Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

M. Ronald Schiller,

plaignant,

et


Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada),

intimé,

et

Detroit & Canada Tunnel Corporation,

employeur.

Dossier du Conseil : 26703-C
Décision CCRI/CIRB no 435
Le 9 janvier 2009

Le Conseil se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. Normand Rivard et André Lecavalier, Membres. L’affaire a été entendue à Windsor, les 24 et 25 novembre 2008.

Ont comparu
Me Peter Hrastovec, pour M. Ronald Schiller;
M. Michael Renaud, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada);
Me Jean Leslie Marentette, pour Detroit & Canada Tunnel Corporation.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I - Nature de la demande

[1] Le 31 janvier 2008, le Conseil a reçu de M. Ronald Schiller fils (M. Schiller) une plainte de manquement au devoir de représentation juste en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail (Partie I - Relations de travail) (le Code). M. Schiller était membre du Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada) (le TCA). Il était employé comme agent de circulation par la Detroit & Canada Tunnel Corporation (collectivement appelée  «Tunnel » par les parties) et comptait 19,5 années de service. Tunnel exploite une autoroute internationale à péage entre les villes de Windsor et de Detroit.

[2] Le 28 août 2007, Tunnel a congédié M. Schiller parce qu’il se serait livré à certaines activités durant un congé de maladie. Le TCA a décidé de ne pas porter le grief de M. Schiller à l’arbitrage, malgré ses nombreuses années de service et son dossier disciplinaire sans tache.

II - Faits

[3] Aux alentours du 8 juin 2007, M. Schiller a présenté une demande de congé à Tunnel. Il voulait s’absenter pendant les mois de juillet, août et septembre pour  «m’occuper de ma famille » (traduction).

[4] M. Schiller allègue que Tunnel a rejeté sa demande; or, dans une lettre du 12 juin 2007, Tunnel dit avoir besoin de renseignements complémentaires pour étudier sa demande. Tunnel réitère d’ailleurs sa position dans une lettre en date du 15 juin 2007.

[5] M. Schiller n’a pas révélé à Tunnel, à ce moment-là, qu’il avait lui-même des problèmes de santé. Dans son témoignage, il a reconnu avoir dit que, si sa demande de congé était refusée, il allait trouver un autre moyen pour s’absenter du travail. Ses propos ont été entendus par le président de la section locale, M. Paul Adams, et un membre de la direction de Tunnel.

[6] Peu de temps après, M. Schiller a consulté son médecin, Dr P.Y. Soong, qui lui a délivré le certificat suivant :

Inapte à travailler du 20 juin au 19 août 2007

Retour au travail : le 20 août 2007

(traduction)

[7] M. Schiller a indiqué, à l’audience, que ses problèmes de santé étaient liés à son travail à Tunnel.

[8] À la demande de Tunnel, M. Schiller a remis un formulaire d’évaluation de ses capacités fonctionnelles à son médecin. Dr Soong a rempli le formulaire le 13 juillet 2007, en fournissant des détails sur les limitations de M. Schiller.

[9] M. Schiller a aussi rempli une demande d’indemnités de maladie et d’accident (M et A) à l’intention de l’assureur de Tunnel, La Great West, compagnie d’assurance vie (GW), qui a refusé de les lui accorder.

[10] Sur la demande de M et A, M. Schiller avait répondu par la négative aux questions suivantes :

4. Avez-vous accompli d’autres types de travail depuis cette date? [ ] Oui [X] Non

Si oui, décrivez le type travail

5. Êtes-vous capable d’accomplir un autre type de travail? [ ] Oui [X] Non

Si oui, décrivez le type de travail

(traduction)

[11] Il était de notoriété publique à Tunnel que M. Schiller exploitait une entreprise d’aménagement paysager et de déneigement. Tunnel avait d’ailleurs fait appel à ses services dans le passé. Le président de la section locale de M. Schiller, M. Adams, l’avait aidé à obtenir des contrats du TCA pour son entreprise.

