Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Motifs de décision

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,
requérant,
et
Adecco Services de Ressources Humaines limitée; Services de gestion du courrier; Société canadienne des postes,
employeurs.

Dossier du Conseil : 25423-C

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,
requérant,
et

Adecco Services de Ressources Humaines limitée; Société canadienne des postes,
employeurs,
et

Alliance de la Fonction publique du Canada; Agence des services frontaliers du Canada,
parties intéressées.

Dossier du Conseil : 25453-C
Référence neutre : 2010 CCRI 528
Le 7 juillet 2010

Un banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil), composé de Me Douglas G. Ruck, c.r., Vice-président, ainsi que de MM. Daniel Charbonneau et Patrick J. Heinke, Membres, a étudié les demandes mentionnées ci-dessus. Des réunions de gestion de l’affaire ont eu lieu le 18 janvier 2006 et le 22 mars 2006. Le Conseil, en compagnie des avocats et des représentants des parties, a fait une visite du Centre principal d’acheminement, situé au 4567, chemin Dixie, à Mississauga, en Ontario, le 23 mai 2006. Des audiences ont eu lieu aux dates suivantes : le 28 février 2006; les 23 et 24 mai 2006; du 17 au 20 juillet 2006; les 2, 3 et du 8 au 11 août 2006; les 6, 7, 16, 17, 20 et 21 novembre 2006; du 18 au 21 décembre 2006; les 15 et 16 février 2007; les 7, 8 et du 13 au 16 mars 2007, au bureau du Conseil à Toronto.

Ont comparu

Me James Robbins, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;
Mes Roy C. Fillion, c.r., et Sharon L. Chilcott, pour la Société canadienne des postes et Services de gestion du courrier;
Mes John-Paul Alexandrowicz et Matthew J. Mihailovich, pour Adecco Services de Ressources Humaines limitée.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Douglas G. Ruck, c.r., Vice-président.

I – Nature des demandes

[1] Le 27 octobre 2005, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP ou le syndicat) a présenté une demande d’accréditation, en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code), à l’égard d’une unité d’employés d’un employeur qu’il a initialement qualifié de « service de gestion du courrier (SGM)/Adecco », et travaillant au Centre principal d’acheminement de la Société canadienne des postes (Postes Canada ou la SCP), 4567, chemin Dixie, à Mississauga, en Ontario (dossier no 25423-C). Par la suite, le 3 novembre 2005, le STTP a présenté une demande pour que le Conseil déclare que SGM/Adecco et la SCP constituent un employeur unique en vertu de l’article 35 du Code, au motif que le travail qu’accomplissent les employés faisant partie de l’unité visée est identique à celui qu’accomplissent des employés de la SCP que représente déjà le STTP (dossier no 25453-C).

[2] Le STTP a demandé que les demandes susmentionnées soient modifiées lorsqu’elle a constaté ultérieurement que SGM était essentiellement une division interne de la SCP, et non pas un employeur distinct. Se fondant sur cette information, le STTP a décrit l’unité de négociation comme suit : « tous les employés d’Adecco Services de Ressources Humaines limitée travaillant au Centre principal d’acheminement, 4567, chemin Dixie, à Mississauga, en Ontario » (traduction). Le syndicat a également appris qu’Adecco Services de Ressources Humaines limitée (Adecco) comptait aussi à Montréal et à Vancouver des employés qui exécutaient essentiellement les mêmes fonctions que celles qui étaient accomplies à Mississauga. Par conséquent, le 10 février 2006, le syndicat a demandé l’élargissement de l’unité de négociation visée dans sa demande d’employeur unique, de façon à englober les employés d’Adecco à Montréal et à Vancouver, en plus de ceux à Mississauga.

[3] Le 7 mars 2006, à la suite d’une réunion de gestion de l’affaire avec les parties, le Conseil a rendu sa décision dans Adecco/Mail Management Services, 2006 CCRI LD 1372, dans laquelle il a fait savoir aux parties notamment qu’il était convaincu qu’il y avait lieu d’élargir la portée de la demande présentée en vertu de l’article 35 de façon à inclure les services de Montréal et de Vancouver. Le 9 mai 2006, le syndicat a présenté deux autres demandes d’accréditation, à l’égard de deux unités distinctes d’employés d’Adecco à Montréal et à Vancouver, mais il a demandé au Conseil de garder ces demandes en veilleuse, comme ce dernier avait fait dans le cas des employés à Mississauga, en attendant que la demande de déclaration d’un employeur unique soit réglée.

II – Faits et contexte de la demande présentée en vertu de l’article 35

[4] L’audition de la présente affaire s’est étendue sur une période de 26 jours et les éléments de preuve obtenus, tant de vive voix que sous forme documentaire, ont été nombreux et volumineux. Les faits ne sont essentiellement pas contestés; les parties s’opposent plutôt à la façon d’interpréter les faits et à l’application correcte du Code dans la présente affaire. Le Conseil est convaincu qu’en l’espèce, les faits essentiels, dans la mesure où ils se rapportent au Centre principal d’acheminement à Mississauga, s’appliquent également, à part de légères différences, aux activités du Programme des importations postales assujetties à des droits de douane (PIPAD) à Vancouver et à Montréal. Le Conseil a examiné la totalité des éléments de preuve et des renseignements figurant au dossier et, par souci de concision, les faits et le contexte pertinents sont résumés ci-dessous.

[5] Le travail qu’exécutent les employés dans les trois unités en question est effectué dans le cadre d’un contrat de sous-traitance conclu par Adecco et Postes Canada (volume de pièces 10, onglet 172, pages RP300-RP380); cette dernière est elle-même assujettie à un contrat conclu avec l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). En date du 1er juillet 1992, le ministère qui a précédé l’ASFC – le ministère du Revenu national – a conclu une entente concernant le traitement et le dédouanement des importations postales (l’Entente sur les importations postales) avec Postes Canada en vue d’exécuter certaines fonctions, qui sont décrites plus en détail ci-après. Entre 1992 et 2004, la SCP avait confié ces fonctions en sous-traitance à une entreprise appelée Adminserv, une division de la Société internationale Livingston inc. Les services que fournissait Adminserv ont été décrits comme suit :

... toutes les fonctions de manipulation de colis et d’introduction de données associées à l’inspection secondaire de la totalité des importations postales, ce qui consiste, notamment, à aller chercher les conteneurs dans la zone de regroupement et à les amener à la zone d’inspection secondaire; à retirer les importations postales du conteneur et à les déposer sur un transporteur à bande; à apposer des codes à barres sur les importations postales; à scanner le code à barres de nouveau; à introduire par clavier les données de base; à sceller de nouveau les importations postales; à scanner une fois de plus le code à barres; à imprimer et à apposer les factures E14; à retirer les importations postales du transporteur à bande; à les trier en fonction des catégories de produits suivantes : courrier prioritaire, importations postales expédiées, importations portales de surface et importations postales recommandées; à déposer les importations postales dans un conteneur; à amener ce conteneur jusqu’au point de sortie. Ces fonctions sont toutes décrites plus en détail à l’annexe « B » ci-jointe.

(volume de pièces 9, page RP 30; traduction)

[6] Le Groupe de la gestion des produits internationaux (GPI) de la SCP était chargé de la gestion et de la surveillance du contrat de sous-traitance conclu avec Adminserv.

[7] Mme Stephanie Glover, gestionnaire, Gestion des douanes internationales et Communications (un élément du Groupe de la GPI), à la SCP, était chargée de superviser les relations entre l’ASFC et la SCP, à l’échelon tant national que local, ainsi que de veiller à ce qu’Adminserv respecte ses obligations, conformément aux dispositions de l’entente. Elle a déclaré que la SCP n’était pas tout à fait satisfaite d’Adminserv et avait des préoccupations au sujet des volumes de courrier, des coûts accrus, des plaintes de l’ASFC et du fait qu’Adminserv avait censément fait des démarches auprès de l’ASFC pour essayer d’obtenir le travail directement. Par conséquent, afin d’essayer de résoudre les préoccupations et d’introduire des mesures d’amélioration de la qualité et d’économie de coûts, le SGM a pris la relève du Groupe de la GPI et a assumé la responsabilité de la supervision du contrat de sous-traitance de la SCP concernant le PIPAD. Le SGM est devenu le point de contact local de l’ASFC aux trois installations et le Groupe de la GPI est demeuré le principal point de contact de la SCP pour l’ASFC à l’échelon national.

[8] M. Sylvio Da Ponti, directeur du SGM, a expliqué que celui-ci, en tant qu’unité fonctionnelle faisant partie de la SCP, avait été créé pour procurer à la SCP des revenus accrus en obtenant accès aux salles du courrier des clients grâce à la prestation sur les lieux de services de gestion du courrier. Selon M. Da Ponti, les services offerts par le SGM n’ont jamais fait partie du travail de l’unité de négociation, car ce travail a toujours été confié en sous-traitance à des entrepreneurs externes.

[9] À la suite de la délégation de pouvoirs au SGM, les fonctions qu’exerçait Mme Glovers à l’échelon local ont été confiées à quatre personnes : Mme Rhonda Dagenais, gestionnaire du PIPAD national, M. Randy French, gestionnaire du Centre d’approvisionnement du SGM, M. Narinder Kang, à Vancouver, et M. André Morin, à Montréal. De plus, la SCP a publié une demande de propositions (volume de pièces 14, onglet 281, page RP1180) en ce qui avait trait au travail. Adecco y a répondu (volume de pièces 13, onglets 276-278) et, en date du 1er juillet 2004, c’est elle qui a remplacé Adminserv à titre de sous-traitant de la SCP pour les services décrits ci-dessus.

[10] Selon la SCP, l’ASFC (autrefois le volet « Douanes » de l’Agence des douanes et du revenu du Canada) est chargée, notamment, du traitement des importations postales (courrier international) au moyen d’un processus de dédouanement que la SCP désigne sous le nom de PIPAD. Certaines fonctions de ce programme, notamment l’introduction des données et la manipulation du matériel, ont été confiées en sous-traitance par l’ASFC à la SCP. Cette dernière a, à son tour, donné ces fonctions en sous-traitance à Adecco.

[11] Les camions qui livrent le courrier international aux trois installations de la SCP (appelées « point d’entrée » à des fins douanières) sont déchargés par des employés de la SCP qui font partie de l’unité de négociation existante du STTP. Ce courrier est déposé sur des transporteurs à bande par les travailleurs du STTP et amené de cette façon jusqu’à des employés de l’ASFC qui le soumettent à une inspection primaire. Cette inspection est définie dans l’Entente sur les importations postales comme suit : « l’inspection initiale de toutes les importations postales d’arrivée afin de déterminer s’il est nécessaire de les soumettre à une inspection secondaire » (volume de pièces 9, onglet 160, page RP2; traduction). Le courrier international dédouané par l’ASFC au stade de l’inspection primaire est renvoyé dans le circuit postal général, où des membres du STTP s’en chargeront. Cependant, lorsqu’une importation postale est « interceptée » par l’ASFC, elle est retirée du circuit postal général afin d’être inspectée plus en détail dans une zone sécurisée, appelée « zone d’inspection secondaire des douanes ». Selon l’Entente sur les importations postales, l’inspection secondaire est l’« inspection détaillée d’une importation postale en vue de la prise de mesures d’application de la loi ou de la détermination du taux de la taxe d’accise et des droits applicables » (volume de pièces 9, onglet 160, page RP2; traduction). Les colis sont déplacés de la zone d’inspection primaire à la zone d’inspection secondaire par un transporteur à bande, ou déposés dans un monoteneur et transportés au moyen d’un chariot élévateur à fourches et d’un ascenseur par des employés de la SCP membres du STTP. Il s’agit des seuls employés de la SCP qui ont accès aux zones sécurisées d’inspection secondaire des douanes; ces employés retirent aussi les colis de la zone secondaire une fois que ces derniers ont été traités.

