Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Brian Grolla,

plaignant,

et


Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 28073-C

Référence neutre : 2011 CCRI 592

Le 6 juin 2011

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu de l’article 156 du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (le Code). Une audience a été tenue à Toronto (Ontario), du 23 au 25 février 2011. Les plaidoiries finales ont eu lieu par vidéoconférence, le 29 mars 2011.

Ont comparu
M. Ken Heydrich, pour M. Brian Grolla;
Me Sharon L. Chilcott, pour la Société canadienne des postes.

I – Nature de la plainte

[1] Le 8 avril 2010, le Conseil a reçu de M. Brian Grolla (M. Grolla) une plainte en vertu de la partie II du Code. La Société canadienne des postes (la SCP) avait congédié M. Grolla le 16 mars 2010.

[2] M. Grolla, qui avait été facteur à la SCP pendant 29 ans, alléguait que son congédiement découlait du fait qu’il avait exercé son droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128 du Code.

[3] La SCP soutient qu’elle a congédié M. Grolla pour la seule et unique raison qu’il avait envoyé plusieurs courriels de menaces ou d’insultes à divers cadres de la SCP.

[4] En mars 2010, M. Grolla avait fait part de ses préoccupations concernant des propos allégués qu’il avait attribués à des collègues membres de l’unité de négociation du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP). Ces faits ont engendré plusieurs griefs, y compris un grief contestant le congédiement de M. Grolla, une réclamation fondée sur la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, LO 1997, c 16, ann A (la LSPAAT) de l’Ontario, une plainte relative aux droits de la personne ainsi qu’une plainte à un agent de santé et de sécurité.

[5] Sous le régime de la partie II, la compétence du Conseil est spécifique et limitée , comparativement aux autres instances qui se sont penchées ou qui ont à se pencher sur les demandes de M. Grolla.

[6] Le Conseil a conclu que M. Grolla n’avait pas exercé son droit de refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Cependant, dans l’éventualité où le Conseil aurait commis une erreur dans son appréciation, il a aussi conclu que la preuve démontrait que le congédiement de M. Grolla découlait de gestes distincts et indépendants qu’il avait posés et qui n’étaient pas liés à l’exercice du droit de refus de travailler en cas de danger.

II – Chronologie des événements

[7] La plupart des événements dans la présente affaire se sont produits entre le 1er mars et le 16 mars 2010. Le Conseil examinera ces événements en détail, puisque la preuve présentée lors de l’audience soulevait des questions, dans l’esprit du Conseil, quant à savoir s’il y avait eu un refus de travailler valide en vertu de l’article 128. Le Conseil a soulevé cette question conjointement avec les deux parties lors de l’audience, pour s’assurer que celles-ci aient pleinement l’occasion d’y répondre.

[8] Le 1er mars 2010, au début de son quart de travail de facteur, M. Grolla a allégué qu’il avait été menacé par JK, un collègue membre du syndicat. Ce même matin, M. Grolla a remis une note manuscrite à RA, son chef au poste no 1, laquelle se lisait ainsi :

À 9 h, [JK] m’a dit : « Je vais t’arracher la tête, maudit mouchard ».

(traduction)

[9] En raison de la nature délicate et personnelle de certains des documents écrits qu’il citera, le Conseil utilisera, à titre exceptionnel, seulement les initiales des témoins.

[10] ID, le coprésident du comité de santé et de sécurité du STTP, a aidé M. Grolla à rapporter cette situation ainsi que d’autres incidents.

[11] L’altercation du 1er mars découlait apparemment de la croyance selon laquelle M. Grolla avait avisé la SCP que JK s’était servi de son véhicule personnel pour livrer son courrier, en dépit du fait qu’il n’avait pas l’autorisation pour le faire. L’implication réelle de M. Grolla dans cette affaire, ce qu’il nie, n’a aucune importance quant à la présente décision.

[12] Compte tenu des allégations de M. Grolla voulant qu’il ait fait l’objet de menaces, la SCP a immédiatement suspendu JK sans solde. M. Grolla a ensuite terminé sa route cette journée-là.

[13] Le 1er mars 2010, à 15 h 1, M. Grolla a écrit à MP, le président du syndicat, avec copie au chef RA, pour leur donner une version plus détaillée de l’incident. Le champ « objet » du courriel de M. Grolla se lisait ainsi :  »article 33, violence sur les lieux de travail » (traduction).

[14] L’article 33 de la convention collective entre la SCP et le STTP intitulé « Prévention et protection contre la violence en milieu de travail », renvoie à la politique de la SCP concernant la violence au travail. Cette politique découle des obligations prévues à la partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304 (le RCSST).

[15] Le 2 mars 2010, peu après s’être présenté au travail, M. Grolla a signalé un deuxième incident, comme il l’a décrit dans sa courte déclaration manuscrite :

À 8 h, au PDF no 1, [DM] s’est approché de moi et m’a traité de « maudit mouchard ». [KW], le superviseur, était dans le secteur. J’ai demandé des formulaires de la CSPAAT [Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail].

(traduction)

[16] Selon les témoignages devant le Conseil, les renvois aux « formulaires de la CSPAAT » (traduction) découlaient de l’allégation de M. Grolla, voulant qu’il ait subi une blessure au travail (BAT) en raison des commentaires allégués. ID, le coprésident du comité de santé et de sécurité représentant le STTP, lui avait conseillé de demander les formulaires de la CSPAAT.

