % de son chiffre d’affaires. Il arrivait que les employés de Tessier travaillent une journée au port, et sur un chantier de construction le lendemain.

[172] Tessier n’a pas soutenu devant la CSC qu’une partie dissociable de son entreprise, qui avait trait au débardage, relevait de la compétence fédérale. Elle a plutôt soutenu que le travail de débardage qu’elle faisait assujettissait l’ensemble de son entreprise indivisible à la compétence fédérale.

[173] La CSC a reconnu qu’elle appliquait son critère relatif à la compétence dérivée dans un tel contexte pour la première fois. Elle a résumé les deux contextes habituels dans lesquels elle avait déjà appliqué le critère relatif à la compétence dérivée :

[48] Jusqu’à présent, la Cour a appliqué le critère relatif à la compétence dérivée en matière de relations de travail dans deux contextes. Premièrement, elle a confirmé que l’assujettissement à la réglementation fédérale peut être justifié lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale constituent la totalité ou la majeure partie de l’entreprise connexe (Affaire des débardeurs; Union des facteurs du Canada).

[49] Deuxièmement, la Cour a reconnu qu’il pourrait pareillement être justifié d’appliquer la réglementation fédérale lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale sont exécutés par des employés appartenant à une unité fonctionnelle particulière qui peut se distinguer structuralement sur le plan constitutionnel du reste de l’entreprise connexe. Dans Northern Telecom 2, par exemple, les installateurs formaient un groupe opérationnellement indépendant du reste de Telecom. La Cour a donc pu considérer que la nature opérationnelle essentielle du service d’installation en faisait une entité distincte, comme l’a indiqué le juge Dickson :

… les installateurs sont assez distincts, pour ce qui est de leurs fonctions, du reste des opérations de Telecom. […] Ils ne travaillent jamais dans les locaux de Telecom; ils travaillent dans les locaux de leurs clients. Quant à Bell Canada, l’installation se fait principalement dans ses locaux mêmes et non chez ses clients. […] Les installateurs n’ont aucun contact véritable avec les autres opérations de Telecom. Les opérations principales de fabrication de Telecom tombent, de l’aveu des parties, sous la compétence provinciale, mais il n’y a absolument rien d’artificiel à conclure que les installateurs de Telecom relèvent d’une compétence constitutionnelle différente. [p. 770-771]

(Voir aussi Ontario Hydro, où seules les personnes travaillant dans le cadre des installations de production d’énergie nucléaire étaient assujetties à la réglementation fédérale; Johnston Terminals and Storage Ltd. c. Association des employés du port de Vancouver, section locale 517, [1981] 2 C.F. 686 (C.A.), et Actton Transport Ltd. c. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 272, 5 B.C.L.R. (5th) 1, où le travail de certains employés pouvait être séparé de l’entreprise générale de l’employeur et relevait, par conséquent, d’une compétence différente en matière de travail)

(caractères gras ajoutés)

[174] La CSC a ensuite décrit la nouvelle situation devant laquelle elle se trouvait dans Tessier, précité :

[50] Le présent pourvoi offre à la Cour une première occasion d’examiner les conséquences constitutionnelles d’une situation où des employés qui exécutent le travail ne forment pas une unité de travail distincte et sont pleinement intégrés à l’entreprise connexe. J’estime que même si le travail de ces employés est essentiel au fonctionnement d’une entreprise fédérale, cela n’a pas pour effet de rendre fédérale une entreprise autrement locale si ce travail ne représente qu’une partie négligeable de l’emploi du temps des employés ou qu’un aspect mineur de la nature essentielle constante de l’exploitation : Consumers’ Gas Co. c. Canada (Office national de l’énergie), (1996), A.C.F. no 320 (QL) (C.A.); R. c. Blenkhorn-Sayers Structural Steel Corp., 2008 ONCA 789, 304 D.L.R. (4th) 498; et International Brotherhood of Electrical Workers, Local 348 c. Labour Relations Board (1995), 168 A.R. 204 (B.R.).Voir aussi General Teamsters, Local Union No. 362 c. MacCosham Van Lines Ltd., [1979] 1 C.L.R.B.R. 498; M. Patenaude, « L’entreprise qui fait partie intégrante de l’entreprise fédérale » (1991), 32 C. de D. 763, p. 791-799; et Brun, Tremblay et Brouillet, p. 544.

(caractères gras ajoutés)

[175] Dans Tessier, précité, l’employeur n’avait fourni aucun élément de preuve qui aurait pu permettre à la CSC d’examiner si une partie de ses activités pouvait être assujettie à la compétence fédérale :

[51] En ce sens, la reconnaissance par Tessier qu’elle exploite une entreprise indivisible met à mal sa thèse voulant que la présence d’employés faisant du débardage assujettisse toute la société à la réglementation fédérale. Si Tessier elle-même était une entreprise interprovinciale de transport, elle pourrait valablement présumer de la non-pertinence du pourcentage de ses activités consacrées au transport local par rapport au transport extraprovincial : Attorney-General for Ontario c. Winner, [1954] A.C. 541. Or. Comme ce n’est que de façon dérivée qu’elle peut être qualifiée d’entreprise fédérale, elle ne peut relever de la compétence fédérale que si l’activité fédérale compte pour une part importante sur son exploitation.

[61] Pour être pertinente, la dépendance d’une entreprise fédérale à l’égard d’une entreprise connexe doit être constante. Or, nous ne disposons d’aucun renseignement au sujet de la relation entre Tessier et les sociétés de transport maritime et nous ignorons si les activités de débardage de Tessier découlaient de contrats à long ou à court terme ou si ces contrats pouvaient prendre fin à brève échéance. Bref, rien n’établit dans quelle mesure les sociétés de transport dépendaient des employés de Tessier. Comme l’a indiqué la Cour d’appel, il n’était pas même possible de tirer de conclusion concernant la question de savoir si les employés de Tessier qui effectuait occasionnellement du débardage étaient indispensables pour les entreprises fédérales de transport maritime. Cet élément milite lui aussi contre l’application de la compétence fédérale d’exception.

(caractères gras ajoutés)

[176] En l’espèce, personne n’a avancé qu’AG constituait une entreprise indivisible entièrement assujettie à la compétence fédérale. Cela suffit à établir une distinction entre Tessier, précité, et la présente affaire. Le Conseil n’a pas à traiter l’argument du tout ou rien que la CSC a examiné dans Tessier, précité.

[177] Les parties ont présenté beaucoup d’éléments de preuve à propos des employés d’AG, peut être en raison des commentaires formulés par la CSC dans Tessier, précité, concernant la pertinence d’une unité distincte d’employés (voir, par exemple, les paragraphes 49 et 50 reproduits ci dessus). L’AID a fait valoir qu’il existait une unité d’employés fonctionnelle distincte. L’AEM a pour sa part avancé que les gardiens de sécurité étaient des employés interchangeables pour les nombreux clients d’AG.

[178] D’après ce que comprend le Conseil de la décision de la CSC dans Tessier, précité, la question relative à une unité distincte d’employés n’était qu’un des nombreux facteurs que la CSC a pris en compte dans son analyse globale de la question de savoir si toute l’entreprise de l’employeur pouvait être assujettie à la compétence fédérale. Selon le Conseil, la décision dans Tessier ne donne pas à penser que l’existence d’une unité distincte d’employés est devenue le facteur déterminant dans l’application du critère relatif à la compétence dérivée.

[179] Plutôt que de mettre l’accent sur la question de savoir si une unité distincte d’employés existait, le Conseil comprend qu’il doit appliquer le critère d’intégration fonctionnelle, comme il en a été question récemment dans Actton Transport Ltd. v. British Columbia (Director of Employment Standards) (2010), 320 D.L.R. (4th) 310 (Actton), une affaire que la CSC a citée avec approbation dans Tessier, précité (paragraphe 49).

[180] Comme il est décrit dans in Actton, précité, le critère d’intégration fonctionnelle est appliqué aux services fournis à l’entreprise fédérale :

[34] Cet argument se veut l’expression de l’approche du « tout ou rien » adoptée dès le début de ce conflit par les appelants, à savoir que, étant donné qu’Actton est l’employeur et qu’Actton exploite une entreprise de camionnage de compétence fédérale, tout ce qu’elle fait est fédéral. Si c’était exact, alors l’affaire Empress Hotel (Canadian Pacific Railway Co. v. Attorney General for British Columbia, [1950] A.C. 122, [1950] 1 D.L.R. 721 (P.C.)) et une longue série d’affaires similaires auraient été tranchées différemment : voir, par exemple, Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie). L’exploitation d’un chemin de fer est une chose; l’exploitation d’un hôtel en est une autre.

[36] Le procureur des appelants a présenté une liste de difficultés hypothétiques qui pourraient survenir si les activités d’Actton étaient divisées sur le plan de la compétence. Cela serait censé aider à la détermination de la compétence.