[12] En revanche, les employés d’Adecco travaillent exclusivement dans la zone sécurisée d’inspection secondaire. Quand les colis interceptés entrent dans cette zone, ils sont retirés du transporteur à bande ou des monoteneurs par les employés d’Adecco, qui y apposent une étiquette de code à barres CU et qui scannent le code à barres de façon à ce que l’ASFC puisse faire le suivi des colis et des droits de douane applicables. Les employés d’Adecco introduisent ensuite le nom et l’adresse des expéditeurs et des destinataires (c’est ce qu’on appelle les données de base) dans un système informatique de l’ASFC. Ils déposent par la suite les colis sur un transporteur à bande afin que des agents des douanes puissent les inspecter et fixer les droits applicables. Une fois que ces agents ont inspecté les colis et imposé les droits applicables, le cas échéant, ils les déposent sur un transporteur à bande qui les amène jusqu’à la zone d’enlèvement. L’employé d’Adecco qui reçoit les colis les scelle de nouveau, s’ils ont été ouverts par un agent des douanes en vue de les inspecter, scanne l’étiquette de code à barres CU et détermine s’il y a des droits à payer. Dans l’affirmative, il se sert du système informatique de l’ASFC pour faire imprimer une étiquette indiquant le montant des droits à payer et il appose cette étiquette (facture E14) sur les colis. Si l’agent des douanes a déterminé qu’il n’y avait aucun droit à payer, l’employé d’Adecco retire l’étiquette de code à barres CU.

[13] Le colis inspecté est ensuite déplacé par le transporteur à bande et il est trié en fonction du type de produit; il est possible que le colis quitte la zone d’inspection secondaire sur un transporteur à bande ou dans un monoteneur afin d’être renvoyé dans le circuit postal général, où il sera traité par des employés de la SCP membres du STTP pour être expédié à son lieu de destination. Ces employés ont également pour tâche de percevoir les droits à payer sur le courrier international qu’ils livrent.

[14] Au centre principal d’acheminement, outre la zone d’inspection secondaire située au deuxième étage, il y a au premier étage une zone désignée, enclose par une cage de métal, pour la manipulation d’un produit de la SCP à délai de livraison critique, appelé « service du courrier accéléré » (SCA). L’accès à cette zone est restreint et surveillé par l’ASFC. Toutes les personnes qui travaillent dans la zone d’inspection secondaire et dans le SCA doivent détenir une attestation de sécurité. 

[15] Avant 1992, toutes les fonctions liées à l’inspection et au classement des importations postales, y compris l’introduction des données de base et la manipulation du matériel qui se faisaient dans la zone d’inspection secondaire, étaient exécutées par des agents des douanes. De plus, avant 1992, les importations postales pour lesquelles il y avait des droits n’étaient pas livrées au destinataire par des employés de la SCP; ces derniers livraient plutôt un avis indiquant au destinataire qu’il devait se présenter à l’installation postale du point d’entrée et acquitter les droits requis avant que l’importation postale lui soit remise.

[16] Il y a une distinction importante entre la façon dont Adminserv faisait le travail et la manière dont Adecco procède aujourd’hui : le travail de scannage additionnel qui se déroule au point d’enlèvement, appelé « scannage de gestion d’événements », « scannage SAP » ou « scannage associatif ».

[17] Le scannage associatif a été mis en oeuvre comme moyen d’identifier ou de jumeler le code à barres de l’administration postale étrangère au code à barres CU, car ce n’était que sur ce dernier qu’était encodée l’invite à percevoir des droits. C’est donc dire que, si la facture E14 ne se trouvait pas sur un colis ou si le code à barres CU n’avait pas été scanné au point d’entrée et de livraison, il n’y avait pas d’invite à percevoir des droits. La SCP signale que, avant l’introduction de la technique du scannage associatif, cet oubli a donné lieu à une perte de plus de 5 millions de dollars en fonds non récupérés. Lorsqu’on jumelle le code à barres de l’administration postale étrangère au code à barres CU, l’invite à percevoir des droits apparaît, quel que soit le code à barres qui a été scanné.

[18] Le contrat d’Adminserv a été modifié de façon à inclure la technique du scannage associatif en 2003 (volume de pièces 9, onglet 164, page RP208), mais il n’est pas entré en vigueur immédiatement, en attendant de plus amples discussions avec l’ASFC. En 2006, l’ASFC a convenu que toutes les importations postales pouvaient être soumises au scannage associatif.

[19] Le contrat d’Adminserv s’appliquait à un projet particulier, mais celui d’Adecco contient des dispositions qui prévoient la fourniture de ressources ayant trait à de nombreux contrats au sein de la SCP qui s’appliquent à des groupes opérationnels différents. Il vaut également la peine de mentionner qu’Adminserv recevait un montant mensuel établi en fonction du nombre d’unités traitées, de pair avec un montant mensuel fixe. Le contrat autorisait également Adminserv à facturer à la SCP tous les articles consommables achetés, avec une majoration. Dans le cas d’Adecco, le contrat prescrit que le paiement est établi en fonction du nombre d’heures de travail facturées et il indique le taux de facturation qui s’applique aux diverses classifications. Le taux qu’Adecco facture à Postes Canada inclut une majoration de prix et des frais administratifs. Les employés qui travaillent dans la zone d’inspection secondaire des douanes reçoivent d’Adecco, par l’entremise de la Sun Life, les mêmes avantages que ceux qu’elle offre à ses autres employés. La SCP fournit le matériel et les articles consommables que fournissait auparavant Adminserv.

[20] Quand le contrat a été adjugé à Adecco, Mme Joanne Stewart, directrice nationale des comptes d’Adecco, a établi un plan de transition dans lequel il a été envisagé qu’Adecco ferait des offres d’emploi aux employés d’Adminserv déplacés. Des dispositions ont été prises pour que des représentants d’Adecco et de Postes Canada visitent les installations du PIPAD, présentent Adecco aux employés touchés et les invitent à présenter une demande d’emploi à Adecco. Selon Mme Stewart, le plan de transition a été mis en place afin de réduire le plus possible les perturbations dues au changement d’entrepreneurs.

[21] Le Conseil a également entendu de nombreux témoignages à propos des fonctions et des responsabilités des responsables et superviseurs sur place d’Adecco, relativement aux activités menées au jour le jour aux installations du PIPAD. Leurs fonctions principales peuvent être résumées comme suit :

  • planifier et déterminer le nombre de ressources d’Adecco qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs de production;
  • planifier et doter en personnel les postes supplémentaires, au besoin;
  • fixer des objectifs de rendement individuels;
  • surveiller et évaluer le rendement des employés d’Adecco qui travaillent au sein du PIPAD;
  • assurer la liaison avec le coordonnateur de la dotation en personnel d’Adecco en vue d’obtenir de nouvelles ressources et de mettre fin à l’affectation des ressources qui ne répondent pas aux normes de productivité d’Adecco;
  • surveiller la présence des employés d’Adecco;
  • procéder à des examens de rendement annuels;
  • donner de la formation en cours d’emploi;
  • s’occuper des questions de nature disciplinaire.

[22] Les responsables sur place ont également pour tâche de surveiller les niveaux de stock dans la zone d’inspection secondaire, ainsi que le niveau de production quotidienne. Si les niveaux de production sont inférieurs aux objectifs fixés, Adecco doit rajuster les niveaux de dotation et les ressources. Les registres quotidiens concernant les volumes traités à l’heure constituent les rapports hebdomadaires sur les procédures opérationnelles (RHPO) (volume de pièces 3, onglet 90, page 1024) qui sont présentés chaque semaine aux gestionnaires du SGM. Le RHPO permet à ces derniers de déterminer et d’évaluer le niveau de service que fournit Adecco, conformément aux clauses de son contrat. En plus du RHPO, les responsables sur place fournissent aussi aux gestionnaires du SGM des rapports hebdomadaires de contrôle de la qualité (RHCQ) (volume de pièces 3, onglet 90, page 1025) ainsi que des feuilles de temps.

[23] Comme il a été mentionné plus tôt, les gestionnaires du SGM surveillent le rendement d’Adecco en ce qui a trait au contrat de sous-traitance relatif au PIPAD. Le rôle et les fonctions de M. French ont fait l’objet d’un examen particulier, et son interrogatoire principal ainsi que son contre-interrogatoire ont été longs et détaillés.

[24] M. French est chargé du PIPAD au Centre principal d’acheminement, ainsi que du PIPAD national. Le temps qu’il passe au Centre principal d’acheminement et les personnes avec lesquelles il communique dépendent, semble-t-il, du but de sa visite. Cependant, pendant une brève période au cours de laquelle on construisait son bureau à Aurora, il a travaillé au Centre principal d’acheminement.

[25] M. French rencontre Mme Stewart, comme il dit, au besoin. Leurs réunions, a-t-il déclaré, ont souvent trait à des questions de dotation en personnel et, en particulier, l’absence d’employés détenant une attestation de sécurité pour exécuter le travail de l’ASFC. Il a aussi déclaré qu’il s’entretenait à l’occasion avec le coordonnateur de la dotation en personnel d’Adecco à propos de questions semblables.

[26] M. French rencontre régulièrement la gestionnaire du service d’Adecco qui est chargée des activités relatives au PIPAD du Centre principal d’acheminement et, aussi, il la rencontre ou discute avec elle au besoin, au sujet de diverses questions. Ils discutent généralement du rendement d’Adecco dans le cadre du contrat et possiblement de questions de qualité, de production et d’environnement. M. French a déclaré qu’il était en mesure de surveiller le rendement d’Adecco en consultant chaque semaine le RHPO et le RHCQ. Il a également déclaré que, en comparant le nombre total des heures indiquées sur les feuilles de temps hebdomadaires aux heures indiquées dans le RHPO, il pouvait voir ce qu’Adecco facturait à la SCP pour ses services.

[27] M. French a déclaré qu’une part importante de ses fonctions consistait à donner suite en temps opportun aux plaintes de l’ASFC. Il a ajouté qu’il rencontre des représentants de l’ASFC pour discuter des besoins de dotation en personnel pendant les vacances et les occasions où il est prévu que la charge de travail augmentera.

[28] La question des courriels dans lesquels le nom de M. French apparaît dans la ligne des destinataires ou celle des personnes qui reçoivent une copie a elle aussi été examinée attentivement. Environ 66 courriels portant sur des questions de remplacement de personnel ont été déposés en tant que pièce, et le nom de M. French apparaît dans 37 d’entre eux. Par exemple, dans le courriel qui se trouve dans le volume de pièces 3, onglet 85, pages 861 et 863, un superviseur sur place signale qu’un employé d’Adecco ne s’est pas présenté au travail et qu’il ne devrait pas revenir. Environ une semaine plus tard, un superviseur d’Adecco fait la même demande. En réponse, semble-t-il, au courriel du superviseur, M. French demande si cette question a été réglée (volume de pièces 3, onglet 85, page 863).

[29] Dans une chaîne de courriels qui se trouve dans le volume de pièces 3, onglet 85, page 870, il est question d’un employé d’Adecco qui ne détient pas l’attestation de sécurité requise. M. French répond au courriel et indique que cette personne doit quitter les lieux sans délai.

[30] Le nom de M. French apparaît aussi dans des courriels concernant le congédiement ou le remplacement possible de certains employés d’Adecco. Dans le volume de pièces 3, onglet 85, page 856, M. French, en réponse à des courriels concernant deux employés qui demandent un congé prolongé à cause d’une situation familiale d’urgence, écrit au coordonnateur de la dotation en personnel : « Nous n’allons pas attendre deux ou trois mois pour une réponse à la question initiale. Veuillez les retirer de leur affectation » (traduction). Dans le même ordre d’idées, en septembre 2005, le nom de M. French figurait sur une liste de diffusion de courriels concernant un employé d’Adecco qui ne s’était pas présenté au travail (volume de pièces 3, onglet 85, page 864). M. French est intervenu à cet égard en envoyant un courriel aux personnes dont les noms figuraient sur la liste de diffusion pour leur rappeler la politique d’Adecco : « Après 3 réprimandes, c’est la porte! » (traduction).

