Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat des services du grain (SIDM - Canada),
requérant,
et
Viterra inc.,
employeur.

Dossier du Conseil : 26380-C

Syndicat des services du grain (SIDM - Canada),
requérant,
et
United Grain Growers limitée exploitée sous la raison sociale Viterra, Viterra inc.,
employeurs.

Dossier du Conseil : 26473-C

United Grain Growers limitée exploitée sous la raison sociale Viterra, Viterra inc.,
requérantes,
et
Syndicat des services du grain (SIDM - Canada), Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 832
agents négociateurs,
et
AgPro Grain Inc.,
employeur,
et
Syndicat international des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 1118
partie intéressée.

Dossier du Conseil : 26532-C
Référence neutre : 2009 CCRI 465
Le 4 août 2009

Le Conseil se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. Patrick J. Heinke et John Bowman, Membres. Une audience a été tenue le 25 mai 2009 à Regina (Saskatchewan).

Ont comparu

Me Ronni A. Nordal, pour le Syndicat des services du grain (SIDM - Canada);
Me Craig W. Neuman, pour Viterra inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I - Nature de la demande

[1] Le Conseil doit déterminer dans la présente décision s’il faut regrouper des unités de négociation accréditées à la suite d’une déclaration de vente d’entreprise.

[2] Dans Viterra inc., 2009 CCRI 442 (Viterra 442), le Conseil s’est penché sur des demandes présentées par le Syndicat des services du grain (SIDM - Canada) (le SSG) ainsi que par Viterra inc. (Viterra). Dans les demandes initiales, on demandait, entre autres choses, que des modifications soient apportées à la structure des unités de négociation des parties.

[3] Le Conseil ne reprendra pas les faits déjà exposés en détail dans Viterra 442. Dans cette décision, le Conseil a conclu que l’acquisition par Saskatchewan Wheat Pool (SWP) de la totalité des actions de Agricore United (AU) constituait une vente d’entreprise. SWP a par la suite liquidé AU et, en mars 2008, elle a modifié ses statuts constitutifs afin de prendre officiellement le nom de Viterra.

[4] L’acquisition de AU par SWP a eu pour conséquence qu’un certain nombre d’employés non syndiqués effectuaient du travail semblable, voire identique, à celui effectué par des employés représentés par le SSG.

[5] Dans Viterra 442, le Conseil a conclu que les anciens employés de AU qui effectuaient en Saskatchewan du travail « relevant » de l’unité des services ruraux ou de l’unité de l’entretien du SSG feraient partie de ces unités.

[6] À la suite de la déclaration de vente d’entreprise, le Conseil a fourni au SSG et à Viterra l’occasion de négocier des modifications à la structure des unités de négociation. Les négociations n’ont pas mené à une entente. En conséquence, le Conseil s’est rendu à Regina pour entendre les observations orales supplémentaires des parties le 25 mai 2009.

II - Dispositions applicables du Code

[7] L’article 18.1 est libellé ainsi :

18.1(1) Sur demande de l’employeur ou d’un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

(2) Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation :

a) il donne aux parties la possibilité de s’entendre, dans le délai qu’il juge raisonnable, sur la détermination des unités de négociation et le règlement des questions liées à la révision;

b) il peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées pour mettre en oeuvre l’entente.

(3) Si le Conseil est d’avis que l’entente conclue par les parties ne permet pas d’établir des unités habiles à négocier collectivement ou si certaines questions ne sont pas réglées avant l’expiration du délai qu’il juge raisonnable, il lui appartient de trancher toute question en suspens et de rendre les ordonnances qu’il estime indiquées dans les circonstances.

(4) Pour l’application du paragraphe (3), le Conseil peut :

a) déterminer quel syndicat sera l’agent négociateur des employés de chacune des unités de négociation définies à l’issue de la révision;

b) modifier l’ordonnance d’accréditation ou la description d’une unité de négociation dans une convention collective;

c) si plusieurs conventions collectives s’appliquent aux employés d’une unité de négociation, déterminer laquelle reste en vigueur;

d) apporter les modifications qu’il estime nécessaires aux dispositions de la convention collective qui portent sur la date d’expiration ou les droits d’ancienneté ou à toute autre disposition de même nature;

e) si les conditions visées aux alinéas 89(1)a) à d) ont été remplies à l’égard de certains des employés d’une unité de négociation, décider quelles conditions de travail leur sont applicables jusqu’à ce que l’unité devienne régie par une convention collective ou jusqu’à ce que les conditions visées à ces alinéas soient remplies à l’égard de l’unité;

f) autoriser l’une des parties à une convention collective à donner à l’autre partie un avis de négociation collective.