[17] À 13 h 16, M. Grolla a écrit au chef RA. Le champ « objet » du courriel de M. Grolla se lisait ainsi : « Déclaration pour la CSPAAT » (traduction). M. Grolla y faisait des observations sur les deux rapports concernant les incidents de violence dans le lieu de travail qu’il avait signalés le 1er et le 2 mars 2010. Après avoir décrit l’incident du 2 mars, il a écrit ce qui suit dans le troisième paragraphe de son courriel :

À peu près au même moment, j’ai décidé de me retirer du lieu de travail, puisque ce n’était plus un endroit sécuritaire pour moi. Je reviendrai lorsque TOUTES les questions liées au harcèlement dont je fais l’objet seront résolues. J’ai rempli, avec mon médecin, une réclamation à la CSPAAT. Je vais la voir pour une réévaluation dans deux semaines.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[18] Avant de quitter le poste, M. Grolla a obtenu, de la part de représentants de la SCP, le formulaire intitulé Détermination des capacités fonctionnelles (le formulaire DCF), qui doit être rempli par un médecin pour ceux qui réclament des prestations au titre de la LSPAAT.

[19] Les commentaires écrits par le médecin de M. Grolla dans le DCF étaient les suivants : « Pleine capacité physique pour travailler – mais ne reviendra pas au travail jusqu’à ce que la direction ait réglé les questions liées à la violence dans le lieu de travail » (traduction). Bien que le formulaire DCF ait été daté du 2 mars, la SCP l’avait seulement reçu à une date ultérieure.

[20] Le 2 mars 2010, la SCP a eu un entretien avec JK, le prétendu agresseur, le afin d’obtenir sa version des événements découlant de l’incident du 1er mars 2010.

[21] La SCP a aussi rencontré d’autres employés qui étaient présents au moment des incidents impliquant M. Grolla.

[22] Le 3 mars 2010, la SCP a envoyé une lettre à M. Grolla pour lui offrir d’autres tâches, pour la durée de son enquête :

La présente lettre vise à vous informer que, puisque vous ne vous sentez pas en sécurité pour travailler au poste no 1 en raison des menaces et du harcèlement dont vous alléguez faire l’objet par d’autres employés, la Société canadienne des postes est disposée à vous offrir une affectation temporaire au poste no 5. Cette affectation sera maintenue jusqu’à ce que l’enquête soit terminée.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[23] Le 4 mars 2010, la SCP a fait livrer, au domicile de M. Grolla, un préavis de 24 heures pour une entrevue qui devait avoir lieu le « mardi 5 mars 2010 » (traduction), à 11 h.

[24] Le 4 mars 2010, à 11 h 2, M. Grolla a envoyé un courriel au chef RA dans lequel il déclarait que la date de l’entrevue du « mardi 5 mars 2010 » (traduction) était ambigüe, car le 5 mars 2010 était, en fait, un vendredi :

[RA],

Je vous ai appelé. Vous n’avez pas répondu. Je vais rencontrer mon médecin le 16 mars 2010. Voir formulaires de la CSPAAT. Vous venez juste de m’envoyer un préavis d’entrevue. La date réelle de l’entrevue est ambigüe. Vérifiez votre avis.

Les préavis d’entrevue ont été transmis à mon domicile par un facteur, au moyen d’un VP non autorisé. Veuillez respecter la convention collective.

Brian

(traduction)

[25] Le chef RA a répondu à M. Grolla par courriel à 11 h 9, le 4 mars, en lui mentionnant ce qui suit : « L’entrevue est prévue pour le vendredi 5 mars 2010. Désolé pour la confusion quant à la date » (traduction).

[26] La rencontre prévue pour le vendredi n’a pas eu lieu. Le 5 mars 2010, la SCP a envoyé à M. Grolla un autre préavis de 24 heures pour une entrevue, cette fois, pour le mardi 9 mars 2010, à midi.

[27] Le 5 mars 2010, le chef RA a écrit à M. Grolla au sujet des efforts de la SCP pour le rencontrer et l’affecter à d’autres tâches :

Le 2 mars 2010, vous m’avez envoyé un courriel au sujet des incidents qui ont eu lieu au poste no 1 de Hamilton. Vous avez quitté le poste no 1, puisque vous ne vous y sentiez plus en sécurité dans l’environnement de travail qui prévalait. Le 3 mars, je vous ai offert un autre travail au poste no 5, qui devait débuter le 4 mars 2010. Vous m’avez par la suite envoyé un courriel dans lequel vous m’écriviez que vous aviez appelé à mon numéro et qu’il n’y avait pas eu de réponse. J’ai répondu à ce courriel le 4 mars 2010 et vous ai mentionné que j’ai une boîte vocale et l’afficheur. J’ai aussi mentionné que vous deviez vous rapporter au poste no 5 de Hamilton, jusqu’à ce que l’enquête soit terminée.

...

Brian, nous vous avons déjà offert de travailler au poste no 5 de Hamilton le 4 mars 2010, et vous ne vous êtes pas présenté au travail. L’offre est toujours valide : vous devez vous rapporter au travail ou fournir un certificat médical expliquant la raison pour laquelle vous ne pouvez vous rapporter à un autre emplacement.

...

Votre refus continu de vous rapporter au poste no 5 sera communiqué à la CSPAAT.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[28] Le 6 mars à 8 h 25, M. Grolla a écrit au chef RA et l’a avisé qu’il n’avait pas pu rencontrer la SCP pour les motifs suivants :

Je ne me présenterai pas au PDF no 5 de Hamilton. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un lieu sécuritaire pour moi. Le comité consultatif illégal des employés du gestionnaire [DB] fait circuler des saletés sur les représentants de la STTP dans toute la section locale.

