Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

requérant,

et


XL Digital Services inc., faisant affaire sous la raison sociale Dependable HomeTech,

intimée.

Dossier du Conseil : 28083-C
Référence neutre : 2010 CCRI 543
Le 28 septembre 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. Norman Rivard et de Me David Olsen, Membres. Une audience a été tenue à Toronto (Ontario), les 9 et 10 août 2010.

Ont comparu
Me J. James Nyman, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier;
M Brent J. Foreman, pour XL Digital Services inc., faisant affaire sous la raison sociale Dependable HomeTech.

I – Nature de la demande et contexte

[1] Le 14 avril 2010, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (le SCEP ou le syndicat) a présenté une demande en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code), en vue d’être accrédité à titre d’agent négociateur d’un groupe d’environ 27 employés de XL Digital Services inc., faisant affaire sous la raison sociale Dependable HomeTech (XL Digital ou l’employeur), à London (Ontario).

[2] Une réunion de gestion de l’affaire a été tenue avec les parties le 26 juillet 2010. On y a convenu que le Conseil allait d’abord décider s’il avait la compétence constitutionnelle nécessaire en tenant une audience portant seulement sur cette question. Ensuite, si le Conseil devait conclure qu’il avait compétence pour instruire la demande, il trancherait la question de l’inclusion ou de l’exclusion du poste en litige, à savoir celui de technicien de soutien affecté à la gestion des services extérieurs (TSGST).

[3] Après avoir examiné attentivement les documents déposés par les parties, de même que les éléments de preuve et les arguments présentés au cours des deux journées d’audience, le Conseil a conclu qu’il avait compétence nécessaire pour instruire la demande d’accréditation. La question non réglée au sujet du poste de TSGST n’avait eu aucune incidence sur l’appui majoritaire recueilli par le SCEP ou sur son droit d’être accrédité. Les parties ont été informées de la décision du Conseil le 23 août 2010 dans XL Digital Services Inc., doing business as Dependable HomeTech, 2010 CCRI LD 2415, à laquelle était jointe l’ordonnance d’accréditation provisoire n9919-U par laquelle le SCEP a été accrédité à titre d’agent négociateur de l’unité de négociation suivante :

tous les employés de XL Digital Services inc., faisant affaire sous la raison sociale Dependable HomeTech, travaillant à partir de London (Ontario), à l’exclusion des directeurs et de ceux de rang supérieur.

[4] La présente constitue les motifs de décision du Conseil sur la question constitutionnelle.

II – Les faits

A) Activités de XL Digital

[5] XL Digital est une entreprise d’installation et d’entretien de câbles qui a été constituée en personne morale sous le régime des lois de la province de l’Ontario et qui est exploitée sous le nom de Dependable HomeTech à Kitchener, à London (Ontario) et à Ottawa (Ontario).

[6] En octobre 2007, Cancable inc. (Cancable) a fait l’acquisition de XL Digital.

À ce moment-là, XL Digital détenait un contrat d’installation et d’entretien d’une durée de trois ans avec Rogers Cable Communications inc. (Rogers) pour le secteur de London (Ontario). Ce contrat a depuis été renouvelé pour une autre période de trois ans.

[7] La nature de l’entreprise de XL Digital a deux volets :

  1. l’installation de câbles et d’équipement connexe (prises, diviseurs, câbles et modems) et le dépannage et l’entretien de cet équipement pour les entreprises de câblodistribution;
  2. le branchement de l’équipement aux services de câblodistribution, de téléphonie et d’Internet fournis aux clients résidentiels par le câblodistributeur.

[8] Le travail effectué par XL Digital découle exclusivement du contrat conclu avec Rogers. À London, deux concurrents de XL Digital font du travail semblable.

B) Activités de Cancable à Windsor

[9] Jusqu’à ce que Cogeco mette fin au contrat le 1er mai 2010, Cancable fournissait des services semblables pour Cogeco à Windsor (Ontario). À quelques exceptions près, les travaux effectués par Cancable pour Cogeco à Windsor étaient semblables à ceux que XL Digital effectue à London. Cancable faisait surtout des travaux d’installation pour Cogeco et très peu d’entretien. La plus grande part de l’entretien était fait par les techniciens de Cogeco. Cancable était le seul entrepreneur qui travaillait pour Cogeco à Windsor.

[10] La question de savoir si les activités de Cancable à Windsor étaient visées par le Code a fait l’objet d’une décision arbitrale en mai 2008. Dans le cadre d’une plainte de congédiement injuste déposée en vertu du paragraphe 240(1) de la partie III du Code par un technicien de Cancable, l’arbitre a conclu que les activités de Cancable relevaient de la compétence provinciale.

Composantes d’un réseau de câblodistribution

[11] L’employeur a décrit les principales composantes d’un réseau de câblodistribution et leur relation. Il a expliqué qu’un réseau de câblodistribution peut être divisé en trois parties : 1) la tête de réseau, 2) le réseau de distribution et 3) l’activité dans les locaux du client.

[12] La tête de réseau d’un réseau de câblodistribution est l’endroit où tous les signaux sont reçus et convertis à des fins de retransmission.

[13] Le réseau de distribution relie la tête de réseau à un piédestal (pour une habitation unifamilliale), à un point multiprises (un équipement aérien fixé à un poteau téléphonique) ou à une boîte de panneaux (pour une habitation multifamiliale). Dans les présents motifs, l’expression « sortie » fera référence à tous ces types de sortie. Les signaux sont transmis de la tête de réseau à des nœuds de fibre. Chaque nœud peut desservir de 500 à 1 000 personnes. Les signaux sont ensuite distribués du nœud à la sortie.

[14] L’activité dans les locaux du client commence à la prise de distribution, qui se trouve dans la sortie, et prend fin à l’endroit où le client reçoit le service. Selon le type de sortie, un câble peut être tiré soit directement de la prise de distribution à la résidence du client, soit de la prise de distribution à une boîte de service (BS), puis de la BS à la résidence du client.

[15] XL Digital fournit seulement des services entre la prise de distribution et l’installation ou le raccordement des appareils du client (p. ex., convertisseur, récepteur numérique, télécommande, modem). Il s’agit de ce qui a précédemment été désigné activité dans les locaux du client.

D) Tâches des techniciens

[16] Les techniciens de XL Digital fournissent leurs services aux résidents de London qui veulent être branchés au réseau de Rogers pour la première fois et aux clients qui sont déjà branchés à Rogers mais qui veulent obtenir une mise à niveau ou des services supplémentaires.

[17] Un technicien peut être envoyé chez un nouveau client de Rogers pour installer une nouvelle sortie ou chez un client actuel qui a besoin d’une mise à niveau. Lorsqu’un technicien installe un récepteur numérique, il doit programmer le récepteur pour vérifier que le système fonctionne bien. Le Conseil a entendu des témoignages quant à la façon dont les techniciens de XL Digital et ceux de Rogers interagissent pendant ce processus pour que les clients reçoivent les services de Rogers. Pendant l’installation, les techniciens de XL Digital peuvent devoir installer ou remplacer du câblage ou même, dans certains cas, installer une BS.