[8] Dans Viterra 442, le Conseil a accepté l’argument de Viterra selon lequel son acquisition de AU constituait une vente d’entreprise. Le Conseil a de plus convenu qu’il y avait lieu d’exercer son pouvoir discrétionnaire de réviser les unités de négociation en vertu de l’article 45 du Code :

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l’article 44, le Conseil peut, sur demande de l’employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

[9] L’article 18.1 du Code établit la procédure à suivre pour réviser la structure d’unités de négociation. Le syndicat ou l’employeur peut demander en tout temps au Conseil de réviser la structure d’unités de négociation en vertu du paragraphe 18.1(1). Cependant, pour obtenir une révision, le requérant doit d’abord convaincre le Conseil que les unités de négociation existantes « ne sont plus habiles à négocier collectivement » (voir Expertech Bâtisseur de réseaux Inc., 2002 CCRI 182, au paragraphe 108).

[10] Le critère est moins exigeant lorsque la demande suit une déclaration d’employeur unique fondée sur l’article 35 ou une déclaration de vente d’entreprise fondée sur l’article 44. Le Conseil peut intervenir et procéder à une révision sans que l’une ou l’autre des parties ait démontré que les unités de négociation existantes ne sont plus habiles à négocier collectivement  (voir Expertech Bâtisseur de réseaux Inc., précitée, au paragraphe 109).

[11] Le Conseil décrit l’analyse qu’il mène dans de telles circonstances au paragraphe 17 de la décision qu’il a rendue dans BCT.TELUS, 2000 CCRI 73 :

[17] Le Conseil a élaboré des critères et des principes bien établis dont il tient compte lorsqu’il doit déterminer si une unité est habile à négocier collectivement ou lorsqu’il doit réviser et restructurer des unités de négociation existantes. À cet égard, il tient compte d’un certain nombre de facteurs et évalue le poids à leur accorder, notamment la communauté d’intérêts, la viabilité de l’unité, les désirs des employés, la pratique ou le modèle du secteur; les antécédents de la négociation collective avec l’employeur, la structure organisationnelle de l’employeur et la préférence générale du Conseil pour des unités de négociation plus larges pour des raisons telles que l’efficacité administrative et la commodité des négociations, la mobilité latérale des employés, la similitude des conditions d’emploi et la stabilité industrielle (voir AirBC Limited (1990), 81 di 1; 13 CLRBR (2d) 276; et 90 CLLC 16,035 (CCRT no 797), et Société canadienne des postes (1988), 73 di 66; et 19 CLRBR (NS) 129 (CCRT no 675)). La méthodologie du Conseil est bien décrite dans Chemin de fer Quebec North Shore & Labrador (1992), 90 di 110; et 93 CLLC 16,020 (CCRT no 978), dont voici un extrait :

« Les critères de détermination de l’habileté à négocier d’une unité de négociation tiennent compte à la fois des intérêts des employés et de ceux de leur employeur. Sans prétendre en faire une liste exhaustive, soulignons entre autres la communauté d’intérêts entre les employés, le mode d’organisation et d’administration de l’entreprise, l’histoire des négociations collectives chez l’employeur et dans le secteur d’activité visé, l’interchangeabilité des employés et la recherche de la paix industrielle. Les critères pourront avoir un poids différent selon les cas d’espèce notamment selon qu’il s’agisse d’une demande d’accréditation ou d’une demande de révision. En effet, dans le premier cas, le Conseil doit permettre aux employés d’accéder à la négociation collective. Dans l’autre, il doit étudier la structure de négociation existante afin de rendre plus efficaces les mécanismes de négociation et d’application des conventions collectives. Cependant, il doit toujours tenter d’équilibrer des intérêts souvent divergents pour déterminer des unités de négociation viables en vue d’assurer des négociations efficaces et des relations de travail les plus harmonieuses possibles.

(pages 123-124; et 14,147-14,148) »

[12] Après avoir donné aux parties la possibilité de s’entendre sur diverses questions en vertu du paragraphe 18.1(2), le Conseil examinera maintenant l’affaire conformément aux pouvoirs que lui confèrent les paragraphes 18.1(3) et (4).

III - Positions des parties

[13] Afin d’évaluer les positions des parties, il est essentiel de comprendre la structure actuelle des unités de négociation.