[37] La réponse à cette affirmation est que la compétence est déterminée par la Constitution, et non par le style de l’entreprise ou son utilité. Si Actton choisit d’exercer des activités dans les deux sphères de compétence, elle devra s’adapter aux deux régimes de travail et d’emploi.

[40] J’estime, en toute déférence, que le juge siégeant en révision a posé la bonne question et est arrivé à la bonne réponse. Dans ses motifs (2008 BCSC 1495, 173 A.C.W.S. (3d) 152), il a décrit le critère d’intégration fonctionnelle en s’appuyant sur l’arrêt de principe :

[46] L’intégration fonctionnelle exige que, à première vue, l’entreprise provinciale soit vitale ou essentielle à l’entreprise fédérale, et qu’elle n’en fasse pas seulement partie intégrante. Pour que l’entreprise provinciale soit jugée « vitale ou essentielle », il faut prouver qu’elle est « absolument indispensable ou nécessaire » à l’entreprise fédérale. La rigueur de ce critère vise à assurer le respect des limites constitutionnelles établies aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, et plus particulièrement à reconnaître que la compétence fédérale à l’égard des questions relatives à l’emploi et aux relations du travail est l’exception et que c’est en général la compétence provinciale qui s’applique dans ce domaine : Montcalm précité, au paragraphe 768.

(traduction; caractères gras ajoutés)

[181] Le Conseil a appliqué le critère d’intégration fonctionnelle à de nombreuses reprises. Dans certaines affaires, il a conclu que les services fournis par des gardiens de sécurité étaient vitaux et essentiels à certaines entreprises fédérales.

[182] Dans Garda, précité, la CAF s’est penchée sur la question de savoir si le Conseil avait compétence à l’égard de gardiens de sécurité dont les fonctions consistaient notamment à assurer la détention d’étrangers à un centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal.

[183] Tout comme en l’espèce, les gardiens de sécurité étaient assujettis au décret du Québec sur les gardiens de sécurité (Décret, précité), et ils étaient représentés à l’échelle provinciale par le Syndicat des Métallos.

[184] La CAF a décrit l’analyse constitutionnelle applicable aux paragraphes 37 et 38 de sa décision :

[37] Les principes et les facteurs énoncés dans Northern Telecom ne sont pas censés être appliqués d’une manière stricte ou rigide, mais plutôt d’une manière souple en tenant compte des faits particuliers à chaque dossier : Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp. [1990] 3 R.C.S. 1112 aux pages 1139-40.

[38] Je me propose donc dans un premier temps d’examiner l’exploitation fédérale en cause, pour ensuite examiner les services fournis par Garda, afin de finalement parvenir à une conclusion sur l’existence ou non d’un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre l’exploitation de l’entreprise fédérale en cause et ces services.

[185] La CAF a souligné le contraste entre le travail que les gardiens effectuaient au centre de prévention de l’immigration et les services de sécurité plus généraux que l’entreprise était susceptible d’offrir à d’autres clients :

[57] Ainsi, il ne s’agit pas de surveiller l’accès du public à un édifice, ni d’examiner l’identité d’invités, ni de surveiller des immeubles afin d’y prévenir des vols ou d’autres méfaits. Les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration visent plutôt à assurer la détention des étrangers en vertu d’une législation du Parlement. Aucun autre client de Garda ne peut exploiter un centre de détention ni contracter avec Garda pour assurer la détention d’individus. Il est donc inexact de soutenir que les services de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration sont similaires à ceux fournis aux autres clients de cette société. Assurer la détention d’individus est une fonction profondément distincte et différente des autres fonctions exercées auprès des autres clients de Garda, et cette fonction très particulière de détention est d’ailleurs régie par des directives, des normes et des politiques gouvernementales fédérales auxquelles l’ensemble des gardes de sécurité en cause sont tenus de se conformer.

(caractères gras ajoutés)

[186] La CAF a jugé que les services fournis par Garda au centre de prévention de l’immigration pouvaient aussi être dissociés de ses autres activités :

[62] Les services de Garda au sein du Centre de prévention de l’immigration peuvent aisément être dissociés des autres activités de cette société, la preuve devant le Conseil ne révélant aucun impératif au contraire. Garda est en effet une entreprise multinationale qui gère de nombreux contrats de service dans plusieurs provinces et pays. Au sein même de la région de Montréal, Garda gère des employés soumis tant à des accréditations émises en vertu du Code canadien du travail qu’en vertu du Code du travail du Québec.

[63] À la lumière de l’ensemble du dossier et des principes applicables d’analyse constitutionnelle, je ne puis que conclure que les services des gardes de sécurité de Garda auprès du Centre de prévention de l’immigration sont une partie essentielle, vitale ou fondamentale de l’exploitation de ce centre.

[187] La CAF a aussi conclu que l’accréditation accordée par le Conseil relativement aux gardiens fournissant des services de sécurité particuliers à des aéroports relevant de la compétence fédérale était, par analogie, comparable à sa compétence à l’égard des gardiens de Garda :

[71] L’analogie entre les services périphériques d’aéroports et les services fournis par les gardes de sécurité auprès du Centre de prévention de l’immigration est claire. Dans notre cas, les gardes de sécurité acquittent des tâches essentielles à la détention effective d’étrangers détenus en vertu d’une loi fédérale, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces tâches sont accomplies conformément aux politiques et directives de l’administration fédérale. L’ASFC ne pourrait efficacement assurer l’exploitation du Centre de prévention de l’immigration de la région de Montréal sans les services des quelques 125 gardes de sécurité fournis par Garda.

(caractères gras ajoutés)

[188] Comment l’analyse de la CAF dans Garda s’applique t elle à AG?

1. L’entreprise fédérale

[189] Personne ne conteste le fait que Termont est une entreprise fédérale. Termont exploite une installation pour conteneurs au port, offre des services liés au transport maritime interprovincial et international et observe les lois fédérales, y compris le RSTM.

2. Les services fournis par AG à l’entreprise fédérale

[190] Bien que le Conseil ait indiqué précédemment que l’existence d’une unité distincte d’employés n’est pas le seul critère à prendre en considération pour déterminer la compétence constitutionnelle, il n’en demeure pas moins que les employés d’AG affectés à Termont y travaillaient d’une façon continue et permanente. Treize employés travaillaient en permanence pour AG, bénéficiant du soutien de sept autres employés à temps partiel.

[191] La possibilité que certains employés exercent d’autres fonctions de sécurité après avoir terminé leur quart de travail à Termont n’a pas convaincu le Conseil de mettre fin à son analyse concernant la compétence dérivée.

[192] Les gardiens d’AG faisaient principalement un travail de contrôle d’accès pour Termont. Cependant, AG avait aussi des sergents de patrouille dans deux véhicules distincts et assurait la sécurité du périmètre des installations de Termont.

[193] Les gardiens d’AG qui travaillaient pour Termont devaient suivre une formation spéciale en matière de sécurité et satisfaire aux exigences législatives pour travailler à une installation de niveau MARSEC 1 (niveau décrit dans le RSTM).

[194] Aux termes du RSTM, Termont s’est vu imposer d’importantes obligations en matière de sécurité. Par exemple, elle a dû préparer un plan de sûreté de l’installation maritime (le plan), document qui a nécessité l’approbation du ministre des Transports (article 322).

[195] L’article 325 du RSTM énumère certaines des procédures de sûreté importantes relatives à l’accès à une installation maritime qui doivent figurer dans le plan :

325. (1) Le plan de sûreté de l’installation maritime comprend des procédures de sûreté, compte tenu des opérations de l’installation maritime, visant à contrôler l’accès à l’installation maritime pour chaque niveau MARSEC et, pour :

a) empêcher l’introduction non autorisée d’armes, d’explosifs et d’engins incendiaires, y compris tout dispositif qui pourrait être utilisé pour causer des dommages ou détruire des installations maritimes ou des bâtiments ou blesser des individus;

b) mettre en lieu sûr, le cas échéant, les armes, les explosifs, les engins incendiaires et les autres substances et engins dangereux dont la présence à l’installation maritime est autorisée par l’exploitant de l’installation;

f) identifier les emplacements pour le contrôle des personnes et des biens, y compris des véhicules, ces emplacements étant couverts pour que le contrôle s’effectue sans interruption, quelles que soient les conditions météorologiques.

