Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Dean Torres et autres,
plaignants,
et

Syndicat des travailleurs en télécommunications (STT),
intimé,
et

TELUS Communications inc.,
employeur.

Dossier du Conseil : 28089-C
Référence neutre : 2010 CCRI 526
Le 29 juin 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. Daniel Charbonneau et André Lecavalier, Membres.

Représentants inscrits au dossier
Mes Dwight C. Harbottle et Allan McDonell, c.r., pour M. Dean Torres et autres;
Me Shona A. Moore, c.r., pour le Syndicat des travailleurs en télécommunications (STT);
M. Steve Bedard, pour TELUS Communications inc.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la plainte sans tenir d’audience.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la plainte

[1] Le 16 avril 2010, le Conseil a reçu une plainte de manquement au devoir de représentation juste déposée par M. Dean Torres et 45 autres plaignants.

[2] M. Torres a allégué que son agent négociateur, le Syndicat des travailleurs en télécommunications (STT), avait manqué au devoir de représentation juste auquel il était tenu en vertu de l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[3] M. Torres travaille pour TELUS Communications inc. (Telus) et allègue que le STT a violé les dispositions du Code, parce qu’il avait « abandonné et traité, de façon arbitraire et discriminatoire, des griefs relatifs à un salaire rétroactif » (traduction).

[4] M. Torres a demandé au Conseil de proroger, en vertu de l’alinéa 16m.1) du Code, le délai de 90 jours prévu pour déposer une plainte. Le Conseil a d’abord examiné cette demande et n’a pas demandé aux autres parties de répondre à la plainte.

[5] Le Conseil a décidé de ne pas proroger le délai de 90 jours prévu par le Code pour les motifs qui suivent.

II – Faits

[6] M. Torres et les autres plaignants travaillent comme apprentis techniciens chez Telus. Ils étaient tous membres en règle du STT.

[7] La convention collective conclue par Telus et le STT est d’une durée de cinq ans, soit du 20 novembre 2005 au 20 novembre 2010.

[8] Aux environs du mois de février 2008, le STT avait présenté des griefs individuels auprès de Telus concernant le salaire rétroactif qui, alléguait-on, était dû aux apprentis techniciens. Le STT avait également présenté un grief de principe relativement au prétendu refus de Telus de verser un salaire rétroactif.

[9] Vers le 5 juin 2009, le STT a conclu une entente avec Telus, laquelle prévoyait le versement d’un salaire rétroactif à 49 apprentis techniciens, un groupe qui ne comprenait aucun des plaignants. M. Torres et les autres plaignants ont allégué que le STT avait abandonné leurs griefs ou ne les avait pas bien traités, et ce, malgré leur prétention selon laquelle leurs dossiers étaient identiques à ceux des 49 apprentis techniciens qui avaient bénéficié du règlement.

[10] Le 9 juillet 2009, le STT a avisé verbalement M. Torres et les autres de sa décision d’abandonner leurs griefs et du fait que les griefs plus récents, présentés vers le 22 mai 2009, ne l’avaient pas été en conformité avec la convention collective. Le STT a fourni de la documentation et a confirmé sa position par écrit le même jour.

[11] Au lieu de déposer des plaintes de manquement au devoir de représentation juste après avoir été ainsi informés par le STT, M. Torres et certains des plaignants ont plutôt créé un comité directeur, lequel a tenté « de déterminer la nature des réclamations de salaire rétroactif, de compiler les documents, d’identifier et de trouver les plaignants ainsi que de retenir les services d’un avocat pour les plaignants » (traduction).

[12] M. Torres a en fin de compte retenu les services d’un avocat en avril 2010. Celui-ci a immédiatement préparé la plainte et l’a déposée auprès du Conseil le 16 avril 2010.