[14] Viterra compte quatre unités de négociation dans des installations terminales en Ontario et en Colombie-Britannique. De manière semblable, Viterra compte une unité de négociation dans son installation de traitement de l’avoine et de cultures fourragères à Edmonton, à l’égard de laquelle l’Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (le TUAC) est l’agent négociateur.

[15] Les sept unités de négociation qui font l’objet de la révision du Conseil sont les suivantes :

(i) L’ordonnance d’accréditation no 8259-U de l’unité des services ruraux de la Saskatchewan (unité des services ruraux) :

tous les employés de Saskatchewan Wheat Pool qui travaillent au sein de la Division des services ruraux, communément appelée l’unité des services ruraux (opérations), et spécifiquement mais sans limiter la portée générale de ce qui précède, y compris les employés classifiés comme chauffeur/conducteur de camion affectés à l’unité de l’acheminement du grain par semi-remorques pour Saskatchewan Wheat Pool et AgPro Grain à l’exclusion du chef de l’utilisation des actifs, du chef des services agronomiques, du chef de l’expansion commerciale, du chef de l’exploitation de la recherche & du développement agricoles, du chef du service de traitement et du chef de l’agronomie.

(ii) L’ordonnance d’accréditation no 7763-U de l’unité des services de l’entretien de la Saskatchewan (unité de l’entretien) :

tous les employés de Saskatchewan Wheat Pool qui travaillent au sein de la Division des services ruraux, communément appelée l’unité de l’entretien, à l’exclusion du chef de l’entretien de district, du chef des services d’entretien, du superintendant des services électriques, du superviseur de l’entrepôt et de la distribution, et des services de soutien - entretien technique.

(iii) L’ordonnance d’accréditation no 7754-U de l’unité du personnel administratif (unité administrative) :

tous les employés de Saskatchewan Wheat Pool travaillant à ses bureaux à Regina, Saskatoon, Winnipeg, Thunder Bay, et Vancouver; au service d’entretien des ordinateurs, au sein de la Division des relations avec les entreprises membres, communément appelée l’unité administrative, à l’exclusion des postes suivants : analyste - recherche et développement, président-directeur général, trésorier, directeur exécutif, directeur, agent financier principal, adjoint administratif du président, adjoint du président, adjoint administratif du président-directeur général, adjoint du président-directeur général, adjoint du directeur exécutif, adjoint de l’agent financier principal, contrôleur de la division des silos terminus, contrôleur de la division des services ruraux, contrôleur général, contrôleur - comptabilité industrielle, comptable, chef des relations avec les employés, chef des relations industrielles, chef de la paie et des avantages sociaux, directeur général, chef de la comptabilité - grains, chef des services agronomiques, chef de l’inspection et des services des grains, chef de l’expansion des entreprises membres, chef de l’administration des produits, chef du service de comptabilité, chargé du programme, chef de l’expédition et de l’attribution des ressources, chef du service des approvisionnements agricoles, chef des relations commerciales et des renseignements sur les entreprises membres, chef de la gestion des biens, chef de la planification des marchés, chef des services de l’organisation générale, chef de l’élaboration des systèmes de gestion, chef du service des achats, chef du commerce international, gestionnaire principal de projet, gestionnaire de projet, chef de la planification et de l’exploitation des services, chef de commercialisation des engrais, directeur régional, chef des services de protection des biens, chef des services de bureau, chef des relations commerciales et des relations avec les clients, chef des relations avec les entreprises membres, chef des services techniques, chef des systèmes financiers, chef des services financiers, chef de l’analyse financière, chef du service des finances, chef des services de soutien à la clientèle, chef des services à la clientèle, chef des opérations des grains, chef de la mise en marché des grains, chef de la logistique du transport, chef de l’analyse et de l’exploitation du marché, chef de l’exploitation des marchés, chef de l’évaluation et de l’analyse de projet, chef de l’étude de marché et de la promotion, chef de la protection des récoltes, chef de la commercialisation de la division des silos terminus, chef des services de communication, chef des réclamations, chef de la sécurité, chef du service des grains non réglementés, chef des stocks de récoltes spéciales, chef de l’exploitation des systèmes, chef des services de consultation, chef de la commercialisation des graines de semence, chef de la politique de l’environnement et de la planification, chef des services de vérification, chef de la sélection et du contrôle de la qualité, chef de l’exploitation des terminaux, chef du processus démocratique, chef de la recherche et du développement, chef de la recherche et du développement agricoles, chef du traitement des données, chef de la planification des installations, chef des récoltes spéciales, chef de l’assurance de la qualité, chef de l’analyse économique et de l’élaboration de politiques, chef du transport, chef des ventes au détail - Région de l’Ouest canadien, chef des services fiscaux, chef des affaires publiques, chef de l’équipement et de la commercialisation des services spéciaux, analyste de la gestion, chef de l’expansion de la région du Centre, chef de la mise au point de graines oléagineuses, superviseur du service de la paie et de la classification, superviseur du service des avantages sociaux, superviseur du soutien technique, superviseur des services de santé aux employés, superviseur du service de comptabilité de la paie, superviseur du service des relations publiques, superviseur du service de soutien - entretien technique, surintendant des ressources humaines, coordonnateur des ressources humaines, conseiller en ressources humaines, coordonnateur du développement des ressources humaines, conseiller en développement des ressources humaines, analyste des systèmes de ressources humaines, conseiller en relations avec les employés, coordonnateur des relations avec les employés, coordonnateur des renseignements sur les employés, coordonnateur du programme d’aide à la famille des employés, coordonnateur des services d’emploi, coordonnateur régional, coordonnateur de l’équité en matière d’emploi, coordonnateur de la qualité du rendement, coordonnateur administratif, coordonnateur des systèmes administratifs, coordonnateur de l’administration et des finances, coordonnateur du perfectionnement, coordonnateur des opérations des grains, coordonnateur de l’administration des salaires, coordonnateur de la commercialisation des terminaux, coordonnateur des relations avec les investisseurs, coordonnateur du transport, représentant de district, agent d’approvisionnement (Thunder Bay), surintendant de l’entretien (Thunder Bay), analyste du marché et du commerce, analyste financier III, analyste financier, analyste des pensions et des avantages sociaux, adjoint administratif, vérificateur III, vérificateur des systèmes d’information, concepteur de techniques, conseiller en matière de paie, chercheur phytotechnicien, marchandiseur principal, marchandiseur, préposé à l’amélioration du blé, ingénieur concepteur, infirmière en santé du travail/coordonnatrice du traitement des réclamations, infirmière du service de santé aux employés, secrétaire du conseil de direction et secrétaire.

