Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Conseil canadien des Teamsters,

requérant,

et


FedEx Ground Package System, ltée,

employeur.

Dossier du Conseil : 27950-C

Référence neutre : 2010 CCRI 522

Le 7 juin 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, et de MM. John Bowman et Patrick J. Heinke, Membres.

Procureurs inscrits au dossier
Me Stéphane Lacoste, pour le Conseil canadien des Teamsters;
Me J. Timothy Lawson, pour FedEx Ground Package System, ltée.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la demande sans tenir d’audience.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la demande

[1] Le 16 février 2010, le Conseil a reçu du Conseil canadien des Teamsters (Teamsters) une demande d’accréditation fondée sur le paragraphe 32(1) du Code.

[2] Les Teamsters voulaient être accrédités pour représenter une unité de négociation d’employés des services administratifs de FedEx Ground Package System, ltée (FXG).

[3] Le 17 mars 2010, les Teamsters ont demandé au Conseil l’autorisation de retirer leur demande d’accréditation initiale et ont également présenté une deuxième demande d’accréditation identique à la première, mais en y joignant des cartes d’adhésion additionnelles.

[4] FXG a contesté la demande des Teamsters visant à retirer leur première demande d’accréditation.

[5] Pour les motifs qui suivent, le Conseil a décidé de ne pas accorder aux Teamsters l’autorisation de retirer leur demande d’accréditation initiale.

II – Faits

[6] La demande d’accréditation initiale des Teamsters du 16 février 2010 visait à obtenir le droit de représenter l’unité de négociation suivante :

Tous les employés des services administratifs travaillant pour FedEx Ground Package System ltée au 6600, promenade Goreway, unité D, dans la ville de Mississauga (Ont.), à l’exception des superviseurs et de ceux de niveau supérieur, des employés du service de l’assurance de la qualité, des employés contractuels et des préposés à la manutention des colis.

(traduction)

[7] Le 3 mars 2010, le Conseil a reçu la réponse de FXG à la demande d’accréditation.

[8] FXG s’opposait à l’unité de négociation proposée et a prétendu que celle-ci devait inclure les préposés à l’assurance de la qualité, alléguant que ceux-ci sont aussi des employés des services administratifs.

[9] FXG a prétendu que l’exclusion des personnes qui étaient manifestement des employés des services administratifs aurait pour effet de fragmenter indûment l’unité de négociation proposée.

[10] FXG a aussi allégué qu’il y avait des doutes relativement à la preuve d’adhésion, dont des allégations d’intimidation et de coercition. L’agent des relations industrielles du Conseil a mené une enquête confidentielle, et le Conseil est convaincu que la preuve d’adhésion des Teamsters n’était entachée d’aucune irrégularité.

[11] Le 11 mars 2010, les Teamsters ont présenté leur réplique et ont prétendu que les préposés à l’assurance de la qualité étaient, dans les faits, des préposés à la manutention des colis, et que leur exclusion de l’unité de négociation était donc appropriée.

[12] Le 17 mars 2010, les Teamsters ont écrit au Conseil pour demander l’autorisation de retirer leur première demande d’accréditation. Ils ont aussi demandé au Conseil d’accepter une deuxième demande d’accréditation, qu’ils ont jointe à leur lettre. Les Teamsters ont demandé que leur preuve d’adhésion originale soit jointe à leur nouvelle demande d’accréditation. Les Teamsters ont aussi joint une nouvelle preuve d’adhésion à leur deuxième demande.

[13] Dans leur lettre datée du 17 mars 2010, les Teamsters fournissaient les motifs suivants pour justifier leur demande de retrait :

La présente demande est nécessaire en raison des nombreuses violations du Code commises par FedEx Ground Package System, ltée (ci-après « FXG ») et par d’autres personnes agissant en son nom, comme il a été précédemment allégué dans le dossier du Conseil 27851-C; notre campagne de recrutement des employés des services administratifs de FXG travaillant au 6600, promenade Goreway, à Mississauga, a presque été interrompue. En dépit de cela, nous avons récemment réussi à obtenir la signature de nouveaux membres, et leur nombre, que l’on ne peut indiquer dans la présente lettre en raison du caractère confidentiel de cette information, est suffisant pour avoir une incidence sur le traitement de la demande d’accréditation.