[18] Des tâches sont aussi assignées aux techniciens de XL Digital lorsque les clients éprouvent des problèmes avec les services reçus. Dans un tel cas, le technicien effectue un test de signal pour découvrir la cause de l’interruption de service. Si le signal est trop faible à la sortie, le technicien de XL Digital ne règle pas le problème. Il avertit plutôt Rogers et lui fournit des renseignements diagnostiques afin que les techniciens d’entretien de cette dernière puissent résoudre le problème. Si le signal est trop faible à la BS ou si le problème se trouve entre la BS et la sortie, c’est le technicien de XL Digital qui fait la réparation. Si le problème vient du récepteur numérique, le technicien remplace le récepteur défectueux et le renvoie à Rogers, si c’est Rogers qui l’avait fourni. La même procédure est suivie lorsque le problème est causé par un modem ou un appareil portatif fourni par Rogers.

[19] Parfois, les techniciens de XL Digital sont chargés d’effectuer des vérifications pour s’assurer que les résidents ne sont pas branchés illégalement au réseau de Rogers. Une vérification informelle est faite chaque fois qu’un technicien se rend à une résidence et découvre qu’un client reçoit illégalement un service. Dans un tel cas, le technicien débranche le service et avertit Rogers de la situation. Si un client se sert d’un récepteur numérique pour écouter la télévision, c’est Rogers qui contrôle le récepteur à partir de la tête de réseau. Si le service de télévision est analogue, le technicien peut débrancher physiquement le service à la sortie en débranchant le câble ou en installant un filtre pour bloquer les postes auxquels le client n’est pas abonné.

[20] Les techniciens de XL Digital vendent des services de mise à niveau aux clients de Rogers et ils reçoivent des commissions lorsqu’ils le font. Rogers fournit des brochures et du matériel promotionnel à ce sujet.

E) Répartition des tâches et établissement du calendrier

[21] Chaque mois, XL Digital fournit à Rogers une liste des techniciens disponibles ce mois-là. Cette liste fait état des services que les techniciens peuvent fournir et de leur proximité géographique avec les clients. Rogers inscrit alors ces renseignements dans le logiciel « CLICK ». Grâce à CLICK, les représentants du service à la clientèle de Rogers peuvent voir quels techniciens sont disponibles, quelles sont leurs qualifications et leur proximité. Lorsqu’un client appelle Rogers et qu’un représentant du service à la clientèle décide qu’il faut envoyer quelqu’un chez le client, ce représentant se branche à CLICK pour voir quels techniciens sont disponibles. Le logiciel CLICK inclut autant les techniciens de XL Digital que ceux de Rogers. Les techniciens de XL Digital n’ont pas accès à CLICK.

[22] Rogers et XL Digital utilisent le logiciel « Système de gestion des services extérieurs » (SGSE, traduction). XL Digital doit installer ce logiciel sur les ordinateurs portables de ses techniciens. Ce logiciel permet aux techniciens de XL Digital de consulter leurs commandes de travaux quotidiennes de Rogers et de transmettre des demandes d’entretien à Rogers. La commande de travaux indique le nom et l’adresse du client ainsi que le code de tâche correspondant.

[23] Lorsqu’un technicien de XL Digital commence sa journée de travail, il se branche au SGSE pour consulter sa commande de travaux personnelle. Afin de fournir des services en temps réel, les superviseurs de XL Digital peuvent voir toutes les tâches qui ont été assignées. Après qu’un technicien s’est branché et a indiqué son statut dans le SGSE, Rogers peut savoir si le technicien est en route ou s’il se trouve sur les lieux. Après avoir terminé son travail, le technicien se branche au SGSE pour indiquer que sa tâche est achevée et pour inscrire des commentaires, le cas échéant. Cette façon de faire permet aux représentants du service à la clientèle de Rogers de savoir si les travaux ont été faits et s’il faut assurer le suivi.

[24] Si aucune tâche n’a été assignée à un technicien, XL Digital communique avec Rogers pour savoir s’il est possible de modifier la répartition des tâches. Lorsqu’un technicien n’est pas disponible une journée où il devait travailler, XL Digital communique avec Rogers pour en informer cette dernière et assigne les tâches à un autre technicien.

[25] Rogers se réserve le droit de refuser que certains travailleurs participent à un projet. Dans un tel cas – ce qui, selon ce que le Conseil a appris, arrive très rarement –, le personnel de

XL Digital mène une enquête sur l’incident et, si son personnel conclut que la demande est déraisonnable, XL Digital demande à Rogers de réexaminer cette demande.

F) Équipement et formation

[26] XL Digital est dotée de son propre service d’approvisionnement et fournit les câbles, les prises et les diviseurs, qui doivent tous respecter les spécifications fixées par Rogers.

[27] Les récepteurs numériques, les modems et les appareils portatifs sont fournis par Rogers, mais les clients peuvent se les procurer ailleurs. Lorsqu’un technicien est chargé d’installer ce type d’équipement, Rogers le fournit à XL Digital. Cette dernière a un entrepôt à London et c’est là qu’est livré tout le matériel fourni par Rogers.

[28] XL Digital fournit ses propres camionnettes, échelles, compteurs, ordinateurs portables et téléphones cellulaires à ses techniciens. L’uniforme des techniciens comporte un logo de « Dependable Home Tech » qui indique que ceux-ci sont liés par contrat à Rogers. Les techniciens sont tenus de fournir les outils à main nécessaires pour effectuer les travaux visés par l’entente de services.

[29] Rogers détermine quelle est la formation nécessaire pour les travaux prévus au contrat d’installation et d’entretien. Les techniciens peuvent participer au programme de formation de Rogers ou suivre la formation interne de XL Digital, qui a son propre programme collégial de formation et d’accréditation dans le secteur de la câblodistribution. Les techniciens de London doivent se rendre à Kitchener pour suivre un programme de formation et d’accréditation d’une durée de six à huit semaines. Ce programme comprend l’« accréditation Rogers », de même qu’un volet d’orientation pour expliquer les politiques et procédures de XL Digital aux nouveaux employés. Tout au long de la période pertinente, les techniciens ont été formés à l’interne.

III – Position des parties

[30] L’employeur soutient que le Conseil n’a pas la compétence constitutionnelle nécessaire pour trancher la présente demande d’accréditation parce que les activités de l’employeur relèvent de la compétence provinciale. L’employeur se fonde sur le raisonnement et les conclusions de l’arbitre dans Jones v. Cancable Inc., [2008] C.L.A.D. No. 132 (QL), qui a conclu que les activités d’une entreprise semblable exploitée à Windsor relevaient de la compétence provinciale.

