Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Bell Mobilité inc.,

plaignant,

et


Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

intimé.

Dossier du Conseil : 28361-C
Référence neutre : 2011 CCRI 579
Le 18 avril 2011

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. John Bowman et Me David P. Olsen, Membres.

Procureurs inscrits au dossier
Me Israel Chafetz, c.r., et Me Mireille Bergeron, pour Bell Mobilité inc.;
Me Jesse M. Nyman, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la plainte

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

[2] Le 8 septembre 2010, le Conseil a reçu une plainte de pratique déloyale de travail (PDT) déposée par Bell Mobilité inc. (BMI) à l’encontre du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (le SCEP).

[3] Dans cette plainte, BMI allègue que le SCEP a en quelque sorte usé de menaces et de mesures coercitives en violation de l’article 96 du Code en ne percevant pas la cotisation de 5 $ de certains employés qui avaient signé des cartes d’adhésion.

[4] Une liste des noms de dix employés était annexée à la plainte de BMI, mais celle-ci a demandé des instructions au Conseil avant de transmettre cette annexe au SCEP.

[5] Le SCEP a demandé une copie de l’annexe de la plainte de BMI afin de pouvoir présenter sa réponse à la plainte de PDT.

[6] Dans une lettre datée du 21 février 2011, le Conseil a demandé à BMI de fournir une copie de l’annexe de sa plainte au SCEP et il a établi un échéancier pour la conclusion de la présentation des observations.

[7] Le Conseil a maintenant examiné les observations des parties.

[8] Le Conseil conclut que, même si les allégations de BMI étaient tenues pour avérées, ce que le SCEP nie catégoriquement, les faits avancés ne constitueraient pas une violation de l’article 96 du Code.

[9] Toutefois, le Conseil a veillé à ce qu’un agent des relations industrielles (ARI) prenne en considération les préoccupations de BMI lors de l’enquête confidentielle obligatoire portant sur la preuve d’adhésion. Le Conseil tiendra compte de cette enquête dans le cadre du traitement de la demande d’accréditation reliée.

[10] La présente décision énonce les motifs du Conseil.

II – Faits et arguments

[11] Dans sa plainte du 8 septembre 2010, BMI a allégué qu’au moins dix employés avaient signé des cartes d’adhésion sans avoir versé la somme requise de 5 $ au SCEP.

[12] BMI a déposé sa plainte avant que le SCEP n’ait présenté de demande d’accréditation au Conseil.

[13] Le 13 septembre 2010, le Conseil a reçu une plainte de PDT du SCEP (dossier 28365-C). Dans sa plainte, le SCEP alléguait notamment que certaines mesures prises par BMI avaient eu un « effet paralysant » sur sa campagne de syndicalisation.

[14] Le SCEP a présenté une demande d’accréditation le 7 octobre 2010 (dossier 28412-C), dans laquelle il demandait aussi au Conseil d’accorder l’accréditation automatique en vertu de l’article 99.1 du Code.

[15] La présente décision porte seulement sur la plainte de PDT de BMI. Cependant, l’existence de la demande d’accréditation du SCEP et de la plainte de PDT de ce dernier sert à mieux cerner le contexte.

[16] Au paragraphe 10 de sa plainte de PDT, BMI a expliqué en quoi les prétendus problèmes d’adhésion constituaient des menaces et des mesures coercitives au sens de l’article 96 du Code :

(10) Un syndicat use de mesures coercitives lorsqu’il utilise sciemment une stratégie de syndicalisation inappropriée afin de devenir agent négociateur. Un syndicat use de menaces ou de mesures coercitives lorsqu’il laisse croire à un groupe d’employés qu’il jouit d’un appui considérable alors qu’il sait que cet appui est fictif. Ce genre de comportement remet en cause l’ensemble de la campagne de syndicalisation, car des employés peuvent se joindre au syndicat parce qu’ils croient, à tort, que d’autres employés ont déjà signé des cartes d’adhésion, ce qui en fait est faux.

