Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Mohammad Mughal,

plaignant,

et

Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, district des transports 140,

intimée,

et

Air Canada,

employeur.

Dossier du Conseil : 26433-C

CITÉ : Mohammad Mughal

Référence neutre : 2008 CCRI 418
Le 18 septembre 2008


Il s’agit d’une plainte déposée en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail, Partie I (le Code).

Devoir de représentation juste – Pratique et procédure – Le plaignant allègue que son agent négociateur a agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en ne préparant pas un dossier suffisamment étoffé pour l’audience d’arbitrage – Le plaignant allègue également que le syndicat ne l’a pas avisé d’un délai que l’arbitre lui aurait accordé pour soumettre des éléments de preuve supplémentaires – Il n’appartient pas au Conseil d’examiner en appel les décisions que les syndicats doivent prendre lorsqu’ils représentent leurs membres – Le Conseil ne remet pas en question la manière dont le syndicat a défendu une cause à l’arbitrage, sauf s’il estime que le syndicat a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi – Le Conseil examine plutôt le processus que le syndicat a suivi pour en arriver à sa décision – La représentation que le syndicat a fournie au plaignant satisfait aux exigences du Code – Le syndicat a rencontré le plaignant avant la tenue de l’audience, a produit à l’audience d’arbitrage les documents que le plaignant lui avait fournis, s’est employé à convaincre l’arbitre de trouver une solution au différend par la voie de la médiation et a communiqué à l’arbitre les documents reçus du plaignant après avoir reçu la décision – Le Conseil n’est pas convaincu que le processus suivi par le syndicat pour venir en aide au plaignant dans la présente affaire pourrait constituer une conduite arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi – Le Conseil a également examiné l’argument du plaignant selon lequel le syndicat aurait manqué au devoir de représentation juste qui lui est imposé par le Code en ne produisant pas d’éléments de preuve supplémentaires après la tenue de l’audience – Le Conseil n’est pas convaincu que la décision stratégique du syndicat de terminer sa plaidoirie au lieu d’obtenir l’autorisation de produire des éléments de preuve supplémentaires équivalait à une violation du Code – Le Conseil a examiné l’allégation selon laquelle le syndicat aurait modifié sa position à propos de la possibilité de présenter des éléments de preuve supplémentaires à l’arbitre après que le plaignant eut retenu les services d’un conseiller juridique – Si un agent négociateur avait eu la possibilité de produire des éléments de preuve supplémentaires mais avait décidé de ne pas en aviser l’employé s’estimant lésé et, détail plus important encore, avait nié par la suite avoir eu l’occasion de le faire, le Conseil envisagerait alors sérieusement la possibilité qu’il y ait eu violation du Code – Le Conseil conclut que le syndicat n’a pas obtenu de délai explicite – Le Conseil rejette la plainte.

Preuve – Pratique et procédure – Dans ses observations, le syndicat a fait référence à des événements qui sont survenus durant la séance de médiation avec un agent des relations du travail du Conseil – Le syndicat a mentionné qu’il avait fait une offre en vue de résoudre le différend – Les discussions qui se tiennent devant un agent des relations du travail du Conseil durant la séance de médiation sont strictement confidentielles – Si les parties hésitaient à parler franchement à l’agent des relations du travail de crainte que leur position de conciliation soit ultérieurement communiquée au banc du Conseil chargé d’entendre l’affaire, il serait alors impossible de régler les affaires – Le Code reconnaît l’importance de protéger le contenu des discussions tenues dans le cadre des séances de médiation et de conciliation qui se tiennent avec des agents des relations du travail – Leur contenu ne sera jamais communiqué à un banc du Conseil – Les parties ne doivent pas communiquer le contenu de leurs discussions en vue d’en arriver à un règlement au banc du Conseil qui entend l’affaire – L’application de ces principes bien établis fera en sorte que le Conseil pourra continuer de régler une bonne partie des affaires qui lui sont soumises – Le Conseil rejette la plainte.


Le Conseil se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. Patrick J. Heinke et Daniel Charbonneau, Membres. Une audience a été tenue à Toronto, le 17 juillet 2008.