III – Position des parties

A – Le syndicat

[31] Le syndicat est d’avis que les employés d’Adecco sont en fait au service de la SCP ou, subsidiairement, de la SCP et d’Adecco à titre d’employeur unique. Le syndicat soutient que les employés en question sont régis à juste titre par la convention collective SCP/STTP en vigueur, en ce sens que les employés d’Adecco travaillent dans les mêmes installations que ceux de la SCP et qu’ils effectuent le même genre de travail. Le STTP fait remarquer qu’il a présenté un grief en vertu de sa convention collective à la SCP pour ne pas avoir appliqué les dispositions de la convention aux employés d’Adecco.

[32] Le STTP soutient que le PIPAD est géré conjointement par la SCP et Adecco, comme en témoigne le fait que les gestionnaires de la SCP communiquent tous les jours avec les superviseurs sur place d’Adecco pour leur donner des instructions, et que la SCP fournit tous les conseils ainsi que toutes les directives et instructions sur la manière d’accomplir le travail. En outre, le STTP affirme qu’Adecco embauche ses employés d’une manière conforme aux directives et aux recommandations de la SCP et que la SCP teste les capacités de dactylographie du personnel chargé de l’introduction des données et congédie les employés d’Adecco dont le rendement est mauvais. Le syndicat soutient que la SCP fournit les scanneurs qu’utilisent les employés du PIPAD pour le courrier express, le courrier général et le courrier recommandé, et qu’elle procure également le mobilier, le matériel et les fournitures dont se servent les employés d’Adecco, de même que l’installation où ils travaillent. Il ajoute que la SCP et Adecco modifient les horaires de travail et planifient les heures supplémentaires de façon conjointe. Il soutient que la SCP s’occupe de la surveillance quotidienne des employés d’Adecco et que le travail de ces derniers est intégré aux activités de la SCP. Il ajoute que les employés d’Adecco présents au Centre principal d’acheminement portent un insigne qui indiquent qu’ils travaillent à « Postes Canada - Bureau de change Toronto » et que cet insigne est identique à celui que portent les employés à plein temps de la SCP.

[33] Le STTP soutient que, contrairement à son prédécesseur Adminserv, qui fournissait des services précis tels que des services d’introduction de données, d’expédition et de mise à la poste, etc., Adecco est juste une simple agence de placement qui recrute et fournit du personnel temporaire, qu’elle n’oeuvre pas dans le domaine de l’expédition, de la mise à la poste ou de l’introduction de données, et que la SCP joue un rôle important dans la direction et le contrôle des employés d’Adecco. Le syndicat allègue qu’Adecco et la SCP sont « associées ou connexes » en vertu du contrat qu’elles ont conclu entre elles. Il prétend que le processus de « renvoi à un échelon supérieur » (traduction) qui est décrit dans le contrat conclu par la SCP et Adecco témoigne de la direction et du contrôle qu’elles exercent en commun. L’« Annexe G - personnes clés et processus de renvoi à un échelon supérieur » du contrat (volume de pièces 10, onglet 172, page 380; traduction) indique ce qui suit, à la clause no 3 :

3. Postes Canada – Processus de renvoi à un échelon supérieur du SGM

Nous avons établi le processus de renvoi à un échelon supérieur qui suit afin de contrôler la qualité du service d’Adecco et de nous assurer que nous répondons aux attentes de notre client.

a. Appel – le coordonnateur de la dotation en personnel appelle le client dans les 30 minutes qui suivent le moment où la commande est passée ou dans les 24 heures suivantes si la commande doit être exécutée plus d’une semaine plus tard.

b. Mise à jour – si, dans les deux heures suivantes, nous constatons que nous ne serons pas en mesure d’exécuter la commande à temps (dans le cas d’une commande à exécuter le lendemain), le coordonnateur de la dotation en personnel renvoie la commande à son gestionnaire de service. Ce dernier « transmet » ensuite la commande aux « bureaux privilégiés ». Il s’agit des bureaux situés dans un rayon de 30 milles du service d’origine; p. ex., c’est ce qui se produirait fort probablement, surtout si nous recevons une commande de 20 personnes un vendredi après-midi et si nous voulons être sûrs que la commande sera exécutée.

c. Renvoi à un échelon supérieur – si, dans un délai raisonnable, par exemple avant le lendemain dans le cas d’une demande non complexe, il nous est toujours impossible d’exécuter la commande, le gestionnaire du service renvoie le problème à l’équipe du projet Adecco à Ottawa pour obtenir des conseils. Les suggestions peuvent consister à appeler d’autres agences de dotation dans la région, ou à appeler des associés ayant fait l’objet d’une enquête de sécurité qui se trouvent dans une autre région pour qu’ils viennent travailler, si la situation l’exige. Cette mesure doit être approuvée par le directeur, Programmes clients pour la SCP.

(traduction)

Le syndicat prétend que, même s’il est possible que la SCP qualifie la clause qui précède de moyen rapide de résoudre un problème, une description plus précise est la suivante : « processus contractuel pour une gestion commune » (traduction).

[34] Pour ce qui est de la protection de ses droits de négociation, le syndicat soutient que la restructuration que la SCP a effectuée en 1992 pour son courrier international a entraîné l’élimination d’une partie du travail d’unité de négociation qui était confié à contrat à Adminserv. Selon le syndicat, après qu’Adminserv a pris en charge le travail, les employés de la SCP ne livraient plus les cartes indiquant aux clients que le bureau de poste avait en main un colis qui leur était destiné, car la SCP avait mis fin à la pratique de notification. En outre, le travail de manipulation du courrier avant l’inspection a été réduit, tout comme le nombre d’endroits où l’on procédait à ces inspections. Avant le 1er juillet 2004, Adminserv fournissait les services de gestion et faisait appel au service de travailleurs temporaires de différentes agences, dont Adecco, vers la fin de son contrat. Après le 1er juillet 2004, la SCP a fourni les services de gestion par l’entremise du SGM et a « transféré » l’effectif existant à Adecco. Le syndicat soutient que rien n’empêche la SCP de résilier son contrat avec Adecco, de « transférer » ses employés à un autre fournisseur de services et de mettre ainsi fin aux droits qu’ont les employés d’être représentés par un syndicat.

[35] Le STTP fait une distinction entre la sous-traitance complète du service, par la SCP, à Adminserv en 1992, et la situation actuelle dans laquelle Adecco, allègue le syndicat, ne fait que fournir des employés pour accomplir un travail que des membres du STTP faisaient avant 1992.

[36] Le STPP soutient que la SCP a reconnu qu’il y avait une démarcation claire des responsabilités entre cette dernière et l’ASFC. Il ressort clairement de la preuve que les autorités douanières sont chargées des inspections et que la SCP s’occupe du traitement et de la perception des droits. Les employés de la SCP et d’Adecco introduisent les données de base, ce qui est une tâche que l’ASFC n’a pas accomplie depuis 1992. Ce sont les employés de la SCP et d’Adecco qui ont pour tâche de déposer les colis sur les transporteurs à bande pour que les autorités douanières les inspectent. De plus, le syndicat soutient que l’intégration du travail comporte une gestion pratique détaillée des employés qui s’occupent du traitement secondaire, notamment le scannage SAP, introduit au stade du traitement secondaire pour les propres besoins de la SCP, afin d’éviter de facturer des frais pour les retards subis lors du traitement douanier.

[37] Le STTP prétend que la situation actuelle n’est pas propice à de bonnes relations du travail, car il est illogique que du travail identique d’unité de négociation soit effectué à une extrémité du transporteur à bande par des employés assujettis à la convention collective STTP-SCP et à l’autre extrémité du transporteur par des employés de la SCP/Adecco à faible revenu.

[38] Le syndicat admet qu’il est difficile d’imputer les pertes d’emploi à un seul facteur, mais il dit que l’unité de négociation a rapetissé au fil des ans. Selon le syndicat, la seule raison pour laquelle l’unité n’est pas plus petite est qu’elle a fusionné avec l’unité des facteurs. Pour ces motifs, le Conseil devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du STTP, ainsi qu’en faveur des employés d’Adecco.

[39] Le STTP soutient que les cinq critères que le Conseil a établis dans de nombreuses affaires pour déterminer l’existence d’un employeur unique, au sens de l’article 35 du Code, sont manifestement satisfaits en l’espèce. Comme il est indiqué dans PLH Aviation Services Inc., 1999 CCRI 37, le Conseil doit être convaincu que :

  1. l’exploitation comporte une pluralité d’entreprises;
  2. les entreprises en question sont de compétence fédérale;
  3. les entreprises sont associées ou connexes;
  4. les entreprises sont des employeurs au sens du Code;
  5. ces employeurs dirigent ou contrôlent en commun l’exploitation en question.

[40] Le STTP soutient que le Conseil peut conclure que deux entreprises ou plus sont associées ou connexes pour l’application des dispositions relatives aux employeurs uniques du Code du fait de leurs ententes contractuelles. C’est par l’application et la mise en oeuvre des clauses du contrat que les entreprises acquièrent une direction et un contrôle communs, même en l’absence d’une propriété conjointe (S.U.T. section local 279 c. Commission de Transport Régionale d’Ottawa-Carleton, [1989] A.C.F. No 416; 104 N.R. 189 (C.A.F.). Le syndicat ajoute que la preuve étaye sa prétention selon laquelle l’accord SCP/Adecco témoigne d’un niveau de gestion conjointe qui dénote que les deux dirigent et contrôlent l’exploitation en commun.

[41] Le syndicat soutient que le Conseil, en se fondant sur la preuve qui lui a été présentée, peut déclarer que l’un des employeurs est l’employeur véritable ou réel d’un groupe d’employés dans le cadre d’une demande d’employeur unique. Les facteurs qu’il faut prendre en considération pour déterminer qui est le véritable employeur sont ceux qui sont exposés dans Nationair(Nolisair International Inc.) (1987), 70 di 44; et 19 CLRBR (NS) 81 (CCRT no 630) :

  1. la réalité;
  2. le contrôle exercé sur l’accès à l’emploi;
  3. la détermination des conditions de travail;
  4. l’exécution du travail au jour le jour;
  5. d’autres éléments, tels que les perceptions des employés, l’intégration des employés à l’entreprise et le degré de permanence de leur emploi.

(pages 74-75)

[42] Le STTP prétend que, lorsqu’on examine une relation tripartite, le critère clé est le « contrôle fondamental » qui est exercé sur les employés en cause (Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015). Si, comme c’est le cas en l’espèce, l’agence de placement est un simple intermédiaire ou s’il a une certaine similitude avec un service interne des ressources humaines, c’est alors l’organisme hôte, et non pas l’agence, qui sera considéré comme le véritable employeur.

[43] Le STTP soutient également que le Conseil n’a jamais eu pour pratique de rejeter une demande fondée sur l’article 35 à cause d’un retard dans la présentation de la demande.

B – Société canadienne des postes

[44] Postes Canada est d’avis que les employés de l’unité proposée sont au service d’Adecco et elle nie que le travail exécuté est identique à celui qu’accomplissent les employés de la SCP membres du STTP, en ce sens que ce sont ses propres employés qui s’occupent de trier et de livrer le courrier, tandis que ceux d’Adecco exécutent le travail de nature douanière pour le compte de l’ASFC dans le cadre d’un contrat de sous-traitance conclu avec la SCP. Postes Canada nie qu’elle exerce un contrôle sur l’embauche, la supervision, la rémunération ou les mesures disciplinaires qui se rapportent aux employés d’Adecco, qu’elle leur fournit des conseils, des directives et des instructions sur la manière d’exécuter le travail ou qu’elle contrôle conjointement, avec Adecco, les horaires de travail des employés d’Adecco et les heures supplémentaires qu’ils doivent effectuer. Elle nie exercer un contrôle ou une direction quelconque sur les employés d’Adecco, mais elle admet que ses gestionnaires, dans les trois installations en question, communiquent de temps à autre avec les superviseurs sur place d’Adecco pour surveiller et administrer efficacement le contrat.