Si je devais être apte à retourner au travail, j’assurerai la livraison le long de mon itinéraire w43, au PDF no 1. Seulement la livraison. Le triage et l’acheminement du courrier seront effectués par une autre personne, jusqu’à ce que vous jugiez que le PDF no 1 est un endroit de travail sécuritaire. Je compterai les élastiques à mon domicile pendant 1,75 heure en matinée avant de livrer le courrier. M. [DB] m’avait attribué cette tâche en 1995.

Vous pouvez entreprendre votre enquête de manière unilatérale, comme le permet le Code canadien du travail. Je souhaite que le comité de S&S examine toute conclusion ou décision que vous pourriez prendre. Je vais ensuite demander au service de police de Hamilton de faire enquête.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[29] La preuve a révélé que DB, le gestionnaire auquel M. Grolla a fait référence dans son courriel, n’était plus au poste no 5 depuis environ 10 ans.

[30] Le lundi 8 mars, MP, le président de la section locale du STTP, a écrit ce qui suit au chef RA, au sujet de M. Grolla :

Désolé de ne pas avoir pu répondre plus tôt. J’étais à Toronto vendredi. À l’exception du fait que nous avons reçu une copie du courriel, la section locale n’a pas été consultée au sujet du transfert de Brian au PDF no 5. Cela aura des répercussions sur la dotation en personnel, autant au PDF no 1 qu’au PDF no 5.

(traduction)

[31] Le mardi 9 mars à 9 h 3, M. Grolla a encore écrit à son chef RA, à la SCP, à propos de l’entrevue à laquelle il avait été convoqué :

Hier, à 12 h 25, j’ai reçu un préavis d’entrevue à ma résidence. Celui-ci a été transmis en présence de mon épouse. L’entrevue doit se tenir aujourd’hui, à midi, au PDF no 5 de Hamilton.

[RA], à moins que le comité consultatif des employés ait modifié la convention collective, je crois qu’un préavis écrit de 24 heures est exigé en ce qui concerne les entrevues tenues en vertu de l’article 10 de la convention collective. J’allais vous appeler et vous faire part de ce fait, mais vous ne répondez pas toujours à vos appels téléphoniques.

[RA], tous les préavis d’entrevue que vous m’enverrez seront examinés par mon médecin.

(traduction)

[32] De plus, le 9 mars 2010, à 12 h 3, M. Grolla a encore écrit à la SCP, à son syndicat et à plusieurs autres personnes, y compris le président-directeur général (le PDG) de la SCP pour leur mentionner ceci :

Sur ordre de mon médecin, je ne serai pas présent à l’entrevue que vous avez prévue ce vendredi. Veuillez en aviser toutes les personnes concernées, y compris le groupe heavy metal, « KISS ».

(traduction)

[33] Le 10 mars 2010, le chef RA a envoyé une autre lettre à M. Grolla au sujet des tentatives de la SCP de le rencontrer et de l’affecter à d’autres tâches. Les deux paragraphes suivants étaient pertinents :

Selon votre courriel du 6 mars 2010, vous avez informé Postes Canada que vous ne seriez pas présent et que Postes Canada pouvait procéder unilatéralement, en vertu du Code canadien du travail.

...

Le 2 mars 2010, vous avez fourni un bout de papier, sur lequel vous avez écrit : « À 8 h, au PDF no 1, [DM] s’est approché de moi et m’a traité de maudit mouchard » et vous avez ensuite déclaré que vous vouliez présenter une réclamation pour une BAT, mais que vous étiez pour continuer à travailler, et, environ 30 minutes plus tard, vous m’avez informé que vous quittiez et que vous ne reviendriez pas au travail. Nous avons tenté de vous convoquer, avec [ID], pour remplir un formulaire d’enquête sur un accident, mais vous avez quitté le bâtiment, en déclarant que vous aviez déjà donné une déclaration au chef [RA]. Nous vous avions donné un formulaire d’Évaluation des capacités fonctionnelles ce même jour et vous avez omis de nous fournir ce formulaire rempli, ou tout autre certificat médical à l’appui de votre absence continue.

(traduction)

[34] Dans son courriel suivant, qu’il a envoyé le 10 mars, à 12 h 15, au chef RA, à MP, le président de la section locale, ainsi qu’à plusieurs autres gestionnaires de la SCP, y compris le PDG, M. Grolla a laissé entendre à RA que ce ne serait peut-être pas une bonne idée qu’il soit affecté au poste no 5 :

J’ai reçu vos lettres recommandées aujourd’hui... Je ne crois pas que ce serait sécuritaire pour vous si je devais aller travailler au PDF no 5... Je crois que je pourrais avoir bien peu de retenue dans mes propos, au même titre que vous, dans votre capacité à ne pas envoyer de lettres recommandées à mon domicile, alors que j’ai présenté une réclamation à la CSPAAT...

(traduction; souligné dans l’original)

[35] Le Conseil a entendu des témoignages selon lesquels M. Grolla avait connaissance d’une question personnelle au sujet de RA. La SCP a considéré que M. Grolla, dans son courriel, menaçait RA de propager l’information alléguée, si on le forçait à aller travailler au poste no 5.

[36] En réponse au courriel de M. Grolla, la SCP lui a envoyé un formulaire de préavis de 24 heures pour une entrevue « pour discuter de la menace implicite contenue dans le courriel que vous avez envoyé le 10 mars 2010 » (traduction).