[13] M. Torres, en demandant qu’on le dispense de l’obligation de respecter les délais prévus au Code, a expliqué que le retard était dû à la recherche faite par le comité directeur relativement à d’autres membres du STT qui avaient été traités de façon similaire. M. Torres a fait valoir que, si le comité directeur n’avait pas été créé et s’il n’avait pas pris le temps d’identifier les plaignants faisant partie du présent groupe, le Conseil aurait alors dû faire face à un certain nombre de plaintes indépendantes fondées sur l’article 37 découlant des mêmes faits.

[14] Selon M. Torres, les efforts déployés par le comité directeur permettent au Conseil de ne tenir qu’une seule audience pour instruire l’ensemble des plaintes.

[15] M. Torres a aussi informé le Conseil que, en raison de l’incapacité à utiliser le système de courriel de Telus, il a été plus difficile d’identifier les autres plaignants en temps opportun.

III – Analyse et décision

[16] Le paragraphe 97(2) du Code prévoit un délai de 90 jours pour déposer des plaintes de pratique déloyale de travail :

97.(2) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.

[17] Avant 1999, le Conseil n’était pas en mesure de proroger ce délai, bien qu’il ait toujours eu le pouvoir discrétionnaire de décider que, si le plaignant « a eu ou... aurait dû avoir connaissance », il pouvait déposer une plainte.

[18] Lors des modifications au Code entrées en vigueur le 1er janvier 1999, le législateur avait ajouté l’alinéa 16m.1) afin de conférer au Conseil le pouvoir discrétionnaire de proroger des délais, tels que ceux s’appliquant aux plaintes fondées sur l’article 37 :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît

...

m.1) proroger les délais fixés par la présente partie pour la présentation d’une demande.

[19] Le Conseil ne dispensera pas systématiquement une partie de l’obligation de respecter le délai de 90 jours prévu pour déposer une plainte de pratique déloyale de travail. Le législateur a toujours souligné l’importance du fait que le Conseil devait être saisi sans délai des questions de relations de travail. Les éventuelles parties intimées ont le droit de savoir si elles doivent conserver les éléments de preuve et, par ailleurs, se préparer en vue d’une plainte déposée en vertu du Code.

[20] Il peut sembler inéquitable que des profanes aient à agir rapidement pour déposer des plaintes liées aux relations de travail, mais le paragraphe 97(2) s’applique pareillement aux syndicats et aux employeurs.

[21] Le Conseil n’exercera pas son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 16m.1) de manière à rendre illusoire l’intention du législateur d’obliger les parties à déposer promptement leurs plaintes liées aux relations de travail.

[22] Néanmoins, le Conseil examinera la possibilité de proroger les délais dans des circonstances impérieuses, tel le cas où la santé d’un plaignant l’aurait empêché de déposer sa plainte en temps opportun (voir Louise Galarneau, 2003 CCRI 239). En général, le Conseil examinera la longueur du délai ainsi que sa justification.

[23] En l’espèce, M. Torres a eu ou aurait dû avoir connaissance, à la suite de la correspondance du STT et de la conversation téléphonique du 9 juillet 2009, du fait qu’une décision définitive avait été prise quant à son droit au salaire rétroactif. Le délai de 90 jours aurait expiré le 10 octobre 2009.

[24] La plainte a été déposée plus de six mois après l’expiration de ce délai.

[25] Bien que M. Torres et les plaignants aient pu, de bonne foi, penser qu’il était préférable de déposer une seule plainte afin d’y inclure le plus de plaignants possible, il ne s’agit pas du genre de justification qui convaincra le Conseil d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 16m.1) pour excuser les neuf mois qui se sont écoulés entre le début du délai et le dépôt de la plainte.

[26] Si le Conseil avait reçu une multitude de plaintes dans le délai prévu, il aurait pu les réunir, étant donné la similarité des faits. De même, il aurait pu proposer de faire avancer un dossier représentatif, compte tenu de la similarité des faits, dans le but de déterminer l’issue de l’ensemble des dossiers.

[27] Par conséquent, le Conseil refuse de proroger le délai de 90 jours prévu au paragraphe 97(2) du Code. La plainte est rejetée.

[28] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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