(caractères gras ajoutés)

[196] Le plan doit aussi définir les procédures de sûreté à suivre pour la manutention des cargaisons :

334. Le plan de sûreté de l’installation maritime comprend des procédures de sûreté visant la manutention de la cargaison pour chaque niveau MARSEC, compte tenu des opérations de l’installation maritime, pour :

a) empêcher la manipulation criminelle et détecter toute preuve de celle-ci;

b) prévenir l’acceptation ou l’entreposage à l’installation maritime de cargaisons dont le transport n’est pas prévu sans le consentement de l’exploitant de l’installation maritime;

c) indiquer la cargaison qui a été acceptée en vue de son chargement sur des bâtiments qui ont une interface avec l’installation maritime;

d) contrôler les stocks aux points d’accès à l’installation maritime;

e) indiquer la cargaison qui a été acceptée pour entreposage temporaire dans une zone réglementée en attente du chargement ou du ramassage;

f) remettre la cargaison qu’au transporteur mentionné dans le document relatif à la cargaison;

g) assurer la coordination avec les expéditeurs et autres personnes responsables de la cargaison;

h) créer, mettre à jour et maintenir un inventaire tournant de certaines cargaisons dangereuses, de leur réception à leur livraison dans l’installation maritime, le lieu de leur entreposage étant précisé;

i) vérifier la documentation de la cargaison qui entre à l’installation maritime.

335. Pour le niveau MARSEC 1, les procédures de sûreté visant la manutention de la cargaison comprennent, compte tenu des opérations de l’installation maritime :

a) la vérification de la cargaison, des conteneurs et des unités de transport de cargaison qui entrent dans l’installation maritime pour qu’ils correspondent à la facture ou à un autre document relatif à la cargaison;

b) des inspections de routine de la cargaison, des conteneurs, des unités de transport de cargaison ainsi que des zones d’entreposage de la cargaison à l’installation maritime avant et pendant les opérations de manutention de la cargaison pour la détection de toute preuve de manipulation criminelle sauf s’il est dangereux de le faire;

c) la vérification des documents des véhicules qui entrent à l’installation maritime;

d) la vérification des scellés et autres méthodes utilisées pour détecter toute preuve de manipulation criminelle à l’entrée de la cargaison, des conteneurs ou des unités de transport de cargaison dans l’installation maritime ou à leur entreposage dans l’installation maritime.

(caractères gras ajoutés)

[197] Le Conseil a pris note des commentaires de l’AID selon lesquels certaines de ces dispositions, dont les alinéas 334i) et 335d), concernent expressément l’entrée de l’installation maritime plutôt que sa sortie. Le Conseil constate aussi que le règlement ne précise pas à qui il appartient d’accomplir ces diverses tâches.

[198] Afin de s’acquitter de ses importantes obligations en matière de sécurité, Termont a choisi de faire appel à AG pour obtenir des services de gardiens de sécurité ayant reçu une formation spéciale. AG n’est pas la première entreprise de sécurité à travailler pour Termont; ces fonctions de sécurité ont été assurées par une autre entreprise de sécurité jusqu’en 2010, et Termont a alors pris la relève. Il y a un besoin continu pour ce genre de services, quelle que soit l’entreprise de sécurité qui les fournit en vertu d’un contrat et quel que soit le moment.

[199] Le Conseil doit maintenant définir les services que fournit AG.

3. Les services fournis par AG sont ils « vitaux » ou « essentiels » à l’entreprise fédérale de Termont?

[200] Pour que l’application du critère relatif à la compétence dérivée soit concluante, il faut conclure à l’existence d’un lien « vital » ou « essentiel » entre les activités fédérales de Termont et les services que lui fournit AG.

[201] En se fondant sur les faits de l’espèce, le Conseil est convaincu que ce lien crucial existe.

[202] Le RSTM impose à Termont d’importantes responsabilités juridiques. Termont n’a pas recours aux services de gardiens de sécurité simplement pour ouvrir les portes donnant accès à un terrain de stationnement public. Elle a plutôt recours aux services des gardiens d’AG pour pouvoir s’acquitter de ses importantes obligations juridiques liées à la sécurité du port et des personnes qui y travaillent.

[203] À cet égard, le Conseil voit une analogie entre les faits de l’espèce et ceux d’autres affaires dans lesquelles il s’est déclaré compétent, par exemple en ce qui a trait aux gardiens de sécurité qui assuraient des services de sécurité du périmètre dans un aéroport (Securiguard Services Limited, 2005 CCRI 342), ainsi qu’aux agents de contrôle à différents aéroports partout au pays.

[204] Le Code, à l’article 47.3, prévoit des dispositions qui s’appliquent expressément aux agents de contrôle des aéroports.

[205] Termont ne serait pas en mesure d’exploiter son entreprise sans les services que lui fournissent les gardiens d’AG. Ceux-ci veillent à ce que seuls les chauffeurs et véhicules immatriculés autorisés puissent pénétrer dans les installations de Termont. Compte tenu de l’obligation de se conformer au RSTM, jumelée aux autres fonctions de sécurité exercées par les gardiens d’AG de façon régulière, le Conseil est convaincu qu’AG fournit des services qui sont vitaux et essentiels aux activités continues de Termont.

[206] Compte tenu des services fournis par AG à Termont, une partie des activités d’AG relève de la compétence du Conseil.

B. Une partie des activités d’AG est-elle véritablement active dans le secteur du débardage et visée par l’accréditation par région géographique?

[207] Le paragraphe 34(7) du Code charge le Conseil de trancher toute question qui se pose pour l’application de l’article 34 :

34. (7) Pour l’application du présent article, il appartient au Conseil de trancher toute question qui se pose, notamment à l’égard du choix et de la désignation du représentant patronal.

[208] Afin d’établir si AG mène des activités de débardage, il faut examiner l’interprétation à donner à l’expression « véritablement actifs » utilisée à l’article 34 du Code, ainsi que les différents rôles qui relèvent du Conseil et d’un arbitre de griefs.

1. La notion de « véritablement actifs » dans le secteur du débardage

[209] L’expression « véritablement actifs » a été ajoutée au paragraphe 34(1) dans le cadre des modifications apportées au Code en 1999 (projet de loi C 19 L.C. 1998, ch. 26). Le Code utilise l’expression « véritablement actifs » pour décrire les employeurs du secteur du débardage visés par le régime de l’accréditation par région géographique.

[210] Avant 1999, les paragraphes 34(1) et 34(2) étaient rédigés de la façon suivante :

34. (1) Le Conseil peut décider que les employés de plusieurs employeurs du secteur en cause, dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement et, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, accréditer un syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité, dans le cas des employés qui travaillent :

a) dans le secteur du débardage;

b) dans les secteurs d’activité et régions désignés par règlement du gouverneur en conseil sur sa recommandation.

(2) Avant de faire la recommandation prévue à l’alinéa (1)b), le Conseil doit s’assurer, par une enquête, que les employeurs du secteur en cause, dans la région en question, recrutent leurs employés au sein du même groupe et que ceux-ci sont engagés, à un moment ou à un autre, par ces employeurs ou certains d’entre eux.

(caractères gras ajoutés)

[211] On remarque immédiatement l’absence de l’expression « véritablement actifs » au paragraphe 34(1). Cependant, dans l’anglais, le mot « engaged » (actifs) apparaissait, au paragraphe 34(2). Ce manque d’uniformité a été corrigé grâce aux modifications apportées en 1999.

[212] Depuis 1999, les paragraphes 34(1) et 34(2) sont rédigés de la façon suivante :

34. (1) Le Conseil peut décider que les employés de plusieurs employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement et, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, accréditer un syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité, dans le cas des employés qui travaillent :

a) dans le secteur du débardage ;

b) dans les secteurs d’activité et régions désignés par règlement du gouverneur en conseil sur sa recommandation.

(2) Avant de faire la recommandation prévue à l’alinéa (1)b), le Conseil doit s’assurer, par une enquête, que les employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, recrutent leurs employés au sein du même groupe et que ceux-ci sont engagés, à un moment ou à un autre, par ces employeurs ou certains d’entre eux.

(caractères gras ajoutés)

[213] Dans le cadre des modifications apportées en 1999, l’expression « véritablement actifs » a été ajoutée aussi bien au paragraphe 34(1) qu’au paragraphe 34(2) pour décrire les employeurs du secteur du débardage. Comment le Conseil devrait il interpréter cet ajout?

[214] Dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, la CSC a décrit la méthode qu’il convient d’appliquer pour interpréter la loi :

[27] La méthode qu’il convient d’appliquer lorsqu’il s’agit d’interpréter une loi a été énoncée à de nombreuses reprises et elle est maintenant solidement établie. Il s’agit de rechercher la volonté du législateur en lisant les termes de la disposition dans leur contexte global, en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi…

[215] Il est évident que les mots utilisés dans le Code revêtent une importance cruciale. Mais le Conseil peut aussi examiner le contexte législatif dans lequel les modifications ont été apportées.

[216] La CSC a aussi eu recours à des témoignages présentés devant des comités parlementaires, en s’assurant de ne pas leur accorder un poids exagéré : Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, au paragraphe 46.

[217] La CAF a fait état des recommandations formulées dans Vers l’Équilibre : Code canadien du travail, Partie I, révision Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, 1995 (le rapport Sims) pour examiner les interprétations possibles à donner au Code : voir, par exemple, J.D. Irving Ltd. c. General Longshore Workers, Checkers and Shipliners of the Port of Saint John, 2003 CAF 266 et Telus Communications Inc. c. Syndicat des travailleurs en télécommunications, 2005 CAF 262.