(traduction)

[17] Dans sa réponse du 7 mars 2011, le SCEP a notamment soutenu que la plainte de BMI n’établissait pas une preuve suffisante à première vue et que BMI n’avait pas qualité pour déposer sa plainte.

[18] Le SCEP a soutenu qu’aucun fait appuyant les conclusions avancées par BMI n’était invoqué dans la plainte. Par exemple, il n’était pas allégué qu’un représentant du SCEP avait parlé de l’appui dont le SCEP disposait afin de recruter des membres. De même, le SCEP a soutenu que la plainte ne comportait aucun renseignement au sujet de la perception qu’avaient des employés de l’appui dont disposait le SCEP.

[19] Le SCEP a aussi soutenu qu’un syndicat n’use pas de « menaces ou de mesures coercitives » lorsqu’il laisse croire à des employés qu’il dispose d’un appui considérable, même si cela est faux.

[20] Toutefois, le SCEP n’a pas reconnu que c’est ce qui s’était produit en l’espèce; il a soulevé l’argument de façon purement hypothétique.

[21] En outre, au paragraphe 26 de sa réponse, le SCEP a fait valoir qu’il doit y avoir un recours à la force ou à l’intimidation pour qu’il y ait menaces ou mesures coercitives :

26. Le SCEP soutient que l’existence de menaces ou de mesures coercitives implique nécessairement la perte du libre choix. En réalité, il doit y avoir une mesure visant à forcer une personne à faire quelque chose qu’elle ne ferait pas autrement et cette mesure doit contraindre la personne à le faire. Il doit donc y avoir usage de la force ou intimidation.

(traduction)

[22] Le SCEP a soutenu que la plainte ne comportait aucune allégation selon laquelle un employé ayant signé ou refusé de signer une carte d’adhésion a subi ou subirait des conséquences.

[23] Le SCEP a souligné que l’alinéa 31(1)b) du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) n’est pas une disposition en vertu de laquelle une plainte fondée sur l’article 97 du Code peut être déposée.

[24] Le SCEP a présenté un argument d’une importance plus fondamentale en soutenant que BMI n’avait pas qualité pour déposer une plainte au nom d’autres personnes, notamment les employés, relativement à la preuve d’adhésion du SCEP. Il a aussi souligné qu’aucun employé n’avait autorisé BMI à déposer une plainte en son nom.

[25] Au paragraphe 8 de sa réplique du 17 mars 2011, BMI a notamment rappelé ses préoccupations au sujet de la preuve d’adhésion du SCEP :

... Cela représente une mesure coercitive pour l’employé à qui l’on demande d’adhérer au syndicat. Cela donne une fausse impression d’appui au syndicat, sans exiger l’engagement financier nécessaire. Cela est trompeur, car le CCRI se fonde sur les cartes d’adhésion. Il s’agit d’une tactique déloyale visant à appuyer une demande d’accréditation. Le fait que nous avons découvert 10 cartes parmi un groupe de 1400 soulève la question de savoir combien d’autres cartes invalides existent. ...

(traduction)

III – Questions en litige

[26] La plainte de BMI soulève deux questions :

A. Les allégations de BMI établissent-elles une violation de l’article 96 du Code?

B. Comment le Conseil devrait-il traiter les préoccupations de BMI quant à la preuve d’adhésion?

IV – Dispositions pertinentes du Code

[27] Le paragraphe 97(1) du Code prévoit les dispositions en vertu desquelles une plainte de PDT peut être déposée auprès du Conseil :

97.(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), toute personne ou organisation peut adresser au Conseil, par écrit, une plainte reprochant :

a) soit à un employeur, à quiconque agit pour le compte de celui-ci, à un syndicat, à quiconque agit pour le compte de celui-ci ou à un employé d’avoir manqué ou contrevenu aux paragraphes 24(4) ou 34(6), aux articles 37, 47.3, 50, 69, 87.5 ou 87.6, au paragraphe 87.7(2) ou aux articles 94 ou 95;

b) soit à une personne d’avoir contrevenu à l’article 96.

