Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

requérant,

et


Shaw Communications inc.,

intimée.

Dossiers du Conseil : 28493-C, 28510-C
Référence neutre : 2011 CCRI 577
Le 6 avril 2011

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. John Bowman et Me David P. Olsen, Membres.

Procureurs inscrits au dossier
Mes Debra Burton et Daniel J. Rogers, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier;
Me Howard A. Levitt, pour Shaw Communications inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Contexte

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher les présentes plaintes sans tenir d’audience.

[2] Le Conseil a reçu deux plaintes distinctes, qui seront toutes deux tranchées dans le cadre de la présente décision.

[3] Chacun des dossiers porte sur une plainte déposée par le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (le SCEP) qui allègue que Shaw Communications inc. (Shaw) a manqué à son obligation de négocier de bonne foi que lui impose l’alinéa 50a) du Code. Dans un des deux dossiers, le SCEP a aussi demandé au Conseil de donner un avis déclaratoire en vertu du paragraphe 15.1(2) du Code.

[4] Les dossiers ont été assignés au présent banc le 25 février et le 2 mars 2011, respectivement.

[5] Le Conseil a examiné les observations détaillées présentées par les parties. Le Conseil n’est pas convaincu qu’il y a lieu de donner un avis déclaratoire. Le Conseil conclut également que Shaw n’a pas violé l’alinéa 50a) du Code dans le cadre des négociations relatives à l’unité de négociation de l’Est du Canada (dossier du Conseil no 28493-C).

[6] Toutefois, le Conseil conclut que la position adoptée par Shaw à l’égard des deux unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique (dossier du Conseil no 28510-C) est incompatible avec son obligation de négocier de bonne foi. Par conséquent, le Conseil conclut que Shaw a enfreint le Code et lui ordonne d’entamer les négociations collectives sur-le-champ.

[7] La présente décision énonce les motifs sur lesquels sont fondés les conclusions et le redressement susmentionnés.

II – Faits

[8] Comme il est expliqué dans Global Television Network inc., 2008 CCRI 407 (la décision RD 407), le Conseil a récemment révisé la structure des unités de négociation chez Global Television (Global). Il a alors conclu que ces unités devaient être regroupées et que les trois unités de négociation par région géographique suivantes seraient habile à négocier collectivement : i) l’Est du Canada, ii) l’Alberta, iii) la Colombie-Britannique.

[9] Dans le dossier 28493-C, le SCEP a demandé au Conseil de déclarer qu’il y avait eu vente d’entreprise entre Global et Shaw et que Shaw était donc devenue l’employeur successeur. Shaw ne s’est pas opposée à cette demande. Le présent banc n’est pas saisi de la demande de déclaration de vente d’entreprise (dossier du Conseil no 28492-C).

[10] Dans les deux dossiers en cause, le litige porte sur les négociations en vue du renouvellement des conventions collectives.

A) Dossier 28493-C (unité de négociation de l’Est du Canada)

[11] Le 9 décembre 2010, le Conseil a reçu une demande du SCEP visant, notamment, à obtenir un avis déclaratoire en vertu du paragraphe 15.1(2) du Code relativement à la forme de la convention collective proposée par Shaw et, à titre subsidiaire, une plainte fondée sur l’alinéa 50a) du Code.

[12] Shaw a signifié au SCEP un avis de négociation collective relativement à l’unité de négociation de l’Est du Canada le 5 novembre 2010. Il y avait eu des questions en litige entre le SCEP et Global relativement à des négociations antérieures, mais ces questions ne sont pas pertinentes à l’égard de la présente décision.

[13] Le différend entre le SCEP et Shaw peut être résumé de la façon suivante. Shaw cherchait à négocier une nouvelle convention collective qui comporterait sept ou huit nouveaux articles. Les conventions collectives existantes des unités de négociation distinctes que le Conseil avait fusionnées afin de créer la nouvelle unité de négociation de l’Est du Canada auraient ensuite été rattachées à cette nouvelle convention.

[14] Le SCEP s’opposait à cette approche. Selon lui, la proposition de Shaw n’aurait pas permis de conclure une convention collective unique qui s’appliquerait à l’ensemble de l’unité de négociation de l’Est du Canada. Le SCEP a demandé au Conseil de donner un avis déclaratoire sur la question ou, subsidiairement, de conclure que Shaw violait l’alinéa 50a) du Code.