[31] Le syndicat prétend que les activités de XL Digital relèvent de la compétence fédérale parce que XL Digital fournit des services relativement à une entreprise de radiodiffusion, qui appartient à un domaine réglementé par le Parlement du Canada. Il soutient que, dans Jones v. Cancable Inc., précitée, l’arbitre n’a pas tenu compte du cadre législatif qui régit le secteur de la radiodiffusion et des télécommunications et n’a pas examiné les faits constitutionnels pertinents. Selon le syndicat, les activités de XL Digital sont essentielles, fondamentales ou vitales à l’entreprise de Rogers.

IV – Analyse et décision

a) Principes constitutionnels

[32] La portée de la compétence conférée au Conseil à l’égard des relations du travail est circonscrite par l’article 4 du Code :

4. La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

[33] L’article 2 du Code définit l’expression « entreprises fédérales » de la façon suivante :

« entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment :

a) ceux qui se rapportent à la navigation et aux transports par eau, entre autres à ce qui touche l’exploitation de navires et le transport par navire partout au Canada;

b) les installations ou ouvrages, entre autres, chemins de fer, canaux ou liaisons télégraphiques, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province, et les entreprises correspondantes;

c) les lignes de transport par bateaux à vapeur ou autres navires, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province;

d) les passages par eaux entre deux provinces ou entre une province et un pays étranger;

e) les aéroports, aéronefs ou lignes de transport aérien;

f) les stations de radiodiffusion;

g) les banques et les banques étrangères autorisées, au sens de l’article 2 de la Loi sur les banques;

h) les ouvrages ou entreprises qui, bien qu’entièrement situés dans une province, sont, avant ou après leur réalisation, déclarés par le Parlement être à l’avantage général du Canada ou de plusieurs provinces;

i) les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;

j) les entreprises auxquelles les lois fédérales, au sens de l’article 2 de la Loi sur les océans, s’appliquent en vertu de l’article 20 de cette loi et des règlements d’application de l’alinéa 26(1)k) de la même loi.

[34] Récemment, la Cour suprême du Canada a réitéré le principe bien établi selon lequel les relations du travail sont généralement de compétence provinciale exclusive (voir Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407) . Ainsi, la compétence fédérale en matière de relations du travail est l’exception à cette règle.

[35] La compétence fédérale en matière de relations du travail ne s’étend qu’aux entreprises visées par les catégories de sujets expressément exclus de la compétence provinciale et aux entreprises dont les activités sont jugées vitales, essentielles ou fondamentales à une entreprise fédérale principale.

[36] Les parties ne contestent pas que Rogers est une entreprise fédérale. Dans Capital Cities Comm. c. C.R.T.C., [1978] 2 R.C.S. 141, la Cour suprême du Canada a conclu que la télédistribution par câble comprenant la retransmission et la distribution d’émissions diffusées – et plus précisément, par Rogers Cable TV limitée – constituait une entreprise fédérale parce qu’il s’agissait d’une entreprise de télécommunications et de radiodiffusion en application de l’article 91 et de l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[37] L’avocat du syndicat n’a pas soutenu vigoureusement devant le Conseil que les activités de XL Digital représentaient en soi une entreprise fédérale œuvrant dans le secteur de la télécommunication et de la radiodiffusion. Il a plutôt soutenu que les activités de XL Digital étaient fondamentales à une une entreprise fédérale principale. La question de savoir si une exploitation accessoire est fondamentale à une entreprise fédérale principale est une question de fait dont la réponse dépend de la nature de l’exploitation et de ses activités normales ou habituelles en tant qu’« entreprise active ».

[38] La Cour suprême du Canada a décrit ce critère de la façon suivante dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115 (Northern Telecom no 1) :

... il faut d’abord se demander s’il existe une entreprise fédérale principale et en étudier la portée. Puis, il faut étudier l’exploitation accessoire concernée, c.-à-d. le service d’installation de Telecom, les « activités normales ou habituelles » de ce service en tant qu’« entreprise active » et le lien pratique et fonctionnel entre ces activités et l’entreprise fédérale principale.

(page 133)

[39] Ainsi, le Conseil doit d’abord se pencher sur la portée de l’entreprise fédérale de Rogers. Il examinera ensuite les activités de XL Digital pour décider si elles sont vitales, essentielles ou fondamentales à une entreprise fédérale principale.

b) Portée de l’entreprise fédérale de Rogers

[40] Selon un des arguments qu’elle a invoqués, XL Digital n’effectue pas de travail sur le réseau de câblodistribution de Rogers. XL Digital a expliqué que ses employés participent seulement à l’activité dans les locaux des clients.

[41] XL Digital a fait référence à deux arrêts de la Cour suprême du Canada, à savoir Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112 (Central Western Railway), et Consolidated Fastfrate, précité. Dans Central Western Railway, la question constitutionnelle était de savoir si le Code s’appliquait aux relations du travail de l’entreprise exploitée par Central Western Railway (CWR) au moyen d’une courte ligne ferroviaire située entièrement dans la province de l’Alberta. CWR mettait des wagons à grains à la disposition de l’industrie céréalière et assurait la livraison des wagons au réseau de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en vue de leur acheminement. CN n’utilisait pas la voie ferrée de CWR pour exploiter sa propre entreprise. Lorsqu’elle a conclu que le Code ne s’appliquait pas aux activités de CWR, la Cour suprême a constaté que les deux entreprises travaillaient seulement ensemble lorsque les wagons à grains étaient transférés aux locomotives de CN. Selon la Cour suprême, le transfert pouvait être considéré comme un lien établi à la fin du processus du transport local plutôt qu’un processus faisant partie intégrante des activités de CN.

[42] De même, dans Consolidated Fastfrate, précité, une décision majoritaire, la Cour suprême a conclu que les relations du travail de l’exploitation de Consolidated Fastfrate inc. (Fastfrate) à Calgary relevaient de la compétence provinciale. Selon elle, une entreprise qui fournit des services de regroupage et de dégroupage ainsi que des services locaux de ramassage et de livraison ne devient pas une entreprise interprovinciale simplement en raison d’une structure organisationnelle nationale intégrée et des contrats qu’elle conclut avec des transporteurs tiers interprovinciaux. Avec l’aide de ses propres employés au terminal et principalement de ses propres conducteurs et camions, une succursale de Fastfrate ramassait et regroupait les marchandises dans la province d’où elles étaient expédiées, et une autre succursale dégroupait et livrait les marchandises dans la province où elles étaient expédiées. Les employés et le matériel de Fastfrate ne franchissaient pas les frontières provinciales et ne jouaient aucun rôle dans le transport interprovincial. Selon la majorité, l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 et la jurisprudence portant sur l’interprétation de cette disposition n’envisagent pas la possibilité qu’une simple relation contractuelle entre un expéditeur et un transporteur interprovincial transforme Fastfrate en une entreprise reliant des provinces ou s’étendant au-delà des limites de la province. Ce sont plutôt les transporteurs facilitant le transport des marchandises entre les provinces qui constituent des travaux ou des entreprises de transport de compétence fédérale. La Cour suprême a souligné que le simple fait de faciliter le transport interprovincial ne fera pas intervenir, à lui seul, la compétence fédérale. Selon la majorité, l’analyse fonctionnelle doit être axée sur les activités qu’exerce véritablement l’entreprise.