[37] Le préavis de 24 heures a été envoyé par PG, directeur des opérations de livraison. Le 11 mars 2010, soit le lendemain, à 10 h 58, M. Grolla a écrit à PG, et a envoyé une copie à bon nombre d’autres personnes, y compris le PDG et d’autres cadres de la SCP, et mentionnait ceci :

Je pense à cela... Vous vous souvenez de la fois où vous avez surpris [M. M] avec un ensemble de dépliants publicitaires dans son garage? Qu’est-ce qui s’est passé dans cette affaire? C’est drôle, il semble y avoir des règles différentes, vous ne trouvez pas?

(traduction)

[38] Toujours le 11 mars, à 12 h 25, soit environ une heure et demie plus tard, M. Grolla a envoyé le courriel suivant, au chef RA, à MP, le président de sa section locale, au PDG de la SCP ainsi qu’à d’autres personnes, au sujet d’un cadre de la SCP :

... selon les rumeurs, on t’a tranché les tétons. C’est un chirurgien ou une trancheuse manuelle à tétons qui a fait le travail? Si tu les as gardés dans un bocal, peux-tu les apporter? Moi et [MS] aimerions bien les amener à la pêche un moment donné.

Slapchop, vous allez aimer mes noix.

(traduction)

[39] Le 12 mars 2010, la SCP a envoyé une lettre officielle d’avertissement à M. Grolla, au sujet du courriel que ce dernier avait envoyé au chef RA le 10 mars 2010, dans lequel on pouvait lire la phrase suivante : « Je ne crois pas que ce serait sécuritaire pour vous si je devais aller travailler au PDF no 5. » (traduction; souligné dans l’original)

[40] La SCP a aussi souligné que M. Grolla avait refusé les derniers envois qui lui avaient été livrés à son domicile par Xpresspost. La SCP a aussi fait référence au refus, à deux occasions, de M. Grolla de se présenter aux entrevues d’enquête.

[41] La lettre de la SCP se terminait ainsi :

Vos menaces implicites et vos commentaires que l’on trouve dans le courriel que vous avez envoyé le 10 mars 2010, à 12 h 15, sont totalement inappropriés et sont de nature menaçante. Cette inconduite mérite sanction, et la présente lettre fera office de lettre officielle d’avertissement. Toute autre inconduite pourrait entraîner d’autres mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’au congédiement.

(traduction)

[42] Le 16 mars 2010, la SCP a envoyé à M. Grolla une lettre de congédiement, qui faisait référence aux deux courriels que ce dernier avait envoyés le 11 mars (voir les paragraphes 37 et 38) et qui se terminait comme suit :

Le ton et le contenu de ces courriels témoignent d’une insubordination, sont offensants et complètement inappropriés. Après avoir examiné ces courriels ainsi que votre dossier personnel, la présente lettre est pour vous aviser que vous êtes congédié, dès réception de la présente lettre. Les passages ci-dessus ainsi que le contenu de votre dossier personnel constituent les motifs de votre congédiement.

(traduction)

[43] Le 16 mars 2010, le chef RA a procédé à d’autres entrevues à l’égard des allégations de M. Grolla concernant les événements des 1er et 2 mars.

[44] Toujours le 16 mars 2010, M. Grolla a déposé une plainte auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), dans laquelle il contestait l’enquête menée par la SCP quant à ses allégations de violence dans le lieu de travail. La plainte de M. Grolla contenait le passage suivant :

J’ai subi de la violence dans le lieu de travail. [RA] n’a pas enquêté de manière adéquate sur les incidents. RA n’a pas interrogé tous les témoins dans le délai prévu à la convention collective. La SCP harcèle la victime – pas d’assistance. La victime est en congé de maladie. Les déclarations ont été fournies à [RA]. On a donné aucun résultat par écrit.

(traduction; souligné dans l’original)

[45] La plainte de M. Grolla faisait aussi état de ce qui suit :

[RA] a parlé aux témoins avant les entrevues officielles. Seuls les témoins choisis par [RA] ont été interrogés. [RA] a mis fin de manière prématurée à l’enquête. N’a pas fait appel au comité de S&S.

(traduction)

[46] La SCP n’a eu connaissance de la présente plainte fondée sur la partie II qu’après le congédiement de M. Grolla.

[47] Dans le procès-verbal du 17 mars 2010 de la réunion du comité mixte de santé et de sécurité, le STTP avait fait référence à la situation de M. Grolla :

STTP – déçu qu’il se soit produit un incident relatif à l’article 20 au poste le mois dernier.

SCP – L’incident a fait l’objet d’une enquête et un rapport sera transmis au coprésident représentant le STTP, au plus tard le 19 mars 2010.

(traduction)

[48] Le 18 mars 2010, le chef RA, qui était aussi coprésident du comité de santé et de sécurité, a fourni une copie de son rapport à ID, qui était le coprésident du comité de santé et de sécurité représentant le STTP. La lettre débutait ainsi :

La présente est une lettre en réponse à l’enquête portant sur un incident relatif à l’article 20 du Code canadien du travail, qui s’est produit au poste no 1, le 1er mars 2010.

(traduction)

[49] Le Conseil comprend que cette lettre renvoie à la partie XX du RCSST, intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail ».

[50] La SCP s’est penchée sur son processus et a conclu ce qui suit, dans son rapport d’enquête : « À la suite de la présente enquête, la Société a fermé le dossier en matière de menaces et d’harcèlement, car l’affaire était non concluante » (traduction).

[51] M. Paul Curle, un agent de santé et de sécurité (l’agent) désigné au titre de la partie II du Code, a rencontré M. Grolla pour la première fois le 24 mars 2010, pour discuter de sa plainte fondée sur la partie II qu’il avait déposée le 16 mars 2010.