Nous croyons qu’il est dans l’intérêt de la justice, ainsi que dans celui des droits et des libertés garantis aux employés par la Constitution, d’accueillir la présente demande.

Vous trouverez donc ci-joint la nouvelle demande d’accréditation, accompagnée de tous les documents nécessaires, y compris les nouvelles cartes de membres. Nous demandons au Conseil de transférer au présent dossier la preuve d’adhésion qui avait été jointe à la première demande d’accréditation.

(traduction)

[14] Le Conseil est saisi d’une plainte de pratique de travail déloyale complémentaire déposée par les Teamsters relativement à leur présente campagne de syndicalisation (dossier no 27851-C). Le Conseil a fixé une audience pour cette affaire. Les Teamsters avaient demandé, entre autres choses, l’accréditation automatique à titre de mesure de redressement pour les pratiques de travail déloyales alléguées en vertu de l’article 99.1 du Code.

[15] Le 18 mars 2010, FXG a écrit au Conseil pour s’opposer à la demande d’autorisation des Teamsters de retirer leur première demande d’accréditation. FXG a demandé au Conseil de se prononcer sur la première demande d’accréditation présentée par les Teamsters, et de la rejeter si les Teamsters ne réussissaient pas à établir qu’ils avaient l’appui nécessaire.

[16] FXG a renvoyé à l’article 38 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, DORS/2001-520 (le Règlement), lequel impose une attente de six mois si le Conseil rejette une demande d’accréditation.

[17] FXG a allégué que toute nouvelle preuve d’adhésion pouvait avoir été touchée par certaines des annonces des Teamsters à l’égard de leur campagne de syndicalisation. FXG avait déposé une plainte de pratique déloyale de travail relativement aux actes qu’auraient commis les Teamsters (dossier du Conseil no 27995-C).

[18] Par lettre datée du 22 mars 2010, le Conseil a demandé aux parties de présenter par écrit des arguments de droit sur la demande de retrait des Teamsters. Le Conseil a établi un calendrier à l’intention des parties.

[19] Le 6 avril 2010, les Teamsters ont écrit au Conseil pour lui faire savoir qu’ils « maintenaient leur position au sujet de l’affaire susmentionnée et que le Conseil avait toute l’information dont il avait besoin pour rendre une décision » (traduction).

[20] Dans ses observations datées du 16 avril 2010, FXG a prétendu, entre autres choses, que le Conseil ne devrait pas permettre aux Teamsters d’utiliser leur première demande d’accréditation comme point de départ de la poursuite de la campagne de syndicalisation, tout en contournant l’application de l’interdiction de six mois imposée en vertu de l’article 38 du Règlement.

[21] Les Teamsters n’ont présenté aucune réplique aux observations de FXG, conformément à la position exprimée dans leur lettre du 6 avril 2010 adressée au Conseil.

III – Analyse et décision

[22] Le Conseil s’est depuis longtemps donné pour politique de ne pas autoriser les parties à retirer unilatéralement une demande ou une plainte sans son autorisation. Le Conseil peut, pour des motifs valables, refuser d’autoriser une partie à retirer une demande d’accréditation (voir Genesee & Wyoming inc., exploitée sous la raison sociale Huron Central Railway, 2007 CCRI 388; et Technair Aviation Ltée (1990), 81 di 146; et 14 CLRBR (2d) 68 (CCRT no 812)).