Ont comparu
Me Raj Anand, pour M. Mohammad Mughal;
M. Jim Coller, pour l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, district des transports 140;
Me Jennifer Black, pour Air Canada.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Contexte

[1] Le 3 août 2007, le Conseil a reçu une plainte de manquement au devoir de représentation juste en vertu de l’article 37 du Code, déposée par M. Mohammad Mughal. L’article 37 est libellé comme suit :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[2] Dans cette plainte, M. Mughal allègue que son agent négociateur, en l’occurrence l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, district des transports 140 (l’AIMTA), a agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en ne préparant pas un dossier suffisamment étoffé pour l’audience d’arbitrage.

[3] M. Mughal allègue également que l’AIMTA ne l’a pas avisé d’un délai que l’arbitre lui aurait accordé pour soumettre des éléments de preuve supplémentaires. Il prétend que ce dernier manquement est aggravé par le fait que l’AIMTA a ultérieurement nié qu’un tel délai avait été accordé.

[4] Le Conseil a tenu une audience pour entendre les témoins, le 17 juillet 2008. Au 5 août 2008, le Conseil avait reçu les observations finales écrites des parties.

II – Faits

[5] M. Mughal a travaillé pour Air Canada pendant six ans environ.

[6] Dans une décision rendue le 7 décembre 2006, l’arbitre M.B. Keller a confirmé le congédiement de M. Mughal par Air Canada. D’après la décision, Air Canada et M. Mughal avaient signé une « entente de la dernière chance ». L’arbitre Keller a conclu ceci : « Je suis convaincu que l’employé s’estimant lésé a contrevenu deux fois plutôt qu’une à l’entente de la dernière chance, qu’il a de la difficulté à maîtriser sa colère et qu’il a brisé de façon irrémédiable son lien d’emploi avec l’employeur ». (traduction)

[7] À la suite de cette décision, M. Mughal a fourni des documents supplémentaires à l’AIMTA à l’appui de sa cause.

[8] Les trois documents, qui constituent les annexes 2, 3 et 4 de la présente plainte, proviennent de l’épouse de M. Mughal, d’un médecin et d’un clinicien de l’hôpital Toronto Western et contiennent des témoignages en faveur de M. Mughal.

[9] L’AIMTA a transmis les trois documents à l’arbitre Keller par une lettre datée du 11 janvier 2007.

[10] Le 17 janvier 2007, M. John Beveridge, gestionnaire des Relations du travail, à Air Canada, qui avait plaidé l’affaire à l’arbitrage pour le compte de l’employeur a écrit à l’arbitre Keller :

... Notre position est qu’un délai a été accordé à l’entreprise et au syndicat à la fin de l’audience pour produire des éléments de preuve et des documents supplémentaires. La décision a maintenant été rendue et nous estimons que le dossier ne peut plus être rouvert. Nous demandons respectueusement que le dossier demeure fermé.

(traduction)

[11] Le 19 janvier 2007, l’arbitre Keller a écrit aux parties pour les informer qu’il était devenu dessaisi de l’affaire dès l’instant où il avait rendu sa décision et qu’il ne pouvait pas prendre en considération la nouvelle preuve présentée par l’AIMTA.

[12] Le 5 février 2007, M. Mughal a fait parvenir une lettre écrite au président d’Air Canada, dans laquelle il écrit notamment ceci : « Depuis que la décision a été rendue, j’ai été à même de recueillir des renseignements complémentaires à l’égard de mon dossier. Le syndicat les a transmis à l’arbitre Keller, mais ce dernier ne peut en prendre connaissance sans l’accord des deux parties ». (traduction)

[13] M. Mughal demandait à Air Canada de consentir à ce que l’arbitre Keller examine les nouveaux renseignements.

[14] Dans une autre lettre au président d’Air Canada, en date du 22 février 2007, M. Mughal écrit notamment ceci :

... Depuis que la décision a été rendue, j’ai été à même de recueillir des renseignements complémentaires au soutien de ma cause, comme en témoignent la présente lettre et les renseignements fournis ci-dessous...