[218] Dans le rapport Sims, publié à l’issue d’un examen de la partie I du Code au milieu des années 1990, on recommandait d’apporter plusieurs modifications au Code, dont certaines étaient liées aux accréditations par région géographique.

[219] Dans Air Canada, 2001 CCRI 104, le Conseil s’est prononcé sur la pertinence du rapport Sims :

[51] …Par conséquent, le Conseil doit procéder à un examen attentif du cadre législatif pour déterminer la procédure à appliquer dans toute circonstance particulière. Même si le rapport Sims fournit des renseignements utiles à cette fin, il ne faut jamais oublier que c’est au libellé de la loi elle-même auquel le Conseil doit d’abord se référer.

[220] Le rapport Sims ne faisait pas mention de l’expression « véritablement actifs », mais il précisait tout de même que le choix d’un représentant patronal aux termes de l’article 34 devait être « expressément réserv[é] aux employeurs qui exploitent activement une entreprise de débardage dans le ou les ports ». Cette précision semblait faire une distinction entre les employeurs oeuvrant véritablement dans le secteur du débardage et d’autres employeurs qui peuvent néanmoins mener des activités liées à ce secteur, mais à un autre titre :

Cependant, nous approuvons la proposition selon laquelle le choix du représentant patronal doit être une responsabilité expressément réservée aux employeurs qui exploitent activement une entreprise de débardage dans le ou les ports visés par une même accréditation géographique. Cela semble raisonnable et nous acceptons également que la désignation tienne compte de l’appui de la majorité de ces mêmes employeurs, tout en ajoutant qu’il faudrait une forme quelconque de pondération du vote pour tenir compte du degré d’implication de chaque employeur.

RECOMMANDATIONS :

Que l’article 34 soit modifié de manière à prévoir que :

• Le choix d’un représentant patronal soit expressément réservé aux employeurs actifs dans le ou les ports d’une région géographique.

(pages 99 et 100; caractères gras ajoutés)

[221] Lors d’une séance tenue le 9 décembre 1996, le Comité permanent du développement des ressources humaines s’est penché sur l’ajout des mots « véritablement actifs » à l’article 34 [Il s’agissait du projet de loi C-66, qui n’a jamais été adopté. Cet ajout des mots « véritablement actifs » à l’article 34 a été inclus plus tard dans le projet de loi C-19.] :

M. Johnston : Au sujet de l’article 16, pourrais-je avoir une brève explication de cette disposition en ce qui a trait aux débardeurs.

M. McDermott : L’article 34 figure déjà dans le code et l’article 16 du projet de loi y apporte des précisions, pourrait-on dire. Ce qui se passe, c’est que la jurisprudence qui a été acceptée par le conseil dans un certain nombre d’affaires, en particulier relativement aux ports du fleuve Saint-Laurent, est prise en compte dans les modifications proposées.

Toutefois, dans le premier cas, c’est quelque peu différent. L’expression « véritablement actifs » vient du groupe Sims. Cela vise à s’assurer que dans la suite de l’article, les compagnies qui sont « véritablement actives » dans le secteur du débardage dans un port donné, dans la région en question, seront tenues de choisir un représentant qui agira à titre d’employeur, afin que le syndicat n’ait pas à traiter avec cinq ou six employeurs. Les compagnies donnent donc un mandat à cet employeur et confèrent à ce représentant le pouvoir d’agir à titre d’employeur; donc, seules les compagnies qui sont véritablement actives dans le secteur du débardage pourront choisir le représentant des employeurs.

Vous avez sûrement remarqué que certaines associations d’employeurs maritimes comprennent non seulement des compagnies de débardage, mais aussi des compagnies de transport maritime, des agents maritimes, etc. C’est le secteur du débardage qui est tenu, aux termes du code, de choisir le représentant des employeurs.

C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé l’expression « véritablement actifs ».

(Canada, Chambre des communes, Témoignages du Comité permanent du Développement des Ressources Humaines, 35e législature, 2e sess., Séance no 42, 9 décembre 1996 (Présidence : M. Bevilacqua), caractères gras dans l’original; caractères gras et italiques ajoutés)

[222] Depuis que des modifications ont été apportées à l’article 34 en 1999, le Conseil a eu l’occasion de formuler des observations sur la notion de « véritablement actifs ».

[223] Dans une de ses premières décisions, Secunda Marine Services Limited, 1999 CCRI 16 (Secunda 16), confirmée dans Halifax Longshoremen’s Assn., section locale 269 c. Offshore Logistics Inc., [2000] A.C.F. no 1155 (QL) (CAF), le Conseil a examiné la question de savoir si le chargement et le déchargement de navires de prospection pétrolière et de forage à un quai se trouvant à Dartmouth, en Nouvelle­Écosse, étaient visés par l’accréditation par région géographique applicable au port de Halifax.

[224] Le Conseil a formulé des observations sur la nouvelle expression « véritablement actifs », utilisée au paragraphe 34(1) :

[47] Le paragraphe prévoit que si les employés en question oeuvrent dans le secteur du débardage, une unité géographique peut être jugée habile à négocier collectivement, même si ces employés travaillent pour des employeurs différents. En l’espèce, les employés font du travail de débardage. Il s’agit de déterminer si ils sont véritablement actifs dans le secteur en cause au sens où l’entend le Code.

[48] Par conséquent, l’essentiel est d’établir si et quand les employés qui font du travail de débardage devraient être considérés comme des employés véritablement actifs dans le secteur du débardage et quand il convient de considérer le travail de débardage comme un élément accessoire d’un autre secteur. De toute évidence, pour trancher cette question, il importe que le Conseil s’appuie sur le texte et sur les fins du Code canadien du travail.

(caractères gras dans l’original; caractères gras et italiques ajoutés)

[225] Plus loin dans Secunda 16, précitée, le Conseil a fait état de certains des facteurs qu’il prendrait en considération au moment de réviser une accréditation par région géographique :

[73] Il faut examiner attentivement les dommages possibles aux relations de travail dans le port de Halifax et l’effet approprié de l’article 34 du Code. Si une exception à l’accréditation par région géographique se justifie dans le cas de Offshore, toute entreprise pourrait, en passant un contrat de la même façon avec une entreprise locale pour son travail de transport et de débardage et en combinant le débardage à d’autres travaux de logistique et autres, contourner l’accréditation par région géographique et les fins du Code. Si de tels travaux n’étaient qu’accessoires et occasionnels, et s’ils étaient intégrés à l’entreprise principale de l’entité responsable, ils pourraient bien échapper à l’application de l’article 34. Toutefois, tous les travaux de débardage requièrent un examen approfondi. Compte tenu de la mise en équilibre soignée de facteurs, l’employeur qui exécute des travaux de débardage constatera à un moment donné que ses employés oeuvrent dans le secteur du débardage au sens du Code. Offshore, après avoir soigneusement équilibré les facteurs et autres considérations, a maintenant franchi cette étape. Le Code exige que le Conseil évalue la fréquence des travaux, sa régularité, son caractère dissociable, la question de savoir s’il s’agit de travaux de débardage ou de travaux accessoires, et la menace que pourrait représenter le choix entre différentes caractérisations du travail pour les relations de travail. Il sera très important de déterminer si les employés en question sont véritablement actifs dans le secteur du débardage. Ils le sont ici. L’intention du législateur était de faire en sorte que l’accréditation accordée dans le secteur du débardage soit plus universelle, et non moins universelle, pour empêcher les perturbations dans les activités portuaires. En l’espèce, les travaux sont largement de la nature du débardage, soit le chargement et le déchargement de navires. Cette activité est séparée de la prospection pétrolière au niveau de son organisation et peut être séparée du point de vue des relations de travail. Elle survient fréquemment et régulièrement. Elle dessert un certain nombre de clients. En toutes circonstances, il convient d’exiger que Offshore soit comprise dans l’accréditation par région géographique applicable au port de Halifax pour refléter la structure actuelle de Offshore et ses activités de débardage.