(iv) L’ordonnance d’accréditation no 7938-U de l’unité de AgPro en Alberta et au Manitoba (AgPro Alberta-Manitoba) :

tous les employés de AgPro Grain Management Services Ltd. travaillant à ses élévateurs à grains terminaux et à ses installations d’équipement agricole, ou en liaison avec ces endroits, situés à Killam, Lavoy, Trochu, Crossfield, Lethbridge, et Vulcan (Alberta), et Boissevain et Brandon (Manitoba), à l’exclusion des directeurs régionaux, de l’adjoint administratif aux directeurs régionaux, des directeurs des opérations de terminal et de ceux de niveau supérieur.

(v) L’ordonnance d’accréditation no 7750-U de l’unité de AgPro à Saskatoon (AgPro Saskatoon) :

tous les employés de AgPro Grain Inc., travaillant à l’élévateur de tête de ligne à Saskatoon, à l’exclusion du directeur du terminal, du coordonnateur - commercialisation, du coordonnateur principal - commercialisation, du directeur de réseau, du directeur des opérations, du contremaître d’entrepôt, du chef de l’administration du terminal et de bureau.

(vi) L’ordonnance d’accréditation no 7755-U de l’unité de AgPro à Moose Jaw (AgPro Moosejaw) :

tous les employés de AgPro Grain Inc., travaillant à l’élévateur de tête de ligne à Moose Jaw, à l’exclusion du directeur du terminal, du coordonnateur - commercialisation, du coordonnateur principal - commercialisation, du directeur de réseau, du directeur des opérations, du contremaître d’entrepôt et de l’adjoint exécutif.

(vii) L’ordonnance d’accréditation no 9419-U de l’unité de l’usine de haricots à Carman (unité de l’usine de haricots à Carman) :

tous les employés de Saskatchewan Wheat Pool inc., exploitée sous la raison sociale Viterra, dans la ville de Carman (Manitoba) qui travaillent dans l’usine de haricots et de cultures spéciales, à l’exclusion du concierge, du directeur principal des installations, du représentant principal régional, du marchandiseur principal, du marchandiseur stagiaire / directeur de bureau, du directeur régional de l’exploitation en campagne et de ceux de niveau supérieur.