[12] Après avoir reçu divers rapports médicaux, Tunnel a fait appel à un enquêteur privé pour filmer M. Schiller. L’enquêteur a filmé M. Schiller sur bande vidéo du 8 au 10 août 2007, mais il s’est fait prendre sur le fait par M. Schiller, le 10 août 2007, et la surveillance a cessé.

[13] Le 14 août 2007, Tunnel a remis une lettre à M. Adams, conformément à la clause 17.01 de la convention collective. Selon Tunnel, M. Schiller  «exploitait activement son entreprise, ce qui était incompatible avec sa demande de congé de maladie » (traduction).

[14] Le 21 août 2007, M. Schiller, accompagné de M. Adams, a eu une rencontre avec des représentants de Tunnel, au cours de laquelle il a répondu à des questions à propos de ses activités.

[15] Le 28 août 2007, Tunnel a réitéré dans la lettre de congédiement adressée à M. Schiller les motifs mentionnés dans sa lettre du 14 août 2007. M. Adams a présenté un grief pour le compte de M. Schiller le jour même.

[16] Le 18 septembre 2007, les représentants du TCA ont rencontré la direction de Tunnel, qui les a autorisés à visionner la bande vidéo de l’enquêteur privé. Tunnel s’est opposé à ce que M. Schiller soit présent et a refusé de fournir une copie de la bande au TCA.

[17] Les représentants du TCA ont pris des notes, puis ont rédigé un rapport sur ce qu’ils avaient vu sur la bande vidéo. Ils ont fait parvenir ces renseignements à M. Schiller. Ce dernier n’avait jamais visionné la bande vidéo proprement dite avant que le TCA n’ait retiré son grief.

[18] M. Schiller a nié qu’il travaillait pour sa propre entreprise, tout en admettant que, sur la bande vidéo du 10 août 2007, on le voyait transporter une porte de réfrigérateur, déplacer un camion à benne ou assis dans des camions. Les activités filmées les 8 et 9 août 2007, telles que les visites au Tim Hortons, n’avaient, semble-t-il, à peu près rien à voir avec son entreprise.

[19] Après le visionnement de la bande vidéo, le TCA a obtenu de Tunnel une prolongation du délai pour examiner l’affaire de façon plus approfondie. Durant cette période, le TCA a rencontré M. Schiller, puis il lui a fait parvenir une lettre, en date du 19 septembre 2007, dans laquelle il se disait « vivement préoccupé » (traduction) par l’affaire en question.

[20] La lettre contenait aussi des questions destinées à Dr Soong. Selon le TCA, M. Schiller lui avait indiqué que Dr Soong était au courant de sa demande de congé et de son intention de travailler pour sa propre entreprise durant son absence du travail.

[21] M. Schiller a par la suite fourni une lettre de Dr Soong, en date du 5 octobre 2007, qui contenait les paragraphes suivants :

Je ne savais pas que Ronald avait présenté une demande de congé, le 8 juin 2007.

Je ne savais pas non plus qu’il avait l’intention de travailler pour son entreprise personnelle durant son absence du travail.

Je ne suis pas disposé à témoigner.

(traduction)

[22] Le 25 octobre 2007, des représentants du TCA ont tenu une  «réunion d’évaluation » (traduction) dans le but de décider si le grief devait être porté à l’arbitrage. Ils savaient que M. Schiller tentait d’obtenir des précisions supplémentaires de Dr Soong. Compte tenu de cette preuve, ils ne pensaient pas qu’ils donneraient suite au grief. Selon eux, M. Schiller ne jouait pas franc jeu à propos de ce qui s’était passé.

[23] Les représentants du TCA ont ensuite pris connaissance d’une seconde lettre de Dr Soong. Il leur semblait que Dr Soong ne répondait pas expressément aux questions clés qu’ils se posaient, c’est-à-dire est-ce que M. Schiller avait informé Dr Soong de sa demande de congé ou de son intention de travailler pour sa propre entreprise?

