Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Shawn Cahoon,

plaignant,

et

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada,

intimée.

Dossier du Conseil : 27858-C

Référence neutre : 2010 CCRI 548

Le 9 novembre 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu de l’article 156 du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (le Code).

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente objection préliminaire.

Représentants des parties au dossier
Me James L. Shields, pour M. Shawn Cahoon;
Me Simon-Pierre Paquette, pour la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

I – Nature de l’objection

[1] L’employeur intimé, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), a demandé au Conseil de rejeter la plainte en matière de sécurité au travail fondée sur la partie II du Code déposée par M. Shawn Cahoon (M. Cahoon).

[2] M. Cahoon a déposé une plainte en vertu de l’article 133 du Code dans laquelle il allègue que le CN a violé l’article 147 en mettant fin à son emploi :

133.(1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

...

147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  1. soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;
  2. soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;
  3. soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[3] Le Conseil tiendra une audience à Winnipeg (Manitoba) les 17 et 18 novembre 2010.

[4] M. Cahoon a aussi contesté son congédiement en se fondant sur les dispositions de la convention collective régissant le CN et son agent négociateur, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC). Cette affaire a déjà été tranchée par le Bureau d’arbitrage et de médiation des chemins de fer du Canada.

[5] Le 17 mai 2010, l’arbitre Michel G. Picher a statué que le CN « n’avait pas de motif valable pour prendre des mesures disciplinaires contre M. Cahoon, puisque ce dernier n’a pas fait preuve d’insubordination et ne s’est pas conduit de façon irrespectueuse » (page 8; traduction). L’arbitre Picher a ordonné la réintégration de M. Cahoon avec indemnisation complète.

[6] Le CN a soutenu que le Conseil devrait refuser d’instruire la présente affaire en matière de sécurité, principalement au motif que la décision de l’arbitre Picher avait pour effet de lui conférer un caractère théorique. Les parties ont déposé des observations détaillées, dont les dernières, provenant du CN, ont été reçues par le Conseil le 4 novembre 2010.

[7] Le Conseil a décidé de rejeter l’objection préliminaire. Le Conseil a rendu les présents motifs rapidement afin que les parties puissent parvenir à un règlement ou se préparer adéquatement pour l’audience.

II – Analyse et décision

[8] Le Conseil a examiné les observations des parties. Pour les motifs qui suivent, l’affaire sera entendue.

[9] Premièrement, l’arbitre Picher était saisi d’un grief présenté en vertu de la convention collective. Il a statué que le CN n’avait pas démontré avoir eu de motif valable pour mettre fin à l’emploi de M. Cahoon. Sa compétence et son raisonnement découlent de la convention collective conclue entre le CN et la CFTC. Il ne s’agissait pas d’une décision fondée sur la partie II du Code.

[10] Deuxièmement, la partie I du Code confère au Conseil le pouvoir de refuser de trancher une plainte que le plaignant pourrait renvoyer à l’arbitrage :

98.(3) Le Conseil peut refuser d’instruire la plainte s’il estime que le plaignant pourrait porter le cas, aux termes d’une convention collective, devant un arbitre ou un conseil d’arbitrage.

[11] La partie II du Code contient cependant le paragraphe 133(4), qui interdit à un employé de renvoyer sa plainte en matière de sécurité au travail à l’arbitrage :

133.(4) Malgré toute règle de droit ou toute convention à l’effet contraire, l’employé ne peut déférer sa plainte à l’arbitrage.

[12] Le Code interdit à M. Cahoon de demander à un arbitre de trancher sa plainte présentée en vertu de la partie II. M. Cahoon demeure en charge de sa plainte en matière de sécurité et peut exiger que le litige soit tranché sur le fond.

[13] Troisièmement, puisque M. Cahoon ne peut renvoyer sa plainte à l’arbitrage et que l’arbitre Picher a uniquement tranché un grief présenté en vertu de la convention collective, l’allégation de M. Cahoon, portant que le CN a usé de représailles en raison du fait qu’il aurait tenté de faire valoir ses droits en matière de sécurité prévus à la partie II, n’a pas fait l’objet d’une décision.

[14] Quatrièmement, bien qu’il ne puisse ordonner une double indemnité pour un même événement, le Conseil peut faire une déclaration à l’égard d’une violation de la partie II du Code. L’article 134 prévoit certaines mesures de redressement que le Conseil peut accorder s’il conclut à une violation du Code :

134. S’il décide que l’employeur a contrevenu à l’article 147, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de mettre fin à la contravention et en outre, s’il y a lieu :

  1. de permettre à tout employé touché par la contravention de reprendre son travail;
  2. de réintégrer dans son emploi tout ancien employé touché par la contravention;
  3. de verser à tout employé ou ancien employé touché par la contravention une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu contravention;
  4. d’annuler toute mesure disciplinaire prise à l’encontre d’un employé touché par la contravention et de payer à celui-ci une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée par l’employeur.

[15] De plus, l’article 156 du Code prévoit l’applicabilité de certaines des dispositions de la partie I aux affaires présentées dans le cadre de la partie II :

156.(1) Par dérogation au paragraphe 14(1), le président ou un vice-président du Conseil ou un membre du Conseil nommé en vertu de l’alinéa 9(2)e) peut, dans le cadre de la présente partie, statuer sur une plainte présentée au Conseil. Ce faisant, il est :

  1. investi des pouvoirs, droits et immunités conférés par la présente loi au Conseil, à l’exception du pouvoir de réglementation prévu par l’article 15;
  2. assujetti à toutes les obligations et les restrictions que la présente loi impose au Conseil.

(2) Les dispositions correspondantes de la partie I s’appliquent aux ordonnances et décisions que rendent le Conseil ou l’un de ses membres dans le cadre de la présente partie ou aux procédures dont ils sont saisis sous le régime de celle-ci.

(c’est nous qui soulignons)

[16] À titre d’exemple, le paragraphe 99(2) du Code confère au Conseil de vastes pouvoirs de redressement :

99.(2) Afin d’assurer la réalisation des objectifs de la présente partie, le Conseil peut rendre, en plus ou au lieu de toute ordonnance visée au paragraphe (1), une ordonnance qu’il est juste de rendre en l’occurrence et obligeant l’employeur ou le syndicat à prendre des mesures qui sont de nature à remédier ou à parer aux effets de la violation néfastes à la réalisation de ces objectifs.

[17] En bref, M. Cahoon a déposé une plainte en vertu de la partie II, qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision quant à son bien-fondé. L’affaire n’est pas théorique. Le Conseil a le pouvoir exclusif de statuer sur la plainte de M. Cahoon aux termes de la partie II.

[18] La préoccupation du CN au sujet d’éventuelles incohérences dans les conclusions de fait peut être traitée au cours de l’audience. Les principes juridiques, tels que ceux relatifs à la préclusion, ont évolué avec le temps pour répondre à de tels problèmes. Ce sera aux parties de traiter de cette question lorsqu’ils présenteront leur dossier.

[19] L’objection préliminaire est rejetée. Bien que le Conseil exhorte les parties à parvenir à un règlement, la présente affaire sera instruite comme prévu à Winnipeg, les 17 et 18 novembre 2010, dans l’éventualité où elles ne pourraient conclure une entente.

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