[28] L’article 96 du Code établit une interdiction générale relative aux menaces et aux mesures coercitives :

96. Il est interdit à quiconque de chercher, par des menaces ou des mesures coercitives, à obliger une personne à adhérer ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à un syndicat.

[29] Le paragraphe 31(1) du Règlement porte sur le type de preuve d’adhésion que le Conseil peut accepter dans le cadre d’une demande d’accréditation :

31.(1) Pour toute demande concernant les droits de négociation, le Conseil peut accepter comme preuve d’adhésion d’une personne à un syndicat :

a) le dépôt d’une demande d’adhésion au syndicat revêtue de sa signature;

b) la preuve qu’elle a versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars, à l’égard ou au cours de la période de six mois précédant la date de dépôt de la demande.

[30] L’article 35 du Règlement porte sur la confidentialité de la preuve d’adhésion :

35. Le Conseil ne peut communiquer à qui que ce soit des éléments de preuve susceptibles de révéler l’adhésion à un syndicat, l’opposition à l’accréditation d’un syndicat ou la volonté de tout employé d’être ou de ne pas être représenté par un syndicat, sauf si la communication de ces éléments contribuerait à la réalisation des objectifs du Code.

V – Analyse et décision

A – Les allégations de BMI établissent-elles une violation de l’article 96 du Code?

[31] Après avoir examiné les observations des parties, le Conseil n’a aucun doute que le litige porte davantage sur des irrégularités dans la preuve d’adhésion que sur des menaces ou des mesures coercitives.

[32] Les observations de BMI n’ont pas convaincu le Conseil que, même s’il les tenait pour avérées, elles constituerait des menaces ou des mesures coercitives au sens de l’article 96 du Code.

[33] Les actes qu’aurait posés le SCEP pourraient être pertinents dans le contexte de l’examen par le Conseil de la demande d’accréditation dans le dossier 28412-C, mais le Conseil est d’accord avec le SCEP pour dire que les prétendues irrégularités dans la preuve d’adhésion ne constituent pas en soi des menaces ou des mesures coercitives.

[34] Le Conseil est aussi d’avis qu’aucune allégation précise n’a été soulevée quant à la manière dont un employé aurait fait l’objet de menaces ou de mesures coercitives. Même si c’était le cas, le fait qu’un employé aurait pu être induit en erreur au cours d’une campagne de syndicalisation – une allégation que le SCEP a niée catégoriquement – ne constituerait pas des menaces ou des mesures coercitives au sens de l’article 96 du Code.

[35] L’arrêt TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes, 2007 CAF 285, porte sur une décision dans laquelle le Conseil avait examiné des allégations de menaces et de mesures coercitives plus détaillées que celles qui sont en cause en l’espèce. La Cour d’appel fédérale a fait les commentaires suivants sur l’enquête menée par le Conseil au sujet de ces allégations et sur ses conclusions :

[2] Deux questions relatives à la justice naturelle qui ont été soulevées par les avocats de la demanderesse et par les avocats des sept employées méritent d’être examinées. Selon la première prétention, l’enquête sur l’intimidation et la contrainte qui auraient été exercées par les représentants syndicaux, qui avait été effectuée pour le compte du Conseil, était insuffisante et inéquitable sur le plan de la procédure, ce qui équivalait à une absence d’enquête. À mon avis, ce motif ne peut être retenu.