[24] Les représentants du TCA n’ont pas communiqué avec Dr Soong pour l’interroger.

[25] Au terme de la réunion d’évaluation et après examen de la seconde lettre de Dr Soong, le TCA a confirmé sa décision de ne pas porter le grief de M. Schiller à l’arbitrage. Il a rencontré M. Schiller pendant une trentaine de minutes pour lui expliquer les motifs de sa décision, qu’il a par la suite confirmée dans une lettre en date du 1er novembre 2007.

[26] Le TCA a informé M. Schiller qu’il pouvait se prévaloir du processus d’appel interne pour contester la décision. M. Schiller n’a pas interjeté appel, bien que le TCA ait admis, en contre-interrogatoire, que le grief ayant déjà été retiré, ce recours interne n’aurait vraisemblablement pas été d’une grande utilité pratique.

[27] Le TCA a également informé M. Schiller de la possibilité de déposer une plainte de manquement au devoir de représentation juste en vertu de l’article 37 du Code auprès du Conseil pour contester les actions du TCA.

III - Questions à trancher

[28] Il y a trois questions à trancher en l’espèce :

a) En quoi la décision de TCA de porter le grief d’un autre employé à l’arbitrage est-elle pertinente?

b) Le TCA a-t-il agi de mauvaise foi en raison de l’existence d’un présumé conflit de personnalité entre M. Adams et M. Schiller?

c) Le TCA s’est-il acquitté de son devoir de représentation juste?

IV - Le devoir de représentation juste

[29] L’article 37 du Code est libellé comme suit :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[30] Les parties n’ont pas contesté les principes bien connus qui s’appliquent aux plaintes de manquement au devoir de représentation juste.

[31] Sauf si la convention collective contient une disposition contraire, un employé n’a pas le droit absolu de faire porter son grief à l’arbitrage, même s’il a subi de dures sanctions disciplinaires ou s’il a été licencié. Dans Virginia McRaeJackson et autres, [2004] CCRI no 290; et 115 CLRBR (2d) 161 le Conseil a observé ceci :

[19] Dans la plupart des conventions collectives, les employés n’ont pas le droit absolu de faire porter leurs griefs à l’arbitrage (voir Garry Little, [2001] CCRI no 114), même s’ils ont subi de dures sanctions disciplinaires ou s’ils ont été licenciés (voir Yvonne Misiura, précitée), voire contraints à démissionner (voir Tadele Lemi, [1999] CCRI no 24). Là encore, le rôle du Conseil consiste à se prononcer sur l’approche décisionnelle du syndicat (voir Ghislaine Gagné, [1999] CCRI no 18).

[32] Un syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi ou dans un but illégitime. Voici un exemple de mauvaise foi : un dirigeant syndical laisse ses sentiments personnels influer sur la décision de donner suite ou non à un grief. Un syndicat n’a pas le droit de faire des distinctions qui sont fondées sur l’âge, la race, la religion, l’orientation sexuelle ou l’état de santé. Cependant, un traitement différent n’est pas toujours considéré comme de la discrimination. Le fait de porter le grief d’un employé à l’arbitrage, mais pas celui d’un autre, quand il existe des raisons pertinentes de faire cette distinction, n’est pas de la discrimination.

[33] Un syndicat ne peut non plus agir de manière arbitraire en s’en tenant à un examen superficiel des faits ou du bien-fondé de l’affaire. Sa conduite sera qualifiée d’arbitraire s’il ne fait pas enquête pour savoir quelles étaient les circonstances entourant le grief ou s’il n’évalue pas l’affaire de manière raisonnable.