[23] Les syndicats qui tentent de syndiquer des employés n’ont pas toujours accès aux renseignements qui leur permettraient de présenter une demande d’accréditation complète. En règle générale, ce manque de connaissance ne leur causera pas préjudice s’ils présentent une demande visant à retirer la demande d’accréditation initiale. La Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique (CRTCB) a décrit la situation de la manière suivante dans la décision Universal Supply Co. (Surrey) Ltd. L140/81, datée du 6 août 1981 :

Après qu’un syndicat a présenté une demande d’accréditation, il va souvent découvrir que l’unité de négociation proposée est beaucoup plus grande que ce qu’il avait anticipé, ou que l’unité de négociation proposée n’est pas habile à négocier collectivement en raison de certaines caractéristiques des activités de l’employeur dont il n’avait pas connaissance auparavant. La fréquence de telles situations est une conséquence inévitable du fait que le syndicat n’a pas toujours accès aux renseignements sur la structure organisationnelle d’un employeur.

(traduction)

[24] Les commissions des relations du travail exigent des motifs pertinents liés aux relations du travail avant d’accorder la permission de retirer une demande d’accréditation. La CRTCB a décrit la situation ainsi dans Britco Structures Limited (1984), 4 CLRBR (NS) 5 :

À notre avis, un syndicat requérant doit présenter des motifs justifiés sur le plan des relations du travail pour demander un retrait – des raisons telles que celles énoncées dans Universal Supply Co., précitée. En l’espèce, les sections locales n’ont invoqué aucun motif pour demander le retrait de la demande, et aucun motif, tel que l’ignorance de la taille de l’entreprise de l’employeur, ne ressort clairement du dossier ...

(page 8; traduction)

[25] L’article 38 du Règlement prévoit une attente de six mois lorsque le Conseil rejette une demande d’accréditation :

38. Le syndicat ou regroupement de syndicats qui s’est vu refuser une demande d’accréditation doit attendre six mois avant de présenter une nouvelle demande concernant la même unité de négociation ou une unité de négociation essentiellement similaire.

[26] L’article 46 du Règlement permet au Conseil de raccourcir la durée de l’interdiction de six mois pour présenter une autre demande d’accréditation :

46. Le Conseil peut, dans une instance, modifier toute règle de procédure prévue au présent règlement ou dispenser une personne de l’observation de celle-ci – notamment à l’égard d’un délai qui y est prévu et des exigences relatives à la procédure expéditive – si la modification ou la dispense est nécessaire à la bonne administration du Code.

[27] Le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail, a décrit sa pratique relativement à l’interdiction de six mois prévue au Règlement dans Greyhound Lines of Canada Ltd. (1990), 80 di 147; et 90 CLLC 16,029 (CCRT no 794) (Greyhound) :

Plusieurs raisons justifient la politique du Conseil sur le désistement de demandes et de plaintes. Dans le cas des demandes d’accréditation, étant donné que le rejet de la demande est sanctionné par l’interdiction de présenter une autre demande pendant six mois, un syndicat qui risque de perdre une campagne mal organisée pourrait être tenté de se soustraire à la sanction des six mois en ayant recours à un désistement unilatéral. De cette façon, sa première demande d’accréditation échapperait au « rejet » prévu à l’article 31 [maintenant article 38] du Règlement.

Pour que cette règle des six mois fonctionne adéquatement, le Conseil ne doit pas autoriser de retrait unilatéral sans que l’autre partie ait au moins l’occasion de présenter des arguments afin d’obtenir le rejet pur et simple de la demande. L’article 31 vise à éviter d’exposer un agent négociateur en place à des tentatives de maraudage répétées. Dans le cas d’une première demande d’accréditation, l’article a pour objet d’éviter que le climat d’une entreprise non syndiquée soit constamment perturbé par des campagnes de syndicalisation avortées. Toutefois, l’article 31 du Règlement n’a pas pour but d’empêcher une campagne de syndicalisation bien organisée de réussir, même peu de temps après un premier échec.

(page 150)

[28] Le Conseil a accordé à des syndicats l’autorisation de retirer leurs demandes dans des situations où l’agent négociateur avait mal jugé la taille ou la portée de l’unité de négociation. Dans Greyhound, précitée, le syndicat maraudeur a justifié sa demande de retrait par le fait qu’il avait été induit en erreur à propos du statut de certaines personnes. Il a avisé le Conseil qu’il voulait obtenir l’appui des employés du groupe, lequel n’avait pas été inclus dans sa demande initiale. Le Conseil a fait choix à la demande de retrait.