[43] Dans sa décision majoritaire, la Cour a exposé les principales différences entre le contexte des communications et celui du transport :

[60] Il est vrai que dans le contexte des communications, l’analyse constitutionnelle a parfois principalement porté sur « le service fourni et pas simplement [...] les moyens utilisés » : Régie des services publics c. Dionne, [1978] 2 R.C.S. 191, p. 197. Toutefois, la différence entre le contexte des communications et celui du transport est que les entreprises de communication peuvent assurer et fournir des services de communication internationaux et interprovinciaux à partir d’un point fixe. S’il fallait se concentrer seulement ou principalement sur les moyens qui permettent à une entreprise de communication de fournir des services interprovinciaux à ses clients, on pourrait arriver à la conclusion que deux entreprises qui assurent et fournissent les mêmes services relèvent de compétences différentes selon leurs modes de transmission (c.-à-d. selon qu’elles envoient et reçoivent des signaux d’un point fixe ou qu’elles ont une présence interprovinciale).

(Consolidated Fastfrate, précité)

[44] Selon le Conseil, un réseau de télécommunications et de radiodiffusion ne peut pas être divisé comme peut l’être le secteur du transport, contrairement à ce qu’affirme l’employeur. À cet égard, il est important de tenir compte de deux arrêts suivants : Régie des services publics et autres c. Dionne et autres, [1978] 2 R.C.S. 191, où la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de savoir si le gouvernement du Québec avait le pouvoir de réglementer la transmission télévisuelle limitée aux abonnés québécois, et Capital Cities Comm. c. C.R.T.C., précité.

[45] Dans Régie des services publics et autres c. Dionne et autres, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé que les entreprises de câblodistribution relèvent de la compétence fédérale et elle a expliqué la portée de ces entreprises. Dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec avait annulé trois décisions par lesquelles la Régie des services publics du Québec avait autorisé M. Raymond d’Auteuil, l’un des appelants devant la Cour suprême, et M. François Dionne, l’intimé, à établir et à exploiter des entreprises de câblodistribution dans certains territoires déterminés de la province de Québec. Les appelants soutenaient que les entreprises devraient être provinciales parce que l’exploitation de câblodistribution était locale et se limitaient aux abonnés résidant au Québec. La Cour suprême a rejeté les arguments des appelants et a confirmé que, lorsqu’il est question de transmission ou de réception de télévision, on ne peut pas séparer, aux fins constitutionnelles, le système de transmission, le dispositif matériel et les signaux reçus et diffusés par celui-ci. La Cour suprême a déclaré ce qui suit :

... La question fondamentale n’est pas de savoir si le service de câblodistribution se limite aux abonnés de la province ou s’il est exploité par une entreprise locale, mais plutôt en quoi consiste ce service...

...

... Un autre élément à souligner est que lorsqu’il s’agit de transmission ou de réception de télévision, on ne peut pas plus séparer, aux fins constitutionnelles, le système de transmission, le dispositif matériel et les signaux reçus et diffusés par celui-ci qu’on ne peut séparer les voies de chemin de fer du service de transport qui les utilise ou les routes des véhicules de transport et des services de transport qu’ils assurent. Dans tous ces cas, il faut rechercher quel est le service fourni et pas simplement quels sont les moyens utilisés. Un partage de compétence constitutionnelle sur ce qui est, fonctionnellement, une combinaison de systèmes intimement liés de transmission et de réception de signaux de télévision, soit directement par ondes aériennes, soit par l’intermédiaire d’un réseau de câbles, prêterait à confusion et serait en outre étranger au principe de l’exclusivité de l’autorité législative, principe qui découle autant de la conception que la constitution est un instrument efficace et applicable, que d’une interprétation littérale de ses termes. En l’espèce, l’approche littérale comme le point de vue pragmatique concourent pour appuyer la décision de la Cour d’appel du Québec.

(pages 192 et 197)

[46] De même, dans Capital Cities Comm. c. C.R.T.C., précité, les appelantes, à savoir Capital Cities Communications Inc., Taft Broadcasting Company et WBEN, Inc., exploitaient à Buffalo (New York) des stations de télévision dont les émissions pouvaient être captées dans les localités canadiennes environnantes. Rogers Cable TV limitée détenait, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, une licence l’autorisant à exploiter, dans un secteur limité de Toronto, un système de télévision communautaire par câble et de capter des émissions des stations des appelantes. Rogers a décidé de supprimer des messages commerciaux des émissions provenant des stations des appelantes et de transmettre ces émissions à ses abonnés après avoir substitué à ces messages publicitaires ses propres annonces. Rogers a demandé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) de modifier ses licences pour l’autoriser à supprimer des messages publicitaires et à les remplacer par ses propres annonces. Le CRTC a décidé que Rogers ne pouvait insérer des signaux de remplacement contenant des messages publicitaires, mais l’a autorisé à supprimer les messages publicitaires à condition de les remplacer par des messages d’intérêt public. Les appelantes ont interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et ont aussi présenté à cette Cour des demandes de contrôle judiciaire des décisions du CRTC. Ces appels et demandes ont été rejetés. Les appelantes ont finalement interjeté appel devant la Cour suprême du Canada.

[47] Selon un des principaux arguments des appelantes, la compétence législative relative à la réglementation des signaux de télévision reçus par des compagnies de télévision par câble est partagée. Les appelantes admettaient que la réception de signaux de télévision étrangers ou canadiens à l’antenne des compagnies de télévision par câble relevaient de la compétence exclusive fédérale, mais qu’une fois captés par ces antennes, ils ne relevaient plus du pouvoir législatif fédéral et que la distribution ultérieure de ces signaux à l’intérieur d’une province donnée relevait exclusivement de la compétence provinciale.

[48] Dans les motifs qu’il a rédigé pour la majorité, le juge en chef Laskin a rejeté ces arguments et s’est exprimé de la façon suivante :

Je ne puis admettre la prétention des appelantes et des procureurs généraux qui l’appuient, selon laquelle aux fins de la loi, on peut tirer une ligne de démarcation à l’endroit où les systèmes de câblodistribution reçoivent les ondes hertziennes. Il est évident que ces systèmes sont des entreprises qui s’étendent au-delà des limites de la province où sont situées leurs installations; en outre, bien plus que dans l’affaire Winner, ils constituent chacun une seule entreprise qui traite les signaux lui parvenant par-delà la frontière et les transmet, quoique après les avoir convertis, à ses abonnés grâce à son réseau de câbles. Le bon sens dont parlait le Conseil privé dans l’affaire de la Radiocommunication me semble encore plus nécessaire en l’espèce pour empêcher un partage de compétence à l’égard des mêmes signaux ou des mêmes émissions selon qu’ils parviennent aux téléspectateurs par ondes hertziennes ou par câbles coaxiaux.