[3] Les allégations d’intimidation faites par les employées avaient trait à des visites non annoncées de représentants syndicaux chez elles le soir. Ces visiteurs se montraient insistants et parfois même s’attardaient sans y avoir été invités. L’enquêteur a conclu que cette conduite n’était pas suffisamment grave pour constituer de l’intimidation ou de la contrainte. L’enquête n’a peut-être pas été aussi approfondie que les plaignantes l’auraient voulu, mais l’enquêteur a interrogé trois d’entre elles avant de transmettre son rapport au Conseil; ce rapport était partiellement confidentiel, comme c’est généralement le cas, pour protéger les employées. Aucune des plaignantes n’a allégué que c’est l’intimidation dont elles auraient été l’objet qui les avait amenées à signer des cartes de membre; la seule employée ayant signé une carte de membre a indiqué par la suite qu’elle regrettait de l’avoir fait. Aucun acte ou menace de violence n’a été allégué. Il y a eu seulement des tentatives répétées de persuasion, qui étaient peut-être trop enthousiastes et qui se sont très souvent révélées infructueuses. Il doit être fait preuve d’une grande retenue à l’égard du Conseil en ce qui concerne les questions de procédure (Telus Communications c. Syndicat des travailleurs en télécommunications, [2005] A.C.F. no 1253). Le Conseil est largement le maître de sa propre procédure, laquelle ne devrait pas faire l’objet d’un examen microscopique. Rien ne permet de conclure à un déni de justice naturelle pour ce motif.

[36] Le Conseil a aussi examiné une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), Atlas Specialty Steels, [1991] OLRB Rep. June 728, et il est du même avis que la CRTO : pour qu’il y ait menaces ou mesures coercitives, il doit y avoir plus que de simples promesses faites pendant une campagne de syndicalisation :

[12] Le sens donné à l’expression « par la menace de contraindre » dans le cadre de l’article 70 a été examiné dans de nombreuses décisions antérieures de la Commission... Pour qu’une allégation de violation de l’article 70 soit défendable, il doit y avoir une tentative de contraindre par la menace une personne à, entre autres, s’abstenir d’exercer les droits que lui confère la Loi. Il doit y avoir usage de la force, ou menace d’en user, qu’il s’agisse de force physique ou non...

(traduction)

[37] Le Conseil partage le raisonnement de la CRTO et il conclut que, même si les allégations de BMI étaient tenues pour avérées, il n’y a aucune preuve de menaces ou de mesures coercitives en l’espèce.

[38] Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de BMI fondée sur l’article 96 du Code.

B – Comment le Conseil devrait-il traiter les préoccupations de BMI quant à la preuve d’adhésion?

[39] Dans leurs observations, les deux parties se sont fondées sur la décision rendue par le Conseil au terme d’un réexamen dans TD Canada Trust du Grand Sudbury (Ontario), 2006 CCRI 363 (TD 363). Il s’agit d’une des deux décisions dont la Cour d’appel fédérale était saisie dans l’arrêt TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes, précité. La présente affaire est assez semblable, bien qu’elle ne soit pas identique, à celle qui était en cause dans la décision TD 363. Dans la décision TD 363, le Conseil s’est d’abord prononcé sur sa pratique qui consiste à examiner les interventions des employés au sujet de la volonté des employés :

[72] La demande de réexamen s’appuie notamment sur le défaut du banc initial de fournir des copies des interventions des employés aux autres parties. L’article 35 du Règlement interdit au Conseil de révéler la volonté des employés. Cet article est libellé comme suit :

« 35. Le Conseil ne peut communiquer à qui que ce soit des éléments de preuve susceptibles de révéler l’adhésion à un syndicat, l’opposition à l’accréditation d’un syndicat ou la volonté de tout employé d’être ou de ne pas être représenté par un syndicat, sauf si la communication de ces éléments contribuerait à la réalisation des objectifs du Code. »

[73] Comme les interventions soumises font état de la volonté des employés, le Conseil n’a pas communiqué, conformément à l’article 35 du Règlement, les lettres des employés au syndicat ou à l’employeur. La confidentialité entourant la volonté des employés ou leur adhésion à un syndicat vise essentiellement à empêcher le harcèlement ou les représailles. Il y aussi d’autres motifs bien établis sur le plan des relations du travail de ne pas révéler une telle information. Par exemple, le fait de savoir qu’une faible majorité des employés appuient le syndicat pourrait nuire aux négociations collectives, tout particulièrement pour la négociation d’une première convention collective. Par conséquent, le Conseil a toujours rejeté les demandes concernant la divulgation de la preuve d’adhésion syndicale (voir Maritime-Ontario Freight Lines Limited c.Teamsters Local Union 938, no A-574-00, le 2 novembre 2001 (C.A.F.); Réseau de Télévision Quatre Saisons Inc. (1990), 79 di 195; et 90 CLLC 16,047 (CCRT no 779); et K.D. Marine Transport Ltd. (1982), 51 di 130; et 83 CLLC 16,009 (CCRT no 400)).