[16] Il y a actuellement une demande de révocation en instance devant le Conseil visant l’unité AgPro Alberta-Manitoba (dossier 26908-C).

[17] Deux autres unités de négociation étaient remises en question au moment où le Conseil a rendu sa décision dans Viterra 442. Pour l’unité de l’avenue Coulter au Manitoba, le Conseil a révoqué l’accréditation le 1er mai 2009 en rendant l’ordonnance no 9641-U. Pour l’unité des services ruraux/de l’entretien au Manitoba, un scrutin de représentation a été tenu. Le Conseil a rejeté la demande quand le SSG n’a pas obtenu l’appui d’un nombre suffisant de membres pour représenter l’unité proposée.

[18] Viterra a toujours gardé la même position tout au long du processus. Elle a soutenu que le Conseil devrait créer une seule unité de négociation comprenant tous les employés non exclus de Viterra dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta. Viterra a également demandé au Conseil de tenir un scrutin de représentation pour déterminer si les employés de Viterra voulaient être représentés par le SSG.

[19] D’après Viterra, une unité de négociation unique tiendrait compte du fait que l’entreprise a subi une transformation faisant d’elle une grande entreprise céréalière active dans tout l’Ouest canadien. Viterra a mis en évidence plusieurs avantages que procurerait une unité de négociation unique, y compris le fait que la mobilité des employés serait améliorée, particulièrement entre les provinces.

[20] Viterra a également soutenu que les cultures spécialisées, comme celles traitées à l’usine de haricots de Carman au Manitoba, qui fait l’objet d’une accréditation indépendante, devraient être incluses dans la grande unité de négociation. Viterra a rappelé au Conseil que les cultures spécialisées en Saskatchewan sont déjà incluses dans l’unité des services ruraux.

[21] Selon Viterra, avoir une unité de négociation unique éliminerait les litiges concernant le « travail » propre à chaque unité de négociation. Également, cela réduirait considérablement le nombre de séances de négociations collectives distinctes. Une unité de négociation unique témoignerait de la nouvelle efficacité à laquelle Viterra est parvenue maintenant qu’elle exerce ses activités en tant qu’entreprise unique.

[22] Aux paragraphes 6 et 7 de ses dernières observations écrites, le SSG a plaidé en faveur du statu quo et a demandé au Conseil de conserver la structure des unités de négociation existantes. Cependant, il a également présenté d’autres observations favorables à certains changements aux unités de négociation au cas où le Conseil déciderait d’intervenir. Par exemple, le

SSG a proposé que les unités AgPro Moosejaw et AgPro Saskatoon soient fusionnées avec l’unité des services ruraux et de l’entretien.

[23] Le SSG a également proposé que la description de l’unité administrative soit modifiée de façon à exclure les employés de bureau de Calgary et de Winnipeg. Il a soutenu que ces employés n’effectuaient pas du travail traditionnellement visé par l’accréditation, par exemple des services financiers à Winnipeg et des services à la haute direction à Calgary.

IV - Questions en litige

[24] Le Conseil doit trancher deux questions compte tenu de sa déclaration de vente d’entreprise et de sa décision de réviser les unités de négociation en vertu de l’article 45 du Code :

  1. Le Conseil devrait-il créer une unité de négociation unique pour les trois provinces et ordonner la tenue d’un scrutin auprès des employés pour savoir s’ils veulent ou non être représentés par le SSG?
  2. Si le Conseil ne crée pas une unité de négociation unique, doit-il modifier d’une autre façon la structure actuelle des unités de négociation?

V - Analyse et décision

i) Le Conseil devrait-il créer une unité de négociation unique pour les trois provinces et ordonner la tenue d'un scrutin auprès des employés pour savoir s'ils veulent ou non être représentés par le SSG?

[25] Dans ses observations écrites du 25 novembre 2008, Viterra a décrit le type d’unité de négociation unique au coeur de la présente demande :

Viterra soutient qu’une unité de négociation unique comprenant tous les employés visés par le Code qui sont affectés aux opérations des grains (y compris les cultures spéciales), à l’entretien, aux produits agricoles, à la recherche et au développement connexes et à des tâches administratives, à l’exception des employés travaillant dans les terminaux d’exportation en Colombie-Britannique et en Ontario, est l’unité qui convient le mieux du point de vue des relations de travail, car elle équilibre les intérêts partagés par les parties intéressées.