(page 159)

[49] Selon le Conseil, ces principes sont renforcés par le cadre législatif qui s’applique au secteur des télécommunications et de la radiodiffusion. La Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications comportent des dispositions qui définissent expressément les termes « radiodiffusion » et « télécommunication ». Ces définitions permettent de définir la portée de telles entreprises.

[50] L’article 2 de la Loi sur la radiodiffusion définit « radiodiffusion » de la façon suivante :

« radiodiffusion » Transmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d’émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur, à l’exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement.

(c’est nous qui soulignons)

[51] L’article 2 de la Loi sur les télécommunications définit « télécommunication » ainsi :

« télécommunication » La transmission, l’émission ou la réception d’information soit par système électromagnétique, notamment par fil, câble ou système radio ou optique, soit par tout autre procédé technique semblable.

(c’est nous qui soulignons)

[52] Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’accepte pas l’argument de l’employeur selon lequel, aux fins de la loi, on peut tracer une ligne de démarcation à la prise de distribution. Selon le Conseil, la Cour suprême du Canada estime que l’ensemble d’un réseau de câblodistribution constitue une entreprise fédérale, de la tête de réseau jusqu’au point où le client reçoit le service. Le Conseil n’est pas convaincu qu’il faut fixer arbitrairement la limite du réseau à la prise de distribution et en exclure l’activité dans les locaux du client, sans laquelle ce dernier ne pourrait pas recevoir les services de Rogers. Le Conseil conclut que l’entreprise fédérale de Rogers débute à la tête de réseau, d’où l’information est transmise, et continue jusqu’au point où le client reçoit cette information.

[53] Cela étant dit, le Conseil doit trancher la question de savoir si les activités d’installation et d’entretien menées par XL Digital dans les locaux des clients sont vitales, essentielles ou fondamentales à l’entreprise de Rogers.

c) Activités de XL Digital en tant qu’« entreprise active »

[54] Dans Northern Telecom no 1, précité, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de la compétence constitutionnelle à l’égard d’un groupe de superviseurs du Service de l’installation de la Région de l’Ouest de Northern Telecom. La Cour suprême ne disposait pas de suffisamment de faits constitutionnels pour trancher la question, mais elle a souligné que les faits constitutionnels suivants étaient nécessaires :

(1) de la nature générale de l’exploitation de Telecom en tant qu’entreprise active et, en particulier, du rôle du service de l’installation dans cette exploitation;

(2) de la nature du lien entre Telecom et les sociétés avec lesquelles elle fait affaires, notamment Bell Canada;

(3) de l’importance du travail effectué par le service de l’installation de Telecom pour Bell Canada, en comparaison avec ses autres clients;

(4) du lien matériel et opérationnel entre le service de l’installation de Telecom et l’entreprise fédérale principale dans le réseau téléphonique et, en particulier, de l’importance de la participation du service de l’installation à l’exploitation et à l’établissement de l’entreprise fédérale en tant que méthode de fonctionnement.

(page 135)

[55] Dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1983] 1 R.C.S. 733 (Northern Telecom no 2), une décision majoritaire, la Cour suprême du Canada a conclu que le travail des installateurs employés par Northern Telecom Canada Ltée (Telecom) relevait de la compétence fédérale parce que la plus grande partie du travail des installateurs consistait « à installer de l’équipement hautement perfectionné de télécommunications » produit par Telecom dans le réseau de télécommunications de Bell Canada.

[56] Dans cette affaire, la compétence constitutionnelle dépendait de la question de savoir si les installateurs faisaient partie intégrante de l’exploitation du réseau de télécommunications de Bell ou s’ils fournissaient plutôt des services qui constituaient la dernière étape de fabrication par Telecom de son équipement spécialisé de télécommunications. La Cour suprême a conclu ce qui suit :

J’ai déjà relaté les faits sous forme d’extraits des témoignages, de citations de la décision du Conseil ou

des motifs des jugements des cours d’instance inférieure. L’intégration presque totale du travail quotidien des installateurs aux tâches d’établissement et d’exploitation du réseau de télécommunications fait du travail d’installation un élément intégral de l’entreprise fédérale. Les équipes d’installation travaillent la plupart du temps dans les locaux occupés par le réseau de télécommunications. L’agrandissement, l’expansion et l’amélioration du réseau constituent une opération conjointe du personnel de Bell et de celui de Telecom. L’expansion ou le remplacement de l’équipement de commutation et de transmission, qui est en lui-même essentiel à l’exploitation continue du réseau, est intimement intégré aux systèmes de prestation des communications du réseau. Tout ce travail absorbe une très grande proportion du travail des installateurs.

(pages 766-767)

[57] Dans Northern Telecom no 2, les installateurs de Telecom passaient une très grande partie de leur temps à travailler sur le réseau téléphonique de Bell. Le contrat conclu entre Bell et Telecom portait sur la commutation des communications véhiculées par le réseau et la transmission de ces communications. L’équipement de commutation et de transmission installé dans le réseau était fabriqué par Telecom, mais une partie de l’équipement installé provenait d’autres manufacturiers. Le travail des installateurs consistait à installer l’équipement dans le réseau de télécommunications dans les locaux de Bell, et parfois dans les locaux de clients de Bell. Une fois l’équipement assemblé et installé, la commutation ou le raccordement permettant de faire entrer l’équipement en fonctionnement dans le réseau de Bell était fait par les employés de cette dernière. Après son installation, l’équipement était entretenu par les employés de Bell et non par les installateurs, sauf pour certains contrats de réparations précis qui n’équivalaient pas à l’entretien du réseau par ces installateurs. Bien qu’il ne s’agissait pas d’un facteur déterminant dans cette affaire, la nature du lien entre Bell et Telecom a été prise en compte. Telecom était une filiale à part entière de Northern Telecom Limitée, dont Bell possédait 60,5 % du capital-actions.

[58] XL Digital s’est fondée largement sur Jones v. Cancable Inc., précitée. Dans cette affaire, l’employeur alléguait que, comme ses activités commerciales relevaient de la compétence provinciale, l’arbitre n’avait pas compétence pour instruire une plainte de congédiement injuste fondée sur le paragraphe 240(1) de la partie III du Code et portée contre Cancable. Dependable IT, la filiale de Cancable qui était en cause aujourd’hui connue sous le nom de Dependable HomeTech), fournissait à Cogeco des services d’installation et de branchement à Windsor. L’arbitre a conclu que les activités de Cancable relevaient de la compétence provinciale.