...

... Je vous demande de m’accorder une autre chance de présenter ma cause à l’arbitre et je vous promets que je me conformerai et me soumettrai à la décision de l’arbitre...

(traduction)

[15] Le 8 mai 2007, Air Canada a communiqué sa réponse à M. Mughal. M. Frank Szemenyei, directeur des Relations du travail, qui n’était pas présent à l’audience d’arbitrage, écrivait en partie ceci :

Je crois comprendre que votre cause a été entendue par l’arbitre Keller. Il vous a accordé une dernière chance durant le processus d’arbitrage de soumettre des éléments de preuve et des documents supplémentaires avant que la décision ne soit rendue.

(traduction)

[16] Incapable de dénouer l’impasse, M. Mughal aurait alors retenu les services d’un conseiller juridique, dont la première lettre à l’AIMTA est datée du 14 mai 2007.

[17] L’affaire qui nous occupe porte essentiellement sur la confusion qui existe à propos de ce qui a été dit à l’audience d’arbitrage concernant la production d’éléments de preuve supplémentaires.

[18] Comme en témoigne la lettre du conseiller juridique de M. Mughal en date du 14 mai 2007, M. Mughal a tiré la conclusion logique, à la lecture de la correspondance d’Air Canada, que l’arbitre Keller lui avait accordé un délai pour soumettre des renseignements complémentaires avant que la décision ne soit rendue. M. Mughal a fait valoir que l’AIMTA ne l’avait pas avisé de ce délai et qu’elle avait décidé de ne rien soumettre.

[19] M. Mughal a déclaré à l’audience que peu de temps après la tenue de l’audience d’arbitrage, mais avant que l’arbitre Keller ne rende sa décision, M. Terry Hanson, qui était membre du comité syndical de l’AIMTA en 2006 et qui avait participé à l’audience d’arbitrage, lui avait parlé de la possibilité de fournir des renseignements complémentaires.

[20] Les faits entourant la production des éléments de preuve supplémentaires sont devenus plus nébuleux lorsque l’AIMTA a fait parvenir une lettre au conseiller juridique de M. Mughal, le 19 juin 2007, dans laquelle elle écrivait notamment ceci : « Après avoir pris connaissance de votre dossier, l’arbitre Keller s’est rendu à la demande que lui a adressée Air Canada à la fin de l’audience et a accepté d’attendre jusqu’à la fin de novembre 2006 pour rendre sa décision ». (traduction) L’AIMTA indiquait ensuite qu’Air Canada n’avait finalement pas déposé de preuves ni de renseignements complémentaires et cela avait donc mis un terme à l’affaire. Le 11 juillet 2007, l’AIMTA a réitéré sa position, qui ne s’accorde pas vraiment avec le contenu de la correspondance d’Air Canada, concernant la possibilité de soumettre des renseignements complémentaires à l’arbitre Keller :

La position du syndicat est que l’entreprise a demandé à l’arbitre de lui accorder un peu plus de temps pour poursuivre son enquête sur de possibles accusations criminelles qu’elle souhaitait produire en preuve. Le syndicat n’a aucunement demandé à l’arbitre de lui accorder un délai supplémentaire pour produire des éléments de preuve que vous auriez en votre possession.

(traduction)

[21] Dans sa réponse, en date du 19 novembre 2007, à la plainte de M. Mughal, l’AIMTA continuait de soutenir que seule Air Canada avait obtenu un délai pour produire de nouveaux éléments de preuve.

[22] La réponse d’Air Canada à la plainte de M. Mughal a été déposée le 6 décembre 2007. Elle contient des observations sur la question de la présentation de preuve supplémentaire :

M. Beveridge faisait référence au droit d’une durée limitée de l’entreprise de produire des éléments de preuve supplémentaires à propos d’accusations criminelles qui avaient vraisemblablement été portées contre M. Mughal et au droit de l’AIMTA de répondre à ces nouveaux éléments de preuve, le cas échéant. Dans son résumé des faits, M. Beveridge ne donnait pas à entendre que le syndicat avait le droit de produire des éléments de preuve et des documents supplémentaires à titre indépendant.