[29] Dans la présente affaire, les Teamsters visent, dans leurs deux demandes d’accréditation, à représenter la même unité de négociation. Les Teamsters ont demandé au Conseil de verser la preuve d’adhésion jointe à la première demande dans leur deuxième demande d’accréditation.

[30] Le Conseil a décidé de ne pas autoriser le retrait de la demande dans les circonstances particulières de la présente affaire.

[31] L’alinéa 28c) du Code consacre l’importance de la date de la présentation de la demande pour toute demande d’accréditation :

28. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil doit accréditer un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;

b) il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[32] Le Conseil a mis beaucoup d’accent sur la date de la présentation de la demande d’accréditation. Le Code a été modifié pour qu’il intègre explicitement la politique du Conseil d’utiliser la date de la demande lorsqu’il évalue la preuve d’adhésion à un syndicat. Si un syndicat recueillait l’appui de plus de 50 % des employés à la date de la demande, le Conseil doit accorder l’accréditation. Si un syndicat recueillait l’appui de plus de 35 %, mais de moins de 50 % des employés, le Conseil doit alors ordonner la tenue d’un scrutin de représentation (paragraphe 29(2)).

[33] Selon un des corollaires de la politique du Conseil relative à l’importance de la date de la demande, le Conseil n’admettra généralement pas de preuve, que ce soit par demande ou par d’autres moyens, présentée par des employés qui tentent de retirer leur appui au syndicat requérant. Une telle preuve doit être reçue avant la date de la demande.

[34] Afin d’éviter une multitude de problèmes de relations du travail qui pourraient survenir après la présentation publique d’une demande d’accréditation, le Conseil se fie fortement sur la date de la présentation de la demande lorsqu’il évalue la preuve d’adhésion.

[35] Selon le Conseil, l’équité exige que l’on n’enlève pas et que l’on ajoute pas de preuve d’adhésion après la date de la présentation de la demande. Le Conseil peut, à l’occasion, choisir une autre date pour examiner la preuve d’adhésion. Aucun argument laissant entendre que le Conseil devrait utiliser une autre date pour déterminer l’appui au syndicat n’a été présenté dans la présente affaire.

[36] Dans la présente affaire, avant d’examiner l’appui recueilli par les Teamsters, le Conseil doit décider s’il autorise le retrait. Le Conseil accordera l’autorisation de retirer la demande d’accréditation dans les cas où des motifs liés aux relations du travail justifient une telle demande. Le Conseil n’était au départ pas convaincu que les allégations soulevées par les Teamsters à l’égard des plaintes de pratiques de travail déloyales en suspens étaient suffisantes pour justifier un retrait.

[37] Le Conseil pourrait porter atteinte à l’équité des autres affaires dont il est saisi s’il acceptait les allégations de pratiques de travail déloyales comme étant suffisantes pour accorder l’autorisation de retirer une demande d’accréditation. Le Conseil tiendra une audience sur ces allégations. Les conclusions émanant de celle-ci seront pertinentes pour la demande des Teamsters visant à obtenir l’accréditation automatique, en vertu de l’article 99.1 du Code.

[38] Compte tenu de cette situation, le Conseil a demandé aux parties de présenter d’autres arguments de droit sur la question du retrait. Le Conseil n’a pas reçu d’autres motifs liés aux relations du travail lui permettant d’accorder un retrait.

[39] Par conséquent, le Conseil ne peut accorder le retrait.

[40] Le Conseil a examiné la demande d’accréditation initiale présentée par les Teamsters le 16 février 2010. La preuve d’adhésion présentée ne conférait pas aux Teamsters le droit à la tenue d’un scrutin en vertu du paragraphe 29(2) du Code. Par conséquent, le Conseil rejette cette demande.

[41] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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