[45] En ce qui concerne la demande présentée en vertu de l’article 35 du Code, la SCP soutient qu’Adecco et elle ne sont pas des entreprises associées ou connexes, car la relation qu’elles entretiennent est simplement de nature contractuelle et qu’elles ne sont pas exploitées sous une direction ou un contrôle communs. Elle fait valoir que le Conseil ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire en faisant une déclaration en vertu de l’article 35, parce que le STTP a, entre autres choses, tardé à en faire la demande alors qu’il savait depuis 1992 que la SCP avait confié en sous-traitance le travail de nature douanière. Postes Canada prétend également qu’Adecco travaille pour l’ASFC, qui est régie par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la LRTFP), et non par le Code, et, de ce fait, tout sous-traitant qui exécute du travail pour l’ASFC est forcément assujetti aussi à la LRTFP. La SCP soutient donc que, étant donné qu’en vertu de l’article 35 du Code, les deux employeurs pour lesquels on demande une déclaration doivent être régis par le Code, le Conseil n’a pas la compétence pour faire droit à la demande.

[46] La SCP nie qu’elle fournit tout le matériel nécessaire pour que les employés d’Adecco exécutent leur travail et elle indique plutôt que ce matériel est fourni par l’ASFC et la SCP. Quant à l’insigne d’identité que portent les employés d’Adecco, la SCP soutient qu’il ne dénote pas que la SCP exerce un contrôle, mais plutôt qu’il permet aux employés d’entrer dans les installations; sans cela le personnel de sécurité les empêcherait de le faire.

[47] La SCP soutient qu’il est indispensable de garder à l’esprit la nature et la répartition du travail qu’effectue l’ASFC dans l’installation postale. Il incombe à l’ASFC de traiter les importations postales au moyen d’un processus de dédouanement appelé « PIPAD ». Le processus de sélection qui est appliqué dans les points d’entrée (Centre principal d’acheminement, Montréal et Vancouver) comporte deux niveaux. Quand une importation postale arrive au point d’entrée, un membre du STTP l’amène jusqu’à un transporteur à bande afin qu’un agent de l’ASFC procède à son inspection primaire et décide s’il faut effectuer une inspection additionnelle. Si l’agent de l’ASFC décide que l’importation postale nécessite une inspection additionnelle, cette importation est dirigée vers la zone d’inspection secondaire. La SCP souligne que les membres du STTP n’ont jamais travaillé dans la zone d’inspection secondaire.

[48] La SCP demande que le Conseil ne fasse pas abstraction de la réalité de la situation, en ce sens que l’exploitation est formée de deux grandes entreprises, dont une fournit de la main-d’oeuvre à l’autre. Si le Conseil souscrit à l’argument du STTP quant à l’existence d’un employeur unique, cela entraverait les opérations commerciales des deux entreprises et procurerait au STTP non pas du travail de nature postale, mais du travail de l’ASFC. La SCP ajoute qu’à part l’aspect technique de l’affaire, pour que le Conseil puisse faire droit à la demande du syndicat en l’espèce, il devrait exister pour cela une raison impérieuse en matière de relations du travail.

[49] Au dire de la SCP, il est possible de résumer la situation comme suit :

  • le travail qu’exécutent les employés d’Adecco n’a jamais été du travail d’unité de négociation pour l’unité du STTP;
  • ce travail n’a jamais été demandé par le STTP, sous quelque forme que ce soit;
  • ce travail a toujours été fait ouvertement, de sorte que le STTP devait en être conscient depuis 1992;
  • les colis ne sont pas du ressort de la SCP dans la zone d’inspection secondaire et ne sont renvoyés à la SCP qu’après que l’ASFC les a dédouanés;
  • l’ASFC peut mettre fin au contrat dans un délai de 120 jours;
  • l’ASFC est la seule partie qui est détenteur du travail.

[50] Pour la SCP, le travail qu’accomplissent les employés d’Adecco est intégré à celui des employés de l’ASFC.

[51] La SCP rejette l’argument du STTP selon lequel elle était chargée de fixer les tarifs qu’Adecco facturait. À l’appui de sa position, la SCP s’est fondée sur le témoignage de Mme Stewart selon lequel c’était elle, pour le compte d’Adecco, qui avait fixé le taux horaire et le taux de facturation contenus dans la proposition financière d’Adecco (volume de pièces 13, onglet 276, page RP1152). Mme Stewart a déclaré que, après que la proposition d’Adecco a été retenue, cette dernière a rencontré le Service d’approvisionnement de la SCP pour négocier le taux de facturation proposé. Elle a ajouté que le taux de facturation a été réduit, mais que le taux horaire n’a pas changé par rapport à celui qu’Adecco avait proposé. Mme Stewart a ajouté qu’il en était de même pour le taux horaire indiqué dans toutes les prorogations de contrat subséquentes.

[52] En ce qui concerne son rôle dans la transition d’Adminserv à Adecco, la SCP soutient que son rôle et sa participation consistaient à aider à favoriser une transition sans heurts, ce qui était dans l’intérêt de tous. À son avis, cela était particulièrement important, car le contrat conclu avec Adminserv avait suscité des problèmes et il était donc nécessaire de montrer qu’on appuyait le changement.

[53] Quant à l’argument selon lequel M. French s’occupait directement de questions liées à la dotation en personnel, la SCP dit que, dans la mesure où cela s’est produit, on s’en tenait aux situations précises suivantes :

  1. Lorsqu’on se préoccupait du fait qu’Adecco ne s’acquittait pas des clauses de son contrat avec la SCP et ne fournissait pas en temps opportun un bassin de ressources qualifiées détenant une attestation de sécurité.
  2. Quand il était informé par l’ASFC et la SCP du besoin d’effectuer des quarts de travail prolongés pendant les périodes de vacances. M.French transmettait l’information aux responsables et superviseurs sur place d’Adecco afin qu’ils puissent rajuster leurs horaires en conséquence.
  3. Quand l’ASFC se plaignait du rendement d’Adecco.

[54] Quant au fait que le nom de M. French figure sur la liste de diffusion d’environ 37 courriels concernant des remplacements de personnel (volume de pièces 3, onglet 85, page 851), la SCP soutient qu’il n’avait pas demandé à être inclus dans ces listes et qu’il ne prévoyait pas devoir prendre une mesure quelconque parce qu’il recevait les courriels. La SCP signale que, sur les cinq courriels auxquels M. French avait effectivement répondu, cela s’était produit quand le sujet traité était un élément ou un aspect crucial du contrat que la SCP avait conclu avec l’ASFC. Par exemple, lorsqu’un employé se trouvait sur les lieux sans l’attestation de sécurité requise (volume de pièces 3, onglet 85, page 870), M. French, comme il était tenu de le faire conformément au contrat, faisait savoir que l’employé devait quitter les lieux sans délai. Postes Canada soutient cependant que les gestionnaires du groupe SGM n’ont aucun rôle à jouer dans l’évaluation du rendement des employés, pas plus qu’ils ne prennent part au processus d’examen de rendement annuel, et que ces questions sont du ressort exclusif d’Adecco.

[55] La SCP prétend que l’autorisation qu’on exige des gestionnaires du SGM sur les feuilles de temps d’Adecco est un « processus suivi pour la forme » (traduction) qui satisfait au processus de vérification interne d’Adecco. Il arrive parfois, selon la SCP, que les feuilles de temps soient modifiées après avoir été approuvées et doivent être signées à nouveau (volume de pièces 4, onglet 91, page 1133). La SCP signale qu’il était nécessaire et attendu que M. French, chaque semaine, compare les feuilles de temps hebdomadaires au nombre total d’heures indiqué dans le RHCQ, qui indique les volumes traités à l’heure. Il incombait à M. French de fixer ces volumes en fonction des données chronologiques et de ses propres observations sur les volumes traités dans le cadre du PIPAD. De cette façon, il était capable de mesurer le rendement d’Adecco.

[56] La SCP rejette l’affirmation du STTP selon laquelle la façon dont elle gère le contrat d’Adecco dénote l’existence d’une propriété et d’un contrôle communs du travail. Elle est d’avis que la façon dont les gestionnaires du SGM contrôlent et évaluent le rendement d’Adecco est conforme à l’entente contractuelle et que cela n’étaye pas l’existence d’une entente de type employeur unique. Elle soutient que M. French, en sa qualité de gestionnaire chargé du PIPAD au Centre principal d’acheminement ainsi que du PIPAD national, était tenu de communiquer de façon fréquente avec Adecco en raison de la nature de ses fonctions et de ses responsabilités. La SCP soutient que, même si M. French, à l’occasion, a peut-être passé quelques jours par semaine au Centre principal d’acheminement, c’était en compagnie de responsables sur place de l’ASFC et d’Adecco, et non pas des employés, pas plus qu’il n’a donné aux employés des instructions ou des directives. Postes Canada dit que des rencontres avec Mme Steward ont eu lieu au besoin, notamment lorsqu’il était question de sécurité. Selon l’employeur, tous les gestionnaires du SGM étaient chargés de faire un suivi auprès d’Adecco au sujet des préoccupations que l’ASFC pouvait avoir en ce qui avait trait aux besoins de dotation en personnel, ainsi que de veiller à ce qu’on réponde à leurs besoins d’une manière conforme à leur échéancier. En outre, il incombait à M. French de superviser tous les projets conjoints de GPI/l’ASFC. Pour ce qui est du « processus de renvoi à un échelon supérieur », la SCP soutient que c’est de cette façon qu’une relation d’affaires fonctionne. S’il survient un problème qui ne peut pas être réglé à l’échelon local, il est renvoyé à un échelon supérieur. C’est là l’essence de la manière dont un contrat devrait et doit fonctionner, et le souci premier de la SCP était de s’acquitter de ses obligations envers la SFC.

[57] En réponse à l’argument du STTP selon lequel la SCP exerçait un contrôle sur le processus de PIPAD tout entier, la SCP soutient qu’une fois que le colis entre dans le processus secondaire, il est sorti du circuit postal. Il n’est plus du ressort de la SCP. Toute allégation selon laquelle les employés d’Adecco sont des employés de fait de la SCP est erronée. Il n’y a pas d’intégration des employés de la SCP et de ceux d’Adecco/Ex-Adminserv ou d’interdépendance entre eux. Il n’y a pas d’érosion de l’unité de négociation. Il n’y a pas de travail de sape, pas de « fantôme » à la table. Il n’y a aucune raison de faire une déclaration d’employeur unique.

[58] Même si M. French a outrepassé par inadvertance son pouvoir à certaines occasions, cela ne change pas l’entente contractuelle conclue par Adecco et la SCP.

[59] La SCP soutient que le STTP, par sa déclaration d’employeur unique, tente d’acquérir du travail de l’ASFC qui ferait partie de son unité de négociation. Le STTP demande au Conseil de faire abstraction de 15 années d’ignorance et d’inertie auto-imposées et d’accepter, au lieu d’une preuve, un effet néfaste sur le syndicat. Le corollaire à cela annulerait en fait le contrat de relation sans lien de dépendance entre la SCP et Adecco. Cela entraverait leurs activités commerciales.

[60] La SCP soutient que les faits et les éléments de preuve que le syndicat a présentés ne montrent pas qu’il existe une raison solide et impérieuse en matière de relations du travail de faire la déclaration ou de rendre l’ordonnance que le syndicat demande. Le STTP et la SCP sont des organismes complexes de grande taille, qui ont une longue histoire et qui connaissent bien ce que le Conseil a ordonné dans le passé. Le STTP ne peut pas se servir du Code de cette façon pour élargir son unité de négociation.