(caractères gras ajoutés)

[226] Le Conseil s’est aussi prononcé sur la notion de « véritablement actifs » dans Rideau Bulk Terminal inc., 2011 CCRI 608. Le Conseil craignait que la notion de « véritablement actifs » soit utilisée pour diviser en deux camps les employeurs du secteur du débardage :

[137] De toute manière, l’esprit et l’objet de l’ordonnance d’accréditation par région géographique seraient contournés si un tiers employeur pouvait, d’une part, faire réaliser du débardage par au moins un employé et, d’autre part, éviter d’être assujetti à l’ordonnance d’accréditation par région géographique en prétendant être actif dans le secteur du débardage sans toutefois y être « véritablement actif ». Dans Association des employeurs maritimes et autres (857), précitée, rendue en 1991, le CCRT a expliqué que l’ordonnance d’accréditation par région géographique établit un « bassin de travailleurs unique ». Cette ordonnance a pour objectif d’interdire à des employés d’intégrer temporairement ce bassin de travailleurs unique parce que leur employeur, un tiers, est seulement actif occasionnellement dans le secteur du débardage (voir Secunda Marine Services Limited, 1999 CCRI 16)…

(caractères gras ajoutés)

[227] Le Conseil partage ces préoccupations à l’égard de l’expression « véritablement actifs ». Dans Rideau Bulk 608, précitée, aux paragraphes 135 et 136, le Conseil semble avoir proposé d’assortir l’expression « véritablement actifs » d’une limite temporelle :

[135] Dans ses plaidoiries, RBT a affirmé que le Conseil doit d’abord décider si RBT était un employeur « véritablement actif dans le secteur du débardage ». Dans sa version modifiée qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1999, le paragraphe 34(1) du Code contient le terme « véritablement actif ». D’ailleurs, le paragraphe 34(1) du Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire de décider que « les employés de plusieurs employeurs véritablement actifs dans le secteur [du débardage], dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement ». Autrement dit, le Conseil estime que le terme « véritablement actif » s’applique aux activités de l’employeur au moment où le Conseil est saisi de la demande d’accréditation par région géographique. Avant d’accorder une telle accréditation, le Conseil doit être convaincu qu’au moins deux employeurs sont véritablement actifs dans le secteur en cause. Pour ce qui est du port de Hamilton, l’ordonnance d’accréditation par région géographique du CCRT a été rendue en 1991. Le Conseil n’a plus besoin de se pencher sur cette question pour analyser les activités menées par RBT au quai 22 en décembre 2009.

[136] En l’espèce, la tâche du Conseil consiste à interpréter la description de l’unité de négociation donnée dans l’ordonnance d’accréditation par région géographique et à décider si RBT est assujetti à cette ordonnance. Le passage pertinent de la description de l’ordonnance d’accréditation par région géographique datée du 8 mars 1991 est le suivant : « tous les employés des employeurs dans le secteur de débardage dans le port de Hamilton travaillant comme débardeurs ». Autrement dit, le terme « véritablement actif » ne fait pas partie de la description de l’unité de négociation. Par conséquent, le Conseil doit seulement décider, comme il le fait en l’espèce, si RBT est un employeur oeuvrant dans le secteur du débardage au port de Hamilton. À l’heure actuelle, le Conseil n’a pas besoin de décider si RBT est « véritablement actif » dans ce secteur.

(caractères gras ajoutés)

[228] L’article 34 exige que le Conseil examine les activités d’un employeur. Dans le cadre de cette analyse, le Conseil doit notamment établir si l’employeur est « véritablement actif » dans le secteur du débardage. En tenant compte du contexte des modifications apportées ainsi que de l’objet de l’article 34, le Conseil conclut que l’ajout de l’expression « véritablement actifs » n’a fait que clarifier l’article 34. Il n’en a pas restreint l’application.

[229] Une accréditation par région géographique fondée sur l’article 34 favorise la stabilité dans le secteur du débardage, comme le décrit AEM 581, précitée, au paragraphe 28 :

[28] … Les dispositions du Code qui portent sur l’accréditation par région géographique visent à apporter et à garantir la stabilité dans le secteur du débardage. Le législateur a décidé que tous les employeurs de débardeurs dans une région définie doivent être représentés par un seul agent négociateur et qu’une convention collective unique doit s’appliquer à tous ceux qui font du travail de débardage…

[230] Les employeurs du secteur du débardage et les agents négociateurs accrédités partagent un intérêt quant au respect d’une accréditation par région géographique.

[231] Un représentant patronal doit s’assurer que tout employeur véritablement actif dans le secteur du débardage lui verse les cotisations voulues – question à l’origine du conflit dans Rideau Bulk 608, précitée. Cela évite que les employeurs membres assujettis à l’accréditation par région géographique soient menacés par ceux que le CCRT a déjà décrits de façon imagée comme des « profiteurs » : Halifax Grain 157, précitée, à la page 165.

[232] Les agents négociateurs partagent un intérêt similaire pour ce qui est de s’assurer que tout employeur du secteur du débardage, qu’il soit ou non au courant de l’accréditation par région géographique, respectent ses obligations juridiques. Il est fréquent que des agents négociateurs accrédités demandent au Conseil de confirmer qu’une accréditation par région géographique s’applique à un employeur qui a prétendument étendu ses activités au secteur du débardage.

[233] L’expression « plusieurs employeurs du secteur en cause » utilisée au paragraphe 34(1) avant 1999 pouvait être ambigüe. On ne savait pas vraiment qui faisait partie des employeurs du secteur du débardage aux fins du vote pour le choix d’un représentant patronal. Tout comme le secteur juridique n’est pas réservé uniquement aux cabinets d’avocats, le secteur du débardage ne regroupe pas nécessairement que des entreprises de débardage comme Termont.

[234] L’ajout de l’expression « véritablement actifs » ne visait pas à diviser en deux camps les employeurs du secteur du débardage en fonction de leur niveau d’engagement. L’ajout des mots « véritablement actifs » a plutôt permis de séparer les employeurs qui font véritablement du débardage de ceux qui fournissent des services au secteur du débardage. Seuls les employeurs qui sont véritablement actifs dans le secteur du débardage peuvent voter pour choisir, aux termes de l’article 34, un représentant patronal à qui ils doivent verser des cotisations.

[235] Une analyse trop technique du paragraphe 34(1) diviserait les entreprises de débardage en deux camps à savoir celles qui sont « véritablement actives » et celles qui ne le sont pas suffisamment. Cela créerait encore plus de confusion quant au droit de vote pour le choix du représentant patronal. En outre, cette analyse privilégierait les « profiteurs » dont il a été question ci dessus, au détriment des employeurs faisant déjà partie du secteur du débardage.

[236] Le Conseil préfère l’interprétation qui empêche la présence des « profiteurs », aide à déterminer le droit de vote et respecte les droits aussi bien des employeurs faisant déjà partie du secteur du débardage que des agents négociateurs accrédités.

[237] Le Conseil doit déterminer si une partie d’AG est véritablement active dans le domaine du débardage à Termont. Le fait qu’elle fournisse aussi des services de sécurité à Termont – ce qui n’est pas contesté – ne permet pas de répondre à cette question clé. Il ne fait aucun doute que les circonstances de l’espèce diffèrent de celles qui ont été observées dans Cargill, précité, alors qu’une entreprise relevant de la compétence provinciale déplaçait ses propres grains sur un quai lorsque l’importante étape du transport maritime était terminée.

2. Comparaison du rôle du Conseil avec celui d’un arbitre

[238] L’AEM a invoqué la décision Services Maritimes Québec inc., 2006 CCRI 371 (Services Maritimes 371) pour faire valoir le fait que ce conflit relevait de la compétence d’un arbitre. Un arbitre pourrait déterminer si Termont enfreignait, entre autres choses, le paragraphe 1.05 de la convention collective en demandant à AG de lui fournir certains services. Cependant, le fait de déterminer si Termont respecte la convention collective que l’AEM a négociée avec l’AID ne permet pas de répondre à la question de savoir si AG est devenue assujettie à l’accréditation par région géographique du Conseil.

[239] Dans Services Maritimes 371, précitée, un banc de révision a conclu que le banc initial s’était trompé dans son examen de la question de savoir si certaines personnes ne faisant pas partie de l’unité de négociation effectuaient du travail de vérification.

[240] Il importe toutefois de noter qu’il avait déjà été déterminé que l’employeur en cause, Compagnie d’arrimage de Québec Ltée, était assujetti à l’accréditation par région géographique accordée par le Conseil: Services Maritimes 371, précitée, aux paragraphes 9 et 10. Cette situation diffère des circonstances de la présente affaire, dans laquelle le Conseil doit décider si l’accréditation par région géographique s’applique à AG. Il faut lire la décision Services Maritimes 371 en tenant compte de cette distinction importante :

[92] Dans l’affaire qui nous occupe, le banc de révision a lu avec attention l’analyse du banc initial au regard des treize personnes visées par la demande et de la question de la manutention des cargaisons en vrac. Il comprend difficilement les fondements juridiques qui ont pu inciter le banc initial à étendre la portée de sa compétence à cet égard et à conclure que les treize personnes visées n’exerçaient pas des tâches de vérification.

[93] Parmi les treize personnes mentionnées dans la demande initiale, sept étaient des surintendants. Le banc de révision comprend le raisonnement du banc initial qui concluait à leur égard qu’« il est clair que la question de savoir si les surintendants font du travail de vérification et par conséquent le travail de l’unité relève carrément de l’interprétation de la convention collective », Société des Arrimeurs de Québec Inc. (339), précitée, page 39. Il ajoutait les commentaires suivants à ce sujet :

[105] ... L’article 1.05 prévoit que seuls les membres de l’unité de négociation peuvent faire les travaux qui relèvent de celle-ci :

« 1.05 Sous réserve de la clause 1.07, aucune autre personne, sauf celles incluses dans l’unité de négociation, n’aura droit d’accomplir les travaux qui relèvent de ladite unité de négociation. »

[106] Ce n’est pas le rôle du Conseil de juger des infractions à la convention collective, le cas échéant. Cette fonction relève de la compétence exclusive de l’arbitre de griefs, tel que le prévoit l’article 57 du Code. Le Conseil ne peut s’arroger cette fonction au motif que les membres du syndicat n’ont pas les moyens de donner suite à leurs nombreux griefs.