(traduction)

[26] Le Conseil ne rejette pas la suggestion de Viterra selon laquelle il accorde en général la préférence à des unités de négociation plus grandes. À de nombreuses reprises, le Conseil a regroupé plusieurs unités de négociation, même si les employés visés étaient représentés par des agents négociateurs différents, si cette fusion améliorait les relations du travail.

[27] Viterra a porté à l’attention du Conseil la décision récente que ce dernier avait rendue dans Dover Industries limitée et Dawn Food Products (Canada) ltée, 2008 CCRI 405 (Dover), dans laquelle le Conseil a regroupé une unité de production et une unité administrative. Le SSG et le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce en étaient les agents négociateurs. Le Conseil a regroupé les deux unités et a ordonné la tenue d’un scrutin pour déterminer qui serait l’agent négociateur.

[28] Le Conseil s’entend également avec Viterra pour dire que, dans les situations où il y a des négociations collectives de longue date, il est plus probable que le Conseil restructurera les unités de négociation.

[29] Il ne fait aucun doute en l’espèce que le Conseil a le pouvoir en vertu de l’article 18.1 du Code de créer l’unité de négociation unique que demande Viterra et d’ordonner la tenue d’un scrutin. En effet, même avant l’ajout de l’article 18.1 au Code, le prédécesseur du Conseil avait fusionné des unités de négociation et, à la suite d’une vente d’entreprise, ordonné la tenue d’un scrutin. Parfois, les scrutins n’offraient pas seulement le choix entre deux agents négociateurs concurrents, mais présentaient aussi la possibilité de choisir « aucun syndicat » (voir Airwest Airlines Ltd. et autres (1980), 42 di 247; et [1981] 1 Can LRBR 427 (CCRT no 288), aux pages 26; et 440).

[30] La question est de savoir si le Conseil doit agir ainsi dans les circonstances en l’espèce.

[31] Viterra n’a pas convaincu le Conseil qu’il doit créer une unité de négociation unique puis ordonner la tenue d’un scrutin auprès des employés inclus, tant ceux qui sont syndiqués que ceux qui ne le sont pas, pour déterminer s’ils veulent ou non que le SSG soit leur agent négociateur.

[32] Durant les plaidoiries, le Conseil a demandé l’avis de Viterra sur les conséquences possibles de sa demande. Il est possible que les membres du SSG perdent leurs droits de représentation, selon l’issue des résultats du scrutin. Viterra a soutenu que le Conseil ne devrait pas avancer des hypothèses quant aux résultats du scrutin. Le Conseil n’est pas de cet avis et estime qu’il peut prendre en considération les répercussions d’un regroupement d ’unités de négociation sur la volonté des employés.

[33] Plusieurs raisons motivent la décision du Conseil. Lorsqu’il existe plusieurs façons de restructurer des unités de négociation, et que certaines n’entraînent pas la disparition possible d’un agent négociateur de longue date, alors celles qui favorisent la négociation collective seront préférées. Les dispositions du Code sur la vente d’entreprise ont pour but de protéger les droits de négociation collective (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Bombardier Inc., [2001] 2 C.F. 429 (C.A.), au paragraphe 3).

[34] Dans le cadre du processus de vente d’entreprise auquel s’applique l’article 45, le Conseil détermine « si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement ». Il est rare que le Conseil procède à une restructuration dont l’une des conséquences prévisibles serait l’élimination d’un agent négociateur qui a représenté les employés pendant plus de 60 ans quand il existe d’autres options.

[35] Des principes de base régissant l’accréditation viennent également soutenir la conclusion du Conseil. Bien que Viterra puisse préférer que le SSG soit obligé d’essayer de représenter tous les employés des trois provinces, cette préférence va à l’encontre de la façon dont le Code est structuré.

[36] Les articles 24 et 28 du Code énoncent clairement qu’il revient à l’agent négociateur de proposer l’unité de négociation à l’égard de laquelle il veut obtenir les droits de représentation. Par exemple, le paragraphe 24(1) est libellé ainsi :

24.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des règlements d’application de l’alinéa 15e), un syndicat peut solliciter l’accréditation à titre d’agent négociateur d’une unité qu’il juge habile à négocier collectivement.

(c’est nous qui soulignons)

[37] Ce concept est repris à l’article 28, qui prévoit que le syndicat définit la portée de l’unité qu’il souhaite représenter :

28. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil doit accréditer un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;

b) il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[38] Le syndicat décide de la portée de sa représentation. Bien que le Conseil puisse refuser d’accorder une accréditation en vertu de l’article 28 s’il conclut que l’unité de négociation proposée par le syndicat n’est pas habile à négocier collectivement, il est par ailleurs tenu d’accorder l’accréditation si toutes les conditions sont remplies.