[15] Shaw soutient qu’elle a présenté des propositions qui auraient permis de modifier les conventions collectives existantes et de créer une convention collective unique. Elle voulait rattacher les conventions collectives antérieures afin de garantir le statu quo en milieu de travail pour les points qui n’étaient pas visés par les huit nouveaux articles proposés. Ces nouveaux articles portaient sur les sujets suivants : l’objet de la convention collective, l’unité de négociation, les droits de la direction, le congé pour activités syndicales, l’interdiction d’arrêt de travail et de lock-out, la procédure de règlement des griefs, l’ancienneté et le champ d’application.

[16] Shaw et le SCEP ont échangé leurs propositions de négociation respectives.

[17] Les parties se sont rencontrées pour tenter de négocier le 23 novembre 2010, mais elles ont cessé tout effort en raison des différends exposés ci-dessus. Lors de cette rencontre, Shaw a modifié sa position en ajoutant une proposition sur la rémunération ainsi qu’un article intitulé « article 9 – toutes les autres dispositions » (traduction), lequel portait sur les anciennes conventions collectives.

[18] À la fin du mois de mars 2011, les parties ont informé le Conseil que la ministre du Travail avait nommé un médiateur en vertu de l’article 105 du Code pour les aider.

B) Dossier 28510-C (unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique)

[19] Le Conseil est aussi saisi d’une plainte fondée sur l’alinéa 50a) du Code déposée par le SCEP relativement à la négociation collective pour ces deux autres unités de négociation distinctes que le Conseil a créées dans la décision RD 407.

[20] Dans sa plainte datée du 21 décembre 2010, le SCEP a fait référence aux démarches de négociation qui avaient été entreprises pour l’unité de négociation de l’Est du Canada et qui sont décrites ci-dessus. Le SCEP y a aussi décrit l’avis de négociation collective, daté du 8 novembre 2010, qu’il avait signifié à Shaw relativement aux unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

[21] Le SCEP a décrit ses tentatives pour rencontrer Shaw afin de négocier de nouvelles conventions collectives pour les unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Selon le SCEP, Shaw a refusé de le rencontrer en raison de l’impasse où avaient mené les négociations visant l’unité de négociation de l’Est du Canada.

[22] Shaw a expliqué qu’elle n’avait pas voulu rencontrer le SCEP parce que toute rencontre aurait été inutile tant que le Conseil n’avait pas tranché la plainte de négociation de mauvaise foi déposée par le SCEP à l’égard de l’unité de négociation de l’Est du Canada. Shaw a affirmé qu’elle aurait fait des propositions similaires pour les unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique et elle a soutenu que le SCEP avait déjà refusé de négocier sur le genre de structure qu’elle avait proposé pour l’unité de l’Est du Canada.

[23] Ni le SCEP ni Shaw n’a présenté à l’autre partie ses propositions de négociation initiales.

III – Analyse et décision

[24] Les parties ont présenté au Conseil des arguments juridiques détaillés. Les principes applicables en la matière sont bien connus et il n’est pas nécessaire de les reproduire en détail.

[25] Le paragraphe 15.1(2) du Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire de donner des avis déclaratoires :

15.1(2) Le Conseil, à la demande d’un employeur ou d’un syndicat, peut donner des avis déclaratoires.

[26] Les articles 49 et 50 du Code prévoient le mécanisme de l’avis de négociation collective et les obligations de négocier collectivement qui en résultent :

49.(1) Toute partie à une convention collective peut, au cours des quatre mois précédant sa date d’expiration, ou au cours de la période plus longue fixée par la convention, transmettre à l’autre partie un avis de négociation collective en vue du renouvellement ou de la révision de la convention ou de la conclusion d’une nouvelle convention.

(2) Si la convention collective prévoit la possibilité de révision d’une de ses dispositions avant l’échéance, toute partie qui y est habilitée à ce faire peut transmettre à l’autre partie un avis de négociation collective en vue de la révision en cause.