(Société des Arrimeurs de Québec Inc. (339), précitée, pages 35-36)

[94] Par contre, le banc de révision comprend mal la conclusion du banc initial que l’on retrouve à la toute fin de ses motifs concernant ces mêmes surintendants en plus des six autres personnes concernées et selon laquelle :

[122] Pour ces motifs, le Conseil

...

• déclare qu’à défaut d’être directement affectés au chargement et au déchargement des navires, les employés mentionnés au paragraphe 7 de la demande [liste des treize personnes mentionnées dans la demande initiale incluant les sept surintendants] n’exercent pas des tâches de vérification…

(Société des Arrimeurs de Québec Inc. (339), précitée, page 39)

(caractères gras ajoutés)

[241] Le banc de révision a conclu qu’un arbitre de griefs aurait dû être saisi de la question relative au travail de vérification :

[95] Dans la mesure où le Conseil ne peut s’arroger la compétence d’un arbitre pour déterminer si des travaux particuliers constituent de la vérification et par conséquent des travaux qui relèvent de l’unité de négociation, l’analyse du Conseil aurait dû prendre fin à cette étape.

[96] Le certificat d’accréditation de la section locale 3810 est formulé d’une manière très générale et vise « tous les employés affectés à la vérification des cargaisons à l’emploi de tous les employeurs oeuvrant dans le domaine du débardage dans les limites du territoire géographique du port de Québec ».

[97] Déterminer si les travaux particuliers exécutés par certaines personnes à un moment précis sont des travaux de vérification et par conséquent des travaux qui relèvent de l’unité de négociation au sens de la convention collective relève de la compétence de l’arbitre de griefs.

(caractères gras ajoutés)

[242] Le banc de révision a comparé son rôle à celui d’un arbitre de griefs :

[105] Le banc de révision comprend que le présent dossier puisse jeter une certaine confusion dans les esprits quant au rôle de l’arbitre de griefs. Dans un premier temps, l’inclusion ou l’exclusion des cargaisons en vrac ne peut faire l’objet d’un arbitrage en soi puisque la détermination de la portée intentionnelle du certificat d’accréditation est du ressort du Conseil. Par contre, il est clair que l’objet réel du présent litige devrait, lui, faire l’objet d’un arbitrage.

[106] En effet, la préoccupation réelle de la section locale 3810 découle du fait qu’elle estime que certains travaux exécutés par des personnes non incluses dans l’unité de négociation constituent des travaux de vérification visés par la clause 1.05 de la convention collective qui devraient être exécutés par les cinq employés inclus dans l’unité. Il est du ressort de l’arbitre de déterminer si des travaux particuliers exécutés à un moment précis constituent du travail qui relève de l’unité de négociation au sens de la clause 1.05 de la convention collective.

(caractères gras ajoutés)

[243] Quel est le rôle du Conseil par rapport au rôle d’un arbitre de griefs dans des affaires mettant en cause des débardeurs ? Un renvoi à l’article 65 du Code permet d’illustrer plus facilement la distinction.

[244] Un arbitre, les parties à un arbitrage ou le ministre peuvent renvoyer certaines questions liées à la convention collective au Conseil aux termes de l’article 65 du Code :

65. (1) Toute question soulevée dans une affaire d’arbitrage et se rapportant à l’existence d’une convention collective ou à l’identité des parties ou des employés qu’elle lie peut être renvoyée au Conseil, pour décision, par l’arbitre, le conseil d’arbitrage, le ministre ou toute prétendue partie.

(2) Le renvoi visé au paragraphe (1) ne suspend la procédure engagée devant l’arbitre ou le conseil d’arbitrage que si l’un ou l’autre décide que la nature de la question le justifie ou que le Conseil lui-même ordonne la suspension.

(caractères gras ajoutés)

[245] La portée des questions ainsi renvoyées doit être limitée. Elles doivent avoir trait à i) l’existence d’une convention collective; ii) l’identité des parties à une convention collective; ou iii) l’identité des parties ou des employés liés par une convention collective. La dernière question survient souvent dans le cadre d’un conflit entre des syndicats pour ce qui est de savoir laquelle de deux (ou de plusieurs) ordonnances d’accréditation du Conseil s’applique à certains travaux en litige.

[246] Comme ces questions découlent d’accréditations antérieures accordées par le Conseil, il convient que celui ci les tranche afin de faciliter la procédure d’arbitrage.

[247] Cependant, une demande de renvoi fondée sur l’article 65 ne confère au Conseil aucun pouvoir lui permettant d’exercer le rôle confié à un arbitre en vertu d’une convention collective. Les questions visées à l’article 65 n’ont trait qu’à des situations dans lesquelles le Conseil peut devoir examiner les effets de ses ordonnances et décisions antérieures sur une affaire d’arbitrage.

[248] Dans Équipements Bellemare Ltée (1995), 97 di 84 (CCRT no 1112) (Bellemare 1), le Conseil a décrit une demande de renvoi qu’il avait reçue d’un syndicat concernant une question touchant le débardage :

Par cette demande de renvoi présentée le 8 juin 1993 en vertu de l’article 65 du Code, le SCPF 1375 demande au Conseil de déclarer :

a) que la compagnie Équipements Bellemare Ltée est liée par l’accréditation accordée au SCFP puisqu’elle a commencé à oeuvrer dans le secteur du débardage dans la région géographique constituée des ports de Trois-Rivières et de Bécancour;

b) que cette compagnie est liée par la convention collective intervenue entre l’AEM et le SCFP;

c) que la convention collective conclue le 8 décembre 1992 entre le syndicat et l’AEM au nom des employeurs oeuvrant dans le secteur du débardage dans ce territoire s’applique aux travaux de débardage effectués par Équipements Bellemare Ltée;

d) que cette compagnie doit avoir recours aux employés régis par l’accréditation accordée au SCFP.

Selon le requérant, les employés d’Équipements Bellemare Ltée auraient effectué des travaux de débardage dans les limites géographiques du port de Trois-Rivières/Bécancour lorsqu’ils ont procédé au chargement de cinq cargaisons de ciment en poudre à bord de bateaux à livrer au Mexique au cours de l’année 1993. Ces travaux, selon lui, auraient normalement dû être effectués par les employés régis par l’accréditation géographique qu’il détient. Le 2 juin 1993, le requérant a déposé un grief touchant cette question et ce dernier a été renvoyé à l’arbitre Claude Lauzon. Le requérant demande au Conseil de statuer conformément à l’article 65 sur l’identité des parties liées par cette accréditation, et ce, avant l’audition dudit grief.

(page 86)

[249] Le Conseil a examiné son rôle dans le cadre d’une demande de renvoi fondée sur l’article 65 :

Tel que nous l’avons vu ci-dessus, les deux premières conclusions recherchées par le syndicat soulèvent la question de savoir si la compagnie Équipements Bellemare Ltée est liée, d’une part, par l’ordonnance d’accréditation et, d’autre part, par la convention collective en vigueur dans la région géographique désignée en vertu du régime d’accréditation de l’article 34 du Code. Les deux dernières, dans la mesure où elles visent le rattachement des tâches de débardages effectuées par Équipements Bellemare Ltée à la convention collective et leur exécution par des membres de l’unité accréditée, soulèvent plutôt la question des conséquences d’une réponse affirmative à la première question. On demande en effet au Conseil d’ordonner que les travaux de débardage et la main-d’oeuvre qu’ils requièrent soient régis par la convention collective présentement en vigueur. Notons par ailleurs que, si toutes les parties s’entendent pour reconnaître au Conseil la compétence voulue à l’endroit des deux premières conclusions, il n’en va pas de même dans le cas des deux dernières. L’intimée et la mise en cause estiment en effet que si le Conseil en venait à la conclusion que la compagnie Équipements Bellemare Ltée, ou tout autre compagnie oeuvrant dans le secteur du débardage, est effectivement liée par l’ordonnance d’accréditation et par la convention collective, il incomberait alors à l’arbitre chargé d’interpréter les clauses pertinentes de la convention collective de trancher les questions soulevées par les deux dernières conclusions recherchées par le requérant.