(traduction; souligné dans l’original)

[23] Bref, Air Canada souscrivait à la version des faits de l’AIMTA à propos de la production de renseignements complémentaires au terme de l’audience du 8 novembre 2006 présidée par l’arbitre Keller.

III – Le devoir de représentation juste

[24] Dans le cadre d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste, le Conseil a un rôle bien défini.

[25] Il n’appartient pas au Conseil d’examiner en appel des décisions importantes que les syndicats doivent prendre lorsqu’ils représentent leurs membres. C’est au syndicat qu’il appartient de déterminer, notamment, si un grief doit être renvoyé à l’arbitrage ou si une affaire en litige doit être réglée ou encore de quelle façon une affaire particulière doit être traitée.

[26] Le Conseil ne remet pas en question la manière dont le syndicat a défendu une cause à l’arbitrage, sauf s’il estime que le syndicat a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

[27] Le Conseil examine plutôt le processus que le syndicat a suivi pour en arriver à sa décision. En ce qui concerne ce processus, le Code interdit au syndicat d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard de ses membres dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention collective.

[28] Le Code fixe également des délais très fermes pour le dépôt d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste. Le paragraphe 97(2) est libellé comme suit :

97.(2) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.

[29] La jurisprudence du Conseil a établi de façon constante que le délai commence à courir le jour où survient l’acte illégal (voir BHP Diamonds Inc., Securecheck et Klemke Mining Corporation, 2000 CCRI 81).

[30] Le sous-alinéa 16m.1) du Code accorde par ailleurs au Conseil le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai fixé pour la présentation d’une plainte :

16m.1) proroger les délais fixés par la présente partie pour la présentation d’une demande;

[31] Le Conseil a interprété cette disposition de manière restrictive, de sorte qu’il refuse généralement de proroger les délais, sauf dans des circonstances exceptionnelles (voir Louise Galarneau, 2003 CCRI 239). Le court délai qui est fixé par le Code pour la présentation d’une plainte montre qu’il est essentiel que les employeurs, les syndicats et les employés concernés saisissent rapidement le Conseil de leurs différends.

IV – Analyse et décision

[32] Le Conseil se serait vraisemblablement interrogé sur la possibilité que la plainte soit hors délai si M. Mughal avait soulevé exclusivement la question de la qualité de la représentation qui lui a été fournie durant la période précédant la tenue de l’audience d’arbitrage et pendant l’audience proprement dite qui a eu lieu le 8 novembre 2006. L’argumentation de M. Mughal devant le Conseil porte en grande partie sur le dossier qu’a constitué l’AIMTA en prévision de l’audience d’arbitrage et sur la manière dont elle a plaidé la cause en novembre 2006. M. Mughal prétend aussi que l’AIMTA aurait dû produire de nouveaux éléments de preuve après l’audience d’arbitrage compte tenu de la discussion qu’elle avait eue avec l’arbitre.

[33] Au lieu de déposer une plainte à propos de la qualité de la représentation du syndicat dans les 90 jours suivant la date de réception de la décision de l’arbitre Keller ou même dans les 90 jours suivant la date à laquelle il a appris que l’arbitre Keller avait refusé de prendre connaissance des nouveaux éléments de preuve, M. Mughal a décidé d’écrire à Air Canada pour convaincre l’entreprise d’accepter que l’arbitre Keller examine la nouvelle documentation.

[34] Il est fort probable que le délai fixé pour le dépôt d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste aurait continué de courir durant ce temps-là, si la plainte avait porté essentiellement sur la qualité de la représentation fournie en novembre 2006 (voir John Presseault, 2001 CCRI 138).

[35] Cependant, le Conseil n’a pas à se pencher sur la question possible du respect des délais.