[52] En outre, pendant ce temps, ID, le coprésident du comité de santé et de sécurité représentant le STTP, a fait part de sa déception quant à l’enquête de la SCP aux termes de « l’article 20 du règlement » (traduction) sur les incidents de violence dans le lieu de travail qui se sont produits les 1er et 2 mars 2010 :

J’ai examiné le rapport de votre enquête sur les incidents de violence dans le lieu de travail qui se sont produits au poste no 1, à Hamilton, les 1er et 2 mars 2010.

À titre de coprésident du comité et d’employé à ce lieu de travail, j’appuie à 100 p. 100 la politique préconisant un lieu de travail exempt de harcèlement et de violence mise sur pied par le syndicat et de la direction. La norme de tolérance zéro est celle qui est de mise dans notre société, et cela devrait évidemment être la même chose dans le lieu de travail.

Dans la présente affaire en particulier, j’ai un certain nombre de préoccupations concernant votre enquête ainsi que les conclusions auxquelles vous êtes parvenus. À mon avis, la présente affaire n’a pas été résolue et devrait, par conséquent, faire l’objet d’une nouvelle enquête par une personne compétente, au sens du Code canadien du travail (sic). De plus, je suis aussi préoccupé du fait que vous n’avez apporté aucune aide à M. Grolla, la victime dans la présente affaire...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[53] La mention « personne compétente » renvoie à l’article 20.9 de la partie XX du RCSST :

20.9 (1) Au présent article, « personne compétente » s’entend de toute personne qui, à la fois :

a) est impartiale et est considérée comme telle par les parties;

b) a des connaissances, une formation et de l’expérience dans le domaine de la violence dans le lieu de travail;

c) connaît les textes législatifs applicables.

...

(3) Si la situation n’est pas ainsi réglée, l’employeur nomme une personne compétente pour faire enquête sur la situation et lui fournit tout renseignement pertinent qui ne fait pas l’objet d’une interdiction légale de communication ni n’est susceptible de révéler l’identité de personnes sans leur consentement.

(4) Au terme de son enquête, la personne compétente fournit à l’employeur un rapport écrit contenant ses conclusions et recommandations.

(c’est nous qui soulignons)

[54] M. Curle a mené son enquête sur la plainte de M. Grolla les 3 et 12 mai 2010. Il a donné trois instructions en vertu de l’article 145 du Code, soit deux à la SCP et une à M. Grolla.

[55] La première instruction de M. Curle portait sur la partie XV du RCSST, intitulée « Enquêtes et rapports sur les situations comportant des risques ». Dans cette instruction, M. Curle a fait référence au paragraphe 15.8(2) du RCSST et a conclu :

La Société canadienne des postes n’a pas rédigé ni soumis de rapport d’enquête de situation comportant des risques (un RESCR), ni de rapport du surveillant – enquête sur un accident (un RSEA), comme elle en avait l’obligation, concernant la blessure invalidante de M. Grolla qui s’était produite le 1er mars 2010.

(traduction)

[56] La deuxième instruction que M. Curle a donné à la SCP portait sur la partie XX du RCSST, intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail », et se terminait comme suit :

Paragraphe 20.9(3) : Si la situation n’est pas ainsi réglée, l’employeur nomme une personne compétente pour faire enquête sur la situation et lui fournit tout renseignement pertinent qui ne fait pas l’objet d’une interdiction légale de communication ni n’est susceptible de révéler l’identité de personnes sans leur consentement.

L’allégation de Brian Grolla voulant qu’il ait fait l’objet de violence dans le lieu de travail, au poste no 1 de la Société canadienne des postes, n’a toujours pas été réglée.

Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 7 juin 2010.

(traduction)

[57] L’agent Curle a aussi donné l’instruction suivante à M. Grolla :

L’agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II, a été enfreinte :

No 1 : Code canadien du travail, partie II – alinéa 126(1)e) : L’employé au travail est tenu de collaborer avec quiconque s’acquitte d’une obligation qui lui incombe sous le régime de la présente partie.

M. Grolla a refusé de permettre à la Société canadienne des postes de l’interroger au sujet de son allégation voulant qu’il ait fait l’objet de violence dans le lieu de travail.

Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention immédiatement.

(traduction)

III – Les dispositions pertinentes du Code

[58] Au paragraphe 122 du Code, le mot « danger » est ainsi défini :

122.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[59] Le paragraphe 128(1) du Code établit le droit d’un employé de refuser de travailler en cas de danger :

128.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

  1. l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;
  2. il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
  3. l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[60] L’article 133 du Code permet à l’employé de déposer une plainte, s’il croit que l’exercice de son droit de refus de travailler en cas de danger a entraîné des représailles :

133.(1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

(3) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé ou à la notification à l’agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 128(13).

(4) Malgré toute règle de droit ou toute convention à l’effet contraire, l’employé ne peut déférer sa plainte à l’arbitrage.

(5) Sur réception de la plainte, le Conseil peut aider les parties à régler le point en litige; s’il décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai qu’il juge raisonnable dans les circonstances, il l’instruit lui-même.

(6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(c’est nous qui soulignons)

[61] L’une des conditions préalables au dépôt d’une plainte fondée sur l’article 133 concernant le droit de refus de travailler en cas de danger est que l’employé doit avoir respecté le paragraphe 128(6) du Code :

128.(6) L’employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) ou qui en est empêché en vertu du paragraphe (4) fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

[62] Le paragraphe 133(6) prévoit que, dans le cas de plaintes portant sur le droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128 du Code, le fardeau de la preuve repose sur l’employeur.