50. Une fois l’avis de négociation collective donné aux termes de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :

a) sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties, l’agent négociateur et l’employeur doivent :

(i) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

(ii) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective;

b) tant que les conditions des alinéas 89(1)a) à d) n’ont pas été remplies, l’employeur ne peut modifier ni les taux des salaires ni les autres conditions d’emploi, ni les droits ou avantages des employés de l’unité de négociation ou de l’agent négociateur, sans le consentement de ce dernier.

(c’est nous qui soulignons)

[27] Sauf entente contraire, les parties doivent se rencontrer dans les 20 jours suivant la date où est donné l’avis prévu à l’article 49 afin d’entamer des négociations collectives. Cette obligation ne disparaît pas après une seule rencontre. Les parties doivent plutôt continuer à « faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective ».

[28] Pour une unité de négociation donnée, il ne peut y avoir qu’une seule convention collective. Les termes « unité de négociation » et « convention collective » sont définis de la façon suivante au paragraphe 3(1) du Code :

3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

« convention collective » Convention écrite conclue entre un employeur et un agent négociateur et renfermant des dispositions relatives aux conditions d’emploi et à des questions connexes.

...

« unité de négociation » Unité :

a) soit déclarée par le Conseil habile à négocier collectivement;

b) soit régie par une convention collective.

[29] Le contenu de la convention collective dépend des parties et de leur capacité respective de convaincre l’autre partie d’accepter leurs propositions. Le Code prévoit divers mécanismes visant à aider les parties à négocier, lesquels vont de la conciliation et la médiation jusqu’à la grève et au lock-out.

A) Unité de négociation de l’Est du Canada

[30] Shaw n’a pas violé le Code en présentant sa proposition initiale, qui prévoyait une convention collective unique pour l’unité de négociation de l’Est du Canada, mais qui comportait des dispositions dont l’application variait en fonction de la région géographique, selon le véritable lieu de travail de chaque employé. Les conventions collectives ont souvent des dispositions qui ne s’appliquent pas à tous les employés. Par exemple, bien que l’ancienneté soit habituellement calculée selon l’ensemble des membres de l’unité de négociation, certaines conventions collectives prévoient que l’ancienneté est calculée selon chaque classification.

[31] Le fait que le Conseil a conclu que Shaw n’avait pas violé le Code en présentant sa proposition initiale ne signifie aucunement que le SCEP doit accepter cette proposition, ou même la voir d’un bon oeil. Le SCEP a tout à fait le droit de présenter ses propres propositions.

[32] Les parties doivent donc continuer de négocier à partir de leurs propositions initiales. Elles peuvent avoir recours aux divers mécanismes de négociation collective prévus au Code, y compris, à condition de respecter les conditions légales en la matière, la grève et le lock-out. Par contre, le Code ne permet pas à une partie de ne rien faire parce qu’elle est insatisfaite

de la proposition initiale de l’autre partie.

[33] Compte tenu de cette conclusion, la demande d’avis déclaratoire du SCEP est théorique et le Conseil n’y donnera pas suite.

B) Unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique

[34] Le Conseil a conclu que la décision de Shaw de ne pas rencontrer le SCEP pour négocier relativement aux unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique constitue une violation technique de l’alinéa 50a) du Code. Une partie ne peut pas refuser de négocier une autre convention collective en alléguant qu’une affaire semblable fait déjà l’objet d’une plainte auprès du Conseil. En effet, le Conseil a affirmé à maintes reprises que l’obligation de négocier continue à exister, même pendant une grève, un lock-out ou dans d’autres situations (voir Jean-Claude Harrison et autres (1983), 53 di 85; et 4 CLRBR (NS) 258 (CCRT no 417), aux pages 99 et 100).

[35] En l’espèce, la proposition initiale mise de l’avant par Shaw a peut-être mené à une impasse, mais les parties avaient néanmoins l’obligation de continuer leurs discussions en vue de trouver un terrain d’entente. Les parties auraient aussi pu avoir recours aux mécanismes prévus par le Code pour surmonter les difficultés posées par la négociation collective.

[36] Le Conseil ordonne donc à Shaw de fournir au SCEP sa proposition de négociation initiale pour les unités de négociation de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Comme aucun échange de propositions n’a encore eu lieu, le SCEP devra faire de même. Les parties devront ensuite faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective, comme l’exige le Code.

[37] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.