C – Adecco

[61] La position d’Adecco est la suivante : elle est un fournisseur de services de ressources humaines, tandis que la SCP est le service postal national du Canada; la relation contractuelle qu’Adecco entretient avec cette dernière ne crée pas une relation d’employeur unique; Adecco et la SCP ne sont pas soumises à une direction ou à un contrôle communs, pas plus qu’elles ne sont associées ou connexes. Adecco nie que la SCP exerce un contrôle sur ses employés, que ces derniers effectuent du travail lié au service postal et qu’il y ait intégration de ses employés et de ceux de la SCP. Elle indique plutôt que ses employés fournissent certains services de dédouanement pour le compte de l’ASFC et que le seul rôle que joue la SCP est d’administrer le contrat de sous-traitance conclu avec Adecco. Elle nie que la SCP fournisse aux employés d’Adecco des conseils, des directives et des instructions sur la manière d’exécuter le travail.

[62] Adecco appuie la position de la SCP selon laquelle les gestionnaires de cette dernière ne communiquent pas tous les jours avec les superviseurs d’Adecco, que la SCP et Adecco ne modifient pas conjointement les horaires de travail ni ne planifient les heures supplémentaires et que la SCP ne fait pas passer de tests aux employés d’Adecco avant des les embaucher ou de les congédier. Elle ajoute que la SCP ne s’occupe aucunement de la supervision des employés d’Adecco.

[63] Adecco soutient que le Conseil ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire au sujet de la demande de déclaration d’employeur unique, parce qu’il s’agit d’un abus de procédure et que la question de la représentation des employés d’Adecco par le STTP devrait être tranchée dans le cadre du processus d’accréditation. Adecco mentionne également que le syndicat sait depuis 1992 que la SCP confie le travail en sous-traitance et qu’il aurait dû tenter d’obtenir plus tôt cette déclaration s’il croyait que la SCP et Adecco étaient un employeur unique.

[64] Adecco soutient de plus que le travail effectué pour l’ASFC n’est pas régi par le Code, parce que l’ASFC est régie par la LRTFP et qu’il devrait en être autant de ses sous-traitants.

[65] Adecco soutient que le Conseil devrait rejeter la demande, parce que le STTP n’a pu établir que les critères requis, dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 35, étaient satisfaits. Subsidiairement, Adecco soutient que, même si le STTP était en mesure d’établir que ces critères étaient satisfaits, le Conseil ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour faire la déclaration demandée.

[66] Adecco déclare que, dans le cadre d’une demande d’accréditation, le Conseil a conclu dans Nationair (Nolisair International Inc.) (1987), précitée, que, lorsqu’il doit déterminer le véritable employeur, sa tâche consiste à déterminer qui exerce un contrôle fondamental sur les employés. On détermine ce contrôle fondamental en examinant des facteurs tels que les suivants :

  • l’identification du payeur, du supporteur ultime du coût et l’incidence de ce fait dans la relation d’emploi;
  • le contrôle de l’accès à l’emploi;
  • la personne qui décide des conditions de travail dans la réalité;
  • la façon dont le travail est concrètement exécuté au jour le jour, qui l’assigne, et qui détermine et sanctionne dans la réalité les normes d’accomplissement du travail;
  • la perception des employés, leur identification à l’entreprise, leur degré d’intégration, le caractère accidentel, passager ou durable de leur présence dans l’entreprise locataire.

[67] Même si les critères énoncés à l’article 35 sont objectivement présents, le Conseil, d’après Adecco, doit décider s’il doit exercer ou non son pouvoir discrétionnaire pour faire la déclaration demandée. La jurisprudence du Conseil dénote systématiquement qu’il doit exister un objectif en matière de relations du travail pour que ce dernier puisse exercer son pouvoir discrétionnaire pour faire une déclaration en vertu de l’article 35. Il incombe strictement au requérant d’établir un objectif valable en matière de relations du travail.

[68] Une demande présentée en vertu de l’article 35 a un but réparateur et est conçue pour empêcher les employeurs de contourner les obligations que leur impose le Code. Il est donc fondamental, pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil, d’examiner si la situation est du type où il y a érosion des droits de négociation. L’article 35 n’a pas pour objet d’améliorer la situation d’un syndicat ou de lui accorder des droits qu’il ne possède pas déjà.

[69] Le temps est également un aspect important. La partie qui demande la déclaration d’employeur unique doit agir avec diligence raisonnable. Quand ce n’est pas le cas, le Conseil doit refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

[70] Adecco est d’avis que, bien que certains des critères soient satisfaits, il y en a deux essentiels qui ne le sont pas. Elle ajoute qu’il ressort clairement de la preuve que la SCP et Adecco ne sont pas des entreprises associées ou connexes. Adecco et la SCP n’ont pas de liens étroits sur le plan des activités. Leur seule relation est une relation de sous-traitance commerciale. Les entreprises ne fournissent pas des services et des produits similaires. Adecco est un fournisseur de services de ressources humaines, tandis que la SCP est le service postal national du Canada. Il est également évident qu’il n’y a aucune intégration verticale et que les deux entreprises n’ont pas de propriété ou de gestion communes. Adecco laisse entendre que la seule façon dont le STTP peut réussir serait de qualifier les activités d’Adecco, de la SCP et de l’ASFC d’associées ou de connexes. La relation « tripartite » pourrait peut-être considérée comme une forme d’intégration verticale.

[71] Adecco soutient que la relation qu’elle entretient avec la SCP est dénuée de toute direction et de tout contrôle communs et que ce critère ne peut être satisfait, car la SCP n’est pas le véritable employeur, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Par ses processus de sélection, d’embauche et de remplacement, Adecco contrôle l’accès à l’emploi.
  • Adecco supporte le coût de l’emploi des employés.
  • Adecco, par l’entremise de ses superviseurs, exerce une direction et un contrôle sur ses employés.
  • Adecco prend des mesures disciplinaires à l’égard de ses employés, les congédie et met fin à leurs affectations.
  • À la suite des entretiens et de la sélection qu’effectue Adecco, et après avoir signé une série de documents d’emploi d’Adecco, les employés considèrent celle-ci comme leur employeur.
  • Les contrats et les documents d’emploi d’Adecco établissent l’existence d’une intention de créer la relation employeur-employés.

[72] Adecco soutient également que le Conseil doit tenir compte du fait que le STTP a généralement fait abstraction de la relation depuis que la SCP a commencé à confier en sous-traitance le travail de dédouanement à Adminserv en 1992.

[73] Le STTP n’a pris aucune mesure pour alléguer l’existence d’une situation d’employeur unique avant novembre 2005, 13 ans plus tard. Il est clair que le STTP n’a pas agi rapidement pour alléguer l’existence d’une relation d’employeur unique. Par conséquent, en plus de ne pas servir un objectif valable en matière de relations du travail, à ce stade-ci une déclaration du Conseil pourrait causer un grave préjudice aux deux employeurs.

[74] Adecco soutient qu’aucun objectif valable en matière de relations du travail ne justifierait que le Conseil exerce son pouvoir discrétionnaire dans les présentes circonstances, pour les raisons suivantes :

  • les souhaits des employés peuvent être déterminés par le processus d’accréditation;
  • il n’y a aucune érosion des droits de négociation;
  • il n’y a aucune intention de se soustraire aux obligations en matière de négociation collective;
  • des négociations collectives entre Adecco et le STTP seraient valables.

IV – Analyse et décision

[75] Le requérant a demandé que le Conseil envisage la possibilité de déclarer que la SCP et Adecco constituent un employeur unique ou, subsidiairement, qu’il rende une ordonnance désignant la SCP comme l’employeur.

[76] L’article 35 du Code est libellé comme suit :

35.(1) Sur demande d’un syndicat ou d’un employeur concernés, le Conseil peut, par ordonnance, déclarer que, pour l’application de la présente partie, les entreprises fédérales associées ou connexes qui, selon lui, sont exploitées par plusieurs employeurs en assurant en commun le contrôle ou la direction constituent une entreprise unique et que ces employeurs constituent eux-mêmes un employeur unique. Il est tenu, avant de rendre l’ordonnance, de donner aux employeurs et aux syndicats concernés la possibilité de présenter des arguments.

(2) Lorsqu’il rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1), le Conseil peut décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

[77] Comme l’ont décidé le présent Conseil et son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) (voir Muir’s Cartage Ltd. et Société canadienne des postes (1992), 89 di 12; 17 CLRBR (2d) 182; et 92 CLLC 16,060 (CCRT no 955); et Service de Limousine Murray Hill Ltée et autre (1988), 74 di 127 (CCRT no 699)), pour envisager la possibilité de faire une déclaration d’employeur unique, il y a cinq conditions préalables à remplir, qui peuvent être résumées comme suit :

  1. il doit y avoir une pluralité d’entreprises ou d’exploitations;
  2. les entreprises en question doivent relever de la compétence fédérale;
  3. ces entreprises doivent être associées ou connexes;
  4. les entreprises visées par la déclaration doivent être des employeurs;
  5. les employeurs dirigent ou contrôlent en commun les exploitations.

[78] Comme l’indique la jurisprudence du Conseil, la détermination d’un employeur unique est en général un processus en deux étapes dans le cadre duquel le Conseil décide d’abord si les critères susmentionnés sont objectivement remplis. Dans l’affirmative, il doit décider s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et faire la déclaration demandée. Ce pouvoir discrétionnaire est fondé sur le principe qu’il doit y avoir un objectif valable en matière de relations du travail pour faire la déclaration en question.

[79] Les parties ne contestent pas le fait que, compte tenu des faits présentés, trois des critères susmentionnés sont manifestement remplis. Il y a au moins deux entreprises en cause et les entreprises pour lesquelles la déclaration est demandée sont des employeurs. Quant au deuxième critère susmentionné, l’article 4 du Code décrit la compétence qu’exerce le Conseil sur une entreprise fédérale de la façon suivante :

4. La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

[80] La définition d’entreprise fédérale figure à l’article 2 du Code, dont le texte est en partie le suivant :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement.

[81] Les parties ne contestent pas le fait que la SCP et Adecco sont des entreprises de compétence fédérale et le Conseil est convaincu qu’elles sont toutes deux elles-mêmes des entreprises interprovinciales, au sens du Code, et donc assujetties aux dispositions de ce dernier.

[82] Compte tenu de ce qui précède, il reste au Conseil deux questions à trancher. Premièrement, il lui faut décider si la SCP et Adecco sont des entreprises associées ou connexes et, deuxièmement, si elles assurent en commun le contrôle ou la direction des entreprises.

A – Activités associées ou connexes

[83] Lorsqu’il doit déterminer si deux entreprises ou plus sont associées ou connexes, le Conseil examine le degré d’interrelation de leurs activités. Le Conseil doit décider si les entreprises fournissent des services et des produits semblables, s’il existe une intégration verticale et si elles occupent le même créneau et dans quelle mesure leur propriété ou gestion sont en commun (voir Presse Canadienne et autres (1976), 13 di 39; [1976] 1 Can LRBR 354; et 76 CLLC 16,013 (CCRT no 60)).

[84] Le STTP prétend qu’il est possible de conclure que deux entreprises ou plus sont associées ou connexes du fait des ententes contractuelles qu’elles ont conclues. Il ajoute que c’est par l’application et la mise à exécution des clauses du contrat que les entreprises acquièrent une direction et un contrôle communs, même en l’absence d’une propriété conjointe (S.U.T. section local 279 c. Commission de Transport Régionale d’Ottawa-Carleton (C.A.F.), précité). La SCP et Adecco font valoir que, à part le contrat de sous-traitance commercial relatif au travail de l’ASFC, il n’y a aucun lien étroit sur le plan des activités. Elles ajoutent que, étant donné qu’Adecco est un fournisseur de services de ressources humaines et que la SCP est un service postal national, les entreprises ne fournissent pas des services ou des produits semblables. Elles soutiennent qu’aucune des fonctions que remplissent les employés d’Adecco ne chevauchent celles des employés membres de l’unité de négociation de la SCP.