[63] L’article 147 interdit des mesures de représailles. M. Grolla a allégué que la SCP l’avait congédié parce qu’il avait exercé son droit de refus de travailler en cas de danger :

147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  1. soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;
  2. soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;
  3. soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

(c’est nous qui soulignons)

IV – Les questions en litige

[64] Dans la plainte qu’il a déposée au Conseil le 8 avril 2010, M. Grolla a soutenu qu’il avait été victime de représailles pour avoir exercé son droit de refus de travailler en cas de danger et que les gestes qu’il avait posés, le 2 mars 2010, constituaient un refus de travailler. Dans sa réplique du 13 mai 2010 à la réponse de la SCP, il a soutenu qu’il avait refusé de travailler les 1er et 2 mars 2010. Lors de l’audience, M. Grolla a aussi allégué que les incidents du 6 mars 2010, c’est-à-dire lorsque la SCP souhaitait le rencontrer au poste no 5, constituaient aussi un refus de travailler.

[65] Pendant l’audition de la preuve, le Conseil a demandé aux parties leur opinion quant à la question de savoir si les faits démontraient qu’il y avait eu un refus de travailler au sens de l’article 128. Un refus de travailler valide au sens de l’article 128 est une condition préalable pour que le Conseil puisse exercer sa compétence de trancher des plaintes fondées sur l’article 133.

[66] Par conséquent, le Conseil doit trancher deux questions en litige :

  1. Y a-t-il eu un refus de travailler valide en vertu de la partie II du Code?
  2. La SCP a-t-elle pris des mesures disciplinaires contre M. Grolla pour des motifs autres que les préoccupations que celui-ci avait soulevées en matière de sécurité?

V – Analyse et décision

a) Y a-t-il eu un refus de travailler valide en vertu de la partie II du Code?

[67] Le Conseil n’exige pas que la démarche de l’employé soit rigoureusement officielle pour satisfaire à l’obligation, prévue au paragraphe 128(6) du Code, d’aviser son employeur qu’il exerce son droit de refus de travailler en cas de danger. Un employé a seulement besoin d’indiquer, verbalement ou par sa conduite, qu’il exerce son droit de refus : John P. Grogan (1986), 67 di 183 (CCRT no 594).

[68] À titre d’exemple, dans Court, 2010 CCRI 498 (Court 498), le Conseil s’est penché sur le contexte global d’une situation où un employé avait dit à l’employeur qu’il ne pouvait pas le forcer « à travailler dans des conditions dangereuses ». L’employeur n’était pas d’avis que la situation était dangereuse et avait soutenu que M. Court n’avait pas exercé son droit de refus. Le Conseil était convaincu que le contexte faisait clairement état d’un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[69] La procédure de refus de travailler établie par le Code aux articles 128 et 129 a pour but d’aider à trancher la question de savoir si une situation est dangereuse. Un employeur ne peut imposer des mesures disciplinaires à un employé de manière unilatérale lorsqu’il y a un désaccord quant à la question de savoir si le droit de refus de travailler en cas de danger avait été invoqué à juste titre.

[70] La procédure de refus de travailler prévue aux articles 128 et 129 énonce les obligations dont doivent s’acquitter l’employé qui exerce son droit de refus, l’employeur, les représentants de santé et de sécurité ainsi que les agents de santé et de sécurité.

[71] Dans la présente affaire, le Conseil a conclu que M. Grolla n’avait pas exercé son droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128 du Code. Il a plutôt opté pour d’autres recours législatifs dont il disposait à la suite des événements des 1er et 2 mars 2010.

[72] Il ne fait aucun doute qu’à plusieurs occasions, M. Grolla a fait référence à des questions en matière de sécurité. Il a pu bénéficier des conseils et de l’appui de ID, coprésident du comité de santé et sécurité représentant le STTP, dès le 1er mars 2010.

[73] Par exemple, la note de M. Grolla, datée du 2 mars 2010, dans laquelle il demandait des formulaires de la CSPAAT, mentionnait ce qui suit au 3e paragraphe : « ce n’était plus un endroit sécuritaire pour moi » (traduction).

[74] Dans sa lettre du 3 mars 2010, où elle offrait d’autres tâches à M. Grolla, la SCP reconnaissait les préoccupations en matière de sécurité que ce dernier avait soulevées : « puisque vous ne vous sentez pas en sécurité au poste no 1 en raison des menaces et du harcèlement dont vous alléguez faire l’objet par d’autres employés » (traduction)

[75] Dans la réponse que M. Grolla avait envoyée à la SCP le 6 mars 2010, au sujet des autres tâches que celle-ci lui avait proposées au poste no 5, il avait écrit entre autres ce qui suit, en ce qui concerne ce lieu de travail : « Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un lieu sécuritaire pour moi » (traduction).

[76] Le contexte global de la présente affaire convainc le Conseil que, bien que M. Grolla eût manifestement des préoccupations quant à sa sécurité en raison des commentaires allégués de ses collègues de travail, il a sciemment tenté d’obtenir plusieurs mesures de redressement prévues par la loi, autres que d’un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Parmi ces mesures de redressement, mentionnons une demande fondée sur la LSPAAT, ainsi qu’un renvoi à l’article 33 de la convention collective, portant sur la violence en milieu de travail.

[77] La partie II du Code est très explicite sur le fait que certaines démarches doivent être entreprises afin que le Conseil ait compétence pour trancher une plainte liée au droit de refus de travailler en cas de danger.

[78] Premièrement, l’employé doit, tout en tenant compte du contexte global, aviser son employeur qu’il exerce son droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128 du Code.