[34] Les dirigeants syndicaux peuvent se tromper de bonne foi, c’est-à-dire qu’ils peuvent faire erreur dans leur évaluation d’un grief, sans que cela constitue une conduite arbitraire. Comme le Conseil l’indique au paragraphe 37 de Virginia McRaeJackson et autres, précitée :

[37] Par conséquent, le Conseil juge normalement que le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste s’il a : a) fait enquête sur le grief et obtenu tous les détails relatifs à l’affaire, y compris la version de l’employé, b) déterminé si le grief était fondé, c) tiré des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief et d) informé l’employé des raisons de sa décision de ne pas donner suite au grief ou de ne pas le renvoyer à l’arbitrage.

[35] Bref, le Conseil examine le processus suivi par le syndicat afin de déterminer si ce dernier a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

[36] Les employeurs ont un rôle limité dans les plaintes de manquement au devoir de représentation juste. Le Conseil explique brièvement pourquoi au paragraphe 47 de Virginia McRaeJackson et autres, précitée :

[47] L’employeur n’est pas une partie principale dans les procédures fondées sur l’article 37. Ses actions ne sont pas en cause, et il n’a rien à défendre. Dans la pratique, on l’ajoute à la liste des parties comme partie intéressée, puisque le résultat de la plainte (autrement dit le redressement imposé par le Conseil s’il l’accueille) peut avoir des répercussions sur ses intérêts. C’est pour cette raison que le Conseil donne à l’employeur la possibilité de présenter ses observations sur la question du redressement. L’employeur n’est qu’un observateur en ce qui concerne le bien-fondé de la plainte.

[37] Le Conseil a statué dans James H. Rousseau (1995), 98 di 80; et 95 CLLC 220-064 (CCRT no 1127) que  «[l]e Conseil refusera d’entendre de la part de l’employeur une deuxième défense pour le syndicat » (pages 110; et 143,561). Le Conseil a aussi expliqué, dans André Gagnon (1986), 63 di 194 (CCRT no 547), qu’il a limité le rôle de l’employeur afin d’éviter que le syndicat et l’employeur fassent front commun dans des plaintes de manquement au devoir de représentation juste :

La pratique du Conseil, au nom d’un minimum de fair-play envers le plaignant, est d’inviter l’employeur à s’en tenir à un rôle très discret dans les causes portant sur une violation de l’article 136.1 maintenant l’article 37 , du moins quant au bien-fondé de la plainte. En revanche, on l’invitera à se manifester lorsqu’il sera question de redressements susceptibles de neutraliser les conséquences négatives d’une pareille pratique déloyale, si le Conseil devait y faire droit.

(page 206)

[38] Dans certains cas, le Conseil peut autoriser l’employeur à fournir des renseignements à propos du bien-fondé de la plainte, afin de tirer certains faits au clair, mais il reste que, en règle générale, le rôle de l’employeur doit se limiter à celui d’observateur. Il appartient au syndicat de défendre lui-même ses actions.

V - Analyse et décision

a) En quoi la décision du TCA de porter le grief d’un autre employé à l’arbitrage est-elle pertinente?

[39] En l’espèce, M. Schiller a appelé à témoigner un autre employé qui avait été congédié, puis réintégré dans ses fonctions après que le TCA eut gain de cause à l’arbitrage. Le Conseil avait demandé à savoir en quoi ce témoignage était pertinent; on lui avait dit que ce témoin allait aussi présenter des éléments de preuve pertinents à la situation particulière de M. Schiller.

[40] Bien que le Conseil ait pris ce témoignage en délibéré, il estime que la décision, quelle qu’elle soit, que le TCA a prise dans une affaire d’arbitrage antérieure ne crée pas de précédent qui a force exécutoire pour l’avenir. Les affaires étaient très différentes, de sorte que le TCA n’a pas agi de manière discriminatoire en portant le dossier de l’autre employé à l’arbitrage, mais pas celui de M. Schiller.

[41] Chaque affaire est un cas d’espèce. Dans la présente affaire, le TCA avait le droit de tenir compte des faits contenus dans le dossier de M. Schiller et de ne pas se sentir lié par une décision qu’il avait prise plus tôt concernant un autre employé de Tunnel.

b) Le TCA a-t-il agi de mauvaise foi en raison de l’existence d’un présumé conflit de personnalité entre M. Adams et M. Schiller?