[85] Adecco soutient également que la seule façon dont le STTP pourrait faire valoir de façon convaincante que les entreprises sont associées ou connexes serait d’inclure l’ASFC dans une relation tripartite dans le cadre de laquelle il est établi que les trois entreprises s’occupent de la livraison de colis internationaux, ainsi que des activités de traitement, d’inspection et d’imposition de droits connexes. Adecco prétend qu’il s’agit-là de la seule façon de dire que les entreprises sont connexes, mais que le Conseil, même s’il concluait que c’était le cas, ne pourrait pas faire une déclaration en vertu de l’article 35, car le STTP a présenté sa demande de façon ponctuelle et n’a pas désigné l’ASFC comme partie intimée.

[86] La question de savoir si l’ASFC doit être désignée ou non comme un employeur unique avec la SCP et Adecco n’est pas une question dont le Conseil est saisi à l’heure actuelle. L’ASFC, à titre de partie intéressée, a été informée de la demande, mais elle a décidé de ne pas prendre part à l’affaire, et le STTP n’a pas tenté de faire désigner l’ASFC comme partie intimée. La situation est la même pour l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), qui détient actuellement les droits de négociation à l’égard des employés de l’ASFC. De plus, les relations du travail de l’ASFC relèvent de la compétence de la LRTFP, et non du Code; il semble donc que le Conseil n’ait pas la compétence requise sur l’ASFC. Cependant, comme le Conseil n’a reçu aucune preuve ou entendu aucun argument sur cette question particulière au cours des audiences, à ce stade-ci il n’est pas en mesure de rendre une décision définitive et n’est pas tenu de le faire.

[87] Quant à l’argument selon lequel les ententes contractuelles entre la SCP et Adecco signifient que les entreprises sont associées ou connexes, les observations du STTP ne convainquent pas le Conseil. Ce dernier est d’avis que, en dépit de l’existence de l’entente de sous-traitance entre la SCP et Adecco, la preuve n’étaye pas la position du syndicat selon laquelle les entreprises sont associées ou connexes. Le travail que fait Adecco à titre de fournisseur de services de ressources humaines n’est ni comparable ni semblable à celui que fait la SCP à titre de service postal national du Canada. Il n’y a pas de propriété ou de gestion communes entre la SCP et Adecco et aucune indication qu’elles sont verticalement intégrées de quelque façon. Le Conseil est également convaincu que le travail que font les employés d’Adecco en exécutant les fonctions de l’ASFC est distinct de celui que font les membres de l’unité de négociation du STTP. Adecco ne s’occupe de colis que lorsqu’ils relèvent directement de la responsabilité et du contrôle de l’ASFC et sont séparés du circuit postal général, et ce, jusqu’à ce que l’ASFC en décide autrement. La présence de la zone d’inspection secondaire n’est pas un simple artifice; elle sert plutôt à délimiter clairement la nature du travail qu’exécutent les employés d’Adecco et celui qu’exécutent les membres de l’unité de négociation du STTP. Il est également important de signaler que ce travail, malgré les affirmations contraires du STTP, n’a jamais été exécuté par des membres du STTP et que, avant 1992, c’était des agents des douanes qui s’en occupaient.

B – Contrôle et direction exercés en commun

[88] Dans les situations où des exploitations appartiennent à la même entreprise, ont un conseil d’administration ou des cadres communs et sont liées financièrement, il n’est habituellement pas très difficile de répondre à la question de savoir s’il existe un contrôle et une direction exercés en commun. Cependant, comme il est dit dans TELUS Communications inc., 2004 CCRI 278 :

[260] Le Conseil reconnaît que la structure de propriété d’une entreprise n’est qu’un des facteurs pertinents dont il doit tenir compte pour déterminer s’il y a une direction ou un contrôle en commun. En effet, divers autres facteurs peuvent influer sur son évaluation, et ce sont notamment, mais pas exclusivement, la coordination ou l’intégration de l’exploitation, la prise de décisions communes, les programmes, politiques et services partagés de même que la représentation globale des différentes entreprises au public, aux clients, aux employés, etc. Il faut peser ces circonstances dans leur ensemble aussi bien en ce qui concerne les facteurs révélateurs d’une direction ou d’un contrôle en commun que ceux qui n’en témoignent pas.

[89] Le Conseil a exprimé un point de vue semblable dans Prince Rupert Grain Ltd. et British Columbia Terminal Elevator Operators’ Association, 2007 CCRI 389 :

[178] ... le Conseil a déjà fait savoir qu’il n’exige pas que le contrôle soit exercé intégralement en commun au point que toutes les entreprises doivent être contrôlées par le même groupe de personnes (voir Presse Canadienne et autres (1976), 13 di 39; [1976] 1 Can LRBR 354; et 76 CLLC 16,013 (CCRT no 60)). Il suffit que « les politiques des diverses entreprises sont étroitement coordonnées, intégrées et assujetties à une direction en commun » (pages 45; 359; et 441).

[90] Le STTP prétend que la preuve étaye une conclusion de contrôle et de direction exercés en commun parce que la SCP et Adecco gèrent conjointement le lieu de travail. Il ajoute que la gestion conjointe, presque par définition, sous-entend un contrôle et une direction exercés en commun, et il renvoie le Conseil à la décision rendue dans Canadian Union of Public Employees v. Brantwood Manor Nursing Homes Limited, [1986] OLRB Rep. January 9 :

115. Brantwood n’a pas tant « cédé » une fonction à une autre organisation qu’elle a intégré une autre entité dans sa propre organisation afin de contribuer à la supervision immédiate d’une fonction qui demeure placée sous le contrôle ultime de Brantwood et qui continue d’être exécutée dans les mêmes lieux qu’avant, essentiellement de la même façon qu’avant, et par des personnes ayant des compétences semblables à celles qui l’exécutaient avant. Du point de vue des relations du travail, l’entreprise qu’exploitent maintenant de façon intégrée Brantwood et Med + Experts est essentiellement celle que Brantwood exploitait seule quand le SCFP a acquis le droit de représenter les personnes qu’employait Brantwood dans cette entreprise. Des éléments de ce qui pourrait être décrit comme les fonctions de supervision de première ligne et du personnel de cette entreprise sont maintenant exécutés par Med + Experts, sur laquelle Brantwood exerce un pouvoir, ce qui, du point de vue des relations du travail, ressemble au pouvoir que détient habituellement la haute direction de n’importe quelle entreprise à l’égard des personnes qui remplissent des fonctions de supervision de première ligne et du personnel au sein de l’entreprise qu’elles gèrent. Il n’est pas surprenant que la haute direction ne s’occupe pas elle-même au jour le jour de questions qui relèvent du service du personnel et des superviseurs de première ligne. Le service du personnel s’occupe d’embauche, de congédiement et de mesures disciplinaires qui s’appliquent aux travailleurs et les superviseurs de première ligne s’occupent de la supervision au jour le jour de ces derniers. Cependant, hormis le fait que Brantwood a situé ces fonctions de supervision du personnel et de première ligne dans une entité distincte qui est devenue le responsable de la paye de ces travailleurs, on ne considérerait pas par erreur le service du personnel et les superviseurs de première ligne comme l’« employeur », à l’exclusion de la haute direction. En exerçant le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 1(4), nous préservons le statu quo en matière de relations du travail en rattachant les droits de négociation et de conventions collectives du syndicat à ce qui constitue essentiellement l’entreprise à l’égard de laquelle ces droits ont été acquis.

(traduction)

[91] La SCP soutient que les activités d’Adecco et les siennes ne sont connexes que dans la mesure où le processus de dédouanement est une étape nécessaire dans le processus de livraison des importations postales, mais que cette connexité n’est pas suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 35. La SCP incite le Conseil à faire une distinction entre le rôle qu’elle joue en ce qui a trait à la gestion du contrat conclu avec Adecco et à la direction des activités des employés qui exécutent du travail en vertu du contrat. La SCP fait remarquer qu’il n’y a pas d’intégration des employés d’Adecco et des membres de l’unité de négociation du STTP, car les employés d’Adecco travaillent avec l’ASFC dans les zones d’inspection secondaires et la cellule du SCA.

[92] Postes Canada soutient qu’elle ne s’occupe pas de l’embauche, de la formation, de l’évaluation ou de la planification du travail des employés d’Adecco et que les taux de rémunération sont fixés par Adecco dans le cadre du processus d’appel d’offres. La SCP prétend que la supervision qu’elle exerce de son côté est imputable à la relation qu’elle entretient avec l’ASFC et à la nécessité de s’assurer que ses obligations envers l’ASFC sont remplies. Postes Canada prétend qu’il ne s’agit pas d’un contrôle et d’une direction exercés en commun comme l’envisage le Code.

[93] La position d’Adecco sur cette question est semblable à celle de la SCP, mais elle fait ressortir le rôle que joue l’ASFC pour veiller à ce qu’Adecco satisfasse aux conditions de son engagement à fournir des services de dédouanement à l’ASFC. Adecco fait remarquer ce qui suit :

  • les employés d’Adecco et ceux de l’ASFC travaillent ensemble et à proximité les uns des autres, et ils exécutent des tâches liées à l’inspection que fait l’ASFC des colis internationaux, ainsi qu’à l’imposition et à l’enregistrement des droits applicables;
  • il existe un degré important d’interaction quotidienne entre les agents de l’ASFC et les employés d’Adecco;
  • l’ASFC fixe les exigences professionnelles pour les employés d’Adecco;
  • l’ASFC procure le matériel et les fournitures importantes qui sont nécessaires pour qu’Adecco exécute les tâches de dédouanement, dont le système d’informatique de l’ASFC, les transporteurs à bande et les étiquettes E14 qui informent les clients du montant des droits imposés.

[94] Adecco soutient que la situation n’est pas celle que décrit le STTP et que, en réalité, les secteurs de gestion conjointe sont limités et sont plus de la nature d’une supervision de la part de la SCP, relativement à l’exécution du contrat. Adecco fait remarquer que, comparativement à un grand nombre des autres ententes contractuelles qu’elle a conclues avec ses clients dans cette situation, elle a recours à des superviseurs et responsables sur place qui sont chargés de la supervision tant opérationnelle que non opérationnelle des employés. Pour ce qui est des fonctions non opérationnelles, les responsables et superviseurs sur place donnent des conseils aux nouveaux employés, surveillent les présences et le rendement, effectuent les évaluations du rendement et, s’il y a lieu, mettent fin à l’affectation d’un employé.

[95] Le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), le prédécesseur du présent Conseil, dans Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton et autre (1988), 72 di 189; et 19 CLRBR (NS) 165 (CCRT no 670), a eu l’occasion d’examiner une affaire semblable à la présente et de décider la distinction, si distinction il y a, à faire entre la gestion d’un contrat et la gestion des employés qui effectuent un travail assujetti aux clauses et aux dispositions du contrat. En 1985, la Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton (OC Transpo) a confié en sous-traitance son service d’autobus pour personnes handicapées, appelé Para Transpo, à Blue Ligne Taxi Co. (Blue Ligne). Le syndicat était d’avis que : 1) OC Transpo était l’employeur véritable et 2) OC Transpo et Blue Ligne devraient être déclarées employeur unique. Le syndicat a prétendu que le contrat n’était qu’un moyen ou un stratagème permettant à OC Transpo de se soustraire aux dépenses et aux obligations associées à une convention collective. À l’appui de sa position, le syndicat a fait ressortir un certain nombre de facteurs, comme le fait qu’OC Transpo et Blue Ligne s’étaient toutes deux occupées au départ de la formation des chauffeurs, même si c’était Blue Ligne qui avait plus tard assumé cette responsabilité. Les chauffeurs étaient soumis à des règles et à des règlements conçus par OC Transpo et par Blue Ligne. OC Transpo était habilitée à demander qu’un chauffeur soit congédié et remettait à Blue Ligne les horaires quotidiens des chauffeurs. OC Transpo était chargée de la répartition, et les chauffeurs étaient tenus d’aviser le service de répartition d’OC Transpo quand ils s’arrêtaient pour manger ou prendre une pause et s’il survenait un accident ou un incident inusité durant leur quart de travail. À l’appui de sa position, le syndicat a renvoyé le CCRT à la décision rendue par la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Canadian Union of Public Employees v. Brantwood Manor Nursing Homes Limited, précitée.