[39] En l’espèce, le SSG a identifié, au fil de nombreuses décennies, les employés qu’il désire représenter. Il a représenté l’unité des services ruraux et l’unité administrative pendant plus de 60 ans. Il a représenté l’unité de l’entretien pendant plus de 53 ans.

[40] Le Conseil reconnaît sans réserve que la portée de l’unité de négociation proposée par un syndicat n’est pas définitive. Dans une demande d’accréditation initiale, le Conseil peut imposer une unité de négociation différente s’il croit que l’unité proposée n’est pas habile à négocier.

[41] De manière semblable, dans le cadre d’une révision d’unités de négociation effectuée en vertu de l’article 18.1, un agent négociateur peut être obligé de rivaliser avec d’autres agents négociateurs existants pour obtenir le droit de représenter une unité de négociation fusionnée à l’égard de laquelle aucun agent négociateur n’a jamais demandé les droits de négociation.

[42] Néanmoins, dans le cas où il n’y a qu’un seul agent négociateur et où l’employeur semble dire que l’agent négociateur doit tenter de représenter tous les employés, syndiqués ou non, regroupés en une seule unité de négociation, le Conseil peut prendre en considération par analogie les principes de base du Code quand vient le temps de déterminer les unités de négociation.

[43] Bien qu’il arrive dans certaines restructurations d’unités de négociation qu’un agent négociateur perde ses droits de représentation au profit d’un autre, comme dans Dover, précitée, la situation du SSG en l’espèce est différente. Il n’y a pas d’agent négociateur concurrent. Un débat pour déterminer quel agent négociateur devrait représenter les employés dans le cas d’un regroupement d’unités diffère considérablement d’un débat pour déterminer si les employés devraient simplement avoir un agent négociateur.

[44] Viterra a tout à fait le droit de se structurer de la façon qui lui est la plus logique du point de vue commercial. Si Viterra souhaite exercer ses activités sans frontière entre l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, elle peut le faire du point de vue administratif. Le Conseil a déjà décrit cette situation au paragraphe 31 de la décision Viterra 442 :

[31] En août 2007, d’autres changements sont survenus au SWP. L’entreprise a changé sa dénomination sociale pour celle de « Viterra ». L’entreprise constituée des actifs du SWP et de AU allait être exploitée comme une nouvelle entité unique. Viterra a établi un plan de transition afin de créer une seule entreprise et de faciliter des synergies « sans tenir compte des limites artificielles qui existaient entre les provinces et les unités de négociation » (traduction).

[45] Cependant, le fait qu’un employeur ait légitimement décidé de se restructurer ne signifie pas que ses unités de négociation doivent être modifiées afin de tenir compte de la nouvelle structure organisationnelle. Au contraire, la structure des unités de négociation est un fait que l’employeur doit prendre en considération lorsqu’il se restructure. Il peut se structurer en une entreprise indivisible, mais il doit tout de même continuer de travailler avec la structure d’unités de négociation existante, à moins qu’il ne parvienne à convaincre le Conseil de la modifier.

[46] Même si l’unité unique proposée par Viterra n’est que l’une des issues possibles de la présente révision des unités de négociation, le Conseil n’est pas convaincu qu’il existe des raisons convaincantes liées aux relations du travail justifiant qu’on fasse droit à cette demande. En effet, faire droit à cette demande ferait fi de certains principes fondamentaux du Code concernant la protection des droits de négociation à la suite d’une vente d’entreprise et le fait qu’il revient généralement au syndicat, et non à l’employeur, de déterminer la portée de sa représentation.

[47] Le Conseil aurait tiré la même conclusion s’il avait révisé les unités de négociation en vertu du paragraphe 18.1(1) du Code.

ii) Si le Conseil ne crée pas une unité de négociation unique, doit-il modifier d’une autre façon la structure actuelle des unités de négociation?

[48] Comme il en a été question précédemment, la seule position défendue par Viterra est celle en faveur d’une unité de négociation unique et d’un scrutin auprès de tous les employés. Le SSG a soutenu que le Conseil ne devrait pas apporter de changements à part ceux qui ont déjà été apportés dans Viterra 442. Toutefois, le SSG a proposé d’autres restructurations possibles. Viterra a formulé certaines observations sur ces autres possibilités.