[74] Le banc de révision est convaincu que le banc initial a tenu compte des interventions soumises par certains employés dans ses délibérations...

[40] Le Conseil s’est ensuite prononcé sur la pratique générale qu’il applique lorsque des questions sont soulevées quant à la validité de la preuve d’adhésion :

[89] Il est courant que l’agent du Conseil enquête sur des allégations particulières, lorsque des questions sont soulevées au sujet de la validité d’une preuve d’adhésion syndicale ou de la manière dont cette preuve est obtenue. L’agent peut aussi communiquer avec d’autres employés choisis au hasard pour évaluer le caractère volontaire du reste de la preuve d’adhésion syndicale. Cette enquête est effectuée de manière confidentielle, habituellement en interrogeant les employés individuellement, et ses résultats sont transmis au Conseil dans un rapport confidentiel, conformément au Règlement du Conseil (voir IMS Marine Surveyors Ltd., précitée).

[90] Le niveau ou la portée de l’enquête menée par l’agent enquêteur est de nature discrétionnaire et peut varier selon les circonstances. Il dépendra de différents facteurs, tels que la nature et l’étendue des allégations, la taille de l’unité de négociation proposée et la disponibilité des employés et le fait qu’ils acceptent de se faire interroger. En définitive, il incombe au banc qui est saisi de l’affaire d’établir si une enquête plus poussée s’impose et, s’il est convaincu de la validité de la preuve d’adhésion syndicale, cette preuve peut être utilisée pour déterminer la volonté réelle des employés.

[41] Le Conseil a aussi formulé les commentaires suivants sur le rôle de l’employeur, ce qui est pertinent dans la présente affaire, puisque le SCEP a soutenu que BMI n’avait pas qualité pour contester la preuve d’adhésion :

[97] L’employeur signale que, dans IMS Marine Surveyors Ltd., précitée, l’employeur avait présenté une plainte séparée et qu’aucun employé n’avait déposé de plaintes individuellement. L’affaire en l’espèce se distingue donc de cette affaire pour ces raisons. Il soutient que ces distinctions sont importantes et que, si le banc initial en avait tenu compte, il aurait accordé une plus grande importance aux préoccupations et allégations de l’employeur. À son avis, le fait que le Conseil se soit appuyé sur la décision IMS Marine Surveyors Ltd., précitée, sans établir les distinctions qui s’imposaient, constitue une erreur de droit ou de principe.

[98] L’employeur conteste essentiellement les commentaires du banc initial selon lesquels les plaintes d’intimidation et de coercition par un syndicat dans le cadre d’une campagne de recrutement doivent