[96] Par une décision majoritaire, le CCRT a conclu qu’il n’existait aucune direction ou aucun contrôle exercés en commun, car c’était Blue Ligne, et non OC Transpo, qui exerçait le contrôle fondamental sur les activités. Le CCRT a jugé que le contrat n’était pas motivé par des considérations liées aux relations du travail et il a constaté que les employés d’OC Transpo n’avaient jamais fait le travail qu’accomplissait Para Transpo. Le CCRT a également conclu qu’il n’y avait aucune intégration ou relation entre les employés d’OC Transpo et ceux de Blue Ligne / Para Transpo. Et d’ajouter le CCRT :

De toute évidence, s’il est vrai qu’un contrat peut faire en sorte que les entreprises « assument en commun le contrôle ou la direction » au même titre que le droit de propriété, la présence d’un contrat – aussi détaillé soit-il – ne signifie pas forcément qu’il en est effectivement ainsi. Il faut interpréter le contrat en fonction de ce qui se passe réellement. Les contrats Brantwood n’équivalaient pas à de la véritable cession à l’extérieur. La CRTO a jugé qu’il s’agissait simplement d’un moyen détourné de faire faire le même travail par des employés afin de contourner certains aspects de la convention collective. Par conséquent, il était tout à fait indiqué de déclarer que les entreprises constituaient un employeur unique.

C’est loin d’être le cas ici. Il s’agit en l’occurrence d’un véritable contrat. De l’avis du Conseil, les critères ne sont pas satisfaits pour qu’une déclaration d’employeur unique puisse être faite en vertu de l’article 133. Le critère que les entreprises « assument en commun la direction ou le contrôle », dont il est fait mention à cet article, n’est pas satisfait dans la situation particulière qui nous occupe.

(page 202)

[97] Dans Air Canada et autres (1993), 91 di 101; 18 CLRBR (2d) 295; et 93 CLLC 16,037 (CCRT no 998), le CCRT devait décider si les clauses d’un contrat de sous-traitance constituaient un contrôle et une direction exercés en commun. L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIM) était l’agent négociateur reconnu d’une unité d’employés d’Aeroguard Security Services (Aeroguard), qui détenait un contrat visant à fournir à Air Canada du personnel de sécurité pré-embarquement. Lorsque le contrat a pris fin, il a par la suite été adjugé à Executive Community Services Limited (Executive), qui avait conclu une entente de reconnaissance volontaire avec les Teamsters. L’AIM a fait valoir qu’elle continuait d’être l’agent négociateur et qu’Air Canada et Aeroguard devraient être déclarées employeur unique, tout comme Air Canada et Executive. Le contrat différait dans une certaine mesure du contrat de sous-traitance qui avait été établi dans l’affaire OC Transpo, en ce sens qu’Air Canada, seule, n’assurait pas de supervision ou ne vérifiait pas si l’on se conformait aux clauses du contrat. C’était plutôt un comité de sociétés aériennes, formé de représentants de toutes les sociétés aériennes basées dans le terminal 2, qui administrait le contrat, de pair avec Air Canada.

[98] Les clauses du contrat précisaient les heures auxquelles les services de contrôle devaient être disponibles, le montant horaire payé par personne, ainsi que le montant pour les heures supplémentaires et celui payé pour les jours fériés. Aux termes du contrat, l’entrepreneur devait fournir un gestionnaire pour ses services et la supervision de son personnel. Le comité rencontrait l’entrepreneur à intervalles réguliers et établissait pour ce dernier les procédures opérationnelles. Si le comité apprenait qu’une personne ne se comportait pas convenablement, en ce sens qu’elle était « en état d’ébriété, incompétente, négligente ou malhonnête », il pouvait demander qu’elle soit renvoyée (Air Canada et autres (1993), précitée; page 12). Il incombait toutefois à l’entrepreneur de décider la meilleure façon de répondre à cette demande, c’est-à-dire par le congédiement ou le transfert. Toute plainte de la part du public était transmise par Air Canada à l’entrepreneur par l’entremise du personnel de gestion et de supervision. Air Canada ne donnait aucune instruction directe au personnel de contrôle de sécurité.

[99] Le CCRT a rejeté les demandes de déclaration d’un employeur unique en précisant ce qui suit :

... Il ressort clairement de notre examen qu’il existait un véritable contrat en vertu duquel Aéroguard fournissait certains services à Air Canada et aux autres transporteurs. Aux termes de ce contrat, Aéroguard exploitait son entreprise de façon autonome et était l’employeur qui exerçait le contrôle fondamental ou décisif sur les employés.

Parmi toutes les décisions antérieures du Conseil, c’est dans Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton, supra, que les circonstances ressemblaient le plus à celles de la présente affaire. Dans le cas qui nous occupe, les faits militent encore plus fortement en faveur de la thèse selon laquelle Air Canada et Aéroguard, quoique liées par les clauses d’un contrat détaillé et remplissant ensemble sur une base journalière des rôles particuliers mais distincts, n’assuraient pas « en commun le contrôle ou la direction » d’une entreprise au sens et aux fins de l’article 35 du Code.

(pages 122; et 314)

[100] Les décisions rendues dans OC Transpo et Air Canada sont instructives, mais non déterminantes en l’espèce. Chaque cas est un cas d’espèce qui doit être examiné en se fondant sur les faits et les circonstances applicables. Le contrat conclu entre la SCP et Adecco, comme dans le cas des contrats de sous-traitance dans OC Transpo et Air Canada, est exhaustif, mais il ne constitue pas, de l’avis du Conseil, une situation où la gestion, le contrôle ou la direction sont exercés en commun. Conformément au contrat conclu avec l’ASFC, la SCP a manifestement et réellement intérêt à s’assurer que des questions telles que l’embauche, la formation, les évaluations et les mesures disciplinaires sont traitées d’une manière qui cadre avec ses obligations et ses engagements envers l’ASFC. Bien que certains gestionnaires de la SCP puissent prendre l’initiative de temps à autre d’outrepasser leurs responsabilités de supervision (comme nous le verrons plus en détail ci-après), le Conseil est convaincu que la supervision qu’exerçait la SCP n’annulait ni n’amoindrissait de quelque façon le rôle et les responsabilités d’Adecco. La preuve présentée n’a pas établi que la SCP jouait un rôle déterminant dans l’embauche, la formation, l’évaluation ou les mesures disciplinaires en ce qui avait trait aux employés d’Adecco.

[101] De plus, fixer les taux de rémunération était une responsabilité d’Adecco; la SCP, comme on peut s’y attendre, avait intérêt à veiller à ce que le taux concorde avec celui qu’Adecco avait fixé dans le cadre du processus d’appel d’offres. Par conséquent, de l’avis du Conseil, le fait que la SCP se serve des RHCQ et des RHPO pour évaluer les niveaux de production et le coût du travail est raisonnable et prévisible.

[102] Le STTP prétend que la procédure de renvoi à un échelon supérieur qui figure dans le contrat constitue en fait un « processus contractuel pour une gestion commune ». D’après l’examen qu’il a fait, le Conseil ne peut souscrire à cette caractérisation. Le processus en question correspond bien à ce qui est indiqué à la première phase de la clause : « Nous avons établi le processus de renvoi à un échelon supérieur qui suit afin de surveiller la qualité du service d’Adecco et de nous assurer que nous répondons aux attentes de notre client » (volume de pièces 172, page RP380; traduction).

[103] Le syndicat se fonde en grande partie sur les propos et la conduite de M. French pour étayer sa prétention selon laquelle la SCP exerçait en commun avec Adecco le contrôle et la direction des employés en cause. Le syndicat a fait état de nombreux courriels dans lesquels M. French se faisait censément passer pour la personne responsable des employés d’Adecco et dirigeait l’exécution de leur travail. Par exemple, dans certains courriels, M. French a utilisé l’expression « nos employés » (volume de pièces 5, onglet 99, page 1479), dans d’autres il a utilisé les mots « nous » et « nous tous » (volume de pièces 3, onglet 90, page 957). De plus, les responsables et le personnel d’Adecco ont écrit à M. French au sujet de « votre personnel » (volume de pièces 5, onglet 99, pages 1495 et 1506-1508) et de l’« équipe à rendement élevé » de Randy (volume de pièces 3, onglet 90, page 954). Il est arrivé aussi que des membres du personnel d’Adecco ont écrit à M. French au sujet de diverses questions, comme prendre un congé (volume de pièces 3, onglet 83, page 826), passer en revue des titres de poste et approuver des évaluations (volume de pièces 8, onglet 157, pages 2595-2596).

[104] Le Conseil est convaincu que la conduite de M. French était motivée par son désir de s’assurer qu’Adecco se conformait de manière absolue et complète aux clauses et aux dispositions du contrat de sous-traitance. Il prenait ses responsabilités au sérieux et, parfois, cela l’amenait à s’intéresser aux activités d’Adecco à un point qui dépassait le cadre ses fonctions et de ses responsabilités réelles, mais ce fait, de l’avis du Conseil, ne mettait pas la SCP dans une situation de contrôle et de direction exercés en commun.

C – Pouvoir discrétionnaire

[105] L’article 35 du Code permet au Conseil, mais s’en l’exiger, de faire droit à une demande d’employeur unique, même lorsqu’il est convaincu que les conditions préalables requises ont été remplies. Le Conseil est investi de ce pouvoir discrétionnaire, parce que faire une déclaration d’employeur unique est un pouvoir de redressement qui ne peut être conféré que s’il y a « un bénéfice manifeste, sous le rapport des relations professionnelles » (Presse Canadienne et autres, précitée). Comme le Conseil a conclu que la SCP et Adecco ne sont pas des entreprises associées ou connexes et qu’elles n’exercent pas en commun le contrôle et la direction des employés en cause, il n’est pas appelé à exercer son pouvoir discrétionnaire. Cependant, étant donné que le Conseil, au cours des audiences, a été saisi d’éléments de preuve et a entendu des observations sur cette question, il tient à préciser que, même si tous les critères qui s’appliquent à une déclaration d’employeur unique avaient été remplis, il doute qu’il aurait fait la déclaration demandée.

[106] Est-il question en l’espèce d’une situation dans laquelle les droits de négociation du syndicat sont menacés, minés ou érodés (Air Canada et autres (1989), 79 di 98; 7 CLRBR (2d) 252; et 90 CLLC 16,008 (CCRT no 771); et Télébec ltée, 2004 CCRI 300)? Est-il nécessaire que le Conseil préserve la relation de négociation du syndicat (Air Canada et autres (1989), précitée)? La SCP a-t-elle tenté de faire obstacle aux dispositions des conventions collectives qu’elle a conclues avec le STTP (Muir’s Cartage Ltd. et Société canadienne des postes, précitée)? Améliorerait-on les relations du travail des parties en faisant une déclaration d’employeur unique (Autocar Royal (9011-4216 Québec Inc.), 1999 CCRI 42)? Compte tenu des faits présentés, le Conseil serait enclin, selon toute vraisemblance, à répondre aux questions qui précèdent par la négative. Le travail en question n’a jamais été exécuté par des membres de l’unité de négociation du STTP et rien n’indique que la SCP a conclu une entente avec Adminserv et, plus tard, Adecco dans le but de faire obstacle aux droits du STTP ou de s’y soustraire, ou d’affaiblir sa position de négociation. En fait, rien n’indique que les modalités actuelles ont affaibli ou érodé la position de négociation du syndicat.