[36] Le Conseil est convaincu que la représentation que l’AIMTA fournie à M. Mughal satisfait aux exigences du Code. Il a été établi que l’AIMTA avait rencontré M. Mughal avant la tenue de l’audience, bien que la preuve des parties à propos du nombre de rencontres qu’elles ont eues soit contradictoire. L’AIMTA a produit à l’audience d’arbitrage les documents que M. Mughal lui avait fournis; elle s’est employée à convaincre l’arbitre de trouver une solution au différend par la voie de la médiation et elle lui a communiqué les documents reçus de M. Mughal après avoir reçu la décision.

[37] Le Conseil n’est pas convaincu que le processus suivi par l’AIMTA pour venir en aide à M. Mughal dans la présente affaire pourrait constituer une conduite arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi au sens qui est attribué à ces termes dans le Code et selon l’interprétation qu’en fait la jurisprudence du Conseil.

[38] Le Conseil a également examiné l’argument du conseiller juridique de M. Mughal selon lequel l’AIMTA aurait manqué au devoir de représentation juste qui lui est imposé par le Code en ne produisant pas d’éléments de preuve supplémentaires après la tenue de l’audience.

[39] Même en faisait sien l’argument du conseiller juridique selon lequel l’AIMTA aurait pu poursuivre ses démarches, le Conseil doit quand même déterminer si l’AIMTA a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en décidant de ne pas poursuivre ses démarches. Le Conseil estime que ce manquement, si tant est que c’en soit un, ne satisferait toujours pas au critère exigeant établi par l’article 37 du Code.

[40] Le Conseil n’est pas convaincu que la décision stratégique de l’AIMTA de terminer sa plaidoirie au lieu d’obtenir l’autorisation de produire des éléments de preuve supplémentaires équivalait à une violation du Code, compte tenu des circonstances de la présente affaire.

[41] Le Conseil a examiné avec le plus grand soin l’allégation selon laquelle l’AIMTA aurait modifié sa position à propos de la possibilité de présenter des éléments de preuve supplémentaires à l’arbitre Keller après que M. Mughal eut retenu les services d’un conseiller juridique.

[42] Si un agent négociateur avait eu la possibilité de produire des éléments de preuve supplémentaires mais avait décidé de ne pas en aviser l’employé s’estimant lésé et, détail plus important encore, avait nié par la suite avoir eu l’occasion de le faire, le Conseil envisagerait alors sérieusement la possibilité qu’il y ait eu violation du Code.

[43] Le Conseil a examiné en profondeur les arguments du conseiller juridique de M. Mughal sur cette question. Les propos véhiculés par Air Canada dans ses lettres du 17 janvier et du 8 mai 2007 et dans sa réponse du 6 décembre 2007 sont effectivement incohérents. Les deux premières lettres laissent entendre qu’Air Canada et l’AIMTA ont toutes deux obtenu un délai pour présenter des éléments de preuve supplémentaires après la tenue de l’audience. Or, dans sa réponse à la plainte datée de plusieurs mois plus tard, Air Canada soutient que c’est seulement elle, et non l’AIMTA, qui a obtenu ce délai.

[44] Le Conseil accepte l’argument du procureur de M. Mughal selon lequel M. Hanson a parlé à M. Mughal de la possibilité de fournir des renseignements complémentaires, mais cela ne le convainc pas pour autant que l’AIMTA avait obtenu le droit de fournir de nouveaux renseignements à l’arbitre Keller.

[45] Les documents au dossier n’établissent pas que l’AIMTA avait obtenu un tel droit. Dans ses lettres à Air Canada en date du 5 et du 22 février 2007, M. Mughal indique seulement qu’il a recueilli des renseignements complémentaires depuis que la décision a été rendue. De même, si l’AIMTA avait obtenu un délai pour produire des renseignements complémentaires, il se trouve que ni la lettre d’Air Canada en date du 17 janvier 2007, ni la lettre de l’arbitre Keller en date du 19 janvier 2007 ne mentionnent que ce délai n’a pas été respecté par l’AIMTA.

[46] Le Conseil s’est employé à déterminer si M. Mughal, à qui incombe le fardeau de la preuve, a démontré que l’AIMTA avait bel et bien obtenu un délai, à l’audience d’arbitrage, pour fournir des renseignements complémentaires à l’arbitre Keller pour le compte de M. Mughal.

