Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Section locale 973 de la Fraternité internationale des Teamsters,

requérante,

et


Sanimax EEI inc.,

intimée,

et

Robert Gignac,

partie intéressée.

Dossier du Conseil : 27523-C
Référence neutre : 2010 CCRI 488
Le 19 janvier 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil), composé de Me Elizabeth MacPherson, Présidente, ainsi que de Mes Graham J. Clarke et William G. McMurray, Vice-présidents, a examiné la demande susmentionnée.

Aux termes de l’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code), le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la demande de réexamen sans tenir d’audience.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

Représentants des parties au dossier
Me Stéphane Lacoste, pour la Section locale 973 de la Fraternité internationale des Teamsters;
Me Mario Parent, pour Sanimax EEI inc.;
M. Robert Gignac, en son propre nom.

I - Nature de la demande

[1] Le 26 mai 2009, la Section locale 973 de la Fraternité internationale des Teamsters (Teamsters) a présenté au Conseil une demande de réexamen en vertu de l’article 18 du Code. Dans cette demande, les Teamsters contestent la décision du Conseil en date du 15 mai 2009 d’ordonner la tenue d’un scrutin dans le cadre d’une demande de révocation présentée par M. Robert Gignac (M. Gignac).

[2] Les Teamsters allèguent que l’« absence de motivation » de la décision du 15 mai 2009 porte atteinte à la justice naturelle. De plus, les Teamsters soulèvent une erreur de droit qui remet en question l’interprétation du Code, à savoir si la demande de révocation présentée par M. Gignac respecte les délais prescrits par le Code.

[3] L’employeur Sanimax EEI inc. (Sanimax) souscrit à la demande de réexamen et à l’argumentation des Teamsters.

[4] Dans une lettre datée du 10 juin 2009, M. Gignac allègue pour sa part que les motifs soulevés par les Teamsters ne satisfont pas aux exigences de l’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement).

[5] Le banc qui a ordonné le scrutin le 15 mai 2009 a rendu des motifs supplémentaires le 10 juillet 2009 dans Robert Gignac, 2009 CCRI LD 2166 (Robert Gignac (LD 2166)). Par la suite, le Conseil, dans une lettre datée du 16 juillet 2009, a donné l’occasion aux parties à la présente de produire des observations supplémentaires après avoir pris connaissance des motifs dans Robert Gignac (LD 2166), précitée. Les Teamsters et Sanimax ont demandé au Conseil de poursuivre le traitement de la demande de réexamen mais n’ont pas présenté d’observations supplémentaires.

II - L’article 38 du Code

[6] Les paragraphes 38(3) et (4) du Code prévoient que les employés assujettis à une convention collective signée par suite d’une reconnaissance volontaire peuvent demander de mettre fin aux droits de représentation d’un agent négociateur qui n’a jamais été accrédité par le Conseil :

38.(3) Dans les cas où l’agent négociateur partie à une convention collective n’a pas été accrédité par le Conseil, tout employé prétendant représenter la majorité des employés de l’unité de négociation régie par la convention peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de rendre une ordonnance déclarant que l’agent négociateur n’a pas qualité pour représenter les employés de cette unité.

(4) La demande visée au paragraphe (3) peut être présentée :

a) si la convention collective en vigueur est la première conclue par l’employeur et l’agent négociateur :

(i) à tout moment au cours de la première année d’application de la convention,

(ii) par la suite, sauf consentement du Conseil à l’effet contraire, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation;

b) dans les autres cas, sauf consentement du Conseil à l’effet contraire, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation.

(c’est nous qui soulignons)

[7] Toutefois, une telle demande dans le cas d’une première convention collective doit être présentée au cours de la première année de son application. La question clé qui se pose est celle de déterminer s’il existe une première convention collective dans le cas qui nous occupe.

III - Les faits

[8] Dans Robert Gignac (LD 2166), précitée, le Conseil a résumé les faits pertinents soutenant sa décision d’ordonner un scrutin de représentation. Selon le banc, la convention collective qui a été signée par suite d’une reconnaissance volontaire était une première convention :

Les Teamsters s’opposaient à la recevabilité de cette demande invoquant le fait que la convention collective signée le 12 juin 2008 avait été négociée en application des articles 44(3) et 50 du Code et qu’il ne s’agissait pas d’une première convention collective.

Or, il est important de rappeler ce qui suit :

- Les Teamsters détenaient une accréditation provinciale depuis 1971 pour représenter tous les salariés de Sanimax PEI inc. La dernière convention collective entre Sanimax PEI inc. et les Teamsters a été signée le 3 novembre 2003 et expirait le 5 mars 2008. Elle visait les employés de Sanimax PEI inc. travaillant à Montréal;

- Le 12 juin 2008, les Teamsters et Sanimax EEI inc. concluaient une convention collective dans le cadre d’une reconnaissance volontaire pour représenter les employés d’une unité de négociation comprenant les trois établissements de l’employeur soit ceux de Québec, Montréal et Lac Dufault, tel qu’en fait foi la convention collective déposée dans le dossier no 27133-C;

- Dans la demande d’accréditation présentée en vertu de l’article 24.1 du Code par les Teamsters le 17 octobre 2008 (dossier no 27094-C), l’unité de négociation visée regroupait les employés des trois établissements de Sanimax EEI inc.