[79] Dans la présente affaire, M. Grolla ainsi que les représentants de la STTP et ceux de la SCP se sont tous comportés de façon compatible avec les recours relatifs aux mesures de redressement autres que le refus de travailler en vertu de l’article 128.

[80] Par exemple, le courriel envoyé par M. Grolla le 1er mars 2010 à 15 h 1 faisait mention de l’article 33 de la convention collective. Cet article de la convention collective régissant la SCP et le STTP renvoie à la politique de la SCP pour résoudre les incidents de violence dans le lieu de travail. Les allégations de violence dans le lieu de travail sont régies par la partie XX du RCSST.

[81] En ce qui concerne l’incident du 2 mars, M. Grolla était d’avis qu’il avait, pour l’application de la LSPAAT, subi une BAT. Il a rempli les formulaires appropriés que la SCP lui a donnés et a consulté son médecin pour que celui-ci remplisse un formulaire DCF.

[82] Ni M. Grolla, ni la SCP, ni le STTP n’ont suivi les procédures établies à l’article 128. Ils n’ont pas demandé l’assistance d’un agent de santé et de sécurité en vertu de l’article 129 du Code. Ces dispositions établissent clairement la démarche à suivre après un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[83] Le paragraphe 128.1(3) confère aussi à l’employeur le droit d’affecter un employé à d’autres tâches pendant une enquête relative à un refus de travailler en vertu de l’article 128 :

128.1(3) L’employeur peut affecter à d’autres tâches convenables les employés réputés être au travail par application des paragraphes (1) ou (2).

[84] Rien ne laisse croire en l’espèce que la tentative de la SCP d’affecter M. Grolla au poste no 5 a été effectuée aux termes de cette disposition.

[85] En effet, la lettre du STTP datée du 28 mars 2010 posait la question de savoir si la SCP avait le droit d’affecter M. Grolla au poste no 5, sans avoir préalablement respecté le processus de consultation prévu à la convention collective.

[86] Le Conseil ne dit pas qu’un employé qui dépose une plainte de violence en milieu de travail ainsi qu’une réclamation à la CSPAAT ne peut pas non plus refuser, de manière valide, de travailler en vertu de l’article 128. Cependant, lorsque toutes les parties concernées concentrent leurs énergies sur une réclamation à la CSPAAT, comme c’était le cas en l’espèce, ainsi que sur la politique de violence en milieu de travail régie par la partie XX du RCSST, cela ne signifie pas automatiquement que les exigences prévues au Code pour un refus de travailler fondé sur l’article 128 avaient aussi été remplies.

[87] Il ne s’agit pas d’une critique envers les parties. Dans des situations telles que des allégations de violence dans le lieu de travail, il semble que le processus prévu à la partie XX du RCSST soit mieux ciblé que celui relatif à un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code.

[88] Dans sa plainte qu’il a transmise à l’agent Curle, M. Grolla n’alléguait pas que la SCP avait fait défaut de se conformer aux dispositions de l’article 128 concernant le refus de travailler. Si cela avait été le cas, M. Curle aurait pu donner une instruction. M. Grolla a plutôt soulevé diverses violations de la partie II du Code.

[89] À titre de comparaison, dans Court 498, précitée, une plainte à un agent de santé et de sécurité soulevait spécifiquement des allégations selon lesquelles l’employeur ne s’était pas conformé à la procédure relative au droit de refus de travailler :

[47] Le 16 juillet 2008, M. Court a déposé une plainte fondée sur la partie II du Code auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. C’est M. Court qui avait d’abord communiqué avec l’agent de santé et de sécurité.

[48] Le 28 juillet 2008, JGH et les Teamsters se sont rencontrés pour faire passer à la deuxième étape le grief présenté le 11 juillet par M. Court. Lors de cette réunion, JGH a avisé M. Court qu’elle avait décidé de le congédier. Il semble que JGH ait lu à M. Court les motifs de son congédiement, mais qu’elle ne lui ait pas fourni de lettre de congédiement. À l’audience, M. Shepley a témoigné que JGH avait pour politique de ne pas fournir de lettres de congédiement.

[49] Il semble qu’après avoir discuté avec un agent de santé et de sécurité, le comité mixte de santé et de sécurité de JGH s’est réuni le 31 juillet 2008 et a conclu que M. Court ne faisait pas face à une situation dangereuse lorsqu’il avait refusé de travailler. Selon l’exposé des faits de M. Shepley, qui a été reproduit dans le procès-verbal de la réunion du comité mixte, le fait d’exiger une inspection avant-départ ne constituait pas une procédure dangereuse.

[50] Un agent de santé et de sécurité a finalement rencontré JGH. Cette dernière a alors signé une promesse de conformité volontaire (PCV), dans laquelle elle a notamment pris l’engagement suivant : « L’employeur doit veiller à ce que le processus relatif au droit de refus de travailler en cas de danger soit suivi conformément aux paragraphes (1) à (14). »

[90] De plus, le procès-verbal de la réunion du comité mixte de santé et de sécurité, tenue le 17 mars 2010, indiquait que la situation de M. Grolla était une affaire régie par la partie XX du RCSST. Dans ses critiques concernant l’enquête menée par la SCP, lesquelles sont exposées dans la lettre de ID, le STTP alléguait que la procédure prévue à la partie XX n’avait pas été respectée, puisqu’aucune « personne compétente » n’avait été nommée. La lettre ne contenait aucun renvoi à un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[91] Bien que M. Grolla ait été manifestement préoccupé par sa sécurité, le contexte global de la présente affaire ne convainc pas le Conseil que M. Grolla a exercé un droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128. Il n’a pas satisfait à l’exigence prévue au paragraphe 128(6) du Code, laquelle est une condition préalable pour que le Conseil puisse exercer sa compétence en matière de représailles suivant un refus de travailler.

b) La SCP a-t-elle pris des mesures disciplinaires contre M. Grolla pour des motifs autres que les préoccupations que celui-ci avait soulevées en matière de sécurité?