D – Véritable employeur

[107] L’avocat du syndicat requérant a renvoyé le Conseil à une série de décisions, dont Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail),précité. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a maintenu une décision du Tribunal du travail du Québec, qui avait conclu qu’une employée temporaire fournie à la ville de Pointe-Claire par une agence de placement temporaire était une employée de la ville, et non de l’agence. Au paragraphe 35 de sa décision, la Cour suprême a fait remarquer que le Tribunal du travail s’était concentré sur la question de savoir qui exerçait le contrôle effectif sur le travail quotidien de l’employée. En dernière analyse, la Cour suprême a préconisé une approche plus globale afin de déterminer qui était le véritable employeur. La Cour suprême a déclaré ce qui suit :

48. Selon cette approche plus globale, les critères de la subordination juridique et de l’intégration dans l’entreprise ne devraient pas être utilisés comme des critères exclusifs pour déterminer le véritable employeur. À mon avis, dans un contexte de rapports collectifs régis par le Code du travail, il est primordial que l’employé temporaire puisse négocier avec la partie qui exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects de son travail -- et non seulement sur la supervision de son travail quotidien. De plus, lorsqu’un certain dédoublement de l’identité de l’employeur se produit dans le cadre d’une relation tripartite, l’approche plus globale et plus souple a l’avantage de permettre l’examen de la partie qui a le plus de contrôle sur tous les aspects du travail selon la situation factuelle particulière à chaque affaire. Sans établir une liste exhaustive des éléments se rapportant à la relation employeur-salarié, je mentionnerai à titre d’exemples, le processus de sélection, l’embauche, la formation, la discipline, l’évaluation, la supervision, l’assignation des tâches, la rémunération et l’intégration dans l’entreprise.

[108] Le Conseil a fait référence à l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), précité, dans plusieurs décisions subséquentes, dont Mackie Moving Systems Corporation, 2002 CCRI 156; Penske Logistics, 2001 CCRI 146; et Saskatchewan Wheat Pool, 2002 CCRI 173. Le Conseil a déterminé dans toutes ces décisions que les personnes fournies par une agence de placement étaient des employées du client, et non de l’agence de placement temporaire.

[109] Même avant l’arrêt Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), précité, de la Cour suprême, le Conseil a rendu des décisions où il concluait que des employés fournis par une agence de placement temporaire étaient des employés du client. La requérante a fait référence à Nationair (Nolisair International Inc.) (1987), précitée, où le Conseil a conclu que des agents de bord embauchés par l’entremise d’agences de placement étaient des employés de la société aérienne. Dans cette décision, le Conseil a exposé les critères suivants pour aider à établir qui est le véritable employeur :

1. Le Conseil évaluera la réalité sans accorder un poids décisif aux conventions dans la mesure où elles ne se vérifient pas dans les faits.

Ainsi, on ne peut dans notre juridiction accorder au versement du salaire un poids significatif. Le Code canadien parle d’« employé » et ne fait aucunement référence à la rémunération dans la définition qu’il en donne contrairement au Code québécois par exemple, qui reconnaît la liberté d’association au « salarié ». Ce qui sera plus significatif sera l’identification du payeur, du supporteur ultime du coût et l’incidence de ce fait dans la relation d’emploi.

2. Un autre indicateur sera sûrement celui du contrôle de l’accès à l’emploi : celui qui embauche ou qui donne le travail à accomplir. Ici on aura égard au mécanisme de sélection et aux critères utilisés. Celui qui a en fait le pouvoir de sanctionner la sélection et de l’orienter de manière décisive s’apparente davantage à un employeur qu’à un simple utilisateur ponctuel. Le locataire d’employé qui se conserve ou exerce un droit de veto ou l’équivalent sur le choix du personnel n’est certes pas étranger à l’existence du lien d’emploi.

3.Une troisième donnée a trait à la détermination même des conditions de travail. Qui les décide dans la réalité? Une agence qui ne serait qu’un bureau d’emploi déguisé, une sorte de boîte aux lettres coiffée d’un nom propre pourra difficilement se qualifier d’employeur. Elle ne serait alors qu’un agent agissant pour l’employeur, assimilable au service du personnel d’une entreprise qui n’est pas distinct de l’entreprise dont il fait partie et dont il exécute les demandes comme un préposé.

4. Un autre critère a trait au déroulement même du travail. Comment au jour le jour s’effectue la prestation de travail? Qui assigne? Qui détermine et sanctionne dans la réalité les normes d’accomplissement du travail? À ce sujet, qui a le dernier mot, le mot qui compte, celui qui évalue, qui décide, qui fait que l’employé travaillera ou ne travaillera plus à cause de son rendement? Quelle est l’expertise de l’agence dans le travail exécuté? Quel est le degré de similitude des fonctions exercées par les employés réguliers et ceux provenant de l’extérieur?

5. D’autres éléments peuvent aussi éclairer le tribunal. La perception des employés, leur identification à l’entreprise, leur degré d’intégration dans celle-ci, le caractère accidentel, passager ou durable de leur présence dans l’entreprise locataire.

Enfin il paraît essentiel de soupeser ces critères, qui pourront revêtir un poids variable selon chaque espèce, sans perdre de vue l’objet de la législation qui est de favoriser l’accès à la négociation collective:

...

(pages 74-75; et 110-111)

[110] Environ cinq ans après que le CCRT eut rendu sa décision dans Nationair (Nolisair International Inc.) (1987), précitée, au sujet des agents de bord, il a été appelé à examiner une demande ultérieure, présentée pour le compte du Syndicat canadien de la fonction publique (le SCFP), qui demandait, en partie, que Nationair soit déclarée le véritable employeur des agents de service aux passagers travaillant pour Nationair. Fait intéressant, à l’époque où la demande a été présentée, le SCFP était l’agent négociateur reconnu des agents de service aux passagers travaillant pour Service de Personnel Sol-Air Corp. (Sol-Air), qui travaillait chez Nationair. Au départ, le syndicat avait accepté que Sol-Air soit désignée comme le véritable employeur, mais, comme certaines clauses et dispositions du contrat conclu par Nationair et Sol-Air avaient changé au fil des ans en ce qui avait trait à la nature de la supervision qu’exerçait Nationair, le SCFP a fait valoir que Nationair était le véritable employeur ou que Nationair et Sol-Air étaient un employeur unique. Le contrat en question indiquait le nombre d’agents de service aux passagers et de superviseurs que Sol-Air devait fournir, de même que le taux de rémunération que Sol-Air devait recevoir. Sol-Air embauchait les agents et était chargé de leur rémunération, ainsi que de la formation, de l’attribution des tâches, des mesures disciplinaires, des mises à pied et des rappels. Les agents de service aux passagers, quand ils étaient au travail, portaient le même uniforme que les agents de bord de Nationair, et ils utilisaient les bureaux et le matériel de Nationair. Il a aussi été établi que certains superviseurs de Nationair étaient enclins à exercer leurs fonctions de manière plus active et avec plus d’attention que ce que leurs responsabilités en matière de contrôle de la qualité semblaient exiger.

[111] Dans Nolisair International Inc. (Nationair Canada) et autres (1992), 89 di 94 (CCRT no 960), le CCRT a conclu que, depuis qu’il avait rendu sa décision en 1987, deux distinctions ou changements de faits fort importants étaient survenus :

... D’une part, les modalités des contrats successifs entre Nationair et Sol-Air à l’égard des agents passagers ont évolué de telle façon que Nationair a moins de possibilités d’intervenir dans la sélection et la formation des agents passagers. D’autre part, ces modifications du contenu du contrat, qui pourraient être sans grande signification si elles n’étaient pas accompagnées d’exemples concrets, établissent que l’organisation et le contrôle du travail des agents passagers incombent d’abord à Sol-Air.

(page 112)

Le CCRT a ensuite conclu ce qui suit :

Sol-Air est une compagnie qui a sa propre organisation, son personnel de direction et de supervision ainsi que des agents passagers. Entre 1988 et 1990, Sol-Air s’est occupé de l’embauche, l’affectation, l’établissement des horaires et la rémunération de ces employés. Elle a assumé la responsabilité ultime de leur formation même si, dans ce domaine, des représentants de Nationair sont parfois intervenus à certains égards. Elle a aussi assumé l’encadrement disciplinaire. Il n’a pas été établi que les mesures disciplinaires imposées pendant cette période l’aient été à la suggestion ou à la demande de Nationair. Il en est de même des décisions de mettre à pied et de rappeler au travail les employés dans un ordre déterminé même si, de toute évidence, ces mouvements de personnel sont tributaires des fluctuations des activités de Nationair.

Sol-Air doit répondre aux exigences de Nationair et respecter les horaires des vols de Nationair dans l’établissement des horaires des agents passagers, en assurant la présence de ceux-ci en nombre suffisant, aux heures déterminées par Nationair. C’est de l’essence même du contrat. Qu’elle doive par ailleurs se soumettre à des normes de rendement et de qualité fixées par Nationair n’apparaît pas non plus exorbitant dans le contexte de la présente affaire. À cet égard, les interventions, plus ou moins marquées, des superviseurs de Nationair dans l’exécution des fonctions des agents passagers ne sont pas, en l’instance, de nature à faire perdre la qualité d’employeur à Sol-Air.

Le rôle des superviseurs de Nationair de même que les effets des normes de rendement et de qualité sur les activités de Sol-Air peuvent peut-être servir à établir une direction ou un contrôle en commun, ce que nous verrons plus tard, mais elles n’ont pas pour conséquence de lui faire perdre son statut d’employeur au sens du Code.

(pages 112-113)

[112] À l’instar de sa conclusion dans Nolisair International Inc. (Nationair Canada) et autres (1992), précitée, le Conseil est convaincu qu’Adecco détient et exerce un pouvoir ultime sur les employés en cause. Adecco dispose de sa propre structure organisationnelle et est chargée de l’embauche, de l’attribution des tâches, de la planification du travail, de la rémunération et des mesures disciplinaires. C’est Adecco, par l’entremise de ses responsables et superviseurs sur place, qui gère le travail au jour le jour. Les responsables sur place, tenant compte des besoins de l’ASFC, attribuent le travail, traitent des problèmes de présence, procèdent aux évaluations de rendement, s’occupent des plaintes concernant les problèmes de rendement et donnent la formation nécessaire. Lorsqu’il est nécessaire de compter sur du personnel additionnel, Adecco est chargée du recrutement et c’est elle qui a le dernier mot au sujet des congédiements et des mesures disciplinaires. Le fait qu’elle doive respecter les clauses du contrat conclu avec le SCP est, dans les circonstances, raisonnable et nécessaire, car la SCP est tenue d’assurer un certain niveau de service, conformément au contrat conclu avec l’ASFC. Il arrive parfois que l’ASFC transmette des instructions directement aux employés d’Adecco ou fasse part de l’information à la SCP qui, à son tour, informe les responsables sur place d’Adecco. Le fait que les employés d’Adecco portent l’insigne de la SCP est lié à des raisons de sécurité et ne dénote pas qu’ils sont des employés de la SCP. Comme il a été mentionné plus tôt, le fait que certains superviseurs, à l’occasion, étaient enclins à exercer leurs fonctions de manière plus active et avec plus d’attention qu’il ne l’était peut-être justifié ne dépouille pas Adecco de son pouvoir et de sa position en tant que véritable employeur.

E – Conclusion

[113] Pour les motifs qui précèdent, le Conseil rejette par la présente la demande présentée pour le compte du STTP en vue d’obtenir une déclaration d’employeur unique à l’égard de la SCP et d’Adecco ou, subsidiairement, une ordonnance désignant la SCP comme l’employeur pour les activités du PIPAD qui sont menées au Centre principal d’acheminement à Mississauga (Ontario), à Montréal (Québec), et à Vancouver (Colombie-Britannique).

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