(page 91; caractères gras ajoutés)

[250] Dans Équipements Bellemare Ltée (1995), 99 di 105 (CCRT no 1142) (Bellemare 2), le Conseil a formulé d’autres observations à propos de son rôle :

Comme l’a noté le Conseil dans sa décision antérieure, les deux dernières conclusions recherchées par la requérante concernent les effets pratiques des deux premières conclusions. Elle demandent (sic) en effet au Conseil, d’une part, de déclarer que les activités d’Équipements Bellemare dont nous avons dit qu’elles constituent du débardage sont régies par les termes de la convention collective et, de l’autre, d’ordonner que cette compagnie utilise le personnel visé par l’accréditation détenue par le syndicat. Or, ces conclusions soulèvent directement la question de la compétence du Conseil pour en traiter dans la mesure où elles relèvent de l’interprétation de la convention collective elle-même comme l’ont justement fait ressortir les procureurs de l’intimée et de l’AEM. Le Conseil estime donc qu’après avoir déterminé précédemment et conformément à l’article 65 que, pour la période durant laquelle elle a effectué des travaux de débardage, la compagnie était liée par l’accréditation géographique du syndicat et par la convention collective entre celui-ci et l’AEM, il reviendra à l’arbitre de déterminer les questions que posent les deux dernières conclusions recherchées par la requérante.

(page 108; caractères gras ajoutés)

[251] La distinction à laquelle on fait référence ci-dessus dans le cas d’affaires fondées sur l’article 65 du Code mettant en cause des débardeurs s’applique de la même façon à une demande fondée sur l’article 18 comme celle présentée par l’AID en l’espèce. Le Conseil doit décider s’il accepte ou non l’allégation de l’AID selon laquelle AG, une entreprise de sécurité – ce que personne ne conteste –, est dorénavant assujettie à l’accréditation par région géographique applicable au port. Il appartiendrait alors à un arbitre de déterminer les conséquences liées à la convention collective, le cas échéant, qui découleraient de cette décision.

3. Avant Garde a t elle étendu ses activités au secteur du débardage?

[252] Dans son introduction, le Conseil a fait part de sa conclusion selon laquelle AG a étendu ses activités au secteur du débardage. La présente section expose les motifs de cette conclusion.

a. Le Conseil devrait il fournir une définition détaillée de ce qu’est la vérification?

[253] L’AID a pressé le Conseil d’établir une définition de la « vérification ». Dans Halifax Grain 725, précitée, le CCRT a indiqué qu’il n’avait délibérément pas défini de façon exhaustive le secteur du débardage :

Le Code ne définit pas ce qui constitue du débardage; il ne définit pas non plus ce qu’est le secteur du débardage dont il est expressément fait mention à l’article 34 du Code. Sauf dans la décision Gagnon et Boucher, supra, où il s’est servi de la description générale du travail de débardage utilisée par la Cour suprême du Canada dans Eastern Canada Stevedoring Co. Ltd., supra, le Conseil n’a pas tenté de définir le secteur du débardage, et ce, délibérément car, à part les fonctions évidentes de chargement et de déchargement des navires servant au transport maritime, le débardage comprend diverses autres activités liées à ces deux fonctions. Mentionnons, par exemple, la manutention et la vérification des marchandises sur les quais, ainsi que le fonctionnement et l’entretien du matériel utilisé pour transporter les marchandises en transit et du matériel connexe. Ces activités varient d’un port à l’autre selon les pratiques locales; par conséquent, il est presque impossible de donner une définition passablement précise du secteur du débardage.

(page 9; caractères gras ajoutés)

[254] Le Conseil n’est pas non plus disposé à fournir une définition exhaustive de la vérification.

[255] Il suffit de noter que la vérification a trait aux activités liées aux conteneurs et à leur contenu qui sont manutentionnés par Termont pour ses clients expéditeurs. On peut aisément faire un parallèle avec le lien sous jacent au transport maritime qui assujettit Termont à la compétence fédérale.

[256] Le Conseil doit par conséquent établir si AG a étendu certaines de ses activités à ce domaine.

b. Le Code et le RSTM ont-ils créé deux silos distincts?

[257] Selon l’AEM, il existe deux silos lorsqu’il s’agit des fonctions liées aux cargaisons. Elle a souligné que le RSTM a créé de nombreuses obligations concernant les cargaisons et que Termont était en droit de confier certaines de ces fonctions aux gardiens d’AG.

[258] Le Conseil ne conclut pas que le RSTM, en cas de conflit, l’emporte en quelque sorte sur le Code et l’accréditation par région géographique en vigueur accordée par le Conseil.

[259] Le Conseil ne voit pas pourquoi le Code et le régime de sécurité du RSTM ne peuvent pas coexister. Si le RSTM devait avoir préséance sur les décisions ou les ordonnances rendues en vertu du Code, le législateur aurait pu l’indiquer clairement.

[260] La simple existence du RSTM n’a pas convaincu le Conseil que les fonctions liées aux conteneurs qu’exercent les gardiens ont cessé d’être de la vérification.

c. Pourquoi le Conseil conclut il qu’AG est véritablement active dans le secteur du débardage?

[261] Le président d’AG, M. Yvon Lalonde, a décrit que les fonctions principales de son entreprise à Termont avaient trait au contrôle de l’accès. À l’audience, personne n’a contesté le fait que la vérification de certains éléments, comme l’identité du chauffeur ainsi que le numéro d’immatriculation de son camion, se distinguait de la vérification des renseignements liés aux conteneurs.

[262] Dans la même veine, le fait d’inspecter visuellement l’intérieur de la cabine du véhicule pour vérifier qu’aucune personne supplémentaire (passagers clandestins) ne s’y trouvait faisait aussi partie des services de contrôle de l’accès. L’AID n’a pas contesté le fait que les gardiens pouvaient même, dans le cadre de l’ancien système, « vérifier les vérificateurs » (traduction), en confirmant certains renseignements liés expressément aux conteneurs figurant sur leur copie du TIR.

[263] Si, à la suite du changement technologique, les gardiens à la porte de sortie ne vérifiaient aucun renseignement lié aux conteneurs, le Conseil aurait alors peut être été convaincu que le système de OCR exécutait désormais toutes les fonctions de vérification requises avant que les conteneurs puissent quitter les installations de Termont.

[264] Cependant, les éléments de preuve ont démontré que les fonctions des gardiens d’AG à la porte de sortie s’étendaient au-delà du contrôle de l’accès des camions. Pour qu’un conteneur puisse quitter les installations de Termont, un être humain devait encore vérifier les renseignements qui y étaient expressément liés.

[265] Les éléments de preuve n’ont pas permis au Conseil d’avoir un portrait global du travail effectué pas les gardiens à la porte de sortie. Aucun gardien d’AG n’a témoigné à propos de ses fonctions, que ce soit avant ou après le changement technologique. L’AID et l’AEM ne semblaient pas avoir discuté ensemble des nouvelles fonctions informatisées confiées aux gardiens dans la guérite de sécurité après le changement technologique. L’AID a semblé n’apprendre certains détails concernant les écrans d’ordinateur des gardiens que pendant la visite du site par le Conseil.

[266] En outre, les éléments de preuve concernant les fonctions quotidiennes des gardiens étaient parfois contradictoires.

[267] M. Batten consacre toujours 70 % de son temps à l’exécution de travail de vérification à Termont. Il a affirmé que, avant le changement technologique, les gardiens sortaient rarement de leur guérite, voire jamais, pour regarder à l’intérieur d’un conteneur vide. C’était plutôt le chauffeur ou le vérificateur qui entrait à l’intérieur du conteneur vide, après que le chauffeur en eut ouvert la porte aux fins d’inspection.

[268] Par ailleurs, MM. Chyzenski et Dubreuil ont tous les deux témoigné que les gardiens vérifiaient si de la marchandise de contrebande ou des passagers clandestins se trouvaient à l’intérieur des conteneurs en regardant depuis leur guérite ou en sortant à l’extérieur pour y jeter un coup d’oeil. En contre interrogatoire, M. Dubreuil a admis que la surveillance du travail des gardiens de sécurité à la porte de sortie ne faisait pas partie de ses tâches régulières. Mais il lui était arrivé de voir des gardiens sortir de leur guérite.

[269] Comme il a été indiqué, aucun gardien n’a témoigné. À la lumière des éléments de preuve, le Conseil est convaincu que, indépendamment de ce à quoi auraient pu s’attendre les gestionnaires de Termont, ce sont les vérificateurs, plutôt que les gardiens de sécurité, qui s’assuraient régulièrement qu’aucun bien appartenant aux expéditeurs ne se trouvait à l’intérieur des conteneurs vides quittant les installations de Termont. La procédure antérieure à 2011 (pièce 2; onglet 15), contrairement à celle qui a été adoptée après le changement technologique (pièce 2; onglet 16), ne faisait mention d’aucune obligation pour les gardiens de procéder à une inspection visuelle de l’intérieur des conteneurs vides qui quittaient les installations de Termont.