[92] Dans la mesure où le Conseil ferait erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu de refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code, le Conseil s’est penché sur la question de savoir si la SCP s’est acquittée du fardeau de la preuve prévu au paragraphe 133(6) du Code, qui lui incombe de donner une explication raisonnable pour les mesures disciplinaires qu’elle a imposées.

[93] Le Conseil n’a pas à examiner si la SCP avait un motif valable pour congédier M. Grolla. Un arbitre en relations du travail est déjà saisi de cette question.

[94] Le Conseil doit plutôt examiner si les motifs invoqués par la SCP pour congédier M. Grolla constituent l’unique raison expliquant le congédiement, ou plutôt un prétexte visant à masquer des représailles contre M. Grolla, parce que ce dernier avait exercé son droit de refus de travailler.

[95] Le Conseil, au vu de la preuve, est convaincu que la SCP a tenté de régler une situation de violence potentielle mettant aux prises au moins deux membres du STTP.

[96] Après que M. Grolla eût signalé les menaces de violence, la SCP a suspendu JK et l’a immédiatement retiré du lieu de travail.

[97] La SCP a donné des avis aux éventuels témoins et a mené des entrevues. Elle a tenté de rencontrer M. Grolla pour obtenir sa version des faits, en raison de la nécessité de conduire de telles enquêtes sans tarder.

[98] Le STTP a soutenu que, lors de son processus d’enquête, la SCP n’a pas respecté la convention collective, y compris l’obligation de consulter. Le STTP avait aussi des doutes quant à la question de savoir si l’enquête de la SCP était conforme au RCSST.

[99] Dans la plainte qu’il a déposée auprès de l’agent Curle, M. Grolla n’a pas soulevé un défaut quelconque de respecter les obligations procédurales liées à un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[100] Dans sa réponse à la plainte de M. Grolla, l’agent Curle a conclu que la SCP n’avait pas respecté certaines des obligations qui lui incombaient en vertu des parties XV et XX du RCSST. Il a, par conséquent, donné trois instructions : deux à la SCP et une à M. Grolla.

[101] Au cours de l’enquête de la SCP, M. Grolla a décidé, de son propre chef, d’envoyer des courriels aux représentants de la SCP. Il en a envoyé des copies à un nombre important de personnes, tant de la SCP que du STTP.

[102] L’un des courriels laissait entendre que M. Grolla divulguerait une situation personnelle affectant un employé de la SCP, dans le but de l’embarrasser. La SCP a traité ce courriel comme étant une menace.

[103] Un second courriel troublant contenait des remarques à propos du physique d’une gestionnaire. Lors du contre-interrogatoire, MP, le président de la section locale du STTP, a indiqué qu’il avait été choqué par la teneur du courriel et que cela ne ressemblait pas à M. Grolla. Il a aussi reconnu qu’il n’était pas surpris que le courriel ait entraîné des conséquences : « Non, nous nous attendions à ce que quelque chose se produise » (traduction).

[104] Dans la même veine, le résumé d’une entrevue d’assurance-emploi (AE) que M. Grolla a présenté à l’appui de son dossier se lisait ainsi :

... Le plaignant a écrit des courriels à son gestionnaire pour se plaindre à propos des messages (sic) de harcèlement dont il faisait l’objet; le gestionnaire a été troublé. Par conséquent, le plaignant a été congédié...

(traduction)

[105] Ces faits convainquent le Conseil que, jusqu'à ce que M. Grolla envoie les courriels en question, la SCP menait une enquête concernant les allégations qu’il avait formulées concernant la violence dans le lieu de travail. Ce processus comprenait la rencontre de témoins, y compris M. Grolla. La SCP n’a envoyé la lettre d’avertissement qu’après que M. Grolla eût envoyé les courriels. Ensuite, la SCP a congédié M. Grolla, après que celui-ci eût transmis deux autres courriels.

[106] Le Conseil ne tranche pas la question de savoir si les courriels de M. Grolla constituaient un motif valable pour congédier un employé ayant 29 années de service. Un arbitre analysera cette question. Le Conseil détermine plutôt si la SCP s’est acquittée du fardeau de la preuve que lui impose le paragraphe 133(6), à savoir si des incidents non liés à un refus de travailler ont entraîné les mesures disciplinaires.

[107] Le Conseil est convaincu que les courriels envoyés par M. Grolla ont incité la SCP à congédier ce dernier, alors qu’elle était au milieu de son enquête sur les plaintes fondées sur sa politique relative à la violence dans le lieu de travail.

VI – Conclusion

[108] Le Conseil a examiné la question de savoir si les incidents ayant, entre autres, mené à une enquête sur la violence dans le lieu de travail en vertu de la partie XX du RCSST ont aussi entraîné un refus de travailler valide en vertu de l’article 128 du Code. Compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, le Conseil n’a pas été convaincu que M. Grolla avait invoqué son droit de refus de travailler en cas de danger en vertu de l’article 128 du Code.

[109] Même si le Conseil avait conclu qu’il y avait eu un refus de travailler valide, il est d’avis que la SCP s’est acquittée de son fardeau de démontrer que les mesures disciplinaires qu’elle avait prises n’étaient pas attribuables à des motifs liés à un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[110] La plainte de M. Grolla est, par conséquent, rejetée.

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