(page 6)

[9] Toutefois, les Teamsters soutiennent que la convention en question était plutôt un renouvellement d’une convention provinciale existant depuis presque 40 ans et devenue assujettie à la compétence fédérale par suite d’un transfert de compétence constitutionnelle :

5- Cette affaire est globalement le résultat de la fusion de l’entreprise de l’employeur avec celle de ce qui était jusqu’alors une société liée Sanimax PEI Inc. (anciennement Paul & Eddy) auprès de laquelle les Teamsters détenaient des droits de négociation depuis près de 40 ans en vertu d’une accréditation émise par l’autorité provinciale québécoise compétente;

6- En conséquence de cette fusion, les employés de l’une et l’autre société se sont retrouvés inclus dans la portée intentionnelle générale de l’accréditation détenue par les Teamsters, transférée automatiquement auprès de la société résultante de la fusion par application du paragraphe 44(3) du Code;

7- Le Conseil est d’ailleurs saisi dans le dossier 26788-C d’une demande de constatation d’une vente d’entreprise en vertu du paragraphe 44(3) du Code;

8- La convention collective conclue au cours de l’été 2008 entre les Teamsters et Sanimax EEI inc. était un simple renouvellement de la précédente convention collective conclue par les Teamsters et Paul & Eddy laquelle faisait d’ailleurs suite à une longue série de conventions collectives successive depuis 1971;

9- Cette convention collective ne peut donc en aucune manière être (sic) constituer une première convention;

IV - Questions en litige

[10] La demande de réexamen des Teamsters soulève deux questions :

  1. Y a-t-il eu violation de la justice naturelle quand le Conseil a ordonné un scrutin le 15 mai 2009?
  2. Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit qui remet en question l’interprétation du Code en déterminant que la convention collective entre les Teamsters et Sanimax était une première convention aux fins de l’article 38 du Code?

V - Analyse et décision

A - Y a-t-il eu violation de la justice naturelle quand le Conseil a ordonné un scrutin le 15 mai 2009?

[11] Les Teamsters prétendent que le Conseil a ordonné la tenue d’un scrutin sans tenir compte, en premier lieu, du moyen d’irrecevabilité qu’ils ont invoqué à l’encontre de la demande de M. Gignac :

15- La décision du 15 mai viole la justice naturelle en ce qu’elle ne décide pas expressément ni ne motive aucunement la décision apparente et implicite du Conseil de rejeter l’argument des Teamsters quand à l’irrecevabilité de la requête en révocation;

16- Nulle part dans la décision du Conseil ne trouve-t-on de décision expresse de cette question;

17- Le Conseil a simplement fait comme si il rejetait cet argument;

18- Il est impossible pour les parties de savoir pour quelle raison leur moyen d’irrecevabilité a été écarté ou rejeté;

19- La décision du Conseil est donc viciée par cette absence totale de motivation qui porte atteinte à la justice naturelle et à la compétence du Conseil;

[12] Le banc de révision est d’avis que la décision Robert Gignac (LD 2166), précitée, a donné aux parties des explications détaillées sur ce pourquoi le Conseil a ordonné un scrutin dans sa lettre du 15 mai 2009. Le Conseil, dans sa lettre du 16 juillet 2009, a également donné aux parties l’occasion de présenter des observations supplémentaires suivant la réception de Robert Gignac (LD 2166), précitée. Aucun commentaire supplémentaire n’a été déposé.

[13] Les Teamsters n’ont pas convaincu le Conseil qu’il y a eu violation de la justice naturelle dans ces circonstances. Il arrive parfois que des motifs de décision soient rendus après une ordonnance du Conseil, comme ce fut le cas en l’occurrence. Robert Gignac (LD 2166), précitée, a fourni les motifs détaillés de la décision du Conseil d’ordonner un scrutin le 15 mai 2009.

[14] Le banc de révision est d’avis que les Teamsters ont reçu des motifs suffisants leur permettant de connaître le raisonnement initial du Conseil.

[15] Ce premier motif est donc rejeté.

B - Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit qui remet en question l’interprétation du Code en déterminant que la convention collective entre les Teamsters et Sanimax était une première convention aux fins de l’article 38 du Code?

[16] Une demande de réexamen ne constitue pas un appel (voir Ted Kies, 2008 CCRI 413). L’article 44 du Règlement établit les paramètres d’une telle demande :

44. Les circonstances dans lesquelles une demande de réexamen peut être présentée au Conseil sur le fondement du pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 du Code comprennent les suivantes :

a) la survenance de faits nouveaux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du Conseil avant que celui-ci ne rende la décision ou l’ordonnance faisant l’objet d’un réexamen, l’auraient vraisemblablement amené à une conclusion différente;

b) la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil;

c) le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle;

d) toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3.