[59] Selon le Conseil, la décision rendue dans Jones v. Cancable Inc., précitée, n’est pas convaincante en l’espèce, et ce, pour plusieurs raisons.

[60] Bien que les services que fournissait Dependable IT soient semblables à ceux que XL Digital fournissait à Rogers en l’espèce, XL Digital fournit plus que de simples services d’installation à Rogers. Les employés de XL Digital font l’entretien, le dépannage et les travaux dans la section du réseau allant de la prise de distribution aux appareils des clients.

[61] De plus, dans Jones v. Cancable Inc., précitée, l’arbitre s’est largement fondé sur un certain nombre de décisions rendues par des arbitres chargés d’instruire des plaintes de congédiement injuste et des demandes d’appel pour le recouvrement du salaire fondées sur le Code, notamment : Pomeroy v. JP Cable Installations Ltd., [2001] C.L.A.D. No. 207 (QL); Technical Service Solutions v. Pierce, [2001] C.L.A.D. No. 509 (QL); Johnson v. Faria Distributing Inc. (c.o.b. Atlantic Cable Communications), [2005] C.L.A.D. No. 80 (QL); et Correia v. Conex Cable Technology Specialists Inc., [2007] C.L.A.D. No. 483 (QL). Ces décisions appliquaient le raisonnement suivant, tiré de Pomeroy v. JP Cable Installations Ltd., précitée, où l’arbitre a conclu que le travail effectué par JP Cable pour Rogers à titre d’entrepreneur en installation et d’agence de recouvrement relevait de la compétence provinciale.

[15] ... Ceux qui affirment que tout entrepreneur entièrement indépendant qui travaille, partiellement ou exclusivement, pour une entreprise fédérale devient lui aussi assujetti à la réglementation fédérale accordent une portée beaucoup trop grande au Code canadien du travail. Manifestement, le législateur voulait que le Code s’applique aux entreprises dont les activités sont interprovinciales ou qui oeuvrent dans des secteurs désignés. Le Code s’applique aussi aux filiales appartenant à de telles entreprises ou contrôlées par celles-ci et qui existent principalement pour répondre aux besoins de ces entreprises relativement aux activités visées par le Code.

[16] J’estime que JP Cable Installations ltée n’est pas une telle entreprise. Il s’agit d’un entrepreneur entièrement indépendant qui n’appartient pas à Rogers Cable, ou à une autre entreprise de télécommunications régie par le Code canadien du travail, et qui n’est pas contrôlé par celle-ci. Rogers pourrait remplacer JP Cable Installations ltée par divers autres fournisseurs locaux. De son côté, JP Cable Installations ltée pourrait choisir de travailler pour d’autres entreprises, peu importe qu’il s’agisse de concurrents de Rogers ou d’autres entreprises qui ont besoin de services de câblage et qui n’œuvrent pas nécessairement dans le secteur de la câblodiffusion ou de la prestation de services Internet. Cela est étayé par le fait que la Commission des accidents du travail de l’Ontario d’alors avait qualifié JP Cable Installations ltée d’entreprise de construction.

[17] Par conséquent, j’estime que je n’ai pas compétence en l’espèce. La plainte est rejetée.

(traduction)

[62] En toute déférence, le Conseil n’est pas d’avis que le degré d’indépendance d’une entreprise ou d’un entrepreneur par rapport au fait d’être contrôlé par une entreprise fédérale ou de lui appartenir est un facteur déterminant pour décider si ses activités sont vitales, essentielles ou fondamentales à l’entreprise fédérale.

[63] Néanmoins, dans Jones v. Cancable Inc., précitée, l’arbitre a adopté le raisonnement suivant :

[60] ...

i. Cancable inc. est une entreprise constituée en personne morale sous le régime des lois provinciales. Tous ses travaux qui sont pertinents à la présente affaire ont été effectués dans la région de Windsor/Essex. Contrairement à ce qui était le cas dans Northern Telecom, les employés de Cancable inc. en l’espèce ne participent pas directement à des travaux « reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province » aux fins d’application de l’article 2 du Code canadien du travail. Pour la même raison, l’arrêt Stevedores est différent parce que, dans cette affaire, les navires reliaient des ports canadiens à des ports étrangers.

ii. Cancable inc. est une entreprise indépendante qui n’appartient ni à Cogeco, ni à un autre câblodistributeur.

iii. L’intimée fournit les camionnettes, les échelles, les compteurs, les ordinateurs portables et le reste de l’équipement nécessaire à l’exécution du contrat conclu avec Cogeco.

(traduction)

[64] De plus, selon le Conseil, le fait qu’une entreprise ait été constituée en personne morale sous le régime des lois provinciales ou fédérales n’est pas un facteur déterminant pour décider si ses activités sont vitales, essentielles ou fondamentales à une entreprise fédérale.

[65] Dans Northern Telecom no 1, précité, la Cour suprême du Canada a affirmé que les structures des sociétés ne sont pas déterminantes pour trancher la question de la compétence constitutionnelle, mais que le lien matériel et opérationnel entre les entreprises est un facteur plus important :

Dans le domaine du transport et des télécommunications, il est évident que les subtilités juridiques des structures des sociétés ne sont pas déterminantes. Comme le fait remarquer McNairn aux pages 380 et 381 de son article précité :

« [TRADUCTION] Une entreprise de transport ou de communication peut constituer une activité d’une société et elle peut être séparée de l’entreprise globale, ou ne pas l’être; elle peut même être plus importante que l’entreprise exploitée par une seule société. Pour trancher de telles questions, il peut être utile d’étudier les objets de la société. Mais, dans tous les cas, il est primordial d’examiner l’intégration, en pratique, des diverses activités de la société (y compris ses structures si plus d’une société est impliquée) et leur interdépendance intrinsèque. »

Cette remarque de McNairn est fondée sur la jurisprudence. D’une part, une seule entreprise peut avoir plus d’une activité (par exemple, on a jugé dans Canadian Pacific Railway Co. v. Attorney-General for British Columbia, que l’Empress Hotel exploité par le Chemin de fer Canadien du Pacifique était une entreprise distincte et indépendante de l’entreprise de chemins de fer). D’autre part, deux sociétés distinctes peuvent exploiter une seule et même entreprise comme ce fut le cas dans l’affaire Stevedoring, où les débardeurs travaillaient pour une firme de débardage chargeant et déchargeant des navires, ou dans l’affaire Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, où 90 pour cent des activités d’une société de camionnage étaient consacrées aux postes canadiennes.