émaner des employés eux-mêmes et non de l’employeur. Le banc initial a cité la décision IMS Marine Surveyors Ltd., précitée, à l’appui de cette affirmation. Le banc de révision serait d’accord pour dire que, de manière générale, il est certainement préférable que les plaintes d’intimidation et de coercition soient déposées par ceux qui ont subi un préjudice direct en raison de telles tactiques. L’employeur pourrait ainsi demeurer neutre et à l’extérieur des litiges concernant la volonté des employés. Nous estimons également que l’employeur ne devrait pas soulever de telles allégations simplement pour faire échec ou retarder le processus d’accréditation. Cependant, le banc de révision ne croit pas qu’il faudrait donner à cette affirmation une interprétation restrictive au point de laisser entendre qu’un employeur n’est jamais autorisé à soulever de préoccupations dans le contexte d’une demande d’accréditation. L’employeur prétend que les propos du banc initial démontrent qu’il n’a pas établi les distinctions qui s’imposaient entre l’affaire dont il était saisi et la décision IMS Marine Surveyors Ltd., précitée. Le banc de révision n’est pas d’accord. L’opinion exprimée par le banc initial était incidente et n’a pas influé sur la décision relative à la demande d’accréditation. Comme il a été mentionné précédemment, un examen du rapport confidentiel révèle que, même s’il s’est exprimé sur la manière appropriée de déposer de telles allégations, le banc initial n’a pas empêché le Conseil d’enquêter sur les allégations soulevées par l’employeur. En l’espèce, le Conseil a examiné et vérifié les allégations présentées par l’employeur, en interrogeant confidentiellement des employés touchés, selon sa pratique habituelle. Il a alors été convaincu que la preuve était insuffisante pour conclure à l’existence d’une forme d’intimidation ou de coercition qui aurait remis en question la validité de la preuve d’adhésion syndicale. Après avoir examiné les allégations et avoir tranché la question, le Conseil a expliqué ce qu’il considérait être une manière plus appropriée de soulever de telles allégations.

(c’est nous qui soulignons)

[42] Contrairement à ce qui est prévu dans plusieurs provinces, le Code n’exige pas la tenue d’un scrutin de représentation pour chaque demande d’accréditation. Si un syndicat recueille l’appui de la majorité des employés, le Conseil l’accrédite habituellement à titre d’agent négociateur sur la seule foi de la preuve d’adhésion :

28. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil doit accréditer un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;

b) il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[43] Néanmoins, le paragraphe 29(1) du Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin s’il le juge nécessaire. Cela démontre à quel point il est important que le Conseil et son personnel s’assurent de l’exactitude de la preuve d’adhésion fondée sur les cartes d’adhésion. Dans les cas où la preuve d’adhésion montre que l’appui au syndicat au sein de l’unité de négociation habile à négocier est supérieur à 35 %, mais inférieur à 50 %, le Conseil doit ordonner la tenue d’un scrutin de représentation :

29. Le Conseil peut, pour chaque cas dont il est saisi, ordonner la tenue d’un scrutin afin de s’assurer que les employés d’une unité désirent être représentés par un syndicat déterminé à titre d’agent négociateur.

...

(2) Le scrutin de représentation est obligatoire dans le cas où l’unité n’est représentée par aucun syndicat et où le Conseil est convaincu que de trente-cinq pour cent à cinquante pour cent inclusivement des employés de l’unité adhèrent au syndicat qui sollicite l’accréditation.

(c’est nous qui soulignons)

[44] Comme il a été expliqué dans l’arrêt TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes, précité, le Conseil examine de manière confidentielle les circonstances entourant les allégations d’irrégularités dans la preuve d’adhésion. Comme il a été mentionné précédemment, un ARI du Conseil a mené une enquête confidentielle exhaustive dans la présente affaire.

[45] Le Conseil tiendra compte de cette enquête au sujet de la preuve d’adhésion fournie par le SCEP pendant ses délibérations relatives à la demande d’accréditation du SCEP dans le dossier 28412-C.

VI – Conclusion

[46] Le Conseil a examiné la plainte de PDT de BMI et il a conclu que, même si les allégations de BMI étaient tenues pour avérées, les faits en cause ne constitueraient pas des menaces ou des mesures coercitives au sens de l’article 96 du Code. La plainte de PDT de BMI est rejetée.

[47] Le Conseil tiendra compte des observations présentées par les parties dans le présent dossier et du rapport confidentiel de l’ARI au sujet de la preuve d’adhésion du SCEP lorsqu’il tranchera la demande d’accréditation du SCEP (dossier 28412-C).

[48] Le Conseil a déjà fixé une audience sur la plainte de PDT déposée par le SCEP (dossier 28365-C).

[49] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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