[270] Le Conseil accepte que Termont a décidé, dans le cadre du changement technologique, de ne plus vérifier si les conteneurs étaient endommagés. Bien qu’il soit peut-être arrivé à moins de cinq reprises qu’un gardien d’AG signale des dommages, personne n’a contesté les éléments de preuve de Termont selon lesquels elle n’exigeait pas l’exécution de cette tâche. En fait, elle avait pris des mesures concrètes pour aviser le gardien de ne pas vérifier si les conteneurs avaient été endommagés. Si toutefois un chauffeur signalait des dommages, Termont faisait alors appel à un vérificateur pour que celui ci effectue une vérification.

[271] Avant le changement technologique, les vérificateurs s’assuraient que les conteneurs vides qui quittaient les installations de Termont étaient véritablement vides. À la suite du changement technologique, le chauffeur sortait toujours de son véhicule pour ouvrir le conteneur vide, conformément à la procédure antérieure. Mais le gardien d’AG s’assurait désormais que le conteneur était vide en vérifiant à l’intérieur au moyen d’une caméra télécommandée.

[272] Après le changement technologique, les gardiens ne se contentaient pas de vérifier les renseignements relatifs au véhicule transportant le conteneur et à son chauffeur. En principe, on pourrait penser que, si toutes les fonctions de vérificateur étaient désormais assurées par le système de OCR, il ne restait aux gardiens qu’à accomplir les tâches liées au contrôle de l’accès des véhicules. Il n’aurait plus été nécessaire de vérifier les renseignements relatifs aux conteneurs puisque le système de OCR l’aurait déjà fait.

[273] Or, selon les éléments de preuve présentés, à la suite du changement technologique, les gardiens devaient toujours vérifier des renseignements relatifs à chacun des conteneurs avant que ceux ci puissent quitter les installations de Termont.

[274] Par exemple, avant le changement technologique, le vérificateur utilisait le TIR pour confirmer d’importants renseignements relatifs aux conteneurs vides et pleins. Après s’être assuré de l’exactitude des renseignements figurant déjà sur le formulaire et de ceux qu’il avait ajoutés manuellement à la porte, le vérificateur remettait le TIR au chauffeur.

[275] Le chauffeur présentait alors le TIR au gardien, qui vérifiait la transaction avant de permettre au véhicule et au conteneur de sortir.

[276] La procédure écrite en vigueur à la porte de sortie avant le changement technologique à Termont (pièce 2; onglet 15) décrivait la participation des gardiens à la procédure suivie par les vérificateurs. Par exemple, au sous paragraphe g), il était précisé que le gardien effectuait une deuxième vérification de ce qu’avaient fait les vérificateurs :

g) Il incombe au gardien de sécurité affecté à ce poste de veiller à ce que la vérification ainsi que toutes les fonctions de sécurité ont été exécutées avant d’ouvrir la porte et d’autoriser la sortie d’un camion ou d’un conteneur.

(traduction; caractères gras ajoutés)

(NDLR : La version française de ce paragraphe à la pièce 2 onglet 15 ne correspond pas à la version anglaise examinée lors de l’audience)

[277] La vérification effectuée par les gardiens avait trait aux renseignements figurant sur le TIR, comme le précisent les sous paragraphes c), e) et f) de la procédure :

C) À l’arrivée d'un camion a la barrière, l’agent en devoir doit sélectionner l’option« FIND BY PLATE» et inscrire le numéro de plaque d’immatriculation du camion qui se trouve devant lui dans les champs prévus et cliquer sur « OK ». Toute l’information concernant ce camion doit s’afficher sur l’écran, incluant le numéro de transaction, la plaque d’immatriculation, le numéro du conteneur, la date et le nom de la compagnie de transport.

e) Le gardien assigné au poste de vérification des documents, doit vérifier le (les) numéro (s) de transaction (s), le (les) numéro (s) du (des) conteneur (s) ou le numéro d’immatriculation du camion dans l’ordinateur situé à la guérite de l’agent de sécurité à la sortie.

f) Que toute l’information qui se trouve sur le moniteur de l’ordinateur correspond EXACTEMENT à toutes les coordonnées que le gardien possède devant lui, incluant :

  1. Le numéro de la transaction
  2. Le numéro du conteneur
  3. Le numéro de la plaque d’immatriculation des camions

(caractères gras ajoutés)

[278] L’AID n’a pas contesté le fait que Termont pouvait demander au gardien d’examiner ainsi le travail de ses membres. Elle a accepté cette procédure, la décrivant comme une « vérification des vérificateurs » (traduction).

[279] À la suite du changement technologique, le TIR a cessé d’exister en version papier. M. Batten a témoigné qu’il soupçonnait qu’un document numérique correspondant au TIR apparaissait désormais à l’écran des gardiens dans la guérite de sécurité. M. Dubreuil a nié que le TIR s’affichait à l’écran, mais il a confirmé que les renseignements figurant antérieurement sur le TIR apparaissaient maintenant à l’écran des gardiens.

[280] En contre interrogatoire, M. Chyzenski a reconnu que les gardiens étaient obligés de lire attentivement ces renseignements avant d’autoriser la sortie d’un conteneur.

[281] À la suite du changement technologique, les gardiens devaient aussi s’acquitter d’une nouvelle responsabilité, soit s’assurer que chaque conteneur plein était muni d’un sceau. La procédure antérieure à 2011 (pièce 2; onglet 15) mentionnait seulement les situations où « des circonstances exceptionnelles ou une anomalie concernant un sceau de sécurité [étaient] observées… » (traduction). Termont ne vérifiait plus le numéro exact du sceau. Toutefois, elle ne permettait pas qu’un conteneur quitte ses installations sans qu’on confirme qu’il était muni d’un sceau. M. Dubreuil a témoigné que la caméra qu’utilisait le gardien ne permettait pas de lire le numéro du sceau, mais elle permettait de confirmer que le conteneur en était muni.

[282] Comme M. Dubreuil l’a indiqué dans son témoignage, si un conteneur n’était pas muni d’un sceau, il fallait alors faire appel à un vérificateur. Le Conseil trouve difficile à concilier que le fait de vérifier si un conteneur est muni d’un sceau ne constitue pas de la vérification, mais que cette activité devient de la vérification si le conteneur n’est pas muni d’un sceau. Ces activités relèvent toutes les deux de la notion de vérification liée aux conteneurs dont il a été question plus tôt.

[283] Compte tenu des éléments de preuve ci dessus, le Conseil est convaincu que les gardiens d’AG confirmaient les renseignements relatifs aux conteneurs sur une base régulière, et qu’ils le faisaient en fait pour chacun des conteneurs qui quittaient les installations de Termont. Les gardiens ne permettent pas qu’un conteneur quitte les installations de Termont à moins que ces renseignements n’aient été vérifiés.

[284] C’est en raison de ces fonctions continues liées aux conteneurs qu’une partie des activités d’AG relève de l’accréditation par région géographique accordée par le Conseil.

[285] Comme dans la plupart des affaires nécessitant une révision de la portée d’une accréditation par région géographique accordée en vertu de l’article 34, les activités de débardage d’AG ne constituent pas son activité principale. Par contre, le travail régulier que fait AG relativement aux conteneurs de Termont correspond, dans le domaine de la vérification, au chargement ou au déchargement d’un navire par une tierce partie. Ces activités assujettissent une partie d’AG à l’accréditation par région géographique accordée par le Conseil dans le secteur du débardage.

[286] Le Conseil insiste sur le fait que sa décision ne porte que sur la portée de son accréditation par région géographique. Ces conclusions ne permettent pas expressément de trancher les griefs découlant de la convention collective. Ces affaires relèvent de la compétence d’un arbitre de griefs.

VIII. Résumé

[287] Le Conseil a offert ses services de médiation aux parties afin d’envisager si une solution dérivant des relations du travail serait préférable à une décision écrite officielle. Les parties ont indiqué qu’elles souhaitaient obtenir une décision quant au bien fondé de la présente affaire, comme elles sont en droit de le demander.

[288] Le Conseil a conclu qu’une partie des activités d’AG relève de la compétence fédérale. Les services de sécurité d’AG sont vitaux et essentiels à l’entreprise fédérale de Termont. Cela découle en grande partie, mais non exclusivement, des obligations importantes imposées à Termont aux termes du RSTM.

[289] Le Conseil a aussi conclu que son accréditation par région géographique s’applique aux activités menées par AG à Termont parce que les fonctions de vérification des conteneurs qu’elle exerce en permanence ont démontré qu’AG est véritablement active dans le secteur du débardage.

[290] Le Conseil accueille la demande de l’AID et confirme qu’AG est un entrepreneur du secteur du débardage aux fins de l’accréditation par région géographique qu’il a accordée pour le port.

[291] La décision du Conseil en l’espèce a trait à la portée de son accréditation par région géographique. Cette décision ne tranche aucune question soulevée aux termes de la convention collective conclue entre les parties. Toute question susceptible d’être soulevée aux termes de la convention collective, y compris les différends à propos de la caractérisation de certaines tâches, ainsi que toute défense liée à l’arbitrage, demeurent exclusivement du ressort d’un arbitre de griefs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.