Un autre facteur, beaucoup plus important aux fins de l’examen de la relation entre des entreprises, est le lien matériel et opérationnel qui existe entre elles. Dans la présente affaire, il faut, comme le souligne le jugement dans Montcalm, étudier la continuité et la régularité du lien sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels. La simple participation d’employés à un ouvrage ou à une entreprise fédérale n’entraîne pas automatiquement la compétence fédérale. Il est certain que plus on s’éloigne de la participation directe à l’exploitation de l’ouvrage ou de l’entreprise principale, plus une interdépendance étroite devient nécessaire.

(pages 134-135)

[66] En outre, dans Jones v. Cancable Inc., précitée, l’arbitre a fait une distinction entre les faits de l’affaire et ceux qui étaient en cause dans Northern Telecom no 2, précité, en partant du principe que le travail effectué par les employés de Cancable ne constituait pas une « activité continue qui contribue à l’exploitation continue du réseau de câblodistribution de Cogeco » :

[52] En l’espèce, il est difficile de dire que le travail est fait « simultanément » entre Cogeco – l’entreprise fédérale – et les employés de Cancable inc. C’est Cogeco qui fournit les services. C’est elle qui a créé le réseau de câblodistribution et qui l’exploite. À mon avis, contrairement à la situation dans Northern Telecom, les techniciens de Home Technology, dont le plaignant fait partie, ne participent pas à l’exploitation à proprement parler du réseau. Au contraire, ils s’occupent simplement de raccorder les nouveaux clients aux services au moyen d’un branchement à la résidence du client. En fait, selon le témoignage de M. Jepson, les techniciens de Home Technology ne font aucun véritable travail sur le réseau.

[53] Les techniciens de Home Technology ne passent pas « la plupart du temps » dans les locaux de Cogeco. Ils se rendent plutôt chez les clients de Cogeco pour y effectuer leur travail d’installation et de branchement. Je constate que, dans Northern Telecom, les installateurs effectuaient environ 80 % de leur travail dans les locaux de Bell Canada. C’était aussi le cas dans Bernshine Mobile Maintenance Ltd., car cette entreprise fournissait ses services dans les locaux de Reimer Express Lines limitée.

[54] À mon avis, les techniciens de Home Technology ne participent pas à une « opération conjointe » avec le personnel de Cogeco et ne travaillent pas côte à côte avec celui-ci, comme c’était le cas dans Northern Telecom. Dans cette affaire, les installateurs jouaient un rôle essentiel dans un programme permanent de réaménagement, de rénovation, de mise à niveau et d’extension du système de commutation et de transmission de Bell Canada et s’occupaient aussi de l’installation du matériel de télécommunication conçu pour satisfaire à ce besoin. Dans ce contexte, on a conclu que le travail des installateurs était « essentiel » à l’exploitation continue du réseau de Bell. Au contraire, le travail effectué par les techniciens de Home Technology ne représente pas une activité continue qui contribue à l’exploitation continue du réseau de câblodistribution de Cogeco. Le passage suivant, tiré de Technical Service Solutions Inc. et reproduit entièrement au deuxième paragraphe de la page 26 de la présente décision, s’applique également à la présente affaire.

(traduction)

[67] Selon le Conseil, l’analyse de l’arbitre dans cette décision n’a pas tenu compte de la portée de l’entreprise fédérale en cause, comme il en a été question précédemment. L’arbitre a conclu que le raccordement d’un nouveau client au réseau au moyen d’un branchement à la résidence du client ne faisait pas partie de l’exploitation à proprement parler du réseau.

[68] L’avocat du syndicat a fait référence à une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), Phasecom Systems Inc., [2005] OLRB Rep. July/August 688, laquelle présente une analyse constitutionnelle plus convaincante, selon le Conseil.

[69] Dans Phasecom, la CRTO était saisie d’une demande d’accréditation présentée par les Teamsters afin de représenter un groupe d’installateurs d’antennes paraboliques employés par Phasecom. L’employeur installait des antennes paraboliques et de l’équipement connexe en application d’un contrat conclu avec Bell ExpressVu. Phasecom soutenait que ses activités étaient fondamentales à l’exploitation par Bell ExpressVu de son système de télévision par satellite.

[70] Dans Phasecom, il a été reconnu que les clients pouvaient installer eux-mêmes les antennes et l’équipement connexe ou demander au détaillant de s’occuper de l’installation pour eux. Lorsque Bell ExpressVu était le détaillant, elle confiait les travaux d’installation à des entreprises avec lesquelles elle avait conclu des contrats de sous-traitance. Phasecom était l’un des trois sous-traitants de Bell ExpressVu. Elle était chargée d’envoyer ses employés chez les clients de Bell ExpressVu. L’équipement installé appartenait à Bell ExpressVu. Parfois, Phasecom devait réparer ou remplacer des antennes paraboliques ou d’autre équipement de réception.

[71] La CRTO a examiné un certains nombre d’arrêts de la Cour suprême du Canada, notamment Northern Telecom no 2, précité, et Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754. Selon la CRTO, les faits en cause démontraient que Phasecom jouait un rôle fondamental dans les services d’entretien et de télévision par satellite fournis par Bell ExpressVu à ses clients. Les activités de Phasecom constituaient une partie continue et habituelle des activités de Bell ExpressVu, et elles ne pouvaient pas être qualifiées d’« occasionnelles » ou d’« exceptionnelles ». La CRTO a fait référence à l’arrêt Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, précité, de la Cour suprême du Canada, où l’employeur, une entreprise de construction, exécutait un seul projet « occasionnel » de construction de pistes d’atterrissage à l’aéroport de Mirabel. Ce projet n’était pas suffisant pour assujettir l’entreprise de construction à la compétence fédérale.

[72] Après avoir examiné la jurisprudence présentée par les parties et avoir résumé les faits constitutionnels dès le départ, le Conseil appliquera maintenant chacun des critères énoncés dans Northern Telecom no 1, précité, aux faits en cause dans la présente affaire.

1) La nature générale de l’exploitation de XL Digital en tant qu’« entreprise active »

[73] Comme on l’a été expliqué précédemment, l’exploitation de XL Digital consiste principalement à faire l’installation et l’entretien de câbles pour des câblodistributeurs. XL Digital a des exploitations à London, à Ottawa et à Kitchener. À chacun de ces endroits, XL Digital fournit des services d’installation et d’entretien de câbles exclusivement à Rogers. Ainsi, la nature générale de l’exploitation de XL Digital en tant qu’« entreprise active » est l’installation et l’entretien de câbles pour des câblodistributeurs.

2) La nature du lien entre XL Digital et Rogers

[74] Rien dans la preuve ne permet de croire que XL Digital appartient à Rogers. XL Digital est une filiale en propriété exclusive de Cancable, une entreprise constituée sous le régime des lois de l’Ontario. Depuis 2007, XL Digital fournit des services d’installation et d’entretien de câbles à London en application d’un contrat conclu avec Rogers. Le contrat initial avait une durée de trois ans, et il a été renouvelé pour une autre période de trois ans.