[47] Le Conseil conclut que l’AIMTA, qui défend la même position depuis le début, n’a pas obtenu de délai explicite.

[48] Pour déterminer que l’AIMTA a contrevenu au Code en l’espèce, le Conseil doit conclure que :

i) l’arbitre Keller a accordé un délai à l’AIMTA et à Air Canada pour produire des renseignements complémentaires;

ii) l’AIMTA a tenté d’obtenir de tels renseignements complémentaires auprès de M. Mughal;

iii) l’AIMTA a par la suite nié à tort que ce délai lui avait été accordé quand M. Mughal a retenu les services d’un conseiller juridique pour contester la qualité de la représentation qui lui avait été fournie.

[49] Le Conseil souscrit à l’argument du procureur de M. Mughal que les lettres d’Air Canada embrouillent considérablement la situation lorsqu’on les met en parallèle avec la réponse écrite et le témoignage de l’entreprise du 17 juillet 2007.

[50] Cela dit, la confusion que suscite la documentation d’Air Canada n’amène pas le Conseil à remettre en question la position que l’AIMTA a défendue de façon constante, dans ses écrits et dans le témoignage des deux représentants qui ont participé à l’audience, et voulant que ce soit seulement Air Canada qui ait obtenu un délai pour produire des éléments de preuve supplémentaires. M. Beveridge d’Air Canada a d’ailleurs attesté ce fait dans son témoignage. Le Conseil souscrit à l’argument selon lequel l’AIMTA avait terminé de présenter sa preuve à la fin de l’audience devant l’arbitre Keller et qu’elle a rapporté de façon honnête au procureur de M. Mughal les événements qui étaient survenus à l’audience.

[51] Comme il est indiqué au début de la présente décision, les parties ont présenté des arguments écrits après la tenue de l’audience du 17 juillet 2008.

[52] Dans ses observations, l’AIMTA a fait référence à des événements qui sont survenus durant la séance de médiation avec un agent des relations du travail du Conseil. L’AIMTA a mentionné qu’elle avait fait une offre en vue de résoudre le différend. Le procureur de M. Mughal a qualifié ces observations « de surprenantes et d’inadmissibles » (traduction).

[53] Les discussions qui se tiennent devant un agent des relations du travail du Conseil durant la séance de médiation sont strictement confidentielles. Si les parties hésitaient à parler franchement à l’agent des relations du travail de crainte que leur position de conciliation soit ultérieurement communiquée au banc du Conseil chargé d’entendre l’affaire, il serait alors impossible de régler les affaires.

[54] Le Code reconnaît l’importance de protéger le contenu des discussions tenues dans le cadre des séances de médiation et de conciliation qui se tiennent avec des agents des relations du travail. Ainsi, le Code prévoit que les agents des relations du travail ne peuvent pas être appelés à témoigner :

119. Les membres du Conseil ou d’une commission de conciliation, les conciliateurs, les commissaires-conciliateurs, les fonctionnaires ou autres personnes employés par le Conseil ou faisant partie de l’administration publique fédérale, ainsi que toutes les personnes nommées par le Conseil ou le ministre aux termes de la présente partie, ne sont pas tenus de déposer dans une action – ou toute autre procédure – au civil, relativement à des renseignements obtenus dans l’exercice des fonctions qui leur sont confiées en application de la présente partie.

[55] Le Conseil rappelle à toutes les parties que les discussions tenues dans le cadre des séances de conciliation qui se tiennent avec des agents des relations du travail du Conseil sont confidentielles. Leur contenu ne sera jamais communiqué à un banc du Conseil. De même, les parties ne doivent pas communiquer le contenu de leurs discussions de conciliation au banc du Conseil qui entend l’affaire.

[56] L’application de ces principes bien établis fera en sorte que le Conseil pourra continuer de régler une bonne partie des affaires qui lui sont soumises.

V – Conclusion

[57] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Conseil rejette la plainte de M. Mughal.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.