Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

William D. Mitchell,

plaignant,

et


Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002,

intimé,

et


Jazz Air, société en commandite, exploitée sous la raison sociale Air Canada Jazz,

employeur.

Dossier du Conseil : 28378-C

Référence neutre : 2010 CCRI 559

Le 30 décembre 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. John Bowman et André Lecavalier, Membres.

Représentants des parties au dossier
M. William D. Mitchell, en son propre nom;
Mme Lesley Dias, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002;
M. Joseph D. Randell, pour Jazz Air, société en commandite, exploitée sous la raison sociale Air Canada Jazz.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la plainte

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher l’affaire sans tenir d’audience.

[2] Le 9 septembre 2010, le Conseil a reçu de M. William D. Mitchell une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) fondée sur l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci dans la convention collective.

[3] M. Mitchell allègue que son agent négociateur, le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002 (le syndicat), a manqué à son DRJ en refusant de présenter un grief relativement à une lettre qui confirmait la retraite obligatoire imposée à M. Mitchell. L’employeur de M. Mitchell, Jazz Air, société en commandite, exploitée sous la raison sociale Air Canada Jazz (Jazz), avait confirmé à M. Mitchell qu’il allait devoir prendre sa retraite dès l’âge de 65 ans.

[4] Pour les motifs exposés ci-dessous, le Conseil a décidé de reporter à plus tard l’audition de la présente plainte, en vertu de l’alinéa 16l.1) du Code.

II – Faits

[5] Vers le 23 juillet 2010, M. Mitchell a reçu de Jazz une lettre l’avisant qu’il allait devoir prendre sa retraite lorsqu’il atteindrait l’âge de 65 ans.

[6] M. Mitchell a avisé un gestionnaire des ressources humaines de Jazz qu’il voulait continuer à travailler après son 65e anniversaire. Le service des ressources humaines a alors confirmé à M. Mitchell qu’il allait devoir prendre sa retraite et quitter son poste lorsqu’il atteindrait l’âge de 65 ans.

[7] M. Mitchell a ensuite communiqué avec la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP), laquelle lui a fait parvenir une trousse d’information expliquant comment déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Si le Conseil comprend bien la lettre de M. Mitchell datée du 8 novembre 2010, M. Mitchell a bel et bien déposé une plainte auprès de la CCDP.

[8] M. Mitchell a demandé au syndicat de contester sa mise à la retraite forcée. Le syndicat lui a fait savoir qu’il défendait le principe de la retraite obligatoire à 65 ans.

[9] Le syndicat a expliqué qu’il appuie le principe de la retraite obligatoire en raison de l’importance qu’il accorde aux régimes de pensions des unités de négociation. Le syndicat a employé une stratégie de négociation ayant pour but de donner aux membres de l’unité de négociation la possibilité de prendre leur retraite avant l’âge de 65 ans. Le syndicat a soutenu qu’il a toujours agi conformément aux instructions qu’il avait reçues des membres de l’unité de négociation.

[10] Le syndicat a aussi rappelé au Conseil que la question de la retraite obligatoire fait actuellement l’objet de débats devant plusieurs tribunaux.

III – Analyse et décision

[11] L’alinéa 16l.1) du Code précise ce qui suit :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

...

l.1) reporter à plus tard sa décision sur une question, lorsqu’il estime qu’elle pourrait être réglée par arbitrage ou par tout autre mode de règlement.

[12] Le Conseil a exercé son pouvoir discrétionnaire de reporter à plus tard sa décision dans une affaire où la question de recevabilité du grief d’un plaignant était en instance devant un arbitre (voir Trevor William Emile Rees, 2010 CCRI 499). Dans sa plainte de manquement au DRJ, le plaignant avait demandé à titre de redressement que les délais prévus à la convention collective soient suspendus et que le grief soit renvoyé à l’arbitrage.

[13] L’ajout de l’alinéa 16l.1) au Code visait notamment à éviter la multiplication des procédures qui portent en même temps sur des faits identiques ou semblables.

[14] En l’espèce, le Conseil est convaincu qu’il doit reporter à plus tard sa décision sur la plainte de manquement au DRJ de M. Mitchell. Le recours parallèle en matière de droits de la personne qu’il a choisi d’exercer constitue un « autre mode de règlement ». Il convient de donner à cette expression un sens large tel qu’il est énoncé à l’alinéa 16l.l) du Code :

... ou par tout autre mode de règlement.

[15] La décision du Conseil de reporter à plus tard sa décision sur la plainte de M. Mitchell est fondée sur plusieurs motifs.

[16] Le Conseil croit que la plainte de manquement au DRJ de M. Mitchell et sa plainte pour atteinte aux droits de la personne pourraient se recouper de façon considérable. S’il est vrai que l’importance accordée par le Conseil au processus suivi par le syndicat pourrait être différente de celle accordée à la question juridique précise soulevée par M. Mitchell dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, il serait tout de même essentiel d’effectuer une analyse du sens du terme « discriminatoire » employé à l’article 37 du Code.

[17] En outre, la question de la retraite obligatoire dans les secteurs de compétence fédérale est en instance devant d’autres tribunaux administratifs et judiciaires.

[18] Même si le Conseil tranchait la plainte de manquement au DRJ de M. Mitchell, il est presque certain que la conclusion du Conseil s’ajouterait aux autres affaires pendantes devant les tribunaux.

[19] Ainsi, même si le Conseil pouvait tenir une audience et rendre une décision sur la plainte de manquement au DRJ avant la fin de l’instruction de la plainte de M. Mitchell pour atteinte aux droits de la personne, le règlement définitif de la question ne viendrait pas de la décision du Conseil, mais plutôt des jugements des tribunaux ou d’éventuelles modifications législatives faites par le Parlement.

[20] De plus, le Conseil est d’avis que la plainte de manquement au DRJ de M. Mitchell pourrait ne plus avoir d’application pratique lorsque d’autres affaires où la retraite obligatoire est contestée auront été tranchées.

[21] Par conséquent, le Conseil estime qu’il convient de reporter à plus tard sa décision sur la présente plainte. L’affaire pourra être réinscrite si l’issue de la plainte pour atteinte aux droits de la personne de M. Mitchell, les décisions des tribunaux et les éventuelles modifications législatives le justifient.

[22] Le Conseil demande donc aux parties de le tenir au courant de l’évolution de l’instance devant la CCDP, lorsque les événements le justifieront.

[23] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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