[42] Le Conseil a statué dans le passé qu’il y avait manquement au devoir de représentation juste lorsqu’un dirigeant syndical nourrissait de l’animosité personnelle contre un employé et décidait de ne pas porter son dossier à l’arbitrage.

[43] Dans la présente plainte, M. Schiller indique qu’il n’était pas en bons termes avec M. Adams, le président de la section locale, et que c’est la raison pour laquelle son dossier n’a pas été porté à l’arbitrage.

[44] La preuve n’appuie pas cette affirmation.

[45] La preuve révèle que M. Schiller en serait venu aux coups avec M. Adams en 1989. M. Schiller s’est également plaint que M. Adams n’avait pas bien représenté son père, en 1989, au sujet d’une question d’ancienneté. De plus, M. Adams l’a emporté par trois voix seulement sur M. Schiller lors d’une élection récente visant à combler le poste de président général.

[46] Mais la preuve montre aussi que M. Adams est maintes fois venu en aide à M. Schiller. Par exemple, lorsque ce dernier a tenté d’obtenir un congé, en juin 2007, M. Adams lui a demandé de lui fournir une lettre, ce qui lui permettrait de voir ce qu’il pouvait faire. M. Adams était même prêt à laisser Tunnel embaucher un travailleur à temps partiel, une source d’économies pour Tunnel, afin de remplacer M. Schiller.

[47] M. Adams a également aidé M. Schiller à obtenir des contrats du TCA pour son entreprise d’aménagement paysager, et M. Schiller lui a prêté main-forte, en toute amitié, pour effectuer quelques travaux récents de rénovation.

[48] En contre-interrogatoire, M. Adams a déclaré que, si la décision lui avait appartenu, il aurait porté le grief de M. Schiller à l’arbitrage. Il a ajouté que, durant ses quelque 18 années de carrière comme président de la section locale, il avait porté environ quatre dossiers à l’arbitrage, étant donné que l’unité de négociation ne comprenait qu’une quarantaine d’employés. Des représentants plus chevronnés du TCA évaluaient les griefs afin de déterminer s’il y avait lieu de les renvoyer à l’arbitrage.

[49] La preuve révèle également que les autres représentants du TCA qui ont participé à la décision à propos du renvoi à l’arbitrage n’ont entendu parler d’un présumé conflit de personnalité entre M. Adams et M. Schiller que fort longtemps après que la décision de ne pas porter le grief à l’arbitrage avait été prise.

[50] Par conséquent, le Conseil ne peut conclure que M. Adams avait un parti pris contre M. Schiller, et il rejette cet aspect de la plainte.

c) Le TCA s’est-il acquitté de son devoir de représentation juste?

[51] Le Conseil a décidé de rejeter la plainte de M. Schiller.

[52] Lorsqu’un agent négociateur décide de ne pas porter un grief de congédiement à l’arbitrage, surtout si l’employé en question compte pas loin d’une vingtaine d’années de service et a un dossier disciplinaire sans tache, le Conseil examinera attentivement le processus suivi pour en arriver à la décision de ne pas donner au membre la chance de reprendre son poste.

[53] Bien entendu, le fait de ne pas avoir eu la possibilité de défendre son dossier devant un tiers indépendant a eu de lourdes conséquences pour M. Schiller.

[54] M. Schiller a prétendu que le TCA avait bâclé son enquête, au point que cela équivalait à une conduite arbitraire.

[55] Pour illustrer son propos, M. Schiller a soutenu que le TCA n’avait pas tenu compte de la preuve médicale provenant de Dr Soong, en dépit du fait que Tunnel n’avait pas exigé d’examen médical indépendant. Il a fait valoir qu’aucune preuve médicale ne le forçait à garder le lit pendant qu’il était en congé. Il a aussi affirmé que tous savaient qu’il possédait une entreprise et qu’aucune des activités qui ont été filmées, y compris celles qui étaient reliées à son entreprise, n’était incompatible avec le diagnostic médical.