[75] Comme l’a souligné la Cour suprême dans Central Western Railway, précité, « ... [i]l en faut davantage que l'existence d'un lien matériel et des relations commerciales mutuellement avantageuses avec un ouvrage ou une entreprise à caractère fédéral pour qu'une compagnie soit assujettie à la compétence fédérale. » Ainsi, le seul fait que XL Digital ait conclu un contrat de services avec Rogers ne rend pas automatiquement le Code applicable à ce secteur. D’autre part, l’absence de lien entre les deux entreprises n’empêche pas de conclure qu’une exploitation qui fournit par ailleurs des services vitaux, essentiels ou fondamentaux à une entreprise fédérale relève de la compétence fédérale (voir Northern Telecom no 2, précité).

3) L’importance du travail effectué par XL Digital pour Rogers en comparaison avec les autres clients de Rogers

[76] Pour analyser ce critère, le Conseil doit se pencher sur les « activités normales et habituelles » de XL Digital en tant qu’« entreprise active ». Comme on l’a expliqué plus tôt, XL Digital travaille exclusivement et continuellement pour Rogers depuis 2007. Ses activités normales et habituelles sont les suivantes :

  1. l’installation de câbles et d’équipement connexe (prises, diviseurs, câbles et modems) et le dépannage et l’entretien de cet équipement pour les entreprises de câblodistribution;
  2. le branchement de l’équipement aux services de câblodistribution, de téléphonie et d’Internet fournis aux clients résidentiels par le câblodistributeur.

[77] Chaque jour, par l’intermédiaire du SGSE, Rogers assigne aux techniciens de XL Digital des tâches qui exigent que ceux-ci se rendent chez les clients de Rogers. Lorsqu’un technicien n’a aucune tâche à effectuer, il n’est pas assigné à une autre exploitation. Les techniciens travaillent seulement chez les clients de Rogers.

[78] On ne peut donc pas dire que XL Digital fournit seulement des services exceptionnels ou occasionnels à Rogers.

4) Le lien matériel et opérationnel entre XL Digital et Rogers dans le système de câblodistribution et d’Internet

[79] Selon le Conseil, les faits démontrent que XL Digital participe de façon importante aux activités de Rogers. Quoique XL Digital et Rogers n’occupent pas le même immeuble, les techniciens de XL Digital travaillent dans les locaux des clients de Rogers et entre la prise de distribution de Rogers et les résidences des clients de celle-ci, section qui, on l’a déjà dit, fait partie intégrante du réseau de Rogers.

[80] Le personnel de Rogers assigne directement les tâches aux techniciens au moyen du SGSE. Les techniciens de XL Digital doivent avoir des qualifications précises pour travailler sur le réseau de Rogers, et Rogers tient compte de ces qualifications lorsqu’elle assigne le travail aux techniciens au moyen du logiciel « CLICK ». Lorsqu’un technicien détecte un problème de signal à la prise de distribution, il communique avec Rogers, et celle-ci envoie un de ses propres techniciens régler le problème. Les techniciens de XL Digital sont chargés de diagnostiquer les problèmes de signal dans le réseau de Rogers, y compris ceux qui sont situés à la sortie. Conformément aux exigences de Rogers, les techniciens mettent à jour le statut de leurs tâches en temps réel au moyen du SGSE, ce qui permet à cette dernière d’informer ses clients de l’avancement des travaux.

[81] Lorsqu’un nouveau service est installé – par exemple, la télévision numérique –, le technicien connecte le récepteur digital au téléviseur du client, mais il communique ensuite avec Rogers pour que celle-ci installe le logiciel nécessaire à partir de la tête de réseau. Rogers télécharge le logiciel vers le système fourni au technicien pour configurer le récepteur numérique. L’information permettant de configurer le récepteur numérique (le spectre des canaux) est téléchargée dans l’ordinateur du technicien, qui l’entre ensuite dans le récepteur numérique. Rogers conserve le contrôle des services de télévision fournis par l’intermédiaire du récepteur numérique et elle peut retirer des services à partir de la tête de réseau, plutôt que d’être obligée de débrancher physiquement un câble, comme c’est le cas pour le service de télévision analogique. Selon le Conseil, cette preuve démontre que les techniciens de XL Digital interagissent de façon constante avec les employés de Rogers dans le cadre d’une activité continue qui contribue à l’exploitation de l’entreprise de câblodistribution de Rogers.

[82] De plus, les techniciens de XL Digital font plus que simplement brancher des clients au réseau de Rogers. Ils reçoivent aussi des commissions lorsqu’ils vendent des mises à niveau ou de nouveaux services aux clients de Rogers. Les techniciens sont chargés d’effectuer les réparations nécessaires lorsqu’un problème survient dans l’activé dans les locaux du client. Autrement dit, XL Digital effectue des tâches que Rogers doit faire pour que ses clients puissent recevoir et utiliser les services de radiodiffusion et de télécommunications. En fait, les techniciens de Rogers remplissent des fonctions semblables au sein de l’entreprise. L’horaire de tous les techniciens, qu’il s’agisse de ceux de XL Digital ou de ceux de Rogers, est géré au moyen du logiciel « CLICK ».

[83] Bien que XL Digital fournisse ses propres camionnettes, échelles, compteurs, ordinateurs portables et téléphones cellulaires à ses employés, elle doit fournir les câbles, les diviseurs et les autres outils en respectant les spécifications fixées par Rogers. Les appareils de télécommunication et de radiodiffusion comme les récepteurs numériques, les modems ou les appareils portatifs, sont fournis par Rogers, mais les clients peuvent les acheter ailleurs. Ce n’est pas XL Digital qui les fournit. Ainsi, XL Digital est souvent appelée à installer de l’équipement qui appartient à Rogers, auquel cas elle le reçoit de Rogers.

[84] Selon le Conseil, si les clients ne pouvaient pas recevoir des signaux de radiodiffusion ou de télécommunications à leur résidence, Rogers ne fournirait pas un service complet de radiodiffusion et de télécommunications. XL Digital permet aux clients de Rogers d’accéder aux services de câblodistribution et d’Internet de Rogers et elle assure la prestation de ces services dans le cadre d’une « entreprise active ».

[85] Tous les faits exposés ci-dessus montrent que les activités de XL Digital sont vitales, essentielles ou fondamentales à l’entreprise fédérale de Rogers. Le Conseil conclut que les activités exercées par XL Digital à London relèvent de la compétence fédérale. Par conséquent, le Conseil a compétence pour instruire la demande d’accréditation fondée sur l’article 24 du Code.

V – Conclusion

[86] En résumé, le Conseil conclut que les activités de XL Digital à London relèvent de la compétence fédérale. Par conséquent, le Conseil a la compétence constitutionnelle nécessaire pour trancher la demande d’accréditation.

[87] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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