[17] Les Teamsters s’appuient sur l’alinéa 44b) du Règlement et doivent donc convaincre le Conseil que l’analyse implicite du Code dans la lettre du 15 mai 2009, et explicite dans Robert Gignac (LD 2166), précitée, constitue une erreur de droit qui remet véritablement en question l’interprétation du Code. Le Conseil, dans Robert Gignac (LD 2166), précitée, à la page 7, a conclu que la convention collective en question était une première entre les parties et pour l’unité de négociation en question :

Contrairement à ce que soutient le syndicat dans ses représentations, la convention collective qu’il a signée le 12 juin 2008 avec Sanimax EEI inc. n’est pas un simple renouvellement de la convention collective signée avec Sanimax PEI inc. puisque l’unité de négociation visée n’est pas la même. La convention collective conclue avec Sanimax PEI inc. ne visait que les employés travaillant à Montréal et les environs alors que la convention collective signée le 12 juin 2008 inclut les employés de Sanimax EEI inc. pour ses trois établissements, soit ceux de Québec, Montréal et Lac Dufault. Il est d’ailleurs opportun de noter que l’unité de négociation visée par cette nouvelle convention collective regroupe désormais une majorité d’employés qui étaient auparavant non représentés.

(page 7)

[18] Dans Robert Gignac (LD 2166), précitée, le Conseil n’a pas accepté l’argument des Teamsters selon lequel « [l]a convention collective conclue au cours de l’été 2008 entre les Teamsters et Sanimax EEI inc. était un simple renouvellement de la précédente convention collective conclue par les Teamsters et Paul & Eddy ». Le banc de révision ne constate aucune erreur de droit dans l’analyse citée ci-haut.

[19] Le Code prévoit de façon générale que les employés d’une unité de négociation ne peuvent demander la révocation que pendant les « périodes ouvertes ». Toutefois, dans le cas d’une reconnaissance volontaire, les règles sont plus flexibles.

[20] Le Code donne aux employés d’une unité de négociation reconnue volontairement une période de un an suivant la conclusion d’une première convention par reconnaissance volontaire pour décider s’ils désirent contester l’autorité de l’agent négociateur : sous-alinéa 38(4)a)(i). Le principe est simple. Contrairement à une situation où le Conseil accrédite un agent négociateur, les employés visés par une reconnaissance volontaire ne sont pas nécessairement consultés quand un employeur et un syndicat négocient une reconnaissance volontaire et une première convention collective.

[21] Le Code, qui a comme principe de base la volonté des employés, permet aux employés de décider eux-mêmes s’ils veulent être représentés par un agent négociateur que leur employeur a reconnu volontairement.

[22] Les Teamsters allèguent que la convention collective de Sanimax PEI inc. a été transférée à Sanimax par suite d’une vente d’entreprise et que, par le fait même, tous les employés de Sanimax ont été automatiquement ajoutés à cette unité de négociation. Les conséquences découlant d’une vente d’entreprise telles que celles suggérées par les Teamsters ne sont pas automatiques.

[23] Si une question se pose à propos d’une unité de négociation par suite d’une vente d’entreprise, l’agent négociateur ou l’employeur peut demander au Conseil, en vertu de l’article 45, de réviser l’unité de négociation :

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l’article 44, le Conseil peut, sur demande de l’employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

[24] Le processus serait aussi assujetti à l’article 18.1 du Code :

18.1(1) Sur demande de l’employeur ou d’un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

(2) Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation :

a) il donne aux parties la possibilité de s’entendre, dans le délai qu’il juge raisonnable, sur la détermination des unités de négociation et le règlement des questions liées à la révision;

b) il peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées pour mettre en oeuvre l’entente.

[25] Une petite unité de négociation regroupant seulement deux employés n’inclut pas automatiquement par effet de droit un groupe beaucoup plus large d’employés non syndiqués, surtout quand le groupe d’employés non syndiqués se situe dans un autre endroit ou établissement géographique. En effet, dans une telle situation, le Conseil peut tenir un scrutin afin de déterminer la volonté des employés non syndiqués d’être représentés (voir Viterra inc., 2009 CCRI 472, au paragraphe 35).

[26] Un syndicat peut également demander au Conseil de déterminer si la portée intentionnelle d’une unité existante englobe de nouveaux employés par suite d’une vente d’entreprise (voir Viterra inc., 2009 CCRI 442).

[27] Le Conseil ne constate donc aucune erreur de droit dans la décision d’ordonner un scrutin. La demande de M. Gignac respecte les délais prescrits aux paragraphes 38(3) et (4) du Code étant donné qu’il ne s’est pas écoulé un an depuis la reconnaissance volontaire du 12 juin 2008.

[28] Par conséquent, la présente demande est rejetée.

[29] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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