[56] M. Schiller a également prétendu que les allégations explicites que Tunnel avaient énumérées dans la lettre de congédiement reposaient sur une preuve à peu près inexistante. Le Conseil croit comprendre que cet argument fait référence au fait que, si Tunnel n’était pas capable de justifier tous les motifs de congédiement mentionnés dans la lettre, un arbitre interviendrait et modifierait la sanction imposée.

[57] Le TCA a prétendu qu’il lui semblait que M. Schiller ne jouait pas franc jeu. D’après le TCA, M. Schiller avait rempli des formulaires et fourni un certificat de maladie indiquant qu’il n’était pas apte à travailler. Or, sur la bande vidéo du 10 août 2007, il avait pourtant l’air de travailler. De plus, le TCA a insisté sur le fait que, lorsque M. Schiller a constaté que sa demande de congé n’était pas approuvée rapidement, il a dit à M. Adams, alors qu’il se trouvait à portée de voix d’un membre de la direction de Tunnel, qu’il allait obtenir le congé autrement.

[58] Le TCA a également attiré l’attention sur le fait que les deux lettres de Dr Soong ne lui semblaient pas corroborer la position de M. Schiller selon laquelle ce dernier avait informé Dr Soong de sa demande de congé et de son intention de continuer à s’occuper de son entreprise d’aménagement paysager.

[59] Dans une affaire de manquement au devoir de représentation juste, le Conseil ne siège pas en appel de la décision de l’agent négociateur. Il s’assure cependant que l’agent négociateur en est arrivé à sa décision d’une manière qui n’était ni arbitraire, ni discriminatoire, ni entachée de mauvaise foi.

[60] En l’espèce, le Conseil est convaincu que le différend entre M. Schiller et le TCA se résume à une question de point de vue. M. Schiller est en désaccord, et ça se comprend, avec le TCA qui avait décidé de ne pas lui donner la chance de contester son congédiement. De plus, il savait parfaitement que Tunnel aurait eu le fardeau de la preuve et que l’arbitre, même s’il concluait que Tunnel avait prouvé le bien-fondé de l’affaire, pouvait toujours intervenir et modifier la sanction imposée.

[61] Cependant, la preuve démontre que le TCA a mené une enquête et qu’il a pris certaines décisions discrétionnaires à propos du renvoi de l’affaire à l’arbitrage. Le TCA s’est empressé de contester le congédiement de M. Schiller; il a tenté d’obtenir une entente de la dernière chance pour régler le grief, après avoir obtenu le feu vert de M. Schiller; il s’est employé à obtenir des preuves supplémentaires de Dr Soong afin d’apprécier la solidité des arguments qu’il aurait à présenter à l’arbitre.

[62] Le TCA a de toute évidence examiné la documentation dont il disposait, et qui a été reproduite en partie ci-dessus, et qu’il ne partageait pas le point de vue de M. Schiller à propos de l’effet que cette documentation aurait à l’arbitrage.

[63] Selon le Conseil, il est évident qu’un autre agent négociateur aurait très bien pu adopter la solution préconisée par M. Schiller, vu les vastes pouvoirs de redressement qui sont dévolus aux arbitres et le dossier sans tache de M. Schiller.

[64] Toutefois, le rôle du Conseil n’est pas de choisir entre deux points de vue, celui de M. Schiller ou celui de son agent négociateur. Il doit plutôt déterminer si le processus suivi par le TCA pour en arriver à sa décision de ne pas porter le grief à l’arbitrage n’était ni arbitraire, ni discriminatoire, ni entaché de mauvaise foi.

[65] Se fondant sur la preuve décrite ci-dessus concernant les nombreuses étapes que le TCA a suivies pour en arriver à sa décision, le Conseil ne peut conclure que le TCA a agi en violation de l’article 37 du Code.

[66] Pour les motifs exposés ci-dessus, la plainte est rejetée.

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