[49] L’article 45 du Code confère au Conseil le pouvoir de réviser les unités de négociation. Le fait que les parties soient en faveur du statu quo ou d’une restructuration complète n’empêche pas le Conseil d’examiner la structure des unités de négociation et de déterminer s’il convient ou non d’apporter des changements.

[50] En l’espèce, compte tenu de la preuve détaillée présentée par les parties, le Conseil a décidé de regrouper certaines des unités de négociation existantes en Saskatchewan.

a) Les unités en Saskatchewan, à l’exception de l’unité administrative, doivent être regroupées.

[51] Dans ses observations en faveur d’une unité de négociation unique, Viterra a présenté des éléments de preuve convaincants montrant qu’elle était aux prises avec une surabondance d’unités de négociation, des grandes comme des petites. Contrairement à plusieurs tribunaux provinciaux, le CCRI peut toujours revoir les accréditations qu’il accorde. Ceci permet au Conseil d’accréditer des unités de négociation plus petites, quoique habiles à négocier, afin de favoriser la négociation collective. Le Conseil conserve le pouvoir de remédier à la prolifération d’unités de négociation lorsque la situation le demande.

[52] Viterra a soutenu de manière convaincante que le grand nombre d’unités de négociation et les négociations connexes ont des répercussions sur ses relations du travail avec le SSG. Du point de vue des relations de travail, il est logique de réduire le nombre d’unités de négociation et le nombre de séances de négociations collectives.

[53] Le SSG a également convaincu le Conseil que les négociations entre les parties ont toujours porté fruit, et ce, depuis de nombreuses années. En fait, Viterra a récemment réussi à négocier plusieurs conventions collectives ayant des modalités quasi identiques, ce qui atténuera les répercussions du regroupement d’unités de négociation.

[54] Par conséquent, le Conseil a décidé de fusionner l’unité des services ruraux avec l’unité de l’entretien. La preuve révèle que ces deux unités ont négocié conjointement au fil des ans et qu’une seule convention collective s’applique déjà à elles.

[55] Le Conseil ajoutera également à cette nouvelle unité les unités AgPro Moosejaw et AgPro Saskatoon. Les intérêts communs que ces deux unités partagent avec les deux unités fusionnées précédemment convainquent le Conseil qu’il vaut mieux à long terme, du point de vue des négociations collectives, avoir une seule unité, plutôt que les quatre unités existantes.

[56] Le Conseil donne aux parties 30 jours à partir de la date des présents motifs pour présenter des observations sur les détails du regroupement des quatre unités de négociation. Par exemple, le Conseil prend note du fait que les quatre conventions collectives n’ont pas la même durée. Ces observations aideront le Conseil à appliquer le paragraphe 18.1(4) du Code.

[57] Le Conseil modifiera aussi la description de l’unité administrative actuelle pour qu’elle ne comprenne que les employés du siège social à Regina. Les employés à Winnipeg effectuent du travail qui va au-delà de celui effectué par les membres de l’unité de négociation initiale du SSG. Les employés à Calgary qui travaillent dans les bureaux de la direction effectuent également du travail qui va au-delà de celui relevant de l’unité initiale. La description de l’unité doit être mise à jour pour tenir compte de cette situation. Le Conseil n’est pas convaincu que l’unité administrative devrait être ajoutée à l’autre unité nouvellement fusionnée, parce qu’elles ne partagent pas les mêmes intérêts.

b) Unités de négociation à l’extérieur de la Saskatchewan

[58] Comme il l’a été mentionné précédemment, une demande de révocation de l’accréditation visant l’unité AgPro Alberta-Manitoba est actuellement en instance. L’accréditation de l’unité de l’avenue Coulter a récemment été révoquée. L’unité de l’usine de haricots à Carman est une unité de cultures spécialisées autonome au Manitoba.

[59] Le Conseil n’a pas été convaincu qu’il doit modifier les unités existantes au Manitoba ou en Alberta.

VI - Conclusion

[60] Dans la présente décision, le Conseil a examiné la question de savoir s’il devait regrouper des unités de négociation à la suite de la déclaration de vente d’entreprise. Viterra a convaincu le Conseil qu’il fallait procéder à certains regroupements, mais pas de l’ampleur proposée.

[61] Le Conseil fusionnera quatre unités accréditées existantes dans la province de la Saskatchewan. Les parties disposent d’un court délai pour formuler des observations sur les aspects pratiques de cette fusion.

[62] Aucune autre unité de négociation ne sera modifiée.

[63] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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